Une femme aperçue dans une rue de Shanghai devant un portrait géant du président chinois Xi Jinping.
PHOTO : REUTERS / ALY SONG
Ximena Sampson
Publié à 4 h 03
Plusieurs États réclament une enquête sur le terrain pour avoir une meilleure idée
de l’origine exacte du coronavirus et vraiment savoir ce qui s’est passé à Wuhan.
Mais la Chine refuse de permettre la venue sur son territoire d’enquêteurs
internationaux tant que la pandémie est en cours et dans un contexte de
tensions diplomatiques. Elle propose plutôt la création d’une commission afin
d’évaluer la réponse mondiale à la COVID-19, sous approbation de l’OMS.
Des questions ont surgi au cours des dernières semaines sur la gestion des
dirigeants chinois au début de la pandémie de COVID-19, ainsi que sur la fiabilité
de leurs données concernant les taux de mortalité et les niveaux de contagion.
Certains critiquent notamment le fait que le marché d’animaux vivants qui a été
identifié comme foyer probable de l’épidémie a été nettoyé et désinfecté avant
qu’il n'y ait eu enquête et que le laboratoire de Shanghai qui a partagé le premier
séquençage du génome du coronavirus a été fermé par les autorités le 12 janvier,
soit le lendemain de cette publication.
Des critiques dénoncent également la répression dont ont fait l’objet les premiers
médecins qui ont signalé des cas de pneumonie atypique à Wuhan, y compris la
directrice des urgences à l’hôpital central de la ville, Aï Fen, et l’ophtalmologue Li
Wenliang, qui est mort ensuite de la COVID-19.
En fait, ce sont au moins huit médecins qui ont été arrêtés en janvier, accusés de
diffusion de fausses informations et réprimandés par leurs supérieurs ou par
des agents de la ville parce qu’ils avaient sonné l’alerte sur l'apparition d'un
nouveau virus proche du SRAS. La Cour suprême les a ensuite réhabilités.
Des photos relayées sur les réseaux sociaux, montrant d'énormes files d'attente de personnes venues
récupérer les cendres de leurs proches dans un des funérariums de Wuhan ont semé le doute sur le nombre
réel de morts du coronavirus.
PHOTO : SOURCE: WEIBO
Des citoyens chinois qui rapportaient ce qu’ils avaient observé dans les hôpitaux à
Wuhan ont été arrêtés et n’ont pas été revus, tandis que les correspondants du
Wall Street Journal, du New York Times et du Washington Post ont été expulsés du
pays.
Il est encore trop tôt pour connaître les conséquences qu’aura la pandémie sur la
stabilité du régime à Pékin, croit Marc Julienne, mais il est clair qu’elle entraînera
des réactions en chaîne.
Si les usines chinoises ont pu reprendre leurs activités, l’économie est encore en
pause ailleurs sur la planète. La demande mondiale s’est écroulée , précise le
chercheur. Sans commandes, les usines chinoises tournent au ralenti et des
millions d’ouvriers pourraient perdre leur emploi, ce qui provoquerait une chute de
la consommation interne.
Cependant, il faut savoir que le don de fournitures médicales dont la Chine a fait
grand cas est d'une valeur bien inférieure aux achats d’équipements qu’ont faits
ces mêmes pays à la Chine. Entre le 1er mars et le 4 avril, la Chine a exporté pour
plus de deux milliards de dollars d’équipement vers plus d’une cinquantaine de
pays. Comparés aux achats des pays européens, les dons, c’est quelque chose
d’assez mince , conclut M. Julienne.
Dans une affaire qui a fait grand bruit, l’ambassadeur chinois en France, Lu Shaye,
a notamment été convoqué par le ministre français des Affaires étrangères après
avoir mis en ligne sur le site de l’ambassade un texte critiquant la réponse des
Occidentaux à la pandémie.
Un tabloïd progouvernemental serbe a payé une pancarte à Belgrade sur laquelle est écrit "Merci, frère Xi", en
remerciement au président chinois pour les dons de son pays afin de faire face à la pandémie.
PHOTO : GETTY IMAGES / ANDREJ ISAKOVIC
Pour André Laliberté, ces sorties diplomatiques témoignent justement du fait que
la Chine n’a pas encore atteint le statut dont elle rêve. C’est une crise
d’adolescence, illustre-t-il. Une puissance plus mature dirait : ce n'est pas la bonne
façon de faire, il faut séduire, il faut convaincre, utiliser le charme, la persuasion.
Mais la Chine n’est pas là du tout.
Son audience, c’est avant tout son opinion publique interne, croit Marc Julienne, à
qui elle veut montrer que la Chine ne se laisse pas marcher sur les pieds et qu’elle
défend ses intérêts de manière ferme, voire virulente, à travers le monde .
Mis à part les États-Unis qui, en guerre commerciale avec la Chine, émettent
ouvertement des doutes sur les origines du virus, les puissances occidentales se
sont montrées, jusqu’à maintenant, extrêmement complaisantes, déplore André
Laliberté. Elles n’ont pas voulu se montrer trop critiques envers la Chine, elles ont
voulu lui faire confiance et ont préféré croire les autorités chinoises quand elles
disaient que c’était une épidémie localisée, que ce n’était pas grave.
Le secrétaire d'État aux Affaires étrangères Dominic Raab quitte le 10, Downing Street.
PHOTO : REUTERS / SIMON DAWSON
Le calcul des pays liés à la Chine, c’est qu’il ne faut pas mettre Pékin en colère,
parce que le régime chinois a démontré sa capacité à utiliser ses leviers
économiques pour forcer certaines décisions , confirme Nadège Rolland.
Dans le contexte actuel, personne ne souhaite se mettre les Chinois à dos, puisque
tout le monde a besoin de la Chine, qui est le plus grand producteur de matériel
médical et de masques , rappelle Marc Julienne.
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Ximena Sampson
Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1702888/strategie-chine-diplomatie-attaques-pandemie-coronavirus-covid