Stupeur et tremblements d'Amélie Nothomb, son huitième roman (au titre emprunté à
l'ancien protocole impérial nippon où l'on doit s'adresser à son supérieur avec un respect
surhumain), est paru en 1999, grand prix de l'Académie française. Il est une oeuvre
charnière dans la bibliographie de la célèbre romanière belge Amélie Nothomb. Alors que
jusqu'à présent elle signait des romans en forme de contes allégoriques plutôt noirs aux
accents baroques voire scabreux, elle s'inspire ici de sa propre expérience pour livrer "un
témoignage" qui reste bien sûr très littéraire, sur le monde du travail japonais, à l'occasion
d'un stage au sein d'une méga-société d'import-export. Si le sujet reste sombre et
dérangeant par la cruauté des actes décrits, le traitement lui n'avait jamais été aussi
réaliste. Le succès (400 000 exemplaires vendus) n'était donc pas assuré d'autant que
l'auteur a fait le choix risqué de se concentrer uniquement sur ses journées de travail,
sans jamais emmener le lecteur de l'autre côté des baies vitrées dans le trépidant Tokyo.
Une sorte d'enfermement volontaire avec la victime et ses tortionnaires cadres japonais !
Un pari qui fonctionne très bien contre toute attente, et permet d'aller au fond du sujet en
creusant toutes les facettes de ce système où elle est prise peu à peu au piège.
Adapté en 2002 par Alain Corneau avec Sylvie Testud dans le rôle titre, ce roman
captivant trouve une nouvelle résonnance fidèle à l'esprit du livre à la fois onirique et
anxiogène, à l'humour ludique (on retrouve une lecture off en français de passages du
roman et les dialogues sont joués en japonais !).
Ce n'est pas la première fois qu'elle utilise ses souvenirs puisqu'elle avait déjà abordé son
enfance dans "Le sabotage amoureux" (1993), pourtant elle trouve dans ce court
récit, mené avec rythme et un style plus vivant que jamais, une puissance narrative
nouvelle. Puissance qu'elle retrouvera, dans une moindre mesure (le sujet étant moins
fort) dans son "Métaphysique des tubes" (une parodie de biographie de sa petite enfance
de 0 à 3 ans au Japon).
« Toute existence connaît son jour de traumatisme primal, qui divise cette vie en un
avant et un après et dont le souvenir même furtif suffit à figer dans une terreur
irrationnelle, animale et inguérissable. »
C'est à travers les yeux candides de la stagiaire qu'Amélie Nothomb choisit de
nous faire découvrir le monde del'entreprise japonaise et dévoiler par là-même le
coeur d'une société écrasée par les rigidités hiérarchiques et les protocoles
humiliants. Elle choisit d'adpoter une forme originale et risquée pour raconter ses
"péripéties" en resserrant le récit uniquement autour de "saynètes de la vie de
bureau".
Là où réside toute sa force c'est qu'au lieu de verser dans la tragédie, elle prend
au contraire le parti d'insuffler une dimension burlesque voire loufoque à ses
déboires. Un choix judicieux qui ne fait que mieux souligner toute l'absurdité du
système dans lequel elle se trouve prise au piège, de gaffes en incompréhensions.
Et signe ainsi de nombreuses scènes d'anthologie où de nouveaux sommets
d'aberration sont chaque fois atteints, avec une certaine jubilation : l'ordre du
directeur "d'oublier le japonais" alors qu'elle a été justement recrutée pour cette
connaissance ou surtout son enlisement dans les lignes comptables et le "magma
opaque des chiffres" : "Les chiffres sont j'avais toujours admiré la calme beauté
pythagorique, devinrent mes ennemis. La calculette aussi me voulait du mal."
Pourtant déterminée à achever son stage, la jeune Amélie San (mademoiselle
Amélie en japonais) tente de trouver quelques réconforts. Sa supérieure directe,
en dépit de sa trahison et sa cruauté future, est l'un deux. La beauté de son visage
tel un "oeillet du Japon" et la poésie de son prénom "Fubuki" ("tempête de neige")
inspirent son imagination qui devient son arme pour supporter son calvaire. C'est
aussi le jeu de la fenêtre de son 54e étage qui semble suspendue dans les airs et
d'où elle se "jette" mentalement.
OTRE
Née en 1967, au Japon, de parents belges. Elle est la fille d'un ambassadeur et à
passer son enfance et sonadolescence en Extrême-Orient, notamment au Japon,
Chine, au Laos, en Birmanie, au Bangladesh et Polyglotte.
Personnages principaux
Personnages | Caractéristiques |
Mlle Mori | Subordonnée de M. Saito, supérieure direct d'Amélie, elle, dont les
prénoms et nom signifient'Tempête de neige dans la forêt » se montre d'abord
gentille. Mais respectant minutieusement le règlement, elle fait preuve de délation
envers Amélie et la rétrograde à des tâches de plus en plus subalternes. Celle-ci
se réjouit de cette situation. Cependant, elle lui écrira, trois ans plus tard, un mot
de félicitation pour son premier livre. |
Amélie | Elle est sous la direction de MlleMori en tant que stagiaire interprète au
service comptabilité. Malgré ces « erreurs » qui l'ont fait descendre au plus bas,
elle garde son honneur car elle a attendu la fin de son contrat pour démissionner.