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Tutoriel

La lacto-fermentation, recette ancestrale


ultra simple pour faire ses conserves de
légumes
Par LAURENCE DE BODINAT le 24 avril 2020 Ateliers

Méthode ancienne de conservation des aliments, la lacto-


fermentation revient sur le devant de la scène grâce à ses
nombreux atouts : écologique, saine, simple, savoureuse,
sans cuisson.

La lacto-fermentation, « un jeu d’enfant ». Photo: Laurence de Bodinat.

epuis le néolithique, l’humanité utilise la fermentation pour conserver ses


aliments afin d’assurer sa santé et sa survie. La bière, le cidre, le vin sont des jus de fruits
fermentés ; le levain de la pâte à pain fermentée, les yaourts, le beurre, les fromages sont du
lait fermenté… Et il y a bien d’autres aliments fermentés encore présents dans les rayons de
nos magasins d’alimentation : cornichons, ketchup, etc.

Fermentation, salaison et déshydratation ont été les principaux moyens de conservation de nos
aliments pendant des millénaires, jusqu’à l’invention de l’appertisation, de la pasteurisation,
de la réfrigération et de la congélation au siècle dernier. Méthodes anciennes et savoir-faire
ancestraux, un temps jetés aux oubliettes de la modernité, reviennent aujourd’hui sur le devant
de la scène grâce à leur simplicité et à leur efficacité.

Le principe :
L’appellation « lacto-fermentation » fait référence aux ferments lactiques activés par le plus
traditionnel des agents de conservation : le sel. Ce minéral essentiel à la vie sélectionne les
bactéries bénéfiques qui préservent les aliments et élimine les pathogènes responsables du
pourrissement. Les ferments lactiques se développent en anaérobie, dans le liquide de
fermentation (saumure ou jus), en se nourrissant des glucides présents dans les végétaux et les
transformant en acide lactique. Le liquide devient de plus en plus acide, prenant la saveur du
vinaigre et lorsqu’il atteint l’acidité idéale (PH 4), les bactéries lactiques sont elles-mêmes
inhibées et la préparation se stabilise pour une (très) longue conservation.

Les bénéfices :
À la différence des bocaux appertisés (bouillis) de nos grand-mères où le bacille toxique du
botulisme est susceptible de se développer en cas d’erreur de cuisson, la lacto-fermentation ne
présente aucun danger pour la santé. Ce procédé sans cuisson conserve les vitamines d’origine
des aliments et les enrichit d’enzymes, de minéraux et de pro-biotiques bénéfiques pour notre
flore intestinale et notre immunité. Les Japonais et les Sud-Coréens, célèbres pour leur régime
alimentaire sain et équilibré, en consomment quotidiennement sous forme de condiments
(pickles, kimchi – voir ma recette plus bas).

Ingrédients et matériel nécessaires :

 Tous types de légumes frais (à l’exception des pommes de terre), si possible sans
pesticides.
 Des épices et aromatiques, selon la saison et l’inspiration.
 Du sel naturel (sel gris de mer par exemple), non raffiné, ni iodé ni fluoré.
 De l’eau sans chlore : eau de source ou eau du robinet filtrée (ou au moins décantée :
laisser une heure à l’air dans un récipient ouvert, le chlore s’évapore).
 Des bocaux en verre (de préférence à joint en caoutchouc type Le Parfait qui assurent
un résultat idéal). À défaut, les bocaux de confiture ou de cornichons avec couvercle
en métal à vis peuvent faire l’affaire, mais il faut les surveiller pendant la semaine de
fermentation et les risques de moisissures en surface, voire d’échec du processus, sont
plus importants.
 Une planche à découper.
 Un couteau d’office.
 Une râpe.
 Une bouteille en verre (pour concocter la saumure).
 Une brosse à légumes.
 Une balance de cuisine.

La mise en bocal :
1. Laver et passer les bocaux à l’eau bouillante.
2. Rincer et brosser les légumes rapidement sans les éplucher – sauf si leur peau est trop
dure pour être consommée –, une bonne partie des ferments et des vitamines sont sur
la peau.
3. Couper fin ou râper les légumes selon la texture et l’aspect souhaités, puis les tasser
dans le bocal. Si vous préparez différents légumes, vous pouvez les mélanger avant la
mise en bocal ou bien superposer les couches. Bien tasser en tout cas pour chasser l’air
au maximum.

Préparation des légumes.


Photo: Laurence de Bodinat.

La phase de salage :
Le plus simple est de couvrir les légumes tassés dans le bocal avec de la saumure. Pour
obtenir celle-ci, dissoudre dans la bouteille en verre 30 grammes de sel naturel (environ trois
cuillères à soupe rases) dans 1 litre d’eau.

Une seconde méthode, utilisée pour la choucroute et le coleslaw (voir mes recettes plus bas),
consiste à saler directement : c’est alors le jus des légumes que le sel fait dégorger qui servira
de liquide de conservation. Le dosage dans ce cas est de 10 grammes de sel pour 1 kilo de
légumes préparés et il faut impérativement peser les légumes et le sel pour que les proportions
soient respectées. Légumes et sel sont malaxés avant de tasser le mélange dans le bocal.

La saumure – ou le jus – doit recouvrir le mélange et il faut laisser 2 centimètres entre la


surface de la préparation et le haut du bocal car la fermentation peut la faire gonfler.
Le mélange fermenté. Photo:
Laurence de Bodinat.

La fermeture des bocaux :


Ceux avec un joint en caoutchouc ont le grand avantage de laisser sortir les gaz sans laisser
entrer l’air extérieur, ils peuvent donc être fermés et stockés immédiatement après leur
préparation. Si vous utilisez un bocal avec un couvercle à vis, laissez-le légèrement dévissé
pendant une semaine environ pour éviter tout risque d’éclatement sous la pression des gaz de
fermentation, et posez-le sur une assiette au cas où il y aurait un débordement ; le couvercle
est vissé à fond avant le rangement.

La lacto-fermentation est un processus alchimique empirique, l’aspect et la saveur varieront


selon les légumes et les conditions de préparation mais, dans l’immense majorité des cas, vos
préparations seront saines et savoureuses.

Le stockage :
Pour la bonne gestion du stock, qui peut grossir rapidement si on prend goût à cette méthode
en saison d’abondance végétale, il s’avère utile de marquer la date de préparation et le nom
des légumes utilisés avec un feutre permanent sur le bocal.
Un bocal annoté. Photo:
Laurence de Bodinat.

Les bocaux fermés stockés à température ambiante se conservent au moins un an et jusqu’à


plusieurs années. L’apparence varie selon les légumes préparés, la coupe et l’alchimie. Les
bocaux n’ont pas besoin d’être à l’abri de la lumière, ils peuvent être rangés sur une étagère
pour décorer cuisine ou couloir.

La fermentation s’accomplit en huit à quinze jours : on attend donc au moins deux semaines
avant de consommer sa préparation qui peut se conserver plusieurs années.

Dégustation :
À l’ouverture du bocal, un agréable parfum acidulé indique la réussite de la préparation. Au
cas – très rare – où la fermentation aurait mal tourné, une mauvaise odeur le signale
immédiatement.

Le goût sera de doux à très vinaigré selon le degré de fermentation.

À lire aussi : La recette de ma grand-mère pour faire des conserves maison

D’éventuelles moisissures à la surface du mélange n’indiquent pas un échec de la lacto-


fermentation mais une contamination de surface : comme pour les confitures, il suffit
d’enlever la couche superficielle et le reste de la préparation est bonne à consommer, à moins
qu’elle ne sente mauvais. En cas de doute, il n’y a pas de risque à goûter.

Une fois ouvert, le bocal est conservé au frigidaire et reste consommable pendant plusieurs
mois à condition de prélever les portions de service avec un ustensile propre et de tasser le
mélange restant dans son jus à l’intérieur du bocal. Pour la bonne conservation des lacto-
fermentations entamées, ce qui a été sorti du bocal ne doit pas être remis dedans.

Recettes diverses :
Quand on aborde cette technique ancestrale et intuitive, tout un univers culinaire savoureux,
créatif et coloré s’ouvre à nous. Je suggère de commencer par du classique : choux et légumes
racines [carotte, panais, betterave, navet, radis… N.DL.R.].
Betteraves & navets. ©L.deBodinat.

Une fois que vous aurez réussi et dégusté vos premières préparations et assimilé les principes
de base de ce procédé, vous pourrez laisser libre cours à votre imagination et créer vos
propres recettes avec les légumes de saison que vous achetez ou récoltez.

La betterave et le chou rouge donnent une belle couleur pourpre au jus et aux autres légumes
– les navets rosiront à leur contact par exemple. Les légumes feuilles (épinards, chou kale,
têtes d’orties…) et les fleurs comestibles (violettes, capucines, bourrache…) peuvent
parfaitement être intégrés aux mélanges.

Ma recette de choucroute
Chou, sel. Couper fin un chou vert ou rouge (on peut utiliser pour cela un éplucheur
avec lame horizontale), bien tasser dans le bocal et couvrir de saumure. Variante :
peser le chou coupé fin, ajouter 10 grammes de sel pour un kilo de chou, malaxer et
tasser dans le bocal en s’assurant que le jus couvre le chou.
Ma recette de kimchi
Chou chinois (variante chou rouge), piment frais et en poudre, ail, gingembre, radis
noir carotte. Couper le chou chinois, le piment et le gingembre en morceaux, éplucher
les gousses d’ail et les laisser entière, ajouter éventuellement carottes, radis noir,
poireaux en morceaux, mélanger et saupoudrer de piment en poudre (une à trois
petites cuillères selon le degré de piquant souhaité) en mélangeant avec des gants ou
une cuillère. Tasser dans le bocal et couvrir de saumure.
Ma recette de coleslaw

©L.deBodinat.

400 grammes de carottes, 400 grammes de chou blanc, 200 grammes de pommes.


Râper les trois ingrédients, ajouter 10 grammes de sel, bien malaxer et tasser dans un
bocal en s’assurant que le jus recouvre la surface de la préparation.

Conclusion : la lacto-fermentation est un jeu d’enfant qui peut être pratiqué par les gourmands
de 7 à 77 ans. Elle permet une infinité de combinaisons de saveurs et de couleurs. C’est selon
moi le moyen idéal de conserver le meilleur des légumes de saison pour le reste de l’année, de
dynamiser sa santé et de faire pétiller ses papilles. Santé !

• Aller plus loin sur la lacto-fermentation :


Deux articles parmi des centaines en ligne : Les légumes lacto-fermentés (Nos demains) – Je
fais mes légumes lacto-fermentés chez moi (La Ruche qui dit oui). Le blog de Marie-Claire
Frédéric et deux de ses livres : Aliments fermentés, aliments santé (Éditions Alternatives,
2016) / Ni cru ni cuit, histoire et civilisation de l’aliment fermenté (Alma éditeur, 2014).

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1er mercredi du mois. Bonne nouvelle, c’est gratuit et sans engagement !

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À propos de l’auteur

LAURENCE DE BODINAT

Passionnée d'écologie, de botanique, de photographie naturaliste et de cuisine végétarienne, je


suis heureuse de partager des méthodes pratiques pour aller vers une vie simple et saine,
l'alimentation vivante par exemple.

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28 commentaires

1.

Martine T le 25 avril 2020 12 h 11 min

👏 Merci pour cette info (oubliée, c’est vrai).. Mais c’est valable que pour les légumes!
Alors pour une conservation similaire des fruits, par quoi peut-on remplacer le sel?
Merci d’avance
Martine Demorieux Tekaye

Répondre 11

Laurence le 25 avril 2020 13 h 59 min


Le salage marche aussi pour certains fruits, par exemple les citrons « confits » à  l’orientale,
prunes (une) à la japonaise, courges diverses qui sont des fruiits… Sinon la conservation
classique des fruits au sucre c’est la confiture ou le sirop! Mais si on veut fermenter des fruits
sans sucre, cherchez du côté du kefir de fruits dont voici la recette sur le blog nicrunicuit,
temple en ligne de la facto-fermentation : https://nicrunicuit.com/faire/fermenter/le-kefir-de-
fruits-alias-tibicos/


Laurence le 26 avril 2020 13 h 12 min

Sur le blog ni cru ni cuit, j’ai trouvé cette page pour les fruits :
https://nicrunicuit.com/category/faire/fermenter/fruits/

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