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Carl Dahthaus (*) Phrase et période: AM/MHM i $e8 contribution 4 une théorie de la syntaxe musicale Satz und Period zur Theoric der musicalischen Syntax (**) Textes fondamentaux et grandes analyses @hier et d’aujourd’hui MUSIQUE TONALE/ THEORIE/ANALYSE/RECHERCHI 1 PLURALITE DES CONCEPTS DE PERIODE ET DE PHRASE La distinction entre phrase et période, qui, dans la terminologie musicale, remonte au XVII siécle, a Gté, tout au long des sigcles qui nous Lont transmise, assez souvent appréhendée de maniére vague ; et Pon a déploré cette confusion sans pour autant’ réussir a proposer des. definitions qui puissent répondre a des critéres logiques aussi bien qu'empiriques, cesteé-dire qui soient propres a mettre en évidence «de T'intérieur» la distinction existante entre les deux notions, tout en rendant compte de la réalité musicale de age classique, dont elles s'efforcent de cerner la syntaxe, Méme en laissant de cté certaines tentatives erronées comme celle de Karl BLESSINGER qui assimile la période la structure syntaxique baroque, et la phrase a la structure classique (1), le nombre de divergences entre les nomenclatures est tel qu’il semble qu'on ne puisse mettre un terme a la confusion qu’a travers, tune reconstruction des hypotheses qui ont rendue possible. Ce sont toutes les implications cachées qui empéchent que 'on se mette d'accord sur Pemploi des termes. Il faudra donc tout d'abord se défaire des conséquences qu'entraine un parallélisme entre syntaxe musicale et syntaxe linguistique, aussi bien que de la double détermination qui fonde le concept de période, si lon veut entreprendre d’échapper au labyrinthe terminologique par une prise de conscience de sa structure. La difficulté vient de ce que le concept de «phrase» peut englober celui de « période », comme il peut lui étre subordonné ou meme direc: tement oppose: il s'agit 1a d'un héritage que la théorie syntaxique musicale a recu de la théorie lin- guistique. En tant qu’antécédent ou conséquent, la (©) Profesvar de musicolopie & PUniversté des Techniques de Ben Co) Extrait dex Zitchrif fr musitherie 1978-2. Les rouse sont cia sedation d-tnaiee Musca (0) BUESSINGER ck) Grundaige der musitalischen Formenlhve. Sitar, 1926, p. 30-50, 9.33 hrase_est_une le la_période; comme type syntaxique cependant, elle ofire-une alternative ala “Siucture_périodique: et Ton peut dire en fin de compte que la période est une sorte de phrase a coté de laquelle coexistent encore d'autres types, si bien que le concept de «phrase» fonctionne ‘comme celui d'un «genre». Heinrich Christoph KOCH a tenté d’écarter toute ambiguité en definissant la phrase comme « partie mélodique distincte» d'une période, convenant toutefois que « concernant les caractéristiques d’une période, les avis ne concordent pas pleinement, car beaucoup désignent ainsi un élément, qui posséde en soi une signification cohé- rente ef que, dans l'usage linguistique courant, on appelte une phrase» (2) Si done il ne peut étre que difficilement question dune relation logique fermement établie entre les termes « phrase » et « période », la théorie musicale du XIX* sigcle a vu s’élaborer simultanément deux concepts de la période dont les critéres peuvent, mais ne doivent pas nécessairement se rencontrer. La discipline linguistique qui a servi de modéle a €ié soit la Rhétorique, ressortissant & la prose, soit la Poétique, ressortissant aux régles du vers. La théorie rhétorigue, telle que KocH I’a développée, définit la période en cela que ~ indépendamment de sa longucur ~ elle Sachéve par une cadence, for- elle. « De méme que dans le discours la période est terminée par une pause parfaite du sens que Von marque dans le texte écrit par un point, de méme dans la musique, la période doit s'achever par une pause parfaite, que l'on appelle cadence» (3). opposé, dans la théorie pottique, dans les régles de versification qui se sont transmises a la musique, la période repose sur une correspondance métrique (on disait «rythmigue » au XVI siécle) entre un premier et un second membre. Le fait qu’Amtonin REICHA, qui en 1814 décrivit la période comme une combinaison de deux fois quatre mesures, s‘en soit ten aux unités quantita- tives antiques ~ comme le lui @ reproché Rudolph WESTPHAL avec une indignation toute philologique (4)— est pour nous de peu de consequence en regard (@) KOCH (Che), Mustaches Leskon, Fun 1802, Reprint ile, 1964. 1189 et 3 10) tid p15, (3 WeSthHAL Ge), Algencine Thor der musikalschn Rythmi seh JS. Bach, Lele, 1880, Reprint Wiesbaden, 1958, p17 Analyse musicale - 4° trimestre 1988/37 Phrase et période : contribution a une théoric de la syntaxe musicale ‘Saiz und Period zur Theoric der musicalischen Syntax de cette constatation fondamentale qu'il, s'est orienté vers le modéle du vers pour conduire sa reflexion @ partir de lois métriques, et non sim- plement de cadences et de degrés cadenticls. Au Concept «ponctuationnel» — Koc parle de ‘forme ponctuationnelle » (interpunktische Form) du conséquent, para- metres sans lesquels Pattente de la régularité pério- Gique, méme si par la suite elle doit étre décue, ne se produirait pas tout dabord. Ce que pense MARX sans le formuler est pourtant sans ambiguité: aprés un antécédent conclu par une demi-cadence, it suffit @une relation motivique pour suggérer le modéle d'un conséquent correspondant terminé par une cadence parfaite, modéle par rapport auquel le consequent « libre », percu comme écart ou comme exception, devient intelligible en tant que structure syntaxique. Le critére de relation motivique, qui sufit a une description objective, cesse d'etre satisfaisant lors- qu’on se place sur le plan théorique, Les paramétres dune période ou d'un «type idéal » (correspon- dance métrique de Pantécedent et du conséquent ; differentiation tonale par la demi-cadence et Ia cadence parfaite; association mélodique ou ryth- ‘mique par analogie motivique) ne suflisent pas a construire une théorie syntaxique musicale qui uisse permettre d’amener le type de la période et fe {ype antithétique de Ia phrase dans une relation logique éclairante, Erwin RaTZ, qui a réintroduit dans la langue musicologique’ courante la dis- tinction, issue de MARX et écartée par RIEMANN. entre phrase et période comme types syntaxiques, s'en tient & une approche exclusivement descriptive, sans éclairer de T'intérieur la dichotomie: «La période (4 + 4) se compose d'un antécédent et d'un conséquent ; l'antécédent se termine en régle géné- rrale sur une demi-cadence ; le conséquent commence comme V'antécédent et se’termine sur une cadence parfaite. La phrase de huit mesures [(2 + 2) + 4] se compose d'une succession de deux mesures, de sa répétition et d'un développement en quatre mesures, au cours duquel est laissée de cété une partie des motifs exposes dans les deux mesures initiales, si bien que l'on obtient un condensation ct une accélé- ration du discours musical (Verdichtung und Bes- chleunigung) » (7). Si le principe dod procéde 'an- tithese typologique reste chez RATZ informule, il apparait de facon tout a fait manifeste chez Erwin STEIN, qui apparienait comme RATz a entourage de SCHONBERG. STEIN compare le theme principal de la Sonate op. 2 n° I de BEETHOVEN avec celui, assez proche dans le choix des motifs, du final de la ‘Symphonie en sol mineur KV 550 de MozarT: la « phrase» beethovénienne est caractérisée par une séquence dans Mantécédent et un développement dans le conséquent, tandis que la « période » mozar- tienne présente un contraste dans T'antécédent et tune construction par analogie (Analogiebilduns) dans le conséquent (8). _Cest donc la structure de Fantécédent qui serait déterminante = d'une répé- jon, d'une variante ou d'une sequence a linté- rieur meme de antécédent, découle un conséquent qui va développer la donnée musicale (phrase), alors qu'un antecedent qui présente des contrastes & Tintérieur de sa structure sera balancé par un consé- ‘quent étroitement correspondant (période). La repé- tition du contraste motivique (ab/ab) produit par le renversement des accords (T-D/D-T) un effet de complémentarité L’explication de STEIN, selon laquelle la dis- tinction entre phrase et période se fonde sur I'alter- native entre séquence et contraste dans Manté- cédent, entre développement et correspondance dans le conséquent, séduit par la logique interne qu'elle fait apparaitre dans la typologie. Le fait ‘qu'une séquence entraine un processus de « disso- Cation » (Abspaltungsprozess) est tout aussi plau- ible que Fhypothése selon laquelle il n'est possible Vobtenir une structure syntaxique cohérente a partir d'un contraste qu’au moyen d'une correspon- dance ct non d'un développement. Ce serait ai leurs s'éloigner de la réalité que de prendre ces teres dans un sens trop étroit. S'en tenir au postulat selon lequel la deuxiéme partie d'une phrase doit nécessairement étre un développement, serait sensi- blement restreindre Iutilité descriptive de la caté- gorie syntaxique. Il nvest pas rare qu'il s‘agisse moins d'un développement que d'une simple conti- n_(Fortsetzung); ou plus précisément, Yon peut dire qu'une relation de similitude est certes presque toujours perceptible, mais qu’elle ne suffit pas a justifier le terme de développement, qui Evoque un processus de « dissociation » et de diffe= Gy LercuTesTarr (Ch, Afuahaliche Formenlebre, Lipa. 1952, pio, () MARX (AB), Die Lehre von der musialischon Komposii tntcLespee 1837, p. 2595 38/Analyse musicale - 4° trimestre 1988 hy Rare (Ey Fraime in dor masikalchon Formenihre. Wien, 1868, "ay Sten (E), Mask. Form vd Dante, Munchen, 1962, p. 105 Phrase et période Sa rentiation (témoin le theme principal de la Sonate op. 2 1 I de BEETHOVEN). il serait en outre trop rigoureux d'accorder aux jerentes parties dont se compose Pantécédent une période la seule valeur de «constituants » une période « régulidre », si on peut les saisir en fant que contrasie, La mise en opposition que postule STEIN, est souvent remplacée par une Simple juxtaposition qui pourtant, associée a la cor- respondance métrique et a la differentiation tonale, suffit & produire effet d'une période. 0 LES THEORIES SYNTAXIQUES DE MARX, KREHL ET WIEHMAYER La distinction entre phrase et période souffre du fait que, dans la littérature du passé, on a défini le concept de phrase de facon simplement négative, comme une «non-période » (défaut fréquent dans les typologies, of un type apparait souvent comme modalité déficiente d'un autre). Une période est constituée, sclon MARX, « par la construction symé- tique d'un antécédent et d'un conséquent, ainsi que par la correspondance des deux cadences entre elles » (9). Pour « définir » la phrase (ce que MARX Evite soigneusement), on peut. seulement se contenter d’observer qu’elle est une formation syn- générale, qui se. termine par une re, dont les deux moitiés cependant ne repondent au principe de cor- Tespondance de la période ni sur le plan motivique = par l'analogie des motifs initiaux —, ni sur le plan tonal - par la complémentarité des cadences (demi- cadence et cadence parfaite). Le theme principal du premier mouvement de la Sonate en mi bémol majeur op. 31 n’ 3 de BEETHOVEN, que MARX considére comme une phrase type (10) ne se fonde pas méme sur une repartition en deux moi gales, mais sur la structure irréguliére ((2 % 1) + Gc) 3] A la lecture de son chapitre sur les schémas harmoniques de « Ja forme-lied périodique phrasique» (II) il est aise de se rendre compte que MARX ma pas percu luieméme a structure logique de sa propre typologie. MARX pose d’abord qu’a la période avee demi-cadence, et cadence par- faite, s’oppose la phrase avec cadence parfaite mais sans demr-eadence et atiribue, dans la phrase, aux mesures 7-8 les valeurs de D-T, et dans la periode aux mesures 3-4 les valeurs de T-D; il pense cependant que les autres mesures peuvent étre har- monisées « ad libitum, a condition bien stir d’écarter toute faute et de respecter les relations harmoni- ques; et il propose, pour les 8 mesures d'une phrase, l'enchainement suivant, TTT DTT DT (12), dont lantécédent se termine par une demi- cadence. L’erreur se laisse facilement expliquer si on admet que MARX n’a jamais suffisamment pris conscience de la détermination négative de son concept de phrase, ~ ainsi que de la contrainte qui en découle d-€viter, dans la construction de phrases, (9) MARX, Opi. p. 258, (oy fds 239 C1 MAHAR), Op cit, vo 1, Leip 1863, p18 sa (02) Bd, pT. contribution & une théorie de la syntaxe musicale und Period r Theorie der musicalischen Syntax des caractéres propres la période, comme la demi- cadence, Face a la confusion qui régne dans la théorie syn- taxique de MARX, on ne s’étonnera pas que les théo- riciens ultérieurs alent abandonné le probleme de la distinction pirase-période, ou bien se soient ofientés vers d'autres critéres que ceux proposés par MARX, pour tenter, a partir de la période, dont la definition était établie dans ses lignes essentielles, de delimiter un type de « phrase » ‘Stefan KREHL — dont les études sur la théorie de la forme ont exercé une influence considérable — parle exclusivement de phrases, non de périodes, et Grablit une classification des’ phrases d'aprés. le nombre de motifs qui les composent (13). Le theme principal du premier mouvement de la Symphonie ert sol mineur KV 530 de MOZART rejoint le theme principal du mouvement lent de la Symphonie en ut mmineur de BEETHOVEN dans la catégorie des phrases aun seul motif; Ie theme varié de la Sonate pour piano en ré majeur de MOZART rejoint le theme secondaire du premier mouvement de la Sonate en fa mineur op. 2 1 I de BEETHOVEN, dans la caté- gorie des «deux motifs». A Tinverse, RATZ et STEIN auraient défini les deux themes mozartiens comme périodes, et Ies deux beethovéniens comme phrases. Ces divisions s‘accordent mal ; et Ton ne peut nier que Ie recours &.un simple décompte des motifs, sans égard pour leur ordonnance ou leur fonction, était une erreur: un sentier ot KREHL s'est fourvoyé, en pensant acriver & une autre typo- logie, dés lors que celle de MARX avait clairement revele ses filles. KREHL a remplacé une classifi- cation formulée de maniére insatisfaisante mais fondée en substance, par une autre, infondée, sans doute irrefutable d'un point de vue empirique, mais insignifiante. Theodor WIEHMAYER a proposé, pour sortir de la typologie de MARX, une issue differente de celle de KREHL, mais il a substitué au terme de phrase expression «groupe de phrases» (Satzgruppe) pour tenter de désager le concept de période du Concept. secondaire (Unterbegriff) inhérent aux termes d'antécédent et de conséquent. Si la période cst caractérisée par lanalogie motivique et Ia diffe- rentiation tonale de ses parties, on trouvera donc dans le groupe de phrases ou bien une absence de relation entre ses composantes, ou bien un parallé- lisme (14), En d'autres termes, si on compare avec la période, ily aura la défaut, ou bien d'analogie, ou bien de differentiation (il est inconcevable, compte tenu de ses propres hypothéses, que WIEHMAYER range le theme principal du premier mouvement de Ja Sonate en wt mineur de MOZART ~ avec Vordon- nance motivique a-b-a-b et lenchainement harmo- nique T-D-D-T — au nombre des «groupes de phrases» et non des pétiodes (15)). ‘Quelques-uns des themes que WIEHMAYER range parmi les périodes. comme la mélodie strophique Gu lied de SCHUMANN « Zwielicht », sur un poeme Eichendorf, seraient, sclon les critéres de RATZ et de STEIN, considérés comme « phrases ». La faille la plus apparente de la typologie de WIETIMAYER ne Gay KREWE (St), Musialnohe Formenleive. vol, Leia, 1905, (Go, Wiewvaver (72), Afusikalsche Frmenlehre im Analyses, Mag dcburg, 1327 P48 Ushi. pst Analyse musicale - 4° trimestre 1988/39 Phrase et période: contribution a une théorie de la syntaxe musicale Satz und Period zur Theoric der musicalischen Syntax réside pas dans sa contradiction avec les autres sys- temes, mais dans la fragilité de sa logique interne. WIEHMAYER part d’un modéle périodique dans lequel les deux parties coincident dans leur com- mencement et présentent dans leur conclusion des analogies motiviques mais non tonales : ab! ab’. Les variantes qu'il propose ensuite (16) se ramenent toutes au principe — non formulé ~ qu'il suffit, pour la construction d'une période, d'une correspon- dance des seuls motifs initiaux ou finaux de lante- cédent et du conséquent, pourvu que soit clai- rement établie la relation de complémentarité entre a demi-cadence et la cadence parfaite (au lieu de abab on peut donc avoir, sans mettre en peril «Veffet » de période, ab ac ou abc), La limite du concept de période est seulement franchie si le critére tonal fait défaut et si antécédent et consé- quent n’ont pas de correspondance motivique (@bed ouaa bb) (WIEHMAYER laisse de cote le cas limite oi la différentiation demi-cadence/cadence parfaite reste établie dans la suite abcd). Pour WiEHMAYER, de plus, la phrase ~ le groupe de phrases — est done une modalité déficiente de la période. Le fait que, d’un cdté, 'absence de relation, et, de lautre, un parallélisme strict ~ envisagés tous deux comme « écarts » par rapport au modéle pério- dique d'une analogie différenciée ~ tombent dans la meme catégorie, prouve bien que WIEHMAYER, pas plus que MARX, n'a pu se défaire de la détermi- nation négative du concept de phrase. Cette faille dans la logique inhérente a tout concept négatif (qui met ensemble, péle-méle, des phénomenes qui n'ont rien en commun en dehors de leur relation négative ce quills ne sont pas), on la trouve chez WIEH- MAYER de facon plus manifeste encore que chez MARX. Mm LES VARIANTES DU «TYPE IDEAL » Les concepts de période, d’ot sont issues. les theories syntaxiques des XIX* et XX* sigcles, se diffé- rencient moins par leurs épisodes déterminants que par la higrarchie qu’ils établissent entre les para- ‘metres musicaux et les modifications qu'ils peuvent admettre. ‘On a toujours tenu pour indéniable que la «facture rythmique » (rythmische Beschaffenheit) ~ ainsi que Koc designe la correspondance numé- Fique des mesures de rantécédent et du conséquent uisse varier sans que l'intelligibilité de la période s'en trouve menacée, La correspondance avec l'an- técédent ne sera pas ruinée par les interpolations ou les ajouts qui peuvent affecter Ie consequent. La limite jusqu’a laquelle une extension peut encore @tre ramenée a un écart par rapport a une « carrure » normative n’est pas tres nette. Et lorsque MARX, @ propos du theme principal du premier mouvement de la Sonate op. 90 en mi mineur de BEETHOVEN — un theme qui ne comprend pas moins de 24 mesures ~ parle de « periode élargie» (17) (erweiterte Period) avec un antécédent de seize mesures et un conséquent de 4 mesures (consequent ‘qui, « pour la satisfaction de l'oreille, doit etre repeté 18) Ibid, p64 50 UR) MARE BY op en, vol 3,9. 261 5a 40/Analyse musicale - 4° trimestre 1988 aprés une cadence rompuer), ce que recouvre expression « période élargie » reste ouvert a toutes les" interprétations. Prétendre qu'un antécédent ‘typique» de 4 mesures aurait pu, par le jeu 'in- sertions, de répétitions et d'ajouts, étre élargi a 16 mesures, serait proprement absurde. Il est autre part peu vraisemblable que MARX, dont le point de départ est 'analogic entre la période musicale et Ie vers, puisse recourir a un concept de période appartenant & la rhétorique, et défini par la forme ponctuationnelle » ~ autrement dit par la conclusion sur une «cadence formelle». Et, pour finir, sl est vrai qu'on peut admettre comme signi- fiante Phypothése selon laquelle il faudrait entendre par « période élargie » une période « sur-ordonnée » (abergeordnete Period) (les mesures 1-4 du theme sont en elles-memes « périodiques », les mesures 1-16 « phrasiques », et les mesures 1-24 de nouveau «périodiques »), rien dans le texte de MARX ne semble pouvoir V’etayer. Il faut donc se contenter de supposer que, pour MARX, la complémentarité de la demi-cadence et de la cadence parfaite, lige a.la.cor- Tespondance des motifs initiaux des deux parties, indépendamment toutefois de leur longueur, suffit presque a constituer une période. La mesure dans laquelle la relation entre demi- cadence et cadence parfaite peut étre modifiee, ne sera donc apparemment déterminée qu’en regard de la variabilité de la «facture rythmique». L'affir- mation selon laquelle le theme de op. 90 de BEETHOVEN peut étre percu comme une periode, est fondée par l'fficience du schéma cadentiel. A i'in- verse, lorsque Hugo LEICHTENTRITT (18) pretend que le theme du scherzo de la Sonate en ut diese ‘mineur de BEETHOVEN est une période, et ce bien que lantécédent lui aussi se termine sur une cadence parfaite — lantécédent est dans le ton de la dominante, le conséquent est transposé a la quarte dans le ton fondamental ~ sa position ne peut étre comprise que si l'on admet que la correspondance stricte des parties, lige a une differentiation des degrés cadenticls, puisse offrir une compensation suffisante au défaut de differentiation des formes cadentielles (on peut interpréter cette irrégularité d'un antécédent en ré bémol majeur au sein d'une période en [a bémol, comme une sorte de « figu- ation» de Ia demi-cadence qui serait & sa place «propre» sur le V° degré). En principe c'est pourtant la forme, et non le degré de la cadence, qui est prépondérante : une cadence parfaite, répondant a une demi-cadence, peut sans danger pour la structure périodigue, apparaitre dans le ton de la dominante ~ au lieu du ton fondamental ~ ou bien, comme dans la pigce de SCHUMANN intitulée Le ppoete parle (Der Dichter spricht), dans te ton relatif de la sous-dominante. En aucun cas la périodicité ne sera mise en péril par une modulation interne. La correspondance motivique de 'antécédent au conséquent, qui implique le «type périodique idéal », peut — si fon admet comme variantes du modele périodique les types proposés par WiEH- MAYER ct deja mentionnés ~ se limiter aux motifs initiaux ou finaux (ceux-ci differant dans leurs formes cadentielles). Le schéma ab ab est rempla- cable par abac ou abc). La correspondance des motifs initiaux est sans aucun doute la plus signi- (a) LEKGHTENTRIFT (FL), Op et, 10 Phrase ct période: contribution a une théorie de Ia syntaxe musicale Satz und Period zur Theorie der musicalischen Syimax fiante, au point que si elle fait défaut, la régularité meétrique et tonale de la période devra étre d'autant plus marquée, si Yon veut que la structure syn- taxique reste intelligible. Mais cette idée d'une analogie motivique, jus- quod peut-on la mener et la comprendre, sans franchir les limites du fictif? La similitude du motif initial de Tantécédent avec celui qui termine le conséquent (soit le schéma ab ¢ a comme celui sur Jequel s'organise le theme du rondo de la Sonate en ut mineur op. 13 de BEETHOVEN) suffitelle a cons- tituer une période? Et peut-on parier, a propos du theme de la Sonate en mi bemol majeur op. 75 de DUSSEK = que Makx cite comme modéle pério- dique (19) d'une «construction symetrique, lorsque Massociation se limite a une relation ryth: mique entre la premiere mesure du consequent et la demitre de antécédent? Dans les deux themes, 'analogie motivique est faiblement marquée, parce que Tes deux mesures mises en relation occupent Tune par rapport a Pautre une position insolite, et, sil est encore permis de faire appel au concept de période, c'est que Fefficience de la regularité harmo- nique et métrique nous le donne & comprendre. ‘Une période serait done, pour rester dans labs- ait, un ensemble de paramétres, globalement variables et pouvant méme partiellement manquer, entre lesquels toutefois subsistent des relations de «réciprocité» ~ telles que Tirrégularité d'une des parties compensée par une régularité dautant plus signifiante de Tautre — pour que demeure la structure périodique. D’autre part, on peut évaluct une hiérarchie des parametres dans la mesure oi la differentiation des formes cadenticlles, la complé- mentarité de la demi-cadence et de la cadence par- faite gardent une certaine prépondérance sur la cor- respondance métrique et l'association motivique, et ot Ie motif, & son tour, est moins variable que le metre. Sil est vrai que, pour la période, ropposition complémentaire entre demi-cadence et cadence par- faite est constitutive, rien ne permet d'affirmer que pour le type de la phrase, un épisode tonal soit nécessairement determinant ; rien n'autorise non plus a attendre a de semblables hiérarchies de cri- {eres ou a les tenir pour évidentes. Une phrase est bien plutot caractérisée par une «redite moti- vique» (Motivwiederholung) dans Vantécédent, redite qui suppose ~ puisqu'une simple repetition ne peut avoir de valeur en soi ~ un developement, ‘ou_ce qu'on pourrait appeler une « continuation libre » ou « siructure continue » (Fortspinniung). La tentative déja mentionnée d’Erwin STEIN pour faire dériver la période du contraste motivique dans l'an- ‘téoédent ~ de meme que l'on doit faire deriver la phrase de la correspondance motivique ~ répondait davantage a un besoin d’établir des structures conceptuelles analogues qu’a un souci de rendre compte de la réalité musicale, dans laquelle la relation demi-cadence/cadence 'parfaite constitue indubitablement Ia caractéristique fondamentale de la periode, Lanalogie des motifs dans antécédent, qui pour Ja phrase représente un type syntaxique caractéris- tique, peut consister en une simple répétition, en une sequence ou en une variante, Elle repose’ sur (19) MARK (AB), Op Gi, vol Bp OSE une répétition dans le théme principal du premier ‘mouvement de la Sonate en ut mineur op. 13 de BEETHOVEN, sur une séquence dans le theme prin- cipal du premier mouvement de sa Sonate en fa ‘mineur op. 2 n° 1, et sur une variante d'ordre formiel dans le theme principal du largo de sa Sonate en mi Bémol majeur op. 7. Ce type de construction par variantes doit étre nettement circonscrit, si on veut éviter que le concept de phrase se perde dans le vague et dans linintelligible. Lorsqu’un motif et sa Variante, ou un groupe de motifs, comme dans le largo precédemment cité de’ la Sonate de BEETHOVEN, se terminent par une cadence parfaite et une demi-cadence, le caractére de la phrase est entigrement préservé, parce que Ia «reléve» de la cadence parfaite par une demi-cadence laisse l'anté- cédent ouvert, de Ia méme fagon qu'une sequence _ou gu’une simple répétition. Le theme principal du premier mouvement de la Sonate en wt majeur op. 2 7 3 de BEETHOVEN constitue toutefois un cas limite. Comme ’a noté MARX (20), Pantécédent a lui seul (mes. 1-4) est déja presque une période (a! a? pour les motifs, T-D/D-T pour Pharmonie), et le conséquent proctde d'un développement par varia- tions. Bien que 'antécédent posséde une structure close, on peut néanmoins parler a juste titre d'une phrase: Ie fait que 'antécédent repose sur une «redite », et que le conséquent découle d'un déve- loppement du précédent, représente un ensemble de paramétres qui suflit a justifier le terme. Si les mesures 5-8 (répétées eri 9-12) constituaient une simple continuation au lieu d’un développement, Ia categorie de « phrase » serait alors inadéquate, bien ‘que, pour des themes dont Pantécédent consiste en tune séquence ou en une simple «redite moti- vVique», il suffise d'une trame motivique sans relation avec Pantécédent pour constituer le type «phrasique » (theme principal du final de la Sonate en fa mineur op. 2 n° I de BEETHOVEN). En d'autres termes, les eriteres de la phrase, a T'instar de ceux qui fondent la période, sont liés entre eux par des relations de réciprocité: si_lantécédent_tend_vers une structure close plutoi qu’ouverte, il faudra que Je consSquent constitue une partie délibérément évolutive ; a inverse, si le conséquent se présente comme structure continue (Fortspinnung) sans relation motivique, antécédent ne pourra pas étre périodique (un groupe périodique de 4 mesures suivi d'une simple continuation sans caractére de développement ne forment pas une unité syn- taxique, mais demeurent dans un rapport de conti- guite, comme ['a remarqué MARX 4 propos du theme de Pop. 2 1° 3 de BEETHOVEN). Il ne faudrait pas se méprendre sur ce rapport de simple contiguite en y voyant une absence totale de relation : dans le theme déja mentionné du final de Yop. 27? I de BEETHOVEN, les parties sont toujours associées par un métre anapestique commun. Le mitre — le « pied » - est d'aprés KOCH un des élé- ments constitutifs de la phrase musicale (21). Et pourtant, on ne peut méconnaitre la difference qui subsiste entre les catégories de conséquents. I peut sembler étonnant qu'un conséquent puisse etre aussi bien un développement (avec difiérentiation des parties motiviques) qu’une continuation (c'est- a-dire une association trés libre a l'antécédent), (20) hid. 3. 2 KecH it Chey, Op. ci, p. 1150. Analyse musicale - 4° trimestre 1988/41 Phrase et période : contribution a une théorie de la sy Satz und Period zur Theorie der musicalischen Syntax surtout lorsqu’ll s‘agit d’un type syntaxique qui est @abord défini par des criteres motiviques, et non harmoniques comme la période. On pourrait méme douter qu'il soit justifiable d'englober dans un méme concept — celui de phrase ~ les notions de développement et de « structure continue » (Forts pinnung) ~ autrement dit la « subordination » et la «coordination » d'idées musicales (22). Pour dissiper les doutes,il fauc ypeler la distinction établie parCHugo RIEMANN éntre le « thematique»_et_le the > (23). TRIEMANN range dans la catégorie «ni tique » des parties procédant d'une écriture « libre » (orispinnende Partien) aussi bien que d'un dévelop- pement et fait entrer dans la catégorie «thema- tique », les themes secondaires (Gegenthemen) (la partie b de la forme a ba serait done «non thema- fique» en tant que transition sans valeur propre, ‘mais «thematique » par sa fonction de contraste). Si T'on accepte les catégories qu'il propose, il est facile de les appliquer & la théorie syntaxique. Ce gui fonde le type phrasique serait done Ja relation Entre mise en forme et conséquence (Aufellung tind Konsequenz) a la difference de la relation entre mise en forme et réponse (Auitellung und Beant- ‘wortung) qui caractérise la période ; et par « consé- quence », on peut entendre aussi bien le dévelop- Dement le plus strict que 'association la plus libre. Vv L'IMPORTANCE DES ORDRES DE GRANDEUR Phrase et période, en tant que structures, répondent a des ordres de grandeur différents, comme on peut observer a propos du theme prin- cipal du premier mouvement de la Sonate en mi mineur op. 90 de BEETHOVEN. De nombreux themes apparaissent, directement comme un systéme de phrases et de structures périodiques sur- et subordonnées (von aber und untergeordneten ‘Satz. und Periodensirukturen). Le theme du rondo de la Sonare en ré majeur op. 2. 1 de Muzio CLEMENTI est, dans son aspect général, une période divisée en 8 mesures dantécédent avec demi- cadence, et § mesures de conséquent avec cadence parfaite, Antécédent et conséquent, cependant, sont Pun et (autre constitués d'une ‘séquence suivie une «continuation libre», sans relation moti- vique, et répondent au modéle de la phrase (dont ils respectent la construction {(2 + 2) + 4]), Eten fin de compte, la «continuation », dans laquelle apparait un développement résultant dune répétition, cons titue une phrase a échelle réduite (2 x 1) + 2]. On frouve un schema semblable dans le theme du rondo de la Sonate en si majeur op. 22 de BEETHOVEN (et ce n'est pas par hasard qu'il Sagit de ‘themes clos, non de themes de sonate appelant un développement, qui marquent une hiérarchie syn- taxique organisée selon trois ordres de grandeur) : 8 + 2 mesures de conséquent avec cadence part correspondent & 8 mesures d'antécédent avec demi- “Gay BLUME CF), Fopiamne and Enwilung, Peters dabebuch, 3) RIEMANN (FL), Grose Komposionicire. vol. 1, Bein und 1908 9. 8h 42/Analyse musicale - 4° trimestre 1988 mntaxe musicale cadence. Les parties sont des phrases répondant a la forme [(2 x 2) + 4]. La répétition motivique (2 x 2) cependant est, harmoniquement, une période (ED/D-T) et le groupe de 4 mesures, en tant que répétition suivie d'une continuation, est assimilable a une phrase. Si Ton admet que deux mesures «normales » représentent la plus petite unité pour une dem periode et 16 la plus grande pour une période {close » ~ si 'on choisit par exemple de considérer des « petites » mesures, et non des «grandes», seul Je nombre des mesures notées, et nullement la réalité métrique ct syntaxique, s’en voit affecté — on dura done trois ordres de grandeur (2+2=4), (4+ 4 8), et (8 + 8 = 16) pour déterminer toute hié- rarchie syntaxique possible, Certes, si 'on assimile, comme le fait MARX, le theme principal du premier mouvement de la Sonate en do majeur op. 33 de BEETHOVEN, a une « période avec conséquent libre», on se trouve face @ une période de plus de 16 ‘mesures «normales », dont les parties @ leur tour repondent a un modéle phrasique (Vantécédent @tant construit sur le schéma [2 x 4) + 5). Cependant, si on prenait pour modéle (dont exemple beethovénien offre une variante) une période de (16 + 16) mesures, la realisation de Quatre ordres de grandeur des’ types syntaxiques phrase et période serait & peine concevable (dans la Waldrein il ne s'agit, malgré extension apparente, que de deux ordres de grandeur) ‘A la question des ordres de grandeur syntaxiques, est lié un autre probleme, qui ne semble pas offtir une solution sans éguivoque: doit-on, comme RIEMANN (24), considerer la forme-lied (25) aa ba comme bipartite, ou, a instar de RATZ (26), ‘comme tripartite? Les arguments qui se donnent Tapparence de la généralité sont de toute evidence dependants des exemples sur lesquels ils s'appuient. Si la partie b présente un lien motivique avec la partie a et se termine par une demi-cadence dans la onalité fondamentale — comme dans le menuet de la Sonate en sol majeur op. 49 n° 2 de BEETHOVEN, qui constitue le point de départ de "argumentation de RIEMANN ~ on pourra ramener l'ensemble } a a tune structure périodique, et done interpreter comme une forme-lied bipartite, certes plus faci- ement que si la partie b s'achéve sur une cadence parfaite dans la tonalité de la dominante et produit iin contraste abrupt dans son contenu, avec la partie ‘et sa répétition (ce qui est le cas dans le fargo de la ‘Sonate en la majeur op. 2 n° 2 de BEETHOVEN, auquel Raz fait référence). ‘Sila reponse a cette question (lorsqu’on a affaire, dans une forme-lied aa ba, & une combinaison de (4+ 4+ 4 +4) mesures) dépend d'une part de la forme cadentielle, et de l'autre du degré de contraste Gtabli avec Ta partie 4, le facteur extéricur de «lon- guecur», apprécié-en-mesures-«niormales », repré= sente un parametre que, dans Ie cas d'une plus ou moins grande extension, il ne faudrait pas nézlige Dans un groupe de [8 + 8 + 8 + 8] mesures, ind pendamment de relations motiviques et tonales, on peut difficilement voir autre chose qu'une structure SasnEsEPIaBSREREREESESEEAERESEEEEROSEEEEEED (2a) thaw 64 (33) Loic alemand Ledorm (orme-Lied) pest sufsctuftion d'un theme et pas seulement 8 cele un mes our 125) RATE, Op cit, p28 Phrase et période: contribution une théorie de la syntaxe musicale Satz und Period zur Theoric der musicalischen Syntax tripartite: le retour de la partie @ apparait comme une répétition non plus syntaxique ct essenticlle (comme dans Ia forme « bar»), mais formelle et accidentelle (comme dans la forme-lied dilatée une piece lyrique pour piano), la répétition sera autant moins signifiamte que la forme sera plus étendue. Au contraire de cela, le schéma aa ba, s'il s'inscrit dans ordre de grandeur (2 +2 +2 + 2), ce qui mest pas frequent (mais intervient, selon WIEHMAYER (27), dans le Prélude en ut mineur de CHopIN) doit étre considéré sans le moindre doute comme bipartite et non tripartite. v DE LA NECESSITE ET DE LA VALIDITE, D'UN MODELE DIVERGENT Les constructions typologiques reposent presque toujours sur un schéma dualiste. En outre, la ten- dance a définir un type comme une modalité défi- ciente d'un autre, semble presque impossible a éviter, Test un fait que penser par dichotomies est une habitude solidement ancrée, et ce fait méme pourtant devrait nous mettre en garde contre tout assujettissement & des stéréotypes qui ne peuvent auamoindrir nos facultés de discernement TI faudrait donc se demander sil suffit, dans la théorie syntaxique musicale, de prendre pour point de départ les deux catégories fondamentales que sont la phrase et la période. Selon Ratz, il existe tune polarité des types qui détermine leurs relations ; les variantes occupant une place médiane entre les extremes. «Dans les deux types que nous avons decrits, d savoir ceux de phrase et de période, nous nous trouvons pour ainsi dire en présence de deux extrémes que l'on peut déterminer sans ambigui Dans la pratique, nous rencontrerons bien sir des cas fréquents qu il sera moins facile d'attribuer & tel ou tel type. Mais ce n'est qu’apres avoir clairement saisi essence antithétique de ces deux structures que nous pourrons nous frayer un chemin @ travers la diversité des phénoménes » (28). Tl s‘agit la d'une typologie de formes syntaxiques & forte détermination, ce qui revient a dire que des structures comme le «passage» (Gang) ou la «chaine de phrases » (Satzkette) que MARX place aux cétés de la phrase et de la période (29) sont laissées généralement de c6té en tant que formes ‘moins solidement établies. II n’est pas doutcux que la phrase réponde a une détermination moindre que la période; elle est «ouverte» plutét, que « fermée ». Et on peut s‘interroger alors sur Vaffir- mation qui en fait l'un des « extrémes directement opposés a la période ». En partant d'une phrase qui comporte une séquence dans Yantécédent et une simple demi-cadence dans le conséquent ~ comme dans le theme principal de la Sonate en fa mineur op. 2 re I de BEETHOVEN — on aboutira plutdt, par Vintermédiaire d'une transition, a des séquences faites de motifs non résolus par une cadence, et que Ton peut, ranger parmi les «passages». Si Ton admet qu’une période a « conséquent libre » puisse valoir comme variante du schéma périodique ~ et (G2 MIRINAYER TR, Oc 6 NVGRx (A) Op, vo. 1, p31, vot 3p 263 Ton ne peut justifier autrement la terminologie de MARX — une séquence faite de motifs non caden- tiels, et dont le conséquent se donne lui aussi comme « libre », devra done étre considérée comme une variante du modéle phrasique. Que l'on accepte ou non lanalogie, le rapport entre phrase et période est difficilement concevable comme une relation de polarité entre des « extrémes opposés ». La forme-lied a.a.ba, selon RATZ qui en fait un examen détaillé, n’infirme en rien la typologie dua- liste, parce qu’elle ne fait pas partie des formes simples, mais des «formes composées» (30). On pourrait objecter que les structures périodique et phrasique s'inscrivent, comme on l'a dit précé- ‘demment, dans des ordres de grandeur différents, et que dans’ un théme comme celui du rondo de la Sonate en si majeur op. 22 de BEETHOVEN, la période, en tant que structure sur-ordonnée, repré- sente également une « forme composée ». Le type de « structure continue» (Fortspianung) dans lequel Wilhelm FISCHER a découvert le principe fondamental de la syntaxe musicale du baroque tardif (31) est assimilable, selon RAZ (32), 4 la structure phrasique . Cette équation qui ne repose sur rien, et qui est donnée comme évidente et immédiatement éclairante, est tout a fait erronée, bien qu'il soit aisé d'en comprendre lorigine. La «structure continue», a Popposé de la phrase, egond_A_une organisation tripartite, ct_non Afpanites Ta ntournelle dun concerto Ge VIVALDI ‘ou de BACH est batie sur le plan suivant (susceptible de modifications par élargissement bien plus que par resserrement) : un antécédent a forte caractéri- sation motixique, une continuation séquentielle et un épilogue cadentiel, De plus, la structure de l'an- écédent ne doit comporier ni répétition ni séquence, mais peut se limiter a un seul motif. Et enfin, nui besoin d'établir, entre Mantécédent et sa continuation (pilogue compris), une relation dequilibre par le nombre des mesures — relation caractéristique de la phrase classique ; bien plus, et sans pour autant nuire a lefficience du principe syntaxique baroque, aucune limite n'est imposée a extension de la partie médiane. Par ailleurs, la tendance a laisser s‘interpénétrer les termes de « phrase » et de « structure continue » (Fortspinnungtypus) (tendance qui se dessine deja chez Wilhelm FISCHER) est parfaitement compré- hensible ; car on peut sans peine, dans une phrase paradigmatique telle que le theme principal du premier mouvement de la Sonate en fa mineur op. 2 ne 1 de BEETHOVEN, retrouver les caractéristiques du principe de «structure continue » (antécédent mes, I-4, structure continue mes. 5-6, épilogue mes. 7-8). Cependant, dans une théorie syntaxique qui ne veut pas sacrifier a la commodité d’un schéma dualiste la connaissance de la réalité musicale, il s'impose de souligner les differences de rincipe. Pin premier lieu, équilibre des parties est essentiel dans ta ‘phrase, accidentel dans la «structure continue»: dans une phrase, méme rompue, c'est toujours une extension analogue de Tantécédent et du conséquent qui constituera le (30) RATZ (ED, Op ct. p25, [3 BRE WP Zr Enwcensgcihe ds Wer (82) RATZ (E). Op ct, p25. Analyse musicale - 4° trimestre 1988/43 Phrase et période : contribution a une théoric de Ia syntaxe musicale ‘Satz und Period zur Theoric der musicalischen Syntax modéle, par rapport auquel les variantes représen- teront une licence ; a inverse, dans la « structure continue », P'équilibre, lorsqu’il est réalisé, comme Gest le cas dans de nombreux mouvements de danse, n’appartient pas a essence du type syn~ faxique, mais releve des attributs, pour ainsi dire extérieurs, inhérents au caractére symétrique de la danse, Du principe d’équilibre de la phrase clas- sique résulte d'autre part la réunion du couple «structure continue »/cadence en un seul consé- quent indivisible, alors que dans le type baroque, a cadence fonctionne comme un épilogue et constitue elle seule une partie autonome (de facon tout a fait Iégitime du reste, puisqu'il n'est pas question établir une correspondance bipartite). Enfin, de la tripartition de cette structure, divisée en partie ini- tiale, partie médiane, et partie finale (au lieu de la division en antécédent et consequent), dépend la possibilité pour 'antécédent de n’étre constitué que par un scul motif (sans redite ni sequence): les parties initiales ct finales forment ainsi le cadre de la «structure continue», qui constitue la partie médiane et genéralement ia plus étendue, alors que, dans la phrase classique, une redite motivique ou une séquence déterminent la nécessité d'un «contrepoids » & antécédent. ‘On ne peut nier que ces deux types, celui de la phrase classique et celui de la « structure continue », soient historiquement liés. Cependant la différence entre le principe de symétric ~ ou d’équilibre entre un premier membre et un deuxiéme ~ et une orga- nisation tripartite fondamentalement indépendante de rapports de longueur, déterminée par les caté- gories début ~ milieu - fin, a de telles implications quill parait tout a fait erroné de ranger dans un meme systéme deux types syntaxiques qui sont caractéristiques de deux époques différentes. Si l'on veut préserver la typologie dualiste, il faut donc exclure de la théorie syntaxique aussi bien la forme-lied a aba que la «structure continue» : la forme-lied parce qu'elle répond genéralement (quoique pas toujours) a un ordre de grandeur «formel» (8 + 8) et non «syntaxique» (4 + 4) comme la phrase et la période, et que sa transpo- sition sur une autre dimension reste possible, mais secondaire; la «structure continue» parce qu’en tant que structure appartenant au baroque tardif, (méme si elle empiéte souvent sur les limites histo- Fiques), elle n’a rien a faire dans un systéme qui stoccupe de la syntaxe classique. Les critéres d'ordres de grandeur et d’apparte- nance historique ne sont cependant guére utilisables pour établir, a partir du systéme de la syntaxe clas- sigue, une troisiéme structure divergente qui, en méme temps, n’aille pas se résorber dans la typo- logie dualiste, a savoir la structure [(3 x a) + 6]. Le second theme du final de la Sonate en fa mineur op. 2.n° I, un theme qui sorganise sur la formule [G x 2) + 2], est une formation syntaxique close qui est sans doute fortement déterminée dans sa cons- truction, sans qu'on puisse parler a son sujet de phrase ni de période: a la double séquence, issue d'un modéle de deux mesures, fait suite un épi- logue, associé 4 la séquence par un metre anapes- 44/Analyse musicale - 4° trimestre 1988 tique commun, qui se termine par une cadence par- faite (la these de RATZ, selon laquelle les seconds themes possédent une ‘structure moins fortement déterminée, est tout a fait contestable (33)). Sila configuration simple du schéma ((3 x a) + 5] peut étre admise comme forme autonome ct non réductible, une structure plus complexe, comme celle que ion trouve aux mesures 5-13 du premier mouvement de la Sonate en mi bémol majeur op. 7 de BEETHOVEN devient alors intelligible. Le groupe de mesures se compose, sclon la formule 1G x 2) + 3], d'une séquence et d'un épilogue dont Je commencement est marqué par un changement accent Fintérieur du metre (indiqué sf). Les mesures précédentes (1-4) qui se composent d'une ‘séquence, seront involontairement percues comme la premiére partie dune phrase, d'autant qu'elles se placent au tout debut de la sonate. La «conti- uation » (5-13) se trouve modifiée dans sa structure syntaxique et apparait d’abord comme un conséqueni, avant de se revéler comme formation autonome repondant au schéma (3 x a) + b]. Le deuxiéme membre syntaxique que 'on attend apres Ia mesure 4, se lit rétrospectivement, a la mesure 13, comme premier membre. On trouve un semblable renversement syntaxique dans te theme principal du premier mouvement de la Sonate en fa majeur op. 10 1" 2 de BEETHOVEN, theme dont la structure a laissé MARX. perplexe’(34): les mesures 1-4 forment la premiére partie d’une phrase: les mesures 5-8 décoivent cependant Vattente d'un conséquent en se dirigeant vers une cadence impar- faite sur Ie IV* degré, et on ne trouve de consé- quent régulier (donnant rétrospectivement aux mesures 5-8 le caractére d’un — deuxiéme ~ anté- cédent) que dans les mesures 9-12 ‘On peut sans aucun doute expliquer Je theme principal de Top. 7 comme une manifestation lardive du. type de «structure continue»: les mesures 1-4 seraient alors lantécédent, 5-10 une structure continue séquentielle, et 11-13 un épilogue cadentiel. Méme intermédiaire entre le type de structure continue et le schéma [(3 x a) + 8] dans la Sonate en si majeur op. 12 nT de CLEMENTI: la formule [2 + G x 2) + 4] peut étre alignée sur le modéle antécédent (1-2) structure continue avec ‘séquence tripartite (3-8) et épilogue ~ si toutefois on ne considére pas les deux premicres mesures ‘comme simples mesures « préparatoites ». La structure composée d'une double sequence ou une redite est sans aucun doute, dans sa signifi- cation, a rapprocher des catégories phrase et période. Et, s'il est vrai qu'il serait exageré d'écarter Ie schema divergent [(3 x a) + 6] comme non per tinent, dans le seul but de préserver la typologie dualiste, on ne peut nier cependant que phrase et période ~ malgré d'autres possibilités coexistantes ~ ont constitué les formes fondamentales de toute construction syntaxique close lage classique. (Traduit de Vallemand par Miche! Chasteau) Ga) id, p 2 89 MAREE, Op. cit. wok 3, p. 260.

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