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UNIVERSITE DE TUNIS CARTHAGE

INSTITUT DES HAUTES ETUDES COMMERCIALES DE


CARTHAGE

MEMOIRE POUR L’OBTENTION DU DIPLOME


D’EXPERT-COMPTABLE

TITRE DU MEMOIRE

ÉVALUATION DES ACTIFS BIOLOGIQUES


AGRICOLES A LA JUSTE VALEUR : POSSIBILITE
D’APPLICATION EN TUNISIE

ELABORE PAR

MR. AHMED ELLEUCH


DIRECTEUR DE RECHERCHE
MR. ABDERRAZEK GABSI

DECEMBRE 2007

ANNEE UNIVERSITAIRE
2007-2008
DEDICACES

à la mémoire de mon cher Frère défunt Habib que Dieu lui


accorde sa profonde miséricorde ;
à mes chers parents Boubaker et Jamila qui ont toujours été là
pour moi, et qui m'ont donné un magnifique modèle de labeur et
de persévérance ; à ma femme Fatma pour son soutien moral
inlassable et pour son obstination à mon égard. J'espère qu'ils
trouveront dans ce travail toute ma reconnaissance et tout mon
amour ;
à mes chers frère et sœur : Zoubir et Roaudha pour leur soutien
et leur amour ;
à mes enseignants pour la rigueur de leur enseignement et
l'étendue de leur savoir ;
à mes meilleurs amis.

Je dédie ce mémoire.
REMERCIEMENTS

Je tiens à manifester toute ma gratitude envers M. Abderrazek


GABSI, mon enseignant, mon maître de stage et mon directeur de
recherche.
Je souhaite également remercier tous ceux qui ont contribué de
près ou de loin à la réalisation de ce travail et particulièrement
à M. Mohamed AFFES et M. Mohamed MIGAO.
Qu'ils trouvent dans ce modeste travail l'expression de mon
profond respect et de ma reconnaissance pour leurs
encouragements et leurs recommandations constructives.
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

RESUME/ABSTRACT
Résumé

La pratique comptable actuellement suivie par les exploitations agricoles en Tunisie pour la
comptabilisation et l’évaluation des actifs biologiques agricoles est inspirée du système comptable des
entreprises de 1997 et du PCGA Français, fondé sur le modèle du coût historique récupérable. Les
règles comptables actuelles ne servent que pour satisfaire aux obligations de régularités fiscales ou
juridiques. Elles ne peuvent être utiles ni pour la prise de décisions économiques ni pour la prédiction
des performances de rentabilité futures et des risques de faillite.
En 2001, l’IASC a publié une nouvelle norme, l’IAS 41 « Agriculture » qui propose l’évaluation des
actifs biologiques à la juste valeur dès l’acquisition jusqu’à la décomptabilisation.
Ce mémoire étudie les dispositions de cette norme internationale au niveau des règles d’identification,
d’évaluation, de classement et des informations à fournir relatives aux actifs biologiques au sein d’une
exploitation agricole et d’exercer une revue d’ensemble des apports et des critiques de cette norme,
ainsi que des difficultés théoriques et pratiques de son application à l’échelle internationale et
nationale.
Abstract

The accounting practice currently followed by the farms in Tunisia for the accounting and the
valuation of agricultural biological assets is inspired by the accounting system of the companies of
1997 and the French PCGA, based on the model of the recoverable historical cost. The current
accounting rules are only used to satisfy obligations of the tax or legal regularities. They can be useful
neither for the economic decision-making nor for the prediction of the future performances of
profitability and the risks of failure.
In 2001, the IASC published a new standard, the IAS 41 «Agriculture» which proposes the valuation
of biological assets at fair value since the acquisition until the derecogniton date.
This dissertation studies the requirements of this international standard on the level of the rules of
identification, evaluation, classification and information disclosure relating to the biological assets
relating to the farm and to exert an overview of the contributions and criticisms of these standard, as
well as theoretical and practical difficulties of its application on an international and national scale.

4
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

PLAN
DEDICACES 2
REMERCIEMENTS 3
RESUME/ABSTRACT 4
PLAN 5
LISTE DES ABRÉVIATIONS 8
INTRODUCTION GENERALE 9
PREMIERE PARTIE : ETUDE DES REGLES COMPTABLES APPLICABLES A
L’AGRICULTURE 18
Chapitre Premier : Définition et problèmes comptables relatifs
aux actifs biologiques 18
Section 1 : Définition et caractéristiques des actifs biologiques 18
Section 2 : Problèmes de transcription comptable des évènements économiques
relatifs aux actifs biologiques 22

Chapitre Deuxième : Les règles comptables actuelles en Tunisie 25


Section 1 : Absence de référentiel comptable national spécifique à l’activité
agricole 25
Sous-section 1 : Les Règles et pratiques comptables appliquées en agriculture : Solutions
inspirées du système comptable des entreprises et du plan comptable agricole français 25
Sous-section 2 : Evaluation des postes d’actifs biologiques : Comptabilisation initiale et
évaluation à la date de clôture 27
1. Pratiques et règles de comptabilisation des biens vivants agricoles 28
2. Méthodes d’évaluation des biens vivants agricoles 31
Section 2 : Analyse critique du modèle existant 40
Sous-section 1 : Difficultés pratiques d’évaluation des actifs biologiques : nécessité d’une
comptabilité analytique pour la détermination des coûts de production 40
Sous-section 2 : L’évaluation au coût historique permet elle une présentation fidèle des
transactions ? 43
1. Avantages du modèle comptable du coût historique 43
2. Inconvénients du modèle comptable du coût historique 45

Chapitre Troisième : Revue des expériences comptables agricoles


à l’échelle mondiale 49
Section 1 : Expérience européenne continentale : Cas du plan comptable général
agricole Français 49
Sous section 1 : Règles générales de comptabilisation et d’évaluation des biens vivants
agricoles 50
1. Règles de comptabilisation des animaux vivants agricoles 50
2. Règles de comptabilisation des plantes vivantes agricoles 54
3. Valorisation des biens vivants agricoles 55
Sous-section 2 : Critiques et faiblesses du modèle français 61

5
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Section 2 : Revue de la littérature anglo-saxonne : Cas de la norme Américaine


« Accounting by Agricultural Producers and Agricultural Coopératives » de
l’AICPA 64
Sous-section 1 : Règles générales de valorisation des biens vivants agricoles 65
Sous-section 2 : Règles spécifiques d’évaluation et de comptabilisation des biens vivants
agricoles 67
1. Les stocks de produits et de biens agricoles 67
2. Les champs de grandes cultures 69
3. Les vergers et les champs de vignes 70
4. Les plantes à cycle de vie moyen 71
5. Les animaux de reproduction et de production 72
6. Les animaux détenus pour la vente 74

Chapitre Quatrième: Normalisation comptable internationale 76


Section 1 : Apport de la norme IAS 41 « Agriculture » : Evaluation des actifs
biologiques à la juste valeur 77
Sous-section 1 : Les nouvelles règles d’évaluation des actifs biologiques et de comptabilisation
des subventions publiques 77
1. Champs d’application et définitions 77
2. Règles d’évaluation des actifs biologiques et des produits agricoles 79
3. Règles de comptabilisation des subventions publiques rattachées aux actifs biologiques 85
Sous-section 2 : Les différentes méthodes de détermination de la juste valeur 87
1. Valeur de marché de l’actif biologique 87
2. Valeur de marché d’actifs similaires et prix de références 92
3. Valeur réalisable nette et valeur actuelle nette 95
4. Coûts historiques en cas de faible transformation biologique 107
Sous-section 3 : Les informations à fournir 107
1. Au niveau de l’état de résultat 108
2. Au niveau du corps du bilan 110
3. Au niveau des notes annexes aux états financiers 110
Sous-section 4 : Conséquences de l’évaluation à la juste valeur : Comptabilisation des pertes et
des profits non encore réalisés 113
Section 2 : Analyse critique de la norme IAS 41 sur le plan international 116
Sous-section 1 : Les avantages de l’évaluation des actifs biologiques à la juste valeur : 116
1. Avantages d’évaluation à la juste valeur en comptabilité générale 116
2. Avantages particuliers à l’agriculture 118
Sous-section 2 : L’évaluation des actifs biologiques à la juste valeur améliore-t-elle la qualité
de l’information comptable ? 120
Sous-section 3 : Critiques adressées à la norme internationale IAS 41 122
Sous-section 4 : Difficultés d’application de la notion de juste valeur en agriculture 125
Section 3 : Adoption de la norme internationale IAS 41 128
Sous-section 1 : Adoption de la norme sur le plan international : Une adoption anglo-saxonne
généralisée 128
Sous-section 2 : Difficultés théoriques probables d’application pour les pays en voie de
développement : Cas de la Tunisie 130

6
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

DEUXIEME PARTIE : APPLICATION ET IMPACT DES DISPOSITIONS DE LA


NORME INTERNATIONALE AU CONTEXTE TUNISIEN 132
Chapitre Premier : Etude sur l’existence et le fonctionnement des
marchés agricoles 132
Section 1 : Existence des marchés agricoles 133
1. Les marchés des légumes et fruits 133
2. Les abattoirs d’animaux et les marchés de bétail 134
3. Marché des plantations pérennes et des animaux de production de biens 134
Section 2 : Fonctionnement des marchés agricoles 136
Sous-section 1 : Fixation des prix des produits agricoles et intervention de l’Etat 136
Sous-section 2 : Fluctuation des prix et système d’information 137
1. Cas du marché de gros de Bir Kassaâ 137
2. Cas du marché des olives de Sfax 140
3. Cas du marché des animaux d’El Wardia 141
4. Cas du marché de bétail de Sfax 143

Chapitre Deuxième : Impact de l’adoption de la norme IAS 41 en


Tunisie 145
Section 1 : Incidence de l’application de la norme sur l’économie tunisienne 145
Sous-section 1 : Incidence sur le fonctionnement des marchés de capitaux et boursiers 145
Sous-section 2 : Incidence sur la compétitivité du secteur agricole et la viabilité des entreprises
agricoles 147
Section 2 : Répercussion de l’utilisation de la juste valeur sur le système
d’information de l’entreprise agricole 150
Sous-section 1 : Sensibilité des entreprises agricoles pour l’évaluation des actifs biologiques à
la juste valeur : Passage vers un nouveau contenu informationnel 150
Sous-section 2 : Dispositions et organisation à mettre en œuvre pour adapter le système
d’information comptable aux nouvelles dispositions normatives 152
1. Refonte du système d’information financière 152
2. Mise en place d’un programme de formation adapté 153

Chapitre Troisième : Première application de la norme IAS 41 155


Section 1 : Première adoption d’une nouvelle norme comptable 155
Sous-section 1 : Apport de la norme IFRS 1 155
Sous-section 2 : Apport de la norme IAS 8 160
Sous-section 3 : Norme applicable 162
Section 2 : Problèmes de migration d’un référentiel comptable à un autre 164
Sous-section 1 : Dispositions et règles à mettre en œuvre pour une première application de la
norme IAS 41 164
1. Nature des changements apportés 164
2. Dispositions nécessaires à l’application de la norme IAS 41 165
Sous-section 2 : Limites et difficultés probables à l’application rétrospective de la norme IAS
41 166
1. Non disponibilité des informations à la date d’évaluation 166
2. Recours aux estimations financières 167
CONCLUSION GENERALE 168
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE 172
LISTE DES ANNEXES 177
7
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

LISTE DES ABRÉVIATIONS

AAA -------------------------- American Accounting Association


AASB ------------------------ Australian Accounting Standards Board
AICPA ----------------------- American Institute of Certified Public Accountants
FADN ------------------------ Farm Accounting Data Network
FASB ------------------------- Financial Accounting Standards Board
IAS---------------------------- International Accounting Standards
IASB-------------------------- International Accounting Standards Board
IASC-------------------------- International Accounting Standards Committee
IFRS -------------------------- International Financial Reporting Standards
IGER ------------------------- Institut National de Gestion et d’Economie Rurale
NCT -------------------------- Norme Comptable Tunisienne
NPV -------------------------- Net Present Value
OEP--------------------------- Office de l’Elevage et du Pâturage
OGM ------------------------- Organismes Génétiquement Modifié
OTD -------------------------- Office des Terres Domaniales
PCG--------------------------- Plan Comptable Général
PCGA ------------------------ Plan Comptable Général Agricole
PME -------------------------- Petite et Moyenne Entité
PVD -------------------------- Pays en Voie de Développement
SGARA ---------------------- Self-Generating and Regenerating Assets
SIC---------------------------- Standing Interpretation Committee
SMVDA---------------------- Société de Mise en Valeur et de Développement Agricole
SOP --------------------------- Statement of Position
TVA -------------------------- Taxe sur la Valeur Ajoutée
VAN -------------------------- Valeur Actuelle Nette

8
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

INTRODUCTION GENERALE

L’entreprise agricole est une unité de production végétale ou animale qui présente

relativement des particularités. Elle a été pour longtemps de taille moyenne ou petite, ce qui

fait que les chefs d’exploitation qui ont souvent une formation comptable et financière

limitée, se passaient tout simplement de la comptabilité.

Mais avec l’accroissement marqué de la dimension de ces exploitations et la

promulgation de lois fiscales incitant à la tenue de comptabilité régulière, les besoins en

informations financières fiables et pertinentes se sont accentués.

Néanmoins, notre paysage normatif comptable national ne dispose pas d’une norme

sectorielle qui traite des spécificités de l’activité agricole et particulièrement celle des biens

vivants et des récoltes agricoles, et ce, en dépit de l’émergence au niveau international de

normes comptables régissant la matière.

La comptabilité des entreprises agricoles tunisienne est une comptabilité à essence

pratique, elle est en grande partie inspirée des règles édictées par le système comptable des

entreprises de 1997 avec recours aux solutions annoncées par le droit comptable comparé en

l’occurrence le plan comptable général agricole Français. Une situation ambiguë où

l’arbitraire est le maître des lieux, une grande marge de manœuvre est laissée aux dirigeants

pour façonner le résultat. Beaucoup de jugements professionnels doivent être exercés par les

comptables et les auditeurs influant de façon notoire sur la qualité des informations produites.

Pour des situations analogues, les traitements et les pratiques diffèrent d’une entité à l’autre et

la comparabilité des états financiers dans le temps et dans l’espace se trouve sérieusement

restreinte. Les informations financières publiées par les entités agricoles en Tunisie

concernant les actifs biologiques sont insuffisantes et dans plusieurs cas totalement absentes.
9
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Elles souffrent de plusieurs lacunes et ne permettent pas d’informer les utilisateurs des états

financiers sur la situation économique réelle ni de prévenir les menaces et les opportunités qui

pèsent sur ces actifs. Les chiffres présentés peuvent s’écarter de manière sensible des prix de

marché des actifs biologiques. L’absence d’une normalisation spécifique adaptée aux

particularités du secteur n’a fait que multiplier les pratiques comptables controversées, dans

un environnement peu initié à la culture de divulgation et de reporting financier 1 .

Les performances économiques sont reproduites de façon classique et non adaptée, en

fonction de transactions routinières d’achats et de ventes, alors que plusieurs évènements

particuliers aux biens vivants agricoles tels que la croissance, la naissance ou

l’appauvrissement sont ignorées ou traduits de manière infidèle. Les prises de décision des

différents acteurs et agents économiques se trouvent profondément biaisées laissant ainsi

régner un climat de crainte et de doute qui altère la confiance générale des affaires agricoles et

freine sensiblement le développement économique du secteur, l’investissement privé et la

procuration des fonds nécessaires auprès des établissements de crédits.

Les règles comptables actuellement utilisées pour la valorisation des biens vivants

agricoles végétaux et animaux et pour l’établissement des états financiers d’une entreprise

agricole ne servent que pour satisfaire aux obligations de régularités fiscales ou juridiques.

Elles ne peuvent être utiles ni pour la prise de décisions économiques ni pour la prédiction des

performances de rentabilité futures et des risques de faillite.

Face à cet état de droit et de fait, une nécessité pour une meilleure organisation

comptable et financière de l’exploitation agricole tunisienne prend place et ne cesse de croître

d’une année à l’autre. Cette nécessité concerne aussi bien les besoins internes de gestion de

1A. MABKHOUT, S. BEN NACEUR, A. SAHNOUN et al. 2007. Mémento des Normes Internationales d’Information
Financière (IFRS) : Positionnement des Normes Comptables Tunisiennes (NCT)- De la théorie à la pratique. Editions
CORPORATE REPORTING GROUP PRICEWATERHOUSECOOPERS-TUNIS OFFICE.

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Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

l’exploitation, que les besoins des utilisateurs externes tels que, les investisseurs à risque,

l’administration fiscale, les banques, les créanciers, etc.

La connaissance et la maîtrise des règles et des normes comptables agricoles

particulières présente ainsi un intérêt incontestable pour les exploitants agricoles et leurs

conseillers, et notamment les professionnels comptables.

Par ailleurs et depuis quelques décennies, on assiste sur le plan international à une

remise en cause progressive des fondements du modèle comptable traditionnel du coût

historique et à l’émergence d’un nouveau concept celui de la juste valeur.

En effet, au cours des dernières années plusieurs articles sont parus pour soutenir une

révision fondamentale de la conception et de la présentation des états financiers et plus

particulièrement celle du bilan. Une des raisons les plus importantes de ce courant de pensées

est la croissance régulière de la disparité entre la valeur comptable de l’entreprise et sa valeur

boursière ainsi que la faible relation entre les résultats financiers et la valeur économique

réelle de l’entreprise. Dans certains secteurs de l’économie (les marchés financiers), il a été

même montré que les résultats financiers ne sont pas pertinents pour l’évaluation des

entreprises sur le marché boursier 2 .

Il est à noter que la représentation comptable de l’entreprise est une construction

contingente qui repose sur des principes comptables normalisés généralement admis, dont

l’addition constitue un modèle. Ce dernier trouve sa légitimité dans sa capacité à appréhender,

à évaluer, à synthétiser et à suivre dans le temps les informations relatives aux transactions de

l’entreprise. Le fond du modèle comptable repose sur une conception de la valeur qui peut

faire référence soit au coût, soit à la valeur d’échange, soit à la valeur d’utilité, soit encore à la

valeur de marché. Le choix de l’une de ces conceptions influe inévitablement sur la nature et

2
K. BOONE. 2002. Asset valuation based on fair value using the NPV method. PACIOLI 9 innovations in the FADN. Juin
2002. [En ligne]. Consulté le 02/01/2005. Adresse électronique : http : //www.lei.dlo.nl/publicates/
PDF/2002/8_xxx/8_02_02.pdf.

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Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

les propriétés attendues de la mesure du patrimoine et des performances financières d’une

entreprise 3 . Le secteur agricole n’échappe pas nécessairement à ce jugement quant aux choix

du modèle comptable susceptible de refléter au mieux la situation et la performance d’une

entreprise agricole. Dans une telle activité, les actifs biologiques ont une nature très

spécifique et ont généralement une importance assez significative au sein de l’entité.

Le concept de création de valeur fait intervenir les résultats prévisionnels dans

l'évaluation de l'entreprise, il nécessitera donc un référentiel comptable ne s'appuyant plus sur

les seules valorisations au coût historique. La persistance dans l'utilisation du coût historique

condamnerait à un recours aux retraitements extracomptables, comme fréquemment lors

d'éventuelles évaluations d'entreprises 4 .

Un marché mondial est en train de s'établir, or les conditions de fonctionnement du

marché dit « actif » exigent, notamment, l’existence d’agents économiques bien informés.

L'harmonisation de l'information apparaît inévitable pour que chaque agent (investisseur à

risque, client, fournisseur, salarié, administration, etc.) puisse assumer convenablement son

rôle économique. Pour évaluer les prix, les coûts, les marges et les performances, ces agents

doivent parler un langage universel qui doit être appliqué par tout le monde, dès la source de

l’information économique à savoir la comptabilité. Ceci ajouté à un accroissement des

échanges mondiaux, et à une véritable interpénétration des économies des pays et une

progression de l’internationalisation des entreprises, « PME » comprises, par le biais des

prises de participation, des fusions, etc., tout ça fait que les intervenants dans la vie

économique d’une entité éprouvent un besoin réel et de plus en plus pressant à une

harmonisation comptable internationale. L'ensemble des pays développés et de nombreux

3
J.F. CASTA. 2003. La comptabilité en « Juste Valeur » Permet Elle une Meilleure Représentation de l’Entreprise? [En
ligne]. Université Paris Dauphine, p. 1-16. Consulté le 15/12/2004. Adresse électronique : http://www.fr/cereg/
cahiers/cereg200307.pdf.
4
Y. LOUSTAUNAU. 2003. L’application des normes IAS/IFRS dans le secteur viti-vinicole. CENTRE DE DOCUMENTATION
DES EXPERTS-COMPTABLES ET DES COMMISSAIRES AUX COMPTES.

12
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

pays de l’économie émergente ont depuis trente ans, mené d'importants efforts

d'harmonisation en cette matière.

Les Normes IAS 5 et IFRS 6 , du fait notamment d'une réflexion et d'une élaboration

véritablement internationales, apparaissent comme la meilleure solution à ce souci d'assurer

une réelle comparabilité mondiale des états financiers. Leurs chances de succès à moyen

terme semblent, en outre, consolidées par l'approche « création de valeur» 7 .

A ce titre, le référentiel comptable international et plus particulièrement la norme IAS

41 « Agriculture » s’inscrit dans cette logique d’harmonisation du langage comptable pour

l’agriculture mondiale et peut servir de point de repère intéressant pour une future adoption

d’une norme comptable traitant des spécificités agricoles en Tunisie.

Notre étude tente d’analyser l’intérêt de la comptabilisation des actifs biologiques

agricoles, c’est à dire des actifs vivants animaux et végétaux à la juste valeur comme c’est

recommandé par la norme comptable internationale IAS 41. La notion de la juste valeur est

définie comme étant « le montant pour lequel un actif pourrait être échangé, ou un passif

éteint, entre parties bien informées, consentantes, et agissant dans des conditions de

concurrence normale» (IAS 41.8).

Dans cette perspective, la question majeure est la suivante : L’évaluation des actifs

biologiques à la juste valeur est-elle pertinente ?

Cette évaluation permet-elle une meilleure représentation des transactions et

évènements économiques de l’entreprise agricole ? Quelles sont les possibilités et les

difficultés d’application probables des nouvelles dispositions annoncées par la norme IAS 41

dans le contexte tunisien ?

5
IAS est l’abréviation de « International Accounting Standard » ou normes comptables internationales.
6
IFRS est l’abréviation de International Financial Reporting Standard ou Normes internationales d’information financière.
7
LOUSTAUNAU, op. cit.

13
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Afin d’apporter des éléments de réponse à ces questions, nous allons commencer au

niveau de la première partie de notre étude par la définition de la notion d’actifs biologiques

et l’examen des règles comptables applicables à l’agriculture.

1. Le modèle comptable traditionnel du coût historique


récupérable

Il y a lieu d’étudier en premier lieu le modèle d’application actuelle en Tunisie. Ce

modèle dominant repose sur le concept de « valeur-coût », qui signifie les coûts accumulés

associés au principe de réalisation et de prudence. En effet, ce modèle fonctionne comme un

filtre asymétrique privilégiant la constatation des pertes dès qu’elles deviennent probables et

reportant celle des gains à la réalisation effective de la transaction 8 .

Nombreuses sont les critiques adressées au modèle du coût historique récupérable. Elles

sont focalisées sur la faible pertinence des informations comptables produites. De l’autre côté,

les défenseurs de ce modèle préconisent, qu’en dehors des périodes de forte inflation, le

modèle du coût historique récupérable constitue une méthode particulièrement robuste,

objective et très appréciée par le monde des affaires 9 .

Puis, une revue des expériences internationales en matière de comptabilité agricole sera

réalisée pour permettre de mettre en exergue les règles comptables actuellement appliquées, et

notamment celles du plan comptable agricole Français au niveau de l’Europe continentale

(pour les états financiers individuels et ceux des groupes non cotés) et de la norme comptable

agricole de l’Institut Américain des Experts Comptables AICPA : « American Institute of

Certified Public Accountants » au niveau anglo-américain.

Ensuite, notre étude s’efforcera d’examiner les dispositions prévues par la norme

comptable internationale IAS 41 « Agriculture », celle-ci apporte un changement comptable

majeur en recommandant l’évaluation des actifs biologiques à la juste valeur et annonce une

8
J.F. CASTA, op. cit.
9
J.F. CASTA, op. cit.

14
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

rupture radicale par rapport aux principes comptables sous-tendant le modèle du coût

historique récupérable.

2. L’émergence du concept de la juste valeur en agriculture

En 2001, l’IASC 10 a publié une nouvelle norme, l’IAS 41 « Agriculture » qui propose

l’évaluation des actifs biologiques à la juste valeur. Antérieurement à sa publication, aucune

norme internationale n’a traité ni de l’évaluation ni de la transformation des actifs

biologiques.

La publication de cette norme a suscité des réactions divergentes auprès des

académiciens, des entreprises et des professionnels comptables, allant d’un endossement pur

et simple des principes apportés par la norme à une opposition farouche aux changements

annoncés par rapport aux principes comptables conventionnels.

Notre étude tente d’étudier en profondeur les dispositions de cette norme internationale

au niveau des règles d’identification, d’évaluation, de comptabilisation et des informations à

fournir relatives aux actifs biologiques au sein d’une exploitation agricole et d’exercer une

revue d’ensemble des apports et des critiques de cette norme, ainsi que des difficultés

théoriques et pratiques de son application à l’échelle internationale et nationale.

3. Possibilité d’application de la notion de la juste valeur au


contexte tunisien et son impact sur les systèmes
d’informations de gestion

Enfin, et pour achever ce mémoire, nous essayons au niveau de la deuxième partie de

tester la possibilité d’application de cette norme internationale, qui recommande le recours en

premier lieu à la valeur de marché pour la détermination de la juste valeur des actifs

biologiques.

10
IASC est l’abréviation de « International Accounting Standards Committee ».

15
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Une observation empirique de l’existence et du fonctionnement des marchés agricoles

en Tunisie permettra probablement de se prononcer sur l’applicabilité ou non de la norme

comptable internationale IAS 41 au contexte et aux contraintes du secteur agricole tunisien.

Afin de permettre l’application des nouvelles dispositions normatives concernant la

juste valeur, les entités agricoles en Tunisie doivent être en mesure de remanier leurs

systèmes d’informations de gestion pour qu’ils soient capables de capter, d’analyser et

d’utiliser les informations sur la juste valeur des actifs biologiques. Enfin, les aspects

comptables d’une première application de la norme seront étudiés.

L’émergence de ce nouveau modèle de la comptabilité à la juste valeur nécessitera, dans

l’avenir, d’ajuster les pratiques de communication et d’analyse financières, mais aussi de

redéfinir les rôles respectifs du bilan et du compte de résultat.

La norme IAS 41 aboutit à un changement de conception du rôle du système comptable

dans l'entreprise ; celui-ci apparaît orienté de manière définitive vers les tiers et, surtout, les

investisseurs. En fait, le normalisateur international, en voulant accentuer la pertinence de

l’information comptable, a établi une relation de cohérence entre les chiffres comptables, les

indicateurs de pilotage et d’analyse financière et la valeur économique de l’entreprise.

En essayant d’appréhender les aspects techniques de la comptabilité agricole, notre

étude a l’ambition modeste de répondre aux objectifs suivants :

• Faire un tour d’horizon des pratiques comptables actuellement appliquées en Tunisie

par les exploitations agricoles, dans le but d’en déceler les carences et les faiblesses

tout en essayant de statuer sur les voies de développement de cette discipline

permettant ainsi d’atteindre l’objectif ultime d’amélioration de la compétitivité, des

performances, et des procédures comptables et de gestion des exploitations agricoles

en Tunisie.

16
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

• Inspecter les développements comptables internationaux au niveau du secteur agricole

et forestier, permettant d’en tirer des conclusions sur les orientations actuelles et

prévisibles dans un monde économique en perpétuelle mouvance.

• Essayer de prévoir l’adoption d’un modèle comptable pour les exploitations agricoles

en Tunisie, inspiré en totalité ou en partie du référentiel comptable international de

l’IASC, en prospectant toutes les difficultés probables pouvant être rencontrés pour

une application adéquate de la norme comptable internationale IAS 41 et recenser les

principaux points de débats.

• Emettre des propositions techniques face aux principales difficultés mises en

évidence. Néanmoins, face au nombre encore restreint de réflexions menées sur le

sujet, ce mémoire n'a pas pour objectif de donner des solutions définitives à

l'adaptation du système comptable d’une exploitation agricole tunisienne aux

exigences de la norme IAS 41 mais bien d'émettre une opinion réfléchie et argumentée

sur les sujets sensibles.

17
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

PREMIERE PARTIE : ETUDE DES REGLES


COMPTABLES APPLICABLES A L’AGRICULTURE

CHAPITRE PREMIER : DEFINITION ET PROBLEMES


COMPTABLES RELATIFS AUX ACTIFS BIOLOGIQUES

Section 1 : Définition et caractéristiques des actifs biologiques

L’activité agricole et forestière se caractérise par rapport aux autres activités

économiques essentiellement, par la gestion d’êtres vivants animaux et végétaux qualifiés par

le référentiel comptable international d’actifs biologiques. Ces actifs sont divisés en deux

catégories différentes : les actifs biologiques consommables et les actifs biologiques

producteurs. La distinction entre ces deux catégories est réalisée sur la base de plusieurs

critères qui dépendent entre autres de la nature des cultures, de l’intention du fermier de

détenir les actifs ou de les vendre dans un avenir proche et de la destination des animaux au

sein de l’exploitation.

Les plantations qui devraient être récoltées comme production agricole ou les animaux

d’engraissement 11 et ceux destinés à la vente sont qualifiés par la norme comptable

internationale IAS 41 « Agriculture » d’actifs biologiques consommables. Des exemples

d’actifs biologiques consommables sont un cheptel d’engraissement destiné à la production de

viande, un cheptel détenu pour la vente, du poisson de pisciculture, des récoltes comme du

mais ou du blé et des arbres cultivés pour le bois (IAS 41.44). Les actifs biologiques

consommables ont généralement une durée de vie relativement courte au sein de

11
Les animaux d’engraissement sont des actifs destinés à la production de viande.

18
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

l’exploitation. Ils doivent être vite transformés en production agricole lorsqu’ils atteignent un

stade récoltable ou un poids économiquement optimal, et ce, pour maximiser la rentabilité de

l’exploitation. Les actifs biologiques producteurs constituent quant à eux l’outil de production

durable de l’entité et sont destinés à produire d’autres actifs biologiques ou de la production

agricole, par exemple, un cheptel producteur de lait, des vignes, des arbres fruitiers et des

arbres dont une partie est coupée en bois de chauffage alors que l’arbre reste sur pied. Les

actifs biologiques producteurs ne constituent pas une production agricole, mais plutôt des

actifs auto-régénérants, même si certains animaux producteurs de biens ou de services ou

destinés à la reproduction peuvent être vendus à la fin de leur durée de détention. Les actifs

biologiques producteurs sont appelés à rester pendant une longue période au niveau de

l’exploitation afin de produire des biens tels que le lait, la laine et les œufs, des services

(gardiennage, transport, etc.) et d’autres actifs biologiques.

Les actifs biologiques se différencient des autres actifs corporels principalement par la

possibilité de transformation biologique (relative à la science de la vie) et notamment par

rapport à des notions voisines tels que la production agricole qui représente les produits

récoltés des actifs biologiques, les produits agroalimentaires provenant des activités

industrielles de transformation et de conditionnement des produits agricoles et les actifs

biologiques déjà récoltés ou abattus. La transformation biologique concerne donc tout

développement positif ou négatif de l’animal ou du végétal tant qu’il est encore vivant. Dès

que l’actif devient non vivant, il ne s’agit plus d’actifs biologiques et toute transformation

ultérieure ne constitue pas une activité agricole, même si elle peut paraître un prolongement

normal de celle-ci. C’est le cas par exemple de la transformation des raisons en vin, des olives

en huiles d’olives et du lait en fromage.

19
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Le tableau ci-dessous fourni par la norme comptable internationale IAS 41 offre

quelques exemples d’actifs biologiques, de produits agricoles et de produits qui résultent de la

transformation après récolte (IAS 41.4) :

Actifs biologiques Produit agricole Produits qui résultent de la


transformation après la récolte
Moutons Laine Fil de tissage, tapis

Arbres dans une plantation Rondins Bois


forestière

Plantes Coton Fil, vêtements


Sucre
Canne à sucre récoltée

Bovins laitiers Lait Fromage

Porcs Carcasses Saucisses, jambons

Arbustes Feuilles Thé, tabac traité

Vignes Raisins Vin

Arbres fruitiers Fruits récoltés Fruits transformés

La transformation biologique peut prendre plusieurs formes : naissance, croissance,

appauvrissement, procréation (mise bas, éclosion, régénération forestière, etc.) et mortalité.

Elle peut prendre soit une forme qualitative, tels que par exemple l’écussonnage 12 , le

croisement ou l’amélioration génétique, soit une forme quantitative telles que l’augmentation

ou la diminution de poids, la fécondation ou la longueur. Une autre spécificité agricole est

celle de l’impact direct de la nature sur les caractéristiques physiologiques et intrinsèques des

actifs biologiques, c’est le cas des conditions climatiques (pluviométrie, température,

humidité, etc.), de la nature du sol, des catastrophes naturelles… Ces phénomènes naturels

12
L’écussonnage est le fait de greffer en insérant un écusson (morceau d’écorce portant un œil qu’on détache au moment de
la sève pour le placer entre le bois et l’écorce d’un autre pied).

20
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

conditionnent aussi la possibilité d’existence de certaines espèces animales et végétales dans

certaines régions géographiques et leur absence dans d’autres.

Une autre particularité reste à signaler est celle de la gestion des actifs biologiques qui

est généralement réalisée par lots homogènes et non d’une manière individuelle comme pour

la majorité des autres actifs classiques et notamment les constructions, les équipements et les

actifs incorporels. Ainsi, les actifs biologiques sont gérés par catégories plus ou moins

homogènes en fonction de critères prédéfinis au sein de l’exploitation, par exemples, par

étable, par culture et par parcelle, par race, par âge, par destination, par date de maturité ou de

vente probable.

21
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Section 2 : Problèmes de transcription comptable des


évènements économiques relatifs aux actifs biologiques

Les spécificités physiologiques des actifs biologiques font que le travail comptable

notamment en matière de valorisation de certains évènements affectant les actifs biologiques,

telles que la procréation, la maladie, l’écussonnage ou l’appauvrissement devient une tâche

délicate. Les règles et les solutions comptables classiques peuvent ne pas correspondre

parfaitement avec ces évènements. En effet, ces évènements n’entrent pas forcément sous le

contrôle humain comme c’est le cas des autres actifs de l’entité et leur apparence échappe

souvent à la volonté des dirigeants. Ces derniers ne peuvent que suivre le déroulement de ces

événements et essayer de réduire, stabiliser ou améliorer les conditions dans les quelles elles

se réalisent ainsi que les processus biologiques aux quels les actifs biologiques sont soumis,

en agissant sur certains paramètres génétiques (transformation transgénique et génie-

génétique), physiques (irrigation, engraissement, greffage, etc.) et chimiques (fertilisation,

vaccination, fécondation artificielle, soins vétérinaires, etc.). D’autres évènements telles que

les épidémies, certaines maladies actuellement non guérissables (maladie de la vache folle,

virus H5N1 relatif à la grippe aviaire, etc.), les catastrophes naturelles et la mort échappent

presque totalement au contrôle de l’exploitant agricole et sont considérées comme aléatoires

et souvent imprévisibles sans qu’elles ne constituent des éléments extraordinaires du fait

qu’elles peuvent survenir fréquemment et qu’elles constituent un des risques du métier en

agriculture.

Pour des évènements telles que la naissance ou la croissance initiale jusqu’à la maturité,

il est nécessaire de recourir à une comptabilité analytique de gestion pour la détermination des

coûts de production, chose qui n’est pas à la portée de tout le monde (rapport coût-avantage

souvent défavorable). La mise en place des procédures nécessaires à l’implantation d’une

22
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

comptabilité analytique est très délicate en agriculture en raison de la diversité des cultures et

des élevages, de l’étendue des champs et des étables, de la polyvalence de la main d’œuvre et

du matériel, du manque de moyens financiers et logistiques, etc.

Beaucoup de difficultés rencontrent les comptables des entreprises agricoles et leurs

auditeurs : comment peut-on traduire comptablement la naissance d’un animal nouveau né ?

Est-ce qu’on doit retenir son coût de production ou sa valeur de réalisation nette ? Comment

peut-on évaluer l’effet d’une maladie ou d’une épidémie sur les caractéristiques intrinsèques

et par la suite sur la valeur d’un animal ou d’une plante ? Existe-il de différences entre la

valeur comptable d’une plantation produite en interne par les moyens propres de l’entreprise

et celle acquise auprès d’un pépiniériste ou d’un autre cultivateur ?

Prenant l’exemple très fréquent en agriculture d’un animal nouveau né au sein de

l’exploitation, par exemple un veau, comment peut-on standardiser le calcul de sa valeur

comptable lors de la naissance : est ce qu’on doit retenir sa valeur vénale, sa valeur d’utilité

ou son coût de production ? Quelle valeur représente mieux cette situation économique au

quelle l’entité agricole est quotidiennement confrontée ? Si c’est la valeur marchande qui doit

être retenue, peut-on trouver un prix de marché fiable à cet âge précoce ? Par contre si on opte

pour le calcul de la valeur d’utilité, l’entité agricole est-elle en mesure de fournir une

estimation raisonnablement fiable des montants des flux de trésorerie futurs relatifs à cet

actif ? Enfin, dans le cas où l’entité cherche à déterminer le coût de production, plusieurs

contraintes nécessitent des éclaircissements et beaucoup d’hypothèses doivent être formulées :

est ce que l’insémination est naturelle ou artificielle ? Si elle est naturelle quel est le coût à

attribuer à l’opération ? Au cours de la période de gestation, quels coûts devrons-nous affecter

à l’entretien du fœtus ? Quels sont les critères d’affectation de l’amortissement de la mère au

cours de cette période lorsqu’elle produit déjà du lait ? Quelle est la part d’alimentation à

attribuer à la gestation et celle à la survie de la vache ? …

23
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Les mêmes problèmes de valorisation sont également applicables aux plantations :

comment déterminer par exemple la valeur d’une récolte en cours de production ? Si on

utilise la valeur de réalisation nette quel taux d’abattement devrons-nous utiliser pour prendre

en compte le degré de maturité de l’actif et sur quelle base ? Au contraire si on va calculer le

coût de production, quels sont les éléments de coût à retenir, et comment va-t-on évaluer les

façons culturales ? Quels taux d’amortissement doit-on utiliser pour les vergers ou les

vignes ?...

Toutes ces questions et d’autres constituent le cœur du problème comptable de

valorisation des actifs biologiques agricoles, elles n’ont pas de réponses évidentes et relèvent

plutôt du jugement professionnel qui présente un caractère très subjectif et parfois arbitraire et

non vérifiable.

Ces difficultés sont à juste titre bien ressenties par les acteurs économiques intervenants

dans la vie d’une entité agricole, elles poussent les normalisateurs comptables à la recherche

de solutions radicales qui s’adaptent parfaitement aux caractéristiques propres de

l’agriculture. La comptabilité financière doit retracer ces évènements et les traduire en

langage comptable et en chiffres claires et fiables, chose très difficile et qu’on peut même

qualifier de « casse tête chinois » pour les comptables et les auditeurs.

A cet égard, nous allons essayer au niveau de cette étude de mettre en relief et

d’analyser les différentes solutions et approches comptables utilisées et proposées au niveau

national et international pour résoudre différents problèmes posés en matière de valorisation

des actifs biologiques durant la période de leurs séjours au sein d’une entité agricole.

24
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

CHAPITRE DEUXIEME : LES REGLES COMPTABLES


ACTUELLES EN TUNISIE

Au niveau de ce chapitre, nous allons essayer d’exposer les règles comptables utilisées

par les entités agricoles en Tunisie pour l’évaluation et la comptabilisation initiale et à chaque

date de clôture des biens vivants agricoles détenus ou contrôlés.

Pour cela, nous avons pu réaliser une étude empirique auprès d’un échantillon

d’entreprises agricoles pour corroborer nos allégations, suivie d’une analyse critique du

modèle comptable actuel.

Section 1 : Absence de référentiel comptable national


spécifique à l’activité agricole

Sous-section 1 : Les Règles et pratiques comptables appliquées en


agriculture : Solutions inspirées du système comptable des entreprises et
du plan comptable agricole français

Sur la base de notre questionnaire d’étude empirique conduit auprès d’un échantillon

d’exploitations agricoles tunisiennes, nous avons remarqué que la totalité ou la quasi-totalité

des entreprises agricoles interrogées s’accordent sur le fait que la méthode de

comptabilisation des plantations et des animaux consiste à un classement multiple des biens

vivants agricoles en immobilisations et en stocks en fonction de plusieurs critères techniques

et physiologiques tels que, la destination du bien au niveau de l’exploitation (à la production

de biens ou de services, à la reproduction, à l’engraissement ou à la vente, etc.), la durée du

cycle de production, l’âge et le stade de maturité du bien vivant agricole, etc. L’autre méthode

25
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

simplifiée, consistant à un classement de tous les biens vivants agricoles en stock et autorisée

par le PCGA français n’a pas été retenue.

Pour ce qui est de la valorisation, le coût d’entré en comptabilité des biens vivants

agricoles achetés à l’instar des autres actifs est constitué par le prix d’acquisition majoré des

frais sur achats et des taxes non récupérables, tel que recommandé par les normes comptables

traitant des actifs corporels. Par contre, pour les biens vivants agricoles produits par les

moyens propres de l’exploitation, l’unanimité sur le choix du coût d’entrée est loin d’être

acquise comme le montre la Figure 1 ci-dessous. En effet, même si pour la majorité des

exploitations agricoles interviewées (40%), les actifs biologiques agricoles générés en interne

sont valorisés au coût de production réel déterminé, soit à partir d’une comptabilité analytique

de gestion, soit par des procédés statistiques par le biais des fiches technico-économiques et

des cahiers d’élevage et de culture, d’autres pratiques sont utilisées pour l’évaluation des

biens vivants agricoles produits par l’exploitation, c’est le cas particulièrement de l’argus de

l’Office des Terres Domaniales (OTD) (23%) et de la méthode du coût de standard production

(15%) prévue par le système comptable des entreprises de 1997.

Autres méthodes
15%
Coût de production réel
Prix de vente
moins la marge Coût standard de production
bénéficiaire Coût de
8% production réel Argus de l'OTD
Argus de l'OTD 39%
Prix de vente moins la marge
23% bénéficiaire
Coût standard de Autres méthodes
production
15%

Figure 1 : Coût d'entrée des biens vivants agricoles produits par l'exploitation agricole

26
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

A la date de clôture, la valeur comptable des biens vivants immobilisés est constituée

par le coût d’entrée diminué du cumul des amortissements et des provisions pour dépréciation

pour 91% des cas des entreprises sondées. Pour les stocks d’actifs vivants agricoles (avances

aux cultures, récoltes sur pied, animaux en cours de croissance, etc.) (Figure 2), la valeur

comptable est établie pour la moitié des cas au coût d’entrée (d’achat ou de production)

diminué du cumul des pertes de valeur et au coût de production standard et au prix standard

d’après l’argus de l’OTD pour 21% des cas chacun. La valorisation au prix de vente diminué

de la marge bénéficiaire occupe la dernière position avec 7% des cas.

Coût d'entrée diminué des


Prix de vente moins
amortissements et des provisions
la marge bénéficiaire
7% Autres méthodes Coût standard de production
0%
Argus de l'OTD
Coût d'entrée Argus de l'OTD
21%
diminué des
amortissements et Prix de vente moins la marge
des provisions bénéficiaire
Coût standard de 51% Autres méthodes
production
21%

Figure 2 : Valeur comptable des stocks de biens vivants agricoles à la date de clôture

Sous-section 2 : Evaluation des postes d’actifs biologiques :


Comptabilisation initiale et évaluation à la date de clôture

Sur la base des résultats de l’enquête réalisée par nos soins auprès d’un échantillon

d’entreprises agricoles implémentées en Tunisie, nous allons essayer de mettre en exergue les

pratiques et les règles dominantes en matière de comptabilisation et d’évaluation des actifs

biologiques agricoles. Ces règles comme nous les avons présentées au début de cette étude

constituent un cocktail de pratiques courantes et coutumières et de solutions issues du système


27
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

comptable des entreprises et d’autres inspirées du plan comptable général agricole Français

(PCGA). Le niveau de rigueur comptable dans l’évaluation et la comptabilisation des biens

vivants agricoles dépend étroitement de l’organisation générale de l’exploitation, de sa taille,

de sa forme juridique, de la structure de son capital, de la compétence de son personnel et des

moyens mis en œuvre au profit du système d’information comptable de gestion.

1. Pratiques et règles de comptabilisation des biens vivants agricoles


Les critères de distinction entre immobilisations et stocks sont aussi applicables aux

biens vivants agricoles. Le principe général évoqué par le paragraphe 6 de la norme

comptable NCT 5 relative aux immobilisations corporelles permet une telle distinction. En

effet, les immobilisations corporelles sont les éléments d’actifs physiques et tangibles qui :

a. possèdent un potentiel raisonnable de dégager des avantages économiques futurs ; et

b. sont censés être utilisés pour plus d’un exercice comptable.

Les biens vivants agricoles animaux ou végétaux doivent être immobilisés lorsqu’ils

sont destinés à rester durablement au niveau de l’exploitation pour produire des biens ou des

services.

1. L’immobilisation végétale
Les végétaux destinés à servir durablement à l’activité de l’exploitation agricole

pendant plusieurs années constituent l’appareil de production durable de l’entreprise et

doivent figurer en immobilisations. Il s’agit notamment des vergers 13 et des vignes 14 . Au

cours des premières années de développement, ces plantations sont généralement classées en

immobilisations corporelles en cours et virés par la suite aux comptes d’immobilisations

amortissables appropriés lors de l’entrée en production suffisante. Elles sont amorties sur leur

13
Un verger est terrain agricole planté d’arbres fruitiers.
14
Un vigne est terrain agricole planté des arbres de vignes.

28
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

durée de vie productive qui dépend de la nature de la spéculation, de la zone géographique,

des spécificités du sol, du mode d’irrigation, etc.

Toutefois, certaines autres dépenses d’investissements autres que celles destinées à la

création de plantations méritent des éclaircissements supplémentaires.

a. Remplacement des plantes manquantes ou défaillantes :


Certaines plantations créées ou achetées n’arrivent pas au stade de maturité et

engendrent de ce fait des dépenses supplémentaires de remplacement. La comptabilisation de

ces dépenses en immobilisations ou en charges de l’exercice dépend du taux de défaillance

constaté par rapport aux normes techniques en matière de mortalité des plantations au stade

du jeune âge. Ce taux varie en fonction de la spéculation d’une région à l’autre, il se compose

de deux parties :

- un taux de défaillance relevant de la spéculation ; et

- un taux de défaillance relevant de l’exploitation et de son environnement.

La quote-part des dépenses de remplacement relevant de la nature de la spéculation est

capitalisable dans le coût du verger, alors que celle résultant d’une défaillance technique de

l’exploitation due à une mauvaise gestion ou à d’autres facteurs considérés comme des

évènements à caractère anormal, telles que l’apparition d’une maladie virulente, la survenance

de catastrophes naturelles ou de sécheresse, est à inscrire en charges de l’exercice de leur

survenance.

b. Rajeunissement des plantations :


Le rajeunissement des plantations se fait par le biais d’une taille sévère qui a pour

objectif l’amélioration de la capacité productive et du rendement des plantations. Les

dépenses de cette opération contrairement à la taille normale qui ne constitue qu’un simple

travail d’entretien ordinaire, sont à immobiliser et à amortir sur la durée de vie restante

révisée des plantations.

29
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

2. L’immobilisation animale
Cette catégorie comprend essentiellement les animaux de grandes espèces dont la durée

de vie productive est supérieure à deux ans 15 et qui ne sont pas destinés à la vente. Il s’agit du

cheptel bovin, ovin ou caprin de production de lait, des bovins et des ovins de reproduction,

des animaux de trait, les chevaux de course, etc. et d’une manière générale le bétail qui devra

servir durablement au niveau de l’exploitation.

Les jeunes de renouvellement des grandes espèces, dont la destination future en tant

qu’outil de production ou de reproduction est quasi-certaine, sont classés en stock.

Généralement, lors de la première mise bas pour les femelles et à l’atteinte de l’âge adulte

pour les mâles, ils sont virés dans les comptes d’immobilisations corporelles et amorties en

fonction de leur durée de vie probable qui dépend de plusieurs facteurs comme pour les

immobilisations végétales (nature de l’espèce animale, mode d’élevage, etc.). Le montant

amortissable est constitué par la valeur comptable brute diminuée de la valeur résiduelle

éventuelle.

3. Les stocks de biens vivants agricoles


Par simple élimination, les biens vivants agricoles non retenus en immobilisations

conformément aux critères de capitalisation doivent être comptabilisés en stocks. Il s’agit de

chaque animal ou de chaque végétal appartenant à un troupeau ou à une plantation qui

intervient dans le cycle d’exploitation d’une entreprise agricole pour être vendu au terme d’un

cycle de production relativement court. Ils comprennent entre autres les avances aux cultures,

les plantations annuelles et pluriannuelles 16 , les animaux d’engraissement et d’une manière

générale les animaux destinés à la vente au cours d’un cycle de production inférieur à deux

15
Le choix d’une durée de vie productive supérieure à deux ans au lieu d’une année comme critère de comptabilisation en
immobilisations contrairement aux autres actifs corporels est motivé par un souci de simplification des travaux comptables,
en évitant la redondance des écritures de constatation initiale et de décomptabilisation d’immobilisations qui s’avèrent très
fréquentes. Ainsi, les animaux dont la durée de vie productive estimée est inférieure à deux ans sont classés en stocks.
16
Il s’agit des plantations dont la durée de vie est supérieure à une année mais pas aussi longtemps que les arbres fruitiers.

30
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

ans, les animaux de grandes espèces en cours de croissance ou dont la destination future est

incertaine et les petites espèces animales.

2. Méthodes d’évaluation des biens vivants agricoles


1. Méthodes d’évaluation générales
Les normes comptables tunisiennes relatives aux stocks et aux immobilisations

corporelles prévoient à l’instar du PCGA français, que les biens produits par les propres

moyens de l’entreprise soient évalués à leur coût de production, et ceux qui sont acquis au

coût d’achat.

a. Méthode du coût de production réel


Les entreprises agricoles Tunisiennes déterminent le coût de production des biens

vivants et produits agricoles générés en interne, par application des règles générales

d’évaluation prévues par le système comptable des entreprises et par recours à certaines

solutions prévues par le PCGA français. Il s’en suit qu’en fonction des moyens mis à leur

disposition, les entreprises qui tiennent une comptabilité analytique calculent le coût de

production à partir des informations comptables et de gestion. Par contre, celles qui ne

tiennent pas de comptabilité analytique, déterminent le coût de production à partir de procédés

statistiques permettant de prendre en compte dans la mesure du possible les conditions

propres d’exploitation de l’entreprise avec l’appui des éléments qui sont en leur

possession (dossiers techniques, factures d’achat, heures de traction mécanique, heures de

travail, etc.) par le biais des fiches technico-économiques déjà établies à partir des cahiers de

culture et des cahiers de suivi des charges d’élevage. Reste à savoir que d’autres procédés

sont utilisés pour valoriser les biens vivants et la production agricole, lorsque l’entreprise

n’est pas en mesure de déterminer un coût de production fiable.

31
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

b. Autres méthodes de détermination du coût


Les autres méthodes d’évaluation proviennent, soit des normes comptables elles mêmes,

soit de la pratique comptable agricole, lorsque un coût de production fiable ne peut pas être

déterminé. Il existe ainsi :

- La méthode de la décote qui consiste à appliquer une déduction forfaitaire au prix de

vente ou à la valeur de réalisation nette, correspondant à la marge bénéficiaire normale

pratiquée par l’entreprise ou par le secteur d’activité.

- La méthode du coût standard prévue par la norme NCT 4 relative aux stocks. Elle

consiste à déterminer un coût de production sur la base du coût standard dans la mesure

où ce dernier ne s’écarte pas de manière significative du coût global réel des stocks

pendant la période considérée.

Ces méthodes d’évaluation supposent implicitement que l’exploitation possède un

système de calcul des coûts plus ou moins rigoureux, ce qui n’est pas à la portée de tout le

monde. Devant ces difficultés pratiques de détermination d’un coût de production acceptable,

la pratique tunisienne a eu recours à une autre méthode de valorisation des biens vivants et

des produits agricoles produits par l’exploitation agricole, par le biais de l’argus 17 , c’est le cas

de plusieurs entreprises agricoles publiques tels que l’Office des Terres Domaniales O.T.D. et

de l’Office de l’Elevage et du Pâturage O.E.P, etc. L’argus est l’œuvre annuelle d’une

commission pluridisciplinaire qui réunit des responsables techniques, comptables et

commerciaux dans le but de déterminer et d’estimer les différents critères à retenir pour la

détermination de la valeur de réalisation nette de la production et des biens vivants agricoles

(cf. annexe 2 du présent mémoire).

17
L’argus est une publication fixant la valeur vénale des voitures d’occasion et d’autres objets.

32
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

2. Règles d’évaluation spécifiques


a. Immobilisations agricoles
Comme nous l’avons déjà évoqué, le coût des biens vivants agricoles portés en

immobilisations et produits par les moyens propres de l’exploitation correspond dans la

majorité des cas (40% des entreprises sondées) au coût de production déterminé soit par le

biais d’une comptabilité analytique, soit à partir de procédés statistiques (fiches technico-

économiques).

i) Les immobilisations végétales


Le coût de production des immobilisations végétales comprend entre autres :

- le coût d’achat ou de production des plants ;

- le coût de la main-d’œuvre directe ;

- le coût de la traction mécanique ou éventuellement animale ;

- le coût de l’irrigation y compris une quote-part des charges d’amortissement du matériel

d’irrigation (matériel de sondage, conduites, etc.) ;

- les charges indirectes de production telle que notamment, la main d’œuvre indirecte

ayant participé aux travaux de développement des immobilisations.

Le coût ainsi déterminé doit être diminué des recettes provenant des récoltes réalisées

avant l’entrée en production commercialisable des plantations en phase de développement,

c’est à dire après déduction du produit net de la vente des éléments produits au cours de la

période de développement de cet actif. Ces revenus constituent des opérations accessoires

intervenant dans le cadre du développement d’une immobilisation et sont considérés

nécessaires pour l’amener à l’endroit et la mettre dans l’état nécessaire pour permettre son

exploitation de la manière prévue par la direction.

Une difficulté comptable non moins importante concerne les charges financières d’un

emprunt ayant financé le développement d’immobilisations végétales (vergers, vignes, etc.).

La norme comptable NCT 13 relative aux charges d’emprunt stipule dans son paragraphe 07

33
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

que « Les charges d’emprunt qui sont directement imputables à l’acquisition, la construction

ou la production d’un bien, pouvant donner lieu à immobilisation des charges d’emprunt,

doivent être immobilisés comme une partie du coût de ce bien… ». Cette même norme définit

un bien pouvant donner lieu à la capitalisation des charges d’emprunt comme étant un bien

qui exige une longue période de préparation avant de pouvoir être utilisé. Cette définition

colle parfaitement aux vergers et vignes dans la mesure où d’après leur nature et en fonction

de la région, ces plantations exigent généralement au moins trois années de développement

avant d’entrer en pleine production, d’où l’obligation d’incorporation des charges d’emprunt

au coût de ces plantations.

ii) Les immobilisations animales


Le coût de production d’un bien vivant animal comprend entre autres :

- Le coût d’achat de l’animal ou de production du nouveau né.

- Le coût de l’alimentation.

- Le coût de séjour dans l’exploitation.

Î Le coût du nouveau né : La détermination du coût réel de production du nouveau né

pose d’énormes difficultés en pratique à tel point que même la doctrine comptable n’a pas

tranché sur ce sujet. Cependant, on peut affirmer que ce coût se compose du :

- Coût de la conception et de la saillie 18 ; ce coût correspond au frais d’insémination

naturelle (amortissement du géniteur de l’exploitation) ou artificielle (coût du service

d’insémination).

- Coût d’entretien du fœtus : ce coût est constitué essentiellement de deux éléments : le

coût de contribution et d’alimentation de la mère. Le coût de contribution de la mère

correspond à la totalité de l’amortissement de la période où la mère est pleine si elle est

exclusivement affectée à la reproduction et d’après des clefs de répartition définis à

18
La saillie est l’accouplement des animaux.

34
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

l’avance en fonction de l’importance des produits générés par la mère si elle continue de

reproduire d’autres produits (par exemple, le lait). Le coût d’alimentation doit être

réparti par référence aux normes techniques entre la proportion correspondant à

l’entretien et la survie de la mère et celle représentant le besoin de production ou de

gestation. Vu les difficultés qui peuvent surgir pour le calcul du coût de production réel,

les charges d’entretien (alimentation, séjour, etc.) sont généralement valorisées au coût

standard, et ce, par référence à un produit principal (par exemple, le lait pour le cheptel

bovin).

Î Le coût d’alimentation : Ce coût diffère en fonction du mode d’alimentation en

stabulation ou en pâturage. Lorsque l’élevage est pratiqué en stabulation, le coût de la quantité

servie est ramené à une consommation moyenne par tête de bétail. Pour l’élevage pratiqué en

pâturage, le coût de la parcelle est affecté en fonction du nombre d’animaux servis et du

nombre de jours d’utilisation.

Î Le coût de séjour dans l’exploitation : Ce coût comprend la main d’œuvre directe et

indirecte et le coût d’hébergement et celui des services y rattachés. Le coût d’hébergement est

obtenu en calculant en premier lieu le coût journalier de séjour qui correspond à

l’amortissement de l’étable par rapport à sa capacité annuelle d’hébergement, puis en

multipliant ce coût journalier par le nombre de jour de présence du cheptel en question. Le

service d’hébergement correspond quant à lui aux frais de soins et d’assurance, à la

mécanisation et aux frais généraux de fonctionnement (eau, électricité…) pour une journée,

en divisant le coût annuel du service d’hébergement par le nombre du cheptel présent pendant

toute l’année.

iii) Amortissements des immobilisations animales


L’amortissement des biens vivants agricoles semblablement aux autres catégories

d’immobilisations corporelles, obéit aux critères généraux édictés par les principes

35
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

comptables généralement admis en Tunisie ayant pour objectif le reflet de la consommation

des avantages économiques futurs liés à un actif. Il consiste à répartir de façon systématique

le montant amortissable sur la durée d’utilité de l’actif du fait principalement de son

utilisation ou d’autres facteurs tel que l’obsolescence technique ou commerciale, l’usure

physique d’un actif alors même qu’il reste inutilisé ou encore les limites juridiques afférents à

l’usage d’un actif.

Le montant amortissable correspond quant à lui au coût ou tout autre montant substitué

au coût, diminué de la valeur résiduelle éventuelle. En agriculture, la valeur résiduelle peut

revêtir un caractère significatif notamment pour les biens vivants animaux (valeur de

boucherie). Pour les plantations pérennes la valeur résiduelle est généralement nulle ou

insignifiante ce qui convient de l’ignorer en pratique.

L’amortissement est constaté en comptabilité par le biais de la constatation d’une

dotation aux amortissements. Le mode d’amortissement adopté résulte d’un arbitrage entre

plusieurs méthodes (linéaire, dégressif, variable, etc.), pour retenir ce qui reflète le plus

fidèlement le rythme attendu de consommation des avantages économiques futurs. Le mode

d’amortissement utilisé doit être appliqué de manière cohérente d’un exercice à un autre, sauf

en cas de changement du rythme attendu de consommation de ces avantages économiques.

La pratique consiste à appliquer les règles fiscales régissant la matière. Celles-ci sont

prévues par l’arrêté du ministre des finances du 16 janvier 1990 ou à défaut par les usages.

Pour les plantations, la durée d’amortissement varie en la spéculation et du mode de

culture en sec ou en irrigué. Les taux d’amortissement de certaines cultures à sec s’établissent

comme suit : amandier : 5% ; pêcher : 10% ; olivier et pistacher : de 2 à 5%, etc.

En ce qui concerne les animaux, la durée d’amortissement varie en fonction de l’espèce,

de la race et de la région, mais s’établit généralement à cinq ans.

36
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

b. Stocks de biens vivants agricoles


Les stocks de biens vivants agricoles doivent être valorisés à leur coût d’achat ou de

production, à moins que leur valeur de réalisation nette soit inférieure au coût. Dans ce cas,

une provision pour dépréciation, à hauteur de la différence devrait être constituée.

i) Les stocks de biens vivants animaux

Pour cette catégorie de stocks, le coût de production est déterminé selon les mêmes

principes qui régissent les immobilisations animales, tout en respectant les spécificités

biologiques de chaque espèce et le mode d’alimentation choisi.

ii) Les stocks de biens vivants végétaux

Les biens et produits végétaux agricoles classés en stocks se composent de deux grandes

catégories : les produits de récolte finis et les produits de récolte en cours de production

communément appelés avances aux cultures. Les mêmes règles de valorisation des

immobilisations végétales s’appliquent pour cette catégorie. Cependant, certaines

particularités restent à considérer.

Frais exclus du coût de production :

Les frais de stockage ne sont pas incorporables dans le coût des produits agricoles à

moins que le stockage constitue une étape nécessaire à l’accomplissement du processus de

production tel que le cas de la vinification, pour les vins produits par un éleveur vinificateur,

qui représente un stade du cycle de finition et de vieillissement du produit.

Les frais restant à engager sur les produits des récoltes/pieds en cours de production

constituent des charges réalisées au cours de l’exercice suivant et ne doivent pas normalement

être inclus dans le coût de production des récoltes de l’année en cours ; cependant, pour les

besoins du test de dépréciation, ils sont estimés et déduits de la valeur de réalisation qui devra

être confrontée au coût de production calculé.

37
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Produits de récolte :

Pour les produits de récolte finis mais vendus partiellement, le problème qui se pose est

de connaître le coût de production des produits vendus pour déterminer celui des récoltes en

stock. La solution est inspirée de la pratique qui a développé la méthode des rendements

moyens en se basant sur l’observation et sur des données historiques (par exemple sur cinq

ans) à condition que les conditions climatiques soient normales, et ce, par la détermination du

rendement moyen à l’hectare des productions antérieures. Un coefficient est dégagé entre la

production vendue et la production totale estimée. Ce coefficient est ensuite rapporté au coût

de production global pour obtenir le coût de production des récoltes vendues et déterminer

ensuite le coût des récoltes non encore vendues par simple déduction arithmétique.

Les avances aux cultures :

Comme l’affirme A. GABSI 19 , les avances aux cultures posent des problèmes complexes

sur le plan comptable lesquels ne cessent d’augmenter avec la diversification des spéculations

végétales, et ce, en absence de règles et de modalités d’évaluations particulières qui les

régissent en Tunisie.

Les avances aux cultures sont d’une manière générale des dépenses engagées au cours

d’une compagne qui se rattachent à une récolte à recueillir après la date de clôture de

l’exercice comptable. Tel qu’il ressort de cette définition, les avances aux cultures sont

constituées des frais et dépenses suivantes :

- les frais d’achat des engrais, amendements, semences et produits de traitement des

végétaux ;

- les frais de main d’œuvre directe relative aux façons culturales et aux autres travaux de

préparation du sol ;

19
A. GABSI. 1992. Définition et Évaluation des Avances aux Cultures Dans une Exploitation Agricole. Revue Comptable et
Financière, Avril 1992, N° 16, p.11-15.

38
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

- le coût du matériel affecté à ces opérations. Ce coût comprend l’amortissement des

équipements, le carburant et lubrifiant, l’entretien et les travaux réalisés par les tiers ; et

- l’amortissement des arbres pour les récoltes sur pied issues des plantations pérennes.

Ainsi, le coût de production des avances aux cultures est composé des éléments suivants :

- les matières premières et consommables utilisées à leur coût d’acquisition ;

- les façons culturales à leur coût spécifique de réalisation.

Normalement, une exploitation agricole ne trouve pas de difficultés majeures pour

évaluer les dépenses d’approvisionnement et celles relatives aux travaux réalisées par les tiers.

Par contre, les façons culturales posent certains problèmes dans le suivi analytique des temps

de présence de la main d’œuvre et d’utilisation du matériel et des coûts horaires y afférents.

De cette manière, la détermination du coût réel de production en agriculture engendre, à

notre avis, un coût supplémentaire relatif à la collecte des informations de base (suivi des

heures de main-d’œuvre, des charges de cultures et d’élevage par parcelle, par étable, etc.) et

un impact psychologique important sur le personnel agricole qui se trouve contraint de tenir

les heures de travail et se sentir ainsi surveillé, et ce, en plus des autres difficultés pratiques

inhérentes au modèle comptable du coût historique dans son ensemble, objet de la section

suivante.

39
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Section 2 : Analyse critique du modèle existant

Sous-section 1 : Difficultés pratiques d’évaluation des actifs biologiques :


nécessité d’une comptabilité analytique pour la détermination des coûts
de production

Les biens vivants agricoles sont en majorité des cas, soit acquis auprès des pépiniéristes

pour les plantations pérennes ou pluriannuelles aux premiers stades de croissance pour être

transplantées au niveau de l’exploitation, soit générés en interne par les moyens propres de

l’exploitation agricole. Pour les animaux, ils sont également dans la plupart des cas nés au

niveau de l’exploitation ou acquis à un stade juvénile, hormis le cas exceptionnel d’achat

d’animaux de croisement ou de reproduction destinés à l’amélioration du cheptel existant.

Pour les biens vivants achetés, le prix d’achat (de semences, de plants ou de jeunes

animaux) ne constitue qu’une faible partie du coût de production global d’un actif, qui

comprend entre autres, les charges directes de production spécifiques qui peuvent être

directement affectées à la production tels que l’alimentation, le soin vétérinaire, la

fertilisation, la taille, les travaux de labour, la main d’œuvre directe, ainsi que les charges

indirectes de production comme l’amortissement du matériel et installations techniques, des

étables, les frais généraux de production et la main d’œuvre indirecte de production, etc.

L’une des principales critiques adressées au modèle du plan comptable général agricole

français qui inspire fortement la pratique tunisienne en absence de cadre comptable

spécifique, réside dans la difficulté de déterminer correctement le coût de production des

biens produits par l’exploitation. Cette difficulté résulte de l’interdépendance des productions

entre elles. Par exemple, pour déterminer le coût du fourrage utilisé pour l’alimentation des

animaux de l’exploitation et lorsque le travail est réalisé par un cheval, il faut connaître le

40
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

coût horaire de travail du cheval. Mais pour calculer ce coût, il faut déterminer la valeur de

l’alimentation de ce cheval (foin et paille) 20 .

D’autre part, les exploitations agricoles font face à des problèmes majeurs

d'identification et de détermination du coût de production parce que dans la plupart des cas,

c’est le même personnel et le même matériel qui sont souvent utilisés dans la production et la

vente des produits, l’administration, la construction et la production des biens vivants

agricoles. En plus, les exploitants peuvent exploiter plusieurs cultures et élever plusieurs

animaux, ce qui complique d’avantage le processus d'allocation des coûts.

En fait, le calcul du coût de production est toujours une tâche délicate du fait que les

éléments composant le coût de production d’un bien vivant sont difficiles à cerner avec

précision. Il y a lieu de tenir compte des règles standard d’enregistrement analytiques des

charges engagées et des caractéristiques propres à chaque exploitation agricole. Cela implique

de prendre en considération la taille de l’exploitation, la nature et la diversité des spéculations,

l’âge et la destination des animaux présents dans l’exploitation et les moyens humains mis en

œuvre (main d’œuvre familiale ou salariée), etc.

La mise en oeuvre d'une comptabilité analytique mobilise de nombreuses énergies,

implique des saisies spécifiques, donne lieu à tous les niveaux à la manipulation de plusieurs

documents, imprimés et fiches. Le coût de cette mise en place (organisation comptable,

logiciels et moyens informatiques; personnel qualifié, etc.) peut s’avérer excessivement élevé

et dépasser largement les avantages attendus.

D’ailleurs, la plupart des entreprises agricoles tunisiennes n’ont pas encore instauré un

système de comptabilité analytique proprement dit, mais certaines d’entre elles ont mis en

place un système de suivi des charges et des produits par le biais des cahiers de suivi des

20
G. GOUMET. 1975. Les facteurs de la production agricole. Editions SIREY.

41
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

charges de culture et d’élevage pour l’élaboration des fiches technico-économiques

permettant un calcul relatif des coûts de production des biens vivants agricoles.

Pour ces exploitations, le suivi des spéculations végétales se fait au moyen de la tenue

des cahiers des charges de culture. Ces cahiers doivent être tenus par parcelle et non par

spéculation. Ce qui répond à un double objectif :

1) Améliorer le suivi de la parcelle de façon à garantir la réussite de la compagne par

l’ordonnancement à temps et la réalisation des différentes actions nécessaires en

conformité avec le calendrier des travaux agricoles.

2) Perfectionner le processus de prévision dans la mesure où un tel suivi va permettre de

connaître les caractéristiques de chaque parcelle et de dégager les prévisions de rentabilité

des investissements projetés.

Le suivi des spéculations animales se fait quant à lui, par la tenue des cahiers d’élevage

qui à leur tour permettent un suivi analytique d’exécution des travaux relatifs aux soins et à

l’hygiène dans l’ensemble, à l’alimentation du cheptel et au suivi des transformations

biologiques et de l’effectif global. Ces cahiers sont tenus par étable, par troupeau, ou par

bâtiment en fonction de la nature de la spéculation. A la fin de la compagne agricole, le cahier

de culture et le cahier d’élevage vont servir à l’établissement des fiches technico-économiques

pour la détermination des coûts de production des biens et produits agricoles. Ces fiches

comprendront en plus des informations quantitatives, le prix ou le coût des différentes

composantes en fonction de leur nature (coût horaire de la main d’œuvre, coût horaire de la

traction mécanique, coût d’achat des intrants, etc.). Les fiches technico-économiques

établissent les revenus réalisés, les coûts engagés et les marges brutes globaux et par unités de

référence (hectare, vache, quintal, etc.).

42
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Sous-section 2 : L’évaluation au coût historique permet elle une


présentation fidèle des transactions ?

La signification des informations comptables dépend étroitement des valeurs attribuées

aux divers actifs constituant le patrimoine de l’entreprise et toute erreur se répercute

directement sur le résultat présenté. Ce type de problème est considéré à juste titre comme un

problème majeur pour la comptabilité agricole.

L’évaluation des actifs d’une entreprise agricole éveille plusieurs difficultés que l’on ne

peut pas résoudre dans de bonnes conditions 21 .

Le modèle comptable du coût historique récupérable en agriculture présente des

avantages incontestables mais aussi des inconvénients majeurs que nous allons essayer

d’aborder les plus manifestes.

1. Avantages du modèle comptable du coût historique


Les avantages du modèle du coût historique sont nombreux et ce n’est pas au niveau de

cette étude qu’on va tenter de les énumérer en totalité. Ceux qui nous intéressent se rapportent

à l’activité agricole dans son ensemble. En fait, ses défenseurs lui attribuent des qualités qui

justifieraient sa longévité.

Î Fiabilité, objectivité et vérifiabilité des informations comptables aux coûts historiques

Plusieurs chercheurs comptables soutiennent l’idée que le coût historique est une

mesure plus objective et plus fiable que les autres méthodes alternatives réputées pour leur

pertinence. En effet, en se basant sur des pièces justificatives probantes et émanant de sources

d’informations externes, le coût d’achat constitue une mesure fiable et vérifiable de la valeur

d’un actif biologique.

21
P. CORDONNIER, R. CARLES et P. MARSAL. 1970. Economie de l’entreprise agricole. Editions CUJAS.

43
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Le modèle d’évaluation au coût historique repose sur des transactions réelles et non sur

des estimations qui peuvent ne jamais être réalisées, ce qui lui confère un caractère objectif

incontestable par rapport aux autres méthodes d’évaluation réputées pour leur subjectivité.

D’après C. ELAD, l'usage du jugement subjectif par les praticiens dans l’établissement de la

juste valeur, tels que le prix de marché pour des actifs similaires ou la valeur actuelle nette

peut aboutir à des traitements différents qui diminuent la comparabilité 22 .

Le coût historique permet une mesure plus prudente et moins volatile du résultat

comptable, en constatant les pertes dès qu’elles deviennent probables et en reportant les gains

latents à la réalisation effective de la transaction. Il confère ainsi aux créanciers et aux

bailleurs de fond en général une marge de sécurité dans l’analyse des performances

financières et la prédiction des risques de faillite d’une entité.

En fait, pour les défenseurs du modèle du coût historique récupérable, en dehors des

périodes d’inflation, il s’agit d’une méthode particulièrement robuste et très appréciée par le

monde des affaires. D’ailleurs, les cadres conceptuels du FASB (1984) et de l’IASC (1989)

présentent le coût historique comme la base d’évaluation la plus fréquemment utilisée. Il

permettrait de mieux résoudre les conflits d’intérêts des utilisateurs potentiels des états

financiers.

Î Rapport coût- avantage favorable

La simplicité dans l’application du modèle du coût historique est un avantage

incontestable qui peut mettre en doute la possibilité d’application d’autres concepts de valeurs

nécessitant généralement l’engagement de coûts excessifs pour l’obtention des informations

requises, leur analyse et leur usage en pratique, pouvant dépasser les avantages escomptés. En

ce sens C. ELAD regrette que la version finale de la norme IAS 41 n’admette pas l'usage du

22
C. ELAD. 2004. Fair Value Accounting in the Agricultural Sector: Some Implications for International Accounting
Harmonisation. European Accounting Review, 2004, Vol. 13, N° 4, p. 621-641.

44
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

coût historique dans les cas où les justes valeurs des actifs biologiques ne peuvent être

seulement établies qu’avec un coût exorbitant 23 .

En ce qui concerne le contenu informationnel des chiffres comptables pour le marché

financier, les études empiriques sur les instruments financiers n’ont pas démontré une

supériorité significative du modèle de la juste valeur par rapport au modèle d’évaluation au

coût historique, ce qui fait penser que le coût d’obtention souvent prohibitif des informations

à la juste valeur peut hypothéquer son usage en pratique en faveur d’une information au coût

historique déjà accessible sans coût significatif.

2. Inconvénients du modèle comptable du coût historique


Au regard de ces qualités présumées, de nombreuses critiques ont été adressées à

l’encontre de l’évaluation au coût historique. Ce modèle a été longtemps critiqué par le

monde des affaires pour sa rigidité notamment en agriculture.

Î Faible pertinence des chiffres comptables aux coûts historiques

La pratique comptable actuelle en Tunisie est basée sur le modèle du coût historique

récupérable, c'est-à-dire fondé sur le concept du coût associé à la règle de prudence. Ainsi, ce

modèle préconise d’enregistrer la perte dès qu’elle devienne probable et reporte la

comptabilisation du produit jusqu’au moment de la réalisation effective de la transaction de

vente. D’après G. GELARD les insuffisances et les abus du couple infernal prudence/coût

historique étaient depuis longtemps avérés 24 .

En effet, malgré ses avantages de vérifiabilité, de neutralité et de fiabilité, ce modèle

présente beaucoup d’inconvénients. Il fait référence à une conception prudente et peu volatile

de la mesure du résultat et du patrimoine 25 , et accorde une marge de manœuvre assez

23
C. ELAD, op. cit.
24
G. GELARD. 1997. La normalisation Comptable en Quête de Cohérence. Revue Française de Comptabilité, Juin 1997,
N°290, p. 9-11.
25
J.F. CASTA, op. cit.

45
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

importante aux dirigeants pour façonner le résultat par la constitution de provisions et donc

l’intégration de l'incertitude au niveau des comptes. Les provisions qui sont fondées sur une

appréciation subjective des risques, des charges prévisibles ou des dépréciations d’actifs

constituent alors un instrument de politique comptable de lissage des résultats.

A l’inverse, certains dirigeants d’entreprises peuvent utiliser le concept de réalisation

des revenus afin de faire apparaître des bénéfices ou retarder l’apparition des pertes d’une

part, par la cession d’actifs renfermant des plus values latentes et d’autre part, par la

conservation à l’actif des biens grevés de moins values potentielles.

Pour le secteur agricole, les opérations d’acquisition ou de production de certains actifs

peuvent remonter à plusieurs dizaines d’années auparavant. Dans de tels cas, le coût d’achat

ou de production peut s’écarter d’une manière significative de la valeur vénale ou économique

de l’actif. Les chiffres comptables anciens ne serviront que pour la mémoire de l’entité, ils ne

seront utiles ni à l’analyse financière ni à la prise de décision de gestion.

Î Non prise en compte de la transformation biologique des biens vivants agricoles


Plusieurs auteurs ont conclu que les coûts historiques ne sont pas généralement très

informatifs aux utilisateurs et les affectations aux actifs individuels sont dans la plupart des

cas très arbitraires. En dépit du fait que cette situation ait été longtemps reconnue,

l'agriculture n'a pas été une exception dans la préférence des normalisateurs pour l'évaluation

au coût historique, c’est le cas notamment du PCGA Français qui adhère strictement au

principe du coût historique 26 .

La nature de l’agriculture fait de l’évaluation basée sur le coût historique des actifs

biologiques agricoles et, par conséquent, de la production agricole une tâche très difficile

parce que l'état physique de ses actifs biologiques change avec le temps. Ils se fortifient,

26
J.M. ARGILÉS et E.J. SLOF. 2001. New Opportunities For Farm Accounting. European Accounting Review, juillet 2001,
volume 10, N° 2, p. 361-383.

46
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

mûrissent, s’engraissent, etc. En outre, leurs quantités ne dépendent pas des activités d’achat

et de vente, mais elles sont plutôt déterminées par des processus telles que la procréation, la

croissance, et la mort. Par conséquent, beaucoup d'actifs, possédés par une exploitation

agricole à un moment donné, sont substantiellement différents de leurs états lorsqu’ils sont

nés, crées, ou achetés. Ce qui fait que le modèle du coût historique ne possède pas la capacité

intrinsèque de suivre dans le temps la transformation biologique des biens vivants agricoles,

notamment ceux qui sont détenus pour une longue période et grevés de plus values latentes.

Î Comparabilité des états financiers


Une autre faiblesse non moins importante que celles précédemment évoquées réside

dans la faible comparabilité dans le temps et dans l’espace des informations comptables

produites par l’entreprise agricole.

En effet, l’existence de plusieurs modalités de comptabilisation des biens vivants

agricoles et notamment pour les animaux rend les comparaisons des situations financières

entre les entreprises agricoles difficiles et sans intérêt économique. En fait, l’éventail de

choix donné aux entreprises agricoles en matière de valorisation des biens vivants agricoles

fait que des entreprises opérant dans le même secteur d’activité et produisant les mêmes

produits et récoltes ne présentent pas de la même manière leurs actifs et leurs informations

financières.

Par ailleurs, l’existence de plusieurs variantes d’évaluation pour certains éléments

d’actifs fait qu’une même entreprise peut au cours de sa vie sociale, utiliser plus qu’une

méthode d’évaluation pour un même groupe d’actifs rendant ainsi délicat les comparaisons

de la situation et des performances financières d’une même entreprise d’un exercice à un

autre (lorsque le retraitement en proforma des données comparatives s’avère impossible) et

avec d’autres exploitations agricoles.

Par ailleurs, et en s’accordant sur le fait que les pratiques et les règles comptables

47
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

actuellement appliquées en Tunisie pour la comptabilisation des biens vivants agricoles

s’inspirent des solutions prévues par le plan comptable général agricole français (PCGA) en

combinaison avec le système comptable des entreprises, les personnes interrogées sont quasi

unanimes (91%) sur le fait que le panorama des normes comptables actuelles doit être

renforcé par une norme comptable sectorielle traitant des particularités de l’activité et des

biens vivants agricoles, comme l’ont déjà fait plusieurs pays développés tels que la France et

les Etats-Unis d’Amérique. Cela nous amène à passer en revue l’expérience de ces deux pays

en matière de traduction comptable des évènements et des transactions en agriculture, objet

du chapitre suivant.

48
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

CHAPITRE TROISIEME : REVUE DES EXPERIENCES


COMPTABLES AGRICOLES A L’ECHELLE MONDIALE

Section 1 : Expérience européenne continentale : Cas du plan


comptable général agricole Français

Le plan comptable général agricole (PCGA), issu des travaux de la commission mise en

place par le Ministère Français de l’Agriculture, a été officialisé par l’arrêté du 11 septembre

1986. Il constitue une adaptation du plan comptable général aux besoins de l’agriculture.

En 1987, un premier Guide comptable des exploitations agricoles était édité par

l’institut national de gestion et d’économie rurale (IGER) à l’intention de tous ceux qui

pratiquent, enseignent, ou étudient la comptabilité agricole. Cet ouvrage, qui a connu un vif

succès, a permis de préciser et de clarifier les règles énoncées par le nouveau PCGA, et

d’harmoniser les pratiques 27 .

Les différences entre ce plan comptable général agricole (PCGA) et le plan comptable

général (PCG), concernent essentiellement les spécificités de l’activité et des biens agricoles.

Il s’agit notamment du contexte fiscal particulier et du problème original des biens vivants

animaux et végétaux.

Ainsi, les opérations que l’entreprise agricole réalise requièrent non seulement des

comptes adaptés dans leur nomenclature, mais aussi des modes de comptabilisation et

d’évaluation propres dés lors qu’il s’agit d’animaux et de plantes ou de la mise en jeu de la

TVA.

27
M. BARON et al. 1996. Guide Comptable des exploitations agricoles. 2e édition. Editions CNCER & CNERTA.

49
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Cette première section sera réservée à l’étude des règles et des pratiques de

comptabilisation et d’évaluation initiale et à chaque date de clôture de comptes, des actifs

biologiques agricoles communément appelés en France « biens vivants animaux et

végétaux », préconisé par le plan comptable agricole Français.

Ensuite, nous allons nous intéresser aux diverses faiblesses et critiques adressées au

modèle du plan comptable général agricole Français.

Sous section 1 : Règles générales de comptabilisation et d’évaluation des


biens vivants agricoles

1. Règles de comptabilisation des animaux vivants agricoles


Les animaux sont caractérisés par la croissance à la quelle la nature contribue et modifie

leur valeur. La nature de l’élevage et les techniques mises en œuvre sont généralement des

critères de choix de comptabilisation des animaux. De plus, il faut tenir compte en premier

lieu du rôle de l’animal dans l’exploitation et de la durée de sa présence.

Trois grandes catégories d’animaux sont retenues :

- Les animaux producteurs de biens, telles que les vaches laitières produisant du lait.

- Les animaux destinés à la vente comme les poulets de chair.

- Les animaux produisant des services, comme un cheval de trait ou un chien de garde.

Ces catégories seront à leur tour subdivisées en fonction de la nature de l’espèce, de la

destination, des phases d’élevage et de l’âge des animaux.

Les animaux producteurs de biens


Ce sont les animaux reproducteurs adultes (femelles) qui constituent une partie de

l’appareil permanent de production, produisant ainsi des biens comme du lait ou de jeunes

50
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

animaux, dont la durée de vie productive est supérieure à deux ans 28 . Cette catégorie

comprend aussi les mâles reproducteurs.

Les femelles sont considérées comme adultes dès leur première mise bas, alors que les

mâles le sont à partir de la première saillie.

Les animaux destinés à la vente


Il s’agit des animaux des petites espèces dont la durée de vie productive est inférieure à

deux ans, ainsi que des jeunes animaux des grandes espèces qui sont destinés à la vente 29 .

A l’intérieur de ce groupe, on distingue deux catégories :

Æ Les animaux à cycle long qui ont un cycle de production supérieur à deux ans sur

l’exploitation. Ce sont les bovins de plus de deux ans destinés à l’engraisse, ainsi que les

reproducteurs des grandes espèces adultes ou jeunes destinés à la vente comme des

reproducteurs. On y ajoute aussi les animaux des grandes espèces dont la destination est

encore incertaine.

Æ Les animaux à cycle court qui sont destinés à être vendus au terme d’un cycle de

production dont la durée est inférieure à deux ans. Cette catégorie est divisée en deux

sous ensembles :

• Le premier comprend les animaux des grandes espèces (veaux, agneaux, porcelets,

etc.) dont la destination est incertaine et qui peuvent être vendus rapidement.

• Le deuxième comprend les animaux des petites espèces qui comprend aussi bien les

animaux reproducteurs adultes, que ceux destinés à la vente (telles que les poules

pondeuses, les poules de chair, etc.).

28
Mémento Pratique « Agriculture 2004-2005 ». 2004. Editions FRANCIS LEFEBVRE.
29
R. CARLES. 2004. Comptes et résultats de l’Entreprise Agricole. Editions GROUPE FRANCE AGRICOLE.

51
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Les animaux producteurs de services


Il s’agit des animaux de trait (de traction), de course, de selle (de promenade), de monte

(les animaux de grande valeur utilisés pour la reproduction), de garde et de combat. Ces

animaux sont susceptibles de rester durablement dans l’exploitation pour y produire des

services.

Pour le traitement comptable des animaux, deux grandes solutions théoriques ont été

envisagées par le PCGA pour les animaux :

- Soit on privilégie un classement multiple, cela va conduire à classer certains animaux en

immobilisations animales terminées ou en cours selon le cas, et d’autres en

stocks d’animaux ;

- Soit on privilégie un classement de tous les animaux en stocks, ce qui nous amène à

distinguer entre différentes catégories de stocks 30 .

1. Le classement multiple des animaux en stocks et en immobilisations


Cette méthode nécessite un suivi technique et comptable en fonction de l’alimentation

(qui varie en fonction de l’âge et de la destination) des différentes catégories d’animaux. Les

évènements comptables doivent être décrits simultanément avec ceux qui caractérisent le suivi

technique du cheptel.

Les caractéristiques de cette méthode font que les valeurs d’inventaire et notamment des

animaux immobilisés sont assez figées et ne suivent pas les fluctuations aléatoires du marché.

En revanche, les écritures comptables sont nombreuses, car un animal jeune peut

changer d’une catégorie comptable à une autre plusieurs fois au cours de sa présence dans

l’exploitation.

La vente des animaux immobilisés constitue un événement exceptionnel et elle doit être

constatée dans le résultat exceptionnel et non au niveau du résultat d’exploitation, ce qui peut

30
CARLES, op. cit.

52
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

rendre complexe l’analyse financière des ventes et la lecture du compte de résultat. Cette

méthode est la plus correcte sur le plan théorique pour le modèle du coût historique

récupérable.

2. Le classement de tous les animaux en stocks


Cette méthode consiste à considérer tous les animaux comme des produits finis quelle

que soit l’espèce ou la catégorie. Les valeurs d’inventaire sont en stocks. Les ventes de

l’exercice apparaissent dans le compte d’exploitation général 31 .

Cette méthode est couramment utilisée dans les centres de gestion et au niveau du

FADN 32 (Réseau d’information comptable agricole de la communauté européenne).

Elle présente l’avantage de la simplicité comptable et de la prise en compte du croît à

travers la variation de stock, et les cessions apparaissent dans le résultat courant.

En revanche, l’inconvénient de cette méthode est la sensibilité du résultat aux

fluctuations du marché surtout en période d’inflation. Le bilan est moins satisfaisant du point

de vue de la connaissance du patrimoine et ne s’apprête pas à une analyse financière correcte

du fonds de roulement 33 . En effet, le classement de tous les animaux en actif circulant

augmente artificiellement le fonds de roulement (actifs courants moins dettes à court terme)

du fait de l’existence de l’appareil permanent de production parmi les stocks, tel que par

exemple le cas des vaches laitières ou des mâles reproducteurs.

3. Traitement simplifié
Finalement une méthode de compromis a été proposée par les auteurs du plan

comptable français pour pallier les insuffisances des deux autres méthodes, elle consiste à :

- Traiter les animaux producteurs de biens, les animaux reproducteurs adultes et les jeunes

futurs reproducteurs dont la destination est certaine ou quasi certaine, comme des stocks

31
P. CORDONNIER, R. CARLES et P. MARSAL, op. cit.
32
FADN: Financial Agricultural Data Network.
33
CARLES, op. cit.

53
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

concernant les opérations quotidiennes de gestion (achats et ventes) afin de minimiser le

nombre d’écritures comptables 34 et les présenter au bilan parmi les immobilisations.

- Les animaux destinés à la vente sont traités comme des stocks.

- Les animaux producteurs de services sont traités comme des immobilisations.

Cette méthode présente l’avantage de faciliter la tâche comptable de gestion des mouvements

du cheptel.

La valeur des animaux producteurs de biens est déterminée à chaque date de clôture par

le biais des variations d’inventaire, à partir de la valeur vénale.

2. Règles de comptabilisation des plantes vivantes agricoles


Les plantes vivantes agricoles sont caractérisées par la croissance à laquelle la nature

contribue et modifie leur valeur. Leurs règles de comptabilisation ressemblent fortement à

celles utilisées pour les animaux, sauf qu’elles sont plus simples dans la mesure où les

changements de catégorie ne sont pas récurrents.

Les végétaux destinés à servir à l’activité de l’exploitation agricole pendant plusieurs

années sont appelés « plantations pérennes ». Elles constituent l’appareil de production

durable de l’entreprise et doivent figurer parmi les immobilisations. Il s’agit notamment, des

vergers, des vignes et des pieds-mères 35 des pépiniéristes.

Au cours des premières années de développement, ces plantations sont classées en

immobilisations corporelles en cours. Lors de leurs entrées en production suffisante, ces

plantations sont virées dans les comptes d’immobilisations amortissables et amortis sur leurs

durées de vie estimées.

34
Les achats et les ventes d’animaux producteurs adultes sont inscrits dans des comptes de gestion des classes 6 et 7, comme
pour les autres stocks de l’entreprise et les variations d’inventaire sont assimilées à des variations de stocks entre le début et
la fin de l’exercice. Ils interviennent ainsi au compte de résultat.
35
Un pied-mère est une plante utilisée pour prélever des boutures, donc d'une bonne taille et en pleine santé.

54
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Pour les végétaux classés en stocks, ils sont constitués par les produits végétaux en

cours de formation à la date de clôture (avances aux cultures et récoltes sur pied) ou détenus

pour être vendus dans le cours normal des opérations d’exploitation (produits finis). Ils

comprennent les plantations ayant un cycle de production d’une durée supérieure à deux ans 36

(cycle long), tel que les sapins de noël, et celles ayant un cycle de production inférieur ou

égale à deux ans (cycle court), c’est le cas notamment des grandes cultures, des cultures

fourragères, etc.

3. Valorisation des biens vivants agricoles


1. Règles d’évaluation initiale
a. Règles générales
La valeur d’entré d’un bien vivant agricole dans le patrimoine d’une exploitation est

constituée par :

- le coût d’acquisition pour les éléments achetés à titre onéreux ;

- le coût de production pour les biens générés en interne ; et

- la valeur vénale pour les produits acquis à titre gratuit.

Le mémento « Agriculture 2004-2005 » reprend les définitions établies par le PCG

Français.

♦ Ainsi, le coût d’acquisition comprend le prix d’achat, les frais accessoires sur achat et les

taxes supportées et non récupérables. Les droits de mutation, les honoraires ou commissions,

et les frais d’acte sont exclus du coût d’acquisition des biens et sont comptabilisés dans les

comptes de charges par nature.

Ce coût est relativement facile à déterminer du fait qu’il résulte d’une transaction réelle et

bien connue et résultant de pièces justificatives probantes (factures ou contrats d’achat).

36
Mémento Pratique « Agriculture 2004-2005 ». 2004. Editions FRANCIS LEFEBVRE.

55
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Pour les biens reçus par voie d’échange, le prix d’achat s’entend de la valeur vénale de celui

des deux lots dont l’estimation est la plus fiable.

♦ Pour le coût de production d’un bien ou d’un service, il est égal au coût d’acquisition des

matières consommées, augmenté des autres coûts engagés au cours des opérations de

production, c'est-à-dire des charges directes et des charges indirectes qui peuvent être

raisonnablement rattachées à la production.

La quote-part des charges indirectes, correspondant à la sous-activité, doit être exclue du coût

de production. Il en est de même pour les frais de recherche et de développement et les frais

d’administration générale.

Les charges financières, capitalisables dans le coût de production des biens, sont celles qui

concernent la période de production des immobilisations et la période de préparation des

stocks et des productions en cours, lorsque le cycle de production de ces derniers est supérieur

à une année.

Les subventions d’exploitation et d’investissement obtenues afin de financer en totalité ou en

partie l’acquisition ou la production d’un bien ne viennent pas en déduction du coût des biens

subventionnés.

Il est important de noter que pour certains biens, il est impossible de déterminer un coût de

production ou d’achat attribuable directement à chacun d’eux. Dans ce cas, il est possible de

calculer le coût des biens acquis ou produits conjointement à partir de la différence entre le

coût global et la valeur attribuée à un ou plusieurs biens pour les quels il est possible

d’attribuer une valeur.

♦ La valeur vénale correspond au prix qui sera acquitté dans les conditions normales de

marché (valeur de marché), ou en absence de marché la valeur vénale d’un bien est le prix

présumé qu’accepterait de payer un acquéreur éventuel dans l’état et le lieu où se trouve ledit

bien.
56
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Cette définition de la valeur vénale, par le PCG Français, est très proche de celle évoquée par

la norme comptable internationale IAS 41 sur la juste valeur des actifs biologiques agricoles,

qu’on va exposer par la suite.

b. Règles de valorisation spécifiques aux biens vivants agricoles


Conformément aux prescriptions du PCGA, les entreprises agricoles déterminent le coût

de production des biens vivants générés en interne en appliquant les règles générales

d’évaluation prescrites par le PCG Français, par le biais d’une comptabilité analytique de

gestion, ou à défaut par des procédés statistiques, notamment à l’aide des barèmes standard

permettant d’intégrer dans la mesure du possible, les conditions spécifiques d’exploitation de

l’entreprise (Mémento « Agriculture 2004-2005 »).

Dans certains cas exceptionnels, il n’est pas possible de déterminer le coût de

production des biens produits par l’exploitation. Dans de telles circonstances, le PCGA

autorise l’évaluation des biens vivants agricoles en pratiquant sur le cours du jour à la date de

clôture de l’exercice une décote forfaitaire correspondant à la marge bénéficiaire pratiquée par

l’entreprise en fonction de la catégorie du bien en question. S’il n’est pas permis de

déterminer cette marge, les biens vivants sont évalués à la valeur d’inventaire (valeur vénale)

à la date de clôture.

La valeur d’inventaire est aussi égale à la valeur actuelle. Celle-ci s’apprécie en fonction

du marché et de l’utilité du bien pour l’exploitation.

Cependant, des particularités de valorisation propres à certaines productions végétales

restent à considérer, c’est le cas notamment de l’évaluation des avances aux cultures, dont la

valorisation constitue un exercice délicat à réaliser ce qui a poussé la doctrine comptable à

développer des techniques simplifiées de valorisation.

57
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

c. Cas particuliers des avances aux cultures


i) Définition et délimitation
Cette notion ne concerne que les productions végétales. Les avances aux cultures

figurent parmi les stocks et doivent être distinguées des sommes portées en immobilisations et

notamment celles relatives aux améliorations foncières.

Comme évoqué au deuxième chapitre, les avances aux cultures comprennent les

charges engagées en vue d’obtenir la récolte à venir. Il s’agit :

- des frais correspondant aux engrais, amendements, semences et produits de traitement des

végétaux ;

- des frais de main d’œuvre relatifs aux façons culturales, à l’amendement des terres et aux

semis ;

- des frais de mécanisation relatifs à ces travaux (carburants, amortissement du matériel,

entretien et réparation, etc.) et des travaux réalisés par des tiers.

ii) Méthodes d’évaluation


Trois méthodes d’évaluation des avances aux cultures ont été développées par la

doctrine comptable française :

Evaluation au coût réel de production :

Les approvisionnements et les façons culturales réalisées par les tiers sont évalués à leur

montant réel. Les façons culturales effectuées par l’exploitant sont évaluées en multipliant les

frais de main d’œuvre et de mécanisation enregistrés par un coefficient qui dépend de la date

de clôture comptable. Ce coefficient est le rapport entre le temps passé par les cultures en

terre à la date de clôture et le temps total à consacrer aux cultures de l’exploitation. Le temps

des travaux par nature de culture pourrait être déterminé, soit à partir d’études statistiques,

soit en retenant les temps réellement pratiqués au niveau de l’exploitation.

58
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Méthode d’évaluation mixte :


Dans cette méthode, certains frais sont retenus pour leurs montants réels et d’autres à

l’aide des coûts standard.

Les matières premières et consommables achetées sont retenues au prix d’achat réel,

celles produites par l’exploitation sont évaluées aux prix de marché des dites matières à la

date de l’évaluation moyennant une décote forfaitaire de 20% 37 .

Les façons culturales réalisées par des tiers sont retenues pour leur montant réel alors

que les façons culturales effectuées par l’exploitant sont déterminées de deux manières :

- Soit en procédant à une évaluation forfaitaire à l’hectare de la totalité des façons culturales

(frais de mécanisation et frais de main d’œuvre salariée) en fonction de la nature de la

culture et de la date de clôture.

- Soit en retenant les frais de main d’œuvre salariée pour leur montant réel et les frais de

mécanisation sont calculés d’une manière forfaitaire en utilisant des coûts standard à

l’hectare.

Méthode d’évaluation forfaitaire :


Elle consiste à évaluer le montant total des avances aux cultures en multipliant par deux

le montant des matières premières et consommables achetées et utilisées pour la récolte à

venir. Des coûts standard à l’hectare en fonction de la nature de la culture et de la date de

clôture peuvent être également utilisés pour valoriser les avances aux cultures.

Il est à noter que cette méthode est provisoire et ne peut être utilisée pour une longue

période. D’ailleurs, pour les récoltes sur pied des vergers et des vignes, cette méthode peut

être trompeuse particulièrement pour celles n’enregistrant pas de dépenses d’input

importantes tel que les oliviers cultivés à sec.

37
B. PLAGNET. 1985. Le Régime des Avances aux Cultures. Revue Française de Comptabilité, Février 1985, N° 154,
p.33-40.

59
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

2. Règles d’évaluation postérieure


Le traitement comptable des biens vivants agricoles à la date de clôture (après leur

entrée en patrimoine) diffère selon qu’il s’agit d’un actif classé en immobilisation ou en stock.

a. Biens vivants immobilisés


La valeur comptable nette des biens vivants inscrits en immobilisations correspond au

coût d’entrée diminué du cumul des amortissements et des provisions pour dépréciation.

Conformément au PCGA, les amortissements traduisent l’amoindrissement irréversible

de la valeur d’un élément résultant de l’usage, du temps, du changement des techniques ou de

toute autre cause. En pratique, il consiste à l’étalement de la valeur des biens sur la durée de

vie probable suivant un plan d’amortissement préalablement établi.

Donc, pour constater annuellement la perte de valeur irréversible, il faut connaître la

durée de vie utile du bien, le montant à amortir et le rythme de dépréciation.

La période d’amortissement d’un bien vivant agricole dépend essentiellement de sa

durée de vie économique probable, de sa destination, des modes d’exploitation, des

caractéristiques de la région et des règles fiscales régissant la matière.

Le montant amortissable correspond à la valeur d’origine diminuée de la valeur de

revente ou de boucherie éventuelle.

Pour les biens vivants agricoles, c’est la méthode de l’amortissement linéaire qui est

généralement retenue.

Le « Mémento Comptable 2004 », définit les provisions pour dépréciation comme étant,

l'amoindrissement de la valeur d'un élément d'actif résultant de causes dont les effets ne sont

pas jugés irréversibles 38 (C. com. art. D 8, al. 2 et PCG, art. 322-2).

38 P. DUFILS, C. LOPATER, E. GUYOMARD et al. 2003. Mémento comptable 2004. Editions FRANCIS LEFEBVRE.

60
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Ces provisions résultent habituellement de moins-values constatées sur des éléments

d'actifs non amortissables. Elles peuvent également concerner des dépréciations

exceptionnelles subies par les immobilisations amortissables.

Selon l'Ordre des experts comptables Français, les provisions sont notamment

déterminées par rapport à un référentiel qui est la valeur actuelle des biens concernés. Lorsque

celle-ci est inférieure à la valeur comptable nette de l’actif, une provision pour dépréciation

devrait être constatée pour ramener la valeur comptable de l’actif à sa valeur recouvrable, qui

devient la nouvelle valeur comptable de l’immobilisation, à amortir sur la durée de vie

restante estimée.

b. Stock de biens vivants


La valeur comptable nette des biens vivants comptabilisés en stocks correspond à la

valeur d’entrée diminuée éventuellement des provisions pour dépréciation.

Sous-section 2 : Critiques et faiblesses du modèle français

En sus des faiblesses générales du modèle comptable fondé sur le concept du coût

historique récupérable déjà citées au niveau du deuxième chapitre de cette partie, le PCGA

français présente deux autres insuffisances particulières que nous allons décortiquer dans les

développements qui suivent.

Î Présentation du compte de résultat


Une imperfection majeure du PCGA est celle relative à présentation de la valeur ajoutée

au niveau du compte de résultat. En effet, le modèle de l’état de résultats français exige que la

rubrique « production stockée » soit évaluée au coût de production et celle de la « production

vendue » au prix de vente. Cette pratique déforme vraisemblablement l’évaluation et la

signification de la valeur ajoutée dans le cas où il existe une différence substantielle entre les

coûts de production et les prix de vente.

61
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Cette faiblesse dans le compte de résultat avait aussi été reconnue par quelques

membres influents du Conseil National de Comptabilité Français qui ont admis qu’il s’agit

d’un manque inévitable de rigueur comptable concernant le traitement de la production

stockée, parce qu'elle est basée sur les définitions d’une comptabilité macroéconomique qui

exige qu'elle soit évaluée au coût, alors que la production vendue est évaluée au prix de vente.

D'où, (Corre et al, 1971) cités par C. ELAD, conseillent vivement les utilisateurs des états

financiers de prendre connaissance de cette hétérogénéité dans l’évaluation de la production

sortie lors de l’analyse des ratios et des états financiers :

« II y a lieu de remarquer à propos de la 'Production stockée' un certain manque de

rigueur comptable qui n'a pu être évité, car elle est inhérente aux définitions de l'analyse

macroéconomique et de la comptabilité nationale : la valeur ajoutée est formée par des

ventes de produits 'Production vendue', évaluées par conséquent au prix de vente, et des

mises en stock ou livraisons à soi-même de produits fabriqués (Production stockée ou

immobilisée) évaluées au coût de production. Cette hétérogénéité ne doit pas être

ignorée lors de l'étude des soldes intermédiaires de gestion et des ratios, notamment

lorsque le stockage (ou le déstockage) est relativement important par rapport aux

ventes » 39 .

Il s’en suit que cette hétérogénéité de traitement de la production stockée et de la

production vendue a des répercussions négatives sur la signification financière de la notion de

valeur ajoutée au niveau du compte de résultat selon le modèle Français par nature, et peut

être à l’origine de fausses interprétations conduisant à des décisions de gestion inadaptées.

Î Fiabilité des traitements comptables retenus


Les difficultés pratiques de déterminer un coût de production fiable des biens vivants et

des produits générés par une exploitation agricole, ont été résolues par la doctrine comptable

39
C. ELAD, op. cit.

62
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

française par l’autorisation d’utiliser dans certaines situations des méthodes incorrectes sur le

plan théorique. L’utilisation de plusieurs méthodes de valorisation par les entités agricoles

françaises dans des cas de figures semblables, tel que le classement des biens vivants

agricoles producteurs au niveau du bilan en immobilisations ou en stock, l’évaluation des

animaux producteurs classés en immobilisations au coût historique diminué du cumul des

amortissements et des provisions ou à la valeur vénale, la valorisation des avances aux

cultures au coût réel de production ou à l’aide de méthodes forfaitaires, fait que l’information

comptable perd de sa fiabilité dans la mesure les chiffres présentés peuvent s’écarter

sensiblement de la situation économique réelle des transactions et des évènements de l’entité

agricole, ce qui peut induire les lecteurs des états financiers en erreurs, et ce, en plus de la

faible comparabilité des états financiers dans le temps et dans l’espace.

63
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Section 2 : Revue de la littérature anglo-saxonne : Cas de la


norme Américaine « Accounting by Agricultural Producers
and Agricultural Coopératives » de l’AICPA

La principale référence professionnelle en matière de comptabilité agricole aux Etats

Unis d’Amérique est celle de l’American Institute of Certified Public Accountants (AICPA).

Celui-ci reprend dans sa prise de position N° 85-3 (Statement of Position (SOP) 85-3,

“Accounting by Agricultural Producers and Agricultural Cooperatives”) du 30 Avril 1985 les

différents aspects techniques d’évaluation et de présentation des actifs et des productions

agricoles, notamment les actifs biologiques agricoles, ainsi que les règles comptables

régissant les coopératives agricoles.

L’AICPA a fourni également un guide professionnel pour les exploitants agricoles. Ce

guide traite des aspects techniques des actifs agricoles, des règles de comptabilisation et

d’évaluation, des procédures d’audit particulières à cette branche d’activité et d’autres

opérations spécifiques à l’agriculture, notamment celles relatives aux coopératives agricoles.

Au niveau de cette section, nous allons essayer de mener une revue des principales

dispositions prévues par la SOP 85-3 en matière de comptabilisation et d’évaluation des biens

vivants agricoles, les quelles dans l’ensemble ne divergent pas de façon significative avec

celles évoquées par le PCGA Français. Cette norme prévoit des règles générales de

détermination du coût de production communes à tous les actifs agricoles et des règles de

valorisation et de classement spécifiques en fonction de la nature du bien, de sa destination

dans l’exploitation, de sa catégorie, de sa durée de vie productive et de son âge.

64
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Sous-section 1 : Règles générales de valorisation des biens vivants


agricoles

L’AICPA préconise l’évaluation des actifs biologiques agricoles au coût historique en

tant que référence principale, bien que cet institut reconnaisse qu’il peut y avoir des situations

exceptionnelles dans les quelles la valeur de réalisation nette pourrait être considérée comme

une méthode alternative 40 .

Le calcul du coût de production des biens vivants et des produits agricoles est soumis

aux mêmes principes que ceux évoqués par le système comptable des entreprises Tunisien et

par le PCGA français. Cependant, quelques particularités restent à considérer, elles ont fait

l’objet de développements supplémentaires au niveau du guide élaboré par l’AICPA pour les

exploitants agricoles.

En effet, certaines composantes du coût de production, telles que celles relatives aux

approvisionnements et matières (semences, plants, nourritures, soins et engrais) peuvent être

affectées directement à un produit particulier. Les autres composantes peuvent être regroupées

par département ou par fonction et peuvent être affectées sur des bases systématiques et

rationnelles à plusieurs produits à travers des centres de coût ou de support. Par exemple, les

coûts peuvent être regroupés pour le matériel utilisé dans plus d'une activité agricole et

peuvent être affectés sur la base des heures d’utilisation enregistrées.

Les frais généraux de production incluent tous les coûts de production qui sont

communs à plusieurs produits. Ces frais devraient être accumulés pour chaque période et

devraient être affectés aux produits sur la base des heures de main-d'oeuvre directes, de

l’utilisation des équipements ou sur d’autres bases qui sont en corrélation avec l'usage des

ressources.

40
J.M. ARGILÉS et E.J. SLOF, op. cit.

65
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Les charges d’intérêts relatives à la construction ou à la production d’actifs devraient

être capitalisés conformément au Financial Accounting Standard Board (FASB) Statement

No. 34, Capitalization of Interest Cost. Le coût historique d’acquisition d’un actif inclut les

coûts nécessairement encourus pour amener le bien à l’endroit et dans les conditions

nécessaires en vue de l’utilisation prévue. Si un actif nécessite une longue période de

préparation avant d’être prêt à l’utilisation prévue, les charges d’intérêts encourus durant

cette période et résultant des dépenses engagées pour l’actif, font partie intégrante du coût

historique de cet actif et ce dernier est considéré comme un actif « qualifié » 41 .

Les actifs qualifiés sont produits par l’entreprise pour elle-même (incluant les actifs

achetés par l’entreprise moyennant le payement d’acomptes) et les actifs construits sous

forme de projets individualisés (navires ou projets immobiliers) et qui sont détenus pour la

vente ou la location. Cependant, les charges d’emprunt ne sont pas incluses dans le coût des

stocks qui sont produits par l’entreprise de façon répétitive et en grande quantité, ni aux

actifs déjà en état d’utilisation ou qui sont dès lors prés à l’utilisation prévue par l’entité.

Notons, par ailleurs que certains animaux de production produisent plus qu'un produit.

Par exemple, les moutons produisent les agneaux, la laine et la viande ; les vaches laitières

produisent le lait, les veaux et la viande. Dans ces deux cas, les produits principaux sont les

agneaux et le lait, alors que les produits secondaires sont constitués habituellement par la

laine et les veaux. Les coûts peuvent être affectés par produit sur la base des valeurs relatives

estimées de chacun de ces produits. Dans la plupart des cas, la valeur de la viande ou de

boucherie de l'animal de production est considérée comme étant une valeur résiduelle.

41
Statement of Financial Accounting Standards No. 34 Capitalization of Interest Cost. Octobre 1979.

66
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Sous-section 2 : Règles spécifiques d’évaluation et de comptabilisation


des biens vivants agricoles

Ces règles différent selon qu’il s’agit de stocks de produits agricoles, de champs de

grandes cultures, de plantes à cycle de vie moyen, de vergers, d’animaux de reproduction ou

d’animaux détenus pour la vente.

1. Les stocks de produits et de biens agricoles


Les stocks des exploitations agricoles incluent les récoltes sur pied ou les avances aux

cultures, les animaux en cours de croissance détenus pour la vente, les végétaux récoltées, le

bétail détenu pour la vente et les produits dérivés, tels que les veaux issu du cheptel laitier.

Les récoltes sur pied ou les avances aux cultures et les animaux en cours de croissance

détenus pour la vente devraient être évalués au plus faible du coût de production et de la

valeur de réalisation nette.

Les stocks de cultures récoltées et du bétail détenu pour la vente (produits finis)

doivent être évalués soit au plus faible du coût de production et de la valeur de réalisation

nette, soit conformément aux pratiques établies, aux prix de vente diminués des coûts de

disposition 42 estimés, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

1. Le produit possède un prix de marché fiable, facilement déterminable et réalisable.

2. Le produit a relativement des frais de disposition prévisibles et non significatifs.

3. Le produit est disponible pour une livraison immédiate. (Paragraphe 39 du SOP 85-3).

Un prix de marché fiable devrait être trouvé dans un marché établi pour des produits

comparables au produit ou à l’actif évalué, et qui ne variant pas de façon significative à cause

des différences de qualité ou de variété.

42
Les coûts de disposition sont constitués par les frais de vendage, de conditionnement, de stockage et de
transport.
67
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Le produit devrait être localisé suffisamment près de la place du marché pour réaliser

une distribution pratique sans coûts ou délais significatifs. Ces circonstances affectent le

montant et la prévisibilité du prix de marché. En plus, les procédures commerciales devraient

être bien établies afin que les coûts de transport et de distribution, qui devraient être

relativement faibles, puissent être estimés avec un degré de précision raisonnable.

Puisque les cultures récoltées et le bétail détenu pour la vente sont évalués à la valeur

recouvrable (prix de vente net) ou au plus faible du coût et de la valeur de réalisation nette, il

est donc nécessaire de déterminer la valeur de réalisation nette de ces stocks. Par ailleurs, les

calculs de la VRN sont aussi exigés pour les récoltes sur pied et les animaux en cours de

croissance. Pour ces catégories, les coûts d’achèvement, incluant les coûts directs, les frais

généraux de production et les coûts de mise à disposition, devraient être estimés et devraient

être déduits des prix anticipés de vente pour déterminer la valeur réalisable nette des récoltes

sur pied ou des avances aux cultures et des animaux en cours de croissance et de les

comparer aux coûts réellement engagés.

Aux Etats-Unis d’Amérique, les sources d'informations du marché, pour les produits

agricoles, sont nombreuses. Elles incluent les prix journaliers cotés pour certains produits tels

que, les grains et le bétail. Pour les autres produits, l'information peut être disponible chez les

courtiers locaux, au niveau des publications spécialisés, etc. Les informations du marché

devraient être ajustées au prix local parce qu'il existe des variations significatives entre le

prix de marché local et le prix de marché fédéral reflétant pour le plus petit, le coût de

transport différentiel. De plus, les prix de la plupart des produits agricoles dépendront de leur

niveau de classification (qualité, variété, etc.) qui devrait être considéré pour déterminer la

valeur de réalisation nette.

68
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

La SOP 85-3 prévoit en outre des règles de détermination de coûts pour certaines

catégories de biens vivants agricoles différentes dans certains aspects de celles retenues pour

les stocks et qui sont spécifiques à chaque catégorie d’actif.

2. Les champs de grandes cultures


Les champs de cultures avec des cycles de vie de moins d’une année sont généralement

classés en stock comme des cultures annuelles. Ces cultures incluent le blé, l’orge, le maïs, les

graines de soja, les betteraves sucrières, le tabac, le coton, les cultures élevées pour

l’ensemencement, les cultures maraîchères, la laitue, les fèves, les choux, le melon, etc.

Le coût de production des avances aux cultures ou des récoltes sur pied devrait être

accumulé jusqu'au moment de la récolte et ajusté au plus faible du coût et de la valeur de

réalisation nette.

Les centres de coûts peuvent être établis par champ, par culture, par ranch 43 , etc. Pour

allouer adéquatement les coûts aux stocks, chaque centre de coût devrait être affecté par les

coûts de matières (premières et consommables) et de main-d'oeuvre directe et une juste

allocation des charges indirectes. Lorsqu’il y’a des cultures multiples, les registres (cahiers

de culture) devraient être maintenus pour fournir une base à l’affectation des coûts totaux aux

différentes cultures.

Généralement, les travaux agricoles engagés après la récolte de l'année en cours,

bénéficient à la récolte de l’année suivante. Cependant, lorsque des coûts supplémentaires

tels que les coûts spéciaux de labourage, de hachage ou de brûlage sont exigés après la

récolte d'une culture particulière pour surmonter une condition physique ou toxique, ils

devraient être estimés et affectés aux coûts de la culture récoltée.

43
Aux Etats-Unis et en Amérique centrale, grande ferme où l’on pratique l’élevage intensif.

69
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

3. Les vergers et les champs de vignes


Les arbres fruitiers et les vignes exigent plusieurs années de développement avant que

leur production ne puisse se réaliser dans des quantités commerciales (paragraphe 42 du SOP

85-3). Les coûts des façons culturales constituent une proportion significative des coûts

contractés au cours des années de développement. Pendant les deux ou trois dernières années

de la période de développement, il n'est pas exceptionnel pour les arbres et les vignes de

produire dans des quantités non commerciales. Une fois les arbres et les vignes ont

suffisamment mûri, généralement la production continue pour plusieurs années en fonction de

la plante, du sol, du climat et des autres facteurs d’influences (paragraphe 42 du SOP 85-3).

Les jeunes arbres et vignes sont habituellement achetés auprès des pépiniéristes et sont

transplantés dans le verger ou champ de vigne en fonction de la structure désirée. Les façons

culturales pendant la période de développement, incluant le greffage et la main d’oeuvre

relative à la taille et à la mise en forme, devraient être capitalisées. Les montants nets des

ventes de produits, avant l’entrée en production commerciale, doivent être déduits du coût

capitalisé des arbres ou des vignes.

Chaque verger ou champ de vigne peut être considéré comme un centre de coût et tous

les coûts qui sont contractés avant la date d’entrée en production commerciale devraient être

accumulés et portés dans les comptes d’immobilisations corporelles en cours. Lors de

l’entrée en production dans des quantités commerciales, les coûts déjà accumulés devraient

être reclassés en immobilisations mises en services et amortis sur la durée de vie utile

estimée du verger ou du champ de vigne.

Les durées de vies productives des arbres ou des vignes peuvent être normalement

estimées en considérant des facteurs telles que, la région géographique (influence de l'eau, de

l’humidité et de la température), la variété ou la classification de la plante, les pratiques de

70
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

greffage et de taille, les intervalles de distance séparant les plantes et les méthodes de

cueillette.

Ce ne sont pas toutes les plantes en cours de croissance dans un verger ou dans un

champ de vigne, qui survivront à l’étape productive. Les pertes normales n'exigent pas

généralement un ajustement pour réduire le coût capitalisé d'un verger. Cependant, le coût

capitalisé des arbres ou des vignes perdus suite à des événements anormaux, telles qu’une

maladie exceptionnelle, une gelée, ou une inondation, devrait être passé en charges au cours

de l'année de réalisation de la perte et le coût de replantation devrait être capitalisé.

Après la période de développement, les coûts d’entretien annuels deviennent une partie

du coût de la récolte de l’année en cours avec les coûts de cueillette, l’amortissement des

arbres et les frais généraux de production affectés. Les coûts d'entretien annuels incluent les

frais de culture, la pulvérisation, la taille et la fertilisation.

4. Les plantes à cycle de vie moyen


Les plantes à cycle de vie moyen incluent les plantes vivaces qui ont des cycles de

croissance de plus qu'une année. De telles plantes incluent les artichauts, les asperges, le fruit

du kiwi, la luzerne, etc. (paragraphe 43 du SOP 85-3). Ces plantes produisent pour une

période supérieure à une année, selon le type de la plante et de la région géographique, mais

pas aussi longtemps que les arbres fruitiers.

Les principes comptables pour les plantes à cycle de vie moyen sont semblables à ceux

applicables aux vergers et aux champs de vigne.

Les coûts des plantes à cycle de vie moyen développées par le producteur incluent les

coûts de préparation du sol, les plants, les soins culturaux contractés au cours de la période

de développement et les frais généraux de production.

71
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Lors de l’entrée en production avec des quantités commerciales, les coûts capitalisés

devraient être amortis sur la durée de vie productive estimée des plantations, et ce,

contrairement au PCGA Français et à la pratique tunisienne qui recommande leur classement

en stock. Les différences régionales, les conditions du climat et du sol et les pratiques

culturales peuvent affecter la capacité productive et la durée de vie des plantes à cycle de vie

moyen et devraient être considérées au moment de la détermination de la durée de vie

estimée des plantes.

5. Les animaux de reproduction et de production


Les troupeaux de reproduction se composent des animaux mâles et femelles mûrs et

immatures, de classe commerciale ou sélectionnée, maintenus pour leur progéniture. Les

troupeaux sélectionnés sont ceux utilisés pour conserver ou améliorer les qualités désirables

des animaux, alors que les troupeaux de classe commerciale fournissent des animaux pour la

consommation.

Les animaux de production fournissent quant à eux un service ou un produit primaire,

autre que des petits animaux. C’est le cas des vaches laitières (lait), du volaille (viande et

oeufs) et des moutons (viande et laine).

1. Comptabilisation des animaux de reproduction


Si les animaux de reproduction sont de classe sélectionnée ou commerciale, leur but est

de produire de jeunes animaux. Donc, la comptabilisation des opérations du bétail exige

habituellement l'accumulation du coût d'entretien annuel du troupeau d’élevage comme un

moyen d'établir le coût de ces jeunes animaux. Le coût de l'alimentation, les soins

vétérinaires, les médicaments, la main d’oeuvre, le loyer du terrain et du pâturage et

l’amortissement du troupeau et des installations sont donc inclus dans le total à affecter aux

animaux produits. Les coûts de maintien des animaux élevés antérieurement à la maturité ou

à la vente sont capitalisés comme un coût supplémentaire des animaux. Cependant, Ce ne


72
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

sont pas tous les jeunes animaux qui atteignent le stade de la maturité ou de la vente. Ainsi,

les pertes normales de jeunes animaux ne sont pas habituellement et directement déployées

parce que les coûts d'entretien annuels totaux sont affectés aux survivants. Par contre, les

coûts accumulés des animaux perdus à travers des causes considérées comme anormales

devraient être passées en perte de l’exercice au cours du quel les pertes anormales sont

survenues.

Généralement, les animaux de reproduction sont des actifs immobilisés et leurs coûts

diminués de leurs valeurs résiduelles estimées devraient être amortis sur leurs durées de vies

utiles. Les animaux immatures ne sont pas considérés en service jusqu'à ce qu'ils atteignent la

maturité. Ils sont classés provisoirement en immobilisations en cours, puis virés aux comptes

d’immobilisations amortissables appropriés. Les mêmes principes comptables généraux

s’appliquent à tout le cheptel incluant les bovins, les sangliers, les moutons et les chèvres.

Les animaux avec des durées de vies productives courtes, telle que la volaille, peuvent être

classés en stock. Il s’agit en effet d’un choix et non d’une obligation donné aux exploitations

avicoles, et ce, contrairement au PCGA français qui préconise son classement en stock dans

tous les cas de figure.

2. Comptabilisation des animaux de production


Les animaux de production sont généralement des actifs immobilisés sujets aux mêmes

règles d’évaluation et d’amortissement décrites ci-dessus pour les animaux de reproduction.

Les principes sont semblables pour les méthodes d’amortissement applicables aux autres

immobilisations corporelles.

Il est important de préciser que les principes comptables relatives aux opérations de

volaille ressemblent beaucoup à celles du bétail, bien que les cycles de fonctionnement soient

beaucoup plus courts. Le coût de production des poulets élevés pour une unité de ponte

d’oeufs devrait inclure le coût initial de la volaille (ou, s’il est éclos, les coûts des oeufs et les

73
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

dépenses d’éclosion), les coûts des matières et de la main d’œuvre et les coûts indirects

affectés durant la période de la prématurité. Ces coûts, diminués de la valeur de boucherie

estimée des poulets, devraient être immobilisés et amortis sur la période de ponte des oeufs.

Cependant et compte tenu de la durée de vie productive courte des volailles, elles peuvent

être classées en stock.

6. Les animaux détenus pour la vente


Les animaux détenus pour la vente incluent toute la progéniture du troupeau de

reproduction autre que celle détenue pour le développement ou le remplacement des

troupeaux existants. Les animaux détenus pour la vente ne sont pas habituellement retenus au-

delà de la période dans la quelle ils atteignent une dimension ou un poids optimal, du fait que

normalement leurs valeurs n'augmenteront plus et peuvent même diminuer.

Le coût des animaux élevés ou achetés et gardés dans des surfaces de pâturage ou

ouvertes est déterminé de la même manière que pour le traitement relatif aux animaux de

reproduction.

Les coûts des bovins qui sont détenus dans les étables d’alimentation devraient être

facilement déterminable. Les bovins vivent dans un environnement contrôlé pour une période

de temps relativement courte qui ne dépasse pas habituellement les six mois et ils sont

séparés dans les étables en fonction de la date prévisionnelle de boucherie. En conséquence,

les coûts peuvent être facilement agrégés par étable. Le prix d'achat (ou le coût de transfert,

si applicable), les dépenses de main-d'oeuvre et du parc (y compris l’amortissement du

matériel et des étables), les produits vétérinaires et la nourriture représentent les éléments des

coûts totaux des animaux au moment de l’abattage.

Les animaux détenus pour la vente constituent des stocks pour le producteur et

devraient être estimés au plus faible du coût et de la valeur de réalisation nette ou dans

74
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

certaines circonstances au prix de vente diminué du coût estimé de mise à disposition comme

c’est expliqué dans le paragraphe 62 du SOP 85-3.

A la fin de cette section, nous pouvons conclure que l’AICPA dans sa prise de position

SOP 85-3 recommande l'évaluation des biens vivants agricoles au coût historique récupérable

qui correspond dans la plupart des cas au coût de production associé au principe de prudence,

comme c’est recommandé par le PCGA Français. Les critiques adressés au modèle

comptable du coût historique en matière agricole sont applicables aussi à la SOP 85-3.

Le coût de production est soumis à des règles générales de détermination sujettes à des

modifications en fonction de la catégorie de l’actif en question, de sa durée de vie probable et

de sa destination dans l’exploitation.

Pour les biens vivants agricoles durables, le coût de production est amorti sur la durée

de vie probable de l’actif en tenant compte éventuellement de la valeur résiduelle estimée.

Pour les actifs et produits agricoles classés en stock, le coût de production est

systématiquement confronté à la valeur de réalisation nette pour ne retenir que la valeur la

plus faible entre les deux. Pour les cultures récoltées et les animaux détenus pour la vente,

l’AICPA autorise leur valorisation au prix de marché si certaines conditions sont remplies, ce

qui constitue, à notre avis, une dérogation au principe de prudence permettant ainsi de

constater en résultat d’exploitation non seulement les pertes latentes mais aussi les plus values

non encore réalisées.

Ceci nous rapproche de l’esprit de la nouvelle norme internationale IAS 41

« Agriculture » qui recommande l’évaluation des actifs biologiques initialement et à chaque

date de clôture et de la production agricole au moment de la récolte à la juste valeur et la

constatation des profits et des pertes résultant de l’évaluation des actifs biologiques et de la

production agricole à la juste valeur en résultat, objet du chapitre suivant.

75
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

CHAPITRE QUATRIEME: NORMALISATION COMPTABLE


INTERNATIONALE

En 2001, l’IASC a publié une nouvelle norme comptable internationale IAS 41

« Agriculture » qui propose l’évaluation des actifs biologiques à la juste valeur. La norme IAS

41 est la première norme internationale qui traite le sujet de l’évaluation des actifs biologiques

en agriculture.

La publication de cette norme a suscité des réactions divergentes auprès des

académiciens, des entreprises et des professionnels comptables.

Dans cette partie de l’étude, nous allons essayer d’étudier les dispositions de cette

norme internationale tant au niveau des règles d’évaluation et de comptabilisation des actifs

biologiques au sein d’une exploitation agricole qu’au niveau des modalités d’application de

ces règles et de mener une revue d’ensemble des apports et des critiques de cette norme, ainsi

que des difficultés théoriques et pratiques de son application à l’échelle internationale et

nationale.

76
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Section 1 : Apport de la norme IAS 41 « Agriculture » :


Evaluation des actifs biologiques à la juste valeur

Sous-section 1 : Les nouvelles règles d’évaluation des actifs biologiques et


de comptabilisation des subventions publiques

1. Champs d’application et définitions


La norme comptable internationale 41 « Agriculture » 44 vise à prescrire le traitement

comptable, la présentation des états financiers et des informations à fournir liés à l’activité

agricole 45 . Celle-ci a été définie comme étant « la gestion par une entité de la transformation

biologique d’actifs biologiques en vue de la vente, en produits agricoles ou en d’autres actifs

biologiques » (IAS 41.5).

L’activité agricole couvre ainsi une multitude d’activités qui possèdent trois critères

communs les faisant distinguer des autres activités similaires :

Æ La possibilité de transformation biologique du bien vivant animal ou végétal par la

croissance, la dégénérescence ou l’appauvrissement, la procréation (ou la naissance

d’actifs biologiques supplémentaires) et la mort.

Æ La réalisation de cette transformation dans le cadre d’une gestion quotidienne de

routine en essayant d’améliorer ou de maintenir les conditions physiques nécessaires

à l’achèvement de ce processus, ce qui distingue cette activité des activités de récolte

de ressources non gérées telles que la pêche en mer et la déforestation. En revanche,

l’aquaculture et l’activité de gestion forestière y font partie intégrante.

La gestion de routine suppose donc une intervention humaine régulière pour

apporter une valeur ajoutée à la transformation biologique ou pour permettre au

processus biologique de se réaliser dans de bonnes conditions en agissant sur l’actif

44
La version étudiée comprend les amendements qui résultent des nouvelles normes et des normes amendées publiées
jusqu’au 31 décembre 2004, par l’IASB.
45
La présente norme comptable internationale entre en vigueur pour les états financiers annuels des exercices ouverts à
compter du 1er janvier 2003. Une application anticipée est encouragée. Si une entreprise applique la présente norme pour les
exercices ouverts avant le 1er janvier 2003, elle doit l’indiquer. (IAS 41.58).

77
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

ou sur son environnement naturel (soin, fertilisation, labour, irrigation, replantation

forestière, etc.).

Æ La gestion de routine doit permettre de suivre, de mesurer et de contrôler à tous

moment les changements apportés dans la quantité ou à la qualité suite aux

transformations biologiques des biens vivants agricoles.

Cette définition de l’activité agricole apparaît précise et pragmatique en excluant les

activités apparentées et les activités annexes qui peuvent constituer un prolongement normal

de l’activité agricole. La frontière est bien tractée dès lors qu’il n’y a pas d’intervention

humaine sur les actifs biologiques ou que l’actif ou la production sont transformés, il s’agit

d’activités industrielles 46 .

Lorsqu’ils sont liés à une activité agricole, les éléments suivants doivent être

comptabilisés conformément aux prescriptions de cette norme :

- les actifs biologiques ;

- les produits agricoles au moment de la récolte ; et

- les subventions publiques se rattachant à des actifs biologiques ou à des produits agricoles

évalués à la juste valeur.

Cette norme ne s’applique ni aux terrains agricoles, ni aux actifs incorporels liés à cette

activité, dans la mesure où ils ne répondent pas à la définition d’actifs biologiques, même s’ils

sont liés physiquement à ces actifs ou qu’ils constituent un outil nécessaire à la gestion

agricole.

Se trouvent aussi exclus du champ de cette norme tous les actifs et produits détenus par

une exploitation agricole et ne répondant pas à la définition d’actifs biologiques et de produits

agricoles, ainsi que les subventions publiques ne se rattachant pas à des actifs biologiques

46
O. AUGRAUD, M. CHEVALIER, P. DANDO et al. 2006. La norme IAS 41 sur l’agriculture. Revue Française de
Comptabilité, Avril 2006, N° 387, p. 26-37.

78
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

évalués à la juste valeur. Par ailleurs, cette norme ne s’applique pas aux produits agricoles

après la récolte même si certains produits peuvent subir des transformations après la

cueillette, ces transformations peuvent sembler être un prolongement normal de l’activité

d’une entreprise agricole. C’est le cas de la transformation du jus de raisin en vin par un

éleveur vinificateur, ou le conditionnement et la transformation du lait en produits dérivés

(fromage, lait conditionné, yaourt…) dans une ferme d’élevage de vaches laitières, etc.

Les produits agricoles immatures avant la cueillette dans un verger ou un vigne

(récoltes/pieds) sont exclus également du champ d’application de la norme IAS 41, mais la

question qui se pose est de savoir s’ils doivent être comptabilisés ou non comme des actifs

distincts à la date de clôture et pour quels montants ? La réponse est négative puisque la

valeur comptable des récoltes/pieds figurent au niveau de celle des actifs biologiques s’y

rapportant déjà comptabilisés à leurs justes valeurs qui tiennent compte normalement de la

valeur des fruits rattachés.

2. Règles d’évaluation des actifs biologiques et des produits agricoles


Pour qu’un actif biologique ou un produit agricole soit comptabilisé à l’actif d’une

entité, trois conditions doivent être satisfaites, à savoir :

i. l’entité doit avoir le contrôle de l’actif du fait d’événements passés ;

ii. il est probable que les avantages économiques futurs associés à cet actif iront à l’entité ;

et

iii. la juste valeur ou le coût de cet actif peut être évalué de façon fiable. (IAS 41.10)

Usuellement, le contrôle est attesté par la propriété légale ou par d’autres procédés tels

que le tatouage ou d’autres marquages du bétail. Quelques difficultés peuvent néanmoins

surgir pour l’attestation de la propriété de certains animaux vivants de petites espèces, tels que

les animaux aquatiques et la volaille. A notre avis, le contrôle peut être attesté dans ce cas par

79
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

plusieurs moyens tels que les factures d’achat, l’inventaire physique de fin d’année dûment

approuvé par la direction et les organes de contrôle ou simplement par la présence de l’actif

dans l’exploitation, à moins que d’autres arrangements ou conventions n’indiquent le

contraire. La deuxième condition peut être satisfaite par le transfert à l’entreprise de

l’ensemble des risques et avantages inhérents au contrôle effectif de cet actif, même si l’entité

ne dispose pas de la propriété juridique du bien, en application du principe de prééminence de

la réalité économique sur l’apparence juridique.

La norme IAS 41 recommande l’évaluation des actifs biologiques lors de la

comptabilisation initiale 47 et à chaque date de clôture à la juste valeur diminuée des frais du

point de vente estimés, à moins que la juste valeur ne puisse être déterminée de manière fiable

au moment de la comptabilisation initiale et uniquement à cette date. Dans ce cas, l’actif doit

être enregistré à son coût d’achat ou de production diminué du cumul des amortissements et

des pertes de valeur. Les produits agricoles issus d’actifs biologiques doivent être évalués à

leur tour à la juste valeur diminuée des frais du point de vente estimés au moment de la

récolte. A partir de ce moment, cette évaluation est considérée comme étant le coût

conformément à la norme comptable relative aux stocks (IAS 02). En effet et après la date de

récolte, les produits récoltés doivent être traités comme toute autre catégorie de stocks et

devraient être évalués par conséquent à leurs coûts historiques.

La juste valeur est définie par la norme IAS 41 comme étant « le montant pour lequel

un actif pourrait être échangé, ou un passif éteint, entre parties bien informées, consentantes,

et agissant dans des conditions de concurrence normale » (IAS 41.8).

La juste valeur est donc une estimation théorique du montant d’une transaction. Pour

déterminer la juste valeur de cette transaction, il n’est pas nécessaire qu’elle soit

effectivement réalisée. Plus encore, on peut même affirmer que le calcul de la juste valeur

47
Le moment de comptabilisation initiale correspond à la date d’achat ou de naissance de l’actif biologique.

80
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

suppose que la transaction ne soit pas encore réalisée, sinon on ne parle plus de valeur mais

plutôt de prix.

La juste valeur est le reflet d’une transaction équilibrée, ce qui suppose que les parties

sont bien informées de l’état de l’actif ou du passif objet de la transaction, ainsi que des

conditions de sa détention et utilisation et qu’elles sont consentantes c'est-à-dire qu’elles ne

sont pas soumises à des contraintes économiques ou autres (réglementaires, physiques ou

psychologiques) les poussant à vendre ou à acheter des actifs à un prix différent par rapport à

celui du marché.

D’après A. WAHABI 48 « la juste valeur est la résultante d’une transaction opérée dans

les conditions de concurrence normales sur le marché, ce qui suppose que les agents ne sont

pas les seuls à exercer sur le marché et ce qui rend possible le processus d’arbitrage 49 ».

Il semble fastidieux voir même impossible de déterminer la juste valeur de chaque actif

biologique et de chaque produit agricole pris d’une manière isolée. Dans ce cas, l’entreprise

doit être amenée à regrouper les actifs biologiques et les produits agricoles par catégorie ou

autrement en fonction de critères correspondants à ceux utilisés par le marché, tels que l’âge,

la qualité et l’espèce. En effet d’après J.M. ARGILES et E.J. SLOF, la reconnaissance que les

actifs biologiques soient particulièrement gérés en groupe peut être très utile pour la

détermination de leur valeur dans la pratique 50 .

Pour déterminer la juste valeur d’un actif biologique ou d’un produit agricole au

moment de sa récolte, IAS 41 fait référence en premier lieu à la valeur de marché du bien à la

date de l’évaluation 51 lorsqu’un marché actif existe. Un prix de marché fiable devrait être

48
A. WAHABI. 2006. Modèle comptable de la juste valeur et enjeux de la normalisation comptable. Revue Comptable et
Financière, 2ème trimestre 2006, N° 72, p.47-60.
49
A la bourse, l’arbitrage est une opération qui consiste à vendre des valeurs mobilières pour en racheter d’autres plus
intéressantes.
50
J.M. ARGILÉS et E.J. SLOF, op. cit.
51
La date de l’évaluation correspond à celle de la comptabilisation initiale (achat ou naissance) au bilan ou du reporting
financier (date de clôture annuelle ou intermédiaire) pour un actif biologique et au moment de la récolte pour un produit
agricole.

81
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

trouvé dans un marché établi pour des produits ou des actifs qui sont comparables au produit

ou à l’actif évalué et qui ne varient pas significativement à cause des différences dans la

qualité ou de la variété.

A défaut d’existence de prix de marché au moment de l’évaluation, l’exploitation

agricole peut utiliser le prix de marché de la transaction la plus récente sur le marché dans la

mesure où les conditions économiques et les prix n’ont pas changé d’une manière

significative, entre la date de la transaction et la date de l’évaluation de l’actif biologique ou

du produit agricole. Dans tous les cas, ce critère ne peut être utilisé en cas d’une forte inflation

monétaire ou de variation saisonnière significative du prix de vente de l’actif en question.

Des prix de marché pour des actifs similaires avec ajustement pour refléter les

différences, des références du secteur comme la valeur d’un verger exprimée par clayette

export 52 , boisseau 53 ou hectare et la valeur du bétail exprimée par kilo de viande (IAS 41.18)

peuvent aussi être utilisés en cas d’absence de marché pour l’actif biologique évalué.

L’utilisation du prix de marché d’actifs similaires nécessite l’existence d’une forte

corrélation entre le prix de l’actif évalué et le produit similaire 54 . Cette corrélation peut être

mise en évidence par une forte similitude au niveau de la qualité et de l’état physique ou par

la même utilisation future de l’actif ou du produit agricole.

Dans certaines circonstances, les prix ou les valeurs déterminées par le marché

n’existent pas ou peuvent ne pas être disponibles pour un actif biologique dans son état actuel

(IAS 41.20). Il s’agit des actifs immatures qui ne peuvent être vendus qu’à la maturité et pour

les quels aucun prix de marché fiable n’existe dans l’état où ils se trouvent. Dans ce cas,

l’évaluation est réalisée sur la base des cash-flows futurs nets actualisés à un taux d’intérêt

52
Une clayette est un emballage à claire voie, léger qui sert à transporter les fruits et les légumes.
53
Un boisseau est une ancienne mesure de capacité pour les grains.
54
K. BOONE et K. VAN BOMMEL. 2001. Fair value in agriculture – first implementation of IASC E65. PACIOLI 8
Innovations in the FADN. Mars 2001. [En ligne]. Consulté le 03/09/2005. Adresse électronique :
http://www.lei.dlo.nl/publicaties/ PDF/2001/8_xxx/8_01_02.pdf.

82
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

avant impôt, déterminés en fonction des conditions actuelles de l’actif, ce qui exclut toute

augmentation due à des transformations biologiques additionnelles résultant d’activités de

développements futures de l’entité. Les cash-flows futurs incluent non seulement les flux de

recettes mais aussi les dépenses futures relatives à l’actif sans tenir compte du schéma de

financement utilisé.

La juste valeur d’un actif biologique peut correspondre au coût lorsque peu de

transformations biologiques ont eu lieu depuis la prise en compte initiale des coûts ou lorsque

l’impact de la transformation biologique sur le prix ne devrait pas être significatif (IAS

41.24). A notre avis, cette méthode ne peut être utilisée qu’aux actifs récemment achetés pour

les quels une faible transformation biologique a eu lieu entre la date d’achat et la date de

clôture, dans la mesure où le processus de transformation est assez étendu dans le temps telle

que la croissance initiale d’un arbre fruitier (olivier, pistachier, plantation de pins, etc.) dont le

cycle de production est supérieur à 30 ans.

Les frais du point de vente comprennent les commissions aux intermédiaires et aux

négociants, les montants prélevés par les agences réglementaires, les foires et les marchés55

ainsi que les droits et taxes de transfert. Les frais du point de vente excluent le transport et les

autres coûts nécessaires à la mise des actifs sur le marché (IAS 41.14).

Pour les contrats de vente futurs d’actifs biologiques ou de produits agricoles, IAS 41

considère que les prix contractuels ne sont pas pertinents pour déterminer la juste valeur, car

la juste valeur reflète les conditions actuelles de marché dans lequel un acheteur et un vendeur

sont disposés à conclure une transaction. Par conséquent, la juste valeur d’un actif biologique

ou d’un produit agricole n’est pas ajustée du fait de l’existence d’un contrat. IAS 41

recommande en outre d’appliquer IAS 37 « Provisions, passifs éventuels et actifs éventuels »

55
Au marché de gros de Bir Kassaâ, la commission aux intermédiaires est de 3% alors que le montant prélevé par le marché
(SOTUMAG) est de 2% du montant des ventes.

83
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

lorsque un contrat de vente d’un actif biologique ou d’un produit agricole se révèle

déficitaire 56 . Dans ce cas, l’entreprise doit comptabiliser une provision en s’appuyant sur la

meilleure estimation de la dépense nécessaire à l’extinction de l’obligation actuelle à la date

de clôture. Elle est constituée normalement par le montant de la perte estimée sur le contrat de

vente future. Lorsque l’effet temps de l’argent est significatif, la provision devra être

actualisée à un taux d’intérêt avant impôts reflétant les attentes actuelles du marché et les

risques spécifiques au passif.

Enfin et en cas d’incapacité de déterminer la juste valeur d’un actif biologique au

moment de la comptabilisation initiale et seulement à cette date, l’entité est amenée à le

comptabiliser à son coût diminué du cumul des amortissements et des pertes de valeur dans la

mesure qu’un prix ou une valeur de marché à la date d’évaluation n’est pas disponible et que

les autres méthodes de calcul de la juste valeur sont reconnues non fiables ou ne peuvent être

appliquées à cet actif. Une fois que la juste valeur de cet actif biologique devient mesurable de

manière fiable, l’entreprise doit l’évaluer à sa juste valeur diminuée des frais du point de

vente estimés (IAS 41.30).

Ainsi, la présomption d’une évaluation fiable ne peut être réfutée ni pour les produits

agricoles, ni pour les actifs biologiques déjà évaluées à la juste valeur. La raison est qu’on

peut à tout moment déterminer cette juste valeur pour les produits agricoles du fait de

l’existence de marchés agricoles pour ces produits et qu’un actif biologique antérieurement

évalué à la juste valeur peut l’être aussi au futur.

Mais un problème se pose lorsque les actifs biologiques producteurs sont évalués au

coût historique, dans ce cas les récoltes/pieds ne sont pas inscrites en comptabilité ni à leur

coût ni à leur juste valeur. Ainsi, la norme IAS 41 a manqué de fournir le traitement

56
La norme IAS 37 définit un contrat déficitaire comme un contrat pour lequel les coûts inévitables pour satisfaire aux
obligations contractuelles sont supérieurs aux avantages économiques à recevoir attendus du contrat.

84
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

comptable des produits agricoles immatures rattachés aux actifs biologiques évalués au coût

historique diminué du cumul des amortissements et des pertes de valeurs. Dans une telle

situation, il est à notre avis souhaitable que les récoltes/pieds soient comptabilisées à leur

juste valeur ou à défaut à leur coût de production même si la norme IAS 41 ne prévoit pas un

tel traitement.

Récemment, l’IASB a publié un exposé sondage d’une norme internationale d’information

financière sur les petites et moyennes entités 57 . Cet exposé prévoit des règles moins

contraignantes que celles de la norme IAS 41 en matière d’adoption de la juste valeur, il ne

prévoit la possibilité d’évaluer les actifs biologiques en agriculture à la juste valeur que

lorsque celle-ci est facilement déterminable sans coût et efforts excessifs ; à défaut, c’est la

méthode du coût historique amorti qui est retenue. Il s’ensuit que par exemple en cas de

recours à la valeur actuelle nette pour le calcul de la juste valeur, l’entité est invitée à se doter

d’un système d’information prévisionnel efficace qui peut nécessiter la mobilisation de

moyens humains et logistiques élevés pour obtenir des informations raisonnablement fiables,

ce qui engendrera la mise en œuvre de gros moyens financiers qui peuvent s’avérer

disproportionnés par rapport aux avantages escomptés. Dans de telles situations et

contrairement à la norme IAS 41, l’exposé sondage sur les PME recommande d’abandonner

la juste valeur au profit du coût historique.

3. Règles de comptabilisation des subventions publiques rattachées aux actifs


biologiques
Le traitement comptable des subventions publiques diffère selon qu’il s’agit de

subventions ayant financé des actifs évalués à la juste valeur ou non.

57
Exposé-sondage « Normes internationale d’information financière pour les petites et moyennes entités ». Février 2007.
International Accounting Standard Board.

85
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Pour les subventions liées à des actifs biologiques évalués au coût historique diminué du

cumul des amortissements et des pertes de valeur, la norme comptable relative aux

subventions publiques est dans ce cas applicable 58 .

Une subvention publique sans conditions concernant un actif biologique évalué à sa

juste valeur diminuée des frais du point de vente estimés, doit être comptabilisée en produit

lorsque et seulement lorsque la subvention publique devient une créance (IAS 41.34).

Si une subvention publique concernant un actif biologique, évalué à sa juste valeur

diminuée des frais estimés du point de vente, est soumise à condition, y compris lorsque la

subvention publique impose à l’entreprise de ne pas s’engager dans des activités agricoles

spécifiées, l’entreprise doit comptabiliser la subvention publique en produit, lorsque et

uniquement lorsque, les conditions liées à la subvention publique sont satisfaites (IAS 41.35).

La subvention peut être assortie de condition suspensive. Dans ce cas, la

comptabilisation de la subvention en produit est conditionnée par la satisfaction de cette

condition.

La subvention publique ayant financé des actifs biologiques évalués à la juste valeur, est

souvent assortie de conditions résolutoires. Dans de tels cas, la subvention est constatée en

résultat au moment de l’obtention de l’accord officiel par les autorités publiques. En cas de

réalisation de la condition résolutoire, la subvention est portée en charge, et ce, en fonction

des termes et du montant de remboursement.

58
Il s’agit de la norme comptable internationale IAS 20 Comptabilisation des subventions publiques et informations à fournir
sur l’aide publique. En Tunisie c’est la norme NCT 12 Subventions publiques qui s’applique. Cette dernière recommande de
rapporter la subvention en résultat proportionnellement et selon le même rythme que la charge d’amortissement de l’actif
subventionné.

86
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Sous-section 2 : Les différentes méthodes de détermination de la juste


valeur

Pour la détermination de la juste valeur d’un actif biologique, la norme internationale

IAS 41 « Agriculture » recommande le recours en premier lieu à la valeur de marché de

l’actif. En absence de marché pour cet actif, IAS 41 fait appel en deuxième lieu à la valeur de

marché d’actifs similaires ou à des références sectorielles. A défaut, c’est la valeur actuelle

nette des cash-flows futurs qui est retenue.

Le tableau suivant permet de récapituler la hiérarchie des différentes méthodes de

détermination de la juste valeur d’un actif biologique :

Figure 3 : Détermination de la juste valeur

1. Prix de marché de l’actif à la date d’évaluation dans son emplacement actuel.

2. Prix de marché de l’actif à la date d’évaluation dans d’autres emplacements.

3. Prix de la transaction la plus récente de marché de cette catégorie d’actif.

4. Prix de marché pour des actifs similaires.

5. Prix de référence du secteur.

6. Valeur actuelle nette des cash-flows attendus.

7. Valeur réalisable nette pour les actifs à cycle de production court.

8. Coût historique en cas de faible transformation biologique.

1. Valeur de marché de l’actif biologique


La norme IAS 41 propose d’utiliser le prix de marché à la date d’évaluation pour la

détermination de la juste valeur des actifs biologiques et des produits agricoles au moment de

la récolte. Ce prix devrait être établi sur un marché actif à proximité de l’emplacement de

87
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

l’exploitation agricole à la date de clôture ou à une date proche. Lorsque l’entreprise a accès à

plusieurs marchés en même temps, elle doit utiliser le plus pertinent, c’est à dire celui qu’elle

entend utiliser de préférence, celui qui correspond à sa stratégie commerciale actuelle sans

tenir compte de stratégies futures éventuelles. Si l’exploitation entend utiliser plus qu’un

marché pour écouler sa production, elle doit tenir compte des prix sur ces marchés, par

exemple, utiliser une moyenne de prix des marchés cibles.

Un marché actif a été défini par la norme IAS 41 comme étant « un marché pour lequel

sont réunies les conditions ci-après:

(a) les éléments négociés sur ce marché sont homogènes ;

(b) on peut normalement trouver à tout moment des acheteurs et des vendeurs consentants ; et

(c) les prix sont mis à la disposition du public » (IAS 41.8).

Une des conditions pour qu’un marché soit considéré comme étant actif est que les

éléments négociés sur ce marché soient homogènes, c'est-à-dire que les actifs biologiques ou

les produits agricoles possèdent entre eux des caractéristiques communes qui les font

distinguer des autres catégories. Quoique avec des biens vivants agricoles, il peut être difficile

de parler de groupes homogènes puisque chaque élément individuel peut avoir des

caractéristiques différentes 59 , on peut trouver pour plusieurs actifs biologiques et produits

agricoles des prix spécifiques pour des classes de qualité différentes. Chaque classe peut être

ainsi considérée comme un groupe plus ou moins homogène avec un prix de marché

identifiable.

La deuxième condition peut être en grande partie aisément vérifiée particulièrement

pour les produits agricoles et les actifs biologiques consommables dans la mesure où

s’agissant de produits primaires de première nécessité, l'élasticité de la demande pour les

produits de base est plutôt faible du fait que les gens doivent manger à tout moment, on peut

59
K. BOONE et K. VAN BOMMEL, op. cit.

88
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

donc trouver à tout moment des acheteurs. Il s’en suit que l’existence d’une demande

abondante pour un produit agricole fait naître généralement une offre assez importante de

l’autre coté.

Le prix peut être mis à la disposition du public par plusieurs moyens, notamment, par

une cote de prix quotidienne ou hebdomadaire. Les prix peuvent être également disponibles

dans les magazines agricoles, dans les journaux, chez les courtiers locaux et les intermédiaires

des marchés de gros et actuellement certains prix sont mêmes disponibles sur internet.

Lorsque les informations du marché ne sont disponibles qu’à un niveau central ou

régional, elles devraient être ajustées au prix local parce que normalement il y a des variations

significatives entre le prix de marché local et celui de marché central ou régional reflétant le

coût différentiel de transport.

Si pour un actif biologique ou un produit agricole il n'y a pas de prix de marché à la date

d’évaluation dans l’emplacement actuel où il se trouve, la meilleure estimation de la juste

valeur sera constituée par le prix de marché à la date d’évaluation dans un autre emplacement

diminué des coûts différentiels pour placer l'actif sur le marché. Les dépenses supplémentaires

peuvent inclure le coût de transport supplémentaire et les frais de transit éventuelles. Les

coûts de mise à disposition de l’actif et notamment les coûts de transport ont été exclus par la

norme IAS 41 des frais à déduire pour le calcul de la juste valeur. L’objectif d’exclure les

coûts de transport était de présenter des justes valeurs comparables pour des actifs biologiques

similaires, dans la mesure où les frais de transport peuvent varier sensiblement d’une

entreprise à une autre. Cependant, s’il est clairement démontré l’absence d’un prix de marché

fiable au niveau de marché pertinent de l’actif, il est préconisé d’utiliser les prix disponibles

dans un autre marché et il convient de déduire dans ce cas les coûts différentiels de transport

et de mise à disposition en général, pour refléter la réalité économique des événements.

89
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Pour certains actifs biologiques producteurs, les prix de marché existent mais ils ne sont

pas représentatifs de la juste valeur. C’est le cas des vaches laitières détenues dans une ferme

laitière ; malgré l’existence d’une cote de prix publique hebdomadaire pour les vaches

laitières, est-ce que ces dernières sont les mêmes que celles détenues dans les fermes laitières?

La réponse est évidemment négative. En effet, les vaches vendues sur le marché appartiennent

généralement à une catégorie de qualité inférieure à celle détenue dans l’exploitation. Les

fermiers pourraient vendre des vaches de qualité supérieure, mais elles seront vendues aux

autres fermiers directement ou dans des enchères spéciales au lieu du marché de bétail 60 . Par

conséquent, le prix coté ne représente pas la juste valeur du cheptel de vaches d'une ferme

laitière. En revanche, il pourrait servir comme un prix de référence qui doit être ajusté pour

refléter la différence de qualité.

En absence de prix de marché à la date d’évaluation, le prix le plus récent serait la

meilleure approche pour estimer la juste valeur. Cependant, ce prix ne peut être utilisé que

lorsqu’il demeure relativement stable pendant la période qui sépare la date d’établissement de

ce prix et celle d’évaluation de l’actif biologique. L’appréciation des conditions économiques

peut s’avérer délicate dans la mesure où la formation comptable de l’exploitant agricole est

assez limitée et l’accès aux sources d’informations économiques n’est pas toujours une tache

aisée. Des indices plus ou moins standardisés peuvent néanmoins être établis pour permettre

l’utilisation de ce critère (indice de prix à la consommation relativement stable, faible

inflation monétaire, taux de change stable, période relativement courte, etc.).

Par ailleurs, certains produits et actifs biologiques consommables ont une structure

saisonnière. Lorsqu’à la date d’évaluation le produit est considéré hors saison, la juste valeur

peut être significativement différente du prix normal de marché durant la saison et cette

différence peut être positive ou négative. Dans de telles situations, le prix le plus récent doit

60
K. BOONE et K. VAN BOMMEL, op. cit.

90
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

être corrigé des effets des variations saisonnières pour obtenir une évaluation fiable à la date

du reporting.

Un des exemples les plus représentatifs des produits ayant une structure saisonnière est

celui des sapins de noël. Pour une entité qui clôture son exercice comptable le 31 décembre, le

prix de marché le plus récent est celui du 24 décembre. Cependant, ce prix ne représente pas

la valeur actuelle puisque à la date de clôture il n’a y a pas de marché pour ces actifs et ne

peut être utilisé pour la détermination de la juste valeur. Celle-ci sera donc estimée d’une

façon plus fiable, par la valeur réalisable nette en utilisant par exemple les cash-flows attendus

de l'année prochaine.

Pour remédier à cette contrainte pratique, certains auteurs préconisent même

l’utilisation d’une moyenne de prix sur une certaine période de temps au lieu du prix de

marché le plus récent, particulièrement pour les produits agricoles de première nécessité dans

la mesure où les prix de marché qui sont basés sur l’équilibre d’une offre et d’une demande

ayant une élasticité très faible voir même nulle pour certains produits61 , fluctuent

sensiblement d’un jour à l’autre, et qu’une évaluation instantanée peut s’avérer trompeuse et

présentant des risques importants de biais et d’erreurs.

D’après K. BOONE et K. VAN BOMMEL, « Certaines légumes fraîches (par

exemple la laitue) ne peuvent pas être conservées après la récolte, donc l'élasticité

de l’offre est presque égale à zéro. Il est bien connu que l'élasticité de la demande

pour les produits de base est plutôt faible… C'est la raison pour la quelle, le prix

de marché qui est basé sur l'équilibre de l’offre et de la demande à ce jour fluctue

de jour en jour. Le prix d’aujourd’hui peut être tout à fait différent du prix de

demain. Pour cette raison le prix de marché le plus récent pris de façon instantané

61
L’offre est peu élastique lorsque les produits agricoles sont périssables rapidement, alors que l’élasticité de la demande est
presque nulle pour les produits agricoles et les actifs biologiques consommables à caractère vital pour les besoins nutritifs de
l’être humain tel que le blé, la viande, le lait, etc.

91
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

ne peut pas être utilisé comme un moyen d’estimation du prix actuel ou futur de

marché. Dans ce cas, le prix moyen sur une certaine période de temps devrait être

utilisé (par exemple la moyenne de prix de la laitue en janvier durant les cinq

dernières années) » 62 .

2. Valeur de marché d’actifs similaires et prix de références


Certains actifs biologiques ou produits agricoles peuvent être vendus sur le marché à la

date d’évaluation, mais le marché sur le quel ils sont négociés n’est pas suffisamment actif

pour qu’il puisse être utilisé pour un calcul fiable de la juste valeur. Ceci peut résulter de

l’absence de prix de marché publiquement disponible pour ce type de produit du fait que le

produit est une version spéciale d’une espèce végétale ou animale ou qu’il est dévolu pour un

petit marché (un petit segment ou une niche de marché). Dans un tel cas, les prix d’actifs

similaires peuvent être utilisés.

L’utilisation du prix de marché d’actifs similaires pour la détermination de la juste

valeur d’un actif biologique ou d’une production agricole nécessite l’existence d’une forte

corrélation entre le prix du bien évalué et celui de l’actif similaire. Cette corrélation peut être

mis en évidence soit par l’appartenance des deux actifs à une même variété ou à une même

espèce, soit par une même utilisation future du produit agricole, soit les deux.

K. BOONE et K. VAN BOMMEL ont pris l’exemple des pommes de terre pour expliquer

l’utilisation de ce critère : « En Hollande par exemple, il y a une variété de pomme de terre

dominante, nommée ‘Bintje’ cotée sur le marché agricole de la ville de Rotterdam. Les prix

des autres variétés de pommes de terre ont une relation forte avec le prix du ‘Bintje’. Toutes

ces variétés de pommes de terre peuvent être utilisées pour la même finalité (par exemple les

frites), donc les prix sont corrélés » 63 .

62
K. BOONE et K. VAN BOMMEL, op. cit.
63
K. BOONE et K. VAN BOMMEL, op. cit.

92
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

En revanche et en absence d’une parfaite corrélation entre le prix du produit évalué et le

prix de marché de l’actif similaire, ce critère ne peut pas servir pour l’estimation d’une juste

valeur fiable. C’est le cas, à notre avis, des O.G.M : Organismes génétiquement modifiés dont

les prix sont sensiblement inférieurs à ceux des produits agricoles qui n’ont pas subis de

modifications génétiques, même si au niveau de l’utilisation, les O.G.M peuvent servir dans

certains cas de suppléants aux produits agricoles classiques, à moins qu’un indice de décote

fiable et vérifiable par rapport aux actifs et produits agricoles non modifiés puisse être relevé.

Dans ce cas, ce critère peut être utilisé.

Lorsque la condition d’une forte corrélation est satisfaite, le prix de l’actif évalué peut

être calculé en multipliant le prix de l’actif standard avec un coefficient de corrélation

préalablement déterminé sur la base de la relation entre les prix des produits ou des actifs dans

le passé.

En absence d’une forte corrélation entre le prix de l’actif évalué et celui de l’actif

similaire, ou lorsqu’il n’ y a pas de prix de marché disponible pour un actif similaire, des prix

de référence du secteur pourraient être utilisés. Le prix de référence correspond

essentiellement au prix d'un produit fini (prix de l’oeuf pour une poule pondeuse, prix de la

viande pour un veau d’engraissement, etc.) fourni par l’actif biologique évalué.

Néanmoins, pour servir de base à une évaluation fiable de la juste valeur, un prix de

référence doit avoir une certaine relation avec les prix des autres produits et doit se baser sur

des transactions relativement récentes pour que les changements de prix soient inclus

systématiquement au niveau du prix de référence.

K. BOONE et K. VAN BOMMEL affirment que, le prix de référence d'une vache laitière

exprimé par exemple, par kg de lait et par le pourcentage de matière grasse, peut avoir une

certaine relation avec le prix du lait ou mieux encore avec la marge brute d’un kg de lait et

l'usage d’un prix de référence ancien sans correction pour tenir compte des changements de

93
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

prix, peut être dangereux 64 . Donc, l’utilisation du critère du prix de référence pour le calcul de

la juste valeur d’un actif biologique agricole est une manœuvre délicate, qui nécessite une

attention particulière quant aux choix de cet indicateur, à la variation du prix de référence

utilisé et à la corrélation qui existe entre la valeur de l’actif évalué et ce prix de référence.

Si l’entreprise transforme l’actif biologique après sa cueillette, la juste valeur de cet

actif pourra être calculée par la différence entre la valeur de réalisation du produit transformé

et coûts de transformation nécessaires pour mettre le stock dans l’endroit ou il se trouve.

On peut même se servir de l’opinion des experts et des ingénieurs agricoles pour la

valorisation de certains actifs biologiques pour les quels la diversité est trop élevée pour

déterminer des prix de référence de tous les actifs. Ce recours pourrait être réalisé dans le

cadre d’une combinaison avec les prix de référence lorsqu’une entité détient des actifs

biologiques de la même espèce ayant plusieurs variétés et plusieurs âges. Par exemple, les

arbres fruitiers prennent des années pour arriver au stade de la maturité avec diverses variétés.

Pour ces actifs, les experts sont invités chaque année à procéder à une estimation de la valeur

des différents actifs 65 .

Enfin et étant donné que toutes les méthodes précitées sont reconnues non applicables et

afin de déterminer une juste valeur fiable de l’actif biologique dans son état actuel, IAS 41

recommande l’utilisation de la valeur actuelle nette des cash-flows futurs provenant de

l’utilisation continue de cet actif et de sa sortie in fine. Une entreprise doit donc rechercher

tous les prix ou les valeurs disponibles et fiables de marché avant d'opter pour l’utilisation de

la valeur actuelle des cash-flows nets attendus de l'actif. Il est important de remarquer que

l’usage de la méthode de la valeur actuelle nette ou ‘Net Present Value’ (NPV) nécessite une

64
K. BOONE et K. VAN BOMMEL, op. cit.
65
K. BOONE et K. VAN BOMMEL, op. cit.

94
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

attention particulière quant au choix du taux et de la période d’actualisation et la

détermination des coûts d’opportunités de certains facteurs de production.

3. Valeur réalisable nette et valeur actuelle nette


Beaucoup d'actifs biologiques ne peuvent être évalués au prix de marché puisqu’il

n'existe aucun marché actif pour les actifs biologiques immatures. En effet, l’existence d’un

prix de marché ou d’un prix de référence fiable pour un actif biologique agricole ne veut pas

dire forcément qu’il correspond au prix de marché de l'actif biologique dans son état actuel au

moment de l’évaluation. Par exemple, il existe un prix au Kg pour les agneaux destinés à la

vente, mais il n’y a pas de marché pour les antenais (nouveaux nés) dans la mesure où ils ne

sont pas généralement commercialisables dans l’état où ils se trouvent. Dans ce cas,

l’évaluation à la juste valeur pourrait être basée seulement sur les prix futurs probables ou

estimés, soit en utilisant la valeur réalisable nette pour les actifs biologiques à cycle de

production court, soit en actualisant les cash-flows futurs provenant de l’utilisation des actifs

pour tenir compte de la valeur temps de l’argent lorsque ces actifs ne sont pas vendus dans un

avenir proche.

1. La valeur réalisable nette


Pour les actifs biologiques immatures ayant un cycle de production relativement court,

l'évaluation actuelle de la juste valeur est basée sur les flux de trésoreries futurs, compte non

tenu de l’effet temps de l’argent. Cette méthode est applicable essentiellement pour les actifs

biologiques consommables notamment les animaux d’engraissement et ceux qui sont destinés

à la vente dans un avenir proche (porcs, veaux, agneaux, etc.), les plantations annuelles

(grandes cultures, cultures maraîchères, etc.) et les récoltes /pieds relatives à des actifs

biologiques évalués au coût.

95
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

K. BOONE et K. VAN BOMMEL ont pris l’exemple d’un porc destiné à l’engraissement

qui pèse entre 50 et 60 kg à la date du reporting. Au niveau du marché de bétail, il y a

seulement les prix des porcs d’engraissement de 90 kg et des porcelets de 25 kg. La première

idée qui vient à l’esprit consiste à utiliser le prix du kg d’un porc d’engraissement de 90 kg.

Cependant, le prix au kg d’un porcelet de 25 kg est nettement plus élevé que celui d'un porc

engraissé de 90 kg. Utiliser juste le prix d’un kg n'est donc pas suffisamment correct et ne

permet pas de déterminer une juste valeur fiable dans tous les cas de figure. En effet, il est

généralement connu qu’au jeune âge d’un actif biologique, gagner un kg de poids coûte

beaucoup plus cher qu'à un âge plus avancé, du fait de la marge de progression et de

développement qu’il renferme.

Pour l’application du critère de la valeur de réalisation nette, K. BOONE et K. VAN

BOMMEL ont proposé une formule de calcul de la juste valeur basée sur l’hypothèse qu’en

moyenne, la valeur d’un actif augmentera d’une manière proportionnelle en fonction du

prorata-temporis durant la période de détention :

Valeur = Pp + [(t1-t0)/ (t2-t0)] * (Pf - Pp) 66


Pp = Prix d’achat de l’actif, ou coûts initiaux contractés 67 .

Pf = Prix de marché attendu de l’actif à la maturité.

t0 = Date au cours de laquelle l’actif a été acheté.

t1 = Date de clôture de l’exercice.

t2 = Date au cours de laquelle l’actif biologique devient mûr (date de vente probable).

Cette hypothèse n’est pas facile à démontrer en pratique, ce qui convient d’utiliser une

autre formule. Elle est basée sur l’hypothèse que la valeur changera de façon proportionnelle

avec les coûts contractés durant la période de détention de l’actif.

66
K. BOONE et K. VAN BOMMEL, op. cit.
67
L’utilisation des coûts initiaux de production au lieu du prix d’achat est incorrecte sur le plan théorique en raison de la
différence qui pourrait d’avérer significative entre les coûts de production et les prix d’achat, mais elle est liée à une
contrainte pratique d’absence des prix de marché fiable à ce stade de développement juvénile.

96
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Valeur = Pp + (C1)/ (C2) * (Pf - Pp) 68

C1 = Total des coûts contractés depuis l’achat de l’actif jusqu'à la date du reporting.

C2 = Coûts totaux estimés de l’achat jusqu'à la vente de l’actif engraissé au stade de la

maturité.

Les coûts contractés doivent normalement correspondre aux seules charges variables

directes et indirectes (nourritures, main d’œuvre, soins vétérinaires, etc.) dans la mesure où

pour une période assez courte, les charges fixes seront plus ou moins stables et n’influent pas

d’une manière sensible sur les coefficients de proportionnalités.

Théoriquement le prix de marché attendu de l’actif à la maturité “Pf” ne devrait pas être

basé sur le prix actuel à la date d’évaluation, mais sur le prix attendu au moment de la vente

de l’actif biologique. Dans certains cas, le prix actuel est le meilleur indicateur du prix attendu

de l’actif. Il pourrait être utilisé pour la détermination de la valeur réalisable nette lorsque les

prix de vente sont assez stables au cours de la période qui sépare la date d’évaluation de l’actif

biologique et la date de sa vente probable. Une autre méthode de détermination de la valeur de

réalisation nette des actifs biologiques immatures, déjà utilisée par la doctrine comptable dans

les tests de pertes de valeur, consiste à estimer les coûts restant à encourir jusqu’à la date

probable de vente ou de maturité et les soustraire du prix de vente de l’actif mûr, pour

déterminer la valeur de réalisation nette des récoltes/pieds, des avances aux cultures et des

animaux en cours de croissance. Cependant, cette méthode présente un mélange hétérogène

de prix et de coûts, vu que ces derniers peuvent s’écarter de manière sensible par rapport aux

prix de vente. Dans ce cas le résultat qui pourrait être réalisé de l’actif biologique sera imputé

en totalité à l’exercice en cours. Pour corriger cette inconsistance, l’entité est amenée à

multiplier les coûts restant à encourir par un coefficient correspondant à sa marge bénéficiaire

normale.

68
K. BOONE et K. VAN BOMMEL, op. cit.

97
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Pour quelques produits et actifs biologiques agricoles, les prix ont une structure

saisonnière. Pour déterminer la valeur à la date du reporting, une autre méthode peut être

utilisée : elle consiste à déterminer sur une période de temps passée (par exemple sur cinq

ans) un coefficient moyen ou une différence moyenne entre le prix à la date du reporting et le

prix à la date de vente de l’actif de manière à corriger le prix actuel pour obtenir une

estimation raisonnable du prix futur de l’actif69 .

Pour les actifs biologiques consommables immatures à cycle de production très court,

on peut déterminer la juste valeur à la date d’évaluation en utilisant un coefficient par rapport

à la juste valeur estimé au moment de la maturité ou de la récolte en fonction du prorata

temporis. Si par exemple dans une exploitation avicole destinée à l’élevage des poules à

chaire dont la date de clôture se situe le 31 août N, les poules seront vendus un mois plus

tard et le cycle de production s’étend sur trois mois. Dans ce cas, la juste valeur à la date de

clôture est égale à 2/3 de la juste valeur à la maturité.

Toutefois, lorsque l’actif n'est pas vendu dans un futur proche, la valeur temps de

l'argent devient une contrainte à prendre en compte au niveau de l’évaluation de la juste

valeur. Les recettes futures nettes de dépenses devraient être actualisées avec un taux d’intérêt

pour obtenir la valeur actuelle nette des cash-flows futurs.

2. La valeur actuelle nette


La valeur actuelle nette (VAN) d’un actif biologique est une approximation du montant

de trésorerie qui peut être perçu de cet actif, en se basant sur l’hypothèse que la valeur

actuelle d'un actif est égale au montant qui peut être encaissé suite à son utilisation ou à sa

vente au futur y compris une compensation raisonnable du capital investi 70 . Dans les marchés

efficients, il n'est pas possible de réaliser des « profits anormaux », c'est-à-dire des bénéfices

69
Si la date probable de vente et de maturité se situe par exemple à 3 mois de la date de clôture, on peut tenir compte pour
une période de 5 ans de la différence moyenne en pourcentage entre le prix de l’actif mûr à la date de clôture et celle de vente
pour l’affecter au prix à la date d’évaluation et réaliser une estimation fiable du prix futur de l’actif.
70
K. BOONE, op. cit.

98
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

qui sont supérieurs au niveau normal de rentabilité. En effet dans le cadre d’un marché

efficient s’il est probable de réaliser des « profits anormaux », plus de personnes seront attirés

par l’activité concernée entraînant ainsi une augmentation du prix de l'actif à un niveau auquel

les « profits anormaux » ne pourront plus être réalisés pour longtemps 71 . Pour être considérés

marchés efficients, les marchés agricoles doivent réunir suffisamment d’acteurs tant au niveau

de l’offre qu’au niveau de la demande, ce qui peut être le cas pour plusieurs marchés agricoles

dans la mesure où les êtres humains ont toujours besoin de manger.

Lorsque le produit agricole ou l’actif biologique n'est pas vendu dans un futur proche,

on devrait prendre compte de la valeur temps de l'argent. La valeur actuelle nette d’un actif

biologique est la somme des cash-flows futurs issus de son utilisation et de sa vente à la date

de sa sortie, actualisée avec un taux d’intérêt avant impôt déterminé en fonction des

conditions actuelles de l’actif. Cela exclut toute augmentation due à des transformations

biologiques additionnelles résultant des activités de développement futures de l’entité ou de

l’accroissement de la performance de l’actif.

Bien que le concept théorique de la valeur actuelle nette (VAN) soit clair, il y a

plusieurs problèmes pratiques qui lui sont associés pour les quels la norme IAS 41 n’a pas

fournit des explications détaillées. Ces problèmes vont du choix du taux d’actualisation, à

l’estimation et à l’évaluation des éléments de coûts en passant par les prévisions de recettes et

de dépenses futures associées à l’actif ou au groupe d’actifs biologiques à évaluer.

Le choix du taux d’actualisation n’est pas une tâche aisée et son impact sur l’évaluation

est très important particulièrement lorsque la période d’actualisation dépasse cinq ans. En

effet, il n’y a pas de méthode convenue pour le calcul du taux d’actualisation dans la mesure

où actuellement, il n’ y a pas de norme comptable qui aborde le choix du taux d’actualisation

qui devrait être utilisé lors du calcul de la valeur actuelle nette d’un actif ou d’un passif pour
71
K. BOONE, op. cit.

99
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

le besoin du reporting financier. « L’application du concept d’actualisation et plus

particulièrement, le choix du taux d’actualisation est une affaire très loin de l’unanimité. Les

recommandations divergentes reposent sur le type des actifs et des passifs qui doivent être

considérés. Ils incluent l’utilisation du taux légal pour touts les actifs (15%) et touts les passifs

(10%) (Weil, 1990), le taux approprié basé sur le risque de l’actif ou de l’élément (Peasnell,

1997), le coût moyen pondéré du capital (Gamble et Gramer, 1992), et le taux d’intérêt sans

risque (Bodenhorn, 1984) » cité par L. ECKEL, S. FORTIN et K. FISHER 72 .

Même s’il n'est pas compliqué de déterminer le taux d'intérêt moyen avec lequel les

exploitants agricoles peuvent emprunter de l'argent, le problème reste de savoir quel taux

devrons-nous utiliser pour les actifs financés en partie ou en totalité par fonds propres ? Une

revue de la littérature comptable de référence sur ce sujet établit rapidement que le principal

critère de sélection se rapporte à un taux d’actualisation qui pourrait refléter la substance

économique d’une transaction ou d’un évènement. Le choix du taux d’actualisation qui

produirait des chiffres comptables reflétant la nature économique de l’actif, doit être le

principal critère. Strictement interprété, il requière que le taux utilisé en comptabilité pour

chaque élément spécifique soit identique au taux que les intervenants dans le marché des

transactions au sein du quel l’élément est négocié pourraient utiliser à cette date. Pour chaque

élément, les circonstances d’achat et de vente qui l’entoure, peuvent être potentiellement

uniques, ce qui pourrait logiquement exiger que le choix du taux soit basée sur un jeu de

critères complet pour répondre à chaque aspect et à chaque circonstance pour le quel le

marché pourrait s’orienter dans la formation du prix. Pour L. ECKEL, S. FORTIN et K. FISHER,

est considéré comme «taux approprié», chaque application du taux d’actualisation qui peut

bien réagir aux circonstances économiques spécifiques 73 .

72
L. ECKEL, S. FORTIN et K. FISHER. 2003. The choice of discount rate for external reporting purposes: Considerations
for standard setting. Accounting Forum, Mars 2003, Volume 27, page 28-59.
73
L. ECKEL, S. FORTIN et K. FISHER, op. cit.

100
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Le taux légal pourrait stipuler une simple valeur numérique à utiliser dans tous les cas,

par exemple 10%. Ainsi, ce taux pourrait être utilisé si l’élément est un actif ou un passif, si

les taux d’intérêts sont stables ou volatiles, si l’entité est déjà établie ou nouvelle, si

l’économie est stable ou inflationniste... Le taux est simple à utiliser et à auditer, il est

disponible et le choix du taux peut être uniforme. Il élimine le besoin en jugements

professionnels de la part des comptables et des auditeurs. Néanmoins, le taux légal peut

correspondre seulement par coïncidence à une valeur qui représente la substance économique

d’une transaction.

Les taux firm-specific inclus quant à lui le coût du capital, les taux d’opportunité et les

taux moyens, les quels répondent à des risques économiques et d’entreprises étendus. Chaque

entreprise est perçue par le marché comme refermant un degré et un niveau de risque

spécifique. Ainsi la valeur normalement identique de deux firmes, peut produire des taux

différents parce que les perceptions du marché sur les risques de ces deux entreprises sont

différentes. Le taux d’emprunt marginal d’une entreprise reflète quant à lui la perception du

risque de l’entreprise par le marché comme étant le taux réel d’intérêt et d’inflation attendue.

Mais le principal problème lors de l’évaluation de ces taux sur la base du critère de la

substance économique est qu’ils reflètent le risque de diversification et ne pourraient

s’adapter que partiellement à une évaluation d’un élément pris de manière isolée 74 .

Le taux sans risque répond à des événements étendus du marché mais non aux risques

spécifiques d’entreprises ou des éléments pris de manière isolée. L’utilisation du taux sans

risque pour actualiser des cash-flows risqués est théoriquement incorrecte, ce qui fait que le

taux sans risque échoue au niveau du test du critère de la substance économique. Cependant,

lorsque la situation est ambiguë, il est préférable d’actualiser avec un taux erroné mais non

manipulé que d’utiliser un taux opportuniste.

74
L. ECKEL, S. FORTIN et K. FISHER, op. cit.

101
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

K. BOONE considère que la plupart des fermiers ont un retour sur capital plus faible que

les intérêts sur crédits bancaires. Cependant, vu que le risque des fonds propres est plus élevé

que celui des emprunts bancaires, il n’est pas approprié d'utiliser un taux d’intérêt plus faible

pour les fonds propres. Il propose en outre d’utiliser un taux d’actualisation pour le total du

capital correspondant au coût des dettes à long terme ou taux d’emprunt marginal 75 .

L. ECKEL, S. FORTIN et K. FISHER proposent, quant à eux, d’utiliser pour les actifs

d’exploitation (actifs non financiers) 76 un taux d’actualisation spécifique au risque de

l’entreprise (Firm-specific risks and rates) qui correspond soit au coût des capitaux propres

(coût moyen pondéré du capital), soit au taux d’opportunité des actifs financiers, soit au taux

moyen de rémunération ou de retour sur les actifs employés, dans la mesure où généralement

les actifs d’exploitation peuvent avoir des cash-flows interdépendants ce qui rend difficile la

détermination d’un facteur de risque spécifique à un élément isolé pour le choix du taux

d’actualisation 77 .

La norme comptable internationale IAS 36 « Dépréciation d’actifs » peut nous fournir

des points de repères intéressants quant aux choix des méthodes de calcul de la valeur actuelle

nette d’un actif biologique, dans la mesure où la notion de la valeur actuelle nette des cash-

flows futurs est remarquablement identique à celle de la valeur d’utilité au niveau de l’IAS

36. Cette norme recommande l’utilisation d’un taux avant impôt qui reflète l’appréciation

courante du marché de la valeur temps de l’argent et des risques spécifiques à l’actif pour les

quels les flux de trésorerie n’ont pas été ajustés. Ce taux est estimé à partir du taux implicite

des transactions actuelles du marché pour des actifs similaires à l’actif évalué, ou à défaut, à

partir du coût moyen pondéré du capital de l’entreprise ou du taux d’emprunt marginal de

75
K. BOONE, op. cit.
76
L’approche de (Eckel, Fortin et Fisher, 2003) dans le choix du taux d’actualisation consiste à traiter distinctement les actifs
et les passifs d’exploitation (operating assets and liabilities) et les actifs et passifs financiers pour le choix du taux
d’actualisation.
77
L. ECKEL, S. FORTIN et K. FISHER, op. cit.

102
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

l’entité. Toutefois, le taux d’actualisation utilisé pour évaluer la valeur d’utilité d’un actif ne

doit pas refléter les risques pour lesquels les estimations de flux de trésorerie futurs ont été

ajustées. S’il en était autrement, l’effet de certaines hypothèses serait compté deux fois (IAS

36.56).

D’un autre côté, il peut être difficile d'obtenir de bonnes prévisions des montants de flux

d’entré et de sortie futurs de trésorerie lorsque la période d’actualisation est longue. Pour

quelques actifs biologiques, tel que les arbres forestiers qui sont utilisés pour la production du

bois, les cash-flows peuvent s’étendre sur une période qui peut atteindre entre 70 et 100 ans

(cas de la forêt primaire au suède), ce qui rend l’estimation des recettes et des dépenses très

difficile voir même impossible.

Selon A. BURNSIDE « le modèle de la valeur actuelle nette est une méthode non

sécurisée à cause des risques élevés dans le processus d'évaluation et de la période

d’actualisation très longue. La valeur de la forêt est celle d’aujourd'hui si elle se développe

selon les estimations actuelles de prix et de coûts pour la période estimée. Le taux d'intérêt est

simplement une estimation subjective, il est déterminé sur la base des informations existantes

aujourd’hui qui peuvent changer dans les 70-100 ans à venir » 78 .

La norme IAS 36 exige d’établir les prévisions des flux de trésorerie sur la base des

budgets financiers les plus récents approuvés par la direction et couvrant normalement une

période maximale de cinq ans 79 , au-delà de cette période les prévisions sont établies par

extrapolation des budgets financiers les plus récents en utilisant par prudence un taux de

croissance stable ou décroissant 80 .

78
A. BURNSIDE. 2005. IAS 41 and the forest industry. School of Economics and Commercial Law GÖTEBORG
UNIVERSITY. 2005. [En ligne]. Consulté le 03/09/2005. Adresse électronique : http:/www.handels.gu.se/epc/
archive/00004269/01/04-05-78.pdf.
79
Les prévisions financières peuvent couvrir une période supérieure à cinq ans sur justification de la part de la direction.
80
Un taux de croissance croissant peut être utilisé à titre exceptionnel, et ce, sur justification de la part de la direction.

103
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Les flux de trésorerie estimés doivent être regroupés par catégories d’actifs biologiques

homogènes ayant des caractéristiques similaires et des dates de récoltes ou de ventes

probables assez proches. Ils doivent refléter des hypothèses cohérentes avec le taux

d’actualisation concernant les augmentations de prix dues à l’inflation. Ainsi, si le taux

d’actualisation prend en compte l’inflation, les flux de trésorerie sont estimés en prix

courants, mais si ce taux exclut l’effet de l’inflation, les flux de trésorerie sont estimés en prix

constants. Les estimations de flux de trésorerie futurs ne tiennent pas compte des sources de

financement de l’entreprise, dans la mesure où le taux d’actualisation prend en compte cet

élément.

En ce qui concerne les dépenses, il peut être difficile de déterminer les éléments de

coûts qui sont utilisés pour le développement d’un actif ou d’un groupe d’actifs biologiques

ou d’une production agricole. Plusieurs décaissements sont utilisées conjointement pour

plusieurs actifs biologiques et produits agricoles, ce qui rend compliqué l’allocation des cash-

flows sur les actifs et les produits.

En plus, la question qui se pose est de savoir quels sont les éléments ou les facteurs

individuels de production qui devraient être utilisés pour le calcul de la valeur actuelle nette?

Nous savons par avance que la plupart des charges fixes n’engendrent pas de décaissements

dans un futur immédiat ou proche. D’autres charges telle que la rémunération résultant des

propres travaux réalisés par l’exploitant et les membres de sa famille n’engendrent pas des

sorties de trésorerie. Cela nous amène à déterminer les coûts d’opportunité81 des facteurs de

production même si pour plusieurs éléments, ils sont très difficiles à calculer. Cette question

se manifeste à une plus grande ampleur dans le secteur agricole comme le note K. BOONE :

« Les prix des produits, et par conséquent les coûts d’opportunités des facteurs de production,

81
D’après J.F. CASTA, le coût d’opportunité d’un actif correspond à la valeur de dépossession qui renvoie soit au coût de
remplacement, soit aux flux de trésorerie futurs associés à l’actif.

104
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

peuvent largement fluctuer dans la mesure où les marchés agricoles sont caractérisés par une

élasticité faible du côté de la demande, et une élasticité à court terme faible du côté de l’offre,

et par des volumes de production qui sont fortement influencés par les conditions externes

(conditions météorologiques, maladies, etc.) » 82 .

Le calcul des éléments de coûts des facteurs de production nécessaires à la

détermination de la valeur actuelle nette pose beaucoup de problèmes qui peuvent mettre en

cause la fiabilité de l’évaluation à la valeur actuelle nette et par conséquent de la juste valeur.

En effet, K. BOONE précise qu’une évaluation basée sur des informations rétrospectives issues

du rapport de gestion (états financiers) actuel, mène à une évaluation et à une détermination

incorrecte des résultats financiers. Il a démontré que le calcul actuel de la valeur actuelle nette

qui se base sur la valeur historique des éléments de coûts, peut engendrer soit une

surévaluation ou une sous-évaluation de la valeur de l’actif biologique par rapport à sa valeur

réelle sur le marché mettant ainsi en cause la fiabilité de la méthode de la valeur actuelle nette

en tant que variante du calcul de la juste valeur d’un actif biologique 83 .

K. BOONE a recommandé d’apporter les modifications suivantes pour arriver à un calcul

correct de la valeur actuelle nette d’un actif biologique et remédier aux inconvénients précités:

- les actifs existants et les passifs doivent être évalués d'après leur juste valeur ;
- les éléments qui ne sont pas toujours inclus dans les comptes de l’entreprise (les

charges supplétives) tels que les droits de production, la rémunération de l’exploitant et des

membres de sa famille, etc. devraient être inclus d'après leur juste valeur respective ;

- un élément séparé devrait être inclus, il s’agit du goodwill qui représente le surplus de

la valeur totale des actifs pris dans leur ensemble comparé à la somme des valeurs des parties

séparées des actifs individuels.

82
K. BOONE, op. cit.
83
K. BOONE, op. cit.

105
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Il a enfin proposé une formule simplifiée de calcul de la valeur de certains actifs

biologiques 84 compte non tenu de l’effet de l’actualisation et c’est dans l’objectif de ne pas

rendre les calculs trop compliqués :

PVb = Pb + Kb + (PVa-Pb-K) * (Kb/K) 85

PVb = Valeur de l’actif à la date de clôture.

Pb = Prix d’achat de l’actif dans son état initial.

Kb = Coûts contractés jusqu'à date de clôture.

PVa = prix attendus ou prévisionnels de l’actif ou de la production agricole à la date de

cession.

K = coûts attendus durant la période entière de production.

Cette formule repose sur les deux hypothèses suivantes:


1. Le résultat ou le profit attendu de l’utilisation d’un facteur de production est assez stable
au cours de la période dans la quelle le facteur est utilisé.
2. La rentabilité des facteurs individuels de production sera proportionnelle à leurs coûts

historiques, ou pendant la période entière de production les proportions entre les facteurs

de production utilisés ne varient pas de manière sensible.

La méthode proposée par K. BOONE peut s’avérer délicate à mettre en œuvre dans la

mesure où elle suppose la réalisation de plusieurs hypothèses qui peuvent se montrer non

vérifiables en pratique. La détermination de la juste valeur des composantes de coûts des

actifs évalués y compris celles qui ne sont pas enregistrés dans les livres comptables rend les

calculs trop complexes voir même difficiles à réaliser notamment pour les exploitations de

taille moyenne ou petite.

84
K. BOONE a pris comme exemple d’actif biologique, un porc afin d’argumenter ces allégations et proposer
une formule de calcul de la juste valeur pour plusieurs raisons (la viande de porc est négociée sur les marchés
futurs, la négociation prend lieu tout au long de l’année avec une offre et une demande abondante soit une
approximation d’un marché efficient, etc.).
85
K. BOONE, op. cit.

106
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Pour conclure ce paragraphe, nous pouvons affirmer que l’utilisation de la valeur

actuelle nette pour le calcul de la juste valeur nécessite des précautions particulières de la part

de l’exploitation agricole par l’adaptation de son système d’information prévisionnel pour

qu’il soit capable de capter, d’analyser et de produire les informations requises 86 et de la part

du professionnel comptable concernant le choix du taux et de la période d’actualisation et des

coûts des facteurs individuels de production pour chaque actif ou groupe d’actifs biologiques

évalués.

4. Coûts historiques en cas de faible transformation biologique


Lorsque la période qui sépare la date d’acquisition d’un actif biologique agricole et celle

de l’évaluation de l’actif est relativement courte (par exemple, inférieure à trois mois) et dans

la mesure où les conditions économiques sont assez stables, le coût d’achat peut être utilisé

pour réaliser une estimation fiable de la juste valeur d’un actif biologique agricole. En

revanche, ce critère ne peut être utilisé pour valoriser les actifs biologiques produits par

l’exploitation agricole elle-même du fait que le coût de production est substantiellement

différent de la juste valeur. Dans une situation économique normale de rentabilité, le coût

historique de production est nettement plus faible que la juste valeur.

Sous-section 3 : Les informations à fournir

Les informations à fournir exigées par la norme IAS 41 touchent non seulement au

contenu des notes aux états financiers mais aussi à la présentation du bilan et de l’état de

résultat. L’objectif de ces exigences, dont la teneur est assez rigoureuse, est de présenter

séparément les actifs biologiques agricoles et le résultat provenant de l’évaluation des actifs

biologiques à la juste valeur de celui des autres activités afin de permettre une analyse

86
Les mesures relatives à l’adaptation du système d’information seront étudiées en détail au niveau de la deuxième partie de
ce mémoire.

107
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

financière plus fine de la situation, de la performance et des flux de trésorerie d’une

exploitation agricole de la part des utilisateurs des états financiers et d’identifier les

hypothèses et les méthodes significatives utilisées dans l’évaluation.

1. Au niveau de l’état de résultat


IAS 41 recommande qu’« une entreprise doit indiquer le résultat global pendant

l’exercice provenant de la comptabilisation initiale des actifs biologiques et des produits

agricoles et de la variation de la juste valeur des actifs biologiques diminuée des frais estimés

du point de vente » (IAS 41. 40). Il s’agit donc de prévoir trois sous-rubriques distinctes au

niveau de l’état de résultat (cf. annexe 3 du présent mémoire) :

- Résultat (profit ou perte) provenant de l’évaluation des actifs biologiques à la juste

valeur au moment de la prise en compte initiale.

- Résultat (profit ou perte) découlant de l’évaluation des produits agricoles à la juste

valeur au moment de la récolte.

- Résultat (profit ou perte) provenant de la variation de la juste valeur des actifs

biologiques à chaque date d’arrêté de comptes.

Un profit peut être dégagé lors de la comptabilisation initiale d’un actif biologique

particulièrement lorsqu’il est généré en interne par l’entité, dans la mesure où le coût de

production d’un actif biologique dans les circonstances normales de rentabilité doit se situer

en deçà de sa juste valeur. En revanche dans des cas exceptionnels, une perte peut survenir

lors de la comptabilisation initiale d’un actif biologique notamment lorsque les frais estimés

du point de vente sont considérés très significatifs ou que les coûts contractés s’avèrent

excessifs (frais sur achats importants, coûts de production très élevés, etc.).

La question qui se pose dans de telles circonstances est de savoir quel montant de profit

ou de perte faut-il présenter au niveau de l’état de résultat ? Est-ce que c’est la totalité de la

108
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

juste valeur qui doit être considérée comme étant le résultat 87 provenant de l’évaluation

initiale, ou bien c’est la différence entre la juste valeur et le coût de production de l’actif,

puisque l’actif est préalablement évalué au coût ? A notre avis, c’est la deuxième solution qui

doit être retenue même si elle n’a pas été évoquée explicitement par la norme. En revanche, la

réponse peut être implicitement dégagée du paragraphe 26 de la norme qui traite du profit et

de la perte résultant de la comptabilisation initiale d’un actif biologique à sa juste valeur. Cela

exige au préalable l’existence d’une valeur comptable pour être confrontée à la juste valeur et

dégager la perte ou le profit. Dans le même sens d’idée, le paragraphe 24 de la norme IAS 41

prévoit que dans certaines circonstances, les coûts peuvent être utilisés pour déterminer la

juste valeur lorsque peu de transformations biologiques ont eu lieu ou que l’impact de la

transformation biologique est jugé non significatif. Ce-ci laisse penser que l’actif est déjà

comptabilisé ou valorisé à son coût. Il s’en suit qu’il ne faut présenter en résultat provenant de

la comptabilisation initiale d’un actif biologique que la différence entre sa juste valeur

diminuée des frais du point de vente estimés et son coût présumé ou contracté à cette date.

Ce problème est d’autant plus ressenti, lorsque l’entité ne dispose pas d’un système

analytique fiable de calcul des coûts de production. Dans ce cas, le résultat dégagé lors de la

comptabilisation initiale pourrait être constitué par la totalité de la juste valeur de l’actif

évalué. Ce traitement comptable ne permet pas d’assurer la comparabilité des états financiers

de l’entité elle même 88 et avec d’autres entités relevant du même secteur d’activité. Il peut

même induire en erreur les utilisateurs des états financiers. Pour remédier à cet inconvénient,

on pourrait inscrire l’actif au bilan à sa juste valeur diminuée des frais du point de vente

estimés, en considérant celle-ci comme étant son coût présumé, et ce, en contre partie d’un

87
Dans ce cas il n’aura pas de perte résultant de la comptabilisation initiale d’un actif biologique dans la mesure où il n’est
pas encore inscrit au bilan et que sa valeur ne peut être négative.
88
La comparabilité au sein même d’une entreprise peut être mise en cause lorsque le même actif est à la fois acheté et produit
par l’exploitation.

109
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

compte de production immobilisée ou de variation de stock et ne rien constater en résultat

provenant de la comptabilisation initiale d’un actif biologique à sa juste valeur.

2. Au niveau du corps du bilan


Etant donné que le paragraphe 39 de la norme IAS 41 qui stipule qu’ « une entreprise

doit présenter séparément dans le corps de son bilan la valeur comptable de ses actifs

biologiques » a été supprimé au niveau de la dernière version actualisée de cette norme, il n’y

a plus d’informations comptables distinctes à présenter au corps du bilan pour les actifs

biologiques, même si au niveau de l’exemple 1 établi par le personnel de l’IASB et présenté

en annexe 89 de la norme IAS 41, les actifs biologiques sont présentés au bilan sous une

rubrique distincte des autres immobilisations corporelles au niveau des actifs non courants.

Il s’agit en fait d’un choix comptable laissé à l’entité de prévoir ou non une ou plusieurs

rubriques distinctes pour les actifs biologiques au niveau du bilan, en fonction de l’importance

de ces actifs, même si pour une exploitation agricole, l’importance relative des actifs

biologiques est évidente. Ce choix est plutôt réservé aux actifs biologiques dont le rôle et

l’importance sont secondaires au niveau de l’entité, par exemple, les taureaux destinés à la

vente dans une ferme laitière.

3. Au niveau des notes annexes aux états financiers


Il existe une panoplie d’informations à fournir exigées par la norme IAS 41 qui doivent

être présentées parmi les notes annexes à moins qu’elles ne soient indiquées par ailleurs dans

les états financiers.

Î IAS 41 exige en premier lieu qu’une entité fournisse à la date du reporting financier

une description quantifiée ou narrative de chaque groupe d’actifs biologiques en distinguant

89
L’annexe présenté par le personnel de l’IASB ne fait pas partie intégrante de la norme IAS 41.

110
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

les actifs biologiques consommables et producteurs, ou les actifs biologiques murs 90 et

immatures. Un groupe d’actifs biologiques est un regroupement d’animaux ou de plantes

vivants similaires (IAS 41.5). Ces distinctions fournissent des informations qui peuvent être

utiles pour apprécier l’échéancier des flux de trésorerie futurs. L’entité doit indiquer sur

quelle base sont faites ces distinctions (IAS 41.43). Si elle est quantifiée, cette information

peut être présentée soit au corps du bilan soit au niveau des notes annexes sous forme de

tableaux.

Î Ensuite la nature de chacune des activités agricoles de l’entité devrait être décrite en

détail en fonction des groupes d’actifs biologiques détenues (par exemple l’activité végétale

de cultures maraîchères peut être divisée selon la nature de chaque spéculation cultivée :

tomates, pommes de terre, laitues et autres plantes potagères, etc.).

L’entité doit communiquer en outre les estimations physiques des quantités de chaque groupe

d’actifs biologiques détenus à la date de clôture. Un inventaire physique bien conduit permet,

normalement, de mesurer les quantités physiques avec un degré de fiabilité raisonnable, à

moins que la nature de l’actif biologique ne permette de réaliser un comptage physique fiable.

Dans ce cas, des critères techniques (nombre moyen de pieds d’arbres à l’hectare, densité

moyenne au mettre cube « m3 » ou autrement des poissons élevés en aquaculture, etc.)

devraient être utilisés pour réaliser des estimations fiables des quantités existantes à la fin de

la période.

Cette exigence peut être satisfaite en même temps que celle prévue par le paragraphe 41 de la

norme IAS 41 lorsque celle-ci prend une forme quantifiée, en combinant les quantités

physiques aux justes valeurs unitaires correspondantes de chaque groupe d’actifs biologiques

90
Les actifs biologiques adultes sont définis par l’IAS 41 comme ceux qui ont atteint le stade récoltable (pour les actifs
biologiques consommables) ou qui peuvent supporter des récoltes successives (pour des actifs biologiques producteurs).

111
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

pour obtenir la valeur globale de chacun des groupes d’actifs biologiques (cf. annexe 3 du

présent mémoire).

IAS 41 prévoit en outre l’obligation d’inclure un rapprochement de la valeur comptable des

actifs biologiques évalués à la juste valeur entre la date de début et de fin d’exercice

comptable (cf. annexe 3 du présent mémoire). Ce rapprochement doit renseigner les lecteurs

des états financiers sur les augmentations d’actifs biologiques dues aux achats et aux

regroupements d’entreprises, les diminutions attribuables aux ventes, aux récoltes et aux

reclassements d’actifs immobilisés en actifs courants et sur les autres causes de variations

(différences de change nettes résultant de la conversion d’états financiers d’une entité

étrangère dans la monnaie de présentation, éléments exceptionnels telles qu’une maladie

virulente ou une catastrophe naturelle, etc.).

IAS 41 encourage en plus de ventiler la variation de la juste valeur entre deux dates d’arrêtés

de comptes, entre celle provenant des changements physiques et celle relative à la variation

des prix. L’objectif est de mieux évaluer la performance financière de la période et de déceler

les perspectives futures de développement et de rentabilité notamment lorsque le cycle de

production est supérieur à une année.

Î Au niveau des méthodes et politiques comptables, l’entité est amenée à décrire les

hypothèses significatives utilisées pour déterminer la juste valeur de chaque groupe d’actifs

biologiques.

Elle doit en outre présenter les engagements hors bilan concernant ses actifs biologiques

(actifs biologiques hypothéqués ou donnés en nantissement de dettes, engagement de

développement ou d’acquisition d’actifs biologiques), ainsi que les stratégies de gestion des

risques financiers liés à l’activité agricole (cf. annexe 3 du présent mémoire).

Î Enfin l’activité agricole est souvent exposée à des risques de maladie, du climat et à

d’autres risques naturels. Si un événement se produit qui donne lieu à un élément de produits

112
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

ou de charges significatif, la nature et le montant de cet élément sont indiqués selon IAS 01

Présentation des états financiers. Des exemples de tels évènements sont l’apparition d’une

maladie virulente, une inondation, des gelées ou sécheresses importantes et une invasion

d’insectes (IAS 41.53).

Sous-section 4 : Conséquences de l’évaluation à la juste valeur :


Comptabilisation des pertes et des profits non encore réalisés

Avant l’adoption de la norme IAS 41 et conformément au modèle comptable du coût

historique récupérable, les actifs biologiques comme tous les autres actifs d’une exploitation

agricole étaient enregistrés au bilan aux coûts. Les pertes étaient par prudence constatées en

résultat avant qu’elles ne soient réalisées par le biais, soit des dotations aux amortissements,

soit des pertes de valeurs, alors que les profits ne sont inscrits en résultat qu’au moment de la

réalisation effective de la transaction de vente ou à la sortie de l’actif suite à un autre

évènement.

Ces principes comptables ne s’adaptent pas parfaitement aux caractéristiques

particulières de l’activité agricole. La quasi-totalité des actifs vivants détenus par une

exploitation agricole à un moment donné ont subi des transformations biologiques les rendant

substantiellement différents dans leurs états physiques de ceux lorsqu’ils sont achetés ou nés.

La solution est venue de la norme IAS 41 qui propose d’inclure dans le résultat net de

la période le profit et la perte résultant de la comptabilisation initiale d’un actif biologique à

la juste valeur, ainsi que celle provenant de la variation de la juste valeur d’un actif

biologique entre deux dates d’arrêtés de comptes. Il s’agit dans ce cas, de profits et de pertes

non encore réalisés puisque les actifs biologiques demeurent encore au niveau de

l’exploitation. IAS 41 exige que la juste valeur de ces changements physiques soit reconnue

au niveau de l’état de résultat de la période au cours de la quelle ils se produisent,

113
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

indépendamment du fait que ces actifs soient vendus ou non.

Cette approche d’accroissement qui consiste à reconnaître les profits et les pertes au

cours du cycle d’exploitation et non à la fin du processus de production ou à l’achèvement

d’une transaction est en conformité dans son esprit avec la méthode d’avancement pour les

contrats de services à long terme et les contrats de construction.

La prise en compte en résultat de l’exercice, des pertes latentes et surtout des profits

non encore réalisés suite à l’évaluation initiale et à chaque date de clôture des actifs

biologiques à la juste valeur diminuée des frais estimés du point de vente, signale un

changement majeur introduit par la nome IAS 41 par rapport aux principes et règles

comptables antérieurement appliquées. La comptabilisation des gains ou des pertes non

encore réalisés (lesquels, dans certains cas, peuvent prendre plusieurs années pour se réaliser)

dans l’état de résultat peut créer une attente de la part des actionnaires de l'entreprise de la

disponibilité des profits pour être distribués sous forme de dividendes. Pour redresser cette

situation, il peut être opportun de défalquer le résultat net comptable entre d’une part le

résultat provenant des activités classiques d’achat et de vente et d’autre part celui provenant

de la comptabilisation des actifs biologiques à la juste valeur (lors de la date de

comptabilisation initiale et à chaque clôture comptable). Lors de l’affectation du résultat, ces

derniers sont considérés comme des profits et des pertes non encore réalisés, qui doivent être

portés provisoirement dans un compte de réserves non disponibles ou de résultats non

affectés au niveau des capitaux propres et ne peuvent être disponible à l’attribution des

dividendes qu’à la réalisation effective de la transaction portant sur l’actif biologique

(cession, mortalité, récolte, etc.). Cela nécessite évidemment un suivi analytique rigoureux

des mouvements du cheptel pour déterminer la date précise de dénouement de l’actif

biologique (vente ou mortalité).

La publication de la norme comptable internationale IAS 41 « Agriculture » en février

114
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

2001 par l’IASC a suscité des réactions contreversées de la part des entreprises agricoles, des

chercheurs comptables et des institutions comptables professionnelles dans le monde entier

allant d’une acceptation ou d’un endossement pur et simple à une opposition farouche aux

principes apportés par cette norme. Les lettres de commentaires de l’exposé sondage de la

norme E65 montraient des avis partagés entre ceux qui approuvaient l’évaluation des actifs

biologiques à la juste valeur et ceux qui étaient contre certains passages prévus par la norme.

En effet, comme le note Garmilis (2001) cité par J.F. CASTA « l’adoption des normes utilisant

la juste valeur s’est toujours faite dans des conditions conflictuelles opposant régulateurs et

normalisateurs d’un côté, et entreprises et auditeurs de l’autre côté » 91 .

91
J.F. CASTA, op. cit.

115
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Section 2 : Analyse critique de la norme IAS 41 sur le plan


international

Le débat se situe principalement autour de l’adoption et de l’application en comptabilité

agricole de la notion de juste valeur et sa résultante de prise en compte en résultat des profits

et des pertes latents.

Au niveau de cette section, on va tenter de mener une revue de la littérature comptable

sur les différents avantages, inconvénients et difficultés de mise en œuvre de cette norme sur

le plan international.

Sous-section 1 : Les avantages de l’évaluation des actifs biologiques à la


juste valeur :

Les arguments en faveur de l’utilisation de la juste valeur en comptabilité agricole vont

de ceux qui sont d’ordre général en référence à la notion comptable de juste valeur, à ceux

qui sont spécifiques à l’évaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur.

1. Avantages d’évaluation à la juste valeur en comptabilité générale


Les qualités avancées pour l’évaluation à la juste valeur en comptabilité financière sont

nombreuses, mais nous allons essayer d’évoquer les plus pertinentes :

- L’évaluation à la juste valeur permet de réduire le pouvoir discrétionnaire des dirigeants

pour façonner le résultat comptable, en évitant les inconvénients du modèle du coût

historique qui accorde une marge importante aux dirigeants par le biais de la constitution et

de la reprise de provisions, donc l’intégration de l’incertitude et par l’utilisation

opportuniste du concept de réalisation (cherry picking) 92 . Elle permet ainsi d’assurer une

meilleure comparabilité des états financiers et une mesure neutre et exhaustive de la

92
J.F. CASTA, op. cit.

116
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

performance financière en intégrant non seulement le résultat de transaction mais aussi de

détention 93 .

- Lorsqu’elle repose sur la variante d’actualisation des flux de trésorerie futurs, la juste

valeur fournirait une information qui intègre, par construction, les tendances de marché.

Elle serait donc en parfaite adéquation avec les méthodes d’évaluation utilisées par les

investisseurs pour prévoir les cash-flows futurs 94 .

- En faisant référence à la valeur de marché, l’évaluation à la juste valeur permet de mieux

appréhender la réalité de l’entité et de faciliter la réconciliation du résultat comptable avec

la performance économique globale et permet de prédire les résultats économiques d’une

entité. D’après (Bernheim, 1998) « un argument important mis en avant par les défenseurs

de la juste valeur est que la réflexion comptable doit, non pas suivre les mouvements

économiques et financiers, mais les anticiper ».

- Reposant généralement sur un modèle d’évaluation simple et unique contrairement au

modèle historique qui autorise l’application de plusieurs méthodes de coûts et de valeurs,

elle permet de réduire la complexité des calculs et d’assurer un pilotage plus aisé de l’entité

à court terme.
95
- Pour les instruments financiers , la juste valeur a permis de pallier les insuffisances du

modèle classique particulièrement pour les produits financiers dérivés qui ont un coût initial

nul et de refléter au mieux la réalité économique. Dans ce sens, A. WAHABI énonce que «la

juste valeur a permis de remédier aux limites que présentait le coût historique lors de graves

défaillances d'institutions financières américaines pour ne pas révéler à temps leurs

situations critiques sur des produits dérivés qui mobilisent de faibles capitaux lors de

93
Ce-ci nous rapproche de l’esprit de l’état des performances financières ou Comprehensive income qui permet
d’apprécier en un seul état les performances économiques d’une entreprise qu’elles se traduisent ou non par une
incidence comptable sur le résultat.
94
J.F. CASTA, op. cit.
95
Les instruments financiers ont fait l’objet récemment de normes comptables américaines et internationales recommandant
leur évaluation à la juste valeur.

117
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

l'engagement initial mais qui recèlent un risque très important » 96 .

Les avantages précités sont également valables pour l’activité agricole lorsque les actifs

biologiques et les produits agricoles au moment de la récolte sont évalués à la juste valeur.

Cependant, d’autres arguments en faveur de la norme IAS 41 et de la notion comptable de

juste valeur peuvent être formulés.

2. Avantages particuliers à l’agriculture


Le principal motif qu’on peut avancer tient aux difficultés du modèle comptable du coût

historique de suivre dans le temps les changements physiques et les variations de prix des

actifs biologiques détenus par l’entité. La nature de l’agriculture fait de l’évaluation basée sur

le coût historique des actifs biologiques et de la production agricole particulièrement une

tâche difficile parce que l'état physique de ses actifs biologiques varie sensiblement avec le

temps (les biens vivants animaux et végétaux se fortifient, mûrissent, s’engraissent, périssent,

etc.). En outre, leurs aspects physiques ne reposent pas sur des transactions d’achats et de

ventes, mais elles dépendent plutôt des processus vitaux telles que la croissance, la

procréation, et la mort 97 . Par conséquent, la quasi-totalité des actifs vivants détenus par une

exploitation agricole à un moment donné sont tout à fait différents dans leurs états biologiques

de ceux lorsqu’ils sont achetés, ou lorsqu’ils sont nés. L’amélioration apportée par la norme

IAS 41 consiste à inclure la variation de la juste valeur due à des changements physiques et à

des variations de prix des actifs biologiques, en résultat de la période au cours de la quelle elle

se produit indépendamment du fait que ces actifs soient vendus ou non. La juste valeur

s’impose du fait qu’elle reproduit exactement la transformation biologique offrant ainsi une

représentation plus fidèle des avantages économiques renfermés dans un actif biologique ou

une production agricole.

96
A. WAHABI, op. cit.
97
J.M. ARGILÉS et E.J. SLOF, op. cit.

118
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Par ailleurs, les utilisateurs des états financiers peuvent trouver dans certaines

circonstances la comptabilité basée sur la juste valeur facile à comprendre en comparaison à

la comptabilité au coût historique notamment pour des évènements qui ne s’apprêtent pas à

des calculs fiables de coûts, tels que la naissance ou l’écussonnage. C. ELAD affirme qu’il est

inconcevable pour un comptable de déterminer le coût historique qui représente fidèlement la

valeur d'un agneau nouveau-né ou d’un boisseau de blé 98 . Dans de telles circonstances, la

juste valeur d’un actif biologique apparaît beaucoup plus simple et plus appropriée que son

coût de production particulièrement lorsqu’un marché actif existe pour cet actif biologique.

Elle permet aussi de réduire le coût d’obtention et la complexité des calculs engendrés par le

modèle classique et d’améliorer la pertinence des chiffres comptables présentés. J.M.

ARGILES et E.J. SLOF, affirment que « la simplicité est une autre amélioration d'IAS 41… et

que la norme IAS 41 définit des évaluations claires et simples pour les actifs agricoles. Les

procédures de changement de la valeur comptable de ces actifs sont aussi faciles à

réaliser » 99 .

Enfin C. ELAD, soutient l’idée que le changement apporté par la norme IAS 41 en

recommandant l’évaluation des actifs biologiques à la juste valeur améliore la capacité des

pouvoirs publiques par l’accroissement des recettes fiscales en impôts directs dus sur des

bénéfices qui sont basés sur une évaluation à la valeur de marché ou sur l’actualisation des

cash-flows futurs et qui englobent le résultat de transaction et de détention, particulièrement

pour les firmes multinationales qui opèrent dans le secteur agricole et forestier 100 .

98
C. ELAD, op. cit.
99
J.M. ARGILÉS et E.J. SLOF, op. cit.
100
C. ELAD, op. cit.

119
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Sous-section 2 : L’évaluation des actifs biologiques à la juste valeur


améliore-t-elle la qualité de l’information comptable ?

Les quatre qualités caractéristiques de l’information comptable définies par le cadre

conceptuel de la comptabilité sont : la pertinence, la fiabilité, la comparabilité et

l’intelligibilité. Il est bien connu que dans la plupart des situations, l’information comptable

résulte d’un arbitrage entre ces caractéristiques qualitatives. En effet, une information

pertinente, c’est à dire utile à la prise de décision peut dans certains cas ne pas être totalement

fiable et vice-versa.

Dans ce sens, une étude a été réalisée en 2005 par Angelica BURNSIDE de l’université de

Gothenburg en Suède sur l’avis des compagnies forestières et leurs auditeurs à propos des

dispositions prévues par la norme IAS 41 et la manière dont ils jugent le rapport

d’appréciation entre la fiabilité et la pertinence de l’information comptable à la juste valeur

dans le secteur forestier.

Selon A. BURNSIDE, pour les plantations forestières, un marché actif n'existe pas. Donc

la méthode d'évaluation utilisée de la juste valeur est celle des cash-flows nets futurs

actualisés. Cette étude montre que la pertinence de l’information comptable à la juste valeur

l’emporte sur celle établie au coût historique, alors que la fiabilité est moindre en raison des

risques d’erreurs et des incertitudes entourant le choix du taux et de la période d’actualisation

et l’estimation des flux de trésorerie futurs 101 . Cependant, s’appuyant sur la valeur de marché

ou la valeur actuelle des cash-flows futurs, l’évaluation d’un actif biologique à la juste valeur

se situe dans une logique de vente à court terme. L’information peut perdre de sa pertinence si

la plupart des actifs biologiques ne seront vendues que dans un très long terme.

Lorsqu’elle fait référence à un marché actif, la juste valeur représente fidèlement les

attentes des acteurs économiques sur la situation actuelle de l’actif biologique et les

101
A. BURNSIDE, op. cit.

120
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

performances de l’entité et s’apprête mieux à la prise de décision économique que la valeur en

coût amorti.

Une autre qualité affirmée à la juste valeur est sa neutralité lorsqu’elle fait référence au

marché. W. CHEFFI prévoit que pour l’association américaine de la comptabilité (AAA)

l’avantage reconnu à la juste valeur lorsqu’elle est basée sur la valeur de marché est qu’elle

n’est pas affectée par l’histoire de l’actif, de son avenir et des caractéristiques propres de

l’entité 102 .

En ce qui concerne la comparabilité, elle nous paraît raisonnablement assurée pour le

modèle comptable d’évaluation à la juste valeur. En effet, l’hiérarchie de détermination de la

juste valeur 103 a permis à notre avis de réduire au maximum l’éventail de choix des règles et

des estimations comptables laissées aux dirigeants. D’ailleurs, 73% des personnes que nous

avons interrogées en Tunisie pensent qu’il serait plus facile de comparer les états financiers

d’entreprises agricoles lorsqu’elles utilisent la juste valeur pour l’évaluation de leurs actifs

biologiques.

Enfin, un mérite purement disciplinaire au modèle de la juste valeur est que dans la

mesure où la réalisation d’une transaction ne conditionne plus la formation du résultat il est

possible d’encadrer les actions des dirigeants et des managers et de les replacer dans une

logique de création de valeur. D’après J.F. CASTA, ce modèle pourrait ainsi constituer « une

modalité de reporting financier conforme aux normes de mesure de la performance fondée sur

la Shareholder Value » 104 .

Malgré les avantages et les qualités attribuées à la juste valeur, plusieurs critiques lui

ont été adressées par le monde professionnel et académique et son application en agriculture

se heurte à des problèmes conceptuels et pratiques : « En fait, face à la montée en puissance

102
W. CHEFFI. 2002. La qualité de l’information comptable à la juste valeur. Revue Comptable et Financière, 4ème trimestre
2002, N° 58, p.59-70.
103
Voir figure 1 ci-dessus (Chapitre 4, Section 1, Paragraphe II).
104
J.F. CASTA, op. cit.

121
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

de ce modèle comptable, l’utilisation de la juste valeur comme principe général d'évaluation

pose de nombreux problèmes pratiques et suscite d’importantes polémiques. Bien que les

qualités attribuées à l’évaluation à la juste valeur procèdent généralement de raisonnements

déductifs, de présomptions, voire même d’affirmations, les critiques dont elle est l’objet

relèvent souvent de craintes et non d’insuffisances empiriquement mises en évidence » 105 .

Sous-section 3 : Critiques adressées à la norme internationale IAS 41

Les critiques adressées à la norme comptable internationale IAS 41 proviennent

essentiellement de l’exigence d’évaluation et de comptabilisation initiale des actifs

biologiques à la juste valeur et sa résultante de prise en compte des pertes et des profits non

encore réalisés en résultat.

La principale critique formulée à l’encontre du modèle comptable d’évaluation à la

juste valeur est incontestablement celle relative à « l’accroissement de la volatilité des

mesures comptables en juste valeur ainsi qu’à ses conséquences » 106 . La fiabilité des états

financiers établis sur cette base peut être sérieusement compromise. Ainsi, l’accroissement de

la volatilité des mesures comptables concerne particulièrement les postes de résultat et de

capitaux propres d’une entité, à cause d’une prise en compte de résultats latents

hypothétiques qui pourraient ne jamais être réalisés : « Le processus lucratif serait incomplet,

beaucoup d'incertitudes persistent, et le profit ne pourrait pas être considéré comme étant

réalisé » (Commission Européenne, dans IASC, 2000, lettre de commentaire n°58, p.4) cité

par C. ELAD 107 .

Une autre conséquence de la comptabilisation des profits non encore réalisés dans l’état

de résultat est la modification erratique des ratios et des équilibres financiers d’une entité.

105
J.F. CASTA, op. cit.
106
J.F. CASTA, op. cit.
107
C. ELAD, op. cit.

122
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Elle pourrait créer une présomption trompeuse de la part des actionnaires qu’ils sont

disponibles pour être distribués en tant que dividendes, dans la mesure où la délimitation

entre le profit proprement dit et l’augmentation de valeur est assez délicate notamment pour

des utilisateurs non avertis. L’absence d’une délimitation claire entre le résultat réalisé et

l’augmentation de valeur pourrait induire les utilisateurs des états financiers en erreur.

Beaucoup de ratios financiers (fonds de roulement, résultat d’exploitation, etc.) seront

modifiés de manière significative.

Une autre implication de ce traitement comptable est la possibilité sur le plan théorique,

pour une entreprise détenant des actifs biologiques, de dégager un profit alors même qu’elle

n’a rien réellement vendu surtout lorsqu’elle détenait des actifs biologiques consommables ou

des actifs biologiques producteurs immatures, ce qui constitue pour plusieurs comptables, une

aberration qui pourra amener les entreprises agricoles à dégager un bénéfice et à payer

l’impôt avant même de réaliser de chiffre d’affaires.

L’évaluation instantanée des actifs biologiques à la juste valeur (hormis le cas du

recours exceptionnel à l’évaluation à la valeur actualisée des cash-flows futurs), réside dans

une orientation à court terme au plan du pilotage et de la gestion d’une entreprise. Elle

implique ainsi un abandon implicite du principe de continuité d’exploitation et se situe dans

une logique de cession ou de liquidation immédiate ou dans un futur proche des actifs. Cette

implication est d’autant plus grave ou sera beaucoup plus ressentie lorsque l’entité détient des

actifs biologiques dont le cycle de production prendrait plusieurs années pour s’achever et

que dans la plupart des circonstances, ces actifs revêtent un caractère stratégique d’outil de

production.

Un autre aspect négatif de la norme IAS 41 concerne les actifs biologiques qui ne

possèdent pas de prix de marché fiables, IAS 41 fait référence à la méthode de la valeur

actuelle nette des cash-flows futurs pour la détermination de la juste valeur qui renvoie à des

123
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

modèles de calcul internes, intégrant une part importante de subjectivité dans l’estimation des

coûts des facteurs individuels de production, des prévisions des recettes et des dépenses

futures et dans le choix du taux et de la période d’actualisation notamment lorsque cette

période d’actualisation est relativement longue. Cette variante laisse la voie à des traitements

différents pour des actifs biologiques semblables, ce qui pourrait remettre en cause la fiabilité

et la comparabilité des informations comptables présentées.

D’après C. ELAD, un autre problème non moins important se pose à propos du champ de

couverture de la norme IAS 41 pour le secteur d’exploitation forestière : « La nature litigieuse

de la régénération forestière et de la gestion dans une forêt primaire ne peut pas rendre cette

ressource du ressort des dispositions de la norme IAS 41, impliquant ainsi que la norme a

manqué de fournir le conseil aux comptables dans une industrie majeure dans plusieurs pays

tropicaux » 108 . En effet, le critère principal pour déterminer si cette norme est applicable ou

non est en rapport avec la gestion de routine de la transformation biologique qui distingue

l’activité agricole des autres activités apparentées telles que la pêche en mer et la

déforestation. Ce critère implique que les entreprises d’exploitation forestière doivent diriger

activement le processus de transformation biologique des plantations forestières. Cette gestion

peut être mise en évidence par la préparation de plans de gestion détaillés de replantation et de

régénération forestière, de l’impact écologique et environnementale, etc. C. ELAD affirme que

cette gestion active de la transformation biologique est difficile à mettre en oeuvre surtout

pour les entreprises opérant dans les zones tropicales qui ne possèdent ni la capacité ni les

ressources nécessaires pour satisfaire de telles exigences. Il ajoute aussi que même si c’était le

cas, il n’est pas possible d’établir une relation de proportionnalité directe entre cette gestion et

la croissance des plantations forestières qui peut prendre plusieurs dizaines d’années, et que

les exploitants des forêts primaires n’ont qu’une connaissance assez limitée du mode de

108
C. ELAD, op. cit.

124
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

régénération forestière 109 .

Sous-section 4 : Difficultés d’application de la notion de juste valeur en


agriculture

Le caractère qu’on pourrait qualifier d’original ou même révolutionnaire des

traitements comptables apportés par la norme IAS 41 a mis l’entreprise agricole dans

l’obligation de procéder à une réévaluation annuelle de ses actifs biologiques. Pour satisfaire

à cette exigence, le système d’information de gestion doit être mis à niveau afin qu’il soit

capable de capter, d’analyser et d’utiliser en temps opportun les informations sur la juste

valeur des actifs biologiques. Une obligation qui peut se révéler onéreuse et difficile à mettre

en œuvre pour les petites et moyennes exploitations agricoles en raison du caractère

traditionnel des outils de gestion, de l’insuffisance des ressources disponibles

particulièrement dans les pays en voie de développement et de la complexité des calculs et

des estimations qui devront être accomplis, comme l’ont suggéré plusieurs commentateurs à

l’exposé sondage de la norme IAS 41 en accordant leur préférence au modèle du coût

historique plus simple et plus pragmatique. En ce sens, d’après Colin SANDERSON expert

comptable spécialisé en agriculture, « l’exposé sondage alors bien qu’il montre une intention

académique poussée, il ne sera pas parfaitement assimilé par les agriculteurs au Royaume-

Uni et sera totalement incompréhensible pour beaucoup d’agriculteurs dans les pays en voie

de développement. Idéalement il devrait être totalement refait ou à défaut il doit être

accompagné par ce que j’appellerai un guide pour les 'idiots'… » (Colin SANDERSON, dans

IASC, 1998, p. 455) cité par C. ELAD 110 .

La norme IAS 41 est un document très intéressant pour les professionnels comptables, à

qui il fournit un cadre professionnel excellent et de haute qualité. Cependant, il est improbable

109
C. ELAD, op. cit.
110
C. ELAD, op. cit.

125
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

que cette norme puisse surmonter les obstacles d’implémentation comptable dans la plupart

des exploitations agricoles, puisqu’elle ne peut pas remédier aux insuffisances économiques et

managériales des agriculteurs et de leurs exploitations agricoles.

Ces difficultés sont à juste titre pressenties par les entreprises agricoles tunisiennes face

à une application probable de la norme IAS 41 en Tunisie (voir figure 4). Les insuffisances

managériales peuvent découler de coûts d’obtention excessifs des informations à la juste

valeur, de la non adaptation des systèmes d’information en place, de l’incompétence du

personnel technique et comptable, de la complexité des méthodes de calcul de la valeur

actuelle nette et de la non disponibilité d’informations fiables sur les prix des marchés des

actifs biologiques et produits agricoles.

Autres problèmes
0%
Système Système d'information inadéquat
d'information
inadéquat Coûts d'obtention excessifs
personnel
incomptétent 13%
Informations sur les prix du
25% Coûts d'obtention marché non fiables
excessifs Méthodes de calcul compliquées
16%
personnel incomptétent
Méthodes de calcul
Informations sur les Autres problèmes
compliquées
prix du marché non
22%
fiables
24%

Figure 4 : Difficultés d'application de la norme IAS 41 en Tunisie

Par ailleurs, J.M. ARGILES et E.J. SLOF souhaitent voir la version finalisée de la norme

IAS 41 accompagnée par des guides comptables facultatifs qui aident à son implémentation et

par des mécanismes de transfert du savoir-faire comptable (Accounting know-how). Ils

126
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

pensent enfin que le réseau d’information comptable agricole (FADN : Farm Accounting Data

Network) de l’union européenne pourrait fournir des outils et des mécanismes de transfert de

ce savoir faire comptable 111 .

On pourrait conclure de ce qui précède qu’un guide d’application des principales

dispositions de la norme IAS 41 devrait être élaborée par les organisations professionnelles

comptables des pays ayant adopté cette norme ou qui pourront le faire dans un avenir proche.

Il s’agit de modèles d’évaluation, de calcul et d’exemples de comptabilisation et de

présentation d’états financiers, sur lesquels peuvent s’appuyer les comptables et les auditeurs

des exploitations agricoles pour permettre une application convenable de cette norme en

pratique.

Il est cependant remarquable que malgré les critiques et les difficultés d’application

précitées, plusieurs pays ont fait le choix d’adopter IAS 41 avec ou sans modifications tandis

que d’autres s’opposent à des obstacles pratiques et règlementaires.

111
J.M. ARGILÉS et E.J. SLOF, op. cit.

127
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Section 3 : Adoption de la norme internationale IAS 41

Sous-section 1 : Adoption de la norme sur le plan international : Une


adoption anglo-saxonne généralisée

Suite aux changements radicaux apportés par la norme IAS 41 aux règles d’évaluation

et de prise en compte des actifs biologiques, des produits agricoles et des revenus y afférents,

nous avons constaté une division au sein du milieu professionnel entre ceux qui sont

favorables et ceux qui sont contre l’adoption de la norme IAS 41 en comptabilité agricole.

Plusieurs pays d’origine ou d’influence Anglo-saxonne ont été les premiers à faire le

choix difficile d’adopter la nouvelle norme internationale IAS 41 dans les comptes

individuels. Il s’agit notamment de l’Australie, de la Nouvelle Zélande, de la Malaisie et des

Pays-bas.

L’Australie a adopté en juillet 2004, la norme AASB 141 (Australian Accounting

Standards Board) : « Agriculture » applicable à partir du 1er janvier 2005. Cette norme paraît

en parfaite harmonie avec la norme IAS 41, malgré certains ajouts qui n’ont pas d’impacts

majeurs sur le contenu global de la norme. Elle annule et remplace la norme AASB 1037

« Self-Generating and Regenerating Assets » qui a été la première norme sur le plan

international recommandant l’évaluation des SGARA 112 (Self-Generating and Regenerating

Assets) à la valeur nette de marché (qui correspond approximativement à la juste valeur) et la

prise en compte des profits non encore réalisés en résultat.

De sa part, la Nouvelle Zélande s’est alignée aux dispositions de la norme IAS 41 à

l’exception du traitement réservé aux subventions publiques qui ont financé des actifs

112
Un SGARA a été définit comme étant un actif vivant non humain, le quel subit des changements biologiques au cours de
sa vie à travers la croissance et par d’autres moyens (C. ELAD, op. cit.).

128
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

biologiques et qui continuent d’être comptabilisées selon les anciennes règles comptables de

la Nouvelle Zélande (traitement comptable classique des subventions publiques).

Le principe de prise en compte des profits latents en résultat constitue, à notre avis, le

point le plus critique qui conditionne l’acceptation ou non de la norme IAS 41 par les

organismes comptables et les autorités publiques des pays. C’est dans cette logique que la

communauté européenne hésite à adopter cette norme « … Il est évident que l’approche de la

norme IAS 41 d’évaluation des actifs biologiques à la juste valeur et sa résultante de prise en

compte des gains non encore réalisés dans le compte de résultat est incompatible avec les

exigences de l’article 31.1(c)(aa) de la 4ème directive que seules les profits réalisés à la date du

bilan peuvent être inclus dans les comptes annuels, et le principe de base de l'article 33 de la

4ème directive que, les augmentations de la valeur des actifs immobilisés ne peuvent être

présentées dans l’état de résultat que seulement lorsqu'elles sont réalisées »(Commission

Européenne, 2001, p. 39) cité par C. ELAD 113 . Néanmoins, la norme IAS 41 a été adoptée par

la communauté européenne avec l’ensemble des IFRS pour les comptes consolidés des

sociétés qui font appel public à l’épargne à partir du 01 janvier 2005. La 4ème directive

européennes a subi en 2003 une modification pour permettre la possibilité d’évaluer les actifs

à la juste valeur (et non uniquement les instruments financiers) 114 .

D’autres contraintes persistent et plusieurs difficultés peuvent se poser à l’adoption de

cette norme particulièrement dans les pays en voie de développement.

113
C. ELAD, op. cit.
114
C. LOPATER, L. SIJELMASSI, S. CREN, C. SAINT JEAN et A. HUSSHERR. 2005. IFRS 2005 : Divergences
France/IFRS. Editions FRANCIS LEFEBVRE.

129
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Sous-section 2 : Difficultés théoriques probables d’application pour les


pays en voie de développement : Cas de la Tunisie

(Choi et Mueller, 1992) cité par J.M. ARGILES et E.J. SLOF ont signalé que les pays en

voie de développement (PVD) peuvent importer les techniques comptables développées au

niveau international. Certains pays l’ont déjà fait, sans avoir à contracter des coûts de

développement supplémentaires et font référence explicitement à l'exemple de plusieurs

anciennes colonies françaises qui ont adopté des variantes du plan comptable français et

maintenant ils y adhèrent fortement 115 .

Cependant, d’autres chercheurs estiment que l’adoption des normes internationales par

les pays en voie de développement peut être non seulement non pertinente mais peut avoir

des conséquences néfastes 116 . Pour C. ELAD, il serait pratiquement impossible de rendre

effectif la norme IAS 41 dans plusieurs pays francophones en absence d'une interruption

fondamentale, sinon un abandon complet avec l’esprit et le cadre du plan comptable

général 117 .

Dans tous les cas de figure, les normes internationales ne peuvent être pertinentes aux

PVD que lorsqu’elles sont adaptées au contexte économique, fiscal, politique, etc.

Par l’adoption du nouveau système comptable des entreprises, la Tunisie a choisi

depuis 1997 d’interrompre avec le plan comptable d’origine française et de s’aligner à l’esprit

des normes internationales de l’IASB. Depuis, elle a continué d’adopter d’autres normes

sectorielles (concernant notamment les groupes de sociétés) qui s’inspirent fortement des

normes internationales de l’IASB. La stratégie de la Tunisie était de réaliser une synthèse des

normes internationales et de les adapter à la culture et la tradition comptable existantes et au

niveau de développement économique, légal et politique du pays. Cette tentative a été réussie

115
J.M. ARGILÉS et E.J. SLOF, op. cit.
116
B. CHOUCHANE. 2001. Pertinence des Normes Internationales aux PVD: Cas de la Tunisie. Revue Comptable et
Financière, 3ème trimestre 2001, N° 53, p.29-32.
117
C. ELAD, op. cit.

130
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

par la Tunisie comme l’a affirmé Bernard COLASSE (1997) cité par B. CHOUCHANE « Il est

probable que la France, tôt ou tard, s’en donnera un également en s’inspirant pourquoi pas de

l’expérience tunisienne en la matière » 118 .

Cette attitude nous laisse optimiste pour l’adoption d’autres normes internationales

même si celles-ci apportent des changements majeurs aux règles comptables généralement

admises et actuellement appliquées.

Cependant, les recommandations de la norme IAS 41 à propos de l’évaluation des actifs

biologiques à la juste valeur se heurtent à l’état actuel des choses en Tunisie, à une fiscalité

divergente ne permettant pas la fiscalisation des gains et des pertes latents et faisant perdre

l’entreprise agricole la déduction de l’amortissement non comptabilisé supportant ainsi un

coût financier conséquent. Les gains et les pertes latents constituent des divergences

temporelles qui ne seront anéanties qu’à la réalisation effective de l’actif (cession, mortalité,

etc.).

En plus des difficultés théoriques, d’autres contraintes pratiques peuvent rendre

difficile voir même hypothéquer une application adéquate de cette norme en Tunisie. C’est ce

que nous allons examiner au niveau de la deuxième partie de ce mémoire, qui commence par

l’étude de l’existence et du fonctionnement des marchés agricoles en Tunisie, pour ensuite

revoir l’impact probable de l’adoption de la norme IAS 41 sur le comportement des acteurs

économiques et leurs systèmes d’information et finir par la mise en évidence des problèmes

techniques liés à une première application de la norme.

118
B. CHOUCHANE, op. cit.

131
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

DEUXIEME PARTIE : APPLICATION ET IMPACT DES


DISPOSITIONS DE LA NORME INTERNATIONALE AU
CONTEXTE TUNISIEN

CHAPITRE PREMIER : ETUDE SUR L’EXISTENCE ET LE


FONCTIONNEMENT DES MARCHES AGRICOLES

Comme nous l’avons déjà évoqué au niveau de la première partie de notre étude, la

norme IAS 41 recommande pour la détermination de la juste valeur d’un actif biologique

agricole de recourir en premier lieu à la valeur de marché lorsqu’un marché actif existe, ce qui

fait qu’une étude de l’existence et du fonctionnement des marchés agricoles en Tunisie, va

nous permettre d’avancer une opinion prématurée sur la possibilité et les chances

d’application de cette norme en Tunisie en cas d’adoption éventuelle.

L’étude de l’existence et du fonctionnement des marchés agricoles en Tunisie, diffère

de façon substantielle selon qu’il s’agit d’actifs biologiques consommables vendus sous forme

de produits agricoles tels que les grandes cultures, les cultures maraîchères, les poissons

cultivés en aquaculture, les animaux d’engraissement… ou d’actifs biologiques producteurs

tels que le cheptel bovin ou ovin laitier, les poules pondeuses et les plantations pérennes

(vergers, vignes, plantations forestières, etc.) qui produisent des produits agricoles ou d’autres

actifs biologiques.

132
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Section 1 : Existence des marchés agricoles

Les marchés agricoles en Tunisie appartiennent à trois grandes catégories :

- Les marches des légumes et fruits.

- Les abattoirs d’animaux et les marchés de bétail.

- Les marchés des produits de la pêche.

Dans la mesure où la quasi-totalité des produits de la mer sont issus de l’activité de

pêche à l’exception de ceux élevés en aquaculture, et que la pêche se situe en dehors du

champ d’application de la norme IAS 41, les marchés des produits de la pêche seront ignorés

au niveau de notre étude sur le fonctionnement des marchés agricoles.

1. Les marchés des légumes et fruits


Les marchés des légumes et fruits sont répartis sur toute la république Tunisienne (cf.

annexe 4 du présent mémoire). Ils sont divisés en trois grandes familles :

- Les marchés agricoles de production.

- Les marchés de gros d’intérêt national.

- Les marchés de gros d’intérêt régional.

Les marchés de production sont limités à quelques catégories de produits agricoles qui

constituent les produits phares de l’agriculture tunisienne tels que les primeurs, les olives, les

dattes et les agrumes qui sont destinés à être vendus dans la plupart des cas aux industriels

agroalimentaires, huileries et aux exportateurs de produits agricoles conditionnés, dans la

mesure où les quantités produites sont largement supérieures au besoin du marché local. Les

lieux d’implantation de ces marchés de production ont été choisis par les autorités en fonction

des caractéristiques agricoles des régions concernées, exemples : marché de production des

olives à Sfax, marché de production des dattes à Tozeur, marché de production des agrumes à

Nabeul, etc.

133
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Les marchés agricoles d’intérêt national et régional sont quant à eux destinés à satisfaire

la consommation locale en légumes et fruits au niveau de tout le territoire. Leur répartition

géographique s’étend sur tous les gouvernerats de la république. Les marchés d’intérêt

national permettent d’approvisionner plus d’un gouvernerat et ils se distinguent par un

volume de transactions et une intervention administrative beaucoup plus élevés que pour les

marchés d’intérêt régional destinés à assouvir des besoins régionaux plus restreints sur le plan

de la diversité des produits, du volume des transactions et des quantités négociées. Au niveau

de ces marchés, sont négociés non seulement les produits agricoles produits localement mais

aussi ceux qui sont importés tels que le banane et l’ananas.

2. Les abattoirs d’animaux et les marchés de bétail

Les marchés des animaux et les abattoirs comme pour ceux des légumes et fruits sont

répartis sur tout le territoire Tunisien couvrant tous les gouvernerats du pays.

Les marchés des animaux et les abattoirs concernent principalement les produis de

viande rouge, telles que notamment les bovins, les ovins et les caprins. Les poules à chair

destinées à la consommation et les poules pondeuses réformées sont négociées directement

entre les agriculteurs et les intermédiaires ou les revendeurs et ne transitent pas

nécessairement par l’enceinte d’un marché.

3. Marché des plantations pérennes et des animaux de production de biens

Les plantations pérennes tels que les vignes et les arbres fruitiers et les animaux de

production de biens telles que les vaches laitières et les poules pondeuses ne sont pas

négociées en Tunisie dans le cadre de marchés qui répondent à la définition d’un marché actif

de la norme IAS 41. En effet, les opérations d’achats et de ventes d’actifs biologiques

producteurs sont rares dans la mesure où ses actifs sont détenus en tant qu’outils de

production durables. Ces transactions ne sont motivées que par des circonstances
134
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

économiques exceptionnelles (vente suite à un héritage, difficultés économiques, changement

d’activité, besoin urgent en liquidités, etc.) notamment pour les plantations pérennes et les

animaux de production en phase d’exploitation.

Pour certains actifs biologiques producteurs, des prix de marché existent mais ils ne

sont pas représentatifs de la juste valeur. En effet, il existe des marchés et des prix de

référence (exemple, par Kg, par unité ou par tête) pour les animaux producteurs ayant atteint

le stade de réforme et vendus dans les abattoirs. Bien évidemment, les prix sur ces marchés ne

peuvent servir de base pour la détermination de la juste valeur des animaux producteurs

détenus par l’exploitation agricole dans la mesure où les actifs vendus sur le marché

appartiennent généralement à une catégorie de qualité inférieure (animaux de réforme) à celle

détenue dans l’exploitation. Les fermiers pourraient vendre à titre exceptionnel des actifs

producteurs de qualité supérieure, mais ils seront vendus à d’autres fermiers directement et

non au niveau du marché de bétail ou de l’abattoir. Par conséquent, le prix publié dans un

marché de bétail ne représente pas la juste valeur du cheptel de vaches d'une ferme laitière. En

revanche, il pourrait être utilisé comme un prix de référence qui doit être ajusté pour refléter

la différence de qualité, comme c’est prévue par la norme IAS 41.

135
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Section 2 : Fonctionnement des marchés agricoles

Sous-section 1 : Fixation des prix des produits agricoles et intervention


de l’Etat

La liberté des prix y compris ceux des produits agricoles constitue la règle en Tunisie et

l'encadrement ou la fixation constitue l'exception. Conformément à l'article 3 de la loi 91- 64

du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix, l'encadrement des prix est réservé à

certains produits et certains secteurs caractérisés :

1- soit par leur sensibilité sur les budgets des ménages, tel est le cas des produits

subventionnés et de première nécessité (pain subventionné, farine, semoule, etc.) ;

2- soit par l'existence d'un déficit structurel ou conjoncturel de la concurrence : cas de

monopole ;

3- soit en raison des difficultés durables d'approvisionnement.

Ces produits sont limitativement énumérés dans les listes A, B et C annexées à l’arrêté

du Ministre de l'Economie Nationale N° 91/1996 du 23 Décembre 1991, modifié et complété

par l’arrêté N° 93/59 du 10 Juin 1993 et l’arrêté N° 95/1142 du 28 Juin 1995.

Tableau A : Produits et services encadrés à tous les stades.

Tableau B : Produits et services encadrés au stade de la production.

Tableau C : Produits dont les marges de distribution sont encadrés.

Cet encadrement s’opère dans le cadre de l’un des deux régimes, à savoir

l’homologation et l’autohomologation des prix.

136
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Î Le régime de l’homologation des prix : C’est la fixation préalable par l’administration

du niveau des prix ou de leur variation à partir des coûts et des documents comptables

de l’entreprise.

Î Le régime de l’autohomologation des prix : C’est la fixation au stade de la distribution

des prix de vente par l’entreprise elle-même par application au prix de revient, d’un taux

de marge fixé par décision du ministre chargé du commerce.

Outre ces exceptions à la liberté des prix, l’article 4 de la loi 91-64 prévoit la possibilité

pour le ministre chargé du commerce d’intervenir de façon temporaire pour une durée

maximale de six mois sur les prix des produits libres dans des cas exceptionnels de hausses

excessives des prix dues à des crises ou à des calamités.

Sous-section 2 : Fluctuation des prix et système d’information

Il s’en suit que pour les actifs et les produits agricoles ne figurant pas sur la liste des

produits soumis à l’homologation, les prix sont librement négociés au niveau des marchés. Ils

sont déterminés sur la base de facteurs économiques qui dépendent plus de la loi de l’offre et

de la demande.

Cela nous amène à étudier le fonctionnement de deux grands marchés agricoles en

Tunisie en volume de transactions pour les produits végétaux en l’occurrence le marché de

gros de Bir Kassaâ et le marché des olives de Sfax et deux autres grands marchés pour les

animaux à savoir le marché de bétail d’El Wardia et celui de Sfax dans le but d’analyser leurs

systèmes de collecte, d’analyse et de publication des prix des produits agricoles négociés dans

leurs enceintes.

1. Cas du marché de gros de Bir Kassaâ


Le marché d’intérêt national de Bir Kassaâ constitue le plus important marché de gros

du pays pour les légumes, les fruits et les produits de la pêche marine. Il s’étend sur un terrain
137
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

de 50 hectares, accueille quotidiennement 30.000 visiteurs, 10.000 véhicules, 1.100 tonnes de

fruits et légumes et 50 tonnes de produits de la mer, soit pour l’année 2001 un total de

388.000 tonnes de marchandises pour un chiffre d’affaires de 203 millions de dinars 119 .

Son emplacement aux environs de la capitale lui permet d’approvisionner le district de

Tunis où réside le quart de la population tunisienne. Le marché d’intérêt national de Bir

Kassaâ met en œuvre des prix de référence pour la majorité des transactions (environ 20% de

la production nationale) grâce à l’important tonnage transité par la Société Tunisienne des

marchés de gros « SOTUMAG ».

Les opérateurs au niveau du marché de Bir Kassaâ sont nombreux, on y trouve :

- Les propriétaires de la marchandise : Producteurs et agriculteurs.

- Les « Hammars » qui achètent des marchandises à un marché pour les revendre dans un

autre marché.

- Les « Kaddars », ce sont ceux qui achètent aux producteurs des récoltes pour les

commercialiser à leur compte aux consommateurs.

- Les portefaix 120 : La manutention des légumes et fruits est assurée par des portefaix

regroupés dans une coopérative « la COOP.MAG ».

- Les vendeurs ou intermédiaires, dont 150 pour les légumes et les fruits, 25 pour les

poissons et 24 pour les dattes.

- Les grossistes et les acheteurs approvisionneurs de collectivités, de restaurants, d’hôtels et

d’exportateurs.

Pour assurer la bonne réalisation des actions commerciales, la SOTUMAG offre des

locaux et des équipements nécessaires à l’activité et l’exercice normal des transactions du

marché.

119
Informations obtenues du site officiel de la SOTUMAG : www.sotumag.com.tn. Date de visite du 21/12/2006.
120
Un portefaix est un Homme qui fait métier de porter des fardeaux.

138
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Les marchandises (légumes et fruits) arrivent en début de matinée au marché par les

agriculteurs qui les transmettent aux intermédiaires, qui procèdent à leurs ventes aux

« Kaddars » et aux « Hammars », ainsi qu’aux autres acheteurs approvisionneurs. Les

intermédiaires établissent des quittances provisoires sur la base de la quantité et de qualité de

la marchandise et des conditions de l’offre et de la demande. A l’achèvement des transactions,

ces intermédiaires procèdent à l’établissement des factures définitives sur la base des

quantités figurant sur les quittances préalablement établies, qui seront transmises à la

direction d’exploitation et de statistiques de la SOTUMAG, pour centralisation des prix

pratiqués et l’établissement du Mercuriale 121 du jour (cf. annexe 5 du présent mémoire) des

légumes et fruits ayant transités par le marché comportant les prix minimums, les prix

maximums et les prix moyens constatés en cours de journée. Cette mercuriale sera ensuite

transmise aux différents ministères et aux différentes directions régionales agricoles ainsi qu’à

l’ONAGRI (OBSERVATOIRE NATIONAL DE L’AGRICULTURE). Ce cours du jour est également

disponible au grand public et aux agriculteurs par abonnement, soit directement aux locaux de

la SOTUMAG, soit par Fax ou même par Internet.

La SOTUMAG procède également, à l’établissement d’un bulletin mensuel récapitulant le

volume global des transactions du mois en quantité et en prix total, ainsi que les prix moyens

pratiqués par produit agricole (cf. annexe 5 du présent mémoire).

A la lumière de ces observations, le marché de gros de Bir Kassaâ semble donc

répondre raisonnablement aux critères d’un marché actif tel qu’il est défini par la norme IAS

41 :

(a) les éléments négociés sur ce marché sont homogènes (c’est à dire ayant des

caractéristiques communes) ;

(b) on peut normalement trouver à tout moment des acheteurs et des vendeurs consentants ; et

121
Mercuriale : Cours official des denrées alimentaires sur un marché public.

139
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

(c) les prix sont mis à la disposition du public.

Notons aussi que grâce à l’important tonnage transité par le marché de gros de Bir

Kassaâ et au bon fonctionnement de son système d’information d’exploitation concernant le

volume des transactions et surtout la publication périodique des prix pratiqués sur le marché,

ce dernier peut servir de base à la détermination de la juste valeur d’une multitude de produits

agricoles et de plantations, même ceux qui ne transiteront pas probablement par ce marché, à

condition de prendre en compte les différences éventuelles entre les prix de marché au sein

duquel l’exploitation s’attend à écouler sa production ou ses actifs biologiques récoltés et

ceux du marché de référence.

2. Cas du marché des olives de Sfax


Le marché de production des olives de Gremda à Sfax, constitue quant à lui un marché

spécialisé dans les transactions portant sur les olives notamment celles négociées pour être

transformées en huiles d’olives par les industriels agroalimentaires du secteur. Sur ce marché

est négociée la majeure partie de la production nationale en olives à huile, dans la mesure où

la région de Sfax et du sud en général en plus de la région du Sahel, constitue le fief de cette

culture en Tunisie appuyée par l’existence d’un nombre très élevé d’industriels

agroalimentaires transformant les olives en huiles dans cette région.

Les prix des olives sur ce marché sont librement négociés entre les agriculteurs et les

huiliers. Ils obéissent à la règle de l’offre et de la demande et dépendent essentiellement des

négociations et du niveau des prix d’huile d’olive au niveau international dans la mesure où la

production nationale est destinée dans sa majorité à l’exportation notamment en Europe. La

saison de cueillette et de vente des olives s’étend du mois de novembre jusqu’au mois d’avril.

Durant cette période, le cours des olives peut fluctuer d’une manière sensible en hausse ou en

baisse, et ce, en fonction de la variété et de la qualité des olives, de la logique de l’offre et de

140
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

la demande (souvent peu élastique) et des conditions économiques et climatiques existantes et

prévisibles. Les prix ne sont pas officiellement affichés mais sont disponibles oralement de

bouche à oreille.

Même si les olives ne constituent pas des actifs biologiques mais plutôt des produits

agricoles, leurs prix peuvent servir de base à l’établissement de la juste valeur des vergers

d’olives notamment lorsque l’exploitation agricole opte pour la méthode du prix de référence

ou pour l’estimation des prix de vente prévisionnels nécessaires au calcul de la valeur actuelle

nette des cash-flows futurs.

Tel qu’il ressorte de la définition d’un marché actif prévue par la norme IAS 41, le

marché des olives de Sfax pourrait constituer une approximation d’un marché actif dans la

mesure où il répond parfaitement à deux critères parmi trois, à savoir que les éléments sur ce

marché sont homogènes et que les prix sont publiquement disponibles même à titre officieux.

Cependant, la troisième condition relative à l’existence à tout moment d’une offre et d’une

demande abondante n’est pas satisfaite que pendant une période limitée (cinq mois) du fait du

caractère saisonnier de la récolte et non de la déficience de ce marché.

3. Cas du marché des animaux d’El Wardia


Le marché des animaux situé à El Wardia au cœur de la ville de Tunis constitue le

marché de référence nationale en matière d’organisation et de volume de transactions pour les

bestiaux bovins, ovins, caprins et équidés, qui constituent entre eux des éléments homogènes.

Il est géré par la société « Ellouhoum », une entreprise à participation publique dont le rôle

principal est de mettre à la disposition des acteurs des espaces aménagés pour le bon

déroulement des opérations d’achat, de vente et d’abattage des animaux, en contre partie de la

perception d’une redevance forfaitaire appelée « droit de stationnement » payée par les

141
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

acheteurs et qui s’élève par tête, à cinq dinars pour les bovins et les équidés et à un dinars

pour les ovins.

Le marché de Wardia est un lieu de rencontre entre les agriculteurs et les bouchers avec

intervention des intermédiaires appelés « mcheklis ». Par ailleurs, on trouve aussi au sein du

marché les bouchers grossistes et le grand public. Les prix sont en principe librement

négociés sauf cas exceptionnels de surproduction, d’insuffisance de production ou à

l’occasion de la fête de Aïd-el-adha :

- En cas de surproduction animale, les prix du bétail deviennent faibles et peuvent

entraîner des situations de pertes aux agriculteurs engraisseurs. L’état intervient par le

biais de la société « Ellouhoum » pour réguler les prix, et ce, par la fixation d’un prix

de référence minimum au kg vif ou la conclusion de contrats d’achats directs auprès

des éleveurs.

- Dans une situation d’insuffisance de production, l’Etat intervient en important une

quantité suffisante de viandes rouges fraîches (viande bovine abattue depuis 8 jours

au maximum). Les prix de vente des viandes importées sont généralement plus faibles

que ceux des viandes produites localement afin de réguler le marché et préserver le

pouvoir d’achat des consommateurs.

- A l’occasion de Aïd-el-adha, l’Etat intervient en fixant un prix de référence au kg vif

des ovins, il intervient aussi exceptionnellement par l’intermédiaire de la société

« Ellouhoum » qui achète les ovins auprès des éleveurs pour les vendre directement

au grand public souvent aux prix coûtants.

La négociation des animaux au sein du marché se fait tout au long de l’année au cours

de trois jours par semaine (lundi, mercredi et vendredi), elle caractérisée par un volume de

transactions le plus important en Tunisie : 1.500 têtes bovines et 10.000 têtes ovines par

semaine et 20.000 têtes d’équidés par année en moyenne.

142
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Les prix de vente pratiqués sont centralisés par les agents de la société « Ellouhoum »

afin d’établir la mercuriale du jour et l’établissement des statistiques de transactions en

quantités et en valeurs destinés au ministère du commerce et au ministère de l’agriculture (cf.

annexe 6). Ces prix sont également disponibles au grand public au niveau des locaux de la

société ou sur demande par fax ou par e-mail.

Le marché des animaux d’El Wardia parait bien organisé et accompli pleinement son

rôle économique et sanitaire, il répond aux conditions d’un marché agricole actif ; cependant,

son système d’information doit être amélioré du fait que actuellement les prix pratiqués et par

conséquent publiés ne permettent pas de catégoriser les animaux en fonction de la qualité et

de l’âge engendrant ainsi un manque d’information très important aux consommateurs de plus

en plus exigeants en cette matière.

4. Cas du marché de bétail de Sfax


Sur ce marché sont négociés les animaux d’engraissement et de réforme des grandes

espèces animales constitués par les bestiaux de grande taille tel que les taureaux et les vaches

et ceux de petite taille tels que les ovins et les caprins, constituant pour chaque espèce des

catégories homogènes.

Les prix de vente pratiqués sont déterminés par la loi de l’offre et de la demande et de la

libre concurrence entre les parties prenantes au sein du marché, ils dépendent aussi du niveau

de qualité, de l’âge et de la race animale en question. Les animaux sont négociés tout au long

de l’année, dans la mesure où les gents ont un besoin nutritionnel perpétuel, ce qui fait que

l’existence d’une demande et d’une offre abondante est régulièrement assurée, exception faite

aux caprins qui ne sont généralement vendus qu’en été. Les acheteurs et les vendeurs

paraissent bien informés de la situation actuelle des prix et de leur évolution sur les autres

marchés de la république et notamment celui de Tunis.

143
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Les transactions réalisées sont transcrites dans des quittances de vente où on trouve les

quantités vendues et les prix convenus 122 . Cependant, en raison d’une défaillance purement

administrative, les prix pratiqués des transactions de vente ne sont pas formellement

centralisés par les autorités du marché et ne sont pas donc disponibles que de manière non

officielle. Cette situation est à notre avis appelée à disparaître dans le futur au vu d’un

contrôle administratif plus accentué.

Le marché de bétail de Sfax comme ceux des autres régions de la Tunisie est appelé à

gagner en transparence et en efficacité, pour permettre de produire des informations fiables et

parfaitement accessible aux différents agents économiques.

A la fin de ce chapitre, on peut conclure que pour les actifs biologiques consommables

et les produits agricoles, les marchés agricoles en Tunisie peuvent constituer dans plusieurs

cas des approximations de marchés actifs même si pour plusieurs d’entre eux les prix ne sont

disponibles que de manière informelle. En revanche, pour les actifs biologiques producteurs,

le volume des transactions est tellement faible qu’il ne peut constituer une base fiable au

calcul de la juste valeur.

122
Les prix transcrits sur les quittances de vente sont généralement minorés pour des considérations fiscales relatives aux
paiements des taxes et redevances à la collectivité locale.

144
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

CHAPITRE DEUXIEME : IMPACT DE L’ADOPTION DE LA


NORME IAS 41 EN TUNISIE

L’adoption de la norme IAS 41 en Tunisie comme dans le monde entier aura

certainement des répercussions notoires sur le comportement économique, non seulement des

entreprises agricoles, premières intéressées par ce revirement comptable, mais aussi des autres

agents économiques notamment les bailleurs de fonds, les marchés financiers et les pouvoirs

publics, dans la mesure où ces agents influent d’une façon ou d’une autre sur la marche

globale de l’entreprise agricole et sur sa pérennité à court et à long terme.

Section 1 : Incidence de l’application de la norme sur


l’économie tunisienne

Sous-section 1 : Incidence sur le fonctionnement des marchés de capitaux


et boursiers

Les études réalisées au niveau international sur l’effet de l’introduction de la juste

valeur en comptabilité sur le comportement des marchés boursiers concernent en quasi-

totalité les instruments financiers. Toutefois, les résultats de ces études restent mitigées

concernant l’influence de la juste valeur et son utilité sur les marchés financiers et la cotation

des entreprises.

En se basant sur les travaux de certains auteurs 123 , J.F. CASTA affirme que « en ce qui

concerne le contenu informationnel des nombres comptables pour le marché financier, les

123
Sur les travaux relatifs au secteur bancaire, voir (Barth, Beaver et Landsman, 1996 « Value Relevance of Banks Fair
Value Disclosures under SFAS n°107 », The Accounting Review, vol. 71, n°4, October, p. 513-537), (Khurana et Kim, 2003
« Relative value relevance of historical cost vs. fair value: Evidence from bank holding companies », Journal of Accounting
and Economics, vol. 22, n°1, January-February, p.19-42.). En ce qui concerne les firmes non financières, voir (Simko, 1998 «
Financial Instrument Fair Values and non Financial Firms », Journal of Accounting, Auditing and Finance, vol. 14, n°3, p.
247-274), cités par J.F. CASTA, op. cit.

145
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

études empiriques ne permettent généralement pas de montrer une supériorité significative du

modèle de la juste valeur par rapport au modèle d’évaluation au coût historique. Néanmoins,

certaines autres études semblent établir un lien entre l’évaluation à la juste valeur et le cours

en bourse d’une firme. Ainsi sur le problème de la méthode d’évaluation du portefeuille-titres,

certains auteurs 124 établissent l’existence d’une forte corrélation entre la juste valeur des titres

et la valeur boursière de la firme » 125 .

Reste que d’après J.F CASTA, ce constat pour le cas des instruments financiers n’est pas

généralisable à tous les postes du bilan, à tel point que la juste valeur des instruments

financiers pris individuellement ne représentent qu’une faible part dans l’explication de la

variation du ratio « cours de bourse /valeur comptable » ou Market to Book Ratio.

Les observations issues des études empiriques sur les instruments financiers peuvent

néanmoins nous fournir un avant-goût sur la réaction probable des marchés financiers face à

l’adoption de la juste valeur en agriculture comme méthode principale d’évaluation, bien que

la structure de la majorité des exploitations agricoles en Tunisie 126 et dans le monde entier à

l’exception de certaines multinationales cotées sur les marchés internationaux restent à

dominance familiale et de petite ou moyenne taille.

L’étude de la réaction des marchés face à l’évaluation des actifs biologiques à la juste

valeur ne peut dans l’état actuel des choses être étudiée à grande échelle, puisque ni la

communauté européenne (hormis le cas exceptionnel des sociétés cotées tenues d’élaborer

leurs comptes consolidés en IFRS à partir du 01 janvier 2005) ni les Etats-Unis d’Amérique

n’ont pour l’instant l’intention d’intégrer la norme IAS 41 dans leur jeu actuel de règles

comptables, ce qui fait que le champ d’observation est considérablement restreint à quelques

pays tel que l’Australie, les Pays-Bas ou la Nouvelle-Zélande. En plus, l’activité agricole

124
(Eccher et al., 1996 « Fair value disclosures by bank holding companies », Journal of Accounting and Economics, vol. 22,
n°1-3, p. 79-117), cité par J.F. CASTA, op. cit.
125
J.F. CASTA, op. cit.
126
Il n’existe aucune société agricole cotée sur le marché des valeurs mobilières de Tunis jusqu'à décembre 2007.

146
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

n’immobilise pas d’importants flux financiers d’investissement et d’exploitation

comparativement aux autres activités économiques (industrie, service bancaire, etc.) et sa

rentabilité se situe largement en deçà des autres secteurs, ce qui rend les investisseurs et les

marchés financiers en conséquence peu intéressés par l’agriculture.

Cependant, nous pouvons pressentir des réactions plus ou moins réservées comme celle

de (Booth, 1999) cité par C. ELAD, qui affirme que la norme AASB 1037« Self-generating

and Regenerating Assets (SGARA) » a eu des conséquences économiques désirables dans la

conservation de la faune des entreprises Australiennes, tel que le cas de « Earth Sanctuaries

Ltd » qui s'est plaint aigrement pour plusieurs années que les principes comptables

conventionnels ont ignoré la valeur réelle des actifs vivants. Toutefois, il prétend qu’il est

difficile d'imaginer comment tous les actionnaires et leurs conseillers pourraient interpréter et

analyser une croissance spectaculaire du profit de « Earth Sanctuaries Ltd » de 160.000 $ en

1998 à 1.150.000 $ en 1999 lorsqu’elle a appliqué la norme AASB 1037 pour la première

fois 127 . Cela nous amène à poser la question suivante : La juste valeur et la croissance qu’elle

induit sur le résultat aura-elle aussi pour effet d’augmenter les chances d’une entreprise

agricole à la survie et à plus d’accès aux diverses sources de financement ?

Sous-section 2 : Incidence sur la compétitivité du secteur agricole et la


viabilité des entreprises agricoles

La compétitivité et la viabilité dans un sens large sont définies comme l’aptitude pour

une entreprise de subsister sur des bases de rentabilité à long terme. Cette définition donnée

par la commission européenne de la viabilité a été traduite par J. M. ARGILES en distinguant

entre les exploitations agricoles capables de dégager une rentabilité assez importante pour

127
C. ELAD, op. cit.

147
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

rémunérer le travail fourni par l’exploitant individuel et les membres de sa famille à un salaire

régional comparable, à ceux qui ne dégagent pas un bénéfice suffisant 128 .

La possibilité de prédiction des exploitations agricoles viables et non viables peut être

pertinente non seulement pour le management interne de la ferme, mais aussi pour les autres

agents économiques impliqués dans le secteur agricole, telles que par exemple, les évaluations

bancaires de la capacité de remboursement des crédits agricoles ou celles des décisions

politiques d’octroi des subventions publiques aux exploitations agricoles.

Dans ce sens, plusieurs études empiriques menées (notamment celle conduite par J. M.

ARGILES) sur le secteur agricole, ont affirmé l’importance de la comptabilité dans

l’explication et la prédiction de la viabilité des exploitations agricoles. J. M. ARGILES affirme

aussi que cette évidence manifeste le besoin pour une utilisation plus accentuée de la

comptabilité en agriculture et pour le développement futur de normes comptables agricoles 129

De ce constat empirique, on pourrait signaler l’importance de l’information comptable

fournie par les exploitations agricoles (y compris les entités tunisiennes) dans les prises de

décisions tant micro que macroéconomiques. De plus, l’utilisation de la juste valeur en

agriculture, permettra vraisemblablement de traduire plus fidèlement les évènements et les

transactions spécifiques à l’entreprise agricole et d’augmenter par conséquent l’utilité de

l’information comptable pour la prédiction des fermes viables de celles qui ne le sont pas et

dans les prises de décisions économiques par les différents intervenants dans la marche de

l’entreprise (dirigeants, banques, pouvoirs public, etc.). Par ailleurs, dans un contexte de

rentabilité ordinaire, la juste valeur se situe généralement dans une fourchette de prix

supérieure au coût historique diminué du cumul des amortissements et des pertes de valeurs,

impliquant une valeur plus élevée des actifs et des capitaux propres, ce qui aboutit à une

128
J.M. ARGILÉS. 2001. Accounting Information and The Prediction of Farm Non-Viability. European Accounting
Review, Mai 2001, Volume 10, N° 1, p. 73 – 105.
129
J.M. ARGILÉS, op. cit.

148
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

amélioration du comportement de certains ratios de structure et de performance financière,

pouvant entraîner un impact positif sur les décisions économiques des bailleurs de fonds

(actionnaires, banques, créanciers, Etat, etc.).

Cette utilisation de la juste valeur en tant que méthode d’évaluation de référence des

actifs biologiques aura certainement des conséquences sur l’organisation de l’entreprise

agricole et plus particulièrement sur son système d’information financière.

149
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Section 2 : Répercussion de l’utilisation de la juste valeur sur


le système d’information de l’entreprise agricole

Sous-section 1 : Sensibilité des entreprises agricoles pour l’évaluation des


actifs biologiques à la juste valeur : Passage vers un nouveau contenu
informationnel

La norme IAS 41 comme les autres IFRS publiées par l’IASB est destinée

essentiellement aux investisseurs à risque, sans prise en compte des contraintes fiscales et

juridiques. Elle possède une philosophie différente des pratiques et règles actuelles fortement

imprégnées par les considérations fiscales et légales.

Ainsi, l’information financière requise par la norme IAS 41 s’avère plus économique

que celle au coût historique, dans la mesure où elle doit être utile à la prise de décisions par

les bailleurs de fonds et plus transparente sous plusieurs angles et aspects :

- elle est orientée vers la mesure de la performance de l’entreprise facilitée par la

réduction des possibilités de choix et d’arbitrage laissées aux dirigeants et l’appel en

premier recours à la valeur de marché ;

- elle est plus orientée vers les prévisions futures par l’utilisation de la juste valeur qui

tient compte des attentes futures du marché particulièrement en cas d’actualisation des

cash-flows futurs ;

- elle requiert la divulgation d’informations financières plus détaillées, plus nombreuses

et plus pertinentes aux lecteurs des états financiers.

Une des répercussions les plus radicales de l’utilisation accrue de la juste valeur et de

l’abandon du principe de prudence se rapporte à la structure financière et à la mesure de la

performance économique d’une entreprise agricole. En effet, la quasi-totalité des indicateurs

et des ratios financiers sont extraits à partir de données comptables qui vont subir des

150
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

modifications importantes lors de la première application de la norme IAS 41, puisque les

valeurs comptables des comptes d’immobilisations corporelles, de stocks et de capitaux

propres seront fortement modifiées, ce qui va transformer d’une manière irréversible le

contenu informationnel du bilan et du compte de résultat agricole, ainsi que les agrégats

financiers qui y sont extraits.

D’un autre coté, on peut affirmer que l’information sur la valeur de marché ou la valeur

actuelle nette des actifs biologiques et des produits agricoles fournis à travers l’application de

la norme IAS 41 aura pour effet de modifier le comportement des acteurs de l’entreprise

agricole (dirigeants, auditeurs, comptables, etc.). Actuellement, la responsabilité des

dirigeants avec le concours de leurs responsables comptables était de respecter les règles

comptables avec sincérité, sous le contrôle de leurs auditeurs, sans que ces règles et pratiques

ne permettent d’exprimer toute la réalité économique des transactions et évènements de

l’entreprise. Avec IAS 41, la répartition des tâches va probablement changer, ainsi les

dirigeants auront plus à s’engager sur la valeur des actifs biologiques agricoles en tenant

compte des cash-flows futurs et en intégrant les attentes actuelles du marché. Ils devraient

donc se prononcer plus sur les perspectives d’avenir sous le contrôle de leurs auditeurs qui

auront pour tâche d’apprécier la qualité des informations fournies. Pour la réaliser, les

auditeurs devront disposer d’informations stratégiques, commerciales, prévisionnelles, etc., ce

qui va modifier de manière profonde leur approche d’audit des comptes.

L’entreprise agricole doit donc s’apprêter à réussir ce changement dans de bonnes

conditions notamment par une refonte de son système d’information et par une formation

adaptée des acteurs impliqués dans le processus d’évaluation et de comptabilisation.

151
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Sous-section 2 : Dispositions et organisation à mettre en œuvre pour


adapter le système d’information comptable aux nouvelles dispositions
normatives

L’adaptation de l’organisation actuelle aux nouvelles exigences comptables passe à

notre avis essentiellement par deux phases importantes, à savoir l’aménagement du système

d’information financière et la mise en place d’un programme de formation adapté.

1. Refonte du système d’information financière


Tout en restant toujours dans la logique du rapport « qualité du système

d’information/coût du changement », l’adoption de la norme IAS 41 et des normes

comptables internationales en général (IFRS) offre une occasion privilégiée aux entreprises

agricoles pour une réflexion plus large sur l’organisation du système de traitement des

informations toujours plus volumineuses et à fournir toujours plus vite.

Cela nécessite entre autre de procéder aux actions suivantes :

- diagnostic de l’organisation actuelle et des procédures comptables internes en vigueur et

identification des principaux domaines d’impacts potentiels ;

- recensement des principaux critères permettant d’effectuer les choix définitifs des

modalités d’application pratiques de la norme ;

- identification des besoins en informations financières issues de sources externes et /ou

internes, par actif ou groupe d’actifs biologiques homogène ;

- recensement des nouveaux besoins en matière de collecte, d’analyse et de traitement des

informations de base ;

- mise en place de procédures adéquates d’identification des marchés agricoles pertinents,

de leur caractère actif et de recensement des sources d’informations sur les prix et les

cotations périodiques, et ce, pour chaque actif ou groupe d’actifs biologiques

homogène ;

152
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

- amélioration ou mise en place le cas échéant d’un système d’information prévisionnel et

budgétaire afin d’atteindre une fiabilité raisonnable dans le calcul des prévisions de

cash-flows futurs ;

- modification de la nomenclature comptable en raison de l’obligation de comptabiliser

les plus et moins-values latentes grevant les actifs biologiques en résultat. Cette

nomenclature doit permettre de distinguer les pertes et profits réalisés des augmentations

et diminutions de valeurs d’actifs ;

- revue des tableaux de bord de gestion pour à la fois, prendre en compte l’incidence

directe des nouvelles règles apportées par la norme IAS 41 sur l’ensemble des ratios de

performance et de structure financière existants et compléter les tableaux de bord par

d’autres indicateurs nécessaires à l’analyse financière.

La démonstration de l’ampleur du changement à mettre en oeuvre au niveau du système

d’information nous conduit immédiatement à s’interroger : comment accompagner ce

changement pour permettre une application adéquate de la norme IAS 41 ?

2. Mise en place d’un programme de formation adapté


Vu les changements majeurs et les implications opérationnelles importantes entraînées

par la mise en application de la norme IAS 41 en pratique et les difficultés qu’elle pourrait

engendrer lors de sa mise en oeuvre, il est fortement recommandé d’adopter un programme de

formation approprié. Ce programme devrait avant tout sensibiliser les dirigeants et le

personnel comptable de l’entreprise agricole aux enjeux et aux caractéristiques principales de

la norme. L’objectif principal est de délivrer des messages claires permettant à chaque

personne concernée de pouvoir mettre en application ce qui lui est nécessaire dans son travail.

Dans tous les cas, l’entreprise agricole doit s’assurer que tous les intervenants quel que

soit leur niveau ont suivi une formation dont ils ont besoin, faute de quoi l’application de la

153
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

norme ne sera pas efficace et le personnel adhérera difficilement aux changements,

engendrant probablement des erreurs d’assimilation et d’interprétation.

Pour une entreprise agricole, la formation pourrait être envisagée d’une manière

individuelle ou collective (avec d’autres entreprises du secteur) et prendre plusieurs formes :

séminaires, cycles de formation intensifs, formation en ligne, etc. en fonction de la taille par

des moyens internes ou par recours aux consultants externes.

On pourrait même envisager l’élaboration d’un guide standard d’application pourront

aider les agriculteurs et leurs comptables à une meilleure compréhension de la norme,

intégrant des exemples d’application pour divers cas de figures.

Ce guide pourrait être un outil d’aide précieux pour une entreprise agricole appliquant

pour la première fois les dispositions de cette norme en pratique, qui nécessitent la mise en

oeuvre de retraitements et d’ajustements comptables significatifs, édictés par des règles

comptables rigoureuses.

154
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

CHAPITRE TROISIEME : PREMIERE APPLICATION DE LA


NORME IAS 41

Une première application de la norme IAS 41 nécessite au préalable la maîtrise

technique des règles comptables applicables en matière de changement de méthodes

comptables ou d’une première application d’une norme comptable internationale avec

d’autres normes ou de manière isolée. Ce changement peut entraîner des problèmes pratiques

de migration d’un référentiel à un autre nécessitant de mettre en place des dispositions

spécifiques en fonction des changements apportés.

Section 1 : Première adoption d’une nouvelle norme


comptable

Sous-section 1 : Apport de la norme IFRS 1

Les objectifs primordiaux assignés à la norme IFRS 1 « Première adoption des normes

internationales d’information financière » publiée en 2003 par l’IASB était :

- d’assurer la comparabilité d’une part, de tous les exercices présentés en IFRS par une

entité et entre les états financiers d’entreprises ayant adoptés cette norme pour la première

fois et à la même date ;

- de fournir un point de départ acceptable pour l’application ultérieure des normes

comptables internationales (IAS et IFRS) en assurant aux premiers états financiers IFRS

une qualité informative élevée.

Cette norme s’applique uniquement pour les premiers états financiers établis (états

financiers annuels et intermédiaires) en IFRS incluant obligatoirement une déclaration

explicite et sans réserve de conformité aux IFRS, c'est-à-dire à toutes les normes comptables

155
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

internationales en vigueur à la date de reporting de ses premiers états financiers IFRS, sans

exception aucune.

« Une entité est tenue de préparer un premier bilan d’ouverture en IFRS à la date de

transition aux normes » (IFRS 1. §6), ce qui correspond au bilan d’ouverture de la première

période comparative présentée sans avoir une obligation de le publier. Ce premier bilan IFRS

servirait comme un point de départ pour l’application des IFRS dans le futur, que ce soit pour

les périodes antérieures présentées à titre comparatif (pour les quelles un autre référentiel

comptable était appliqué), que pour les périodes ultérieures à la date d’adoption des IFRS.

La norme IFRS 1 impose à un premier adoptant pour l’établissement de ses premiers

états financiers IFRS, de procéder à l’application rétrospective des normes en vigueur à la

date de clôture des premiers états financiers IFRS, aux périodes comparatives présentées et au

bilan d’ouverture de la première période comparative présentée, et ce, nonobstant aux

dispositions transitoires des autres normes comptables internationales.

L’application rétrospective des normes conduit à la comptabilisation des actifs et des

passifs dans le bilan d’ouverture comme si les IFRS en vigueur à la date de clôture du premier

exercice IFRS avaient été toujours appliquées. En conséquence il y a lieu de procéder aux

retraitements comptables suivants :

• élimination des actifs et passifs comptabilisés sous le précédent référentiel qui ne

répondent pas aux critères de comptabilisation des IFRS ;

• évaluation et comptabilisation selon les IFRS de tous les actifs et passifs qui répondent

aux définitions et aux critères de prise en compte de ces normes, mais qui n’étaient pas

comptabilisés sous l’ancien référentiel ;

• reclassement des éléments comptabilisés selon le référentiel comptable antérieur comme

un certain type d’actif, de passif ou de composante des capitaux propres, mais qui

156
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

relèvent d’un type différent d’actif, de passif ou de composante des capitaux propres

selon les normes IFRS ; et

• comptabilisation de l’incidence de ces ajustements au niveau des capitaux propres

d’ouverture (résultats non distribués), sauf cas du retraitement (identification ou

élimination) d’immobilisations incorporelles acquises dans le cadre d’un regroupement

d’entreprises en contrepartie du goodwill.

Cette application rétrospective souffre cependant de certaines exceptions mais

uniquement lors de l’établissement du bilan d’ouverture et en aucun cas aux périodes

comparatives postérieures à la date de ce bilan d’ouverture. Ainsi, les opérations postérieures

à la date du bilan d’ouverture IFRS (opérations des périodes comparatives retraitées

conformément aux IFRS) doivent obligatoirement être retraitées de manière rétrospective

conformément aux normes en vigueur à la date de clôture des premiers états financiers IFRS.

Les exceptions peuvent être obligatoires ou facultatives selon le cas. Ils concernent la

décomptabilisation d’actifs et de passifs financiers, la comptabilité de couverture, les actifs

classés comme détenus en vue de la vente et activités abandonnées et les estimations.

Notons que, certains éléments des états financiers d’une entreprise doivent être estimés

sur la base des dernières informations disponibles dans la mesure où à la date de clôture ils ne

peuvent être évalués avec précision. IFRS 1 réserve un traitement comptable spécifique à ces

estimations comptables, en fait il y a lieu de distinguer entre trois situations possibles :


ère
1 situation : Estimations nécessaires en IFRS réalisées sous l’ancien référentiel et ne

présentant pas de divergence avec les IFRS : Dans ce cas, les estimations effectuées doivent

être maintenues en IFRS sans modification à moins que ces estimations aient été erronées, au

quel cas il y a lieu d’appliquer IAS 8 « Méthodes comptables, changements d’estimations

comptables et erreurs » pour corriger les erreurs détectées.

157
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

2ème situation : Estimations nécessaires en IFRS réalisées sous l’ancien référentiel mais

présentant une divergence avec les IFRS : Dans ce cas les estimations doivent être modifiées

uniquement pour tenir compte de la divergence comptable constatée en tenant compte des

seules informations qui existaient à la date de réalisation des estimations antérieures.

3ème situation : Estimations nécessaires en IFRS non réalisées sous l’ancien référentiel : Les

estimations non réalisées par l’ancien référentiel comptable doivent être effectuées en IFRS

en tenant compte des informations disponibles à la date d’établissement des premiers états

financiers IFRS dans la mesure uniquement où elles confirment des conditions qui existaient à

la date de référence de ces estimations. Cette date de référence n’est que celle du bilan

d’ouverture IFRS ou de clôture d’une des périodes comparatives présentées en IFRS.

La norme comptable IAS 41 n’est pas concernée par les exceptions et les exemptions

prévues par la norme IFRS 1 et doit être appliquée de manière exhaustive et rétrospective, et

ce, à partir du bilan d’ouverture de la première période présentée à titre comparatif.

Une entreprise agricole adoptant pour la première fois les normes IFRS, doit appliquer

de manière rétrospective les dispositions de la norme IAS 41 à partir du bilan d’ouverture de

la première période présentée à titre comparatif et pour les exercices ultérieurs. Pour les actifs

biologiques, il convient de procéder aux opérations suivantes :

- déterminer la juste valeur des actifs biologiques à la date de transition aux IFRS 130 en se

basant sur la valeur de marché à cette date. Celle-ci n’est pas ajustée du fait de la baisse ou

de l’augmentation de la valeur du marché à une date ultérieure puisque ces changements

reflètent des évènements qui se sont produits ultérieurement.

En cas de recours au calcul de la valeur actuelle nette des flux de trésorerie futurs, les

estimations doivent être réalisées sur la base des informations qui existent à la date du

130
La date de transition aux IFRS est le début de la première période pour laquelle une entité présente des
informations comparatives complètes selon les IFRS dans ses premiers états financiers IFRS.

158
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

bilan d’ouverture, ces estimations doivent tenir compte des informations disponibles à la

date d’établissement des premiers états financiers IFRS dans la mesure où elles confirment

des conditions qui existaient à la date du bilan d’ouverture de la première période

comparative, par exemple, la confirmation ultérieure des estimations de recettes et de

dépenses générées par un actif biologique ou groupe d’actifs biologiques ;

- dégager la différence entre la juste valeur ainsi déterminée et la valeur comptable des actifs

biologiques et la comptabiliser au niveau des capitaux propres dans la rubrique « résultats

non distribués » ;

- présenter les états financiers des périodes comparatives publiées dans les premiers états

financiers IFRS, selon les nouvelles règles comptables.

Pour ce qui est des informations à fournir requises par la norme IFRS 1, un premier

adoptant devrait expliquer l’incidence de la transition du précédent référentiel aux IFRS sur sa

situation financière, sa performance financière et ses flux de trésorerie. Ces informations sont

de deux types :

Î Informations à fournir relatives au bilan d’ouverture de la première période comparative

présentée : Rapprochement détaillé entre les capitaux propres retraités en IFRS et ceux

publiés selon le précédent référentiel.

Î Informations à fournir relatives à l’exercice le plus récent présenté à titre comparatif :

- rapprochement détaillé entre les capitaux propres retraités en IFRS et ceux publiés selon

le précédent référentiel ;

- rapprochement détaillé entre le résultat net retraité en IFRS et celui publié selon le

précédent référentiel ;

- explications relatives aux ajustements significatifs du tableau des flux de trésorerie.

159
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Sous-section 2 : Apport de la norme IAS 8

La norme IAS 8 « Méthodes comptables, changements d’estimations comptables et

erreurs » vient d’être publiée par l’IASB en 2003, elle annule et remplace une version

ancienne de cette norme ainsi que deux interprétations du Board à savoir SIC-2 relative à

l’incorporation des coûts d’emprunts dans le coût des actifs et SIC-18 liée à la cohérence des

méthodes comptables. Cette norme s’applique d’une part au choix et à l’application des

méthodes comptables et d’autre part au traitement comptable des changements de méthodes

comptables, des corrections d’erreurs et des changements d’estimations comptables.

Le changement de méthodes comptables est la partie qui nous intéresse de la norme. Il

est envisagé lorsque de tels changements sont imposés par une autre norme ou par une

interprétation du Board ou lorsque la nouvelle méthode aura pour effet d’améliorer la

pertinence et la fiabilité des informations comptables établies.

Le changement de méthodes comptables doit être appliqué en conformité aux

dispositions transitoires de la nouvelle norme comptable, ou à défaut de dispositions

transitoires d’une manière rétrospective, en ajustant le solde d’ouverture de la rubrique des

capitaux propres relative au premier exercice présenté à titre comparatif comme si la nouvelle

méthode avait été toujours appliquée, c'est-à-dire en remontant aussi loin que possible dans le

temps pour retraiter l’information à la date de survenance de la transaction ou de l’évènement,

à moins qu’il soit impraticable de déterminer les effets du changement spécifiquement liés à

la période ou de manière cumulée à toutes les périodes antérieures.

Deux situations d’impraticabilité sont donc envisageables :

Î il est impraticable de déterminer les effets du changement d’une méthode comptable, liés

à la période : il y a lieu dans ce cas d’appliquer la nouvelle méthode comptable d’une

manière rétrospective au début de la première période pour laquelle l’application

160
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

rétrospective est devenue praticable et d’ajuster les capitaux propres d’ouverture en

conséquence ;

Î il est impraticable de déterminer l’effet cumulé de l’application d’une méthode comptable

au début de l’exercice en cours à toutes les périodes antérieures. Alors, il est recommandé

d’appliquer la nouvelle méthode d’une manière prospective à partir de la première date

praticable, sans tenir compte de la quote-part de l’ajustement cumulé des actifs, passifs et

des capitaux propres découlant d’opérations antérieures.

Les conditions, pour les quelles il est impraticable d’appliquer d’une manière

rétrospective une nouvelle norme comptable, sont énoncées par la norme IAS 8. Il s’agit des

cas suivants :

- l’effet de l’application rétrospective ne peut être déterminé ;

- l’application rétrospective repose sur des hypothèses concernant les intentions de la

direction générale à la date de la transaction ou de l’évènement ;

- l’application rétrospective impose la réalisation d’estimations comptables et qu’il

est impossible d’identifier d’une manière objective les informations nécessaires à

ces estimations à la date où elles devraient être effectuées et comptabilisées, en

tenant compte de la théorie des évènements postérieurs après la date de clôture et

avant la publication des états financiers y relatifs. C’est le cas où certaines

informations nécessaires à l’application rétrospective d’une nouvelle méthode

comptable n’ont pas été collectées par la direction à la date de la survenance de la

transaction ou de l’événement.

161
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Quant aux informations à fournir lors de l’adoption d’une nouvelle norme comptable

prévues par le § 28 de la norme IAS 8, elles s’établissent comme suit :

- nom de la norme ou de l’interprétation ;

- le cas échéant, le fait que le changement de méthodes comptables est mis en oeuvre

selon ses dispositions transitoires ;

- la nature du changement de méthodes comptables ;

- le cas échéant, une description des dispositions transitoires ;

- le cas échéant, les dispositions transitoires susceptibles d’avoir une incidence sur des

périodes ultérieures ;

- pour la période en cours et pour chaque période antérieure présentée, dans mesure du

possible, le montant de l’ajustement pour chaque poste affecté des états financiers,

- le montant de l’ajustement relatif aux périodes antérieures aux périodes présentées,

dans la mesure du possible ;

- si l’application rétrospective est impraticable pour une période antérieure spécifique

ou pour des périodes antérieures aux périodes présentées, les circonstances qui ont

mené à cette situation et une description de la manière et la date de début de

l’application du changement de méthode comptable.

Sous-section 3 : Norme applicable

D’après ce qui est précité, on pourrait conclure que la norme IFRS 1 s’applique aux

entreprises ayant adoptés toutes les normes comptables internationales de l’IASB en vigueur à

la date de clôture de l’exercice d’adoption sans aucune exception et comprenant dans leur

états financiers une déclaration explicite et sans réserve de conformité aux IFRS, alors que la

norme IAS 8 s’applique à une nouvelle norme comptable internationale adoptée

162
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

individuellement ou avec d’autres normes IFRS sans qu’il n’y ait de déclaration de

conformité aux IFRS.

Deux solutions sont donc applicables pour le cas d’une entreprise agricole Tunisienne,

envisageant d’adopter la norme IAS 41 pour la première fois :

Î 1ère hypothèse : IAS 41 sera adoptée de façon individuelle en Tunisie. Dans ce cas, c’est la

norme IAS 8 qui est applicable ou son équivalent parmi les normes comptables nationales,

soit la NCT 11 ;

Î 2ème hypothèse : IAS 41 sera adoptée avec toutes les autres IFRS et IAS applicables à la

date de transition : Dans ce cas, c’est la norme IFRS 1 qui sera applicable pour une

première adoption de la norme IAS 41.

A notre connaissance de l’état actuel des choses en matière de normalisation en Tunisie,

il est peu probable qu’à court terme, notre pays adoptera purement et simplement toutes les

normes internationales de l’IASB en bloc pour les comptes individuels 131 . Ainsi, il est plus

probable qu’une norme comptable internationale serait adoptée d’une manière individuelle

avec ou sans modifications et dans ce cas c’est la norme relative aux changements de

méthodes comptables qui serait d’application.

131
Cependant, il existe des informations officieuses sur l’imminence d’une future adoption des « full IFRS » dans les comptes
consolidés des groupes d’intérêts public en Tunisie.

163
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Section 2 : Problèmes de migration d’un référentiel comptable


à un autre

Sous-section 1 : Dispositions et règles à mettre en œuvre pour une


première application de la norme IAS 41

1. Nature des changements apportés


Il s’agit de mettre en exergue les différences significatives apportées par la norme IAS

41 par rapport aux règles et pratiques comptables actuellement appliquées en Tunisie en

matière d’évaluation et de comptabilisation des actifs biologiques agricoles, afin de

déterminer l’étendue des ajustements et des retraitements à opérer dans les comptes de

l’entreprise agricole.

La norme IAS 41 n’établit pas de dispositions transitoires spécifiques. Par conséquent,

elle doit être appliquée d’une manière rétrospective à moins qu’il soit impossible de

déterminer l’étendue de l’ajustement comptable y afférent.

Un actif biologique, qui était auparavant comptabilisé à son coût d’achat ou de

production diminuée du cumul des amortissements et des provisions pour dépréciation, doit

être évalué sous la norme IAS 41 à sa juste valeur diminuée des frais estimés du point de

ventes. A la date du bilan d’ouverture du premier exercice présenté à titre comparatif, le poste

du bilan concerné doit être ajusté de la différence entre ces deux valeurs en contrepartie d’un

compte de capitaux propres, de préférence à notre avis dans un sous compte du compte qu’on

pourrait nommé « résultats non encore réalisés ». Nous pouvons affirmer par ailleurs qu’il

n’est pas nécessaire de reconstituer les informations à la juste valeur au-delà de la date du

bilan d’ouverture de la première période présentée en comparatif en raison de l’obligation de

réévaluation annuelle des actifs biologiques imposée par IAS 41.

164
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

L’adoption de la norme IAS 41 pour la première fois implique de procéder aux

opérations suivantes :

- réaliser une revue des valeurs des actifs biologiques à la date d’ouverture du premier

exercice présenté à titre comparatif. La différence entre les justes valeurs ainsi

déterminées et les anciennes valeurs comptables de ces actifs est imputée en capitaux

propres ;

- retraiter en proforma les informations présentées à titre comparatif sur les actifs

biologiques à la juste valeur ;

- appliquer les dispositions de la norme IAS 41 pour les données de l’exercice en cours.

2. Dispositions nécessaires à l’application de la norme IAS 41


L’entreprise agricole doit être en mesure de déterminer la juste valeur de ses actifs

biologiques à des périodes antérieures, le système d’information en place doit permettre

également une évaluation fiable de la juste valeur des actifs biologiques à la date de transition.

En particulier, elle doit assurer les opérations suivantes :

- établissement des critères de choix des actifs ou des catégories d’actifs par classes

homogènes dont les attributs sont similaires ;

- sélection du ou des marchés agricoles pertinents pour chaque groupe d’actifs

biologiques et observation de leur fonctionnement pour s’assurer de leur

qualification de marchés actifs ;

- pour les actifs biologiques n’ayant pas des prix de marchés observables à la date

d’évaluation, détermination des critères de substitution pour le calcul de la juste

valeur ;

165
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

- en amant, une collecte et une analyse adéquate des informations externes et

internes disponibles à des dates antérieures et en aval une utilisation appropriée

des informations recueillies.

Sous-section 2 : Limites et difficultés probables à l’application


rétrospective de la norme IAS 41

Pour une première application des dispositions de la norme IAS 41 en pratique,

l’entreprise agricole doit être en mesure de déterminer la juste valeur des actifs biologiques

détenus à la date d’ouverture du premier bilan présenté à titre comparatif et à la date de

clôture de chaque période comparative présentée sur la base d’informations existantes aux

dates précitées et celles disponibles avant la publication des états financiers y afférents.

Les difficultés ayant trait à l’application rétrospective de la norme IAS 41 peuvent

prendre origine, soit d’une non disponibilité des informations nécessaires à l’évaluation à la

juste valeur, soit de la nécessité au recours aux estimations financières.

1. Non disponibilité des informations à la date d’évaluation


Dans certaines circonstances exceptionnelles, il n’est pas possible d’ajuster les

informations comparatives relatives à une ou plusieurs périodes antérieures présentées

comparativement afin de les rendre comparables avec celles de la période en cours. Par

exemple, certaines données peuvent ne pas avoir été collectées au cours des périodes

antérieures d’une manière permettant l’application rétrospective d’une nouvelle méthode

comptable. Il peut être également impossible de reconstituer ces informations dans la mesure

où elles ne sont plus disponibles à la date d’évaluation. Même si certains prix de vente

définitifs des actifs biologiques consommables évalués à des périodes antérieures sont déjà

connus avec certitude au cours de l’exercice d’adoption de la norme, ces informations ne

peuvent pas être à priori utilisées pour l’ajustement des comptes antérieurs, puisqu’ils

166
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

constituent des prix futurs et non des prix de l’actif à la date d’évaluation. La juste valeur doit

refléter les conditions actuelles du marché et non les prix futurs même s’ils sont appuyés par

des pièces justificatives probantes (factures de vente, contrats de vente fermes, etc.).

2. Recours aux estimations financières


Il est souvent nécessaire de procéder à des estimations pour appliquer une méthode

comptable aux éléments des états financiers. Toutefois, l’objectif des estimations relatives à

des périodes antérieures reste le même que pour les estimations opérées pendant l’exercice en

cours, à savoir que l’estimation reflète les circonstances qui prévalaient lors de la réalisation

de la transaction ou de l’évènement.

Les estimations sont de nature subjectives, et certaines d’entre elles peuvent être

accomplies après la date de clôture. Le calcul des estimations comptables est probablement

plus difficile lorsqu’il s’agit d’appliquer de manière rétrospective une méthode comptable en

raison du délai plus ou moins long qui peut être écoulé depuis la date de la transaction ou de

l’événement et qu’il serait impossible de distinguer les informations y relatives. IAS 8 dans

son paragraphe 53 prévoit que pour certains types d’estimations (par exemple une estimation

de la juste valeur ne reposant pas sur un prix observable ou sur des données observables), il

est impraticable de distinguer ce type d’informations. Dans de tels cas, il sera impossible

d’appliquer la nouvelle méthode comptable de façon rétrospective, et la solution sera de

l’appliquer de manière prospective. C’est le cas lorsque le calcul la juste valeur d’un actif

biologique (par exemple un actif biologique producteur) ne repose pas sur un prix de marché

observable mais plutôt sur l’actualisation des cash-flows futurs issues de l’utilisation et de la

vente éventuelle de cet actif, ce qui nécessite le recours aux estimations à la date d’évaluation

et non à une date future, conduisant probablement à une application prospective de la norme

IAS 41 en cas de recours au calcul de la VAN pour déterminer la juste valeur.

167
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

CONCLUSION GENERALE
Dans le cadre de mon stage professionnel, j’ai pu participer et conduire des missions

assez variées : audit, organisation, assistance comptable et évaluation d’entreprises agricoles

et notamment des sociétés de mise en valeur et de développement agricole.

Ces diverses missions m’ont permis de me familiariser avec ces entités et m’ont surtout

amené à constater à quel point l’existence de standard comptable est capitale pour assurer la

pertinence et la fiabilité de l’information financière de ces entités et pour fournir un référentiel

comptable pour l’audit des exploitations soumise à vérification.

Ces expériences m’ont obligé à conduire des investigations dans le paysage comptable

international et à faire des simulations pour mener à bien mes missions. Elles m’ont poussé

également à réfléchir sur l’adoption d’une norme comptable traitant des spécificités de

l’activité agricole pouvant servir de référence en matière d’élaboration et de présentation des

états financiers des entreprises agricoles et s’ajouter au panorama de normes comptables

tunisiennes déjà existantes.

La pratique comptable actuellement suivie par les exploitations agricoles en Tunisie est

inspirée du système comptable des entreprises de 1997 pour les règles générales de

comptabilisation et d’évaluation et du PCGA Français pour certaines difficultés particulières à

l’agriculture tels que le classement comptable des animaux et des plantations, l’évaluation des

avances aux cultures, etc. Les méthodes de valorisation des actifs biologiques soufrent de

plusieurs faiblesses conceptuelles en raison de leur inadéquation aux changements physiques

et biologiques que peuvent subir ces actifs au cours de leur vie et aux événements

économiques caractérisant l’activité agricole.

168
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Ces changements qui exercent une influence notable sur la valeur intrinsèque des actifs

biologiques doivent absolument être transcrit en comptabilité. Le modèle d’application

actuelle ne permet pas une telle opération. Au moment de la comptabilisation initiale, les

méthodes de calcul du coût de production offre une solution pis-aller aux problèmes de

valorisation des actifs biologiques. Une fois enregistrés, les chiffres comptables deviennent

figés, soumises à des règles statiques de changements de valeur. Ainsi, les améliorations

physiologiques tant qualitatives que quantitatives entreprises par l’entité sur ces actifs

biologiques tout au long de la période de leur détention ne sont pas mises en évidence. Il faut

attendre la réalisation d’une transaction (mortalité, cession, etc.) pour révéler la performance

réelle de l’entité agricole, une situation qui la prive de plusieurs opportunités en matière

d’investissement et de financement.

La solution est venue de l’IASC pour qui seul le calcul de la juste valeur permet de

s’adapter parfaitement à l’activité agricole et aux transformations biologiques que peuvent

subir les actifs biologiques au cours de la période de leur détention au sein de l’exploitation.

Le recours à la valeur de marché et à la réévaluation annuelle des actifs biologiques permet

d’atteindre cet objectif.

Mais, le normalisateur comptable international en raison de son adoption de la notion de

juste valeur en agriculture a introduit un changement majeur par rapport aux principes

comptables classiques basés sur le modèle du coût historique récupérable.

Le débat est à son comble entre le pour et le contre de ce revirement spectaculaire du

mode de valorisation des actifs et de constatation des résultats financiers.

Du côté des caractéristiques qualitatives, la juste valeur en agriculture grâce à son

recours aux marchés pour la valorisation des actifs biologiques offre une opportunité

intéressante pour revaloriser l’information financière et lui procurer la pertinence tant

escomptée. De leurs tours, la fiabilité, la comparabilité et l’intelligibilité sont à priori

169
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

améliorées, hormis le cas du recours en dernier lieu au calcul de la valeur actuelle nette pour

la détermination de la juste valeur, là où l’information financière peut devenir approximative,

peu comparable et non parfaitement compréhensible pour les utilisateurs des états financiers.

L’information comptable à la juste valeur et son corollaire la valeur de marché est neutre et ne

dépend pas de la volonté des dirigeants et des actionnaires, elle limite les jugements

professionnels à caractère subjectif et les restreint à des situations résiduelles et peu

fréquentes.

La norme IAS 41 est un outil de communication financière. Elle permet aux

investisseurs, analystes, banquiers, partenaires, etc. :

- d’apprécier la mesure de la performance économique et la stratégie menée par une entité

agricole ;

- de disposer d’une information financière riche, précise et régulière pour mener des

comparaisons dans le temps. La norme IAS 41 limite les choix sur les évaluations et les

méthodes comptables utilisées. Ces choix doivent être justifiés, chiffrés et communiqués

même sous une forme narrative.

Cependant, les résultats de notre étude ont permis de constater à quel point l’application

de la notion de juste valeur en comptabilité agricole est parfois difficile et ne peut être

facilement mise en oeuvre en pratique pour plusieurs raisons, dont notamment :

Î la difficulté de calcul de la juste valeur notamment pour les actifs biologiques non

négociés sur des marchés actifs, en raison de la complexité des calculs, du renvoi à des

modèles internes de prévisions souvent peu fiables et de la variation brusque des

conditions économiques en général ;

Î le manque d’adaptation de l’entreprise agricole et de son système d’information face

aux exigences d’information dû à l’obligation de réévaluation annuelle des actifs

biologiques ;

170
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

Î l’incompétence technique du personnel de l’entreprise agricole concernant le choix

des méthodes d’estimation de la juste valeur, l’application correcte des différentes

variantes intervenant dans le calcul, la collecte, l’analyse, l’exploitation des

informations de bases et à la compréhension de la norme en général ;

Î l’opposition des banques et des bailleurs de fonds en général qui peut surgir à cause de

la volatilité importante des résultats introduite par un tel mode d’évaluation, aggravée

par une variation spectaculaire de la signification de plusieurs ratios d’équilibre et de

performance financiers.

Même si ces difficultés peuvent entraver l’application de la norme IAS 41, son adoption

en Tunisie dépend plus d’une volonté politique qui s’avère libérale, anticipant les

changements mondiaux et appuyée par un corps de normalisation conscient de suivre à temps

l’évolution des techniques comptables internationales.

Un guide annexé à la norme comptable internationale IAS 41 pourrait être d’une grande

utilité pour une mise en application adéquate des modalités de calcul de la juste valeur en

agriculture et des dispositions de la norme sujettes à difficultés d’interprétation et de

compréhension en général. Ce guide pourrait contenir à titre d’exemples des modèles

d’application pour divers cas de figures incluant les modalités de calcul et d’évaluation et des

exemples de présentation d’états financiers d’entreprises agricoles.

Vu l’avancement actuel dans l’adoption de la juste valeur à l’échelle internationale,

l’état de discussion en Tunisie doit, à notre avis, franchir une étape cruciale en passant de

l’étape d’appréciation du modèle de la juste valeur à celle plus pragmatique de jugement de

son utilité pour l’entreprise agricole et son environnement pour atteindre l’étape ultime de

décision. Une adoption précoce par rapport aux autres pays émergeants peut s’avérer

avantageuse tant sur le plan micro que macroéconomique.

171
Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
Tunisie

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Evaluation des actifs biologiques agricoles à la juste valeur : Possibilité d’application en
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LISTE DES ANNEXES

ANNEXE 1 : QUESTIONNAIRE DE RECHERCHE

ANNEXE 2 : EXTRAIT DE L’ARGUS DE L’O.T.D

ANNEXE 3 : EXEMPLES DES INFORMATIONS A FOURNIR PREVUES PAR IAS 41

ANNEXE 4 : LISTE DES MARCHES DE GROS EN TUNISIE

ANNEXE 5 : EXEMPLE DE MERCURIALE DU JOUR DU MARCHE DES LEGUMES ET FRUITS

ANNEXE 6 : ETAT DES PRIX DE MARCHE DES BESTIAUX

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