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McGIL L -
UNIVER-
SITY~
·L IBRARY
A
LES REVENANTS.
Michel pouffa.
- Ils sont magnifiques, les preux de ce
temps-là! C'est le genre de freux dont nous
parle notre Ermance, le corbeau à reflet
pourpre! ...
Marie Faneau eut un signe de mécontentement.
L'enfant terrible savait trop bien son histoire natu-
relle, s'il connaissait mal son histoire de France l
Pontcroix s'accouda sur le dossier du fauteuil
de sa fiancée, les yeux tout à coup rivés à la
somptueuse chevelure fauve de la jeune femme :
- Je pense qu'elle était blonde, murmura-t-il
d'un ton doux qui ne semblait plus le sien. Elle
recevait toutes les nuits son page, un garçon
souple et habile en l'art de se glisser partout,
prenant les chemins les plus dangereux pour en
venir à ses fins, lesquelles étaient, bien entendu,
la chambre à coucher de la marquise, située
dans une tour que reliait un pont-levis à l'autre
corps de bâtiment. Cette chambre ronde,
inimense, s'éclairait de deux fenêtres en ogives
placées en face l'une de l'autre. (Elle formera,
certainement, un très bel atelier, Marie, quand
vous y travaillerez un jour pour votre seul
plaisir 1) Et chaque soir on relevait le pont-levis
parce que le mari jaloux ...
LE GRAJ'\D BAIGNEUR 129
qui faisait la noce à la cour I interjeta
1\Iichel.
- .. .le mari jaloux faisait surveiller la fen1n1e
légitime, l'élue entre toute , qui doit être res-
pectée de tous, y compris d'un mari noceur, et
que rien n'est plus simple comme de prendre
certaine précaution.
- Cela s'appelle, aujourd'hui, préméditation.
- Michel, gronda doucement Marie, ne
m'empêche pas d'écouter. Tu es fatiga'nt. .. et
ces 1\Ics ieurs vont te supposer un peu moins
que l'âge de ;raison.
- Donc, chaque soir, le pont-levis était
relevé, la tour laissée sans aucune con1n1uni-
cation avec le reste du château ; mais le pago
avait trouvé ingénieux de tendre une corde que
la belle lui lançait et qu'il attachait au barreau
d'une meurtrière. Se suspendant par les mains,
il chen1inait dans les airs ... jusqu'au paradis de
ses rêves. Un soir, quelqu'un coupa la corde, le
page s'abattit en tournoyant comme un grand
oiseau, les bras étendus, se fracassa la tête dans
les douves et on ne rabattit plus jan1ais le pont-
levis. Quant à ce qui se passa dans la chambre
.de la marquise ..•
- Nul ne l'a j~n1ais su, ponctua funèbren1ent
i30 LD GRAND SAIGNEUR
t
écarté et non en terre sainte. Les habita nts furent bientô
bles appari tions, qu'ils attribu èrent à
effrayés par d'horri
et
ce malhe ureux. On se décida à ouvrir son tombeau,
et bien dispos. Ses
l'on trouva le corps enflé, mais sain
veines étaien t gonflées du sang que le vampi re avait sucé.
On reconn ut, à n'en pas douter, que c'était un broucolaque.
t de
On délibé ra sur ce qu'il y avait à faire et l'on résolu
les faire bouilli r dans du vin,
coupe r ses memb res et de
moyen emplo yé depuis un temps immém orial contre
à
l'influence des broucolaques. Les parent s obtinrent,
rait l'exéc ution; et ils
force de prières qu'on différe
au
envoyèrent en hâte à Constantinople deman der
che l'absol ution du défunt . Penda nt ce temps, le
patriar
corps fut mis dans l'église, où l'on faisait tous les jours
des prière s pour son repos. Un matin, penda nt le service
divin, on entend it tout à coup une forte détonation dans
,
le cercueil ; on l'ouvrit, et l'on trouva le corps dissous
mort enterr é depuis sept
comm e doit l'être celui d'un
un
ans. Tournefort raconte. dans le récit de ses voyages,
incide nt tout à fait sembla ble dont il fut témoin dans
l'île de Mycone, avec cette différence que le broucolaque
e
ne fut pas si traitab le, qu'il fallut le déterr er un nombr
illimité de fois, et que penda nt plus d'un mois les habi-
tants furent obligés de dégue rpir de leurs maisons dans
lesquelles le spectr e se perme ttait mille licences, excepté
toutefois dans celle du consulat, où logeait Tournefort.
Les Grecs et les Turcs s'imag inent que les cadavres des
pro-
brouco laques mange nt penda nt la nuit, qu'ils se
on, en un mot qu'ils se
mènen t pour faire leur digesti
ent. Ils racont ent qu'en déterra nt ces
nourri ssent réellem
vampires on leur trouve un coloris vermeil, que leurs
veines sont gonflées de la quanti té de sang qu'ils ont sucée
frais
.et qu'on n'a qu'à les ouvrir pour le voir couler aussi
que celui d'un jeune homm e de vingt ans.
LE GRAND SAIGNEUR iJ.9
Toutes ces superstitions, ou ces phénomènes
d'hallucination, répandus par des érudits de dif-
férentes croyances religieuses ou scientifiques,
ont été bien capables de laisser dans l'âme
humaine, toujours crédule, une place pour le
désir, sinon la terreur de la survie animale. On
a connu des malades, doués d'une imagination
trop vive, qui, frappés par une violente commo-
tion cérébrale, ne concevaient plus l'acte d'amour
que sous l'empire de l'idée fixe de voir couler du
sang et devenaient des sadiques, malgré leur
propension à la plus romanesque des pudeurs.
VIII
3 Scptembrü 1821.
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