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e conflit étant contemporain de l'avènement d'une série de lois de laïcité anticléricale, il n'est pas réductible aux seuls manuels

scolaires. Ceux-ci représentent la cristallisation d'une lutte qui comporte plusieurs


motifs de conflitA 3 : les programmes, les manuels scolaires, le personnel enseignant et son statut, les locaux, etc. C'est la diversité et l'intensité de cette opposition qui vont marquer durablement la mémoire de la société française A 3. De fait, le terme de guerre des manuels apparaît rarement sous la plume des protagonistes de la querelle, puisque les livres scolaires incriminés ne sont pour eux que le prétexte de cette lutte plus vaste dont l'enjeu essentiel est l'école, et à travers elle le système politique

de la RépubliqueC 1. L'instruction civique fait en effet appel à un récit national qui revisite l'histoire de la France pour exalter les vertus de la Révolution française dont la Troisième République se pense comme l’achèvement. Les conflits politiques au sujet de manuels scolaires ont d'ailleurs eu un précédent : au xixe siècle, la diffusion dans les institutions catholiques de l’Histoire de France à l’usage de la jeunesse de l'abbé Loriquet provoque une polémique entre légitimistes et libéraux au sujet de l'image qu'il renvoie de Napoléon BonaparteC 1.

Enfin, bien qu'il puisse être tentant de réduire les conflits concernant les livres scolaires à une opposition de deux systèmes d'enseignement, ces derniers sont aussi révélateurs de tendances plus diffuses de la vie politique. S'inscrivant dans une trame d'événements nationaux et internationaux, les manuels reflètent des courants de pensée complexes, mêlant la conviction religieuse aux opinions politiques et sociales d'un pays marqué par la  défaite de 1871C 2. Ainsi, au-delà de l'apparition de la morale laïque, l'utilisation à l'école primaire d'ouvrages scolaires pour susciter un esprit patriotique dans la jeune génération oppose également les partisans d'un enseignement du culte de la patrie et des valeurs nationales et les tenants du pacifisme C 1.

Déroulement
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Caricature anticléricale de 1881 dépeignant Mgr Freppel face à Jules Ferry.

Prémices du conflit
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Les lois Ferry, dès leur élaboration, suscitent une opposition vigoureuse de la droite catholique. Ainsi, Mgr Freppel, évêque d'Angers et député du Finistère, s’élève à la Chambre des députés contre l'instruction laïque et étatique qu'il juge inutile, inefficace, et tendant au socialisme d'État. De même, la presse conservatrice, et en premier lieu L'Univers de Louis Veuillot, fustige la révolution scolaire causée par ces lois scélérates. Mais c'est par son application concrète que la loi du 28 mars 1882 va déclencher la crise et relancer la polémique. En effet, elle donne lieu à la rédaction de manuels d'instruction civique qui remplacent ceux de morale religieuse. Certains auteurs, affiliés à la  libre-pensée, vont y professer ouvertement des opinions hostiles à l’Église catholique B 1. 

Selon le politologue Yves Déloye, la querelle des manuels est en fait en gestation dès la fin du mois de décembre 1879, au moment où le député Paul Bertn 1 présente le rapport de la commission de la Chambre des députés chargée d’étudier la réforme de l’enseignement primaire voulue par Jules Ferry. Il estime que les futurs citoyens doivent être dorénavant en situation d’acquérir […] l’ensemble des connaissances élémentaires dans le domaine des sciences positives en dehors de toute hypothèse religieuse et de tout enseignement de dogmes. Un manuel publié par ce même Paul Bert — et qui sera recommandé en annexe des lois et décrets scolaires républicains — entérine l'opposition du positivisme à l'enseignement religieuxG 1.

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