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AMNISTIE

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AMNISTIE
par
Bruno PY
Maître de conférences à l’université Nancy-II
Institut de sciences criminelles et de droit médical (ISCRIMED)

DIVISION
Généralités, 1-5. SECT. 3. – Autorités compétentes pour accorder l’am-
§ 1. – Historique, 6-14.
nistie, 131-144.

§ 2. – Critiques, 15-20. ART. 1. – AMNISTIE JUDICIAIRE, 131-132.

§ 3. – Méthodes d’interprétation, 21-26. ART. 2. – CONTESTATION DE L’AMNISTIE, 133-144.

CHAP. 1. – Conditions de l’amnistie, 27-144. CHAP. 2. – Effets de l’amnistie, 145-273.


SECT. 1. – Infractions amnistiées, 28-102. SECT. 1. – Incidences de l’amnistie sur la responsabilité
pénale, 146-225.
ART. 1. – INFRACTIONS AMNISTIABLES PAR NATURE, 28-38.
ART. 1. – EFFETS SUR L’ACTION PUBLIQUE, 148-151.
ART. 2. – INFRACTIONS AMNISTIABLES AU QUANTUM, 39-43.
ART. 2. – EFFETS SUR LA QUALIFICATION, 152-163.
ART. 3. – INFRACTIONS AMNISTIABLES PAR LEUR CONTEXTE,
44-62. ART. 3. – EFFETS SUR LA PEINE, 164-179.
§ 1. – Délits commis à l’occasion de conflits du travail, ART. 4. – EFFETS SUR LES VOIES DE RECOURS, 180-196.
49-51. ART. 5. – INTERDICTION DE RAPPELER LA CONDAMNATION AMNIS-
§ 2. – Délits commis à l’occasion de conflits relatifs à l’en- TIÉE, 197-211.
seignement, 52-53. ART. 6. – LIMITES À L’EFFET EXTINCTIF DE L’AMNISTIE, 212-225.
§ 3. – Délits en relation avec des conflits professionnels SECT. 2. – Incidences de l’amnistie sur la responsabilité
de caractère industriel, agricole, rural, artisanal ou civile, 226-246.
commercial, 54-57.
ART. 1. – CONSÉQUENCES CIVILES DE L’AMNISTIE, 227-241.
§ 4. – Délits en relation avec des élections, 58-60.
ART. 2. – JURIDICTION COMPÉTENTE POUR STATUER SUR
§ 5. – Délits en relation avec la défense des rapatriés, 61. L’ACTION CIVILE, 242-246.
§ 6. – Délit d’exercice illégal de la médecine, 62. SECT. 3. – Incidences de l’amnistie sur la responsabilité
ART. 4. – FAUTES PROFESSIONNELLES ET SANCTIONS DISCIPLI- disciplinaire, 247-273.
NAIRES, 63-96.
ART. 1. – AMNISTIE DES SANCTIONS DISCIPLINAIRES ET PROFES-
§ 1. – Faute professionnelle constituant une infraction pé- SIONNELLES, 247-263.
nale, 65-67.
ART. 2. – EXCLUSION DE L’AMNISTIE DISCIPLINAIRE, 264-273.
§ 2. – Sanctions des autorités administratives indépen-
dantes, 68. CHAP. 3. – Amnisties « événementielles », 274-367.
§ 3. – Élèves et étudiants, 69. SECT. 1. – Événements liés à la Seconde Guerre mon-
diale, 278-288.
§ 4. – Amnistie et droit du travail, 70-81.
SECT. 2. – Événements liés à la guerre d’Algérie, 289-
§ 5. – Amnistie et faute disciplinaire des agents publics, 302.
82-96.
SECT. 3. – Événements liés à des crises sociales, 303-
ART. 5. – DATE DES INFRACTIONS AMNISTIABLES, 97-102. 310.
SECT. 2. – Bénéficiaires de l’amnistie, 103-130. ART. 1. – ÉVÉNEMENTS DE MAI 1968, 303-306.
ART. 1. – AMNISTIE PERSONNELLE, 103-111. ART. 2. – MANIFESTATIONS SOCIOPROFESSIONNELLES DE 1972,
ART. 2. – GRÂCE AMNISTIANTE, 112-115. 307-310.
ART. 3. – CONDITIONS À L’OCTROI DE L’AMNISTIE, 116-130. SECT. 4. – Événements liés à la Corse, 311-324.

octobre 2003 - 1 - Rép. pén. Dalloz


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SECT. 5. – Événements liés aux Antilles-Guyane, 325- SECT. 3. – Amnistie des sanctions disciplinaires ou pro-
329. fessionnelles (L. 6 août 2002, art. 11 à 13),
390.
SECT. 6. – Événements liés à la Nouvelle-Calédonie,
330-346. SECT. 4. – Exclusions de l’amnistie (L. 6 août 2002,
art. 14), 391-432.
ART. 1. – LOI No 85-1467 DU 31 DÉCEMBRE 1985, 333-336.
ART. 1. – EXCLUSIONS FONDÉES SUR LE CARACTÈRE HABITUEL
ART. 2. – LOI No 88-1028 DU 9 NOVEMBRE1988, 337-342. DES COMPORTEMENTS INFRACTIONNELS, 392-395.
ART. 3. – LOI No 90-33 DU 10 JANVIER 1990, 343-346. ART. 2. – EXCLUSIONS DES INFRACTIONS PORTANT ATTEINTE À
SECT. 7. – Événements liés à des réformes législatives, L’AUTORITÉ DE L’ÉTAT OU DE L’ADMINISTRATION, 396-
347-367. 397.
ART. 3. – EXCLUSIONS DES INFRACTIONS RELEVANT DE LA DÉLIN-
ART. 1. – RÉFORME DU FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES,
QUANCE OU DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE OU VIO-
348-360.
LENTE, 398.
ART. 2. – RÉFORME DE LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE STUPÉ-
ART. 4. – EXCLUSIONS DES INFRACTIONS RELEVANT DE LA MA-
FIANTS, 361-367.
TIÈRE ÉCONOMIQUE OU FINANCIÈRE, 399-402.
CHAP. 4. – Amnistie « présidentielle » du 6 août ART. 5. – EXCLUSIONS DES INFRACTIONS PORTANT ATTEINTE À
2002, 368-441. LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE, AU DROIT DE LA PER-
SONNALITÉ OU À LA FAMILLE, 403-406.
SECT. 1. – Amnistie de droit (L. 6 août 2002, art. 1 à 8),
373-388. ART. 6. – EXCLUSIONS DES INFRACTIONS RELEVANT DU DROIT
DE L’ENVIRONNEMENT AINSI QUE DE LA PROTECTION
ART. 1. – AMNISTIE EN RAISON DE LA NATURE DE L’INFRACTION
OU DE LA RÉGLEMENTATION DES ANIMAUX, 407-410.
OU DES CIRCONSTANCES DE SA COMMISSION
(L. 6 AOÛT 2002, ART. 2, 3 et 4), 374-376. ART. 7. – EXCLUSIONS DES INFRACTIONS PORTANT ATTEINTE À
L’INTÉGRITÉ DE LA PERSONNE OU METTANT CELLE-CI
ART. 2. – AMNISTIE EN RAISON DES CIRCONSTANCES DE LA COM- EN DANGER, 411-432.
MISSION DE L’INFRACTION (ART. 3), 377-380.
§ 1. – Infractions de nature sexuelle ou commises contre
ART. 3. – CONDAMNATION POUR INFRACTIONS MULTIPLES des mineurs ou des personnes vulnérables, 411-
(ART. 4), 381. 414.
ART. 4. – AMNISTIE EN RAISON DU QUANTUM OU DE LA NATURE § 2. – Infractions en matière de circulation routière, 415-
DE LA PEINE (L. 6 AOÛT 2002, ART. 5), 382-383. 423.
ART. 5. – AMNISTIE DES PEINES D’EMPRISONNEMENT OU DES § 3. – Infractions en matière de sécurité dans le travail,
PEINES PRONONCÉES À LA PLACE D’UNE PEINE 424-427.
D’EMPRISONNEMENT (L. 6 AOÛT 2002, ART. 6),
§ 4. – Infractions en matière de santé publique, 428-429.
384-386.
§ 5. – Infractions en matière de sport, 430-432.
ART. 6. – AMNISTIE DES CONDAMNATIONS AVEC DISPENSES DE
PEINES OU PRONONCÉES CONTRE DES MINEURS SECT. 5. – Effets de l’amnistie (L. 6 août 2002, art. 15),
(L. 6 AOÛT 2002, ART. 7), 387. 433-440.
ART. 7. – CONDITIONS GÉNÉRALES DES AMNISTIES AU QUANTUM ART. 1. – EFFACEMENT DES CONDAMNATIONS ET EXTINCTION DE
(L. 6 AOÛT 2002, ART. 8), 388. L’ACTION PUBLIQUE, 433-434.

SECT. 2. – Amnistie par mesures individuelles (L. 6 août ART. 2. – LIMITES AUX EFFETS DE L’AMNISTIE, 435-440.
2002, art. 10), 389. SECT. 6. – Dispositions relatives à l’outre-mer, 441.

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Rép. pén. Dalloz -2- octobre 2003


AMNISTIE

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octobre 2003 -3- Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

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Généralités.

1. Étymologie. — Le nom « amnistie » est un emprunt au grec lorsqu’il souhaite arrêter le bras armé de la répression pour en-
hellénistique et tardif amnêsia « pardon », de amnêstos « ou- trer en voie de mansuétude.
blié », composé comme amnêsia (amnésie) de a- privatif et de
formes du verbe mimnêskein « se souvenir » et aussi « avoir § 1er. – Historique.
dans l’esprit », « mentionner » (ALAIN REY, Dictionnaire histo-
rique de la langue française, t. 1, Vo Amnistie, Le Robert 2000, 6. Antiquité. — C’est généralement à Athènes que l’on attribue
p. 117). l’origine du concept, en même temps que le terme, d’amnistie.
La réconciliation, née de l’initiative du démocrate Kléokritos, qui
2. Oubli volontaire. — L’amnistie est un processus d’oubli volon- mit fin à la brève - mais brutale - guerre civile de 404-403, est
taire qui conduit le législateur à reconsidérer régulièrement les restée le modèle de l’amnistie réussie (N. LORAUX, La cité divi-
faits et les actes réalisés pour leur ôter pour l’avenir la colora- sée, Payot, 1997). Rome emprunta cette institution, et l’on doit
tion pénale qu’ils pouvaient avoir. À la différence de l’amnésie, à Cicéron la motion par laquelle sera prononcée, pour apaiser
l’amnistie est décidée sciemment, soit pour effacer soit pour par- les esprits, une amnistie générale des conjurés, le lendemain
donner. même de la mort de César (44 av. J.-C.). L’expression latine est
lex oblivionis, qui signifie littéralement « la loi de l’oubli ». Elle
3. Il faut préciser d’emblée qu’il ne s’agit pas de nier rétrospec- est composée des substantifs lex = loi et oblivio (oblivionis au
tivement l’existence des faits visés - ce qui est parfois proscrit génitif qui est le cas du complément du nom) = oubli. Lex obli-
au titre de la prohibition du révisionnisme ou du négationnisme vionis équivaut au terme grec amnistie, qui signifie précisément
(L. 29 juill. 1881, art. 24 bis, in Code pénal Dalloz) -, mais d’enle- l’effacement du souvenir.
ver à des faits délictueux leur caractère infractionnel. L’amnistie
modifie le sens des faits, mais pas leur réalité. 7. Ancien droit français. — Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, c’est
le terme d’abolition qui prévalait pour décrire le mécanisme
4. Bienfaits de la loi. — Si toute norme juridique est liée à la d’amnistie. « L’ancienne monarchie pratiquait la clémence de
volonté humaine de maîtriser le temps, ne serait-ce qu’en gou- deux manières ; par lettres de grâce, ce qui effaçait la peine, et
vernant les comportements à venir, le mécanisme de l’amnis- par lettres d’abolition, ce qui effaçait le délit. Le droit de grâce
tie apparaît comme une démarche particulièrement ambitieuse, s’exerçait dans l’intérêt individuel, le droit d’abolition s’exerçait
puisqu’il prétend, de surcroît, modifier le passé. Par un raisonne- dans l’intérêt public. Aujourd’hui, de ces deux prérogatives de
ment très connu des juristes - la fiction -, la loi d’amnistie peut af- la royauté, le droit de grâce et le droit d’abolition, le droit de
firmer que ce que chacun (auteur, victime, juge) croyait avoir été grâce, qui est le droit limité, est réservé au pouvoir exécutif, le
une infraction pénale ne l’était pas. Cette sorte d’amnésie volon- droit d’abolition, qui est le droit illimité, vous appartient. Vous
taire figure en droit positif, à côté d’autres sources d’indulgence, êtes en effet le pouvoir souverain ; et c’est à vous que revient
telles que la clémence du « Prince » (la grâce), la clémence du le droit supérieur. Le droit d’abolition, c’est l’amnistie » (Victor
Juge (la réhabilitation) ou le bienfait du temps (la prescription). Hugo, Discours au Sénat le 22 mai 1876).
L’amnistie peut être qualifiée de « bienfait de la loi » (M. PUECH,
Droit pénal général, Litec, 1988, no 1542, p. 533). 8. Révolution. — La Révolution, après avoir un temps supprimé
toutes mesures d’indulgence (y compris le droit de grâce jus-
5. Distinction avec d’autres mesures d’indulgence. — Parmi qu’au sénatus-consulte du 16 thermidor, an X), rétablit l’amnistie
les mesures favorables aux auteurs d’infractions, le code pé- et en fit un large usage ; plus de vingt textes (lois ou décrets)
nal prévoit à la fois des empêchements au déclenchement de portant amnistie furent promulgués jusqu’en l’an X, notamment
poursuites et des obstacles à l’exécution des décisions pronon- au profit des rebelles vendéens (D. 12 frimaire, an III), pour tous
cées (Vo Action publique, Responsabilité pénale). Rares sont les faits relatifs à la Révolution (L. 4 brumaire, an IV) et pour les
les événements, comme le décès, susceptibles de produire ef- déserteurs des troupes de la République (L. 1er floréal, an X).
fet, aussi bien en paralysant un futur procès qu’en mettant un
terme à un procès déjà engagé. Avec la prescription, l’amnistie 9. XIXe et XXe siècles. — L’amnistie est souvent comparée à une
est la seule hypothèse dont la puissance est telle qu’elle peut, en réminiscence de la clémence dont pouvait autrefois faire usage
outre, arrêter l’exécution d’une peine. Les autres causes d’ex- le Roi, pour illustrer la magnanimité du pouvoir exécutif et de la
tinction des peines et d’effacement des condamnations ont un justice retenue (« Toute justice émane du Roi », Loysel, 4, Hen-
impact moins important. La grâce emporte seulement dispense ri ROLAND et Laurent BOYER, Adages du droit français, Litec,
d’exécuter la peine (C. pén., art. 133-7), la réhabilitation n’efface 4e éd., 1999, no 438, p. 886). Par assimilation au droit de grâce,
qu’une condamnation exécutée (C. pén., art. 133-1). Surpas- la Restauration attribua au pouvoir monarchique la prérogative
sant toutes les autres mesures d’indulgence, l’amnistie interdit, d’amnistier. La Constitution du 4 novembre 1848 (art. 55) distin-
de plus, de rappeler l’existence même de l’infraction commise gua à nouveau les deux institutions en revenant à l’amnistie par
ou de la condamnation prononcée. Force de l’oubli volontaire la forme législative. Dès 1852, Napoléon III attira à lui ce droit
ou instrument du pardon de la nation, l’amnistie est le plus ra- par essence régalien. Il faudra attendre la Constitution de 1875
dical et le plus efficace des moyens dont dispose le législateur, (art. 3) pour que l’amnistie redevienne monopole du législateur,

Rép. pén. Dalloz -4- octobre 2003


AMNISTIE

ce qu’elle demeurera jusqu’à aujourd’hui - excepté « l’éclipse » Commune à la guerre d’Algérie, Seuil, 2002, p. 363). L’expé-
du régime de Vichy - par les Constitutions du 27 octobre 1946 rience montre toutefois qu’il faut du temps pour que l’hypothèse
(art. 19) et du 4 octobre 1958 (art. 34). d’un éventuel pardon par la loi puisse être envisagée. Il apparaît
ainsi que l’assassinat du préfet Claude Érignac (6 févr. 1998) est
10. Une coupable confusion terminologique subsiste néanmoins une infraction trop grave, et surtout trop récente, pour qu’un élu
dans l’esprit de certains, qui persistent à employer le terme am- (A. Lipietz, Vert) puisse parler d’amnistie sans soulever l’émotion
nistie en lieu et place du terme grâce (V. par ex. Le Nouvel Ob- et le scandale. Le 8 février 2000, le Premier ministre affirmait
servateur, 1er août 2003 : « Au 1er août, le nombre d’emprison- devant les députés : « La question de l’amnistie que vous évo-
nés en France était repassé sous la barre des 60 000.756 per- quez n’est en rien, pour moi, une question que je me pose. (...)
sonnes ont déjà bénéficié de l’amnistie du 14 juillet »). L’exécutif Je ne sais pas ce que sera l’avenir, mais je l’affronterai en res-
tenterait-il subrepticement de revêtir des habits monarchiques ? ponsabilité d’État. En tout état de cause, la question que vous
L’hypothèse doit être rapidement écartée dans la mesure où l’ar- avez évoquée ne se pose pas à mes yeux aujourd’hui. » Le mot
ticle 34 de la Constitution réserve aujourd’hui à la loi, et donc au « aujourd’hui » laissait la porte ouverte à tous les lendemains...
Parlement, l’exclusivité de décider d’une amnistie. L’indulgence (question no 1845 de M. André René [RPR - Manche] et réponse
présidentielle du 14 juillet se matérialise par des grâces collec- publiées au JO 9 févr. 2000, p. 794).
tives (V. Grâce).
11. L’amnistie, instrument par essence exceptionnel, est pro- § 2. – Critiques.
gressivement devenue d’emploi habituel, à tel point qu’on es-
15. Critiques du principe de l’amnistie présidentielle. — L’étude
time qu’il y eut un texte d’amnistie tous les deux ans en moyenne
des lois d’amnistie votées, ne serait-ce que sous la Ve Répu-
depuis la Première Guerre mondiale. Rien que sous la Ve Ré-
blique, et la comparaison avec les scrutins présidentiels sont
publique, on note 24 lois ou décrets d’amnistie (in Code pénal
révélatrices. À toute élection son cortège de mesures d’indul-
Dalloz, ann., Vo Amnistie).
gence. L’expression de « tradition républicaine » est aujourd’hui
12. Ancien code pénal. — L’ancien code pénal ne comportait rentrée dans le vocabulaire courant (question écrite no 02032,
aucune disposition visant la notion d’amnistie. En conséquence, JO Sénat Q 20 oct. 1988, p. 1154, réponse du ministre de la
chaque loi ponctuelle établissait un cadre particulier, créant une Justice, JO Sénat Q16 févr. 1989, p. 282 : « L’amnistie ré-
matière extrêmement hétérogène. Chaque loi d’amnistie se suf- sulte en France d’une tradition républicaine désormais bien éta-
fisait à elle-même et ne pouvait être interprétée par référence à blie »). Au point qu’il est rarement imaginé qu’aucune amnistie
d’autres (R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 2, Pro- ne suive la désignation dans les urnes du plus haut magistrat
cédure pénale, Cujas, 5e éd. 2001, no 944, p. 1109). Néanmoins, de France. « Ces lois interviennent, le plus souvent, après une
certains points communs fondamentaux émergeaient, tels que élection présidentielle, et sont votées en guise de « joyeux avè-
l’interprétation restrictive et les effets d’ordre public imposant au nement ». B. MATHIEU, Fragments d’un droit constitutionnel de
juge d’appliquer d’office une loi d’amnistie dès que les conditions l’amnistie, Petites affiches 23 mars 1990, p. 2. Il faut néanmoins
en étaient réunies. rappeler que le vote d’une amnistie post-présidentielle suppose
une majorité parlementaire acquise au nouveau Président, ce
13. Code pénal actuel. — Suivant les inspirations de l’avant-pro- qui n’est pas définitivement certain dès lors que les élections lé-
jet du code pénal (1983), le législateur a introduit en 1992 dans gislatives suivent le scrutin présidentiel. Il reste que députés et
le code pénal actuel une section 3 : De l’amnistie (Livre 1er, sénateurs n’ont, pour l’heure, jamais fait défaut sur ce point aux
Dispositions générales, Titre III, Des peines, chap. III, De l’ex- présidents des 40 dernières années. Parmi les critiques visant
tinction des peines et de l’effacement des condamnations). Le les lois d’amnistie suivant les élections présidentielles, on relève
droit commun de l’amnistie tient donc désormais en trois articles généralement deux catégories d’arguments. Les premiers sont
(C. pén., art. 133-9, 133-10 et 133-11). L’article 133-9 expose fondés sur la nocivité de l’annonce de l’indulgence, les seconds
le principe de la remise de toutes les peines sans droit à resti- concernent les conséquences prétendument nuisibles de l’am-
tution. « L’amnistie efface les condamnations prononcées. Elle nistie (G. LORHO, Pour en finir avec l’amnistie, Dr. pén. 1994,
entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise chron. 44.1).
de toutes les peines. Elle rétablit l’auteur ou le complice de l’in-
fraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être accor- 16. Automaticité de l’amnistie présidentielle. — Sous la Ve Répu-
dé lors d’une condamnation antérieure » (C. pén., art. 133-9). blique, chaque élection présidentielle a été suivie d’une loi d’am-
L’article 133-10 reprend la règle classique de réserve des droits nistie (B. PY, Amnistie : le choix dans les dates, Dr. pén. 2002,
des tiers. « L’amnistie ne préjudicie pas aux tiers » (C. pén., chron. 12) ;... Loi no 59-940 du 31 juill. 1959 (Gaz. Pal. 1959.2,
art. 133-10). Enfin, l’article 133-11 prohibe toute référence à des doctr. 43, in code pénal Dalloz) ;... Loi no 66-409 du 18 juin
condamnations amnistiées. « Il est interdit à toute personne qui, 1966 (D. 1966.258, in code pénal Dalloz) ;... Loi no 69-700 du
dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance de condam- 30 juin 1969 (JO 1er juill. 1969, in code pénal Dalloz) ;... Loi
nations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles no 74-643 du 16 juill. 1974 (JO 17 juill., in code pénal Dal-
ou d’interdictions, déchéances et incapacités effacées par l’am- loz) ;... Loi no 81-736 du 4 août 1981 (JO 5 août, in code pénal
nistie, d’en rappeler l’existence sous quelque forme que ce soit Dalloz) ;... Loi no 88-828 du 20 juill. 1988 (JO 21 juill., in code pé-
ou d’en laisser subsister la mention dans un document quel- nal Dalloz) ;... Loi no 95-884 du 3 août 1995 (JO 6 août, in code
conque. Toutefois, les minutes des jugements, arrêts et déci- pénal Dalloz) ;... Loi no 2002-1062 du 6 août 2002 (JO 9 août, in
sions échappent à cette interdiction. En outre, l’amnistie ne met code pénal Dalloz).
pas obstacle à l’exécution de la publication ordonnée à titre de
réparation » (C. pén., art. 133-11). 17. Prévisibilité de l’amnistie présidentielle. — Un des fonde-
ments essentiels du principe de la légalité criminelle repose
14. Critiques du principe de l’amnistie « événementielle ». — sur les réactions psychologiques des justiciables. « Il convient
L’amnistie a toujours été une question qui a fait débat, suscité que la loi avertisse avant de frapper, de manière que le citoyen
polémiques et controverses, mais qui a toujours fini par s’impo- sache avant d’agir ce qui est permis et ce qui est interdit ; par
ser, contribuant ainsi à une tentative de refonder l’unité nationale sa préexistence, la loi pénale exerce sur la volonté humaine
après une crise majeure. Le principe de l’amnistie remonte aux une contrainte psychologique qui contrebalance les tendances
origines mêmes de la démocratie comme un moyen de rétablir délictuelles possibles de l’individu » (R. MERLE et A. VITU,
l’unité de la communauté politique (S. GACON, l’Amnistie, de la Traité de Droit criminel, t. 1 Droit pénal général, Cujas, 7e éd.,

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AMNISTIE

1997, no 153, p. 227). Malheureusement, si l’intelligence qu’en termes d’érosion de la peine, le poids de l’amnistie sur la
humaine conduit l’homme raisonnable à se projeter dans le durée de la peine d’emprisonnement ferme réellement effectuée
temps pour respecter les règles dont la transgression pourrait lui est quasiment nul (A. KENSEY, L’aménagement d’une peine
coûter, la réciproque est vraie. La certitude qu’une indulgence dans sa diversité, Cahier de démographie pénitentiaire, sept.
généralisée empêchera l’exécution de toute sanction aboutit 2003, Ministère de la Justice). Elle n’a qu’un effet, somme toute
inéluctablement à une diminution du respect de la règle. Ce également réduit, sur la non mise à exécution de très courtes
qui pose la question de l’automaticité de l’indulgence ou de la peines d’emprisonnement non encore exécutée. En cela, l’am-
prévisibilité de l’amnistie. nistie collective se distingue nettement de la grâce présidentielle
collective du 14 juillet (V. supra, no 10) qui, elle, a un impact
18. Amnistie présidentielle et accidents de la route. — C’est, réel sur le nombre de détenus libérés et la durée des peines
bien entendu, en matière de délinquance au volant que l’impact exécutées et qui est clairement utilisée par les pouvoirs publics
de l’anticipation peut être mesuré, compte tenu des analyses sta- pour limiter les effets désastreux de la surpopulation carcérale.
tistiques. La certitude d’être amnistié induit un relâchement de la Les chiffres annoncés lors des débats parlementaires et dans
vigilance des conducteurs, et donc un moindre respect du code la presse révèlent une confusion de la part de leurs auteurs
de la route. Ce phénomène n’est pas ignoré des autorités minis- entre les effets d’une grâce et d’une amnistie (exemple de
térielles. « ...Une brève revue des communiqués sur les bilans confusion émanant des parlementaires : « Au 1er janvier 2002,
diffusés pendant les premiers mois de 1995, période pendant 48 595 personnes étaient détenues en France, contre 47 837 au
laquelle la situation s’est détériorée sur les routes, en raison, 1er janvier 2001. Pour la première fois depuis 1997, le nombre
pour une grande part, de l’anticipation par les conducteurs des de détenus a augmenté d’une année sur l’autre. Cette évolution
effets attendus de l’amnistie présidentielle... » (question écrite s’est fortement accélérée au début de l’année 2002, puisque
no 17817 du 3 oct. 1996, p. 2541 ; Réponse ministère de l’Équi- les prisons françaises accueillaient 56 385 détenus le 1er juillet
pement, JO Sénat Q 5 déc. 1996, p. 3246). Les spécialistes dernier - ce nombre a diminué à la suite de l’amnistie , pour
de la sécurité routière imputent à ces dangereuses anticipations atteindre 53 680 le 1er octobre, mais a de nouveau augmenté
de l’amnistie plusieurs centaines de morts en période préélecto- ensuite pour s’établir à 54 438 le 1er novembre » [www.senat.fr]).
rale. Le chiffre de 700 morts a été cité (question écrite no 73260
de M. Sarre, JOAN Q 25 févr. 2002, p. 1043, réponse minis- 20. Débats et enjeux politiciens. — En ce qui concerne les
tère de l’Équipement et des Transports, JOAN Q 15 avril 2002, conséquences de l’amnistie, d’aucuns n’hésitent pas à assimiler
p. 2028). Pour des statistiques édifiantes, V. http://www.secu- le législateur à un fauteur de troubles, à un « pousse-au-crime ».
rite-routiere.org/Fiches/amnistie/statistique.htm : « La sécurité Il semble que la loi d’amnistie du 4 août 1981 a, par exemple, fait
routière en France - Bilan de l’année 2000 », La documentation l’objet d’une véritable campagne de discrédit systématique. Cer-
française 2001, p. 16. Voir aussi le texte publié dans Libération le tains auteurs de crimes étaient désignés comme « sortis sous
15 juin 1995 sous le titre : « Pas d’amnistie pour les morts ». Le Badinter ». Le 15 avril 1982, on pouvait lire dans France-Soir
professeur Claude Got dénonçait, dès 1988, un système pervers que « 10 % des "Badinter" sont déjà retournés en prison » et
en affirmant que « tout est organisé pour que les automobilistes que « près de la moitié des amnistiés ou libérés sont des réci-
ne respectent pas les règles de sécurité. (...) l’augmentation du divistes, souvent même des multirécidivistes » La chancellerie
nombre des victimes ? - Cette aggravation a des causes mul- répondait par l’intermédiaire de Paris-Match le 31 août 1982 que
tiples. (...) l’anticipation sur une tradition ridicule d’amnistie qui « les libérations accordées par la loi d’amnistie de l’été 1981
permet d’oublier le code de la route pendant quelques mois (...) » ont concerné des petits délinquants, dont le taux de récidive
(Le Monde, 6 août 1988, entretien avec le professeur Claude se situe actuellement entre 15 et 20 %, soit un pourcentage
Got, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne). La crédibilité et donc sensiblement égal à celui qui est constaté à la sortie normale de
l’autorité de la loi dépendent aussi de son application. L’amnistie, prison » En 1995, Le Figaro du 6 juin s’interroge sur le seuil à
dès lors qu’elle devient prévisible, en détruit et le symbole et l’effi- retenir pour l’amnistie « Chirac » : « En 1981, le seuil avait été
cacité. « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la fixé à six mois. C’était une première, et si cela avait eu l’avan-
chose qu’on veut défendre » (Armand Jean du Plessis, cardinal tage de vider les prisons, la sortie massive de délinquants et le
de Richelieu, 1585-1642, Mémoires). Il faut néanmoins être pru- nombre important de récidives avaient fait remonter l’insécurité
dent dans les propos que l’on peut tenir, car constitue un outrage de façon significative. » L’article fait également allusion à un
le fait de dire à une auxiliaire de police municipale dressant une nombre de récidives nettement plus élevé après une amnistie.
contravention pour stationnement interdit que son comportement En 2002, plusieurs voix s’élèvent pour réclamer des candidats
est « ubuesque » la veille d’une loi d’amnistie. Selon les magis- à la présidence de la République l’engagement de ne pas initier
trats d’Angers, cette remarque traduit un comportement incivique devant le Parlement de loi d’amnistie. L’Association des maires
inadmissible. Elle est, à elle seule, constitutive d’un outrage lors- de France demande ainsi à l’unanimité, lors de son 84e congrès,
qu’elle a pour effet de faire prendre conscience à l’agent chargé que l’on renonce à cette tradition (« Les édiles ne veulent plus
du respect des règles de circulation, que la mission qu’il a le d’amnistie présidentielle », Le Monde, 24 nov. 2001), tradition
devoir d’accomplir est parfaitement vaine et signe d’un dérègle- « qui constitue, on le sait bien, un encouragement à l’incivisme,
ment mental de type « ubuesque » (CA Angers, 14 sept. 1999, parce que chacun compte sur l’amnistie » (J.-P. Sueur, Sénat,
Juris-Data no 1999-110371). séance du 24 juill. 2002). Compte tenu des critiques de l’opi-
nion publique et de l’introduction du quinquennat qui rend les
19. Impact et coût de l’amnistie présidentielle. — Il très difficile élections présidentielles plus fréquentes, certains pensent que
d’évaluer l’impact économique de l’amnistie sur les finances la loi du 6 août 2002 est peut-être la dernière loi d’amnistie
publiques du fait du non-recouvrement d’un certain nombre systématique (V. infra, no 368 et s.).
d’amendes. S’il est, en effet, envisageable de calculer les
peines d’amendes prononcées et non exécutées, il est impos- § 3. – Méthodes d’interprétation.
sible de connaître le manque à gagner lié aux poursuites qui ne
seront pas engagées. Malgré tout, les diminutions de recettes 21. Il appartient au juge pénal, dès la promulgation d’une nou-
ont été évaluées à 300 000 000 € en se fondant sur l’expérience velle loi d’amnistie, de séparer les condamnés et les prévenus
de 1995 (A. Montebourg, JOAN 9 juill. 2002, p. 1880). En en deux groupes : les heureux oubliés de la répression, de par la
revanche, une étude, contrairement à une idée reçue, montre volonté du Parlement, et les autres. Concrètement, ce sont les
que l’effet de la loi d’amnistie d’août 2002 sur la libération de parquets et leurs greffes, chargés des poursuites mais égale-
condamnés détenus est très faible (à peine 1 %), alors même ment de la mise exécution des condamnations qui effectuent ce

Rép. pén. Dalloz -6- octobre 2003


AMNISTIE

tri, les juridictions n’intervenants qu’en cas de contestation. Les peine encourue, il faut entendre la peine que la juridiction sai-
enjeux sont parfois importants et les délais courts : par exemple, sie est susceptible de prononcer ; peu importe qu’en l’espèce, la
un condamné détenu et amnistié pourrait invoquer la détention mesure de restitution prononcée par le tribunal administratif de
arbitraire si au jour d’entrée en vigueur de la loi il n’est pas libé- Nice ait déjà été exécutée et ne soit plus susceptible d’être pro-
ré. Lorsque la loi est claire, l’interprétation est simple. Ainsi, la noncée par la juridiction répressive (Cass. crim. 18 févr. 2003,
loi du 4 août 1981, dont les dispositions doivent être interprétées no 02-85.771).
respectivement, n’avait-elle exclu expressément du bénéfice de
l’amnistie que les infractions concernant les armes des première 24. La méthode littérale qui suppose la perfection de la loi pé-
et quatrième catégories et non les munitions (Cass. crim. 26 avril nale a pourtant été écartée depuis 1930 par la Cour de cassa-
1984, no 83-92595, Bull. crim., no 145). tion (Cass. crim. 8 mars 1930, D. 1930.1.101, note P. Voirin,
La Cour approuvant les juges ayant rectifié le sens du décret
22. Lorsque le texte est plus obscur - et les lois d’amnistie, fruits du 11 nov. 1917 qui interdisait de descendre d’un train com-
de nombreux amendements parlementaires, le sont souvent -, plètement arrêté). Quant à la doctrine, elle a depuis longtemps
apparaît l’un des enjeux de l’interprétation des lois d’amnistie. démontré la dangerosité de l’interprétation littérale de la loi pé-
Le législateur ayant clairement affirmé son choix pour la mé- nale. Ainsi, trouve-t-on sous la plume de MM. Merle et Vitu l’ex-
thode d’interprétation stricte (« La loi pénale est d’interprétation pression de méthode « inexacte et stérilisante » (R. MERLE et
stricte », C. pén., art. 111-4), la doctrine affirme qu’il ne s’agit A. VITU, Traité de droit criminel, t. 1, Droit pénal général, 7e éd.,
pas d’un bouleversement, mais bien d’un prolongement des pra- Cujas 1997, no 169, p. 249) et chez d’autres auteurs, les qua-
tiques judiciaires préexistantes. Ce qui est également l’avis de lificatifs de méthode « défectueuse et impraticable » (G. VER-
la chancellerie : « Le principe de l’interprétation stricte de la loi MELLE, Le nouveau droit pénal, Dalloz 1994, p. 47), « fausse et
pénale est, pour le juge, l’une des conséquences majeures du artificielle » (W. JEANDIDIER, Droit pénal général, Montchres-
principe de légalité, il est d’ailleurs régulièrement réaffirmé par la tien, 2e éd.o 1991, no 123, p. 133), qui s’appuie « sur [des] prin-
jurisprudence. L’article 111-4 lui donne pour la première fois un cipes fallacieux » (J. PRADEL, Droit pénal général, Cujas, 8e éd.,
fondement légal » (Circ. du 14 mai 1993, portant commentaire no 166, p. 189).
des dispositions législatives du code pénal, in Code pénal Dalloz
Expert). Quelles que soient les dénominations qui aident à dis- B. – Interprétation analogique.
tinguer les méthodes d’interprétation, la Chambre criminelle de
la Cour de cassation a indiscutablement cherché à limiter toute 25. Interprétation favorable ou défavorable : exclusion de l’ana-
interprétation extensive des lois d’amnistie, à tel point qu’un au- logie. — En matière d’amnistie, la chambre criminelle a eu l’oc-
teur a raillé cette « petite guerre » entre le législateur et la juris- casion de rappeler son hostilité à la méthode d’interprétation par
prudence (M. PRALUS, L’ombre portée du nouveau code pénal, analogie. Elle a jugé qu’il était contraire au principe de l’inter-
JCP 1994. I. 3741, note 59), tandis qu’un autre fustigeait ces pe- prétation stricte des lois pénales de refuser le bénéfice de l’am-
tites avarices jurisprudentielles (J.-H. ROBERT, Les personnes nistie à des délits pour le seul motif qu’ils étaient connexes à
morales sont-elles amnistiables ?, Dr. pén. 1999, comm. 14). un crime lui-même non amnistié. C’eût été un cas d’analogie in
malam partem, totalement contraire au principe de légalité cri-
A. – Interprétation littérale. minelle. Aucun texte ou principe de droit n’exclut l’auteur d’un
délit entrant dans les prévisions de la loi d’amnistie, du bénéfice
23. Appréciation restrictive du champ d’application. — C’est prin- de celle-ci en raison de l’existence d’un lien de connexité entre
cipalement en ce qui concerne l’appréciation du champ d’appli- ce délit et un crime non amnistié (Cass. crim. 23 mars 1989,
cation des lois d’amnistie que la jurisprudence a été particuliè- no 89-80.112, D. 1989.518, note D. Mayer). Compte tenu de la
rement restrictive, au point de confiner parfois à une interpré- traditionnelle réticence de la jurisprudence par rapport à l’inter-
tation littérale. Ainsi, alors que la loi du 20 juillet 1988 amnis- prétation des lois d’amnistie, il n’est pas surprenant de constater
tie, selon une formule désormais classique « les délits pour les- que la chambre criminelle condamne également l’interprétation
quels seule une peine d’amende est encourue », la Chambre analogique in favorem d’une loi d’amnistie (Cass. crim. 4 janv.
criminelle exclut du bénéfice de la loi les délits pour lesquels, en 1990, no 89-84.726, Refus d’amnistier les contraventions pré-
sus de l’amende, une peine complémentaire, fut-elle facultative, vues par l’article 28 de l’ordonnance du 1er déc. 1986).
de publicité ou d’affichage est encourue (Cass. crim. 14 nov.
1989, D. 1990.175, 2 espèces ; 12 mai 1998, no 97-82.188, JCP C. – Interprétation téléologique.
1998. IV. 2752). Une interprétation bienveillante aurait pu affir-
mer que l’expression désignait les délits qui n’étaient pas punis 26. Rechercher la volonté du législateur. — Sur le plan de l’in-
peine d’une privative de liberté. Tel n’est pas le sens de la ju- terprétation d’une loi d’amnistie, la question principale concerne
risprudence. Est ainsi justifiée la décision de condamnation de les exclusions du champ d’application de l’amnistie en cas d’im-
prévenus du chef de complicité de publicité illicite en faveur du perfection de la loi. Le juge peut-il appliquer littéralement la loi,
tabac. Selon la Cour de cassation, les juges écartent à bon droit au risque de dénaturer la volonté du législateur, ou bien peut-il
le moyen de défense tiré de l’application de l’article 2 alinéa 1 de envisager d’autres méthodes d’interprétation ? L’auteur des faits
la loi d’amnistie du 3 août 1995, en relevant que le délit est punis- de délinquance, quant à lui, optera, au gré de ses intérêts, pour
sable d’une peine d’amende, mais aussi de mesures de suppres- l’une ou l’autre méthode, aucune n’étant en soi plus favorable.
sion, d’enlèvement ou de confiscation de la publicité interdite La question renvoie à l’idée même de justice ou plutôt à celle
aux frais des délinquants. Les prévenus ne sauraient prétendre de déni de justice. C’est parce que le juge doit rendre la jus-
que ces dernières mesures ne présentent pas le caractère d’une tice qu’il lui faut interpréter la loi, et c’est parce qu’il n’est pas
sanction pénale (Cass. crim. 6 mai 1998, no 97-83.339 ; 23 nov. un distributeur automatique de peines ou de constats d’amnistie
1999, no 98-87.458). Pour refuser au demandeur le bénéfice de qu’il doit rejeter la méthode littérale. En cas d’obscurité de la loi,
la loi d’amnistie du 3 août 1995, la Cour de cassation énonce que le juge du fond emploie alors la méthode dite « téléologique »
la circonstance que la remise en état des lieux avait été ordonnée ou « déclarative » (CA Nouméa, 9 avril 1996 ; 7 mai 1996, JCP
par le tribunal administratif, saisi de la contravention de grande 1997. II. 22860, note B. Py). Pour pallier l’imperfection de la loi
voirie, et avait été exécutée, n’a pas pour effet de faire entrer les du 3 août 1995 qui avait omis de tenir compte des spécificités
infractions prévues au code de l’urbanisme poursuivies devant le des textes applicables outre-mer, où certains codes visés par
juge répressif dans le champ de la loi d’amnistie, puisque ces dé- les exclusions de l’amnistie ne s’appliquaient pas, il fallait que
lits ne sont pas seulement passibles d’une peine d’amende. Par le juge élimine la méthode d’interprétation littérale. C’est-à-dire

octobre 2003 -7- Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

qu’il devait écarter dans la loi du 3 août 1995 la définition des aux textes d’incrimination pour rechercher ce que le législateur a
exclusions de l’amnistie par référence aux seuls textes métropo- entendu exclure de l’amnistie » (CA Nouméa préc.). Le juge du
litains. Pour pouvoir comparer les contenus des textes, le juge fond est alors amené à interpréter la loi d’amnistie à la lumière
devait faire abstraction des contenants. « Il convient de prendre des finalités de ladite loi, ce qui est caractéristique de la méthode
en considération l’incrimination elle-même et non les références téléologique.

CHAPITRE 1er
Conditions de l’amnistie.
27. Dans sa conception classique, l’amnistie, à la différence Sont également exclues en 2002 toutes les contraventions
de la grâce et de la réhabilitation qui ont un caractère person- des 5e, 4e et 3e classes prévues par le code de la route, ainsi
nel, avait un caractère réel, c’est-à-dire qu’elle produisait effet que les contraventions de la 2e classe relatives à la conduite
en considération, non pas de la qualité et des mérites des délin- ou à l’équipement des véhicules. Il s’ensuit que toutes les
quants, mais seulement en raison de la nature des infractions et contraventions donnant lieu à un retrait de points du permis
de l’époque où elles avaient été commises. Depuis la Première de conduire sont exclues de l’amnistie, ce qui a rendu inutile,
Guerre mondiale, une série de lois et décrets-lois est venue mo- contrairement à ce qui avait été prévu en 1995, des dispositions
difier les caractères de l’amnistie et lui ouvrir un large champ permettant le maintien des retraits de points de contraventions
d’application. Ces textes contemporains ont fait un très grand amnistiées.
emploi de l’amnistie classique à caractère réel, mais ils ont aus-
si institué une amnistie à caractère personnel. 31. La multiplicité des exclusions prévues par l’article 14 de la loi
du 6 août 2002 dépasse le simple vœu d’écarter de l’amnistie les
infractions susceptibles de mettre en danger la vie d’autrui (V. in-
SECTION 1re fra, no 391 et s.). Il a été relevé, par exemple, que certains délits
Infractions amnistiées. ayant entraîné des peines de prison ferme sont amnistiés, alors
que certaines infractions mineures au code de la route, telles que
ART. 1er. – INFRACTIONS AMNISTIABLES PAR NATURE.
les contraventions pour « échappement bruyant » sur les moby-
lettes, ne le sont pas (question écrite no 03127 de M. Boulaud,
28. Caractère général de l’amnistie. — Au moment de rédiger JO Sénat Q 10 oct. 2002, p. 2278, réponse ministre de la Jus-
une loi d’amnistie, quand il faut déterminer les infractions aux- tice, JO Sénat Q 19 déc. 2002, p. 3164). Par le jeu des alinéas 9,
quelles s’étendra l’indulgence par l’oubli, le législateur n’est en- 10, 42 et 45, l’amnistie des contraventions commises par les
travé par aucune limite. La plupart du temps, dans les textes conducteurs de véhicules automobiles se limite aux contraven-
contemporains, la loi d’amnistie s’applique à des masses d’in- tions de 1re classe, celles pour stationnement non autorisé (non
fractions mineures de droit commun dont le volume engorge les paiement du ticket horodateur) et seulement une faible partie de
prétoires. Mais il faut préciser que certaines lois ont ponctuelle- celles relatives au stationnement gênant (zone de livraison) vi-
ment amnistié des infractions très graves, y compris des délits sées par l’ancien article R. 37-1 (actuel R. 417-10) du code de
contre les personnes et même des crimes de sang relevant crimi- la route (amnistie d’une condamnation à 34 € pour infraction à la
nologiquement d’actions terroristes (V. infra, no 38, 100, 311 et s., réglementation sur le stationnement, Cass. crim. 8 janv. 2003,
325 et s.). Plus largement, l’étude des lois d’amnistie montre no 02-85.815). Ne sont pas amnistiées les contraventions de
qu’ont déjà bénéficié de la mansuétude légale des infractions de stationnement gênant sur les passages protégés ou les empla-
droit commun comme des infractions de nature politique ou des cements pour handicapés. Il est toutefois douteux que les ser-
infractions militaires. vices du Trésor public chargés du recouvrement des amendes
puissent faire la différence entre les différentes infractions fon-
29. Contraventions. — Catégorie la moins grave, dans la classi- dées sur cet article...
fication tripartite des infractions, les contraventions constituent le
domaine d’intervention privilégié des lois d’amnistie. Aux contra- 32. Outre la plupart des violations du code de la route, l’amnistie
ventions de police, sont presque toujours assimilées les contra- de droit des contraventions est encore limitée, du fait de l’ex-
ventions de grande voirie qui relèvent de la compétence des juri- clusion par l’article 14 de la loi du 6 août 2002 de nombreuses
dictions administratives (L. 30 juin 1969, art. 1 ; L. 16 juill. 1974, autres contraventions. On peut citer, par exemple : les contra-
art. 1 et 2 ; L. 4 août 1981, art. 1 et 2 ; L. 20 juill. 1988, art. 1 et ventions de la 5e classe commises en état de récidive légale, cer-
2 ; L. 3 août 1995, art. 1 et 2 ; L. 6 août 2002, art. 2). taines contraventions à la réglementation des transports routiers,
des contraventions d’atteintes involontaires à l’intégrité de la per-
30. Contraventions routières : moindre clémence. — À la sonne commises à l’occasion de la conduite d’un véhicule ou par
suite de l’implication du président de la République dans la un employeur par manquement aux obligations en matière de
lutte contre l’insécurité routière (http://www.elysee.fr), il faut santé et de sécurité des travailleurs, certaines contraventions en
remarquer l’évolution nettement décroissante de la clémence matière d’environnement, ou les contraventions ayant fait l’objet
des lois d’amnistie à l’égard des contraventions au code de la de la procédure d’opposition au transfert de carte grise.
route. Dès 1995, on pouvait relever l’exclusion du bénéfice
de l’amnistie pour les contraventions ayant donné lieu à un 33. Délits punissables exclusivement d’une amende. — Les
retrait de plus de trois points du permis de conduire (L. 3 août moins graves des délits, pour lesquels aucune peine d’emprison-
1995, art. 25-10). Pour cette raison, n’était plus amnistiable, par nement n’est prévue, ont toujours bénéficié de la bienveillance
exemple, la contravention de blessures involontaires (C. pén., des lois d’amnistie au titre des délits pour lesquels une peine
art. R. 625-2 ; C. route, art. R. 232-1) ou la contravention de d’amende est encourue. Toutefois, la particulière rigueur des in-
refus de céder le passage (C. route, art. R. 415-9). Sachant, terprétations jurisprudentielles a empêché le pardon des délits
par ailleurs, que la perte de points n’est pas considérée comme qui peuvent être sanctionnés de peines complémentaires, facul-
une sanction pénale et que toute mesure de réhabilitation ou tatives ou obligatoires (V. supra, no 21 et s.). Pour tenter de
de relèvement est exclue (V. Permis à points et J.-P. CÉRÉ, Le mettre un terme aux incertitudes d’interprétation, les deux der-
permis à points, Le droit au quotidien, L’Harmattan, 2001, p. 33). nières lois d’amnistie ont précisé la formule de description des

Rép. pén. Dalloz -8- octobre 2003


AMNISTIE

délits amnistiables. Sont désormais visés « les délits pour les- n’est maintenue en 2002, du fait de la suspension du service
quels seule une peine d’amende est encourue, à l’exception de national, qu’en ce qui concerne les délits de désertion commis
toute autre peine ou mesure » (L. 3 août 1995, art. 2 ; L. 6 août par un militaire de carrière ou servant en vertu d’un contrat, pour
2002, art. 2-2). La Cour de cassation précise que par sanc- lesquels il est exigé que l’auteur des faits se présente volontai-
tions complémentaires susceptibles de faire échec au bénéfice rement devant l’autorité militaire compétente avant le 31 déc.
de l’amnistie de plein droit, doivent s’entendre des peines et me- 2002 (art. 2-4 ; Circ. 6 août 2002, relative à l’application de la
sures relevant de la compétence de la juridiction répressive, ce L. no 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie, JO 10 août).
qui exclut, par exemple, une privation du droit de vote liée au
délit de non-déclaration de franchissement de seuil (Cass. crim. 37. Crime contre l’Humanité. — L’amnistie peut concerner toutes
14 mai 1996, BICC 438 ; 1er nov. 1996, 2 arrêts, Bull. crim., les infractions sans exception. Un crime contre l’humanité, bien
no 197 et 201). Le délit de coupe de bois abusive non conforme qu’imprescriptible, est susceptible d’être amnistié (Cass. crim.
au plan simple de gestion est puni d’une seule peine d’amende 1er avril 1993, no 92-82.273) : il s’agissait de faits commis en
par l’article L. 222-3 du code forestier. Il entre donc dans les pré- liaison avec les événements consécutifs à l’insurrection vietna-
visions de la loi d’amnistie du 3 août 1995. En effet, les mesures mienne, extinction de l’action publique par amnistie du fait de la
de reconstitution forestière qui peuvent être prescrites par l’auto- loi du 18 juin 1966 (D. 1993, IR 136). La Cour de cassation a
rité administrative ne font pas obstacle au bénéfice de l’amnistie également rejeté le pourvoi contre l’arrêt de confirmation de l’or-
(Cass. crim. 13 mai 1996, no 95-83.789). Le délit d’usage d’un donnance de refus d’informer d’un juge d’instruction, relative à
titre tendant à créer dans l’esprit du public une confusion avec une plainte avec constitution de partie civile pour crimes contre
les titres et professions réglementées sans remplir les conditions l’humanité, à raison des tortures et exécutions sommaires qu’un
enseignées pour le porter est punissable exclusivement d’une ancien militaire reconnaissait, dans un ouvrage, avoir ordonné
peine d’amende (L. 31 déc. 1971, art. 74). Bien que le préve- ou pratiqué sur la population civile durant la guerre d’Algérie.
nu ait créé, dans l’esprit du public, la confusion avec la profes- Selon la Cour, la chambre de l’instruction retient à bon droit que,
sion d’avocat, c’est à tort que les juges l’ont condamné au lieu entrant dans les prévisions de la loi du 31 juillet 1968 portant
de constater d’office l’extinction de l’action publique par amnis- amnistie, les faits dénoncés ne pouvaient être poursuivis sous
tie, en vertu de la loi du 3 août 1995 (Cass. crim. 9 avril 1998, la qualification de crimes contre l’humanité (Cass. crim. 17 juin
no 96-84.438). 2003, no 02-80.719).

34. On remarquera que les délits ayant fait l’objet d’une condam- 38. Terrorisme. — En l’absence de limite au pouvoir d’amnistier,
nation exclusivement à une amende sont amnistiés sans condi- le législateur n’est pas entravé par la gravité des faits commis.
tion lorsque l’amende ne dépasse pas 750 € et sous condition Si, d’ordinaire, les crimes contre les personnes (meurtre, assas-
de paiement au-delà (V. infra, no 116). sinat, mutilation, etc.) et contre les biens (incendie volontaire,
destruction par explosion, extorsion, etc.) n’entrent pas dans
35. Délits de presse. — Selon une habitude devenue coutu- le champ des prévisions légales, il existe des contre-exemples
mière, les lois d’amnistie contemporaines couvrent de leur bien- dans lesquels certains textes ont amnistié des faits susceptibles
veillance les infractions de presse (L. 4 août 1981, art. 2-6 ; d’être poursuivis sous la qualification d’actes de terrorisme
L. 20 juill. 1988, art. 2-6 ; L. 3 août 1995, art. 2-5 ; L. 6 août (Décr. 22 mars 1962, amnistiant toutes infractions commises en
2002, art. 2-3). On notera néanmoins les exceptions dorénavant vue d’apporter une aide à l’insurrection algérienne ; L. 90-33
prévues par l’article 14 de la loi du 6 août 2002 : délits d’apo- du 10 janv. 1990 relative aux infractions commises à l’occasion
logie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des d’événements survenus en Nouvelle-Calédonie, T.-S. RENOUX,
crimes et délits de collaboration avec l’ennemi, d’apologie ou de Revue française de droit constitutionnel, 1990, p. 323). On no-
provocation aux actes de terrorisme, de provocation à la discri- tera toutefois que le législateur est de plus en plus réticent à
mination, à la violence ou à la haine raciale, de révisionnisme, couvrir des bienfaits de l’oubli des infractions dont les auteurs
de diffamations et d’injures racistes (art. 14-18) et délits de diffa- paraissent ne pas mériter la moindre pitié. C’est pourquoi les
mations et injures envers les autorités publiques (art. 14-27). Au lois d’amnistie les plus récentes insistent désormais expressé-
bilan, la masse des infractions amnistiées en matière de presse ment sur le fait qu’elles excluent de leur application les faits de
sera constituée principalement des diffamations et injures en- terrorisme (L. 3 août 1995, art. 25-1o , L. 6 août 2002, art. 14-1).
vers des particuliers, prévues par la loi du 29 juillet 1881 (Cass. Précisons toutefois que ce constat ne lie pas le législateur pour
crim. 23 avril 2003, no 02-85.663 ; 6 mai 2003, no 02-80284 ; l’avenir.
20 mai 2003, no 02-83.451). La contravention d’injure non pu-
blique raciale (L. 29 juill. 1881, art. 65) est également amnistiée
(Cass. crim. 11 mars 2003, no 02-86.902, Bull. crim., no 62). ART. 2. – INFRACTIONS AMNISTIABLES AU QUANTUM.

36. Infractions militaires. — Parmi les infractions qui figurent 39. Outre l’amnistie qui profite aux auteurs de certaines infrac-
régulièrement au rang des bénéficiaires de l’amnistie, il faut ci- tions amnistiables par nature, le législateur dispose d’une autre
ter les infractions définies par le code de la justice militaire et modalité dans la détermination de son indulgence : l’amnistie
le code du service national. Le législateur a toujours accordé selon le taux de la peine ou amnistie au quantum. La loi tient
une attention toute particulière à essayer de favoriser par l’am- alors compte du montant de la sanction prononcée, abstraction
nistie le retour à la légalité de la part des « soldats perdus ». faite en général de la nature de l’infraction. Le taux de la peine
L’amnistie est alors un des moyens d’interrompre le cycle de la qui doit être pris en considération est celui qui a été fixé par la
clandestinité et de l’illégalité. « Oubli de la discorde contre ou- décision de condamnation. Un condamné ne peut pas bénéfi-
bli des torts » (P. RICŒUR, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Seuil cier de l’amnistie au quantum si la condamnation a été abaissée
2000, p. 586). De nombreux délits exclusivement susceptibles en deçà du maximum amnistiable du fait d’une mesure de grâce
d’être commis par des militaires sont ainsi couramment amnis- (Cass. crim. 8 nov. 1960, D. 1961.39 ; 14 juin 1976, Rev. sc.
tiés, tels que : le refus d’obéissance, l’insoumission, la déser- crim. 1977.805, obs. Larguier).
tion (L. 4 août 1981, art. 3 ; L. 20 juill. 1988, art. 4 ; L. 3 août
1995, art. 3 ; L. 6 août 2002, art. 2-4o , J. ROCHE-DAHAN, À 40. Variabilité du quantum. — Chaque loi d’amnistie définit des
propos de la loi no 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie, seuils de pénalités qui déterminent une frontière de gravité qu’il
D. 2002.2623). La condition de régularisation prévue en 1995 ne faut pas avoir franchi pour bénéficier de la mesure de clé-
pour certains de ces délits (V. infra, régularisation no 117, 376) mence. Il s’agit alors de pardonner globalement aux auteurs

octobre 2003 -9- Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

d’infractions considérées comme composantes de la « petite dé- 45. Il faut d’emblée préciser que l’ensemble des infractions am-
linquance ». Plusieurs lois avaient fixé comme critère des peines nistiables par leur contexte est soumis aux règles d’exclusion de
peu élevées : amendes, emprisonnement inférieur ou égal à l’amnistie prévues dans chaque loi. Il a été jugé, par exemple,
trois mois fermes ou un an avec sursis simple (L. no 69-700 du qu’en matière de fraude électorale, la disposition amnistiante ne
30 juin 1969 ; L. no 74-643 du 16 juill. 1974). La loi no 81-736 peut prévaloir sur l’exclusion (Cass. crim. 29 avril 1997, Dr. pén.
du 4 août 1981 augmenta sensiblement ces maxima, en am- 1997, comm. 127, obs. J.-H. Robert).
nistiant les condamnés à des peines d’emprisonnement ferme
inférieures ou égales à six mois ou quinze mois assortis du sur- 46. Par ailleurs, bien qu’aucune limite de gravité n’entrave la li-
sis simple. Un grand nombre d’auteurs de délits bénéficièrent berté du législateur, on constate un seuil d’indulgence dans les
de l’amnistie, suscitant critiques et polémiques (V. supra, no 15). lois les plus récentes. L’amnistie par le contexte est désormais
Dès la loi no 88-828 du 20 juillet 1988, le législateur est reve- expressément réservée à des délits punissables de moins de dix
nu à des seuils inférieurs : emprisonnement ferme inférieur ou ans d’emprisonnement (L. 3 août 1995, art. 2 ; L. 6 août 2002,
égal à quatre mois ou un an assorti du sursis simple. La loi art. 3). Il s’agit pour le législateur d’éviter l’amnistie de faits par-
no 95-884 du 3 août 1995 limita encore plus drastiquement ce ticulièrement graves qui, pour certains, étaient criminels avant
type d’amnistie en fixant le quantum à un emprisonnement de leur correctionnalisation par le code pénal actuel, comme le vol
trois mois fermes ou neuf mois assortis du sursis simple. La loi avec violence (C. pén., art. 311-6) ou certaines destructions de
no 2002-1062 du 6 août 2002, sans toucher au quantum de l’em- biens (C. pén., art. 322-6).
prisonnement ferme (3 mois), abaissa encore l’emprisonnement
assorti du sursis simple, fixé à six mois. L’indulgence décroît 47. Continuer à vivre ensemble. — La référence au contexte de
proportionnellement à l’abaissement du quantum. l’infraction comme condition de l’amnistie se trouve principale-
ment dans les lois d’amnistie événementielle, promulguées ex-
41. Combinaison de l’amnistie réelle et de l’amnistie au quan- pressément pour pardonner certains faits infractionnels qu’il ap-
tum. — Il peut arriver, par ailleurs, que l’amnistie réelle et l’amnis- paraît plus utile d’effacer que de souligner. Après des conflits
tie selon le taux de la peine se combinent dans un même texte. collectifs douloureux et violents, l’amnistie est alors l’instrument
Ainsi, l’article 28 de la loi du 4 août 1981 accorde-t-il l’amnistie d’effacement actif qui ouvre la possibilité de continuer à vivre en-
aux coupables de fraude fiscale lorsque les faits délictueux n’ont semble (Mai 1968, Nouvelle-Calédonie, par ex.). L’amnistie est
entraîné qu’une peine inférieure ou égale à trois mois d’empri- l’un des moyens d’interrompre le cycle des violences : « Oubli de
sonnement et que, par ailleurs, cette condamnation est devenue la discorde contre oubli des torts » (Paul RICŒUR, La mémoire,
définitive depuis plus de cinq ans. L’article 29-16o de la loi du l’histoire, l’oubli, Seuil 2000, p. 586). Mais les lois d’amnistie
20 juillet 1988 prévoit l’amnistie des délits et contraventions à la présidentielles emploient également cette technique de l’indul-
législation du travail lorsqu’ils ont fait l’objet, à titre de peine prin- gence fondée sur le contexte. On trouve ainsi, au gré des lois
cipale, d’une amende égale ou inférieure, à l’époque, à 2 500 F, régulièrement votées après un scrutin présidentiel, la référence
sous réserve du paiement de celle-ci et dès lors que la peine ré- à certaines situations conflictuelles sur lesquelles le législateur
sulte d’une condamnation devenue définitive depuis plus de trois souhaite étendre son pardon. Certaines situations sont conjonc-
ans. turelles, d’autres sont récurrentes.

42. Autres mesures et peines de références. — Les lois d’am- 48. De manière anecdotique, la loi du 4 août 1981 visait ainsi
nistie contemporaines font entrer dans le champ d’application de tacitement les délits commis à l’occasion des actions militantes
l’amnistie des mesures comme les dispenses de peines (C. pén., en faveur des radios libres (art. 2-7), ou par l’usage d’appareil de
art. 132-58 et 132-59) ou les peines alternatives à l’emprison- C-B (art. 2-8), tandis que la loi du 6 août 2002 amnistiait le délit
nement (C. pén., art. 131-5, 131-6, 131-8 et 131-11). Un seuil d’exercice illégal de la médecine commis à l’occasion de la pra-
identique est généralement retenu pour les peines avec empri- tique d’une activité d’ostéopathie ou de chiropraxie par des pro-
sonnement ferme et les peines assorties d’un sursis avec mise fessionnels qui remplissent les conditions d’exercice prévues par
à l’épreuve ou d’un sursis avec travail d’intérêt général. Il faut la loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades
noter que la peine de travail d’intérêt général et la peine assortie et à la qualité du système de santé (art. 3-2). Plus généralement,
d’un sursis-TIG ne sont désormais amnistiées que sous condi- sont visés par les lois les délits commis à l’occasion de conflits
tion de l’accomplissement de ce travail (V. infra , no 117, 376). du travail, de conflits relatifs à l’enseignement, de conflits pro-
fessionnels, en relation avec des élections ou en relation avec la
43. Il a été calculé que l’amnistie au quantum aurait permis d’ef- défense des rapatriés.
facer entre 1960 et 1988 environ 90 % des condamnations cor-
rectionnelles (J. ROCHE-DAHAN, L’amnistie en droit français,
Thèse droit, Aix-Marseille, 1994. Compte tenu de la complexi- § 1er. – Délits commis à l’occasion de conflits du travail.
té méthodologique de tels calculs [sources des données, objet
d’analyse, combinaison des diverses mesures créant un obs- 49. Les textes envisagent traditionnellement l’amnistie des délits
tacle à l’exécution des peines], et des études menées récem- commis à l’occasion de conflits du travail ou à l’occasion d’activi-
ment par A. KENSEY [préc., supra, no 19], il faut être prudent tés syndicales, y compris au cours de manifestations sur la voie
dans l’exploitation de tels chiffres). publique ou dans des lieux publics (L. 3 août 1995, art. 2-1 ;
L. 6 août 2002, art. 3-1). Sont bénéficiaires de ces dispositions
autant les employeurs que les employés, qu’ils soient salariés
ART. 3. – INFRACTIONS AMNISTIABLES PAR LEUR CONTEXTE. du secteur privé ou agents publics. La loi du 6 août a innové en
ajoutant à la liste des bénéficiaires les membres de professions
44. Indépendamment des infractions amnistiables par nature et libérales (art. 3-1) dont certains avaient manifesté avec vigueur
au quantum, le législateur sait isoler parmi les infractions com- au début du printemps 2002.
mises celles dont le contexte conduit à les faire bénéficier d’une
indulgence particulière. Parfois très graves, ces faits sont amnis- 50. Il appartient au juge d’apprécier si telle infraction est ou
tiés parce que leur sens doit être rattaché à telle ou telle circons- non liée à un conflit individuel ou collectif du travail (Cass. crim.
tance que la loi regarde avec mansuétude. Isolé et purement 17 mai 1983, Bull. crim., no 141 ; 16 janv. 2001, no 00-81.017).
individuel, tel acte serait punissable, alors même que « coloré » Les faits de vol commis par un clerc de notaire qui a soustrait par
par son contexte tel autre va bénéficier de l’amnistie. photocopies des documents de l’étude lorsqu’il a reçu la lettre

Rép. pén. Dalloz - 10 - octobre 2003


AMNISTIE

de convocation à l’entretien préalable à son licenciement, afin ou de conflits relatifs à l’enseignement, le législateur amnistie tra-
de les utiliser devant la juridiction prud’homale, ont été commis ditionnellement les délits en relation avec des conflits profession-
à l’occasion d’un conflit du travail (Cass. crim. 13 oct. 1998, nels de caractère industriel, agricole, rural, artisanal ou commer-
no 97-81.439, Bull. crim., no 256). Certains délits, bien que com- cial (L. 20 juill. 1988, art. 2-3 ; L. 3 août 1995, art. 2-3 ; L. 6 août
mis à l’occasion de l’exécution d’un contrat de travail, ne sont pas 2002, art. 3-4). Les lois ne distinguent généralement pas en
amnistiables, dès lors qu’ils n’ont aucun lien avec un conflit du fonction du lieu de commission, la plupart des faits amnistiables
travail. Sont exclus du bénéfice de l’amnistie l’auteur et le com- pouvant être commis, y compris au cours de manifestations sur
plice d’un faux en écriture privée ayant confectionné une fausse la voie publique ou dans des lieux publics (Cass. crim. 3 avril
attestation en vue de la production de cette pièce dans une ins- 1990, Dr. pén. 1990, comm. 259). La loi ne distinguant pas selon
tance prud’homale ou ils devaient assurer la défense, en qua- que le conflit est individuel ou collectif, il a été jugé qu’entrait dans
lité de délégués de leur syndicat, d’ouvriers agricoles en litige le champ d’application de l’amnistie (L. 3 août 1995, art. 2) une
avec leur employeur. La loi du 3 août 1981 n’a pas pour ob- altercation survenue entre le prévenu et le maire de la commune
jet et effet d’éteindre l’action publique pour tous délits commis à l’occasion d’opérations de remembrement, car les termes de la
avant le 22 mai 1981 par des personnes qui n’ont pas agi à l’oc- loi n’exigent pas que les conflits visés aient un caractère collectif
casion d’un conflit du travail en cours, mais l’ont provoqué par (CA Caen, 29 mai 1998, Juris-Data no 1998-042745).
leurs agissements (Cass. crim. 25 juin 1984, 83-93.503, Bull.
crim., no 239). 55. Exclusions. — On notera toutefois que, malgré la généralité
des termes employés, tous les conflits sociaux et toutes les in-
51. Il ne faut pas confondre l’infraction née d’un conflit avec fractions ne sont pas globalement amnistiés. Outre le seuil de
celle qui est accomplie indépendamment de toute revendication, gravité (délit punissable de moins de dix ans d’emprisonnement),
comme le délit de discrimination syndicale (Cass. crim. 7 févr. le législateur opère parfois un travail d’orfèvre pour éviter osten-
1989, no 87-91818, Bull. crim., no 54) ou le délit d’entrave aux siblement d’absoudre certains comportements. C’est ainsi qu’en
fonctions de délégué du personnel (CA Versailles, 19 oct. 1995, 1995, un amendement visant à étendre le bénéfice de l’amnis-
no 122-125, Gaz. Pal. 1996.1, somm. 11). L’exercice régulier tie aux conflits liés à l’environnement a été repoussé (séance
des fonctions de délégué du personnel ne constitue pas et ne 18 juill. 1995, JO Sénat CR 19 juill. 1995, p. 1070), le législateur
peut être assimilé à une activité syndicale ; il ne peut être réduit ne voulant pas amnistier les infractions commises par les mani-
à une activité revendicative (même arrêt). festants hostiles à la construction du tunnel du Somport. Parfois,
c’est par le jeu des exclusions de l’amnistie que la loi exprime la
volonté de ne pas pardonner certains délits commis à l’occasion
§ 2. – Délits commis à l’occasion de conflits
de manifestations publiques (V. infra, les exclusions no 391 et s.).
relatifs à l’enseignement.
On citera comme exemple d’exclusion de l’amnistie le délit d’en-
trave à l’interruption volontaire de grossesse souvent commis par
52. Depuis les événements du mois de mai 1968, il est de tradi- des « commandos anti-avortement » (L. 3 août 1995, art. 25-23 ;
tion que les lois d’amnistie bénéficient aux délits commis à l’oc- L. 6 août 2002, art. 14-26).
casion de conflits relatifs aux problèmes de l’enseignement. On
notera néanmoins que si la loi du 20 juillet 1988 ne citait que les
infractions commises à l’intérieur des établissements scolaires 56. D’autres exclusions viennent limiter l’amnistie d’infractions
ou universitaires (art. 2-4), la loi du 3 août 1995 (art. 2-2) et la commises en relation avec des conflits professionnels de ca-
loi du 6 août 2002 (art. 3-3) ne prévoient plus cette restriction. ractère industriel, agricole, rural, artisanal ou commercial. Sont
En conséquence, l’amnistie peut désormais profiter à des dé- ainsi généralement exclus du champ d’application de l’amnistie
lits commis à l’extérieur des établissements d’enseignement, par les délits d’apologie des crimes de guerre ou des crimes contre
l’humanité (L. 20 juill. 1988, 29-13 ; L. 3 août 1995, 25-16),
exemple au sein de manifestations sur la voie publique. Néan-
moins, comme en matière de conflit du travail, il faut démontrer les outrages à magistrat (L. 3 août 1995, art. 25-26), les vio-
l’existence d’un lien entre l’infraction commise et un conflit relatif lences contre les personnes dépositaires de l’autorité publique
à l’enseignement. Est exclue de l’amnistie pour défaut de lien (L. 6 août 2002, art. 14-27).
avec un conflit relatif au problème d’enseignement, l’agression
d’un enseignant victime de violences au volant de son véhicule, 57. C’est également en vertu d’une exclusion que M. José Bo-
dès lors que le prévenu ne justifie pas de l’existence d’un grief lié vé n’a pas pu bénéficier de la loi du 6 août 2002 portant am-
au comportement professionnel de la victime (CA Douai, 7 juin nistie. La qualité de représentant d’exploitants agricoles et le
1996, Juris-Data no 046234). caractère agricole ou rural des conflits auxquels il était mêlé au-
raient pu lui laisser espérer une amnistie fondée sur l’article 3
53. Contrefaçon à usage pédagogique. — Depuis 1988, des de la loi. Sa déception est probablement née de la lecture de
dispositions amnistiantes comparables visent les infractions de l’article 14-34 excluant du champ d’application de l’amnistie les
reproduction illicite d’œuvres ou d’usage de logiciels à des fins délits de destructions, dégradations ou détériorations aggravées
pédagogiques, sans but lucratif, commises par les enseignants prévus par les articles 322-2, 322-3 et 322-6 du code pénal, in-
(L. 20 juil.1988 art. 2-4 ; L. 3 août 1995, art. 2-2 ; L. 6 août 2002, fractions pour lesquelles il a été condamné. On observera que
art. 3-3). Le législateur couvre alors de son indulgence les délits des polémiques sur la non-amnistie ad hominem ont parcouru
de « piratage » (C. pén., art. 323-1 et s.) et de « photocopillage » les bancs du Parlement (JOAN, séance 10 juill. 2002, JO Sénat,
(contrefaçon, art. L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle) séance du 23 juill. 2002). La lecture des travaux parlementaires
commis par des pédagogues. Encore faut-il qu’ils aient été al- est édifiante pour mieux comprendre les divers sens du mot ré-
truistes et désintéressés, puisqu’il est nécessaire que ces infrac- conciliation, pourtant placé en exergue dans l’exposé des motifs
tions aient été commises sans but lucratif. de toute loi d’amnistie. Les débats sur ce sujet ne sont pas tout
à fait clos, compte tenu de la proposition de loi no 365 instau-
rant une amnistie sociale, déposée le 23 juin 2003 au Sénat par
§ 3. – Délits en relation avec des conflits professionnels de Mme Nicole BORVO. Avec peu d’espoir de succès, cette propo-
caractère industriel, agricole, rural, artisanal ou commercial. sition de loi vise : les délits commis « à l’occasion de conflits du
travail ou à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives de
54. Pour les mêmes motifs et par le même raisonnement que salariés, d’exploitants agricoles, d’agents publics et de membres
pour les infractions commises à l’occasion de conflits du travail de professions libérales, y compris au cours de manifestations

octobre 2003 - 11 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

sur la voie publique ou dans les lieux publics ». Les peines de § 5. – Délits en relation avec la défense des rapatriés.
M. José Bové seront certainement exécutées avant que ce texte
ne soit discuté (V. aussi Question orale sans débat no 0254S, 61. Dans le but de tenter d’apaiser les dernières tensions nées
JO Sénat Q 1er mai 2003, p. 2852, posée par Mme Blandin, avec de la guerre d’Algérie, chaque loi d’amnistie contemporaine in-
réponse par M. Bédier secrétaire d’État aux programmes immo- clut dans son champ d’application les délits commis en rela-
biliers de la justice, JO Sénat Q 28 mai 2003, p. 3667). tion avec la défense des droits et intérêts des Français rapatriés
d’outre-mer (L. 4 août 1981, art. 2-11 ; L. 20 juill. 1988, art. 2-8 ;
L. 3 août 1995, art. 2-2o , L. 6 août 2002, art. 3-6). Toute infrac-
§ 4. – Délits en relation avec des élections. tion commise par un groupe d’amis pieds-noirs ne remplit pas
forcément la condition légale. L’action menée par un comman-
58. En matière d’amnistie des infractions commises dans le do de rapatriés consistant à investir le domicile ayant appartenu
cadre de la vie politique, il faut distinguer la question spécifique à un membre de la communauté et vendu aux enchères pour
de l’amnistie des financements illicites et les dispositions récur- non-paiement des dettes consiste en une violation de domicile.
rentes que contiennent les lois d’amnistie présidentielles au pro- La loi du 27 mai 1988 prévoyant l’amnistie des « infractions com-
fit des infractions en relation avec des élections. Il existe, en ef- mises en relation avec la défense des droits et des intérêts des
fet, un véritable renversement de tendance en ce qui concerne Français rapatriés d’outre-mer » ne peut s’appliquer que si les
les infractions en relation avec le financement direct ou indi- prévenus apportent la preuve que la mise en vente et l’adjudi-
rect de campagnes électorales ou de partis politiques qui, après cation du domicile investi ont été la conséquence de la situation
une période de particulière clémence, sont désormais regardées de rapatrié du propriétaire « dépossédé », mais tel n’est pas le
comme ne méritant aucune bienveillance du législateur. Sur le cas en l’espèce (CA Aix-en-Provence, 18 nov. 1991, Juris-Data
plan strictement électoral, sont généralement amnistiées les in- no 1991-048155).
fractions en relation avec les élections de toute nature, ce qui
peut englober aussi bien les scrutins politiques locaux ou na-
tionaux que les scrutins professionnels, prud’homaux ou consu- § 6. – Délit d’exercice illégal de la médecine.
laires (L. 20 juill. 1988, art. 2-4 ; L. 3 août 1995, art. 2-2 ; L. 6 août
2002, art. 3-5). Il a été jugé que n’étaient pas en relation avec 62. Ostéopathie ou chiropraxie. — Le 2o de l’article 3 de la loi du
des élections les infractions commises dans le but de porter at- 6 août 2002, qui résulte d’un amendement parlementaire, prévoit
teinte au crédit d’un syndicat étudiant en dehors de toute cam- l’amnistie des délits d’exercice illégal de la médecine commis à
pagne électorale universitaire (T. corr. Nancy, 16 oct. 2000, Ju- l’occasion de la pratique d’une activité d’ostéopathie ou de chi-
ris-Data no 2000-181545). La loi du 20 juillet 1988 avait exclu ropraxie par des professionnels qui remplissent les conditions
les délits concernant le vote par procuration et par correspon- d’exercice prévues par la loi no 2002-303 du 4 mars 2002 rela-
dance (art. 2-5), ce qui n’apparaît plus dans les lois ultérieures, tive aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
lesquelles excluent globalement les principales fraudes électo- Le Parlement a en effet considéré que la consécration de cette
rales (L. 3 août 1995, art. 25-7 ; L. 6 août 2002, art. 14-8). profession par la loi du 4 mars 2002 justifiait l’amnistie des per-
sonnes ayant été condamnées par le passé pour exercice illégal
59. Sont exclues par nature du bénéfice de loi du 3 août 1995, de la médecine, alors même qu’elles remplissaient à l’époque
aux termes de laquelle sont amnistiés les délits en relation avec les conditions de diplôme exigées par les nouveaux textes, ce
des élections de toute nature, les infractions prévues par les ar- que les intéressés doivent donc justifier auprès du procureur de
ticles L. 88 et L. 113 du code électoral réprimant les fraudes élec- la République s’ils demandent à bénéficier de l’amnistie.
torales, fondement en l’espèce de la plainte avec constitution de
partie civile (Cass. crim. 29 avril 1997, no 96-83.365). ART. 4. – FAUTES PROFESSIONNELLES ET SANCTIONS
DISCIPLINAIRES.
60. Selon la Cour de cassation, la relation avec les élections
n’est pas nécessairement directe. L’article 2-5 de la loi d’am- 63. Fautes professionnelles sanctionnées ou fautes passibles
nistie du 20 juillet 1988 déclare amnistiés, à l’exception des in- de sanctions disciplinaires. — Le champ d’application de la plu-
fractions qu’elle énumère, les délits en relation avec les élec- part des lois d’amnistie dépasse les seules infractions à la loi
tions de toute nature, sans exiger que cette relation soit directe. pénale pour inclure les faits pouvant constituer des fautes pas-
Dès lors, justifie sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer sibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles (L. 4 août
éteinte l’action publique par amnistie, observe que les délits de 1981, art. 13 à 16 ; L. 20 juill. 1988, art. 14 à 18 ; L. 3 août
coups et blessures volontaires, dégradation volontaire de véhi- 1995, art. 14 ; L. 6 août 2002, art. 11). Les textes ont cou-
cule et non-assistance à personne en danger ont été commis tume de viser non seulement les sanctions prononcées (faits
pendant la campagne électorale, devant les panneaux électo- passibles de sanction), mais aussi les fautes non encore sanc-
raux, par des militants et sympathisants de partis politiques op- tionnées (faits susceptibles d’être passibles de sanction), qu’il ne
posés à propos d’affiches recouvertes ou déchirées et que la faut pas confondre avec l’amnistie des infractions pénales com-
dissimulation de traces imputée à certains des prévenus n’est mises dans le contexte d’un conflit professionnel (V. supra, no 49
que la suite et la conséquence des infractions précédentes, com- et s.).
mises par des militants qui avaient participé à l’ensemble de la
tournée organisée par leur parti politique, dans le dessein de 64. Sont généralement visés par les lois d’amnistie les faits en
permettre à leur ami de tenter d’échapper à la responsabilité dé- tant qu’ils constituent des fautes passibles de sanctions discipli-
coulant des actes commis pendant cette tournée (Cass. crim. naires ou professionnelles ou qu’ils sont retenus, ou susceptibles
23 mars 1989, no 89-80.112, D. 1989.518, note Mayer ; Rev. d’être retenus, comme motifs de sanctions prononcées par un
sc. crim. 1989.723, note A. VITU). La lecture de la jurispru- employeur. Ces fautes sont amnistiées de plein droit sous deux
dence confirme que les bagarres entre colleurs d’affiches sont réserves traditionnelles. En premier lieu, lorsque ces faits ont
habituelles lors des campagnes électorales. Sont amnistiées en également donné lieu à une condamnation pénale, leur amnis-
vertu de la loi du 3 août 1995, parce qu’elles étaient en relation tie est subordonnée à l’amnistie de la condamnation. En second
avec les élections cantonales, les infractions de violences exer- lieu, les fautes constituant des manquements à la probité, aux
cées à l’encontre de membres d’une délégation venue protester bonnes mœurs ou à l’honneur ne peuvent être amnistiées que
contre les graffitis obscènes apposés sur des affiches de candi- par une mesure individuelle du président de la République (V. in-
dats (Cass. crim. 6 janv. 1998, no 97-81.466). fra, no 403 et s.).

Rép. pén. Dalloz - 12 - octobre 2003


AMNISTIE

§ 1er. – Faute professionnelle constituant une infraction pénale. no 164294, D. 1998, IR 181 ; 21 oct. 1998, no 177424 ; 19 mai
2000, no 180092).
65. Dans cette hypothèse où un fait unique est à la fois une faute
et une infraction, l’amnistie « disciplinaire » est dépendante de § 3. – Élèves et étudiants.
l’amnistie « pénale ». Si le professionnel ne bénéficie pas de
l’amnistie de sa condamnation pénale, dans l’hypothèse d’une 69. Les étudiants ou élèves des établissements universitaires
infraction exclue de l’amnistie par exemple, il ne profite pas non ou scolaires auteurs de faits ayant donné lieu, ou pouvant don-
plus de l’amnistie sur le plan disciplinaire. Ainsi, par exemple, ner lieu, à des sanctions disciplinaires avaient bénéficié de l’am-
un salarié qui aurait commis des actes de harcèlement moral nistie aux termes de l’article 15 de la loi du 4 août 1981 et de
définis à l’article L. 122-49 du code du travail et réprimés par l’article 16 de la loi du 20 juillet 1988. Ces même textes avaient
l’article 222-33-2 du code pénal pourrait néanmoins être sanc- aussi accordé aux étudiants ou élèves frappés de sanctions dis-
tionné disciplinairement, dès lors que le projet de loi a exclu ce ciplinaires un droit à réintégration dans l’établissement auquel ils
type d’infraction pénale du champ de l’amnistie (L. 6 août 2002, appartenaient. Mais les intéressés devaient apporter la preuve
art. 14-11). que leurs études ne pourraient être continuées dans un autre
établissement. Ces dispositions n’ont pas été reprises ni dans
66. Exception : réhabilitation. — Toutefois, dans la loi du 6 août la loi du 3 août 1995, ni dans celle du 6 août 2002. La loi du
2002, le législateur a prévu une dérogation nouvelle à ce mé- 6 août 2002 précise seulement dans son article 11 que sont
canisme. En cas de condamnation pénale, l’amnistie s’applique comprises dans le champ d’application de l’amnistie les sanc-
également, ce qui constitue une nouveauté par rapport à la loi tions disciplinaires prononcées à l’encontre des élèves par des
de 1995, si est intervenue la réhabilitation - légale ou judiciaire - établissements d’enseignement français à l’étranger visés à l’ar-
du condamné. Cette innovation est justifiée par les dispositions ticle L. 451-1 du code de l’éducation ou entrant dans le champ de
de l’article 133-16 du code pénal qui prévoit que la réhabilita- compétence de l’Agence pour l’enseignement français à l’étran-
tion produit les mêmes effets que l’amnistie. Dans une telle hy- ger visé aux articles L. 452-2 à L. 452-5 de ce code (Circ. 6 août
pothèse, l’amnistie des sanctions disciplinaires ou profession- 2002 relative à l’application de la L. no 2002-1062 du 6 août 2002
nelles jouera de plein droit, même s’il s’agit de faits qui n’auraient portant amnistie, JO 10 août 2002, p. 13715).
pu être amnistiés en raison du quantum de la peine prononcée
ou parce qu’ils faisaient partie de la liste des exclusions de l’ar-
ticle 14 (Circ. crim. 2002-13 E8 du 6 août 2002, art. 3, BOMJ, § 4. – Amnistie et droit du travail.
no 88, 2002). Bien évidemment, s’agissant de faits exclus par
l’article 14, il appartient, en pratique, à l’employé d’informer son 70. Un des apports les plus remarqués du législateur contem-
employeur du fait que la condamnation pénale prononcée contre porain a été l’extension de l’amnistie au domaine des relations
lui a fait l’objet d’une réhabilitation s’il souhaite bénéficier de l’am- contractuelles du travail. En effet, jusqu’à la loi du 4 août 1981,
nistie ; l’employeur ne pouvant, par lui-même, connaître l’exis- seuls les employés du secteur public bénéficiaient de l’amnistie
tence d’une telle réhabilitation (Circ. DRT no 2002-17 du 16 sept. des sanctions disciplinaires. Il était néanmoins admis que l’am-
2002 relative à l’application de la L. no 2002-1062 du 6 août 2002 nistie profitait également aux sanctions prononcées par des ju-
portant amnistie, Bulletin Officiel du Travail, de l’Emploi et de la ridictions professionnelles ou des autorités administratives ainsi
Formation Professionnelle, no 2002/20 du 5 nov. 2002, art. 2.1). qu’aux sanctions émanant de personnes de droit privé chargées
d’une mission de service public, par exemple les décisions prises
67. Par ailleurs, sont traditionnellement exclues de l’amnistie par des fédérations sportives à l’encontre de leurs membres. La
de plein droit des fautes professionnelles et sanctions discipli- loi du 4 août 1981 (art. 14-1), tout comme la loi du 20 juillet 1988
naires, les faits contraires à la probité, à l’honneur ou aux bonnes (art. 15-1), la loi du 3 août 1995 (art. 15) et la loi du 6 août 2002
mœurs. Leurs auteurs conservent néanmoins la possibilité d’ob- (art. 11) ont déclaré amnistiés les faits retenus ou susceptibles
tenir le bénéfice de l’amnistie par mesure individuelle ou grâce d’être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un
amnistiante. La demande d’amnistie peut être présentée par employeur, personne physique ou morale de droit privé. Cer-
toute personne intéressée dans un délai d’un an à compter soit tains ont relevé qu’avait ainsi été atteint l’objectif d’harmoniser la
de la promulgation de la loi, soit de la condamnation définitive situation des travailleurs du secteur privé avec celle des fonction-
(L. 3 août 1995, art. 14 ; L. 6 août 2002, art. 11). naires et agents du secteur public (V. Ch. PETITTI, L’amnistie en
matière sociale, Gaz. Pal. 1988.2, doctr. 620).

§ 2. – Sanctions des autorités administratives indépendantes. A. – Salariés concernés.

68. Le législateur ayant voulu moraliser la place financière de 71. L’amnistie s’applique à tous les salariés qui se trouvent
Paris, il convient de noter que la loi du 6 août 2002 (art. 14-46) vis-à-vis de leur employeur dans une relation contractuelle régie
exclut de l’amnistie les faits ayant donné lieu, ou qui donneront par le droit privé. On peut considérer que la loi d’amnistie vise
lieu, à des sanctions disciplinaires ou professionnelles pronon- l’ensemble des salariés qui, sous réserve de remplir les autres
cées par la Commission bancaire, la Commission des opérations conditions prévues à l’article L. 513-1 du code du travail, auraient
de bourse (COB), le Conseil des marchés financiers (CMF ; COB qualité pour être électeurs aux conseils de prud’hommes (V. Circ.
et CMF devenus Autorité des marchés financiers [C. mon. fin., DRT 2002-07 du 16 sept. 2002, chap. 1, sect. 3). Les règles ap-
art. L. 621-1 et s.]), le Conseil de discipline de la gestion finan- plicables à une entreprise en vertu de la loi d’amnistie s’applique-
cière, la Commission de contrôle des assurances et la Commis- ront dans les mêmes conditions à l’entreprise assurant la pour-
sion de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance. suite des contrats de travail par application de l’article L. 122-12
Cette exclusion, qui ne porte pas sur des infractions pénales, du code du travail.
ne présente d’intérêt qu’en ce qui concerne l’amnistie des sanc-
tions professionnelles ou disciplinaires prévues par l’article 11 de B. – Fautes amnistiées : principes.
la loi, dans la mesure où les organismes précités sont suscep-
tibles de prononcer de telles sanctions (distinctes des sanctions 72. En ce qui concerne les fautes liées à l’exécution d’un contrat
administratives qui, en tout état de cause, n’entrent pas dans le de travail, les fautes amnistiées sont les faits retenus, ou suscep-
champ de l’amnistie). Sous l’empire de la loi du 3 août 1995, tibles d’être retenus, comme motifs de sanction, qu’il s’agisse de
plusieurs contentieux avaient été tranchés (V. CE 4 mai 1998, fautes commises en matière d’obligations professionnelles, de

octobre 2003 - 13 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

discipline, de fautes commises dans l’exercice d’un mandat de délai toutes mesures utiles pour se mettre en conformité avec
représentation du personnel, voire de fautes susceptibles d’être la loi, et sans qu’il y ait lieu à avertissement préalable. En cas
qualifiées de fautes lourdes. de poursuite d’activité, dans le cadre d’un transfert d’entreprise
par application de l’article L. 122-12, paragraphe 2, du code
73. La définition du fait professionnel amnistiable est à mettre du travail, les effets de l’amnistie ne sont pas modifiés du fait
en parallèle avec celle donnée par l’article L. 122-40 du code de ce changement : les obligations qui pesaient sur le cédant
du travail aux termes duquel « constitue une sanction toute me- sont supportées par le cessionnaire. Le contrôle de l’inspection
sure, autre que des observations verbales, prise par l’employeur du travail s’opérera soit à l’occasion des visites régulières des
à la suite d’un agissement du salarié considéré par lui comme entreprises, soit sur demande des salariés concernés ou de
fautif » Il faut rappeler que la notion de faute est large et peut en- leurs représentants, soit à l’occasion de demandes d’autori-
glober de simples erreurs commises par le salarié comme des sation de licenciement ou de tout autre motif d’investigation.
fautes intentionnelles. La plupart des fautes professionnelles ne Si peuvent être adressés des courriers de portée générale,
constituent pas des infractions pénales. Ainsi, l’employeur qui rappelant aux employeurs l’existence de la loi et ses effets,
reproche au salarié diverses erreurs et le met en demeure d’ap- il ne peut être adressé aux entreprises des courriers appe-
porter un maximum de soins à la réalisation des travaux qui lui lant l’attention du chef d’entreprise sur l’application de la loi
sont confiés sanctionne un comportement fautif, mais non infrac- d’amnistie à un ou plusieurs salariés désignés, pour lesquels
tionnel (Cass. soc. 13 oct. 1993, no 92-40.955). l’agent de contrôle n’aurait personnellement constaté aucune
infraction (F. DUQUESNE, L’amnistie des fautes disciplinaires
74. En ce qui concerne les fautes commises et non encore des salariés, réflexion sur les sources du pouvoir de sanction
sanctionnées, l’amnistie est d’une portée limitée, compte tenu dans l’entreprise privée, droit social, 2002, no 11, p. 959).
de la prescription de deux mois des fautes disciplinaires conte-
nue dans l’article L. 122-44 du code du travail. Ce délai de deux 77. La consultation des dossiers est une prérogative des seuls
mois court à compter de la commission des faits ou de la date à agents de l’inspection du travail. Les dossiers seront consultés
laquelle l’employeur en a eu connaissance. C’est à l’employeur sur place. Il y aura lieu d’éviter tout transfert de documents à
qu’il appartient de rapporter la preuve de la connaissance de ces l’extérieur de l’entreprise pour ne pas engager la responsabilité
faits dans les deux mois ayant précédé l’engagement des pour- du service en cas de disparition de documents ou d’indiscrétion
suites disciplinaires (Cass. soc. 13 juin 2001, no 99-43.069 et sur des aspects personnels et confidentiels des dossiers. L’objet
99-43.070). Par contre, le délai ne s’applique pas lorsque les du contrôle est de s’assurer qu’ont bien été retirées ou rendues
faits donnent lieu à l’exercice de poursuites pénales. En ce qui illisibles toutes les mentions de sanctions prononcées pour des
concerne des sanctions anciennes, elles bénéficient d’un mé- faits amnistiés. Le contrôle ne peut cependant s’exercer que
canisme spécifique d’effacement prévu à l’article L. 122-44 du sur le retrait des mentions relatives aux sanctions définitives. Il
code du travail aux termes duquel « aucune sanction antérieure convient que l’agent de contrôle s’abstienne d’intervenir si l’em-
de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ployeur établit que la sanction prise a donné lieu à un contentieux
ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction ». qui, à la date de promulgation de la loi, serait pendant devant
les juridictions administratives ou judiciaires. Une intervention
C. – Rôle de l’inspecteur du travail.
de l’agent de contrôle constituerait, en effet, une intrusion dans
75. L’inspection du travail est chargée de veiller à ce qu’il ne la procédure juridictionnelle. La loi ne fixe pas de délai pour le
puisse être fait état des fautes amnistiées. À cet effet, elle s’as- contrôle des dossiers individuels des salariés par l’inspecteur du
sure du retrait des mentions relatives à ces sanctions dans les travail. La conservation des sanctions amnistiées doit être consi-
dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui béné- dérée comme un délit continu, qui peut être constaté sans limite
ficient de l’amnistie (L. 3 août 1995, art. 15 ; L. 6 août 2002, de durée.
art. 12). En ce qui concerne les mentions figurant dans les pro-
cès-verbaux des comités d’entreprise ou sur les registres spé- 78. La loi d’amnistie confère à l’agent de contrôle le droit de se
ciaux des délégués du personnel, une distinction doit être faite faire présenter tout document susceptible de faire référence aux
entre les mentions des sanctions déjà intervenues et celles des sanctions consécutives à des faits amnistiés. L’employeur qui
sanctions simplement envisagées, comme c’est le cas lorsque refuserait de communiquer ces documents, notamment au motif
l’employeur consulte une commission de discipline ou le comité que ceux-ci ne contiennent aucune mention des sanctions, com-
d’entreprise sur le licenciement d’un représentant du personnel. mettrait le délit d’obstacle réprimé par l’article L. 631-1 du code
Pour les premières, puisque l’article 12 de la loi impose le retrait du travail. Lorsque l’inspecteur ou le contrôleur du travail consta-
des mentions de sanctions dans les dossiers de toute nature, tera qu’un dossier comporte des mentions contraires à la loi, il
la mention des sanctions figurant dans les procès-verbaux des lui appartiendra de décider en fonction de chaque situation s’il
réunions des comités d’entreprise et sur les registres spéciaux fait redresser l’erreur ou l’omission, ou s’il en avise le procureur
des délégués du personnel doit être retirée ou effacée (V. infra, de la République en lui transmettant tous les renseignements re-
no 197 et s.). Il appartient donc aux responsables de la tenue cueillis, par mise en œuvre de l’article 40 du code de procédure
de ces documents de procéder au retrait de ces mentions. Les pénale. La gestion de données dématérialisées, notamment par
secondes, en revanche, ne constituent pas juridiquement des application des articles L. 620-7, L. 611-9 ou L. 212-1-1 du code
sanctions. La délibération du comité d’entreprise ne constitue, du travail, n’est pas de nature à constituer un motif légitimant la
en effet, qu’une procédure préalable à la mesure de licencie- non-application de la loi.
ment. Il semble donc, sous réserve de l’appréciation du juge,
que les procès-verbaux n’auront pas à être expurgés, à condi- 79. Ne sont susceptibles d’être amnistiés que les faits constitutifs
tion qu’ils relatent des faits sans que les sanctions apparaissent de fautes passibles de sanction disciplinaire et professionnelle.
comme acquises (Circ. DRT no 2002-17 du 16 sept. 2002 rela- L’inaptitude et les insuffisances professionnelles ne constituent
tive à l’application de la L. no 2002-1062 du 6 août 2002 portant pas, par elles-mêmes, des fautes et, dès lors, la lettre du 3 février
amnistie, Bulletin Officiel du Travail, de l’Emploi et de la Forma- 1995 n’imputant à la salariée que des insuffisances profession-
tion Professionnelle, no 2002.20 du 5 nov. 2002, art. 2.5.1). nelles sans qu’aucun comportement fautif de sa part soit allé-
gué, ne peut légalement servir de soutien à la condamnation du
76. L’étendue du contrôle de l’inspecteur du travail. — Les chef de violation de la loi d’amnistie (Cass. crim. 21 mars 2000,
chefs d’entreprise doivent donc, si nécessaire, prendre sans no 98-84.714, Bull. crim., no 128).

Rép. pén. Dalloz - 14 - octobre 2003


AMNISTIE

D. – Typologie de fautes amnistiées. Une décision de mutation d’office n’est pas une sanction discipli-
naire, mais une mesure prise dans l’intérêt du service, et ne peut,
80. N’ont pas été amnistiés :... l’installation par un salarié à ce titre, être couverte par l’amnistie (CAA Nancy, 7 mai 2002,
d’un dispositif d’écoute destiné à enregistrer les conversations no 97NC00854). Une notation litigieuse ne constitue ni une sanc-
de ses supérieurs hiérarchiques (Cass. soc. 26 févr. 2002, tion disciplinaire, ni une sanction professionnelle au sens de la
no 00-41.064) ;... le fait pour un salarié courtier en bourse de loi du 3 août 1995 (CAA Nancy, 26 sept. 2002, no 97NC01157).
fournir à un concurrent de son employeur des informations
immédiatement exploitables, et pour certaines confidentielles 85. Conséquences sur les poursuites disciplinaires. — Confor-
(Cass. soc. 22 nov. 2000, no 98-44.279) ;... le fait de faire mément aux principes généraux qui gouvernent la matière, une
supporter à son employeur des dépenses que le salarié ex- loi d’amnistie n’a aucune incidence sur les sanctions discipli-
posait dans son intérêt personnel ou dans celui de sa femme, naires notifiées et a fortiori exécutées avant l’entrée en vigueur
en s’employant à le dissimuler en comptabilité (Cass. soc. de la loi. Une action contentieuse devient sans objet, sauf si
13 juin 2001, no 99-43.069 et 99-43.070). N’est pas davantage l’agent public prouve qu’il a subi, du fait de cette sanction, un
amnistiée, en l’absence de comportement fautif du salarié, préjudice devant être indemnisé (V. infra, no 145 et s.).
l’insuffisance professionnelle (CE 29 déc. 1995, no 153452,
Cass. soc. 30 avril 2003, no 01-42.139) susceptible de fonder 86. Lorsque les faits ne sont pas amnistiés, mais que la sanction
un licenciement. Les fautes susceptibles d’être qualifiées de est annulée par le juge administratif : il convient de reprendre la
fautes lourdes sont amnistiées, dès lors qu’elles n’entrent pas procédure disciplinaire pour pouvoir à nouveau prononcer une
dans les catégories de fautes expressément écartées de la loi sanction. La loi d’amnistie apporte, en effet, une modification des
d’amnistie (CE 21 déc. 1994, Sté Fabre, no 107045). circonstances de droit qui impose à l’Administration de procéder
à un réexamen du dossier.
81. Ont été amnistiés les faits suivants :... des voies de fait et
des entraves à la liberté du travail (Cass. soc. 1er juill. 1998, 87. Lorsqu’une sanction a d’ores et déjà été prononcée : elle
no 96-41.385, Bull. civ. V, no 354, JCP 1998. IV. 1725) ;... le fait est amnistiée, ce qui signifie qu’il ne peut plus y être fait réfé-
pour une infirmière de vendre des billets de cinéma pendant ses rence et qu’elle ne peut plus être conservée dans un quelconque
heures de travail (Cass. soc. 19 mars 2003, no 01-41.871) ;... le dossier (V. infra, no 92 et 201 in fine). La sanction est réputée
blâme prononcé pour avoir laissé sans surveillance dans la salle n’avoir jamais existé (G.-D. MARILLIA, Les conséquences de la
des coffres une sacoche contenant des fonds (Cass. soc. 11 fé- L. d’amnistie en matière disciplinaire, Revue française de la dé-
vr. 2003, no 01-41.802) ;... le fait pour un salarié de participer à centralisation, 1er nov. 1995, no 2, p. 134).
la séquestration du responsable de service est un comportement
inadmissible, mais amnistié, car non contraire à l’honneur. Se- 88. Lorsque aucune procédure n’a été engagée ou lorsque la
lon les magistrats de Montpellier, l’atteinte à l’honneur lors d’un procédure est toujours en cours et que la décision de sanction n’a
conflit du travail ne peut être retenue que lorsque sont exercées pas été notifiée : aucune sanction ne peut être infligée à l’agent
des violences délibérées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (CA public pour ces faits, la procédure ne peut pas être engagée ou
Montpelllier, 4 févr. 2000, Juris-Data no 2000-139160). ne peut pas être menée à son terme, puisque les faits ont perdu
toute « coloration fautive ».
§ 5. – Amnistie et faute disciplinaire des agents publics.
89. Il ne faut pas perdre de vue que les procédures engagées
82. À l’instar des lois adoptées en 1981, 1988 et 1995, et à côté ou devant être engagées pour un motif non disciplinaire peuvent
des employés du secteur privé, la loi no 2002-1062 du 6 août être poursuivies. Peuvent, par exemple, donner lieu à un licen-
2002 (art. 11) englobe dans son champ d’application les em- ciement : l’inaptitude physique constatée par le comité médical
ployés du secteur public. Sont concernés tous les agents pu- ou la commission de réforme ou l’insuffisance professionnelle
blics, c’est-à-dire non seulement les fonctionnaires placés dans (inaptitude à s’adapter aux conditions de travail perturbant la
une situation légale et réglementaire, mais également les agents bonne marche de l’Administration), sans pouvoir invoquer une
non titulaires (contractuels de droit public, stagiaires, vacataires, éventuelle amnistie (CAA Nancy, 5 déc. 2002, no 97NC02239).
etc.). L’amnistie s’applique aux trois fonctions publiques (État,
territoriale et hospitalière), ainsi qu’aux établissements publics 90. Dossier administratif : disparition de la sanction amnis-
administratifs. tiée. — Les administrations doivent purger les dossiers des
agents publics, et ces dossiers ne peuvent contenir aucune
83. L’augmentation contemporaine du nombre des exclusions référence aux sanctions amnistiées. Toute décision de sanction
(49 cas d’exclusion en 2002 contre 28 en 1995, 22 en 1988, 14 doit être retirée du dossier de l’agent public. Le service gestion-
en 1981, et 8 en 1974. V. infra, no 391 et s.) limite particulière- naire des dossiers doit vérifier qu’il ne subsiste aucun document
ment la portée de l’amnistie pour les agents publics. Ne sont plus faisant référence à des sanctions amnistiées dans l’ensemble
amnistiables aujourd’hui, par exemple : les délits de concussion, de ses dossiers. Une trace des faits ayant conduit à la sanction
de prise illégale d’intérêts et de favoritisme, ainsi que de corrup- peut néanmoins être conservée, sans que celle-ci soit, bien
tion et de trafic d’influence, les délits de faux, les délits de dis- évidemment, mentionnée. Un document interne, une note de
crimination, les délits de harcèlement sexuel et de harcèlement service ou une circulaire qui fait référence à des faits fautifs
moral, les infractions à la réglementation en matière d’hygiène et à leurs sanctions peut être conservé, mais les passages
et de sécurité des travailleurs. Il faut également rappeler que ne relatifs aux sanctions devront être supprimés, masqués ou
sont pas amnistiables les faits ayant donné lieu à une sanction cancellés. La règle est applicable quel que soit le support de
pénale non amnistiée ou pour laquelle une réhabilitation légale conservation des informations : dossier administratif papier,
ou judiciaire n’est pas intervenue (V. supra, no 66). fichiers informatiques, archives. Lorsque des faits susceptibles
d’être sanctionnés ont été amnistiés avant que la procédure
84. La loi ne distingue pas selon la gravité de la faute repro- disciplinaire ait été menée à terme, l’agent ne peut pas réclamer
chée. Sont, par conséquent, amnistiables aussi bien les faits la suppression de tel ou tel document, faute de sanction (Cass.
pouvant donner lieu à un avertissement que les faits pouvant soc. 23 oct. 2001, no 98-45496).
conduire à une révocation (sous réserve des exclusions prévues
par la L.), mais aussi les faits retenus ou susceptibles d’être rete- 91. Fichiers informatiques. — Par référence notamment à la loi
nus comme motifs de sanctions prononcées par l’Administration. no 2000-230 du 13 mars 2000 adaptant le droit de la preuve aux

octobre 2003 - 15 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

technologies de l’information, qui met sur le même plan les sup- contrat de travail ; c’est alors le conseil des prud’hommes qui
ports papier et les écrits dématérialisés, il convient de ne pas est compétent. Il n’appartient pas au juge de l’excès de pou-
juger déterminant le support employé. En cas de dématérialisa- voir saisir d’une requête tendant à l’annulation d’une sanction, de
tion de l’information, les sanctions amnistiées doivent être sup- connaître directement de conclusions tendant à ce qu’il constate
primées de tous supports informatiques, quelles que soient les que le bénéfice de l’amnistie est effectivement acquis. De telles
formes de sauvegarde employées et les durées de conservation conclusions doivent d’abord être portées devant l’autorité admi-
prévues, peu importe que les données soient stockées dans l’en- nistrative qui a prononcé la sanction. Seule la décision de rejet
treprise ou à l’extérieur de celle-ci. prise par cette autorité peut être déférée au juge de l’excès de
pouvoir (CE 28 juill. 2000, no 188995 ; 6 déc. 2002, no 237518).
92. Maintien d’informations illicites. — Dans l’hypothèse où
des informations portant sur des sanctions amnistiées seraient 96. Survie de la preuve des faits. — S’il faut faire disparaître
conservées dans un dossier administratif, des sanctions pé- toutes les sanctions amnistiées des dossiers disciplinaires des
nales pourraient être prononcées, car il est interdit à toute agents publics, la preuve de la réalité des faits ayant conduit
personne qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance à la sanction peut être conservée. L’exemple traditionnel est
de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou celui d’une sanction pour des retards répétés : la sanction doit
professionnelles ou d’interdictions, déchéances et incapacités être retirée du dossier, mais la preuve de ces retards peut être
effacées par l’amnistie d’en rappeler l’existence sous quelque conservée. Il ne peut y avoir de sanction prise sur le fondement
forme que ce soit ou d’en laisser subsister la mention dans un de faits amnistiés, mais ces faits peuvent illustrer la récurrence
document quelconque (L. 3 août 1995, art. 23 ; L. 6 août 2002, d’un comportement ou caractériser le comportement fautif d’un
art. 15). On notera l’augmentation de l’amende prévue, qui agent public fondé sur des faits nouveaux.
est passée de 25 000 F (3 750 €) en 1995 à 5 000 € en 2002
(V. infra, no 197 et s.). Le délit de rappel d’une condamnation
ART. 5. – DATE DES INFRACTIONS AMNISTIABLES.
amnistiée est une infraction non intentionnelle : le simple fait de
mentionner la sanction amnistiée est constitutif du délit. Cette
97. Amnistie événementielle et date des faits amnistiés. — La
infraction est susceptible d’être commise par les collectivités
question de savoir quand il faut aborder l’hypothèse d’une éven-
locales et les établissements publics hospitaliers personnes
tuelle amnistie au cours d’une négociation est des plus délicates.
morales, et également par leurs représentants légaux, mais pas
Tout au plus peut-on mentionner une pratique propre aux conflits
par l’État irresponsable pénalement.
sociaux, qui veut que la question du paiement des jours de grève
suppose que la grève soit terminée. Par analogie, on peut consi-
93. Par ailleurs, le rappel de sanctions administratives amnis- dérer que le pardon par l’amnistie ne peut être envisagé qu’à l’is-
tiées est de nature à engager la responsabilité de l’Administra- sue des événements infractionnels.
tion. L’agent public lésé peut réclamer l’octroi de dommages-in-
térêts sur ce fondement. 98. Tenter d’influer sur le cours d’un conflit par une amnistie
trop hâtive peut ne pas atteindre le but escompté. Ainsi, au prin-
94. Contrôle de l’Administration. — À la différence des salariés temps 1968, après les premières violences urbaines d’avril et les
de droit privé pour lesquels l’inspection du travail veille à ce qu’il premières barricades du début mai, le Premier ministre Georges
ne puisse être fait état des faits amnistiés, aucun dispositif parti- Pompidou annonça-t-il dès le 11 mai à la radio une « amnis-
culier n’est prévu en faveur des agents publics. Ce respect sera tie totale » (allocution de Georges Pompidou à son retour d’Af-
donc assuré par la vigilance des agents eux-mêmes. Les insti- ghanistan, au lendemain d’une nuit de barricades : « Français,
tutions représentatives du personnel (CAP) n’ont aucun pouvoir Françaises. J’ai fait la preuve de ma volonté d’apaisement. Avec
de contrôle sur la teneur des dossiers disciplinaires des agents l’accord du président de la République, qui s’adressera à vous
publics. Elles ne peuvent, en aucun cas, exiger que les dossiers dans quelques jours, j’ai rendu l’université à ses maîtres et à
leur soient remis afin de procéder au contrôle de la suppression ses étudiants. Je leur ai tendu la main pour la concertation la
des sanctions. L’agent concerné s’adressera à l’autorité admi- plus large et la plus constructive. J’ai libéré les manifestants ar-
nistrative qui a prononcé la sanction par un recours gracieux afin rêtés. J’ai annoncé une amnistie totale » - http://www.multima-
de lui faire constater que le bénéfice de l’amnistie est acquis. En nia.com). Celle-ci fut promulguée le 23 mai (L. no 68-457, 23 mai
cas de décision de rejet, l’agent saisira le tribunal administra- 1968, D. 1968.198). S’il y avait bien eu quelques arrestations,
tif. Pour éviter des procédés dilatoires de la part des autorités et même quatre condamnations à deux mois de prison fermes
disciplinaires, ces recours (gracieux et contentieux) suspendent le 5 mai, les événements n’ont, semble-t-il, pas été freinés par
l’exécution de la sanction jusqu’à ce qu’il soit statué sur la de- l’amnistie, comme le montrent le décès du Commissaire René
mande, sauf décision spéciale ordonnant l’exécution provisoire Lacroix, le 24 mai, et la noyade du jeune Gilles Tautin, le 10 juin.
(L. 3 août 1995, art. 16 ; L. 6 août 2002, art. 13). Lorsque le juge
de cassation est saisi d’une contestation relative au bénéfice de 99. À l’inverse, au printemps 1972, les exactions liées aux reven-
l’amnistie, l’exécution de la sanction est suspendue jusqu’à ce dications des artisans et des commerçants ayant abouti à des
qu’il soit statué sur la requête (CE 1er juill. 1998, no 195512, négociations, le Parlement put voter en fin d’année une loi d’am-
Dr. adm. 1998, no 10, comm. 32 ; 19 mars 2001, no 227091). nistie (L. no 72-1127, 21 déc. 1972, JO 22 déc. 1972, p. 13283)
qui, « mesure d’apaisement, sera suivie par des mesures de
95. Compétence juridictionnelle. — Lorsque l’application d’une guérison ». Le projet initial prévoyait de pardonner les faits com-
loi d’amnistie donne lieu à un contentieux, ne serait-ce que pour mis avant le 1er mai 1972, mais des amendements retardèrent
l’appréciation d’une faute constitutive d’un manquement à l’hon- cette date jusqu’au 1er septembre, afin de profiter aux produc-
neur, à la probité ou aux bonnes mœurs, il s’avère nécessaire de teurs de lait ayant manifesté durement en mai et juin (Le Monde,
saisir une juridiction pour déterminer si le bénéfice de l’amnistie 19 oct. 1972, p. 10-11).
est acquis à l’agent public ; l’article 13 de la loi du 6 août 2002
prévoit que les règles de compétence applicables au contentieux 100. L’apaisement par le pardon suppose parfois un peu plus
de l’amnistie sont celles applicables au contentieux des sanc- de temps (« L’amnistie n’intervient en principe qu’une fois l’évé-
tions. Par conséquent, le tribunal administratif est compétent nement terminé, lorsque la paix civile s’est rétablie. Dès lors,
pour les fonctionnaires et agents publics, sauf dans l’hypothèse il faut pour cela qu’un certain laps de temps se soit écoulé »,
où ils sont détachés au sein d’une entreprise et bénéficient d’un J. ROCHE-DAHAN, L’amnistie en droit français, thèse droit, Aix-

Rép. pén. Dalloz - 16 - octobre 2003


AMNISTIE

Marseille, 1994, p. 125). Ainsi les indépendantistes antillais ar- Guerre mondiale (L. 4 oct. 1919), l’amnistie a revêtu une dimen-
rêtés le 23 juillet 1987 (Luc Reinette, chef de l’Alliance révolu- sion mixte, réelle, mais aussi personnelle, au profit d’individus
tionnaire caraïbe [ARC], condamné dès 1985, mais évadé de la dont le passé et les mérites, principalement militaires, justifiaient
prison de Basse-Terre en juin 1985 - http://quidfrance.com) pour la clémence de la nation. « Le service rendu ou le sacrifice subi
association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste sont, en quelque sorte, remboursés par l’effacement des infrac-
durent-ils attendre la veille de leur procès pour que le Parlement tions commises » (J. ROCHE-DAHAN, op. cit.).
prononce une amnistie par la loi du 10 juillet 1989 (L. no 89-473,
10 juill. 1989, JO 12 juill. 1989; JCP, éd. G, 1989. I. 3410, chron. 104. Victimes de l’Histoire. — Ce mouvement de prise en
Gonnard). Le principe d’une amnistie avait été annoncé dès le compte de la situation personnelle s’est développé amplement
23 mai 1989 par un communiqué du président de la République. à la suite de la Seconde Guerre mondiale. L’implication dans
Le tribunal correctionnel de Paris ordonna leur remise en liberté une guerre ou un conflit armé, comme militaire ou comme
le mercredi 12 juillet 1989, jour même de la publication de la loi victime, est ainsi devenu un facteur courant d’effacement des
d’amnistie au Journal officiel (Le Monde, 14 juill. 1989). condamnations. Sont généralement prises en compte les qua-
lités d’ancien combattant, d’engagé volontaire blessé ou cité,
101. Amnistie présidentielle et date des faits amnistiés. — La de résistant, de prisonnier ou déporté, de parent, conjoint ou
dimension rituelle de la désignation du chef de l’État se prolonge enfant de combattant tué par l’ennemi ou mort en captivité ou
quant aux dates choisies pour borner l’indulgence législative. en déportation (L. 16 août 1947, art. 10 ; L. 16 juill. 1974, art ;
Si la promulgation de la loi peut varier entre 15 jours (1969) et 10 ; L. 4 août 1981, art. 12 ; L. 20 juill. 1988, art. 13 ; L. 3 août
6 mois (1958) après l’élection, la période bénéficiant de l’amnis- 1995, art. 13 ; L. 6 août 2002, art. 10).
tie connaît un point de départ indéterminé, au contraire du jour de
fin. Le terme de la période d’amnistie est toujours - à un ou deux
jours près - la date de l’installation du nouvel élu (D. FLEUR- 105. Il appartient au juge du fond, et non à la Cour de cassation,
DORGE, Les rituels du président de la République, PUF 2001, de vérifier les titres et qualités visés par la loi d’amnistie, puisque
p. 47 et s.). Comme si l’entrée en fonction symbolisait véritable- ceux-ci conditionnent l’obtention du pardon (Cass. crim. 6 nov.
ment une ère nouvelle, justifiant « de classer », « d’effacer », 1947, Bull. crim., no 214). Justifie de la qualité de « conjoint de
« d’oublier » le passé récent dont il faudrait, en quelque sorte, résistant », au sens de l’article 10-5 de la loi du 16 août 1947,
faire table rase (B. PY, Amnistie : le choix dans les dates, Dr. pén. celui dont l’épouse a appartenu à la Résistance à compter de mai
2002, chron. 12). Le moment particulier qu’est la passation des 1941, bien que l’union des époux ait été dissoute par divorce
pouvoirs dépend, tant pour sa fixation que pour son organisa- devenu définitif le 10 avril 1944. L’intéressé n’en a pas moins
tion, des relations entre l’équipe « montante » et l’équipe « des- été, de mai 1941 à avril 1944, le conjoint d’un résistant, la loi
cendante ». Après s’être prononcé sur les recours, le Conseil n’exigeant nullement la subsistance du lien conjugal au jour de
constitutionnel proclame officiellement les résultats dix jours au sa promulgation ou de la demande d’amnistie (CA Paris 19 nov.
plus après le second tour. La passation des pouvoirs (installa- 1951, D. 1952, somm. 37).
tion) entre l’ancien et le nouveau président de la République se
fait normalement le jour de la fin du mandat du Président sortant, 106. Jeunes délinquants. — Depuis 1969, toutes les lois d’am-
mais elle peut se faire entre la date de proclamation des résul- nistie présidentielles visent une autre catégorie particulière de
tats par le Conseil constitutionnel et la fin du mandat précédent bénéficiaires : les personnes âgées de moins de vingt et un ans
(Cons. const. 15 mai 1981, JO 16 mai 1981, p. 1467). (L. 30 juin 1969, art. 12 ; L. 16 juill. 1974, art. 9 ; L. 4 août 1981,
art. 12-1 ; L. 20 juill. 1988, art. 13-1 ; L. 3 août 1995, art. 13-1 ;
102. Une fois déterminée par le législateur, la date des faits L. 6 août 2002, art. 10-1). On peut remarquer que cet âge cor-
amnistiés borne très précisément la période d’indulgence en en respondait initialement à celui de la majorité et expliquait que la
fixant définitivement le terme. Une contravention de première qualité de mineur justifie une mansuétude particulière. Mais de-
classe commise le 17 mai 2002 à 23 h 59 est amnistiée ; la puis, la majorité est atteinte à dix-huit ans (L. no 74-631 du 5 juill.
même contravention commise une minute plus tard ne l’est pas 1974), et l’on peut s’étonner du paradoxe qu’il y a à stigmati-
(L. 6 août 2002, art. 1). Une cour d’appel a exactement déci- ser la délinquance des mineurs les plus jeunes pour renforcer
dé que la loi d’amnistie du 3 août 1995, publiée le 6 août 1995 la répression dès l’âge de dix ans tout en reconduisant périodi-
en cours d’exécution du préavis, était sans effet sur un licen- quement des mesures amnistiantes au profit de jeunes adultes
ciement prononcé le 23 juin 1995 (Cass. soc. 12 oct. 1999, jusqu’à vingt et un ans...
no 97-42.580). Écarte à bon droit la demande d’amnistie d’un
délit d’ingérence sur le fondement de la loi du 20 juillet 1998 la 107. Personnalités diverses. — La loi du 4 août 1981 a initié une
cour d’appel qui retient que les faits étaient postérieurs au 20 mai nouvelle catégorie d’individus désignés comme méritant une clé-
1988. Si la vente du terrain communal par le maire a bien été mence particulière de la nation : les personnes qui se sont distin-
conclue en février 1998, la réquisition d’encaisser le prix, adres- guées d’une manière exceptionnelle dans les domaines humani-
sée au receveur percepteur date de 1989 (Cass. crim. 20 févr. taire, culturel ou scientifique (L. 4 août 1981, art. 12-5). Les deux
2001, Bull. crim., no 45). lois suivantes ont repris intégralement la formule en y ajoutant le
domaine économique, sans que quiconque y voie malice du lé-
gislateur (L. 20 juill. 1988, art. 13-6o ; L. 3 août 1995, art. 13-6).
SECTION 2
De larges sous-entendus ont, par contre, accompagné la loi du
Bénéficiaires de l’amnistie. 6 août 2002 qui a ajouté au milieu de cette liste une référence aux
mérites sportifs. Peuvent donc désormais bénéficier de l’amnis-
tie les personnes qui se sont distinguées d’une manière excep-
ART. 1er. – AMNISTIE PERSONNELLE. tionnelle dans les domaines humanitaire, culturel, sportif, scienti-
fique ou économique (L. 6 août 2002, art. 10-6). Vouloir y trouver
103. Prise en compte des mérites individuels. — L’amnistie a eu une tacite allusion à l’amitié du chef de l’État avec un médaillé
longtemps un caractère exclusivement réel en pardonnant des olympique ayant connu quelques soucis judiciaires serait proba-
faits indépendamment des qualités propres aux bénéficiaires, la blement déplacé. Des esprits plus optimistes rattachent cette
grâce jouant parallèlement un rôle complémentaire par une pos- innovation à l’enthousiasme ayant suivi la victoire de l’équipe de
sibilité d’indulgence à caractère personnel. Depuis la Première France de football en finale de la Coupe du monde 1998 : un effet

octobre 2003 - 17 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

mondial à retardement... (F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, la mesure d’indulgence, mais il laisse au président de la Répu-
Droit pénal général, 9e éd., Economica, 2002, no 1097, p. 932). blique le soin de déterminer ensuite par voie de décisions indi-
viduelles, quels seront, parmi les auteurs des faits prévus, les
108. Délinquants primaires. — Pour éviter de pardonner à des seuls bénéficiaires de l’amnistie. On évite ainsi le reproche en-
individus fortement ancrés dans la délinquance, les lois contem- couru par l’amnistie d’être, du fait de son caractère collectif et
poraines comportent fréquemment des dispositions restrictives anonyme, une mesure aveugle pouvant s’appliquer à des indivi-
au profit de bénéficiaires pénalement « novices ». Si certaines dus dangereux (R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel,
lois d’amnistie n’ont entendu bénéficier qu’à des délinquants t. 2, Procédure pénale, Cujas, 5e éd., 2001, no 942, p. 1108).
primaires au sens strict ou primo-délinquants, vierges de toute
condamnation antérieure (L. 16 août 1947, art. 15 ; L. 6 août 113. La grâce amnistiante, qui apparut pour la première fois,
1953, art. 29), les lois récentes subordonnent l’indulgence semble-t-il, dans la loi du 3 mars 1879, relative aux insurgés
législative à l’absence de condamnation à une peine privative de la Commune, s’était largement développée dans la première
de liberté ou à une peine plus grave pour crime ou délit de moitié du XXe siècle. Elle perdit son utilité lorsqu’en vertu des
droit commun (L. 16 juill. 1974, art. 9 ; L. 4 août 1981, art. 12 ; actes constitutionnels de 1940, l’amnistie fut placée, comme la
L. 20 juill. 1988, art. 13 ; L. 3 août 1995, art. 13 ; L. 6 août grâce, dans les mains du chef de l’État. Il en a été fait de nouveau
2002, art. 10). Peut bénéficier de l’amnistie un individu déjà large emploi depuis qu’après la Libération, le pouvoir d’amnistier
condamné pénalement antérieurement, dès lors que la sanction a été séparé du droit de grâce, notamment en faveur des auteurs
ne dépasse pas le seuil légal de gravité. d’infractions commises sous l’Occupation.

109. Une des difficultés d’application repose sur la question de 114. Amnistie par décret. — Pour éviter le risque de confu-
la date d’appréciation de la qualité de délinquant primaire. Faut-il sion avec la grâce, les lois contemporaines ne parlent plus de
apprécier la situation de l’individu au jour de l’entrée en vigueur grâce amnistiante, mais d’admission par décret au bénéfice de
de la loi d’amnistie, au jour de la condamnation ou au jour de l’amnistie ou d’amnistie par mesure individuelle (L. 3 août 1995,
l’inscription au casier judiciaire ? La jurisprudence est favorable chap. II, art. 13 ; L. 6 août 2002, chap. II, art. 10). De nom-
à une appréciation au jour de l’entrée en vigueur de la loi d’am- breuses différences distinguent, en effet, le bénéficiaire d’une
nistie (CA Orléans 12 déc. 1947, JCP 1948. II. 4142, note Badie grâce pure et simple et le bénéficiaire d’une amnistie par me-
et Koops). Ce qui permet d’éviter l’inconvénient d’une amnistie sure individuelle. Les conditions ordinaires de la grâce ne sont
en cascade par laquelle un multirécidiviste pourrait demander pas exigées. Ainsi, l’amnistie par mesure individuelle peut-elle
à bénéficier de l’amnistie pour la plus ancienne condamnation, s’appliquer non seulement aux délinquants condamnés, mais
puis de proche en proche pour les plus récentes (R. MERLE et également aux suspects poursuivis, le décret présidentiel étei-
A. VITU, Traité de droit criminel, t. 2, Procédure pénale, Cujas, gnant alors l’action publique. Par ailleurs, dépassant la remise
5e éd., 2001, no 946, p. 1113, note 2). de peine, elle peut être accordée y compris aux condamnés
n’ayant pas subi, ni même commencé à exécuter leur peine.
110. Il a été jugé que les condamnations effacées par une loi
115. La formule « admission par décret au bénéfice de l’am-
d’amnistie ne peuvent être prises en compte pour caractériser
nistie » a posé un problème constitutionnel à partir du moment
l’état de récidive. La Cour de cassation prononce l’annulation
où le pouvoir réglementaire était confié au président du Conseil
d’une décision ayant condamné un prévenu pour exercice illégal
(Const. 1946), puis au Premier ministre (Const. 1958). Ce chan-
de la profession d’agent immobilier. En effet, l’amnistie de la
gement devenait fondamental, étant donné la possibilité d’atta-
première infraction ne permettant pas de retenir la récidive, seule
quer un décret signé par le Premier ministre devant le Conseil
une peine d’amende était encourue pour la seconde infraction
d’État (CE 10 févr. 1950, Rec. 90 ; 24 nov. 1961, RD publ.
qui rentrait dès lors dans les prévisions de la loi d’amnistie du
1962.339, concl. Heumann). En outre, la légalité d’un tel dé-
3 août 1995 (Cass. crim. 5 juin 1996, no 95-84.478, Rev. sc.
cret pouvait être appréciée par les juridictions répressives (Cass.
crim. 1997.373, obs. B. Bouloc).
crim. 14 nov. 1962, D. 1964.265). C’est pourquoi les lois votées
111. Différence d’effets avec l’amnistie réelle. — Il est généra- depuis 1964 confient expressément au seul président de la Ré-
lement admis que l’amnistie réelle est une cause d’impunité ob- publique le pouvoir de signer un décret entraînant amnistie indi-
jective. Les faits perdant objectivement leur coloration pénale, viduelle ou grâce amnistiante. L’appréciation à laquelle se livre
l’amnistie profite identiquement à tous les protagonistes qui y le président de la République lorsqu’il décide d’accorder le béné-
ont participé, quel que soit leur degré d’implication auteurs ou fice de l’amnistie individuelle ne saurait être utilement discutée
complice (Cass. crim. 10 févr. 1949, JCP 1949. II. 4857, note devant le juge de l’excès de pouvoir (CE 5 mars 1997, no 137862,
Coste). L’amnistie personnelle, au contraire, est une cause sub- Gaz. Pal. 22/23 juill. 1998 no 203/204, note S. Petit, J. P., p. 5).
jective d’impunité. Elle ne s’applique qu’en raison des qualités Il est maître de son opportunité dans le respect du cadre dessiné
personnelles de tel ou tel individu. En toute logique, l’amnistie par la loi d’amnistie.
personnelle, mesure législative de clémence individuelle, ne pro-
fite ni aux coauteurs, ni aux complices, ni même au receleur, s’ils ART. 3. – CONDITIONS À L’OCTROI DE L’AMNISTIE.
ne remplissent pas eux-mêmes les conditions de l’amnistie per-
sonnelle (Cass. crim. 19 mai 1949, JCP 1949. II. 5009). Cette 116. Amnistie sous condition. — Dans le double but d’individua-
différence est une nouvelle illustration de l’interprétation restric- liser la clémence et de n’accorder le pardon légal qu’aux délin-
tive des lois d’amnistie, hostiles à toute extension (V. supra, no 21 quants ayant régularisé leur situation pour l’avenir, plusieurs lois
et s.). d’amnistie ont subordonné la clémence à l’accomplissement de
certaines obligations. On rappellera par exemple : le paiement
des frais de justice (L. 27 déc. 1900, art. 2), le rapatriement de
ART. 2. – GRÂCE AMNISTIANTE. capitaux irrégulièrement exportés (L. 13 juill. 1925, art. 21), la
réparation des omissions ou la correction des erreurs commises
112. La grâce amnistiante ou amnistitielle (le législateur a autre- en matière d’impôt (L. 14 avr. 1952, art. 46).
fois employé les deux expressions) est une combinaison de la
grâce et de l’amnistie, à laquelle le législateur recourt pour intro- 117. Nécessité d’une régularisation. — Il est assez courant que
duire plus de justice dans l’application de l’amnistie (V. ROUX, La l’amnistie des infractions au code de justice militaire et au code
grâce amnistiante, Thèse, Paris, 1940). Le Parlement fixe, dans du service national soit subordonnée à une condition de régu-
une loi d’amnistie, les faits délictueux auxquels devra s’étendre larisation dans un certain délai. Pour inciter les délinquants à

Rép. pén. Dalloz - 18 - octobre 2003


AMNISTIE

retrouver le chemin de la légalité, les textes prévoient alors que disparaître la cause ! On peut comprendre qu’un délinquant pré-
l’insoumis, par exemple, sera amnistié sous réserve de l’accom- fère tenter d’obtenir une grâce présidentielle qui est un obstacle
plissement des obligations du service national actif (L. 20 juill. à l’exécution de la peine sans affecter l’existence de la condam-
1988, art. 4 ; L. 3 août 1995, art. 5). L’article 4 de la loi no 89-473 nation. Au contraire de l’amnistie sous condition, la grâce efface
du 10 juillet 1989 a ainsi permis aux objecteurs de conscience tout ou partie des conséquences de la condamnation sans en
coupables d’insoumission ou de désertion de clarifier leur situa- affecter l’existence. En cas de condamnation à une amende su-
tion militaire, sous réserve que le point de départ des délais fixés périeure à 7 500 €, le gracié peut espérer ne pas payer. Pas
pour la constatation des infractions soit antérieur au 22 mai 1988. l’amnistié.
La loi du 6 août 2002 prend acte de la suppression du service
national intervenue dans les faits en 2001 en supprimant l’obliga- 121. Les condamnés ayant bénéficié de la remise gracieuse
tion de régularisation généralement imposée aux appelés pour totale de l’amende doivent être considérés comme satisfaisant
bénéficier de l’amnistie des infractions au code du service natio- à la condition de paiement, même si la grâce est postérieure à
nal. La condition de régularisation n’est maintenue qu’en ce qui l’entrée en vigueur de la loi d’amnistie (Circ. application L. 20 juill.
concerne les délits de désertion commis par un militaire de car- 1988).
rière ou servant en vertu d’un contrat, pour lesquels il est exigé
que l’auteur des faits se présente volontairement devant l’auto- 122. L’amende peut avoir été prononcée en même temps qu’une
rité militaire compétente avant le 31 décembre 2002 (art. 2-4). autre peine, elle-même amnistiable.

118. Paiement de l’amende. — La condition la plus souvent im- 123. Le condamné n’obtiendra alors le bénéfice de l’amnistie
posée, mais aussi la plus controversée, est celle du paiement pour toutes les peines résultant de la même décision qu’après
de l’amende. Cette disposition prévoit généralement qu’en cas paiement de cette amende (V. Circ. application, préc.).
de condamnation à une amende dépassant un certain montant,
124. Le législateur de 1988 a aussi posé cette condition de paie-
l’amnistie ne sera acquise qu’après le paiement de cette amende
ment pour les délits et contraventions en matière de droit du tra-
ou après qu’aura été subie l’incarcération prévue par l’article
vail sanctionnés d’une amende égale ou inférieure à 2 500 F.
43-10 de l’ancien code pénal et l’article 131-25 du code actuel
au titre des jours-amendes (incarcération pour une durée corres- 125. Mais, d’une manière générale, l’exigence légale ne
pondant à la moitié du nombre de jours-amendes impayés en cas concerne que les peines amnistiées en raison de leur quantum.
de défaut total ou partiel du montant global de l’amende). L’am- En revanche, l’amnistie est immédiatement applicable en cas
nistie est également acquise après exécution de la contrainte d’amnistie personnelle ou réelle, que la condamnation ait ou non
par corps, celle-ci ne faisant pas cependant obstacle au recou- un caractère définitif (Cass. crim. 14 déc. 1954, D. 1955.109,
vrement ultérieur de l’amende. L’article 5 de la loi du 6 août 2002 note M.P., 8 oct. 1959, Bull. crim., no 415 ; D. 1959.486, note
a fixé à 750 € le montant au-delà duquel le bénéfice de l’amnistie J.R.).
est subordonné au paiement de l’amende, ce qui est la traduc-
tion en euro de la somme de 5 000 F exigée jusque-là (L ; 4 août 126. La même solution a prévalu pour les condamnations à
1981, art. 19 ; L. 20 juill. 1988, art. 19 ; L. 3 août 1995, art. 17). l’amende avec sursis (Cass. crim. 7 oct. 1953, D. 1953.682 ;
Pour les peines prononcées en francs avant le 1er janv. 2002, le Rev. sc. crim. 1954.123). Point ne sera nécessaire d’attendre
seuil de l’amende à partir duquel l’amnistie est subordonnée au l’expiration du délai d’épreuve. Dans le cas contraire, le risque
paiement de l’amende résulte de la conversion de la somme de aurait subsisté d’une révocation du sursis, avec pour effet l’obli-
750 €, soit 4 920 F, ce qui est donc très légèrement moindre que gation de payer l’amende en vue d’obtenir le bénéfice de l’am-
le seuil de 5 000 F retenu par la loi de 1995. Il ne devrait toute- nistie.
fois pas en résulter une aggravation de la situation des condam-
nés, les juridictions ne prononçant pas, en pratique, de peines 127. Aucun délai n’est fixé par le législateur pour s’acquitter de
d’amende comprises entre 4 920 et 5 000 F (Circ. 6 août 2002, l’amende. Cependant, aux termes d’un arrêt du 19 oct. 1966
art. 1-2-1). (Bull. crim., no 201 ; Rev. sc. crim. 1966.889, obs. Légal),
la chambre criminelle a estimé que l’intervention d’une seconde
119. Bien que ce mécanisme d’amnistie conditionnelle permette condamnation définitive suivie du paiement de l’amende affé-
de renflouer les caisses de l’État, de nombreuses critiques rente à la première condamnation ne permettait plus à l’intéressé
se sont élevées contre le principe du paiement préalable de de bénéficier de la mesure d’amnistie dont il n’a pas rempli en
l’amende (JCP 1954. II. 7925, note Besson ; JCP 1954. II. 7946, temps utile la condition.
note Delpech). Sur le plan des faits, ce mécanisme crée une
disparité de situations entre les bénéficiaires de l’amnistie. Les 128. Extension à d’autres mesures. — La loi du 6 août 2002
individus frappés de peines d’emprisonnement parfois sévères étend cette logique de l’amnistie sous condition d’exécution aux
bénéficient d’un pardon gratuit, alors que ceux qui n’ont été peines de travail d’intérêt général (TIG) et aux peines d’empri-
sanctionnés que d’amendes doivent « payer » le pardon pour sonnement assorties d’un sursis avec obligation d’accomplir un
l’obtenir. Étrange système de « pardon monnayé » (R. MERLE travail d’intérêt général (sursis-TIG) qui supposent l’accomplis-
et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 2, Procédure pénale, sement dudit travail pour permettre l’amnistie (L. 6 août 2002,
Cujas, 5e éd., 2001, no 947, p. 1114). On remarquera que cette art. 6-5 et 6-6). On peut donc imaginer que dans certains cas,
hypothèse est la seule dans laquelle un délinquant peut refuser une condamnation à 3 mois d’emprisonnement fermes soit pu-
l’amnistie. Pour ce faire, il est nécessaire et suffisant de ne pas rement et simplement amnistiée, alors même qu’une condamna-
payer l’amende. La condition n’étant pas remplie, l’amnistie tion assortie d’un sursis-TIG ne le soit pas, faute de travail effec-
n’est pas acquise. tué. Toute cohérence dans l’échelle de gravité des sanctions est
alors perdue. Peut-être faut-il y voir un élément de « justice né-
120. Sur le plan des principes, il est incohérent d’imposer le gociée », qui se rapproche du concept de « plaider-coupable »,
paiement de l’amende pour fonder la disparition rétroactive du lequel repose sur une acceptation par le condamné de sa culpa-
caractère infractionnel du fait commis. Le concept d’amnistie bilité pour adoucir sa peine.
est perverti par la condition de paiement, puisque l’effet de l’am-
nistie (V. infra, les effets) consiste à effacer l’infraction et toutes 129. Les condamnations à une peine d’emprisonnement avec
ses conséquences. Le paiement de l’amende, signifie donc pour sursis assortie de l’obligation d’effectuer un travail d’intérêt gé-
le candidat à l’amnistie : assumez les conséquences, et je ferai néral sont amnistiées si elles sont inférieures ou égales à six

octobre 2003 - 19 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

mois, l’amnistie n’intervenant qu’après exécution du TIG. Ce ré- l’amnistie. Il va donc frapper le condamné d’une peine forcément
gime est plus sévère que celui institué par la loi d’amnistie de supérieure au critère légal de l’amnistie, dépassant ainsi la peine
1995, qui prévoyait la condition d’avoir exécuté le TIG unique- qu’il aurait vraisemblablement décidée si la loi d’amnistie n’avait
ment, comme en matière de sursis mise à l’épreuve, lorsque le pas existé. On peut parler à cet égard d’effet pervers de la loi
quantum était de plus de trois mois. d’amnistie, puisque certaines condamnations vont ainsi être plus
sévères qu’elles ne l’auraient été sans elle !
130. Cette évolution par rapport à la loi de 1995 est justifiée
par le fait que l’amnistie des peines de travail d’intérêt géné-
ART. 2. – CONTESTATION DE L’AMNISTIE.
ral prononcées comme peine alternative demeure, comme en
1995, subordonnée à l’accomplissement du travail, alors qu’un 133. Contentieux de l’amnistie. — Il n’est pas rare que l’ap-
sursis-TIG constitue, en pratique, une peine plus sévère qu’un plication des lois d’amnistie fasse naître un contentieux dont
TIG-peine alternative. Il est, par conséquent, primordial que le le législateur et la jurisprudence ont défini les règles de com-
casier judiciaire soit informé sans délai de chaque accomplisse- pétence et de procédure en distinguant selon que le bénéfice
ment d’un travail d’intérêt général, que celui-ci ait été prononcé de l’amnistie est réclamé par un prévenu ou par un condam-
comme modalité d’un sursis ou à titre principal. Bien évidem- né. Chaque loi d’amnistie s’applique à définir les conditions
ment, comme le précise le 1o de l’article 6, en cas de non-exé- dans lesquelles seront réglés les problèmes d’application ou
cution du TIG entraînant la révocation du sursis, la peine ferme d’interprétation (L. 4 août 1981, art. 11 et 16 ;.L. 20 juill. 1988,
qui résultera de la révocation ne pourra être amnistiée au quan- art. 12 ; L. 3 août 1995, art. 12 ; L. 6 août 2002, art. 9). Il est
tum, même si elle est inférieure ou égale à trois mois : si cette courant que les lois d’amnistie événementielles renvoient à la
exception à l’amnistie au quantum des peines fermes n’avait pas dernière amnistie présidentielle en date sur ce point (V. par ex.
été instituée, la condition d’exécution du TIG pour les sursis-TIG la L. no 85-1467 du 31 déc. 1985 portant amnistie relative à
inférieurs ou égaux à trois mois aurait été vidée de son sens la Nouvelle-Calédonie qui renvoie à la L. du 3 août 1981 ou à
(Circ. 6 août 2002, art. 1.2.2). la L. no 89-473 du 10 juill. 1989, portant amnistie d’infractions
commises en Guadeloupe et Martinique, dont l’art. 5 renvoie
SECTION 3 aux dispositions de la L. du 20 juill. 1988).

Autorités compétentes pour accorder l’amnistie. 134. Parallélisme des compétences. — Les règles tradition-
nelles en la matière prévoient notamment que les contestations
portant sur les condamnations prononcées sont soumises par
ART. 1er. – AMNISTIE JUDICIAIRE.
voie de requête portée devant la juridiction qui a rendu la dé-
131. De même que le législateur délègue parfois au président cision. En l’absence de condamnation définitive, les contesta-
de la République le pouvoir de décider d’octroyer une amnistie tions sont soumises à la juridiction compétente pour statuer sur
au vu de la situation personnelle de l’intéressé, on qualifie d’am- la poursuite. Les mêmes règles prévalent pour les sanctions
nistie judiciaire le renvoi à l’appréciation du juge quant à l’oppor- pénales et les sanctions disciplinaires. En ce qui concerne les
tunité de faire bénéficier ou non le justiciable de la mansuétude contraventions de grande voirie, il y aura lieu de saisir la juridic-
législative. Le législateur, ordonnateur du pardon, confie alors tion administrative qui a prononcé la condamnation ou qui est
au juge la responsabilité d’en être le comptable. De nombreuses compétente pour statuer.
lois modernes prévoient ainsi que le bénéfice de l’amnistie sera
135. Il faut être particulièrement vigilant lorsque la sanction est
accordé aux délinquants qui, pour tel type de fait, commis avant
de celles qui peuvent, selon les cas, être prononcées en tant que
telle date, auront été condamnés à une peine inférieure à tel taux
sanction pénale ou en tant que sanction disciplinaire, comme l’in-
ou auront été frappés de telle peine de substitution ou encore au-
terdiction d’exercer une profession. Il a été jugé qu’un conseil de
ront été dispensés de peine. Il appartient alors au juge, quand il
l’ordre des avocats était incompétent pour décider de l’applica-
est compétent pour statuer sur l’action publique, de prendre une
tion de l’amnistie à une peine disciplinaire infligée par la cour
décision lourde de conséquences. S’il prononce une peine infé-
d’appel (CA Colmar, 14 avril 1948, JCP, éd. G, 1948. IV. 91).
rieure au critère maximal prévu par le législateur, le prévenu est
Inversement, il y a lieu de saisir la juridiction disciplinaire qui a
amnistié. Si, au contraire, il prononce une peine supérieure au
prononcé la sanction disciplinaire, et non le tribunal correction-
critère législatif, le prévenu n’est pas amnistié. Sachant que la
nel (Cass. crim. 4 juin 1955, D. 1955.635).
décision suppose que la condamnation soit devenue définitive.
136. Si le prévenu n’a pas encore été condamné définitivement
132. Cette technique a plusieurs avantages, et quelques incon- pour les faits qu’il prétend amnistiés, il lui appartient de saisir
vénients ! L’amnistie judiciaire est un moyen efficace d’indivi- par voie de requête la juridiction d’instruction ou de jugement
dualiser les mesures d’amnistie. D’une part, deux prévenus pour compétente pour statuer sur les poursuites (C. pr. pén., art. 778,
des faits identiques peuvent voir leur sort être jugé différemment, al. 2 et 3). Au vu de cette requête, et si l’amnistie est acquise, la
l’un bénéficiant de l’amnistie, l’autre pas, ce qui écarte le spectre juridiction décide un non-lieu à statuer.
d’une amnistie collective, anonyme et indifférente aux parcours
de chacun. D’autre part, cette forme d’amnistie permet d’effacer 137. Si le demandeur a été définitivement condamné, sa de-
le caractère délictueux d’une infraction à l’égard d’un individu, mande est expressément soumise par la loi (C. pr. pén., art. 778,
mais pas à l’égard de ses coauteurs ou complices, présentant in fine) aux règles de compétence prévues pour les instances en
ainsi un caractère personnel très appuyé (R. MERLE et A. VITU, rectification de casier judiciaire (C. pr. pén., art. 769, al. 2). Le
Traité de droit criminel, t. 2, Procédure pénale, Cujas, 5e éd., condamné doit s’adresser par voie de requête à la dernière ju-
2001, no 950, p. 1117). Mais son principe est critiquable, car elle ridiction qui a statué. Si la décision a été rendue par une cour
fausse totalement l’appréciation des faits par le juge judiciaire. d’assises, la requête est soumise à la chambre de l’instruction.
On peut en effet penser, qu’à supposer la culpabilité acquise, le Pour ce qui concerne les contestations portant sur l’amnistie de
juge dispose déjà de nombreux moyens d’indulgence, dans l’hy- droit, l’article 778 du code de procédure pénale n’attribue com-
pothèse où il souhaite éviter l’exécution d’une peine, parmi les- pétence à la chambre de l’instruction que si la requête vise une
quels le sursis et la dispense de peine. À l’inverse, informé de décision émanant de la cour d’assises. Dans les autres cas,
la promulgation d’une loi d’amnistie, le juge qui ne souhaite pas cette requête doit être présentée au président de la juridiction
exempter le prévenu de toute peine va avoir tendance à se pro- qui a prononcé le jugement ou l’arrêt (Cass. crim. 15 juin 1993,
noncer dans le sens de la sévérité, ne serait-ce que pour écarter no 92-85.162, Gaz. Pal. 6-7 oct. 1993, no 279-280, p. 18).

Rép. pén. Dalloz - 20 - octobre 2003


AMNISTIE

138. Les magistrats ayant participé à la condamnation discipli- statuer sur la poursuite, en l’espèce, la cour composée des ma-
naire d’un avocat pour faits contraires à l’honneur et à la probité gistrats et du jury (Cass. crim. 23 févr. 1984, Bull. crim., no 83).
peuvent faire partie de la composition de la cour d’appel saisie
d’une demande de constatation de l’amnistie, dès lors qu’un lien
nécessaire existe entre les faits sanctionnés et l’appréciation de
leur nature au regard de la loi d’amnistie, sans que puisse être 142. Si la requête aux fins d’amnistie a été présentée au juge
invoquée une violation de l’article 6-1 de la Convention euro- d’instruction, l’ordonnance rendue est soumise aux voies de re-
péenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés cours ordinaires. Elle est donc susceptible d’appel, nonobstant
fondamentales (Cass. 1re civ. 4 juin 1991, no 90-12.788, Bull. les dispositions des articles 186 et 186-I du code de procédure
civ. I, no 178). pénale, et le pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruc-
tion statuant sur ledit appel est lui-même recevable (Cass. crim.
139. Pour limiter la publicité des débats, la juridiction saisie doit 10 juin 1982, Bull. crim., no 156, JCP, éd. G, 1982. IV. 295).
statuer en chambre du conseil (Cass. crim. 13 févr. 1963, Bull.
crim., no 73 ; C. pr. pén., art. 778). Il a pourtant été jugé que 143. Des règles particulières de compétence sont prévues pour
le prévenu pouvait renoncer à ce formalisme ayant pour objet les juridictions militaires. Si la décision a été rendue par une
la protection du demandeur, dès lors qu’il n’est porté atteinte à juridiction militaire siégeant en France, la requête sera soumise
aucun intérêt public fondamental (CA Paris, 23 oct. 2002, Juris- à la chambre de l’instruction de la cour d’appel dans le ressort
Data no 2002-210681). de laquelle était établi le siège de cette juridiction. Si la décision
a été rendue par un tribunal aux armées siégeant à l’étranger, la
140. Constat par le Ministère public. — Ainsi que l’indique l’ar- requête sera présentée à la chambre de l’instruction de la cour
ticle 3 de la loi du 6 août 2002, lorsqu’elle intervient après la d’appel de Paris. La loi du 6 août 2002 ne vise plus les jugements
condamnation, l’amnistie de plein droit prévue par cet article doit rendus par les tribunaux permanents des forces armées, ceux-ci
être constatée par le ministère public d’office ou à la demande ayant été supprimés par la loi du 21 juillet 1982 (JCP, éd. G,
des intéressés, cette constatation permettant notamment la sup- 1982. III. 53029).
pression des fiches du casier judiciaire. Il revient donc au mi-
nistère public, agissant d’office ou sur requête de l’intéressé, 144. Sanction disciplinaire. — Toute contestation doit être
de constater l’amnistie de ces condamnations et d’en aviser le portée devant l’instance qui a infligé la sanction, qu’elle soit une
service du casier judiciaire national, afin de faire disparaître la autorité administrative, une juridiction ordinale ou profession-
mention afférente à la condamnation effacée par l’amnistie. La nelle, voire une personne morale privée chargée d’une mission
décision du ministère public peut être contestée par voie de re- de service public. Il faut noter que, même en l’absence de
quête déposée auprès du président du tribunal ou de la cour qui contestation, l’intéressé peut saisir l’instance disciplinaire pour
a rendu la décision, selon la procédure prévue par l’article 778, voir dire qu’il est en droit d’invoquer le bénéfice de l’amnistie.
alinéas 2 et 3, du code de procédure pénale en matière de rec- Cette disposition offre l’avantage de permettre aux personnes
tification d’identité usurpée. ayant fait l’objet d’une interdiction professionnelle de reprendre
leurs fonctions sans risquer ultérieurement des poursuites pour
141. Si la condamnation n’est pas définitive, la contestation doit non-respect de la mesure d’interdiction ou de suspension. Cer-
être portée devant la juridiction compétente pour statuer sur la tains auteurs notent que les ordres professionnels ont tendance
poursuite. Il a été jugé que la cour d’assises, saisie d’une de- à interpréter les termes de la loi de façon trop restrictive et
mande de mise en liberté fondée sur l’article 148-1 du code de ne marquent aucun empressement à statuer sur les requêtes
procédure pénale, et statuant sans l’assistance du jury, n’est pas des intéressés (V. MOURGEON, La répression administrative,
compétente pour décider si les infractions imputées aux deman- Thèse, Toulouse, 1966 ; C. DEBBASCH, L’amnistie en matière
deurs entrent dans les prévisions de l’article 25 de la loi du 4 août disciplinaire, D. 1963, chron. 259 ; B. BALLOUHEY, Incidences
1981. De telles contestations doivent, en effet, selon l’article 11 potentielles de la prochaine loi d’amnistie sur le droit disciplinaire
de la loi précitée, être soumises à la juridiction compétente pour (RJS 2002.100.4).

CHAPITRE 2
Effets de l’amnistie.
145. L’effet général de l’amnistie procède de l’idée d’oubli. Il droit à restitution : « L’amnistie efface les condamnations pro-
consiste à enlever après coup à un fait délictueux son caractère noncées. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à resti-
d’infraction, sa « coloration » pénale (V. supra, no 2). La réali- tution, la remise de toutes les peines. Elle rétablit l’auteur ou le
té du fait lui-même ne saurait être remise en cause, ce qui pose complice de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu
plusieurs limites quant aux effets juridiques de l’amnistie, en par- lui être accordé lors d’une condamnation antérieure » (C. pén.,
ticulier en dehors du champ de la répression pénale. art. 133-9). L’article 133-10 reprend la règle classique de ré-
serve des droits des tiers. Enfin, l’article 133-11 prohibe toute
référence à des condamnations amnistiées.
SECTION 1re
147. Les effets de l’amnistie ont un caractère d’ordre public et ne
Incidences de l’amnistie sur la responsabilité pénale. sont donc pas à la disposition de son bénéficiaire. La jurispru-
dence avait initialement estimé que la renonciation par le délin-
146. En introduisant en 1992 dans le code pénal actuel une sec- quant au bénéfice de l’amnistie était possible (CA Paris, 15 mars
tion 3 : De l’amnistie (Livre Ier Dispositions générales, Titre III 1848, S. 1848.2.63). Désormais, il est acquis que l’amnistie n’est
Des peines, chap. III : De l’extinction des peines et de l’effa- pas une faveur individuelle, mais un instrument de paix sociale.
cement des condamnations), le législateur a voulu codifier une Il n’est donc pas possible de refuser l’indulgence législative en
sorte de droit commun de l’amnistie qui tient donc désormais exigeant, par exemple, la continuation des poursuites dans le
en trois articles (C. pén., art. 133-9, 133-10 et 133-11). L’article but de voir établir son innocence (Cass. crim. 10 juin 1931,
133-9 expose le principe de la remise de toutes les peines, sans S. 1931.1. 142). La seule dérogation au caractère d’ordre public

octobre 2003 - 21 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

de l’amnistie est la possibilité de former un recours en révision 153. Décision juridictionnelle. — L’amnistie ne fige ou cristallise
(V. infra, no 195). que les qualifications contenues dans des décisions juridiction-
nelles et non celles qui sont contenues dans des actes de pour-
suites. Ainsi, lorsque la loi d’amnistie est promulguée entre une
ART. 1er. – EFFETS SUR L’ACTION PUBLIQUE. citation directe et le jugement au fond, la jurisprudence décide
que la qualification retenue par la citation directe ne se trouve
148. Si la loi prévoit que l’amnistie est acquise avant qu’une pas cristallisée. La citation est considérée comme un simple avis
condamnation définitive ne soit intervenue, l’amnistie éteint l’ac- à comparaître. La juridiction de jugement, saisie in rem et in per-
tion publique à l’égard des faits visés. Les poursuites, si elles sonam , est compétente pour qualifier les faits et peut déclarer
n’étaient pas encore exercées, ne le seront pas. Toute plainte l’action publique éteinte au vu de la qualification contenue dans
serait classée sans suites. Si les poursuites étaient déjà inten- la citation. Mais elle peut également condamner les faits en re-
tées, il devra être déclaré non-lieu à statuer, soit par la juridiction tenant une qualification qui échappe à l’amnistie. Ainsi, la quali-
d’instruction du premier degré ou du second degré, soit par les fication de délit de coups et blessures donnée dans une citation
juridictions de jugement de première instance ou d’appel. Il n’est directe à un fait constituant le crime de coups et blessures ayant
pas nécessaire que la décision émane d’une juridiction de juge- entraîné une infirmité permanente ne suffit pas à faire bénéficier
ment, un arrêt de renvoi de la chambre de l’instruction suffit. le prévenu de la loi d’amnistie du 24 octobre 1919, si ladite qua-
lification n’a pas été retenue par une ordonnance, un jugement
149. Obstacle d’ordre public. — Au regard de l’action publique, le ou un arrêt (Cass. crim. 25 mars 1921, Bull. crim., no 151 ;
fait doit être considéré comme n’ayant jamais été commis. L’am- Gaz. Pal. 1921.2.153. – V. dans le même sens, en matière d’ur-
nistie apparaît donc comme une fin de non-recevoir à la mise en banisme, Cass. crim. 22 juill. 1970, Bull. crim., no 244).
mouvement de l’action publique, et cet obstacle est d’ordre pu-
blic (R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 2, Procé- 154. Lorsque la loi d’amnistie est intervenue après un jugement
dure pénale, Cujas, 5e éd. 2001, no 951, p. 1118). ou un arrêt définitif, il est alors impossible de reprendre les faits
sous une qualification nouvelle. Le principe est certain pour ce
150. Les actes d’instruction accomplis après la promulgation de qui est des juridictions correctionnelles. Il en est de même pour
la loi ne sont pas nuls ; les procès-verbaux d’exécution d’une la cour d’assises, par application de l’article 368 du code de pro-
commission rogatoire doivent être classés au dossier en leur état cédure pénale selon lequel « aucune personne acquittée légale-
au jour de la décision de non-lieu (Cass. crim. 5 févr. 1970, Bull. ment ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes
crim., no 53). faits, même sous une qualification différente ». On notera toute-
fois que la cristallisation n’empêche jamais le pourvoi dans l’in-
151. La Cour de cassation doit déclarer l’action publique éteinte térêt de la loi (Cass. crim. 26 janv. 1901, DP 1901.1. 177 ; CA
lorsque l’infraction ayant motivé la décision attaquée entre dans Caen, 20 juill. 1948, D. 1949.320, note Chavanne).
les prévisions d’une loi d’amnistie. Mais il en est autrement
lorsque l’application de la loi soulève une question de fait, l’ap- 155. Par contre, l’amnistie ne modifiant pas la réalité du fait
préciation de cette dernière échappant à la Cour de cassation commis, celui-ci peut faire l’objet de poursuites disciplinaires,
(Cass. crim. 5 févr. 1920, Bull. crim., no 66 ; 16 nov. 1928, alors même que sa dimension pénale aurait disparu en raison
ibid., no 272). C’est ainsi que la Cour de cassation ne peut sta- de l’amnistie. Ce constat est une nouvelle illustration de l’auto-
tuer sur l’exception d’amnistie proposée pour la première fois nomie du droit pénal et du droit disciplinaire. La juridiction ordi-
devant elle lorsque l’amnistie est accordée en considération de nale des pharmaciens est en droit de tenir compte de tout fait,
qualités personnelles des condamnés (V. infra, les voies de re- même pénalement amnistié, qui, en raison de sa nature et de
cours). Dans une telle situation, la Cour de cassation doit exa- sa gravité, est contraire aux devoirs professionnels. La circons-
miner le pourvoi au fond, mais sans qu’il en puisse résulter un tance qu’entre le moment où une violation de la nomenclature a
préjudice pour le demandeur auquel il appartient de réclamer le été commise et celui où elle vient à être sanctionnée, la régle-
bénéfice de l’amnistie devant le juge du fond compétent (Cass. mentation à laquelle il a été contrevenu a été modifiée ou même
crim. 6 nov. 1947, Bull. crim., no 214). En effet, lorsque la abrogée, ne saurait, eu égard à la nature propre de la répression
condamnation n’est amnistiable qu’en raison de circonstances disciplinaire, faire échapper à cette dernière le manquement an-
personnelles, cette condamnation produit ses effets légaux jus- térieurement commis (CE 8 nov. 1999, no 191630).
qu’à ce qu’il ait été statué par la juridiction compétente sur le
bénéfice de cette mesure (Cass. crim. 21 juin 1951, Bull. crim.,
no 179). 156. Avant la mise en mouvement de l’action publique. — Si la
loi d’amnistie est promulguée avant toute mise en mouvement
de l’action publique, des poursuites peuvent débuter normale-
ART. 2. – EFFETS SUR LA QUALIFICATION. ment, dès lors qu’elles ne font pas référence à des qualifications
amnistiées. Rien n’interdit de poursuivre sous une qualification
152. Cristallisation. — En matière d’amnistie réelle, la question non amnistiée des faits qui peuvent, en outre, recevoir une qua-
se pose parfois de savoir si l’infraction amnistiée ne peut pas être lification amnistiée.
poursuivie sous une qualification non prévue par la loi d’amnis-
tie. Il s’agit, en quelque sorte, de « contourner » le pardon légal. 157. Phase d’instruction. — Si la loi d’amnistie est promulguée
La jurisprudence a élaboré des solutions nuancées qu’il est né- pendant le cours de l’instruction, la saisine in rem donne compé-
cessaire de distinguer. Elle estime que l’action publique est dé- tence au juge d’instruction par rapport à des faits qu’il lui appar-
finitivement éteinte à l’égard de toutes les qualifications pénales tient de qualifier. Il doit rendre un jugement de non-lieu à statuer
que comporte ou pourrait comporter le fait délictueux. Le par- si l’ensemble des faits composant sa saisine sont amnistiés. Par
don législatif interdit qu’un fait amnistié soit, postérieurement à contre, le juge d’instruction peut continuer à instruire et conclure
la promulgation de la loi, poursuivi sous une autre qualification son information sur une qualification non amnistiée, même si le
que celle qui lui avait été donnée antérieurement. Ce principe réquisitoire introductif portait une qualification entrant dans les
est celui dit de la « cristallisation » des qualifications par l’effet prévisions de la loi d’amnistie. Pour la Cour de cassation, le ma-
de l’amnistie (MEURISSE, La cristallisation des qualifications et gistrat instructeur est en droit de modifier la qualification donnée
des peines et la loi d’amnistie, Rev. sc. crim. 1950.667). par l’acte de saisine, dès lors qu’il ne fait que restituer aux faits

Rép. pén. Dalloz - 22 - octobre 2003


AMNISTIE

leur véritable qualification. Saisi du chef d’exercice illégal de la 163. Les juges d’appel sont en droit de restituer à la poursuite
profession de conseil juridique, le juge d’instruction peut, sans la qualification qu’elle leur paraît devoir comporter en requali-
nouveau réquisitoire, instruire pour usage irrégulier du titre de fiant les poursuites du chef d’infraction à la publicité sur les prix
conseil juridique ou d’un titre équivalent (Cass. crim. 12 déc. (contravention réprimée par l’article 33 du décret du 29 déc.
1989, no 89-80.430). Saisi du chef d’escroquerie, le juge d’ins- 1986 et exclue de l’amnistie par l’article 29, § 12 de la L. du
truction peut clore son information par une ordonnance de ren- 20 juill. 1988) en délit de publicité de nature à induire en erreur,
voi pour délit de fraude ou fausses déclarations, prévu et réprimé dès lors que les éléments de leur décision ont été puisés dans
par les articles L. 377-1 et L. 377-5 du code de la sécurité sociale les faits mêmes dont ils étaient saisis (Cass. crim. 11 janv. 1990,
(Cass. crim. 7 janv. 2003, no 01-88.702, Bull. crim., no 2). no 88-84.938, D. 1990, IR 54). Si le jugement de première ins-
tance avait retenu une qualification amnistiée, la cristallisation
158. Phase de renvoi. — Si la loi d’amnistie intervient entre l’or- aurait empêché la Cour d’appel de disqualifier les faits en délit
donnance ou l’arrêt de renvoi et le jugement, dès lors que la pour entrer en voie de condamnation.
qualification retenue dans l’ordonnance ou l’arrêt de renvoi - dé-
cision juridictionnelle - est amnistiée, la juridiction de jugement ART. 3. – EFFETS SUR LA PEINE.
ne peut que le constater et déclarer l’action publique éteinte. En
revanche, si la qualification retenue par l’ordonnance ou l’arrêt 164. L’amnistie a pour finalité d’effacer tous les effets d’une
de renvoi n’est pas amnistiée, la procédure suit son cours nor- condamnation, c’est pourquoi la formule légale sur les consé-
mal. L’appel reste possible, même si la décision de première quences de l’amnistie est généralement très large. « L’amnistie
instance avait substitué une qualification amnistiée à celle non entraîne la remise de toutes les peines principales, accessoires
amnistiée qui figurait dans l’ordonnance ou arrêt de renvoi (Cass. et complémentaires, ainsi que de toutes les incapacités ou dé-
crim. 3 juin 1932, Bull. crim., no 132 ; 21 juin 1938, Rev. sc. crim. chéances subséquentes » (L. 4 août 1981, art. 19 ; L. 20 juill.
1938.729). 1988, art. 19). « L’amnistie efface les condamnations pronon-
cées. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution,
la remise des peines et des mesures de police et de sûretés »
159. La juridiction de jugement ne peut pas se limiter à se décla- (L. 3 août 1995, art. 17 ; L. 6 août 2002, art. 15).
rer incompétente pour connaître de la nouvelle qualification, elle
est tenue de constater l’extinction de l’action publique. En sta- 165. Peine d’emprisonnement ferme. — Si la peine amnistiée
tuant autrement, sur le fondement d’une disqualification qui lui n’a pas été exécutée, elle ne le sera pas. La condamnation est
était interdite, elle méconnaît le principe de droit suivant lequel effacée, l’incarcération est exclue. Si la peine est en cours d’exé-
les faits amnistiés ne peuvent recevoir une qualification autre cution, le parquet doit ordonner la levée d’écrou, dès qu’on lui a
que celle qui leur avait été antérieurement donnée par l’arrêt ou donné connaissance de ce désistement. Ainsi connaît-on des
l’ordonnance de renvoi (Cass. crim. 20 mai 1976, Bull. crim., cas dans lesquels des détenus sont libérés le jour de la publica-
no 171). tion d’une loi d’amnistie au Journal officiel. Le tribunal correction-
nel de Paris ordonna la remise en liberté des indépendantistes
160. Il faut noter également que même si elle concerne des faits antillais arrêtés le 23 juillet 1987, le mercredi 12 juillet 1989, jour
amnistiés, la décision de la juridiction du fond est susceptible même de la publication de la loi d’amnistie (L. no 89-473, 10 juill.
d’appel lorsqu’elle porte sur les intérêts civils. Le tribunal de 1989, JO 12 juill. 1989 ; JCP éd. G 1989. I. 3410, chron. Gon-
police compétent pour juger des contraventions de police com- nard) au Journal officiel (Le Monde, 14 juill. 1989). Si la peine
mises avant le 17 mai 2002, amnistiées par l’article 2 de la loi du a déjà été exécutée, le condamné libéré de prison ne peut pré-
6 août 2002, reste compétent pour statuer sur les intérêts civils tendre à une indemnisation pour le temps d’incarcération. L’am-
(Cass. crim. 10 déc. 2002, no 02-84.285). nistie ne peut pas effacer la matérialité de la détention subie an-
térieurement.
161. Phase postérieure au jugement. — Si la loi d’amnistie est 166. Le code de procédure pénale exclut expressément cette
promulguée alors que la décision a été rendue, mais qu’elle n’est indemnisation. Certes, l’amnistié est bien une « personne qui a
pas encore définitive, la cristallisation joue. À partir du moment fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure
où l’ordonnance ou arrêt de renvoi vise une qualification amnis- terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe
tiée et où le jugement retient cette même qualification, la cristalli- ou d’acquittement devenue définitive », ce qui devrait lui ouvrir
sation se produit et l’action publique est éteinte. L’amnistie arrête droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et
les poursuites à partir du jour de la promulgation de la loi qui l’ac- matériel que lui a causé cette détention. Toutefois, aucune ré-
corde et s’oppose à ce que les faits amnistiés reçoivent une qua- paration n’est due lorsque cette décision a pour seul fondement
lification autre que celle qui leur avait été antérieurement donnée « une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire »
par la prévention et qui a été retenue dans un jugement. Il en (C. pr. pén., art. 149).
est ainsi des faits litigieux poursuivis et jugés par le tribunal de
police comme contravention de violences légères, et dont la re- 167. Peine d’amende. — Lorsqu’un condamné-débiteur bénéfi-
qualification en délit d’atteinte à l’exercice régulier des fonctions cie d’une mesure d’amnistie qui n’est pas subordonnée au paie-
de conseiller salarié était à nouveau demandée en appel (Cass. ment de l’amende, le recouvrement de celle-ci est abandonné.
crim. 6 mars 1997, no 96-82.392, Dr. pén. 1997, comm. 96, obs. C’est généralement sur cet abandon que parient les contreve-
J.-H. Robert). nants dans les mois qui précèdent des élections présidentielles.
Lorsque la condamnation amnistiée est une peine d’amende qui
a déjà été payée au Trésor public, il a toujours été admis que
162. Si la décision de la juridiction du fond retient, en revanche, l’amnistie n’entraîne pas, comme la logique le commanderait, le
une qualification non amnistiée, la cristallisation ne joue pas, et remboursement de l’amende versée (V. infra, no 221 et 435).
un appel est possible. La cour, saisie de cet appel, a le pouvoir
d’aggraver la qualification retenue par la décision du jugement de 168. Contrainte par corps. — Lorsque l’amnistie est subor-
première instance. Elle n’est liée ni par la qualification retenue donnée au paiement de l’amende (V. supra, no 118 et s.), les
par l’ordonnance de renvoi, ni par celle du jugement (V. Cass. lois d’amnistie ont longtemps écarté formellement l’exercice
crim. 18 mars 1920, Bull. crim., no 144 ; 31 mars 1949, ibid., de la contrainte par corps, dans le cadre du recouvrement.
no 122 ; 16 mars 1964, ibid., no 95, JCP 1964. II. 13720, note Mais les textes récents ont abandonné cette solution. Dé-
Michaud). sormais, les textes prévoient que son exécution, à défaut du

octobre 2003 - 23 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

paiement de l’amende, est une des conditions de l’amnistie simple ou du sursis avec mise à l’épreuve, l’amnistie est acquise
(L. 4 août 1981, art. 19 ; L. 20 juill. 1988, art. 19 ; L. 3 août lorsque la fraction ferme de l’emprisonnement est inférieure ou
1995, art. 17, al. 3 ; L. 6 août 2002, art. 5). L’amnistie ne sera égale au quantum prévu pour les peines fermes et que la du-
acquise qu’après le paiement de l’amende (si l’amende est rée totale de la peine prononcée est inférieure ou égale au maxi-
supérieure à 750 €, L. 6 août 2002, art. 5), ou après qu’aura mum prévu pour les peines avec sursis (L. 3 août 1995, art. 7-6o ,
été subie l’incarcération prévue par l’article 131-25 du code L. 6 août 2002, art. 6-6). Pour ce qui concerne l’application de la
pénal (jours-amendes) ;... l’amnistie sera également acquise loi de 2002, sont amnistiées les peines assorties du sursis par-
après exécution de la contrainte par corps, celle-ci ne faisant tiel, dès lors que la partie ferme ne dépasse pas trois mois et que
cependant pas obstacle au recouvrement ultérieur de l’amende. la peine globale ne dépasse pas six mois. Ces deux conditions
sont logiquement cumulatives. Ne seront donc pas amnistiées,
169. Frais de justice. — En principe, l’amnistie ne devrait pas par exemple, la peine de six mois d’emprisonnement dont quatre
être applicable aux frais de poursuite et d’instance avancés par fermes (plus de trois mois fermes), la peine de neuf mois d’em-
l’État. Toutefois, la jurisprudence avait jugé que la réserve des prisonnement dont un mois ferme (plus de six mois au total).
frais ne s’appliquait qu’aux condamnations passées en force de
chose jugée au jour de la promulgation de la loi (Cass. crim. 173. Sursis probatoire. — La promulgation d’une loi d’amnistie
10 févr. 1949, JCP 1949. IV. 49 ; 11 janv. 1961, Bull. crim., pendant la durée du délai d’épreuve (entre dix-huit mois et trois
no 18 ; 3 mai 1961, ibid., no 229). Les frais non encore payés à ans, C. pén., art. 132-42) met-elle un terme anticipé à cette pé-
cette date pouvaient donc être réclamés aux délinquants. Mais riode ? Tout dépend du quantum de la condamnation. Si la peine
les lois récentes décident désormais que les effets de l’amnistie est inférieure ou égale au taux de la peine amnistiable (neuf
s’étendent aux frais de poursuite et d’instance non encore recou- mois, L. 3 août 1995, art. 7-4 ; six mois, L. 6 août 2002, art. 6-4),
vrés. Les mêmes textes disposent que l’amnistie fait obstacle au l’amnistie est acquise. Si la peine est supérieure au quantum,
recouvrement du droit fixe de procédure visée à l’article 1018 A le condamné devra attendre que la condamnation soit déclarée
du code général des impôts (L. 3 août 1995, art. 21 ; L. 6 août non avenue, en application de l’article 132-52 du code pénal, ou
2002, art. 15). Depuis la loi no 93-2 du 4 janvier 1993 (suppri- qu’il ait accompli le délai d’épreuve sans avoir fait l’objet d’une
mant les frais de justice), l’article 800-1 du code de procédure décision ordonnant la révocation du sursis. Il a été jugé à cet
pénale prévoit que les frais de justice criminelle, correctionnelle égard que l’entrée en vigueur d’une loi d’amnistie après la déci-
et de police sont à la charge de l’État et sans recours envers les sion de révocation du sursis, mais avant que cette décision ne
condamnés. Auparavant, il était de règle que les frais de jus- soit définitive, permettait au condamné de bénéficier de l’amnis-
tice acquittés par le condamné ne donnent pas lieu à répétition. tie (CA Paris, 22 janv. 1982, JCP 1982. IV. 356). Le non-respect
Aujourd’hui, l’amnistie s’applique aux frais de poursuite et d’ins- des épreuves est une cause de révocation, si celle-ci est pro-
tance avancés par l’État en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie noncée avant promulgation d’une loi d’amnistie. Est justifiée la
française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les terres aus- décision de révocation partielle du sursis avec mise à l’épreuve,
trales et antarctiques françaises, où la loi du 4 janvier 1993 n’est motivée par le fait que le condamné n’a pas respecté l’obligation
pas applicable (L. 3 août 1995, art. 28 ; L. 6 août 2002, art. 24). de soins qui lui était imposée, et qu’il a continué à entretenir des
relations avec les victimes, en violation de l’interdiction formu-
170. Sursis. — Le principe de remise de toutes les peines prin- lée dans la condamnation, dès lors que la condamnation n’était
cipales, accessoires et complémentaires, ne distingue pas se-
pas amnistiée au titre des articles 2 et 7 de la loi du 3 août 1995
lon qu’elles sont fermes ou assorties du sursis, en vertu de quoi (Cass. crim. 2 juin 1999, no 98-83.207).
l’amnistie est un obstacle à l’exécution d’une peine avec sursis
dès lors qu’elle remplit les conditions pour bénéficier du pardon
174. Sursis-TIG. — La loi du 6 août 2002 étend cette logique
légal. L’amnistie est équivalente dans ses effets à une non-ré-
d’exécution préalable des mesures d’accompagnement aux
vocation anticipée du sursis avant le terme du délai d’épreuve.
La condamnation est réputée non avenue. Ceci étant dit, il faut peines de travail d’intérêt général (TIG) et aux peines d’empri-
remarquer que le quantum est généralement plus élevé pour les sonnement assorties d’un sursis avec obligation d’accomplir
peines avec sursis que pour les peines fermes (V. supra, no 39 un travail d’intérêt général (sursis-TIG) qui supposent l’accom-
et s.). plissement dudit travail pour permettre l’amnistie (L. 6 août
2002, art. 6-5 et 6-6). Le condamné doit effectuer son travail
171. Sursis partiel : jurisprudence. — Comment appliquer l’am- d’intérêt général pour être amnistié. À défaut, non seulement
nistie au quantum dans l’hypothèse d’un sursis partiel, introduit la condamnation subsiste, mais le sursis-TIG peut être révoqué
par la loi du 17 juillet 1970 ? On a vu des condamnés alléguer et la peine d’emprisonnement peut devenir exécutoire (C. pén.,
que la partie de leur peine déclarée exécutoire par la décision de art. 132-47).
condamnation étant inférieure au taux de la peine fixé par la loi
d’amnistie, cette peine devait disparaître par le jeu de l’amnistie. 175. Sursis antérieur. — Si la condamnation amnistiée avait
La cour d’appel de Paris a répondu que la peine mixte d’empri- eu pour effet de révoquer un sursis antérieur, celui-ci reprend-il
sonnement partiellement ferme, partiellement assortie du sursis, force et vigueur ? La Cour de cassation avait autrefois refusé de
n’est pas la juxtaposition de deux peines obéissant chacune à un faire rétroagir l’amnistie sur ce point (Cass. crim. 14 avril 1932,
régime distinct, mais une peine unique soumise à un régime par- DP 1932.1.185, note Laurent). Désormais, le principe de la ré-
ticulier. En conséquence, c’est le quantum global de condamna- troactivité a été posé en termes généraux par l’article 133-9 du
tion qui doit être comparé aux prévisions de la loi d’amnistie, ce code pénal : « L’amnistie efface les condamnations prononcées.
qui fait généralement obstacle au bénéfice de l’indulgence légale Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la re-
(CA Paris, 16 mars 1972, D. 1972.303, note J.-M. R. ; Rev. sc. mise de toutes les peines. Elle rétablit l’auteur ou le complice
crim. 1972.593, obs. Légal). Dans une autre espèce, la Cour de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être ac-
de cassation semble avoir rejeté cette solution pour adopter un cordé lors d’une condamnation antérieure. » C’est pourquoi la loi
autre raisonnement et déclarer l’amnistie applicable (Cass. crim. du 6 août 2002 ne reprend pas la formule utilisée par plusieurs
21 mars 1974, JCP 1975. II. 17998, note Larguier ; Rev. sc. crim. lois précédentes qui comportaient une disposition rétablissant
1975.126, obs. Larguier). expressément l’auteur de l’infraction dans le bénéfice du sursis
qui avait pu lui être accordé lors d’une condamnation antérieure
172. Sursis partiel : textes. — Les lois d’amnistie récentes ont (L. 4 août 1981, art. 19 ; L. 20 juill. 1988, art. 19 ; L. 3 août 1995,
précisé qu’en cas de peine, dont une part est assortie du sursis art. 17).

Rép. pén. Dalloz - 24 - octobre 2003


AMNISTIE

176. Sursis postérieur. — La qualité de « délinquant primaire », des obligations que peut imposer une décision de condamna-
indispensable pour obtenir le bénéfice d’un sursis, n’est en rien tion (V. infra, no 212 et s.).
affectée par une condamnation amnistiée. Si la peine antérieure
est effacée, le candidat au sursis est pénalement « vierge »
(C. pén., art. 132-30 sursis simple ; art. 132-40, sursis avec mise ART. 4. – EFFETS SUR LES VOIES DE RECOURS.
à l’épreuve ; art. 132-54, sursis avec obligation d’accomplir un
travail d’intérêt général). Les condamnations effacées par une 180. La promulgation d’une loi d’amnistie interfère forcément
loi d’amnistie ne peuvent être prises en compte pour apprécier sur les procès en cours. Certaines procédures vont être immé-
les conditions d’octroi du sursis simple, à l’occasion du prononcé diatement stoppées, d’autres vont perdurer. Cette question doit
d’une nouvelle condamnation. Doit donc être cassée la décision être distinguée de celle des contestations portant sur l’amnistie
de condamnation à une peine d’emprisonnement sans sursis, elle-même (V. supra, no 133 et s.) et de celle des effets sur la
motivée par le fait que le prévenu a été condamné, au cours des qualification (V. supra, no 152 et s.).
cinq années précédant les faits, à une peine d’emprisonnement,
alors que cette dernière a été effacée par amnistie (Cass. crim. 181. Amnistie réelle. — Si l’infraction est amnistiée en raison
18 mai 1999, no 97-85.979). Il faut insister sur le fait que sont de sa nature, les juridictions d’instruction doivent clôturer la pro-
retirées les fiches du casier judiciaire portant sur des condam- cédure par une ordonnance ou un arrêt de non-lieu à statuer
nations amnistiées et qu’il est interdit de rappeler l’existence de constatant l’extinction de l’action publique. Quant aux juridictions
la peine effacée (C. pén., art. 133-11 ; V. infra, no 197 et s.). de jugement, elles ne peuvent que déclarer les faits amnistiés.
Un tribunal saisi d’une procédure dans laquelle l’action publique
se trouve éteinte par l’amnistie ne saurait, en l’absence de consti-
177. Récidive. — Une condamnation amnistiée est effacée du
tution de partie civile, se prononcer sur la culpabilité de l’auteur
casier judiciaire. En toute logique, elle ne peut plus compter pour
présumé des faits poursuivis (Cass. crim. 14 déc. 1982 ; JCP,
l’avenir comme premier terme de récidive. La peine amnistiée ne
éd. G, 1983. IV. 71). La Cour de cassation saisie d’un pourvoi
sera pas prise en compte pour une majoration de peine en vertu
décidera qu’il n’y a pas lieu à statuer et annulera toute condam-
des règles de la récidive (Cass. crim. 26 mars 1909, Bull. crim.,
nation pénale antérieure (Cass. crim. 4 et 5 janv. 1901, DP
no 195 ; 24 janv. 1920, S. 1920.1.336 ; 21 avril 1932, Bull. crim.,
1901.1.86 ; 29 janv. 1962, Bull. crim., no 38). En matière dis-
no 111). Par exemple, en cas d’amnistie de la condamnation
ciplinaire, si les faits reprochés à un salarié sont amnistiés, la
ayant constitué le premier terme de la récidive, doit être cassé
Cour de cassation déclare qu’il ne peut être statué sur leur ca-
l’arrêt qui, tenant compte de cet état de récidive, a infligé au
ractère fautif (Cass. soc. 23 avril 2003, no 00-44.262, Bull. civ. V,
prévenu le maximum de la peine (Cass. crim. 23 mars 1982,
no 137).
Bull. crim., no 82 ; 20 févr. 1989, ibid., no 81).
182. Appel, pourvoi. — Lorsque l’amnistie réelle a des effets
178. Limites à l’effet rétroactif. — Lorsque, du fait de la récidive, immédiats, l’appel est irrecevable dès la promulgation de la loi
une peine a été majorée et qu’une amnistie intervient pour par- (Cass. crim. 25 mars 1950, Bull. crim., no 107). Le pourvoi
donner le premier terme qui servait de fondement à l’aggrava- en cassation est également irrecevable (Cass. crim. 1er juill.
tion, faut-il faire rétroactivement disparaître la peine aggravée ? 1948, JCP 1948. II. 4501, note Badie et Koops ; 10 janv. 1983,
Les nécessités pratiques commandent la solution. En effet, il Bull. crim., no 9). Cette solution s’applique aussi bien après une
est impossible de réduire cette peine ou d’effacer rétroactive- décision de condamnation, qu’après une décision de relaxe ou
ment l’emprisonnement subi si cette condamnation se trouvait d’acquittement (Cass. crim. 10 janv. 1901, S. 1902.1.62). C’est
effacée par l’amnistie. De plus, conformément aux principes le caractère d’ordre public de l’amnistie, mesure d’apaisement
classiques applicables pour toute condamnation, même unique, social, qui impose cette solution. Il s’agit « de classer », « d’ef-
les sanctions amnistiées ne sont pas, du fait de l’intervention de facer », « d’oublier » tel ou tel fait passé, prévu par la loi, dont il
la loi d’amnistie, devenues rétroactivement illégales (V. supra, faudrait, en quelque sorte, faire immédiatement table rase.
no 108).
183. Amnistie personnelle. — Si l’infraction est amnistiée en
179. Mesures de police et de sûretés. — Le pardon légal a pour raison des qualités individuelles de son auteur, l’amnistie n’en-
objet de soustraire le délinquant à la peine rétributive de l’in- traîne pas ipso facto l’effet extinctif des poursuites. Le bénéfice
fraction. Le raisonnement doit-il être étendu aux mesures prises de l’amnistie est subordonné à la vérification judiciaire des qua-
dans l’intérêt public et qui n’ont pas le caractère de peine au sens lités personnelles visées par la loi (Cass. crim. 1er févr. 1950,
strict ? (Sur la très subtile distinction entre peines et mesures de D. 1950.266). Il est donc nécessaire de procéder à une com-
sûretés, V. Cass. crim. 5 mai 1965, JCP 1966. II. 14609, note Le- parution du prévenu pour statuer positivement ou négativement
geais). La lecture des formules légales devrait conduire à assi- sur le respect des conditions légales. Si une voie de recours est
miler l’amnistie des peines et l’amnistie des mesures de police et exercée, la juridiction compétente devra l’examiner.
de sûretés. « L’amnistie entraîne la remise de toutes les peines
principales, accessoires et complémentaires, ainsi que de toutes 184. Si une cour d’appel, mise en demeure de se prononcer sur
les incapacités ou déchéances subséquentes » (L. 4 août 1981, une exception d’amnistie à titre individuel, s’abstient de le faire,
art. 19 ; L. 20 juill. 1988, art. 19). « L’amnistie efface les condam- sa décision encourt la censure de la Cour de cassation, en rai-
nations prononcées. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner son de l’impossibilité où celle-ci se trouve d’exercer son contrôle
lieu à restitution, la remise des peines et des mesures de police (Cass. crim. 3 juin 1950, Bull. crim., no 177). Si la loi d’amnis-
et de sûretés » (L. 3 août 1995, art. 17 ; L. 6 août 2002, art. 15). tie intervient alors qu’un pourvoi est pendant devant la Cour de
Il a ainsi été jugé, par exemple, qu’il n’y avait plus lieu d’or- cassation et qu’aucune question de fait ne se pose, la Cour dit
donner la radiation de l’inscription d’un commerçant au registre que le pourvoi est devenu sans objet et constate l’amnistie sans
du commerce lorsque le jugement le condamnant à l’interdiction qu’il y ait lieu à statuer. Pour le constat d’amnistie d’une mesure
de gérer avait fait l’objet d’une amnistie du fait du paiement de de mise à pied disciplinaire de trois jours prise pour refus d’exé-
l’amende (CA Paris, 20 mai 1998, Juris-Data no 1998-021505). cution de tâches (Cass. soc. 28 mai 2003, no 00-45.756).
Pourtant, il apparaît que l’étendue et la multiplication des excep-
tions au principe de l’effacement aboutit à vider cette règle d’une 185. Lorsque l’application de la loi soulève une question de fait,
grande partie de sa substance. Il semble, en effet, que malgré l’appréciation de cette dernière échappe à la Cour de cassation
plusieurs nuances, l’amnistie ne fait pas disparaître l’essentiel (Cass. crim. 5 févr. 1920, Bull. crim., no 66 ; 16 nov. 1928, ibid.,

octobre 2003 - 25 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

no 272). C’est ainsi que la Cour de cassation ne peut statuer autres que ceux formés par les parties civiles et les autres préve-
sur l’exception d’amnistie proposée pour la première fois devant nus et rend définitive la condamnation en ce qui concerne l’ac-
elle lorsque l’amnistie est accordée en considération des qua- tion publique à l’égard de celui qui s’est désisté (Cass. crim.
lités personnelles des condamnés. Dans une telle situation, la 4 mai 1999, no 98-83.365). Il faut remarquer que si le prévenu
Cour de cassation doit examiner le pourvoi au fond, mais sans ne s’est pas désisté de son pourvoi en cassation, l’amnistie de sa
qu’il en puisse résulter un préjudice pour le demandeur auquel il condamnation ne sera pas acquise avant la décision de la Cour
appartient de réclamer le bénéfice de l’amnistie devant le juge du de cassation (Cass. crim. 22 janv. 1990, Bull. crim., no 35).
fond compétent (Cass. crim. 6 nov. 1947, Bull. crim., no 214).
En effet, lorsque la condamnation n’est amnistiable qu’en raison 191. Le désistement doit intervenir sous la forme d’une décla-
de circonstances personnelles, cette condamnation produit ses ration au greffe de la juridiction qui a rendu la décision ou de
effets légaux jusqu’à ce qu’il ait été statué par la juridiction com- l’établissement pénitentiaire dans lequel l’intéressé est détenu.
pétente sur le bénéfice de cette mesure (Cass. crim. 21 juin La partie civile a également la faculté de se désister de son ap-
1951, Bull. crim., no 179). pel devant la juridiction pénale pour porter son action devant le
juge civil (Cass. soc. 5 mars 1986, JCP 1986. II. 14133).
186. La loi d’amnistie disposant que l’amnistie ne sera acquise
qu’après le paiement par le bénéficiaire éventuel de l’amende à 192. Par cette faculté de désistement, le condamné peut obte-
laquelle il a été personnellement et définitivement condamné, le nir immédiatement le bénéfice de l’amnistie sans s’exposer aux
point de savoir si une telle condamnation est amnistiée soulève incertitudes d’un second verdict dont la décision pourrait éven-
une question de fait qui ne peut être proposée pour la première tuellement dépasser le quantum. La juridiction saisie de la voie
fois devant la Cour de cassation (Cass. crim. 5 déc.1956, Bull. de recours devra statuer, ne serait-ce que pour donner acte du
crim., no 808). désistement du prévenu et déclarer caduc l’appel incident du mi-
nistère public. Toutefois, en cas d’appel principal du ministère
187. Amnistie au quantum. — Lorsque l’amnistie est prévue en public, la Cour demeure compétente pour statuer sur l’action pu-
fonction d’un critère de condamnation maximale, c’est-à-dire en blique, nonobstant le désistement du prévenu.
fonction du taux de la peine, la jurisprudence décide que la re-
laxe ou l’acquittement ne font pas obstacle à l’exercice des voies 193. Il a ainsi été jugé que, selon l’article 11 alinéa 4 de la loi
de recours. L’exercice d’un recours est généralement fondé sur du 3 août 1995, lorsqu’un appel a été formé avant l’entrée en
le principe de l’interprétation restrictive. Les textes disposent ha- vigueur de cette loi contre une condamnation amnistiée en rai-
bituellement que les infractions amnistiées sont celles qui ont ou son du quantum ou de la nature de la peine, le prévenu peut se
auraient donné lieu à condamnation. L’amnistie de telle peine désister de son recours. Ce désistement a pour effet de rendre
inférieure à tel taux ne peut s’étendre à une décision qui ne caduc l’appel incident du ministère public et de conférer un ca-
condamne pas. Si le prévenu est acquitté, le ministère public ractère définitif à la décision rendue sur l’action publique (Cass.
peut interjeter appel du jugement, sans que le prévenu puisse crim. 4 mai 1999, no 98-83.365). À l’inverse, doit être cassée
opposer l’exception d’amnistie (Cass. crim. 8 juill. 1948, Bull. la décision de cour d’appel qui, après avoir relevé que les faits
crim., no 191). bénéficiaient de l’amnistie, donne acte de son désistement au
prévenu et constate la caducité de l’appel incident du ministère
188. En cas de condamnation, au contraire, l’amnistie est im- public et le caractère définitif de la condamnation et son amnis-
médiate dès lors que la peine prononcée est inférieure au taux tie, alors que, en l’espèce, l’appel a été formé après l’entrée en
légal. L’exercice des voies de recours est exclu si la loi ne subor- vigueur de la loi du 3 août 1995 et que le prévenu s’est désisté de
donne pas l’octroi du bénéfice de l’amnistie à la condition que la son appel par simple déclaration devant la cour d’appel (Cass.
condamnation soit passée en force de chose jugée (Cass. crim. crim. 9 juill. 1997, no 96-86.118).
20 nov. 1947, JCP 1948. II. 4173, note Magnol ; 11 déc. 1947,
JCP 1948. II. 4387, note Magnol). 194. L’appel du ministère public à l’égard des coprévenus
garde tous ses effets s’ils ont eux-mêmes omis de se désister
189. On notera que la plupart des textes disposent qu’une (L. 20 juill. 1988, art. 11, al. 4, L. 3 août 1995, art. 11, al. 4 ;
condamnation ne peut être effacée par l’amnistie au quantum L. 6 août 2002, art. 8, al. 4).
que si elle a un caractère définitif (L. 16 juill. 1974, art. 6 ;
L. 4 août 1981, art. 10 ; L. 20 juill. 1988, art. 11 ; L. 3 août 1995, 195. Révision. — La seule dérogation au caractère d’ordre pu-
art. 11 ; L. 6 août 2002, art. 8). Lorsque la loi subordonne l’am- blic de l’amnistie est la possibilité de former un recours en ré-
nistie au caractère définitif de la condamnation, l’exercice des vision. Les lois d’amnistie contemporaines reconnaissent, en
voies de recours est possible, ce qui peut parfois produire des effet, au condamné amnistié, outre le droit de demander la ré-
conséquences plus répressives qu’indulgentes. Ainsi, lorsqu’un habilitation judiciaire, le droit d’agir en révision (V. not. L. 18 juin
jugement a prononcé contre un prévenu une peine inférieure au 1966, art. 24 ; L. 30 juin 1969, art. 21 ; L. 16 juill. 1974, art. 20 ;
quantum prévu par la loi d’amnistie, la Cour, saisie de l’appel L. 4 août 1981, art. 24 ; L. 20 juill. 1988, art. 25 ; L. 3 août 1995,
du ministère public contre cette décision, peut aggraver la peine art. 22 ; L. 6 août 2002, art. 17). L’amnistie n’est pas l’irrespon-
prononcée en première instance. La condamnation devenant sabilité, elle suppose au contraire la culpabilité, de sorte que le
supérieure au quantum, le condamné ne bénéficie alors pas condamné amnistié, sur lequel pèse une présomption de culpa-
de l’amnistie. Il n’importe que le prévenu, après avoir interjeté bilité, a intérêt à faire proclamer son innocence (R. MERLE et
appel du jugement, se soit désisté de ce recours (Cass. crim. A. VITU, Traité de droit criminel, t. 2, Procédure pénale, Cujas,
14 mai 1975, D. 1975, IR 138 ; 28 févr. 1983, Bull. crim., no 67). 5e éd., 2001, no 957, p. 1126).

190. Désistement. — Les lois d’amnistie les plus récentes ont 196. Par le recours en révision, l’amnistié garde la possibilité
aussi prévu qu’en l’absence de partie civile et de voie de re- de faire proclamer son innocence et d’obtenir, par exemple,
cours, l’amnistie était acquise sans signification dès le prononcé la réparation intégrale du préjudice que les poursuites et la
du jugement rendu par défaut, itératif défaut ou réputé contra- condamnation lui ont occasionné. Cette réparation peut prendre
dictoire (V. L. 3 août 1995, art. 11, al. 2). Lorsqu’il a formé un la forme d’une réintégration dans des fonctions professionnelles
appel, une opposition ou un pourvoi en cassation avant l’entrée ou des avantages honorifiques, d’une reconstitution de carrière
en vigueur de la présente loi contre une condamnation amnistiée ou de l’allocation de dommages-intérêts. De manière assez
au quantum, le prévenu peut se désister de la voie de recours paradoxale, le condamné, pourtant amnistié, peut faire revivre
exercée. Ce désistement rend caducs tous les recours incidents l’infraction qu’on lui avait reprochée, malgré la volonté législative

Rép. pén. Dalloz - 26 - octobre 2003


AMNISTIE

d’en effacer la dimension pénale, de nouveaux débats devant quintuple, conformément à l’article 131-38. Il sera toutefois ex-
une juridiction répressive mettant ainsi en échec le principe de trêmement difficile de démontrer l’intention coupable d’une per-
la rétroactivité du pardon législatif. sonne morale. C’est pourquoi la loi du 3 août 1995 a créé, à
côte du délit intentionnel de rappel d’une condamnation amnis-
tiée, un délit non intentionnel dont l’élément matériel consiste à
ART. 5. – INTERDICTION DE RAPPELER LA CONDAMNATION AMNISTIÉE. avoir laissé subsister la mention dans un document quelconque
(L. 3 août 1995, art. 23). Il a ainsi été décidé que ne peut être
197. Principe de non-rappel. — Si certaines lois d’amnistie retenue la responsabilité de la société ancien employeur du pré-
avaient pris soin de prohiber le rappel des condamnations venu, du chef de rappel d’une sanction disciplinaire amnistiée,
amnistiées (L. 16 juill. 1974, art. 21 ; 4 août 1981, art. 25 ; pour avoir signé une lettre de licenciement qui rappelait l’exis-
20 juill. 1988, art. 26), c’est désormais dans le code pénal que tence d’un avertissement pris à l’encontre de la partie civile, cou-
l’on trouve un principe général de prohibition de toute référence vert par l’amnistie, faute que soit démontrée son intention cou-
à une sanction amnistiée. « Il est interdit à toute personne qui, pable. En revanche, la société doit être reconnue coupable du
dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance de condam- délit, réprimé à l’article 23 de la loi du 3 août 1995, consistant à
nations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles avoir laissé subsister dans le dossier de la partie civile la mention
ou d’interdictions, déchéances et incapacités effacées par d’une sanction disciplinaire amnistiée (CA Paris, 6 avril 1998, Ju-
l’amnistie, d’en rappeler l’existence sous quelque forme que ris-Data no 1998-021322). Doit être condamnée la personne mo-
ce soit ou d’en laisser subsister la mention dans un document rale employeur coupable de rappel d’une sanction disciplinaire
quelconque. Toutefois, les minutes des jugements, arrêts et amnistiée, dès lors que la lettre d’avertissement avait nécessai-
décisions échappent à cette interdiction. En outre, l’amnistie rement été produite par le représentant de cette société devant le
ne met pas obstacle à l’exécution de la publication ordonnée conseil de prud’hommes et qu’une telle production, effectuée en
à titre de réparation » (C. pén., art. 133-11). C’est sans doute connaissance de cause, caractérisait l’infraction en tous ses élé-
par souci pédagogique que le législateur s’applique à répéter ments en la personne de ce représentant (Cass. crim. 21 mars
ce principe de prohibition dans chaque loi d’amnistie (L. 3 août 2000, no 98-84.714). On notera que la loi du 6 août 2002 ne
1995, art. 23 ; 6 août 2002, art. 15). contient pas ce délit de rappel d’une condamnation amnistiée par
imprudence ou négligence, pourtant toujours prévu dans l’article
198. Il est étonnant de constater que l’article 133-11 du code
133-11 du code pénal.
pénal crée une interdiction sans qu’aucune peine ne figure en
regard de la prohibition. Il apparaît, en effet, que c’est au cœur
de chaque loi d’amnistie que l’on découvre la pénalité décidée 202. Obligation d’effacement. — L’effet extinctif de l’amnistie se
par le législateur, nouvelle sorte de pénalité par renvoi. La loi prolonge par une obligation d’effacement qui concerne en par-
du 4 août 1981 a prévu des sanctions pénales sous la forme ticulier les mentions au casier judiciaire national. Chaque loi
d’une amende de 500 à 10 000 F en cas de référence à une d’amnistie renvoie sur ce point à l’article 769 alinéa 2 du code
condamnation ou à une sanction amnistiée. Le maximum de de procédure pénale, lequel prévoit : « Sont retirées du casier
cette peine a été porté à 15 000 F par l’article 26 de la loi du judiciaire les fiches relatives à des condamnations effacées par
20 juillet 1988, à 25 000 F aux termes de l’article 23, alinéa 2, de une amnistie, par la réhabilitation de plein droit ou judiciaire ou
la loi du 3 août 1995, puis à 5 000 € par l’article 15 de la loi du réformées en conformité d’une décision de rectification du ca-
6 août 2002. sier judiciaire. Il en est de même, sauf en ce qui concerne les
condamnations prononcées pour des faits imprescriptibles, des
199. Personnes visées. — La prohibition est limitée par le texte fiches relatives à des condamnations prononcées depuis plus de
aux personnes qui auraient eu connaissance, dans l’exercice quarante ans et qui n’ont pas été suivies d’une nouvelle condam-
de leurs fonctions, des condamnations ou sanctions amnis- nation à une peine criminelle ou correctionnelle ».
tiées, alors que, antérieurement à la loi du 3 août 1995 se
trouvaient généralement visées « toutes personnes ayant eu 203. L’obligation de faire disparaître toute référence à une
connaissance ». Il en résulte que ce sont principalement acteurs condamnation amnistiée est-elle satisfaite par une mention en
du système judiciaire, magistrats, greffiers, avocats, qui sont marge d’un document, signalant au lecteur que telle décision
susceptibles d’être pénalement sanctionnés sur le fondement est amnistiée ? Le Conseil d’État a condamné cette pratique au
de l’article 133-11. sujet des fichiers du ministère de la Justice, dont deux arrêtés
du 22 octobre 2001 (modifiant les arrêtés des 18 juin 1986 et
200. Il a été jugé que la prohibition du rappel d’une condamna- 13 avr. 1993) prévoyaient que les fichiers seraient mis à jour en
tion amnistiée s’applique lorsque la connaissance en a été ac- cas d’amnistie et de réhabilitation « par mention et en conformité
quise dans l’exercice de ses fonctions par l’auteur de la révéla- avec les dispositions (...) des art. 133-9 à 11 pour l’amnistie et
tion, disposition qui n’est pas applicable à un journaliste ayant fait 133-16 pour la réhabilitation ». Le Conseil d’État affirme que
mention dans un article d’une condamnation pour publicité men- ce dispositif, qui ne prévoit aucun effacement des données, ne
songère de la partie civile (CA Paris, 25 mars 2002, Juris-Data suffit pas à garantir que les principes posés par le code pénal
no 2002-176542). De même, il a été admis que l’auteur d’un qui interdisent de « rappeler l’existence » de condamnations, de
ouvrage historique pouvait rappeler dans celui-ci les condamna- sanctions, d’interdictions, de déchéances ou d’incapacités se-
tions encourues autrefois par un homme politique, bien que ce ront respectés. En conséquence, ces dispositions doivent être
dernier ait bénéficié depuis d’un décret de grâce amnistiante (CA annulées, en tant qu’elles concernent l’amnistie et la réhabilita-
Paris, 3 nov. 1965, Gaz. Pal. 1966.1.220). Une procédure ne tion. Une telle annulation ne saurait avoir pour effet de maintenir
serait pas viciée en cas de rappel de condamnations amnistiées dans l’ordre juridique une disposition contraire aux garanties
dans un rapport d’expertise psychiatrique, une enquête sociale prévues par le code pénal. Il y a lieu, dans ces conditions, d’en
ou un interrogatoire de curriculum vitae. préciser la portée par des motifs qui en constituent le soutien
nécessaire. La présente décision a nécessairement pour consé-
201. Personnes morales. — Dès lors que les personnes mo- quence que le garde des Sceaux est tenu de prendre, dans un
rales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les délai raisonnable, un arrêté modifiant les arrêtés des 18 juin
conditions définies à l’article 121-2 du nouveau code pénal, elles 1986 et 13 avril 1993, afin de prévoir les conditions et les limites
peuvent être poursuivies sur le fondement de l’article 133-11 du dans lesquelles les fichiers institués par ces textes devront être
code pénal. Elles sont alors passibles d’une amende portée au mis à jour pour tenir compte des amnisties et réhabilitations.

octobre 2003 - 27 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

Il lui incombe de prévoir explicitement que cette modification qu’un avocat puisse se référer à une condamnation amnistiée
devra consister en l’effacement de toutes les mentions de pour se défendre à l’occasion d’un contentieux d’honoraires
nature à rappeler l’existence des condamnations, sanctions, opposant l’avocat et son client. Ne se rend pas coupable de
interdictions, déchéances ou incapacités, et que ne pourra rappel d’une condamnation amnistiée l’avocat qui mentionne,
subsister dans le fichier que la référence à la loi d’amnistie ou à dans une plainte avec constitution de partie civile contre son
la décision portant réhabilitation (CE 5 mars 2003, no 241325 ; client, une condamnation de celui-ci amnistiée par la loi du
V. aussi 27 juill. 2001, no 222509, AJDA 2001.1046, chron. 20 juillet 1998. Cette mention est destinée à situer l’affaire,
M. Guyomar et P. Collin). l’importance du litige et de la prestation fournie par l’avocat et à
accréditer la production de faux par le client. Par conséquent,
204. Il est intéressant de relever que la loi du 6 août 2002 va la mention litigieuse constitue la base et le support nécessaires
peut-être contribuer à lutter contre cette lecture jurisprudentielle de la plainte et était indispensable à l’exercice des droits de
de l’article 133-11 du code pénal par l’insertion de la disposition la défense de l’avocat (CA Paris, 1er juill. 1999, Juris-Data
suivante : « Nonobstant toute disposition contraire, elle [l’am- no 1999-024946 ; V. aussi CA Toulouse, 5 janv. 1982, JCP
nistie] n’empêche pas le maintien dans un fichier de police ju- 1982. II. 19899, note P. Chambon). Encore faut-il que le rappel
diciaire des mentions relatives à des infractions amnistiées » s’impose pour pouvoir être justifié, car la production en justice
(L. 6 août 2002, art. 17, al. 4). Les observateurs sont impatients d’une décision amnistiée comme moyen de défense, en l’ab-
de connaître l’issue du conflit entre ces normes, juridiquement sence de contrainte, constitue le délit de rappel illicite (CA Paris,
équivalentes, puisque toutes deux législatives, que la Cour de 4 mai 2000, Juris-Data no 2000-123559).
cassation ne manquera pas d’avoir à trancher.
209. L’amnistie fait disparaître rétroactivement la condamnation
205. Rappel illicite dans une décision judiciaire. Portée. — La pénale prononcée et le caractère délictueux des faits, mais elle
simple référence à une condamnation amnistiée, dans un acte n’en modifie pas la réalité matérielle. Ainsi, l’amnistie n’entraîne
de procédure ou même une décision judiciaire, n’est pas cause pas remise des sanctions civiles de la loi du 25 janvier 1985 telles
de nullité, sauf si cette référence constitue le fondement de la que la faillite personnelle. Condamné à ce titre, un dirigeant ne
condamnation. Ainsi, pour une ordonnance de placement en dé- peut donc ni se prévaloir de l’amnistie, ni reprocher au liquidateur
tention provisoire de la personne mise en examen qui mentionne d’avoir rappelé la condamnation amnistiée, puisqu’il a été sim-
le fait que cette dernière a fait l’objet d’une condamnation anté- plement fait mention des termes de l’arrêt dont il s’était prévalu
rieure, aucune nullité ne saurait être encourue au motif qu’il s’agi- pour sa défense (CA Paris, 3e ch. B, 17 janv. 1997, Juris-Data
rait du rappel d’une condamnation amnistiée prohibé par l’article no 020049).
133-11 du code pénal. En revanche, la mention « déjà condam-
né » figurant sur le procès-verbal de confrontation postérieur à la 210. La prohibition du rappel d’une condamnation amnistiée a
promulgation de la loi d’amnistie du 3 août 1995 méconnaît les finalement une portée moins large qu’il n’y paraît à première
dispositions de l’article 133-11 du code pénal, de sorte que ladite vue. Il est évident, d’abord, qu’elle est en partie neutralisée par
mention doit faire l’objet d’une cancellation. Cependant, dès lors cette autre disposition des lois d’amnistie qui réserve le droit des
qu’il n’apparaît pas que la mention litigieuse ait, d’une manière tiers et qui autorise ainsi la production dans une instance civile,
ou d’une autre, porté atteinte aux intérêts de la personne mise de pièces d’un dossier pénal classé à la suite d’une amnistie.
en examen dans les actes de la procédure subséquents, l’annu- D’autre part, la loi elle-même excepte de l’interdiction les mi-
lation sera limitée à la cancellation ainsi ordonnée (CA Limoges, nutes des jugements ou arrêts déposés dans les greffes ; ces
12 déc. 1995, Juris-Data no 1995-053359). pièces doivent rester intactes, mais leurs expéditions doivent
mentionner l’amnistie (A.-P. GOULESQUE, Les mesures de sû-
206. En revanche, mérite la cassation, l’arrêt se référant à une
retés, l’amnistie et la preuve des infractions subséquentes, Rev.
précédente condamnation amnistiée pour fixer à 10 mois d’em-
sc. crim. 1967.234).
prisonnement la peine d’une mère de famille pour non-représen-
tation d’enfant. Si les dispositions de l’article 23 de la loi du 3 août 211. Des critiques sévères ont été formulées par la doctrine
1995 portant amnistie qui interdisent le rappel d’une condam- contre ce mystère dont le législateur veut ainsi entourer les dos-
nation amnistiée ne prévoient pas la nullité de l’acte contenant siers de condamnation. On a estimé qu’il était inconciliable avec
la mention prohibée, l’annulation doit cependant être prononcée les nécessités d’une bonne administration de la justice criminelle
lorsqu’il résulte des motifs d’une décision que la prise en consi- qui exige que les juges soient informés aussi exactement que
dération de la condamnation amnistiée a influé sur l’appréciation possible sur les antécédents des justiciables (R. MERLE et A. VI-
de la peine sanctionnant la nouvelle infraction poursuivie (Cass. TU, Traité de droit criminel, t. 2, Procédure pénale, Cujas, 5e éd.,
crim. 6 mai 1997, no 96-82.328, Bull. crim., no 176. V. aussi 2001, no 952, p. 1121. V. aussi les chroniques de M. André Vitu
Cass. crim. 8 nov. 1995, D. 1997.321, note Fournier ; 12 sept. (Rev. sc. crim. 1986.599 et 1987.415, ainsi que les observa-
2001, no 01-82.011). tions de M.M. Azibert ss. Cass. crim. 13 janv. 1988, JCP, éd. G,
1988. II. 20974 et de J.-H. Robert ss. CA Versailles, 5 janv. 1992,
207. Survie de certaines condamnations. — Il a toujours été ac-
Dr. pénal 1992, comm. 96).
quis que l’amnistie ne peut mettre obstacle aux décisions des
juges ordonnant la publication des jugements et arrêts en ma-
tière de diffamation ou de dénonciation calomnieuse (L. 20 juill. ART. 6. – LIMITES À L’EFFET EXTINCTIF DE L’AMNISTIE.
1988, art. 26, al. 3). Cette dérogation a été généralisée par l’ar-
ticle 23, alinéa 1, de la loi du 3 août 1995 à tous les cas où la pu- 212. Il est acquis que l’amnistie efface le caractère délictueux
blication est ordonnée à titre de réparation. Désormais, l’article des faits reprochés sans en altérer la matérialité ni en affecter la
133-11 du code pénal dispose expressément que l’amnistie ne réalité. Les faits ont existé, mais leur « coloration pénale », le
met pas obstacle à l’exécution de la publication à titre de répara- sens qu’on leur donnait, a disparu a posteriori, par le jeu d’une
tion. La justification de cette dérogation se rattache à la réserve rétroactivité. L’infraction a bien été commise. La responsabili-
du droit des tiers (V. infra, no 226 et s.). té pénale a existé dans son principe et la rétroactivité de l’am-
nistie est impuissante à faire disparaître complètement sa trace
208. Avocat. — droits de la défense. On sait que l’exercice indélébile (R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 2,
des droits de la défense justifie parfois des dérogations aux Procédure pénale, Cujas, 5e éd., 2001, no 953, p. 1122). Parmi
règles classiques de confidentialité (V. Secret professionnel). les principales limites à l’effet extinctif de l’amnistie, on notera,
Il semble que sur le même modèle, la jurisprudence admette d’une part, que certaines mesures, bien que prononcées par le

Rép. pén. Dalloz - 28 - octobre 2003


AMNISTIE

juge répressif, ne sont pas amnistiables, et d’autre part, que la d’un étranger ; l’interdiction de séjour ; l’interdiction des droits ci-
rétroactivité de l’amnistie est limitée par le principe de non-resti- viques, civils et de famille ; les mesures de démolition, de mise
tution. en conformité et de remise en état des lieux ; la dissolution de la
personne morale ; l’exclusion des marchés publics ; l’interdiction
213. Mesures non amnistiables. — Lorsqu’il entre en voie de de pénétrer dans une ou plusieurs enceintes où se déroule une
condamnation, le juge pénal peut être amené à prononcer des manifestation sportive visée à l’article 42-11 de la loi no 84-610
sanctions qui ne sont pas des peines au sens strict. La plupart de du 16 juill. 1984 relative à l’organisation et à la promotion des
ces mesures, quelles que soient les dénominations qui aident à activités physiques et sportives.
les distinguer, ne sont pas amnistiables (V. supra, les peines). Il
a ainsi été jugé que la décision par laquelle le procureur général 218. La loi la plus récente a rajouté à cette liste des mesures
prononce le retrait ou la suspension de l’habilitation d’un officier exclues de l’amnistie : l’interdiction d’exercer une activité pro-
de police judiciaire à exercer les attributions attachées à cette fessionnelle ou sociale prononcée pour crime ou délit (L. 6 août
qualité ne constitue pas une sanction amnistiable au sens de 2002, art. 16-5) ; l’interdiction de détenir ou de porter, pour une
l’article 14 de la loi du 3 août 1995. En effet, les mesures prises durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation
par le procureur général sont des mesures d’administration judi- (L. 6 août 2002, art. 16-9) ; la confiscation d’une ou de plusieurs
ciaire (C. pr. pén., art. 16) et ont essentiellement pour objet d’as- armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre dis-
surer le bon fonctionnement de la police judiciaire (Cass. crim. position (L. 6 août 2002, art. 16-10).
13 janv. 1998, D. 1998, IR 81).
219. Mesures de sûreté. — Inspirée par la théorie de la défense
214. Mesures non répressives. — Le ministre chargé de l’écono- sociale, ces mesures sont prononcées en fonction de l’état dan-
mie peut, dans son appréciation du risque que comporte un pro- gereux ou inadapté du délinquant. Certains ont critiqué la pos-
jet d’investissement étranger pour l’ordre public ou la sécurité pu- sibilité d’amnistier des mesures de sûretés, arguant que si la loi
blique, tenir compte du comportement de la personne même am- peut modifier le sens des faits, leur « coloration pénale », aucune
nistiée (CE 15 avril 1996, no 160550, D. 1996, IR 130). Le refus loi d’amnistie ne peut faire disparaître la dangerosité (LEVAS-
d’inscription au tableau de l’ordre des experts-comptables pour SEUR, Un précédent inquiétant pour l’avenir de la probation, La
défaut des garanties de moralité nécessaires n’est pas une sanc- loi d’amnistie du 30 juin 1969, D. 1969, chron. 233).
tion au sens strict, et peut se fonder sur une condamnation am-
nistiée pour avoir exercé illégalement l’activité d’expert-comp- 220. Retrait de l’autorité parentale. — Les père et mère qui sont
table à titre indépendant sans avoir été inscrit au tableau (CE condamnés, soit comme auteurs, coauteurs ou complices d’un
22 févr. 2002, no 217851). crime ou délit commis sur la personne de leur enfant, soit comme
coauteurs ou complices d’un crime ou délit commis par leur en-
215. Sanctions non judiciaires. — Les sanctions prononcées fant peuvent se voir retirer totalement l’autorité parentale par une
par une caisse primaire d’assurances maladie envers un phar- disposition expresse du jugement pénal (C. civ., art. 378). Le ju-
macien d’officine pour violation de la convention relative à la gement peut, au lieu du retrait total, se borner à prononcer un
dispense d’avance des frais en matière de prestations phar- retrait partiel de l’autorité parentale, limité aux attributs qu’il spé-
maceutiques à laquelle il a adhéré ne sont pas amnistiables. cifie. Il peut aussi décider que le retrait total ou partiel de l’auto-
La décision de la caisse ne constitue pas la sanction de fautes rité parentale n’aura d’effet qu’à l’égard de certains des enfants
professionnelles, mais celle de l’inexécution par le pharmacien déjà nés (C. civ., art. 379-1). Il est de règle que l’amnistie de-
de ses obligations contractuelles (Cass. soc., 1er mars 2001, meure sans effet sur les décisions rendues conformément aux
no 99-13.972). Il avait déjà été jugé que la réclamation par une articles 378 (retrait total) et 379-1 (retrait partiel) du code civil
caisse primaire à un employeur du montant des prestations (L. 20 juill. 1988, art. 27 ; 3 août 1995, art. 18-8 ; 6 août 2002,
versées à la victime d’un accident du travail pour déclaration art. 17-3).
hors délai n’avait pas un caractère pénal, mais civil, et n’entrait
donc pas dans les prévisions de la loi du 3 août 1995 (Cass. 221. Exceptions à la rétroactivité : non-restitution. — Les lois
soc. 29 oct. 1998, JCP 1998. IV. 2187). d’amnistie contemporaines disposent toutes que l’amnistie ne
peut donner lieu à restitution (L. 30 juin 1969, art. 16 ; 16 juill.
216. Mesures de police et de sûretés. — L’amnistie a été dé- 1974, art. 15 ; 4 août 1981, art. 19 ; 20 juill. 1988, art. 19 ;
clarée inapplicable à diverses mesures de caractère réel, telles 3 août 1995, art. 17 ; 6 août 2002, art. 15). Si l’amnistie opère
que l’obligation d’effectuer des travaux ou de détruire un édifice rétroactivement une modification du sens des faits commis, elle
mal implanté (CE 2 mars 1917, S. 1923. III. 26 ; Cass. crim. demeure sans effet sur l’exécution d’une peine qui a déjà été
7 févr. 1925, Bull. crim., no 43), la fermeture d’établissement subie. La fraction de l’amende versée au Trésor public avant
(Cass. crim. 24 juill. 1967, JCP 1968. II. 15342), l’interdiction la promulgation de l’amnistie ne peut être rendue au condamné
d’exercer des fonctions médicales (Cass. crim. 25 oct. 1967, amnistié. Sur ce point, la rétroactivité de la loi est imparfaite :
Rev. sc. crim. no 1968.613), la confiscation spéciale au profit la peine subsiste dans la mesure où elle a été exécutée avant
du propriétaire d’un brevet contrefait (Cass. crim. 6 nov. 1969, la survenance de l’amnistie. On dit parfois que l’amnistie opère
JCP 1970. II. 16348, note Delpech), la suspension du permis ex nunc et non ex tunc (V. PRADEL, Les limites de l’amnistie en
de chasse (Cass. crim. 23 nov. 1982, Bull. crim., no 265), la droit pénal, D. 1967, chron. 233).
fermeture d’un débit de boissons (Cass. crim. 10 mai 1989,
Bull. crim., no 183). En matière de contravention de grande 222. Lorsque la condamnation amnistiée est une peine
voirie, la jurisprudence admet très régulièrement que l’amnis- d’amende qui a déjà été payée au Trésor public, l’amnistie
tie n’efface pas l’obligation de remettre les lieux en l’état (CAA n’entraîne pas, comme la logique le commanderait, le rembour-
Lyon, 12 mai 1998, no 95LY00226 ; CAA Bordeaux, 7 juill. 1998, sement de l’amende versée (V. supra, no 167 et infra no 435).
no 95BX00424 ; 5 févr. 2001, no 97BX31438). On a parfois invoqué en ce sens le principe de droit fiscal, assez
contesté, selon lequel les sommes régulièrement perçues ne
217. On relèvera, par exemple, que la loi du 3 août 1995 (art doivent pas être restituées (Instr. Gén. Min. Finances 5 juill.
18-II), comme la loi du 6 août 2002 (art. 16) écartent expressé- 1895, Journal des parquets 1897.3.1).
ment l’amnistie des mesures suivantes : la faillite personnelle et
autres sanctions prévues par la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 223. Recouvrement. — Une amende ayant fait l’objet d’un « avis
relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entre- à tiers détenteur », notifiée au contrevenant par le Trésor pu-
prises ; l’interdiction du territoire français prononcée à l’encontre blic avant la publication de la loi d’amnistie, ne donne pas lieu

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AMNISTIE

à restitution, la notification comportant un effet attributif immé- en matière de diffamation et de dénonciation calomnieuse, ces
diat au Trésor public, même si le versement des fonds intervient sanctions ayant un but de réparation (L. 20 juill. 1988, art. 26,
après la publication de la loi (Rép. min., question écrite no 28833, al. 3 ; 3 août 1995, art. 23 ; 6 août 2002, art. 17).
JOAN 13 nov. 1995, p. 4854). À l’inverse, la procédure de re-
couvrement ne peut avoir pour but de faire échec à l’amnistie. 229. Atteinte à la rétroactivité de l’amnistie. — Le prévenu de-
Le juge de l’exécution est fondé à annuler un avis à tiers dé- vra contester l’existence du délit pénal qui lui est reproché pour
tenteur émanant (après la L. du 6 août 2002) du Trésor public mettre en échec l’action de la victime. Mais le fait dommageable
tendant à obtenir d’un administré le paiement d’une somme en survivra sous son aspect de délit ou de quasi-délit civil (C. civ.,
règlement de 42 amendes forfaitaires majorées pour des contra- art. 1382 et 1383). C’est ainsi que les faits constitutifs de contra-
ventions commises avant la loi d’amnistie, car la loi d’amnistie vention ou de délit de blessures involontaires qui avaient donné
aura pour conséquence d’effacer une partie de la dette du dé- lieu à l’ouverture de l’action publique seront l’objet d’un débat,
fendeur (CA Bordeaux, Premier Président, 18 mars 2003, Ju- malgré l’amnistie en vue de l’allocation de dommages-intérêts
ris-Data no 2003-206853). à la victime sur le fondement du code civil. La juridiction pé-
nale, restée compétente pour apprécier les conséquences dom-
224. Le Conseil d’État a jugé qu’un condamné est fondé à de- mageables d’une infraction amnistiée, a le pouvoir de détermi-
mander restitution des sommes versées par lui après la loi d’am- ner si les éléments constitutifs de l’infraction étaient réunis à
nistie en exécution d’un jugement antérieur pour les faits rela- la charge du prévenu pour en tirer des prolongements sur le
tifs à une contravention de grande voirie, dès lors que l’amnistie plan civil (Cass. crim. 24 mars 1987, Bull. crim., no 136). À
(L. 4 août 1981) a pour effet d’effacer le caractère délictueux des cet égard, les conséquences de l’amnistie apparaissent compa-
infractions et ne laisse rien subsister des condamnations qui ont rables à celles d’un fait justificatif comme la légitime défense,
été prononcées (CE 8 avril 1987, D. 1987.502). Il faut en déduire puisque dans cette hypothèse également, la victime peut recher-
une disparité de régime entre celui qui paye les sommes dues cher la responsabilité civile du fautif et lui demander réparation
avant l’entrée en vigueur de la loi (pas de restitution) et celui qui de son dommage sans plus pouvoir mettre en cause sa respon-
paye après l’entrée en vigueur de la loi (restitution). sabilité pénale.
225. Confiscation : non-restitution. — Doit être cassé l’arrêt qui 230. Les éléments de toute procédure pénale peuvent être uti-
fait droit à la demande d’un condamné, fondée sur la loi du 4 août lisés comme preuve dans l’instance civile liée à l’infraction. « Il
1981 et tendant à la restitution de ses deux fusils de chasse dont doit être précisé que l’interdiction à toute personne en ayant eu
la confiscation avait été prononcée à titre de peine principale connaissance de rappeler, sous quelque forme que ce soit, ou de
(Cass. crim. 9 nov. 1982, Bull. crim., no 245). Le législateur laisser subsister dans tout document quelconque, les condam-
déroge parfois à la règle. Ainsi ont été déclarés restituables les nations pénales, les sanctions disciplinaires ou professionnelles
objets confisqués lors des poursuites pour infractions au code et les déchéances effacées par l’amnistie ne s’applique pas aux
des postes et télécommunications (L. 4 août 1981, art. 19). Ce minutes des jugements, arrêts et décisions. Des expéditions
texte visait surtout du matériel de réalisation d’émissions de ra- peuvent en être délivrées à la condition de porter en marge men-
dio, appelées à l’époque « radio-libres ». tion de l’amnistie » (Question écrite no 6597 de M. p. Bonnecar-
rère, JOAN 6 déc. 1993, p. 4382). S’agissant de l’extension
SECTION 2 d’une liquidation des biens à un dirigeant, c’est justement que la
cour d’appel s’est référée à l’instance pénale du chef d’abus de
Incidences de l’amnistie sur la responsabilité civile. biens sociaux pour y trouver les éléments de preuve de la gestion
de fait, et qu’elle a ensuite, par des motifs propres, relevé que le
226. La générosité et la volonté d’apaisement que manifeste le
dirigeant de fait avait procédé à des prélèvements occultes sur
législateur par le vote d’une loi d’amnistie « ne sauraient s’expri-
les fonds sociaux (Cass. crim. 26 mai 1992, no 90-16574, Bull.
mer au détriment de victimes ou de tiers dont il convient de pré-
crim., no 208).
server les droits » (Rép. min. no 34793, JOAN Q 8 avril 1996,
p. 1933 ; JCP 1996. IV. 89). 231. L’autorité de la chose jugée d’une condamnation amnistiée
demeure entière et s’imposera au juge civil (Cass. crim. 24 nov.
ART. 1er. – CONSÉQUENCES CIVILES DE L’AMNISTIE. 1936, Gaz. Pal. 1937.1.64, JCP 1937. II. 14948, note Michaud).
227. Réserve des droits des tiers. — L’article 133-10 du code 232. Qualité de tiers. — La question a été débattue de savoir si
pénal (probablement le plus succinct) exprime dans une formule devaient être regardées comme des tiers, au sens de la loi de
lapidaire : « L’amnistie ne préjudicie pas aux tiers. » Il est acquis l’amnistie, certaines administrations préposées à des services
que l’amnistie entraîne effacement rétroactif des condamnations publics. La jurisprudence a statué négativement pour celles qui
pénales, en vertu d’un pardon légal qui anéantit le caractère dé- constituent des organes de l’État, ainsi les Eaux et Forêts, les
lictueux des faits. Néanmoins, la survie de la matérialité de faits contributions indirectes (Cass. crim. 18 janv. 1961, Bull. crim.,
leur donne la possibilité de produire de puissants effets sur le no 30 ; 8 mai 1967, ibid., no 150). En revanche, la qualité de tiers
plan civil. On comprend le projet du législateur qui souhaite ne a été reconnue à celles qui ne sont pas des organes de l’État,
pas léser les victimes des infractions, objets de l’amnistie, et leur comme l’Assistance publique de Paris (Cass. crim. 6 août 1925,
conserver le droit de faire reconnaître et réparer leur préjudice, Gaz. Pal. 1925.2.500) ou une commune victime d’un délit fores-
c’est-à-dire, d’obtenir justice (A. GARAPON, F. GROS, T. PECH, tier (CA Paris, 9 mars 1960, D. 1960.310). Il a été également ju-
Et ce sera justice. Punir en démocratie, Éditions Odile Jacob, gé que l’amnistie de droit dont bénéficiait l’auteur d’une infraction
2001, p. 251). à l’article 146-1 du code forestier n’avait point d’effet sur les ré-
parations civiles allouées à l’Office national des forêts, établisse-
228. Dossier pénal. — L’action des tiers est facilitée par l’au- ment national à caractère industriel et commercial (Cass. crim.
torisation d’utiliser, pour nourrir les débats civils, le dossier de 3 mars 1982, Bull. crim., no 67).
la procédure pénale. En cas d’instance sur les intérêts civils, le
dossier pénal est versé aux débats et mis à la disposition des 233. Compagnie d’assurances. — On s’est demandé également
parties (L. 4 août 1981, art. 23 ; 20 juill. 1988, art. 24 ; 3 août dans quelle mesure une compagnie d’assurances avait la quali-
1995, art. 21 ; 6 août 2002, art. 21). Par ailleurs, il est géné- té de tiers vis-à-vis d’un client condamné pour conduite en état
ralement prévu que l’amnistie ne peut faire obstacle aux déci- d’ivresse, puis amnistié. Dans l’affirmative, elle pouvait oppo-
sions des juges ordonnant la publication des jugements et arrêts ser à l’assuré que « l’amnistie ne préjudicie pas aux tiers » et

Rép. pén. Dalloz - 30 - octobre 2003


AMNISTIE

échapper ainsi à la couverture du risque (CA Poitiers, 10 avril normal en cas d’amnistie, les victimes sont indéniablement lé-
1961, D. 1961.468. V. égal. Cass. crim. 18 janvier 1962, Bull. sées. (...) » (Rép. min. no 34793, JOAN Q 5 févr. 1996, p. 588 ;
crim., no 44). Suivant un arrêt du 20 décembre 1988 (Bull. civ. I, JCP 1996. IV. 89). La réponse du garde sceaux constitue un
no 364), la Cour de cassation a jugé que l’amnistie d’une peine modèle de pédagogie : « En ce qui concerne plus précisément
de suspension du permis de conduire ne faisait pas obstacle à les procédures de divorce, la disparition de la condamnation à
ce que l’assureur, pour refuser de prendre en charge les consé- la suite de l’amnistie laisse subsister les faits qui l’ont motivée
quences d’un accident survenu antérieurement à la loi du 4 août et que les juges pourront retenir comme constitutifs d’une faute.
1981, se prévale de la clause du contrat excluant sa garantie Il peut être précisé, par ailleurs, qu’aux termes de l’article 259
lorsque le conducteur ne possède pas un permis de conduire du code civil, les faits invoqués en tant que causes de divorce
valable, alors que l’amnistie n’a pas fait disparaître la circons- peuvent être établis par tout mode de preuve. Le dossier pénal
tance que le conducteur roulait sans permis le jour de l’accident peut ainsi toujours être versé en tout ou partie aux débats enga-
et qu’au surplus, dès cette date, l’assureur, tiers au sens de l’ar- gés devant le tribunal de grande instance, seule la condamnation
ticle 23 de ladite loi, était en droit de se prévaloir de cette cause amnistiée ne pouvant faire l’objet d’une évocation au regard des
d’exclusion. dispositions de l’article 23 de la loi. La générosité et la volon-
té d’apaisement que manifeste le législateur par le vote d’une
234. Il a été jugé cependant que ne constitue pas une fausse loi d’amnistie ne sauraient s’exprimer au détriment de victimes
déclaration susceptible d’entraîner la nullité du contrat d’assu- ou de tiers dont il convient de préserver les droits » (Rép. min.
rance-automobile, l’affirmation que l’assuré n’avait pas fait l’objet no 34793, JOAN Q 8 avril 1996, p. 1933, JCP 1996. IV. 89).
d’une mesure de suspension ou de retrait du permis de conduire,
lorsque l’infraction pénale ayant entraîné cette sanction a été 238. Ingratitude. — La survivance des faits malgré l’amnistie
amnistiée (Cass. 1re civ. 9 avr. 1991, Juris-Data no 000935). se manifeste dans d’autres domaines. L’action en révocation
L’assuré ne ment pas en affirmant son innocence : puisque l’am- d’une donation pour cause d’ingratitude (C. civ., art. 955) ou l’ac-
nistie fait de lui un pardonné, la condamnation n’existe plus. Il en tion tendant à faire déclarer indigne de succéder celui qui a été
serait autrement s’il avait affirmé n’avoir jamais commis de faits condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au de
punissables, puisque l’amnistie ne modifie pas la réalité des faits. cujus (C. civ., art. 727) peuvent être engagées malgré l’amnistie
Quel assuré pourrait signer une telle promesse ?. qui intervient après la condamnation frappant les faits répréhen-
sibles.
235. Aux termes de l’article 24 de la loi du 20 juillet 1988, l’am-
nistie ne préjudicie pas aux droits des tiers ; en cas d’instance 239. Bail. — La solution sera la même dans l’hypothèse d’une
sur les intérêts civils, le dossier pénal est versé aux débats et action en résiliation de bail fondée sur la condamnation du lo-
mis à la disposition des parties. C’est, en conséquence, à bon cataire pour proxénétisme (CA Lyon, 19 janv. 1949, D. 1949,
droit que l’assureur, qui a indemnisé son assuré pour le préju- somm. 38). Il a aussi été jugé que constitueraient un motif grave
dice subi du fait du vol, agit contre les responsables, qui, pour et légitime de refus de renouvellement sans indemnité d’éviction
être amnistiés pénalement, n’en sont pas moins tenus de rem- les violences dont l’épouse du bailleur avait été victime de la part
bourser les dommages et intérêts au civil, dont le montant a été du colocataire, bien que les faits imputés au copreneur aient été
fixé définitivement lors de l’instance pénale (CA Nancy, 8 nov. amnistiés (Cass. 3e civ. 6 mars 1996, no 94-12.162). De même,
1999, Juris-Data no 1999-115050). peut constituer un motif grave et légitime de résiliation d’un bail
commercial (au sens de l’article L.145-17 du code de commerce)
236. Droit de la famille. — Les conséquences civiles de la l’usage par le preneur d’attestation inexacte, l’amnistie du fait de
condamnation pénale amnistiée ont longtemps occupé les pré- la loi du 3 août 1995 étant un motif inopérant qui n’interdit pas au
toires, tout particulièrement dans le domaine du divorce avant bailleur d’invoquer ces faits devant le juge civil (CA Paris, 14 déc.
la réforme intervenue le 11 juillet 1975. Une condamnation à 2001, Juris-Data no 2001-178602).
une peine afflictive ou infamante ainsi qu’une condamnation
pour adultère étaient alors une cause péremptoire de divorce. 240. Nationalité. — L’administration peut, en matière de nationa-
L’amnistie d’une telle condamnation laissait-elle subsister la lité française, se fonder sur des faits couverts par une loi d’am-
décision des juges civils ? La jurisprudence avait tranché par nistie, laquelle a pour seul effet d’enlever aux faits leur caractère
l’affirmative, refusant ainsi d’admettre à cet égard une rétroac- délictueux. L’amnistie n’interdit pas au ministre de l’Intérieur de
tivité de l’amnistie (Cass. req. 14 mai 1923, DP 1924.1.76. ; tenir compte de la matérialité des faits dans son appréciation du
Cass. 2e civ. 11 juin 1954, Bull. civ. II, no 208 ; Rev. sc. crim. comportement général d’un étranger à l’occasion de l’examen
1955.319, obs. Légal). d’une demande de naturalisation (CE 6 sept. 2000, no 206061 ;
24 oct. 2001, no 219982) La règle est la même pour apprécier
237. En droit positif, la condamnation de l’un des époux à l’une une demande de réintégration dans la nationalité française (CAA
des peines prévues par l’article 131-1 du code pénal peut tou- Nantes, 25 juin 1998, no 97NT02275).
jours être invoquée à l’appui d’une demande en divorce (C. civ.,
art. 243). La jurisprudence antérieure conserve donc une part 241. Prescription. — La question de savoir s’il convenait d’ap-
de son intérêt : la disparition de la condamnation à la suite de pliquer à l’action civile la prescription pénale de dix, trois ou un
l’amnistie laissera toujours subsister les faits qui l’ont motivée et an ou la prescription civile de 30 ans a été controversée. On
que les juges pourront retenir comme constitutifs d’une faute (CA admettait généralement que l’action civile, non encore exercée
Montpellier, 26 févr. 1990, Juris-Data no 1990-000678). Au su- lors de la promulgation de la loi, demeurait régie par la prescrip-
jet des conséquences de l’amnistie sur la procédure de divorce, tion trentenaire. La loi no 80-1042 du 23 décembre 1980 (C. pr.
on consultera avec intérêt la réponse du garde des Sceaux à la pén., art. 10) a simplifié le problème en décidant que l’action ci-
question écrite de M. Pierre Cardo, lequel s’alarme au sujet des vile, bien qu’engagée devant la juridiction pénale, n’obéit plus à
« procédures civiles en cours, sur la base de faits pénaux sanc- la règle de la communauté des prescriptions et peut donc être
tionnés, (qui) risquent de s’éteindre du fait de l’amnistie, créant exercée dans le délai de trente ans. Si la loi d’amnistie ôte à
ainsi un préjudice certain pour les victimes. Il en va ainsi dans le des propos outrageants publiés par voie de presse leur caractère
cas de divorces pour faute, basés sur des voies de fait condam- d’infraction pénale, l’action civile tendant à obtenir réparation est
nées à moins de trois mois. Outre le fait que le condamné n’a soumise à la prescription trentenaire, sauf si elle avait été éteinte
pas à accomplir sa peine, ce qui peut être considéré comme par la prescription de trois mois à la date de la promulgation

octobre 2003 - 31 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

de la loi d’amnistie (CA Paris, 1re ch., 21 mars 1990, Juris-Da- judiciaire. De plus, il est toujours loisible à une partie civile de se
ta no 1990-004306). À cet égard, on consultera avec intérêt la désister de son instance devant la juridiction pénale pour porter
chronique d’A. VITU, Effet de l’amnistie sur la brève prescrip- son action devant le juge civil (Cass. soc. 5 mars 1986, Bull.
tion applicable en matière de presse (Rev. sc. crim. 1990.556) civ. V, no 57).
et celle de J.-P. DOUCET, La L. d’amnistie, la qualification des
fautes et la prescription de l’action civile (Gaz. Pal. 1990.1.93). 246. On notera, enfin, que certains parlementaires s’inquiètent
(V. aussi Cass. 2e civ. 25 mars 1991, no 90-10021, Bull., no 98 du sort des victimes qui ont omis d’engager les poursuites avant
et Cass. 2e civ. 30 nov. 1994, no 93-15.280, JCP 1995. IV. 270.) l’entrée en vigueur de la dernière loi d’amnistie (L. 6 août 2002,
art. 21) : « Outre le fait que le sort de l’indemnisation dépend
de la célérité des parquets, ce qui est en soi une injustice
ART. 2. – JURIDICTION COMPÉTENTE POUR STATUER peu compréhensible, il reste que, en définitive, au moment
SUR L’ACTION CIVILE. où les pouvoirs publics disent s’inquiéter du sort des victimes
d’infractions, celles-ci voient leurs démarches pour le moins
242. Date d’introduction de l’action civile. — Les modalités du compliquées. En effet, là où, comme avec les précédentes
droit à réparation de la victime posent parfois des problèmes de lois d’amnistie, il était auparavant possible, malgré l’absence
compétence. Le fait amnistié n’ayant plus de caractère délic- de condamnation pénale, de faire condamner rapidement
tueux, la demande de réparation devrait logiquement ne pouvoir le prévenu amnistié à des dommages et intérêts, la victime
être soumise qu’à une juridiction civile. Cependant le législateur pouvant agir seule, celle-ci va être aujourd’hui contrainte de
et la jurisprudence ont adopté des solutions plus nuancées, qui prendre elle-même, et vraisemblablement avec le concours d’un
varient selon la date à laquelle l’action civile est exercée. Si, avocat, l’initiative d’un nouveau contentieux. Il lui demande en
avant la promulgation de la loi, la victime n’avait pas encore por- conséquence de lui faire connaître son avis sur cette difficulté »
té son action devant le juge pénal, elle ne pourra plus le faire (question écrite no 04266, sans réponse, posée par Roger
(Cass. crim. 22 févr. 1961, Bull. crim., no 116). Le juge répressif Rinchet [groupe socialiste] JO 28 nov. 2002, p. 2852). La
demeure compétent lorsque l’amnistie est fondée sur une quali- question semble reposer sur une confusion, puisqu’il est de
té personnelle du délinquant ou se trouve liée au quantum de la jurisprudence constante que si la victime n’a pas encore porté
peine. Dans ces deux hypothèses, en effet, seule une décision son action devant le juge pénal avant la promulgation de la
judiciaire permettra d’écarter ou d’admettre l’application de la loi loi d’amnistie, elle ne pourra plus le faire après (Cass. crim.
d’amnistie. 22 févr. 1961, Bull. crim., no 116).
243. Saisine de la juridiction de jugement. — Si le juge pénal était
déjà saisi de la demande en réparation par une ordonnance de SECTION 3
renvoi ou une citation directe antérieure à la loi d’amnistie, les
Incidences de l’amnistie sur la responsabilité
tribunaux correctionnels ou de police gardent leur compétence
(L. du 4 août 1981, art. 23, L. 20 juill. 1988, art. 24 ; 3 août disciplinaire.
1995, art. 21 ; 6 août 2002, art. 21). Tel ne serait pas le cas
si la victime n’avait fait que se constituer partie civile devant un ART. 1er. – AMNISTIE DES SANCTIONS DISCIPLINAIRES
juge d’instruction (Cass. crim. 29 janv. 1969, Bull. crim., no 54, ET PROFESSIONNELLES.
JCP 1969. IV. 61 ; 2 mars 1971, ibid., no 68). De même, la cour
d’assises est toujours dessaisie, et seule la juridiction civile peut 247. Incidence d’une condamnation pénale. — Le législateur ex-
alors connaître de l’action en dommages-intérêts. clut généralement du champ de l’amnistie les faits qui ont don-
né lieu à une condamnation pénale qui ne serait pas elle-même
244. Dès lors qu’il a été valablement saisi de l’action publique, amnistiée ou réhabilitée (L. 4 août 1981, art. 13 ; 20 juill. 1988,
le juge répressif reste compétent pour statuer sur les intérêts art. 14 ; 3 août 1995, art. 14, al. 2 ; 6 août 2002, art. 11). Il appar-
civils, quand bien même l’action publique serait éteinte par am- tient au juge, à partir des éléments qui lui sont soumis, de vérifier
nistie survenue après son déclenchement. Ce principe est va- si les faits pour lesquels il y a eu condamnation pénale sont ceux
lable pour des contraventions commises dans le cadre du droit présentés à l’appui de la demande de sanction. Si sont interve-
du travail (Cass. crim. 18 mars 2003, no 02-84.500), pour des nues à la fois pour les mêmes faits une condamnation pénale et
contraventions de police en matière économique, violation des une condamnation disciplinaire, l’amnistie de la première n’en-
règles sur la fabrication du pain et le jour de fermeture hebdoma- traîne pas ipso facto l’amnistie de la seconde (CA Douai, 3 nov.
daire des boulangers (Cass. crim. 11 mars 2003, no 02-82.577 1947, JCP 1948. IV. 49). La séparation de l’action pénale et de
et no 02-82.578) et même pour les contraventions de violences l’action disciplinaire permet de prononcer une sanction discipli-
légères initiées par un automobiliste irascible X. qui a « éjecté la naire pour un fait non prévu par la loi pénale ou malgré l’acquit-
victime p. du véhicule, lui a fait une clef de bras, lui a poussé la tement de son auteur, si cet acquittement n’est pas fondé sur
tête contre le capot moteur et l’a tapée sur le capot avant qu’in- l’inexistence du fait incriminé (LEVASSEUR, L’amnistie, son in-
tervienne la dame M. pour les séparer. X. l’a mise à terre et l’a fluence sur le droit disciplinaire, 1993 ; MOURGEON, La répres-
serrée au cou. Il lui a mis un coup de poing quand elle était à sion administrative, Thèse, Toulouse, 1966, no 257 ; CA Tours,
terre (...) M. s’est défendue, a serré les parties génitales de X » 20 juill. 1948, D. 1949.320, note Chavanne). Mais la sanction
(Cass. crim. 1er avr. 2003, no 02-84571). disciplinaire doit normalement suivre le sort de la condamnation
pénale lorsqu’elle est la simple conséquence de cette dernière
245. Unité de la justice civile et pénale. — Certains auteurs ont et qu’il n’y a pas eu de pouvoir d’appréciation de l’instance dis-
jugé un tel système peu satisfaisant. Mieux vaudrait adopter la ciplinaire (Appleton, DP 1936.1.73).
solution qui a prévalu en cas d’extinction de l’action publique par
décès du prévenu ou abrogation de la loi pénale ; les tribunaux 248. Impact sur les sanctions prises. — L’amnistie produit ses ef-
répressifs ne restent alors compétents que s’il y a eu déjà une fets à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi. À compter
décision contradictoire sur le fond (Cass. crim. 22 oct. 1928, de cette date, aucune procédure disciplinaire ne peut être vala-
S. 1929.1.97, note Hugueney ; DP 1929.1.159, note Nast). La blement engagée ou poursuivie, ni aucune sanction prononcée
critique doit être relativisée au regard du principe de l’unité de la sur la base de faits commis avant la date prévue dans la loi. Rap-
justice civile et de la justice pénale. Quoi qu’il en soit, l’action pu- pelons que l’amnistie ne fait pas disparaître les faits, mais leur
blique et l’action civile sont jugées par des magistrats de l’ordre retire le caractère fautif. Si une sanction a déjà été prononcée

Rép. pén. Dalloz - 32 - octobre 2003


AMNISTIE

à la date d’entrée en vigueur de la loi, toute mention devra en dispositions n’ont pas été reprises ni dans la loi du 3 août 1995,
être effacée, et cette sanction ne pourra plus être invoquée, no- ni dans la loi du 6 août 2002. Il a été soutenu que leur intérêt pra-
tamment pour appuyer une sanction ultérieure plus grave. En tique serait négligeable : sous l’empire des lois antérieures les
revanche, l’amnistie ne remet pas en cause les effets des sanc- procédures de réintégration n’auraient, en effet, concerné que
tions prononcées antérieurement à son entrée en vigueur. quelques dizaines de personnes.

249. Secteur privé, secteur public, professions libérales. — L’im- 254. Autres effets de l’amnistie. — L’amnistie n’efface pas les
pact d’une loi d’amnistie est différent selon le champ profession- conséquences financières ou en termes de carrière que la sanc-
nel des individus. Nous envisagerons d’abord les effets de la tion du fait amnistié a pu entraîner. Ainsi, l’amnistie de la me-
loi d’amnistie sur les sanctions propres au secteur privé, avant sure n’entraîne pas l’obligation pour l’employeur de verser le sa-
d’étudier les effets dans le secteur public, puis pour les profes- laire perdu du fait d’une mise à pied (Cass. soc. 8 avril 1992,
sions libérales. no 89-42.192, D. 1992, IR 181). En outre, l’amnistie n’affecte pas
l’existence des faits amnistiés ni leur gravité, en ce qui concerne
250. En droit du travail, les sanctions amnistiées ne sont pas, leurs conséquences sur le plan civil. Les recours juridiction-
du fait de l’intervention de la loi d’amnistie, devenues rétroacti- nels, en ce qu’ils visent uniquement à obtenir la réparation finan-
vement illégales. Les salariés (protégés ou non) ayant fait l’objet cière du préjudice résultant d’une sanction, restent donc rece-
d’un licenciement déjà notifié ne seront pas réintégrés, le salaire vables. L’amnistie des faits sanctionnés par l’employeur par une
perdu du fait d’une mise à pied disciplinaire déjà exécutée ne mise à pied avec privation de salaire rend irrecevables les pour-
sera pas remboursé et le salarié rétrogradé par mesure discipli- vois concernant le refus d’annulation de la sanction disciplinaire,
naire ne retrouvera pas son poste antérieur. L’amnistie n’a, par mais non ceux relatifs au non paiement des salaires (Cass. soc.
exemple, aucun effet sur un licenciement déjà prononcé au jour 13 déc. 1989, no 89-41.990 et 89-41.995, JCP 1990. I. 19544).
où la loi est promulguée (Cass. soc. 10 déc. 1996, no 94-44.250) Dans le cadre d’un litige concernant l’amnistie, le juge conserve,
Enfin, l’amnistie laisse intacts les droits à réparation lorsque les en tout état de cause, le contrôle de la régularité des sanctions
fautes commises ont engendré un préjudice susceptible d’ouvrir prises. Il est donc susceptible d’annuler, en application de l’ar-
droit à des dommages et intérêts. Si la sanction n’a pas encore ticle L. 122-43 du code du travail, une sanction (à l’exception du
été prononcée à la date d’entrée en vigueur de la loi d’amnistie, licenciement) qu’il estimerait irrégulière en la forme ou injustifiée
la procédure disciplinaire doit être abandonnée. ou disproportionnée à la faute commise. Est recevable l’action
intentée par un salarié pour obtenir réparation du préjudice né
251. Amnistie pénale et droit du travail. — Il appartient au juge, de deux avertissements amnistiés (Cass. soc. 8 janv. 2002,
à partir des éléments qui lui sont soumis, de vérifier si les faits no 99-43.643).
pour lesquels il y a eu condamnation pénale sont ceux présentés
à l’appui du licenciement, et s’ils entrent ou non dans le champ 255. Licenciement de représentants du personnel. — La loi
de l’amnistie, notamment au regard de l’article 14 de la loi. Le d’amnistie peut avoir une incidence sur les demandes d’autori-
fait qu’une action pénale soit pendante est, en revanche, sans sation de licenciement des représentants du personnel, dans le
incidence sur l’appréciation des éléments soumis à l’apprécia- cas de procédures de licenciements pour faute. Dès lors qu’il est
tion de l’inspecteur du travail en cas de demande d’autorisation saisi d’une demande d’autorisation de licenciement pour faute
administrative de licenciement d’un salarié protégé (V. Circ. DRT d’un salarié protégé, l’inspecteur du travail doit s’assurer que les
2002-07 du 16 sept. 2002). motifs invoqués par l’employeur ne correspondent pas, en totali-
té ou en partie, à des faits amnistiés, et notamment que les faits
252. Compétence juridictionnelle. — En ce qui concerne les en- invoqués ne sont pas contraires à l’honneur, à la probité ou aux
treprises du secteur privé, en matière disciplinaire, il reviendra bonnes mœurs. Si les motifs invoqués correspondent à des faits
au conseil de prud’hommes de trancher le contentieux de l’am- amnistiés, l’autorisation de licenciement doit être refusée en fai-
nistie. Il appartiendra au salarié qui se prévaut de l’amnistie, de sant valoir que la loi d’amnistie a enlevé aux faits incriminés leur
démontrer qu’il entre dans les bénéficiaires de la loi et que les caractère fautif. L’intervention de la loi d’amnistie est sans inci-
faits sanctionnés sont amnistiés. dence sur la légalité de la décision de l’inspecteur du travail prise
antérieurement à cette intervention (CE 13 mai 1992, Régie na-
253. Réintégration. — À la différence des lois de 1981 et 1988, tionale des usines Renault, no 118203). À la suite des décisions
les lois de 1995 et 2002 n’ont pas envisagé la réintégration dans de l’inspecteur du travail intervenues le 30 mars 1988 et autori-
leur emploi des travailleurs sanctionnés. Il a parfois été consi- sant le licenciement de salariés protégés, la Régie nationale des
déré qu’une telle mesure pouvait être à l’origine de conflits so- usines Renault a licencié les salariés concernés. L’intervention
ciaux. Les dernières lois d’amnistie excluent expressément le de la L. d’amnistie du 20 juill. 1988 reste sans effet sur la légalité
droit à réintégration. « L’amnistie n’entraîne de droit la réin- de ces décisions).
tégration ni dans les offices publics ou ministériels ni dans les
fonctions, emplois, grades ou professions, publics ou privés » 256. Date de notification du licenciement. — Si le licenciement
(L. 6 août 2002, art. 20). La loi du 4 août 1981 (art. 14-2) et la est autorisé avant la date d’entrée en vigueur de la loi d’amnistie,
loi du 20 juillet 1988 (art. 15-2) avaient institué une procédure mais notifié au salarié après cette date, l’employeur ne pourra se
spéciale de réintégration au bénéfice des représentants du per- prévaloir de la décision administrative autorisant le licenciement,
sonnel et délégués syndicaux licenciés à raison de fautes en re- dans la mesure où les faits entrent bien dans le champ de l’am-
lation avec leurs fonctions. Cette réintégration était subordonnée nistie (Cass. soc. 29 juin 1994, no 91-40.656). La loi d’amnistie
à une double condition : le licenciement ne devait pas avoir été fait donc obstacle à l’exécution de la décision d’autorisation.
la conséquence d’une faute lourde et les faits ayant donné lieu
à ce licenciement devaient se trouver eux-mêmes amnistiables, 257. Instruction des recours gracieux. — L’inspecteur du travail,
c’est-à-dire ne pas constituer des manquements à l’honneur, à la saisi par le salarié d’un recours gracieux dirigé contre sa déci-
probité ou aux bonnes mœurs. La procédure de réintégration de- sion initiale autorisant le licenciement, doit apprécier la légalité
vait être engagée devant la juridiction prud’homale (Sur les pro- de cette décision en se replaçant à la date à laquelle elle avait
blèmes que pose l’amnistie en droit du travail, V. chron. O. Go- été prise. Ou bien cette décision était légale à la date à laquelle
dard, JCP 1988. II. 5285. ; Ch. PETITTI, L’amnistie en matière elle a été prise et, dans ce cas, l’inspecteur du travail ne peut
sociale, Gaz. Pal. 1988.2, doctr. 620 ; M. LAMOOR, Le refus que rejeter le recours gracieux dont il a été saisi. En particulier,
d’amnistie aux dix de chez Renault, Dr. ouvrier 1990.115). Ces le salarié ne pouvant utilement se prévaloir de la loi d’amnistie

octobre 2003 - 33 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

postérieure à la décision contestée (CE 17 déc. 1993, Duga, rapporter la mesure. En cas de réintégration, l’agent sera repla-
no 116531), l’inspecteur du travail ne peut, pour ce motif, reti- cé au grade ou à l’échelon qui était le sien avant le prononcé de la
rer sa décision initiale autorisant le licenciement et y substituer sanction (V. pour une rétrogradation ou un abaissement d’éche-
une décision de refus. Ou bien la décision initiale de l’inspecteur lon CE 8 nov. 1995, no 116452, et 9 sept. 1996, no 151726).
du travail était illégale - quelle que soit l’illégalité dont elle est
entachée - à la date à laquelle elle a été prise et, dans ce cas, 262. En revanche, l’amnistie entraîne la réintégration dans les
l’inspecteur du travail saisi du recours gracieux doit en pronon- divers droits à pension à compter de la date d’entrée en vigueur
cer le retrait. La décision initiale ayant été retirée, il lui appartient en ce qui concerne l’amnistie de droit par mesure générale,
d’instruire à nouveau la demande d’autorisation de licenciement et à compter du jour où l’intéressé est admis à son bénéfice
présentée par l’employeur en fonction des circonstances de fait (date fixée par le décret du président de la République), en
et de droit qui existent à la date à laquelle il prend sa nouvelle ce qui concerne l’amnistie par mesure individuelle (L. 6 août
décision. Dès lors, il lui incombe de prendre en considération la 2002, art. 20). La réintégration dans les droits à pension vise
loi d’amnistie intervenue postérieurement à sa décision initiale. uniquement le cas où un agent aurait été révoqué avec perte
des droits à pension sur décision du conseil d’administration de
258. Instruction des recours contentieux. — Quelques principes la CNRACL. Dans ce cas, l’amnistie permet de recouvrer les
permettent d’éclairer les solutions retenues par le juge adminis- droits à pension supprimés.
tratif : si l’autorité administrative a refusé le licenciement, l’am-
nistie rend sans objet le recours contentieux de l’employeur, dès 263. Honneurs. — L’amnistie n’entraîne pas réintégration de
lors que le juge constate que les fautes invoquées entrent dans plein droit dans un ordre comme celui de la libération, de la Lé-
le champ d’application de la loi d’amnistie. Dans une telle hy- gion d’honneur ou du mérite. Un certain nombre de textes ont
pothèse, le juge administratif déclare, après avoir constaté que néanmoins permis une réintégration par décret individuel du pré-
les faits sont amnistiés, qu’il n’y a plus lieu à statuer. Si l’autori- sident de la République dans les ordres en question ainsi que
té administrative a autorisé le licenciement, le recours du salarié dans le droit au port de la médaille militaire (L. 30 juin 1969,
conserve son objet, car les effets de la loi d’amnistie ne sont pas art. 19, al. 3 ; 16 juill. 1974, art. 18 ; 4 août 1981, art. 22). Le
aussi favorables pour le salarié protégé que ceux d’une annu- décret doit intervenir après avis du grand chancelier compétent
lation contentieuse de la décision : l’annulation contentieuse de (V. L. 20 juill. 1988, art. 23 ; 3 août 1995, art. 20, al. 4 ; 6 août
la décision ouvre droit à réintégration pour le salarié dans les 2002, art. 20 al. 5).
conditions prévues par la loi du 28 octobre 1982 (art. L. 412-9,
425-3 et 436-3 du code du travail), alors que l’amnistie ne donne ART. 2. – EXCLUSION DE L’AMNISTIE DISCIPLINAIRE.
lieu ni à réintégration ni à reconstitution de carrière.
264. Honneur, probité, mœurs. — Le pardon légal n’a pas voca-
259. Fonction publique. — Le principe de non-réintégration est tion à être aveugle et indifférencié. Les lois d’amnistie excluent
le même pour les agents publics que pour le secteur privé. Il ré- généralement du champ d’application de l’amnistie de plein droit
sulte des dispositions des lois d’amnistie que, pour les agents pu- les faits constituant un manquement à l’honneur, à la probité
blics, le bénéfice de l’amnistie d’une sanction disciplinaire n’en- aux bonnes mœurs. Ces exclusions procèdent de la même lo-
traîne pas la réintégration de plein droit de l’intéressé, mais rend gique que l’énumération, devenue fastidieuse, des exclusions
seulement possible cette réintégration sans que l’administration textuelles contenues en fin de loi (V. infra, les exclusions). Tou-
soit tenue de la prononcer. Il a ainsi été jugé qu’il appartenait tefois, on remarquera que le législateur renvoie au juge la lourde
au garde des Sceaux d’apprécier l’opportunité de la réintégra- tâche de définir les trois notions critères. Les sanctions discipli-
tion sollicitée par un ancien magistrat radié des cadres et qu’il naires infligées pour des faits constituant des manquements à
n’était pas tenu de consulter le Conseil supérieur de la magis- l’honneur à la probité ou aux bonnes mœurs, et qui, par consé-
trature avant de se prononcer. Par ailleurs, il pouvait légalement quent, échappent à l’amnistie de droit, demeurent susceptibles
prendre en considération les faits qui avaient motivé la sanction d’être amnistiées par décret présidentiel. Il en est ainsi par la vo-
(CE 28 févr. 2001, no 210131). L’appréciation à laquelle se livre lonté expresse du législateur (L. 4 août 1981, art. 13, al. 3, 20 juill.
l’Administration pour décider de faire usage ou non de la faculté 1988, art. 14 ; 3 août 1995, art. 14, al. 3 ; 6 août 2002, art. 11
qui lui est ouverte de réintégrer un agent à la suite de l’interven- al. 4). Étant donné qu’aucune loi d’amnistie ne définit les notions
tion d’une loi d’amnistie n’est pas de nature à être discutée de- d’honneur, de probité et de bonnes mœurs, il convient de se réfé-
vant le Conseil d’État statuant au contentieux, dès lors qu’elle ne rer à la jurisprudence. Par ailleurs, le demandeur peut avoir été
repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est sanctionné pour plusieurs faits, dont certains seulement entrent
entachée ni d’erreur de droit ni d’erreur manifeste (CE 29 mars dans l’une de ces catégories. Il revient dans ce cas au juge du
2002, no 217195). Au bilan, les pouvoirs publics ont la faculté contentieux de l’amnistie des sanctions disciplinaires (conseil de
de réserver une suite favorable aux demandes de réintégration prud’hommes, tribunal administratif, juge ordinal), d’apprécier le
qui leur seraient présentées par les bénéficiaires de la loi en se poids respectif des faits amnistiés et non amnistiés dans la sanc-
déterminant en opportunité. tion infligée. Tout exemple ne peut être donné qu’à titre d’illus-
tration, les notions de manquements à l’honneur, à la probité aux
260. Il est également de règle que l’amnistie n’efface pas les bonnes mœurs doivent, en effet, être appréciés au cas par cas
conséquences financières, en termes de carrière, que la sanc- en fonction des circonstances spécifiques à chaque situation.
tion a pu entraîner (L. 4 août 1981, art. 22 ; 20 juill. 1988, art. 23 ;
3 août 1995, art. 20 ; 6 août 2002, art. 20). Il en est ainsi en cas 265. Gravité. — L’autorité compétente pour sanctionner doit mo-
de révocation, de perte d’échelon, de prime ou d’indemnité de tiver sa décision sur ce point et fournir au juge les éléments d’ap-
sujétion spéciale. En outre, il n’est pas possible de procéder à préciation. En ne précisant aucun des faits retenus ni aucune
une reconstitution de carrière. des circonstances fondant son appréciation selon laquelle ces
faits sont constitutifs d’une faute de nature à justifier une sanc-
261. Si la loi d’amnistie n’entraîne pas, de droit, la réintégration tion disciplinaire et contraire à l’honneur et à la probité, la juridic-
dans le grade ou dans les fonctions, il subsiste toutefois pour tion n’a pas suffisamment motivé sa décision (CE 8 juill. 2002,
l’agent la possibilité de solliciter une mesure de bienveillance vi- no 221294). Ni la gravité des faits reprochés à un salarié, tuteur
sant à ce qu’il soit mis fin aux effets de la sanction qui lui a été aux majeurs protégés, ni une présomption de détournement ne
infligée. L’autorité territoriale saisie doit examiner la demande et suffisent à caractériser un manquement à la probité, aux bonnes
conserve un pouvoir discrétionnaire pour accepter ou refuser de mœurs ou à l’honneur (Cass. soc. 28 nov. 2001, no 99-45.388).

Rép. pén. Dalloz - 34 - octobre 2003


AMNISTIE

À l’inverse, le Conseil d’État considère que le Conseil régional 18 nov. 1996, no 161910) ;... le fait pour un médecin d’avoir établi
de l’ordre des médecins qui prononce une sanction postérieure- à l’intention de l’avocat d’une de ses clientes en instance de di-
ment à l’entrée en vigueur de la loi d’amnistie du 20 juillet 1988 vorce deux certificats médicaux dans lesquels il prenait parti sur
a implicitement, mais nécessairement, refusé à l’intéressé le bé- le droit de visite du père, et ce sur la seule foi des déclarations
néfice de l’amnistie (CE 15 déc. 1993, no 116177). de la mère (CE 19 juin 2000, no 195063) ;... le fait pour un no-
taire d’avoir ajouté à un acte, après sa signature, une clause non
266. Manquement à l’honneur. — La notion d’atteinte à l’hon- convenue entre les parties et délivré à un confrère une attesta-
neur est généralement utilisée en jurisprudence pour qualifier les tion inexacte (Cass. 1re civ., 11 juill. 2001, no 98-21.207) ;... le fait
actes attentatoires à l’intimité de la vie privée, la violation du se- pour une infirmière d’attester l’exécution par elle-même d’actes
cret professionnel ou l’atteinte à la liberté du travail. accomplis par les seules aides-soignantes (CE 30 janv. 2002,
267. Ont été considérés comme des manquements à l’hon- no 218083) ;... le fait pour un pharmacien de délivrer au même
neur :... le fait pour un candidat à un emploi public d’avoir faus- patient pendant la même période le même médicament au vu
sement prétendu être titulaire d’un diplôme (CE 10 mai 1957, de plusieurs ordonnances émanant de médecins différents (CE
Rec. CE, table, p. 300) ;... le fait pour un fonctionnaire de police 27 févr. 2002, no 217187) ;... l’exercice médical en deux lieux
d’avoir abandonné son poste et son arme sans attendre d’être éloignés, ne permettant pas d’assurer la continuité des soins,
relevé (CE 13 juill. 1963, Préfet de police c/ Laisney : Rec. CE, et faisant courir un risque injustifié aux malades (CE 10 avril
table, p. 822) ;... le fait, pour un avocat de permettre une trans- 2002, no 204561) (idem entre Marseille et la Haute-Corse, CE
mission clandestine de correspondance entre un proxénète in- 30 sept. 2002, no 211361) ;... la publication d’un manuel d’odon-
carcéré et sa concubine prostituée notoire (CA Aix-en-Provence, tologie médico-légale reproduisant deux thèses antérieurement
1er mars 1982, Juris-Data no 0982-043304) ;... la violation du soutenues sans indiquer l’emprunt scientifique (CE 29 avril 2002,
secret des communications téléphoniques (Cass. soc. 13 déc. no 211514) ;... le fait pour un médecin de prescrire à certaines
1984, JCP1985. IV. 65) ;... le fait pour un chirurgien-dentiste de patientes, présentant un excès de poids, deux substances vé-
soutenir une thèse pour le diplôme d’État de docteur en chirurgie néneuses, les traitements ainsi prescrits faisant courir aux inté-
dentaire qui était en tout point identique à celle qu’un autre étu- ressées, sans justification médicale suffisante, un danger que
diant avait soutenue l’année précédente dans une autre faculté, les indications fournies par le praticien n’étaient pas de nature à
fait de nature à déconsidérer la profession (CE 17 déc. 1990, écarter (CE 29 juill. 2002, no 200558) ;... la pratique de la chi-
no 118732, Gaz. Pal. 21-23 avr. 1991, no 111-113, p. 5) ;... le rurgie esthétique depuis 17 ans, par un praticien de médecine
fait pour un avocat de convoquer une victime âgée de 12 ans générale qui a débordé sa compétence en pratiquant un acte de
et de tenter de l’influencer est une faute par laquelle il a por- chirurgie mammaire et fait courir à sa patiente un risque non jus-
té atteinte à son serment et à l’honneur de sa profession, ce tifié (CE 20 nov. 2002, no 182392) ;... la présence d’une porte à
qui exclut le bénéfice de la loi d’amnistie qu’il avait sollicitée ouverture automatique, séparant la pharmacie de l’intéressé du
(Cass. 1re civ. 12 juin 1990, no 89-13.238) ;... pour une phar- local contigu affecté à la parapharmacie tenue par son épouse
macienne la délivrance sans ordonnance et en quantité impor- ne pouvait qu’accentuer la confusion aux yeux du public et l’inci-
tante de médicaments relevant de la réglementation des sub- ter à se diriger des locaux de ce dernier local vers l’officine (CE
stances vénéneuses dont la consommation pouvait présenter 30 déc. 2002, no 202423).
un risque grave que le pharmacien ne devait pas ignorer. L’ab- 268. La jurisprudence relative à l’amnistie d’actes de violence
sence de but lucratif et les intentions humanitaires alléguées illustre la nécessité de rechercher le caractère intentionnel et du-
sont indifférents (CE 10 juin 1991, no 109871, infirmant la dé- rable de l’acte pour caractériser le manquement à l’honneur. Les
cision du Conseil national de l’ordre) ;... le fait pour un méde- violences exercées délibérément à l’encontre de non-grévistes
cin de procéder à une expérimentation sur un patient en état pour les contraindre à débrayer ont été jugées contraires à l’hon-
végétatif chronique sans avoir essayé de prévenir les proches neur (CE 6 janv. 1989, SA des automobiles Citroën, no 84757) ;
de ce malade (CE 4 oct. 1991, no 103045 et 100064, D. 1991, de même le fait pour un délégué du personnel de porter atteinte à
IR 243) ;... le fait pour un chirurgien-dentiste d’avoir fourni à un la liberté du travail en se livrant à des violences sur une personne
journaliste invité à un séminaire les éléments d’un article et de qui, en dépit d’un mouvement de grève, se proposait de rejoindre
ne s’être pas opposé à la publication de cet article qui lui as- son poste de travail (CE 16 mars 1990, Kada, no 98054, RJS
surait une publicité nominative (CE 19 févr. 1992, no 117950, 1990.289) ; également le fait pour un salarié d’avoir, à l’égard
Gaz. Pal. 11-12 sept. 1992, no 255-256, p. 140) ;... le fait pour d’un enfant handicapé, un geste violent non accidentel qui pro-
un chirurgien-dentiste d’avoir fait imprimer des cartes de visite voque une brûlure au visage de l’enfant (CE 28 juin 1996, Asso-
et des ordonnances comportant des mentions inexactes, desti- ciation Œuvre d’Ormesson et de Villiers, no 150834). Manquent à
nées à tromper les patients sur la qualification du praticien (CE l’honneur les participants actifs aux piquets de grève, qui avaient
7 juill. 1993, no 119556) ;... le fait pour un médecin de n’avoir refusé d’exécuter l’ordre d’évacuation des locaux de travail pres-
pas, d’une part, effectué, ni tenté de faire accepter par son pa- crit par trois ordonnances du juge des référés, interdit l’accès
tient, des examens complémentaires susceptibles de déterminer de l’entreprise à du personnel chargé d’assurer la sécurité et
un diagnostic précis, et d’avoir, d’autre part, prescrit des pro- pris part à l’occupation des locaux administratifs de l’entreprise,
duits ne pouvant être regardés comme constituant un procédé au cours de laquelle ont été proférées des injures et des me-
éprouvé scientifiquement (CE 15 déc. 1993, no 114727, Gaz. naces contre le personnel d’encadrement (CE 29 nov. 2002,
Pal 23-25 oct. 1994 no 296-298, p.127) ;... le fait pour un méde- no 217339).
cin de certifier sur son papier d’ordonnance un diagnostic médi-
cal précis (névrose hystérique) au sujet de l’épouse de son frère 269. Absence de manquement à l’honneur. — N’ont pas étés
qui n’était pas cliente, alors qu’il ne l’avait ni reçue ni examinée considérés comme méritant l’exclusion de l’amnistie les faits sui-
(CE 7 févr. 1994, no 121290, D 1995, no 12, somm. 99) ;... le vants :... la violation d’un engagement pris sur l’honneur (CE
fait pour un médecin de faire courir à ses patients un risque in- 13 juill. 1962, Rec. CE, p. 485 ; D. 1962.587) ;... le fait pour
justifié en leur proposant des traitements ou des procédés qui un représentant du personnel d’avoir porté des coups au res-
ne reposaient sur aucune base scientifique sérieuse, alors que ponsable d’une fonderie lors d’un conflit du travail (CE 1er juin
certains étaient atteints de cancer ou de sclérose en plaques 1990, no 100666) ;... le fait pour un gendarme n’étant pas en ser-
(CE 1er oct. 1993, no 104611) ;... le détournement et la com- vice d’avoir causé un accident de la circulation en état d’ébriété
munication à des tiers de documents commerciaux et sociaux après avoir provoqué des incidents dans une discothèque de sa
internes à l’entreprise qu’il avait au préalable photocopiés (CE circonscription, même s’il a pu être considéré par le ministre de

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AMNISTIE

la Défense que ces faits portaient atteinte à la dignité militaire sur le nombre des communications téléphoniques qui lui étaient
et au renom de l’Armée (TA Orléans, 28 mai 1991, Juris-Da- adressées (CE 29 janv. 1993, no 136995) ;... le fait pour un sala-
ta no 1991-047035) ;... le fait de favoriser la parution, dans la rié protégé de procéder à la délivrance irrégulière de matériaux
presse régionale et nationale, de divers articles donnant des in- remis à un client sans bons de livraison, agissements opérés
formations sur l’histoire, l’organisation et l’activité d’une socié- à l’insu de l’employeur et d’avoir joué un rôle d’intermédiaire
té d’experts-comptables (CE 10 avril 2002, no 216381) ;... les à l’occasion de détournement de matériaux par des employés
faits qui ont été retenus par le Conseil de discipline des orga- de l’entreprise, même s’il n’a pas tiré un avantage personnel
nismes de placement collectif en valeurs mobilières pour infli- de ces agissements (CE 1er mars 1993, no 121930) ;... les
ger à l’intéressée la sanction du blâme étaient relatifs à une agissements d’un notaire ayant placé sur un compte à son
organisation défectueuse du contrôle de certaines opérations nom et ne figurant pas dans la comptabilité de l’étude, une
d’OPCVM. Dans les circonstances de l’espèce, ils ne constituent partie des « fonds clients » correspondant à des frais d’actes
pas un manquement à l’honneur et à la probité (CE 19 mai 2000, et ainsi bénéficié d’intérêts supérieurs à ceux versés par la
no 180092) ;... n’est pas contraire à l’honneur le fait pour un édu- Caisse des dépôts et consignations, alors qu’au surplus, la
cateur spécialisé dans un établissement relevant du service dé- sécurité de ces fonds n’avait ainsi pas été assurée pendant un
partemental d’aide sociale à l’enfance de se présenter au service certain temps (Cass. 1re civ. 12 mai 1993, procureur général
en état d’ébriété (CE 29 mars 2002, no 217195) ;... l’écoute et Fort-de-France, no 91-14.860) ;... le fait pour un médecin d’avoir
l’enregistrement par un salarié des conversations téléphoniques dispensé lui-même, en qualité de médecin généraliste, ou
d’un gérant de l’établissement. Si ces faits constituent bien une d’avoir fait dispenser aux patients dont il avait personnellement
faute disciplinaire et ont donné lieu à une condamnation pénale la charge, par des médecins spécialisés de la clinique dont il
qui a été amnistiée, ils ne peuvent, en revanche, être qualifiés de était le P.-D.G. des actes médicaux ou paramédicaux en nombre
manquement à l’honneur et à la probité, puisqu’ils avaient pour excédant ce que nécessitait l’état des patients (CE 4 juin 1993,
but de mettre en évidence l’attitude équivoque du cadre dirigeant no 100878) ;... le fait pour un directeur départemental des im-
à l’égard du personnel féminin aux fins d’en informer la direction pôts, fonctionnaire, de s’être entremis, moyennant une somme
de l’entreprise. Eu égard à ce mobile honorable, ces faits ne sont d’argent entre les dirigeants d’une société avec lesquels il était
pas exclus du bénéfice de l’amnistie et ne peuvent plus servir de lié et un inspecteur des impôts, chargé d’une vérification fiscale
fondement à une autorisation de licenciement (CAA Bordeaux, en cours de cette société, dans le but que des redressements
4 juill. 2002, no 99BX01469) ;... le non-respect d’une clause de fiscaux ne soient pas effectués (CE 28 juin 1993, no 100232, JCP
non-réinstallation, dans la mesure où aucun détournement de 1993. IV. 2075, note M-C. Rouault) ;... le fait pour un médecin
clientèle n’a été commis du fait de la distance séparant les deux de montrer une attitude délibérée d’exploitation de la clientèle
cabinets et dans la mesure où la nouvelle installation en région en commettant de nombreuses irrégularités, surcotations et
parisienne était provoquée par des motifs d’ordre familial (CE infractions aux prescriptions de la nomenclature générale des
27 sept. 2002, no 226525) ;... les excès de langage de l’avocat actes professionnels, malgré plusieurs mises en garde (CE
qui ne trouvent pas leur origine dans l’intention de nuire à autrui, 1er oct. 1993, no 104788) ;... le fait pour un médecin de soigner
mais dans sa volonté de défendre les langues polynésiennes certains malades sans procéder à une entente préalable, de
(CA Papeete, 21 nov. 2002, Juris-Data no 2002-200786) ;... la procéder à des cotations excessives et de ne pas respecter le
délivrance par un pharmacien au même assuré social, en exécu- temps réglementaire qui doit être consacré à chaque malade
tion de six ordonnances établies par deux médecins, de doses au cours de séances de groupe de kinésithérapie (CE 1er oct.
très importantes de plusieurs médicaments psychotropes, parce 1993, no 104467) ;... le fait pour un chirurgien-dentiste de
qu’il prouve avoir agi dans l’intérêt du patient (CE 12 mai 2003, dispenser des soins, même sans demander d’honoraires ni
no 233175). délivrer de feuilles de soins, alors qu’il est frappé d’une sanction
lui interdisant de donner des soins aux assurés sociaux (CE
270. La notion de probité. — Le manquement à la probité 20 oct. 1993, Juris-Data no 107454, JCP 1993. IV. 2705, note
recouvre principalement les atteintes frauduleuses aux biens. M.-C. Rouault) ;... le fait pour un géomètre-expert de verser à
Constituent, par exemple, un tel manquement :... le fait pour des clercs de notaire des ristournes sur les dossiers qui lui ont
un inspecteur des impôts d’avoir fourni des renseignements été confiés (CE 18 mars 1996, no 131985) ;... l’avocat ayant
confidentiels sur un contribuable à un conseiller fiscal qui s’en utilisé son compte CARPA pour ses dépenses personnelles
est servi pour faire pression sur l’intéressé (CE 6 nov. 1963, sans rapport avec son activité professionnelle et y faisant
Rec. CE, table, p. 524) ;... le fait pour un inspecteur des impôts des prélèvements en espèces (Cass. 1re civ. 9 mars 1999,
d’avoir tenu, moyennant rémunération, les écritures comptables no 96-14.258) ;... le fait pour un directeur de succursale bancaire
de redevables de la circonscription où il exerçait ses fonctions de retirer des fonds avec la carte bancaire et le code confiden-
(CE 12 juill. 1969, Rec. CE, table, p. 387) ;... la multiplication tiel d’une cliente de 89 ans dont il n’avait aucune procuration
abusive d’actes médicaux s’ils ont correspondu à une attitude (CAA Paris, 8 avril 1999, no 98PA00262) ;... la cotation d’actes
délibérée et générale d’exploitation de la clientèle (CE 25 avril réservés au médecin spécialiste alors qu’il est absent des salles
1986, Rec. CE, table, p. 123) ;... le fait pour un employé chargé d’opération pour l’ensemble des actes ainsi cotés et qui a gra-
de la gestion de comptes de particuliers dans une banque de vement méconnu ses obligations déontologiques en pratiquant
s’être rendu coupable de pratiques frauduleuses en tirant des délibérément une cotation dont il ne pouvait ignorer le caractère
chèques sur le compte d’une cliente, pour lequel il ne détenait abusif (CE 29 avril 2002, no 21.4659) ;... des surcotations dans
pas de procuration, en imitant sa signature à l’insu de la banque 147 des 626 dossiers examinés concernant l’ablation de matériel
et pendant sept ans, constitue un manquement à l’honneur d’ostéosynthèse, des ménisectomies par voie arthroscopique et
exclu du bénéfice de l’amnistie (CE 11 juin 1990, no 92991, des arthroscopies du genou (CE 8 juill. 2002, no 217081) ;... le
D. 1990, IR 205) ;... le fait pour une inspectrice du permis de fait de détourner des biens ou produits : ainsi d’un salarié ayant
conduire de délivrer complaisamment des permis de conduire régulièrement prélevé des cigarettes, au-delà des tolérances
à la suite d’une entente avec le gérant d’une auto-école et en admises par l’entreprise, pour les remettre à un autre salarié en
échange de travaux dans sa maison justifie le congédiement vue de leur revente (CE 22 janv. 1996, Seita, no 139064).
sans indemnité de cet agent (CE 13 févr. 1991, no 117633) ;... le
fait pour un officier d’avoir soustrait frauduleusement des pa- 271. En revanche, ne constitue pas un manquement à la probité
piers officiels et contrefait, falsifié ou altéré des cartes d’identité le fait, par exemple :... le fait pour un salarié ayant quinze ans
de service et trompé l’administration des télécommunications d’ancienneté dans l’entreprise d’emprunter sans autorisation du

Rép. pén. Dalloz - 36 - octobre 2003


AMNISTIE

petit matériel (un pistolet à mastic) pour le week-end (CE 15 juin avec une jeune mineure dont il assurait la défense, d’autant
1994, Ollier, no 105257) ;... le fait pour un salarié de prendre une plus qu’il n’ignorait rien des sévices sexuels subis par la vic-
douche pendant ses heures de travail payées (Cass. soc. 10 time du fait de son père (CA Nouméa, 29 sept.1997, Juris-Da-
févr. 1998, no 95-42.543, D. 1998, IR 75) ;... pour un chirurgien ta no 1997-047059) ;... le fait pour un médecin d’avoir des re-
dentiste d’accorder à des journalistes de la revue Racing et du lations intimes avec une de ses patientes consentante dans un
journal l’Équipe des entretiens à la suite desquels ont été pu- local attenant à son cabinet de consultation, alors qu’elle avait
bliés en 1991 des articles le concernant, essentiellement consa- entrepris une psychothérapie depuis 1987, souffrait de troubles
crés aux activités de relations publiques qu’il exerce pour la Fé- névrotiques qui se poursuivaient et que le praticien avait ascen-
dération française de football, mais qui mentionnaient aussi sa dant moral sur elle (CE 8 déc. 2000, no 196204)... le fait pour
profession de chirurgien-dentiste et lui prêtaient une clientèle de un médecin d’avoir filmé à leur insu, à l’aide d’un Caméscope,
personnalités (CE 11 déc. 1998, no 178584 et 179652) ;... la rup- au moins trois des patientes qui s’étaient confiées à lui pour
ture d’un contrat liant un médecin à une clinique, alors que cette une consultation gynécologique, nonobstant toute excuse liée à
rupture n’est pas imputable à une volonté de nuire à la clinique l’exécution par l’intéressé d’une recherche scientifique, est atten-
et qu’il n’est pas établi qu’elle a eu des conséquences domma- tatoire à la dignité de ses patientes et de nature à déconsidérer
geables pour les patients (CE 22 mars 2000, no 192687) ;... la la profession (CE 8 déc. 2000, no 196330) ;... le psychiatre qui a
rupture d’un contrat liant un médecin à un confrère, car il n’est eu au moins avec chacune des deux plaignantes, des relations
pas établi que la rupture du contrat liant les praticiens aurait eu sexuelles à l’occasion de l’exercice de son activité médicale (CE
des conséquences dommageables pour les patients (CE 29 janv. 15 juin 2001, no 202445) ;... le fait pour un professeur de col-
2001, no 206263). lège d’être condamné pénalement pour recel à son domicile de
cassettes pornographiques mettant en scène des mineurs (CE
272. Une définition extensive de la pudeur. — L’atteinte aux 8 juill. 2002, no 237642).
bonnes mœurs n’est pas précisée par la jurisprudence, qui est
rarement amenée à se prononcer sur ce sujet. Elle peut recouvrir 273. On notera, pour l’anecdote, que la participation conjointe
notamment le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles, de 2 huissiers à la confection d’un constat d’adultère contenant
mais certaines décisions semblent plutôt fonder leur exclusion des allégations volontairement inexactes est contraire à l’hon-
de l’amnistie sur une notion extensive de la pudeur (B. PY, Le neur professionnel des officiers ministériels et passible d’une
sexe et le droit, PUF, Que-sais-je ?, 1999, no 3466, p. 89). Ont sanction disciplinaire non amnistiable, pour manquement à l’hon-
été jugés contraires aux bonnes mœurs :... le fait pour un pro- neur de la profession, et pas pour manquement aux bonnes
fesseur d’avoir eu avec une élève des relations compromettant mœurs. La question des mœurs relève plutôt des pulsions de
la dignité et l’autorité de la fonction (CE 20 juin 1958, Rec. CE, chacun, alors qu’une profession peut avoir un honneur (TGI Cha-
p. 368) ;... le fait pour un avocat d’avoir des relations sexuelles lon-sur-Saône, 25 oct.1988, Juris-Data no 1988-049138).

CHAPITRE 3
Amnisties « événementielles ».

274. Le choix du pardon. — Au contraire de l’amnistie systéma- 276. La nécessité du pardon. — L’histoire, la sociologie et même
tique, dont le sens, s’il existe, relève plus de la gestion par l’oubli la psychanalyse montrent qu’on ne peut vivre sans pardonner.
que du choix politique, l’amnistie occasionnelle, ponctuelle, évé- Une société ne peut pas être indéfiniment en colère contre une
nementielle est un acte symbolique fort qui exprime une forme partie d’elle-même (« Le "tout-mémoire" [...] peut devenir le
de pardon (« À défaut du pardon, laisse venir l’oubli », A. de monde de l’enfer, des autres qui me menacent, me nuisent, me
Musset, Nuit d’octobre), même si ce pardon est souvent contro- font mal et me détruisent. [...] Le pardon n’est pas un effacement
versé (Fr. OST, Le temps du droit, Odile Jacob, 1999, p. 143). et il opère simplement une coupure dans la chaîne persécutrice
Au contraire de l’amnistie présidentielle, l’amnistie « événemen- des causes et des effets. Il opère une suspension du temps à
tielle » que le Parlement décide ponctuellement de voter a pour partir de laquelle il est possible de commencer une autre his-
but de pardonner certains faits infractionnels qu’il apparaît plus toire », Julia KRISTEVA, psychanalyste, Actes du 28e Congrès
utile d’effacer que de souligner. de l’ASPLF, Société française de philosophie, Bologne 2000).
Il faut alors trouver l’instrument d’effacement actif qui ouvre la
275. L’apaisement par le pardon. — Lorsque la société est se- possibilité de continuer à vivre ensemble. L’amnistie est l’un
couée par des événements violents, sa réaction première est gé- des moyens d’interrompre le cycle des violences. « Oubli de la
néralement axée sur le maintien de l’ordre et la répression. La discorde contre oubli des torts » (Paul RICŒUR, La mémoire,
défense de l’ordre public connaît des règles vigoureuses cen- l’histoire, l’oubli, Seuil, 2000, p. 586).
sées permettre de ramener le calme et la sécurité, parce que
277. L’opportunité du pardon. — Contrairement au mécanisme
« force doit rester à la loi ». La formule exacte de la sommation
de la prescription qui dépend de l’écoulement du temps et dont la
réglementaire préalable à la dispersion d’un attroupement par la
difficulté réside presque uniquement dans la question de savoir
force est : « Obéissance à la loi. Dispersez-vous » (C. pén.,
si le délai est écoulé ou pas, l’amnistie suppose une démarche
art. R. 431-1). L’État doit conserver le monopole de la violence
volontaire. Or, le propre de la volonté humaine, tant individuelle
légitime (« Il faut concevoir l’État contemporain comme une com-
que collective, est d’être évolutive. Nul ne sait aujourd’hui ce
munauté humaine qui (...) revendique avec succès pour son
qu’il pardonnera demain.
propre compte le monopole de la violence physique légitime. Ce
qui est, en effet, le propre de notre époque, c’est qu’elle n’ac-
corde à tous les autres groupements, ou aux individus, le droit SECTION 1re
de faire appel à la violence que dans la mesure où l’État le to- Événements liés à la Seconde Guerre mondiale.
lère : celui-ci passe donc pour l’unique source du "droit" à la vio-
lence », Max WEBER, Le savant et le politique, 1919, Éditions 278. Le sang versé pour la nation à l’occasion de conflits armés
10/18, 1990, p. 100 et s.). acquiert toujours une valeur symbolique particulière. L’amnistie

octobre 2003 - 37 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

n’échappe pas au symbole et le législateur ne manque jamais de la Moselle (les « malgré-nous ») condamnés pour leur en-
d’étendre son indulgence aux combattants. Déjà la loi du 4 oc- gagement dans une formation allemande postérieurement au
tobre 1919 (art. 4) portait amnistie des délits quelconques ayant 25 août 1942 et à condition qu’aucun crime de guerre person-
pour auteurs des personnes qui s’étaient distinguées pendant la nel ne leur soit reproché.
guerre ou qui en avaient été les victimes. Il n’était fait exception
que pour le commerce avec l’ennemi, l’espionnage et la spécula- 282. Loi du 5 janvier 1951 : Résistance. — Sont amnistiés de
tion illicite. Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale ont plein droit les faits accomplis entre le 10 juin 1940 et le 1er jan-
vu adopter de nombreuses dispositions analogues. Plus récem- vier 1946 dans l’intention de servir la cause de la libération de
ment, l’article 12 de la loi du 4 août 1981 et l’article 13 de la loi du la France (art. 30). L’amnistie par décret est également possible
20 juillet 1988 ont inclus dans la liste des éventuels bénéficiaires pour les membres des organisations de résistance ou des forces
les personnes ayant fait l’objet d’une citation homologuée, celles françaises de l’intérieur poursuivis ou condamnés pour avoir dé-
titulaires d’une pension de guerre ou ayant été victimes de bles- tenu irrégulièrement leurs armes de combat ou des trophées pris
sures de guerre. Sont aussi prises en compte la qualité de dé- à l’ennemi (art. 32). La disposition la plus symbolique est celle
porté résistant ou politique, voire d’engagé volontaire. La loi du qui accorde l’amnistie de plein droit à tous ceux qui, condamnés
3 août 1995 (art. 13-2o ) et la loi du 6 août 2002 (art. 10-2o ) visent à une amende ou à une peine avec sursis, sont devenus posté-
les personnes qui ont fait l’objet d’une citation individuelle ou sont rieurement à la date de l’infraction, décorés de la Légion d’hon-
titulaires d’une pension de guerre ou ont été victimes de bles- neur pour faits de guerre, de la médaille militaire, de la croix de
sures de guerre au cours des guerres 1914-1918 ou 1939-1945, guerre 1939-1945, de la croix de la Libération ou de la médaille
sur les théâtres d’opérations extérieures, au cours d’opérations de la Résistance.
de maintien de l’ordre hors de la métropole, mais aussi les dépor-
tés résistants ou politiques et internés résistants ou politiques et 283. Loi du 6 août 1953 : Collaboration. — Le temps passant,
les résistants dont l’un des ascendants est mort pour la France, l’indulgence s’accroît. Les faits de collaboration amnistiés sont
ainsi que les engagés volontaires 1914-1918 ou 1939-1945. désormais plus nombreux. L’article 1er de la loi du 6 août 1953
mérite une citation intégrale pour illustrer l’esprit qui anime le
279. Lendemains d’épuration. — Passé la joie de la Libération et législateur. « La République française rend témoignage à la Ré-
la douloureuse période de l’épuration extra-judiciaire, la France sistance, dont le combat au-dedans et au-dehors des frontières
jugea le comportement des citoyens pendant la guerre. Les pri- a sauvé la nation. C’est dans la fidélité à l’esprit de la Résis-
sons de la République furent remplies, avant que la question de tance qu’elle entend que soit aujourd’hui dispensée la clémence.
l’amnistie ne se pose. Les plaies saignaient encore. « Il en est de L’amnistie n’est pas une réhabilitation ni une revanche, pas plus
même en France, et pour les mêmes raisons parce que les Amé- qu’elle n’est une critique contre ceux qui, au nom de la nation,
ricains auraient besoin de faire des Français et des Allemands eurent la lourde tâche de juger et de punir » (L. no 53-681 du
des frères d’armes pour la guerre d’agression qu’ils préparent 6 août 1953 portant amnistie, D. 1953.256 ; R. TUNC, La loi
contre l’Union soviétique. Et pour ce genre de besogne, les an- d’amnistie du 6 août 1953, JCP 1953. I. 1123).
ciens nazis et les collaborateurs sont un matériel de choix (...)
vous libérez des criminels qui sont responsables de la mort de 284. Le critère principal de l’amnistie de 1953 est de n’avoir pas
milliers de patriotes. C’est dans la même semaine que le chef été condamné à une peine de plus de cinq ans d’emprisonne-
de l’État vient de grâcier Pinkus Chiniencki, l’un des tueurs d’Au- ment (art. 5). Sont exclus les faits de meurtre, de viol, de dénon-
schwitz » (JO Débat Assemblée nationale, intervention de Mme ciation, ou les prévenus qui, par leurs agissements ou leurs écrits
Vaillant-Couturier, première séance du 24 octobre 1950, lors de ont sciemment exposé ou tenté d’exposer des personnes à la
la discussion d’un projet de loi sur une amnistie relative aux faits torture, à la déportation ou à la mort ou ont sciemment concouru
de collaboration ou de commerce avec l’ennemi). à l’action de l’armée ou des services de police ou d’espionnage
ennemis (art. 4 al. 2). Sont donc pardonnés les faits de collabo-
280. La première loi d’amnistie d’après-guerre, la loi du 16 août ration, principalement domestique, mais ne sont pas amnistiées
1947, est une loi d’indulgence extrêmement restrictive qui les infractions mettant en cause la vie d’autrui. Étant donné les
amnistie les délits commis antérieurement au 16 janvier 1947 circonstances exceptionnelles, la réserve du droit des tiers a été
par des anciens combattants, prisonniers de guerre ou déportés écartée. Ainsi la loi du 5 janvier 1951 pour les actes délictueux
(L. no 47-1504 du 16 août 1947, D. 1947.321, mod. par la commis par des résistants et la loi du 20 février 1953 amnistiant
L. no 48-1184 du 22 juill. 1948, D. 1948.264, et L. no 49-1110 du les Français incorporés de force dans des formations militaires
2 août 1949, D. 1949.363). La première loi d’amnistie d’enver- ennemies ont décidé que le préjudice souffert par les victimes se-
gure est promulguée le 5 janvier 1951 (L. no 51-18 du 5 janv. rait réparé au titre des dommages de guerre. On a voulu éviter
1951, portant amnistie, instituant un régime de libération antici- de la sorte que des procès civils n’entretiennent une atmosphère
pée, limitant les effets de la dégradation nationale et réprimant passionnelle qu’il valait mieux ne pas prolonger.
les activités antinationales, DONNEDIEU DE VABRES D. 1951,
chron. 25, LAMBERT, D. 1951, chron. 69). Elle comporte des 285. Il a été jugé qu’étaient des obstacles à l’amnistie : l’en-
dispositions au profit de certains faits de collaboration et d’autres gagement dans la LVF (Légion des volontaires Français) pour
au profit de faits de résistance. combattre sur le front polonais (Cass. crim. 6 juill. 1954,
D. 1954.551), le fait d’avoir volontairement porté l’uniforme de
281. Loi du 5 janvier 1951 : Collaboration. — Sont amnistiés de la Waffen SS (Cass. crim. 11 mai 1955, Bull. crim., no 256)
plein droit : les faits constitutifs de l’indignité nationale lorsque ou d’avoir inséré dans la presse de collaboration des articles
leur auteur a bénéficié du relèvement prévu à l’article 3 de l’or- désignant nommément des personnes comme gaullistes (Cass.
donnance du 26 décembre 1944 (art. 2) et les faits ayant entraîné crim. 25 janv. 1955, Bull crim., no 54). Enfin, la loi du 6 août
une condamnation à la dégradation nationale d’une durée infé- 1953 contient plusieurs mesures de clémence en faveur des
rieure à quinze ans, à l’exclusion de celles qui émanent de la agents frappés par l’épuration, en amnistiant les faits qui avaient
Haute Cour de justice (art. 10). Sont donc exclus les faits de col- entraîné les sanctions (art. 13 à 18).
laboration les plus graves, et en particulier tous ceux qui auront
entraîné condamnation à des peines d’emprisonnement ferme. 286. Collaboration économique. — La loi no 58-526 du 9 juin
Des dispositions spécifiques sont prévues au bénéfice des mi- 1958 relative au bénéfice de l’amnistie accordée aux ressortis-
neurs et des Français originaires du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et sants étrangers pour des faits de collaboration économique avec

Rép. pén. Dalloz - 38 - octobre 2003


AMNISTIE

l’ennemi a permis aux ressortissants des pays neutres de voir ef- à qualifier de guerre (L. no 99-882 du 18 oct. 1999 relative à
facées les condamnations prononcées pour violation des règles la substitution de l’expression « aux opérations effectuées en
sur la répression du commerce dans les territoires occupés (Ord. Afrique du Nord », par l’expression « à la guerre d’Algérie ou
6 oct. 1943 et 29 mars 1945). Il faut noter que cette loi en- aux combats en Tunisie et au Maroc » (JO no 244 du 20 oct.
traînait la remise des peines principales, accessoires et complé- 1999, p. 15647). Ils sont immédiatement suivis par deux décrets
mentaires, tout en excluant toute restitution, toute conséquence portant amnistie, en date du 22 mars 1962.
pécuniaire, et surtout en ne mettant pas obstacle aux confisca-
tions des profits illicites (art. 2). 292. Amnistie des insurgés. — Le décret no 62-327 du 22 mars
1962 porte amnistie des infractions commises au titre de l’in-
287. Blessés sous les drapeaux. — Un des derniers textes surrection algérienne (D. 1962.125 ; J. MICHAUD, Les décrets
à faire référence aux faits de collaboration est l’ordonnance du 22 mars 1962 et les ordonnances du 14 avr. 1962 portant
no 59-199 du 31 janvier 1959 relative au bénéfice de l’amnistie amnistie, JCP 1962. I. 1960). Sont amnistiées les infractions
accordée aux personnes qui ont été blessées sous les drapeaux commises avant le 20 mars 1962 en vue de participer ou d’ap-
au cours d’opérations de maintien de l’ordre hors métropole. porter une aide directe ou indirecte à l’insurrection algérienne.
Au moment où la France est engagée dans plusieurs conflits Se fondant sur une interprétation particulièrement restrictive, la
extérieurs, l’article 6 de l’ordonnance étend la possibilité d’am- Chambre criminelle de la Cour de cassation jugea, par deux ar-
nistie par décret aux faits de collaboration, à condition que ces rêts du 27 juin 1963 (D. 1963.587) que les mesures d’amnistie du
faits n’aient pas, par leurs agissements, sciemment exposé ou décret du 22 mars 1962 n’étaient applicables qu’aux infractions
tenté d’exposer quiconque à des tortures, à la déportation ou à commises en Algérie et uniquement par des personnes dont le
la mort. destin politique devait être engagé par la consultation électorale.
Ce raisonnement excluait évidemment les métropolitains « por-
288. Dernier pardon. — C’est la loi du 18 juin 1966 qui clôtura la
teurs de valises » du FLN. C’est pourquoi, les dispositions de ce
série de textes organisant un pardon progressif des différentes
décret ont été rendues applicables aux infractions commises par
infractions commises à l’occasion du second conflit mondial. « Il
des Français musulmans sur l’ensemble du territoire de la Ré-
avait fallu 20 ans (1946-1966) et 6 textes pour aboutir à l’am-
publique (Ord. no 62-427 du 14 avr. 1962, D. 1962.152).
nistie totale des faits de collaboration » (V. J. ROCHE-DAHAN,
L’amnistie en droit français, Thèse droit, Aix-Marseille, 1994, 293. Amnistie des forces de l’ordre. — Le décret no 62-328
p. 125-126). Pour supprimer toutes les « séquelles » de condam- du 22 mars 1962 porte amnistie des faits commis dans le
nations prononcées pour des faits commis entre le 10 juin 1940 cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre
et le 1er janvier 1946 et qui auraient échappé aux lois des 5 jan- l’insurrection algérienne (J. MICHAUD, Les décrets du 22 mars
vier 1951 et 6 août 1953, la loi décide que l’amnistie de droit 1962 et les ordonnances du 14 avril 1962 portant amnistie, JCP
est acquise aux combattants volontaires de la Résistance, quelle 1962. I. 1960). La généralité des termes employés permet de
que soit la date à laquelle ils auront acquis cette qualité (même déclarer amnistiées toutes les infractions commises avant le
après les faits ou la condamnation), sachant que la preuve de 20 mars 1962 à l’occasion du maintien de l’ordre, sachant que
cette qualité peut être faite dans des conditions plus libérales l’armée avait reçu tous pouvoirs à Alger en 1957 pour assurer
qu’auparavant. ou rétablir l’ordre. Aucune information judiciaire portant sur des
disparitions impliquant des militaires français ne pouvait donc
SECTION 2 continuer (CA Rennes, 4 juill. 1962, JCP 1962. II. 12817, note
J. Michaud ; Cass. crim. 22 déc. 1966, D. 1967, somm. 18).
Événements liés à la guerre d’Algérie. Seule restriction, l’amnistie ne pouvait bénéficier qu’à ceux qui
289. La progressivité du pardon. — Nous savons déjà que le participaient aux opérations dans les rangs des services d’ordre
législateur peut réitérer son indulgence en renouvelant les lois et pas aux auteurs d’initiatives individuelles (Cass. crim. 11 mai
d’amnistie. Il n’existe aucune limite juridique ni quantitative, ni 1964, Bull. crim, no 156).
qualitative à la réitération du pardon. Cette liberté doit être rap-
294. Amnistie étendue. — L’amnistie n’était pas complète, dès
prochée du principe constitutionnel de la rétroactivité « in mi-
lors qu’elle omettait de son champ d’application ceux des Fran-
tius » qui veut qu’une loi nouvelle plus douce profite aux auteurs
çais d’Algérie qui avaient lutté contre l’insurrection aux côtés
de faits commis avant son entrée en vigueur. En matière d’am-
de l’armée française, sans être régulièrement engagés dans le
nistie, cette combinaison produit en quelque sorte des « cliquets
cadre des opérations (R. CAPITANT, rapp. Assemblée natio-
anti-retour ». Lorsque plusieurs lois d’amnistie successives ex-
nale, JO, séance du 17 déc. 1964). La loi no 64-1269 du 23 dé-
priment une indulgence croissante, le bénéfice du pardon est
cembre 1964 (D. 1965.22) permit d’y remédier. Sont amnistiées
progressif. L’effacement de l’ardoise pénale se fait par étapes,
de plein droit toutes les infractions commises en Algérie avant
sans qu’il soit jamais possible de revenir en arrière. Si bien qu’à
le 20 mars 1962 en réplique aux excès de l’insurrection algé-
l’issue d’un processus d’amnistie, il peut arriver que tous les faits
rienne, à la condition qu’elles soient sans rapport avec une en-
concernés soient, en définitive, amnistiés. L’exemple des infrac-
treprise tendant à empêcher l’exercice de l’autorité de l’État ou à
tions commises à l’occasion du conflit algérien (1954-1962) est,
substituer à cette autorité une autorité illégale. Il subsistait néan-
à cet égard, édifiant.
moins deux catégories de délinquants qui échappaient au par-
290. On sait que les revendications politiques initiales se sont don, ceux qui, restés sur place, avaient commis des infractions
rapidement transformées en affrontements sanglants et que des postérieures au 20 mars 1962 et les combattants de l’organisa-
atrocités abominables ont été commises par les deux camps. tion de l’armée secrète (OAS) qui s’étaient attaqués à l’autorité
Aux attentats et aux massacres ont répondu la torture, les cor- de l’État.
vées de bois, les disparitions et d’autres massacres. La spirale
meurtrière était enclenchée (A.-G. SLAMA, La guerre d’Algé- 295. Amnistie très étendue. — La loi no 66-396 du 17 juin 1966
rie, histoire d’une déchirure, éd. Gallimard, coll. Découvertes, portant amnistie d’infractions contre la sûreté de l’État ou com-
no 301, 1996 ; B. STORA, Histoire de la guerre d’Algérie, 1954- mises en relation avec les événements d’Algérie (D.1966.256,
1962, éd. La Découverte, coll. Repères, 1993). JCP 1966. I. 2017, comm. J. Michaud) élargit considérablement
le champ du pardon légal. La date de référence pour borner l’in-
291. Le début du pardon. — Les accords d’Évian signés le dulgence légale est reculée au 3 juillet 1962. La définition de
20 mars 1962 mettent fin au conflit, que l’État français mit 45 ans l’amnistie de plein droit devient très extensive. Sont amnistiées

octobre 2003 - 39 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

les condamnations définitives pour crime ou délit commis en re- n’est pas un obstacle à l’amnistie (Cass. crim. 30 mai 2000,
lation directe avec les événements, ainsi que ceux qui consti- no 99-84.024). Doit être confirmée l’ordonnance de refus d’infor-
tuent des atteintes à l’autorité de l’État, à condition que les peines mer d’un juge d’instruction, relative à une plainte avec constitu-
soient faibles (amende, emprisonnement avec sursis) ou pour tion de partie civile pour crimes contre l’humanité, à raison des
les condamnés à des peines d’emprisonnement fermes, qu’ils tortures et exécutions sommaires qu’un ancien militaire recon-
aient été libérés avant la promulgation de la loi. Sont également naissait, dans un ouvrage, avoir ordonnées ou pratiquées sur la
amnistiées les infractions commises avant le 3 juillet 1962, en population civile durant la guerre d’Algérie, en raison de l’amnis-
relation directe avec les événements d’Algérie, lorsque ces in- tie (Cass. crim. 17 juin 2003, no 02-80.719).
fractions sont punissables au maximum de dix ans d’emprison-
nement, ainsi que les auteurs de faits d’insoumission ou de dé-
sertion commis à la même période. Non seulement les premiers 300. Présentation des faits dans la presse. — L’amnistie de
combattants de l’OAS, ceux qui avaient été frappés de peines tous les faits commis en relation avec les événements d’Algérie
peu importantes, sont pardonnés mais encore l’amnistie profite impose aux journalistes une prudence particulière dans leurs
à certains délinquants en fuite, recherchés jusqu’alors en exécu- enquêtes sur les comportements des uns et des autres, au
tion d’un mandat. De plus, la loi s’applique à des faits commis en risque d’être poursuivis pour diffamation. La mise en cause
métropole par des individus qui se sont rendus coupables d’ac- d’un lieutenant parachutiste, et les imputations de torture et
tivités en faveur du FLN ou de menées subversives. d’exécutions sommaires pendant la guerre d’Algérie sont diffa-
matoires, car contraires à l’honneur. Elles sont réputées de droit
faites avec l’intention de nuire, et cette présomption ne peut
296. Amnistie absolue. — L’amnistie générale de toutes les
disparaître qu’en présence de faits justificatifs de nature à faire
infractions commises en relation avec les événements d’Algé-
admettre la bonne foi ; lorsque, comme en l’espèce, l’imputation
rie résulte de la loi no 68-697 du 31 juillet 1968 portant am-
concerne des faits remontant à plus de 10 ans et amnistiés, la
nistie (J. MICHAUD, La loi d’amnistie du 31 juill. 1968, JCP
preuve de leur vérité ne peut, aux termes de l’article 35 alinéa 3
1968. I. 2188). Destinée à n’omettre personne du champ du par-
de la loi du 29 juillet 1881, être démontrée de telle sorte que le
don, la loi est rédigée en termes extrêmement généraux. Sont
prévenu ne saurait, dans une telle hypothèse, faire la preuve
amnistiées de plein droit toutes les infractions en relation avec
de sa bonne foi en établissant qu’il n’a pas menti (Cass. crim.
les événements d’Algérie. L’amnistie est tellement large que la
7 nov. 1989, no 86-90.811, Gaz. Pal. 20-22 mai 1990, p. 140).
loi prévoit que l’État abandonne ses créances contre les bénéfi-
ciaires, qu’il est subrogé dans le paiement des réparations dues
par les personnes amnistiées, et que tout amnistié sera réintégré 301. Pensions et retraites. — Pour effacer totalement les consé-
dans l’ordre de la Légion d’honneur, dans l’ordre de la Libération, quences de la guerre d’Algérie, plusieurs textes successifs sont
dans l’ordre national du Mérite et dans le droit au port de la mé- venus progressivement permettre de solder administrativement
daille militaire et de toute autre décoration. la situation de ceux qui, fonctionnaires, avaient fait le choix de
l’Algérie française. Des dispositions vont être rendues appli-
297. Amnistie intégrale et intemporelle. — L’amnistie est désor- cables aux fonctionnaires, militaires et magistrats qui justifient
mais intégrale en ce qui concerne les faits éventuellement infrac- avoir démissionné ou avoir été rayés des cadres ou mis en congé
tionnels, commis à l’occasion de la guerre d’Algérie (S. GACON, spécial pour des motifs politiques en relation directe avec les
L’amnistie : de la Commune à la guerre d’Algérie, Seuil 2002). événements d’Afrique du Nord ou, durant la période comprise
Ce résultat a été atteint par une série de cinq textes en huit ans entre le 16 septembre 1945 et le 1er octobre 1957, avec la guerre
(1962, 1964, 1966, 1968). Si les premiers limitaient le bénéfice d’Indochine. La loi du 3 décembre 1982 relative au règlement de
du pardon aux faits commis avant les accords d’Évian (20 mars certaines situations résultant des événements d’Afrique du Nord,
1962), le dernier, en 1968, va volontairement abandonner la res- de la guerre d’Indochine ou de la Seconde Guerre mondiale va
triction temporelle en amnistiant tous les faits en rapport avec le leur permettre d’accéder à une pension de retraite (L. no 82-1021
conflit, quelle qu’en ait été la date. La réponse ministérielle la du 3 déc. 1982, mod. par L. 87-503 du 8 juill. 1987, JO 9 juill.
plus récente exprime clairement cet état du droit français. « À la 1987). Pour le cas d’un fonctionnaire de l’État révoqué en 1965
différence des lois qui l’ont précédée, celle du 31 juillet 1968 ne pour délit d’offense au président de la République, en raison
précise ni la période ni les infractions concernées par ces dis- d’une caricature du chef de l’État en rapport avec les événe-
positions. Il résulte cependant des débats parlementaires que la ments d’Algérie, parue en juillet 1963, V. CAA Paris, 18 mars
volonté du législateur a été de couvrir la durée la plus longue pos- 1997, (no 94PA00434).
sible, avant et après l’indépendance de l’Algérie, et de répondre
à tous les cas de figure » (Question no 54976 de Mme Nicole
Feidt [Meurthe-et-Moselle] JOAN Q du 11 déc. 2000, p. 6954, 302. Putschistes. — Lorsque François Mitterrand arrive au pou-
rép. min. Justice JO du 9 juill. 2001, p. 4013). voir, le 10 mai 1981, ils ne sont que deux survivants du « quarte-
ron de généraux en retraite » qui, le 22 avril 1961 à Alger, avaient
tenté la folle aventure du putsch militaire destiné à conserver l’Al-
298. Au bilan, si la première intention était de pardonner les gérie à la France et à provoquer la perte de Charles de Gaulle :
infractions commises dans le cadre du conflit stricto sensu, il Edmond Jouhaud et Raoul Salan. Les deux autres, Maurice
faut constater qu’ont été amnistiées les infractions commises à Challe et André Zeller, sont décédés. Pour les généraux, le cas
l’occasion du conflit. La différence n’est pas mince, puisqu’elle est symbolique, car l’ultime indulgence va prendre la forme d’une
englobe des exactions accomplies après 1962, comme celles de réintégration dans le cadre de réserve. Grâce à la loi no 82-1021
l’OAS ou celles dont ont été victimes les supplétifs français : les du 3 décembre 1982 (art. 6), ils sont réintégrés dans les cadres
Harkis. pour être admis dans la deuxième section du cadre des officiers
généraux (J. GUISNEL, Les généraux - Enquête sur le pouvoir
299. Douloureux constat : il n’y a pas de limites au pardon ré- militaire en France, éd. La Découverte, 1990, p. 66). Sur l’ab-
publicain. Les faits commis le 8 février 1962 à Paris (violences sence d’indemnisation des détentions subies pour des infrac-
mortelles au Métro Charonne, plusieurs dizaines de cadavres tions entrant dans le champ d’application des lois d’amnistie en
dans la Seine) par la police française sous les ordres du pré- rapport avec les événements d’Algérie, voir la réponse du garde
fet de police Maurice Papon, parfois qualifiés de massacre, sont des Sceaux à une question écrite de M. Pierre Descaves (Rép.
amnistiés. L’éventuelle qualification de crime contre l’humanité min. no 23904, JOAN Q 21 sept. 1987, p. 5298).

Rép. pén. Dalloz - 40 - octobre 2003


AMNISTIE

SECTION 3 309. Le projet initial prévoyait de pardonner les faits commis


avant le 1er mai 1972, mais des amendements retardèrent cette
Événements liés à des crises sociales. date jusqu’au 1er septembre, afin de profiter aux producteurs de
lait ayant manifesté durement en mai et juin (Projet Doc. AN
ART. 1er. – ÉVÉNEMENTS DE MAI 1968. no 2577, rapport Mercier no 2584, adopté le 17 oct. 1972).

303. Amnistie hâtive. — Tenter d’influer sur le cours d’un conflit 310. Sont amnistiés les délits et contraventions de police com-
par une amnistie trop précipitée peut ne pas atteindre le but es- mis avant le 1er septembre 1972, à l’occasion de conflits relatifs
compté. Ainsi, au printemps 1968, après les premières violences à des problèmes agricoles, ruraux, artisanaux ou commerciaux
urbaines d’avril et les premières barricades du début mai, le Pre- ou à l’occasion de conflits du travail (L. 21 déc. 1972, art. 1,
mier ministre Georges Pompidou annonça-t-il dès le 11 mai, par D. 1973.14). La loi renvoie aux règles de compétence et de pro-
une allocution à la radio une « amnistie totale » : « Français, cédure de la précédente amnistie présidentielle (L. no 69-700 du
Françaises. J’ai fait la preuve de ma volonté d’apaisement. Avec 30 juin 1969). Sont exclues du bénéfice de l’amnistie les infrac-
l’accord du Président de la République, qui s’adressera à vous tions à la législation ou à la réglementation fiscale, douanière
dans quelques jours, j’ai rendu l’Université à ses maîtres et à ses ou en matière de change, à la législation ou à la réglementation
étudiants. Je leur ai tendu la main pour la concertation la plus du travail, les infractions prévues par les articles 341 et 342 du
large et la plus constructive. J’ai libéré les manifestants arrê- code pénal réprimant l’arrestation, la détention ou la séquestra-
tés. J’ai annoncé une amnistie totale » (allocution de Monsieur tion des personnes (art. 5). Sont également amnistiés les faits
Georges Pompidou à son retour d’Afghanistan, au lendemain susceptibles de constituer des fautes passibles de sanctions dis-
d’une nuit de barricades. http://www.multimania.com/mai68/). ciplinaires ou professionnelles, sauf s’ils représentent des man-
quements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur (art. 3).
304. Celle-ci est promulguée le 23 mai (L. no 68-457 du
23 mai 1968, D. 1968.198). Sont amnistiées les infractions SECTION 4
commises du 1er février 1968 au 15 mai 1968 en relation avec
les événements survenus dans l’Université et les manifestations Événements liés à la Corse.
auxquelles ils ont donné lieu (J. MICHAUD, La L. d’amnistie du
23 mai 1968, JCP 1968. I. 2172). Sont également amnistiés 311. Certains se posent parfois la question d’un éventuel lien
les faits susceptibles de constituer des fautes passibles de entre la date de l’amnistie et l’efficacité de l’apaisement. Le par-
sanctions disciplinaires ou professionnelles. Selon une tech- don peut-il favoriser la réconciliation ou doit-il, au contraire, la
nique législative habituelle, la loi renvoie, pour l’appréciation de consacrer a posteriori ? L’exemple corse montre, malheureuse-
ses effets et des éventuelles contestations, à la précédente loi ment, les limites de l’exercice. Il ne faut pas compter sur un texte
d’amnistie présidentielle, la loi no 66-409 du 18 juin 1966. législatif pour créer les conditions de la paix civile. Silent enim
leges inter arma (« Les lois se taisent parmi les armes », Cicé-
305. En excluant du bénéfice des dispositions de la loi du 23 mai ron, Pro Milone, IV, 11).
1968 les infractions réprimées par les articles 379 à 401 (vol,
extorsion) et 440 à 442 (pillages) du code pénal de l’époque, le 312. Histoire et première amnistie. — Si les événements
législateur entendait pardonner principalement aux auteurs de n’étaient pas si tristes, on pourrait dire qu’en Corse, l’histoire
manifestations illicites et de violences aux personnes. passe par Aléria, la violence et... par l’amnistie ! Le 29 avril
1755, à la mort du général Gaffori et à la demande de nom-
306. Impact de la loi du 23 mai 1968. — S’il y avait bien eu breux notables insulaires, Pasquale (Pascal) Paoli débarque à
quelques arrestations, et même quatre condamnations à deux Aléria, afin de se porter candidat à la magistrature suprême ; le
mois de prison fermes le 5 mai, les événements n’ont, semble- 14 juillet, il est proclamé général de la nation corse et chargé
t-il, pas été freinés par l’amnistie, comme le montrent le décès d’une mission de guerre décisive contre Gênes. Dès novembre
du Commissaire René Lacroix, le 24 mai 1968 et la noyade du 1755, il fera de l’île un État doté d’une Constitution, d’une
jeune Gilles Tautin le 10 juin. Probablement déçu de l’inefficacité administration, d’une justice et d’une armée. Il fonde une
de ce texte sur le cours des événements, le législateur n’a pas université à Corte et devient un personnage mythique pour
reconduit l’expérience pour les faits postérieurs au 15 mai 1968. avoir réussi à réaliser l’unité morale et politique de la Corse.
On notera toutefois que bon nombre des faits non amnistiés ont Paoli va gouverner la Corse pendant 14 ans, jusqu’à son exil en
bénéficié de la clémence prononcée l’année suivante, par la loi Angleterre après la défaite du 8 mai 1769 à Ponte Nuovo contre
d’amnistie présidentielle no 69-700 du 30 juin 1969. les Français. Il faudra attendre le 30 novembre 1789, pour
que l’Assemblée nationale décrète que la Corse fait désormais
partie intégrante « de l’empire français », et que ses habitants
ART. 2. – MANIFESTATIONS SOCIOPROFESSIONNELLES DE 1972. doivent être régis par les mêmes lois que les autres Français.
Le même jour, Mirabeau fait décider de l’amnistie envers les
307. Au printemps 1972, des exactions sont commises à l’oc- Corses expatriés (décret royal 4 déc. 1789). Paoli peut rentrer
casion de manifestations liées aux revendications de paysans, en Corse le 14 juillet 1790, 21 ans après avoir quitté son île. Le
d’artisans et de commerçants. Les revendications sont diverses sentiment d’une nation corse va être entretenu depuis.
et variées, certaines portant sur les projets de remembrement,
d’autres sur la crainte de voir la Grande-Bretagne entrer dans 313. Nuits bleues. — Dès la fin du XIXe siècle, un mouvement
la Communauté économique européenne (CEE), sur l’extension régionaliste se manifeste contre la politique d’assimilation des
du camp du Larzac ou sur des réformes comportant des aspects gouvernements de la IIIe République. Dans la seconde moitié du
financiers et fiscaux. XXe siècle, un militantisme politique d’inspiration anticolonialiste
suscite la création de nombreux mouvements et les positions se
308. Des négociations sont menées par le gouvernement et radicalisent. En 1973, dans le sud de l’île, apparaît le « Front
aboutissent à un certain nombre d’accords. Le Parlement peut paysan corse de libération » (FPCL) qui déclare vouloir mener la
alors voter en fin d’année une loi d’amnistie (L. no 72-1127 du lutte armée au nom du peuple corse. Le FPCL exige l’expulsion
21 déc. 1972, JO 22 déc. 1972, p. 13283), qui « mesure d’apai- des colons de la plaine orientale, le remplacement de tous les
sement, sera suivie par des mesures de guérison » (Le Monde, fonctionnaires français par des Corses et l’enseignement obli-
19 oct. 1972, p. 10-11). gatoire de la langue corse dès l’école primaire. La première nuit

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AMNISTIE

bleue du FPLC a lieu le 3 janvier 1974 : 9 plasticages ; le 30 à novembre 1989. Chacune de ces trêves a été l’occasion pour
du même mois ce mouvement est dissous en Conseil des mi- les nationalistes corses d’obtenir l’indulgence des pouvoirs pu-
nistres. Un groupe clandestin ayant pour nom « Ghustizia Paoli- blics. L’étude des textes successifs montre la promulgation de
na » (GP), et qui opère dans le nord de l’île, marque sa naissance trois lois d’amnistie visant spécifiquement les infractions com-
en plastiquant le 22 mars 1974 une caravelle d’Air Inter sur l’aé- mises par la mouvance indépendantiste en 1981, 1982 et 1989.
roport de Bastia.
318. Loi du 4 août 1981. — Dans le cadre de la traditionnelle
314. Aléria. — Le 21 août 1975, les événements d’Aléria loi d’amnistie postérieure aux élections présidentielles sont inté-
connaissent un retentissement national. Un commando armé grées les infractions commises en relation avec des élections de
conduit par E. Siméoni occupe la cave d’un viticulteur. Les toutes sortes ou avec des incidents d’ordre politique ou social
forces de l’ordre interviennent, des coups de feu sont échangés. survenus en France, à condition que ces infractions n’aient pas
Deux gardes mobiles sont tués ; un militant autonomiste a un entraîné la mort ou des blessures ou infirmités (L. no 81-736 du
pied arraché par une grenade. Quelques jours plus tard, des 4 août 1981 portant amnistie, art. 2-4). Sans viser expressément
émeutes éclatent à Bastia. Les autonomistes tirent : un CRS est la Corse, ce texte va bénéficier à plusieurs activistes qui rem-
tué, 14 sont blessés. L’ARC (« Action pour la renaissance de plissent les conditions légales. Le nombre de 54 nationalistes
la Corse ») est dissoute. Ses dirigeants passent en jugement. ayant été libérés a été cité sans véritable contestation quantita-
Le 24 avril 1976, à la suite de dissensions internes, les deux tive (Question orale no 1815, JOAN 9 oct. 1996, p. 5184).
organisations (GP et FPCL) fusionnent alors dans le « Front de
libération nationale de la Corse » (FLNC). La première action 319. Loi du 2 mars 1982. — À l’occasion de l’examen de la
armée du FLNC a lieu dans la nuit du 4 au 5 mai 1976 : 22 première loi de décentralisation en Corse, l’Assemblée nationale
attentats au plastic, dont un au palais de justice de Marseille. prévoit l’amnistie de toute action en relation avec des événe-
Le 5 mai, le FLNC se fait connaître par une « conférence de ments d’ordre politique et social, et rejette un amendement de
presse » clandestine : trois journalistes corses interviewent l’opposition qui en exclut les crimes de sang. « Sont amnistiées
sa direction dans les ruines du couvent de Saint-Antoine de toutes infractions commises antérieurement au 23 décembre
Casabianca où, le 17 juillet 1755, Pascal Paoli proclama l’indé- 1981 à l’occasion d’événements d’ordre politique ou social en
pendance de l’État corse. relation avec la détermination du statut de la Corse lorsque
leurs auteurs ne peuvent se prévaloir des dispositions de la loi
315. Multiplication et diversification de la violence. — Dès lors, no 81-736 du 4 août 1981 portant amnistie » (L. no 82-214 du
les opérations clandestines vont se multiplier sous forme de vio- 2 mars 1982 portant statut particulier de la région corse, dit statut
lences contre les biens publics - les attentats visent les symboles « Defferre », art. 50). Le gouvernement de l’époque souhaite, en
du colonialisme français et les biens privés. Ils visent aussi les effet, que la mise en place de l’Assemblée régionale de Corse
symboles du capitalisme extérieur et les propriétés des réfrac- s’accompagne de mesures de clémence envers les activistes.
taires à « l’impôt révolutionnaire » qui peut être accepté ou im- Pour le Conseil constitutionnel, il n’y a pas rupture du principe
posé (cotisation ou racket). Certains récalcitrants sont tués. Il d’égalité (Cons. const. 2 déc. 1982, JCP 1983. II. 20099, note
n’est pas question ici de savoir si le FLNC est une organisation C. Franck).
« terroriste » (V. J.-F. GAYRAUD, Définir le terrorisme : est-ce
possible, est-ce souhaitable ?, Revue internationale de crimi- 320. Loi du 10 juillet 1989. — Lors de l’élaboration de la tradi-
nologie et de police technique, no 2, 1988). Constatons sim- tionnelle loi d’amnistie postérieure à l’élection présidentielle de
plement que les infractions suivantes sont commises en bandes 1988, le gouvernement de l’époque tire la leçon du peu de ré-
organisées : destruction de biens publics par substance explo- sultats de son initiative de 1982, et ne prévoit pas d’inclure les
sive, assassinat, mise en danger de la vie d’autrui, extorsion, nationalistes corses dans son champ. La loi du 20 juillet 1988
vol à main armée. Par ailleurs, des militants du FLNC ont été ne comporte pas de dispositions comparables à celles de la
condamnés dans des affaires de trafic de stupéfiants, de proxé- loi du 4 août 2001. En 1989, un projet de loi initial, voté par
nétisme et de fausse monnaie. Depuis 1825, les statistiques cri- l’Assemblée le 5 juin 1989, ne prévoit toujours aucune disposi-
minelles enregistrent avec constance un particularisme corse : tion concernant la Corse. C’est par amendement parlementaire
une sur-criminalité importante (J.-C. CHESNAIS, Histoire de la que le 30 juin, à l’occasion de la deuxième lecture, les indépen-
violence, Hachette, Collection Pluriel, 1981). Le XXe siècle n’a dantistes corses bénéficièrent d’un texte conçu initialement pour
pas gommé cette spécificité. Cette violence s’est banalisée, ins- amnistier les faits commis aux Antilles (V. supra, no 325 et s.).
titutionnalisée au fil des années (P. SILVANI, L’usage quotidien D’où, peut être, la tentation de qualifier la Corse de département
du plastic, Le Monde, 14 févr.1990). Cette violence politique se- d’outre-mer ? La loi no 89-473 du 10 juillet 1989 accorde le béné-
rait responsable en Corse, de 1975 à 1997, de près de 8 000 at- fice de l’amnistie aux auteurs d’infractions commises à l’occasion
tentats, et d’au moins quarante-sept assassinats, attribués pour d’événements d’ordre politique et social en relation avec une en-
les deux tiers au FLNC (X. CRETTIEZ, La Question corse, com- treprise tendant à modifier le statut de la Corse. Seules ont été
plexe, 1999 ; http://www.ladocumentationfrancaise.fr). exclues de ces dispositions « insulaires » les infractions ayant
entraîné la mort ou des infirmités permanentes ou les violences
316. S’agissant des attentats, les statistiques sont exécrables. sur agents de la force publique. Le nombre de 60 nationalistes
Le taux d’élucidation des attentats par explosifs contre les biens libérés a été cité (Question orale, no 1815, JOAN 9 oct. 1996,
publics oscille ainsi entre 0 % pour les années 1993, 1994 et p. 5184).
1998 et 8,85 % pour l’année 1997, alors même que ce type
d’attentat est le plus souvent revendiqué. Le taux d’élucidation 321. Trois amnisties aux effets désastreux. — Un magistrat bien
moyen sur la période 1993-1998 s’élève pour cette catégorie à informé de la situation corse a souligné devant la commission les
2,7 % pour la Corse, contre 21,4 % au niveau national (Com- effets démobilisateurs des lois d’amnistie pour la Corse. « Trois
mission d’enquête sur le fonctionnement des forces de sécurité amnisties, c’est beaucoup. Une première fois, un assez grand
en Corse, R. FORNI, C CARESCHE, Rapport Doc. AN no 1918, nombre de personnes ont été interpellées, puis relâchées. Il en
déposé le 10 nov. 1999). a été de même la deuxième et la troisième fois. Les policiers se
sont lassés et se sont dit que ce n’était pas la peine de conti-
317. Trêves et amnisties. — Depuis 1976 cette violence connaît nuer ; d’autant que les policiers - ma remarque vaut pour les
des cycles rythmés par les échéances politiques. Il y eut ainsi gendarmes - sont connus. Ils vivent là avec leur famille » (com-
deux grandes trêves : d’avril 1981 à janvier 1982 et de juin 1988 mission d’enquête « La sécurité en Corse : un devoir pour la

Rép. pén. Dalloz - 42 - octobre 2003


AMNISTIE

République », J.-P. COURTOIS et R. GARREC, Rapport Sénat L’annonce du prochain dépôt par le groupe socialiste de l’As-
no 69 (1999-2000), http://www.senat.fr). semblée nationale d’une proposition de loi d’amnistie en faveur
des membres de l’Association révolutionnaire caraïbe (ARC) a
322. Mort d’un préfet de la République. — L’assassinat du préfet un premier effet sur le plan judiciaire : le parquet demande le re-
Claude Érignac (6 févr. 1998) montra, s’il en était besoin, que la port du procès des indépendantistes guadeloupéens (Le Monde,
multiplication des lois d’amnistie n’avait pas jugulé les pulsions 17 mai 1989).
de violences collectives et individuelles en Corse. Pourtant, les
polémiques sur l’éventualité d’une nouvelle amnistie prospèrent 328. Effet immédiat de l’amnistie. — Le principe d’une amnistie
quasiment depuis le jour de l’assassinat (V. supra, no 14) La est annoncé dès le 23 mai 1989 par un communiqué du président
question de l’amnistie des détenus corses, considérés comme de la République. « Amnistie à la Guadeloupe - L’amnistie prend
des « prisonniers politiques » par les nationalistes, a été le thème acte de l’apaisement intervenu dans le département de la Gua-
central des Vingtièmes Journées internationales organisées à deloupe depuis un an. Dans son application aux condamnations
Corte (Haute-Corse) les 4 et 5 août 2001. À l’occasion du dis- déjà prononcées et aux poursuites dont sont saisis les tribunaux,
cours de clôture, Jean-Guy Talamoni, chef de file de la Coalition l’amnistie ne concernera qu’un nombre limité de personnes » (Le
Nazione et l’un des négociateurs des accords de Matignon, a dé- Monde, 25 mai 1989). Les députés adoptent, le 5 juin, en pre-
claré qu’« aujourd’hui, de notre propre autorité, nous mettons à mière lecture, le projet de loi et les deux propositions identiques
l’ordre du jour la question de la libération de tous les prisonniers déposées par M. Ernest Moutoussamy. Après validation par le
politiques corses » et précisait que « l’amnistie est une solution Conseil constitutionnel (Cons. const. 8 juill. 1989, no 89258 DC,
technique qui est comprise dans cette notion de libération » (Le JCP 1990. II. 21409, note G. Franck), la loi d’amnistie est promul-
dossier corse en trois points, Le Monde, 7 sept. 2001). guée le 10 juillet et publiée le 12, la veille de la date prévue pour
la première audience du procès (L. no 89-473 du 10 juill. 1989,
323. Tirant du passé quelque expérience (collaboration, Algérie, JO 12 juill. 1989 ; JCP, éd. G 1989. I. 3410, chron. Gonnard). Le
Nouvelle-Calédonie), il est possible de répondre aux polémiques tribunal correctionnel de Paris ordonne la remise en liberté im-
sur l’opportunité d’une amnistie, qu’il est aussi prématuré de par- médiate le mercredi 12 juillet 1989, jour même de la publication
ler d’amnistie alors que la négociation politique est en cours et de la loi d’amnistie au Journal officiel (Le Monde, 14 juill. 1989).
que la paix civile et la légalité républicaine ne sont pas retrou-
vées, qu’il est imprudent d’exclure toute amnistie ad vitam aeter- 329. La loi no 89-473 du 10 juillet 1989 accorde le bénéfice de
nam (« Qui pardonne aisément, invite à l’offenser », Corneille, l’amnistie aux auteurs d’infractions commises à l’occasion des
Cinna (1640), IV, II, 1160). événements d’ordre politique ou social en relation avec une en-
treprise tendant à soustraire à l’autorité de la République les dé-
324. On notera également que la veuve et les enfants du préfet partements de la Martinique et de la Guadeloupe. Le même texte
Érignac fustigent l’idée même d’une quelconque amnistie (Do- vise également les infractions commises à l’occasion d’événe-
minique Érignac, « J’exige justice », Le Monde, 5 févr. 2003), ments d’ordre politique et social en relation avec une entreprise
malgré l’article 133-10 du code pénal qui exprime la réserve des tendant à modifier le statut de la Corse. Seules ont été exclues
droits des tiers : « L’amnistie ne préjudicie pas aux tiers », et de ces dispositions « insulaires » les infractions ayant entraîné la
malgré la certitude que l’amnistie laisse subsister la possibilité mort ou des infirmités permanentes ou les violences sur agents
pour les victimes de faire reconnaître et réparer leur préjudice, de la force publique.
c’est-à-dire, d’obtenir justice. « Le droit pénal moderne est ten-
té de trouver le fondement de ses interdictions, non plus dans
la transgression d’un ordre supérieur - religieux ou sacré – (...) SECTION 6
mais dans la souffrance imposée à la victime » (A. GARAPON, Événements liés à la Nouvelle-Calédonie.
F. GROS, T. PECH, Et ce sera justice, Punir en démocratie, Odile
Jacob, 2001, p. 251). 330. Il existe des cas de pardons progressifs donnant à l’am-
nistie une dimension dynamique. Les événements que vécut
la Nouvelle-Calédonie entre 1981 et 1988 connurent semblable
SECTION 5
issue. La première période conflictuelle (1981-1985) bénéficia
Événements liés aux Antilles-Guyane. d’une amnistie spécifique (L. no 85-1467 du 31 déc. 1985). La
deuxième période conflictuelle (1986-1988) prit fin par deux lois
325. L’apaisement par le pardon, au contraire de l’amnistie d’amnistie successives et complémentaires (L. no 88-1028 du
par l’oubli périodique, suppose parfois du temps entre les évé- 9 nov.1988 et L. no 90-33 du 10 janv. 1990).
nements pardonnés et l’expression législative de la clémence.
« L’amnistie n’intervient, en principe, qu’une fois l’événement 331. L’émergence de la revendication d’indépendance à partir
terminé, lorsque la paix civile s’est rétablie. Dès lors, il faut pour des années 1975-1977 s’est rapidement accompagnée d’actes
cela qu’un certain laps de temps se soit écoulé » (J. ROCHE-DA- violents au cours desquels des infractions furent commises par
HAN, L’amnistie en droit français, thèse de droit, Aix-Marseille, les partisans des deux camps : indépendantistes et loyalistes.
1994, p. 125). La première loi d’amnistie, votée en 1985, visait à tenter de
mettre un terme à une première série d’événements (1981-1985)
326. Le 23 juillet 1987, les forces de l’ordre arrêtent plusieurs dont certains s’étaient avérés d’une brutalité inouïe.
indépendantistes antillais, dont leur leader Luc Reinette, chef
de l’Alliance révolutionnaire caraïbe (ARC). Luc Reinette avait 332. Premiers événements. — Le 19 septembre 1981, Pierre
été condamné dès 1985 pour association de malfaiteurs en Declercq, secrétaire général de l’Union calédonienne, est as-
lien avec une entreprise terroriste (évadé de la prison de sassiné à son domicile près de Nouméa, d’un coup de fusil tiré
Basse-Terre en juin 1985, http://quidfrance.com/WEB/FRAN- au travers de la fenêtre. Le 22 juillet 1982, l’Assemblée territo-
CEOM/Q023820.HTM). riale de Nouvelle-Calédonie est envahie par un « commando ».
Le 10 janvier 1983, deux gendarmes sont assassinés à la tri-
327. Effet d’annonce de l’amnistie. — Regroupés à la prison de bu de Koindé (La Foa). Le 18 novembre 1984, à l’occasion du
la Santé, les prévenus sont en instance de jugement par le tri- boycott actif des élections territoriales par le FLNKS, Éloi Ma-
bunal correctionnel de Paris lorsque les premiers échos d’une choro, secrétaire général de l’UC, brise une urne électorale et
éventuelle amnistie se font entendre (Le Monde, 14 mai 1989). les Kanaks bloquent les routes de Nouvelle-Calédonie par une

octobre 2003 - 43 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

dizaine de barrages. Le 20 novembre 1984, heurts à Ponéri- l’espoir de ramener la paix civile. Cette mission de dialogue est
houen entre forces de l’ordre et indépendantistes. Occupation dirigée par le préfet Christian Blanc avec pour but de rencontrer
de Thio par les Kanaks qui désarment les colons et neutralisent tous les acteurs locaux pour permettre le rétablissement de la lé-
le GIGN. Occupation de la gendarmerie de Thio par les indépen- galité républicaine. Au cours des entretiens avec les dirigeants
dantistes. La Nouvelle-Calédonie est présentée par les médias kanaks, il apparaît aux médiateurs que toute issue pacifique et
comme étant en état d’insurrection. Le 5 décembre 1984, mas- pérenne aux événements traumatisants vécus par les uns et les
sacre de Tiendanite (Hienghène). Lors d’une embuscade, des autres supposera, à terme, une amnistie. Jean-Marie Tjibaou
loyalistes provoquent la mort de 9 Kanaks, dont 2 frères de Jean parle de l’amnistie comme d’un ruban qui ferme un paquet et fi-
Marie Tjibaou (L. DUROY, Hienghène, le désespoir calédonien, nalise ainsi un accord global. Il lui est répondu que la question
Barrault, 1988). Le 19 décembre 1984, mort d’un gendarme à de l’amnistie ne doit être posée qu’après la résolution d’un conflit
Bourail dans un incendie criminel. Le 11 janvier 1985, assas- (Les médiateurs du Pacifique, film de Charles Belmont et d’Oli-
sinat d’Yves Tual, 17 ans, et émeutes anti-indépendantistes à vier Duhamel 1997, qui relate ce que fut la « Mission de conci-
Nouméa. Le 12 janvier 1985, Éloi Machoro et Marcel Nonaro liation », chargée, en mai 1988, par Michel Rocard, de rétablir le
sont abattus par le GIGN dans une ferme de La Foa. Il s’agit dialogue entre « Kanaks » et « Caldoches »).
de neutraliser la lutte en éliminant ses « meneurs ». L’état d’ur-
gence est décrété sur le territoire le 12 janvier 1985 (Décision ART. 2. – LOI No 88-1028 DU 9 NOVEMBRE1988.
Conseil constitutionnel no 85-187 DC du 25 janv. 1985, F. Lu-
chaire, D. 1985.361). Le 5 mars 1985, assassinat d’un major 337. Deuxième amnistie : amnistie partielle. — Quelques mois
de gendarmerie à Pouebo, au sabre. Le 14 mai 1985, un pre- plus tard, une fois le dialogue renoué et la paix civile retrouvée, le
mier attentat endommage le palais de justice de Nouméa ; le gouvernement propose au peuple français d’approuver par réfé-
2 décembre 1985, un deuxième attentat le détruit presque entiè- rendum un nouveau statut prévoyant, entre autres, une amnistie
rement, le rendant inutilisable pendant trois ans. partielle - exceptant le crime d’assassinat - pour les faits com-
mis avant le 20 août 1988. « Bâtir ensemble l’avenir suppose,
enfin, que soit éclairci préalablement le passé. C’est la raison
ART. 1er. – LOI No 85-1467 DU 31 DÉCEMBRE 1985.
pour laquelle le projet de loi prévoit l’indemnisation des dom-
333. Première amnistie. — Pendant ce temps-là, l’Assemblée mages causés aux personnes et aux biens par des actes de vio-
nationale statuait sur le projet de loi d’amnistie relatif aux exac- lence liés aux événements politiques survenus en Nouvelle-Ca-
tions commises en Nouvelle-Calédonie qui allait devenir la loi lédonie, ainsi qu’une large amnistie, dont restent toutefois exclus
no 85-1467 du 31 décembre 1985 : « Art. 1. Sont amnistiées les crimes d’assassinat » (Lettre de Michel Rocard, Premier mi-
toutes les infractions commises antérieurement au 30 septembre nistre, au président François Mitterrand, Paris 5 oct. 1988, citée
1985, à l’occasion d’événements d’ordre politique ou social en par Jean-Marie Colombani, Double Calédonie : d’une utopie à
relation avec la détermination du statut de la Nouvelle-Calédo- l’autre, Denoël, 1999, p. 254). Le scrutin du 6 novembre 1988
nie, à condition que ces infractions n’aient pas entraîné la mort ayant été favorable, la loi référendaire du 9 novembre entra en
ou des infirmités permanentes au sens de l’article 310 du code vigueur (L. référendaire no 88-1028 du 9 nov. 1988, art. 80 et
pénal ou qu’elles ne soient pas constituées, sur la personne 81).
d’agents de la force publique, dans l’exercice de leurs fonctions, 338. Portée de l’amnistie de 1988 en droit pénal. — Outre sa
par des coups et blessures volontaires ou des tentatives d’homi- nature référendaire, la loi du 9 novembre 1988, loi événemen-
cide volontaire. » tielle par essence, comporte deux articles à visée amnistiante
334. Malgré cette indulgence législative précoce, les tensions inclus dans un vaste ensemble (97 articles) que reflète imparfai-
politiques reprennent avec une violence extrême. Une série tement l’intitulé de la loi (loi no 88-1028 du 9 nov. 1988, portant
d’actions particulièrement brutales va conduire au paroxysme de dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de
l’affaire d’Ouvéa, au terme d’une seconde série d’événements la Nouvelle-Calédonie en 1998). « Art. 80. Sont amnistiées
(1986-1988). La plupart des observateurs considèrent que le les infractions commises avant le 20 août 1988, à l’occasion des
point de départ de cette deuxième spirale de violences doit événements d’ordre politique, social ou économique en relation
être daté du verdict d’acquittement rendu le 19 octobre 1987 avec la détermination du statut de la Nouvelle-Calédonie ou du
par la cour d’assises de Nouméa à l’occasion du procès pour régime foncier du territoire. Toutefois, le bénéfice de l’amnistie
homicide avec préméditation de sept personnes inculpées pour ne s’étend pas à ceux qui, par leur action directe et personnelle,
l’assassinat des frères de J.-M. Tjibaou. ont été les auteurs principaux du crime d’assassinat prévu par
l’article 296 du code pénal. (...) ».
335. Deuxièmes événements. — Le 22 avril 1988, sur consignes
339. La loi du 9 novembre 1988 est ostensiblement plus géné-
du FLNKS, un commando tente d’occuper la gendarmerie de
reuse que l’amnistie du 31 décembre 1985, puisque, hormis les
Fayaoué sur l’île d’Ouvéa. Les gendarmes résistent (4 gen-
auteurs du crime d’assassinat, peuvent en bénéficier les com-
darmes sont tués et 27 sont emmenés en otage). D’autres ten-
plices d’assassinat, ainsi que les auteurs de violences volon-
tatives d’occupation sur tout le territoire échouent. Le 25 avril,
taires ou de tentatives d’homicide volontaire, y compris sur la
l’île est interdite aux journalistes et des renforts de gendarmerie,
personne d’agents de la force publique, dans l’exercice de leurs
dont des membres du GIGN, arrivent, rejoints le 28 avril 1988 par
fonctions.
des militaires de la Force d’action rapide. Le 5 mai 1988 - entre
les deux tours des élections présidentielles -, le Premier ministre 340. Pour l’appréciation des effets de l’amnistie et les éven-
(J. Chirac), avec l’aval du président de la République (F. Mitter- tuelles contestations, le même article renvoie aux dispositions de
rand), déclenche l’« Opération Victor », assaut de la grotte de la loi no 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie, précédente
Gossanah par des commandos spéciaux de l’armée (véritable loi d’amnistie présidentielle. L’écart de dates entre les deux lois
action de guerre). On relèvera 2 militaires tués et 19 morts du (20 juill. et 9 nov. 1988) montre d’une part, la volonté du gou-
côté indépendantiste, dont certains semblent avoir été exécutés vernement de ne pas précipiter le pardon, et d’autre part que les
après leur reddition (P. LEGORJUS, La morale et l’action, Fixot, faits que l’on voulait pardonner étaient trop graves pour bénéfi-
1990). cier de l’amnistie au quantum de l’amnistie présidentielle.
336. Le président de la République, réélu, charge le nouveau 341. Portée de l’amnistie de 1988 sur les procédures pénales
Premier ministre (M. Rocard) d’une mission de médiation dans en cours. — La loi du 9 novembre 1988 reste, pour l’heure, la

Rép. pén. Dalloz - 44 - octobre 2003


AMNISTIE

seule hypothèse d’amnistie à effet relatif immédiat ! Le législa- de crimes de sang à l’opinion publique, ce qui n’aurait probable-
teur a, en effet, exceptionnellement décidé que tous les préve- ment pas été le cas si l’amnistie avait été « unilatérale » au profit
nus et inculpés, qui étaient détenus au jour de la promulgation d’un seul camp.
du texte, devaient être libérés et, partant, que ceux qui seraient
jugés ultérieurement comparaîtraient libres. C’est pourquoi l’ar- 346. Le Conseil constitutionnel précisa, à cette occasion, que le
ticle 81 de la loi du 9 novembre dispose que : « Les disposi- Parlement peut modifier par une loi d’amnistie (loi « ordinaire »)
tions du code de procédure pénale relatives au placement et au une précédente loi, fut-elle référendaire. « Considérant que l’ar-
maintien en détention provisoire ne sont pas applicables dans ticle premier de la loi déférée a pour objet d’étendre, par rapport
le cas de poursuites concernant les infractions commises avant au texte de l’article 80 de la loi du 9 novembre 1988 promulguée
le 20 août 1988, à l’occasion des événements d’ordre politique, à la suite du référendum du 6 novembre 1988, le champ d’ap-
social ou économique en relation avec la détermination du statut plication de l’amnistie d’infractions commises avant le 20 août
de la Nouvelle-Calédonie ou du régime foncier du territoire ». 1988 à l’occasion des événements d’ordre politique, social ou
économique en relation avec la détermination du statut de la
342. Dès le 18 novembre 1988, 51 prisonniers kanaks sont libé- Nouvelle-Calédonie ou du régime foncier du territoire ; qu’en pro-
rés en région parisienne et à Nouméa. Le gouvernement orga- cédant à cette extension, le législateur est, ainsi qu’il a été dit
nise le retour discret sur le territoire de ceux qui sont qualifiés, ci-dessus, intervenu dans le cadre de la compétence qu’il tient
pour brouiller les pistes et éviter les curiosités journalistiques, de de l’article 34 de la Constitution ; que la modification qu’il a appor-
PKL : prisonniers kanaks libérés (A. CHRISTNACHT, L’œil de tée à la loi antérieure n’aboutit pas à priver de garanties légales
Matignon, Seuil, 2003, p. 51). Pour illustrer l’émotion suscitée des principes constitutionnels (...) » (Cons. const., 9 janv. 1990,
par cette libération immédiate, qu’il suffise de citer une ques- no 89-264 DC, Rec. Cons. const., p. 12 ; RJC, p. I-377 ; Thier-
tion parlementaire interpellant le Premier ministre quelques se- ry S. Renoux, RFD Const. 1990, p. 323 ; Pierre Avril. et Jean
maines après la promulgation de la loi du 9 novembre 1998 sur Gicquel, Pouvoirs, 1990, 54, p. 199). Il faut donc écarter en la
« les injustices fondamentales et anticonstitutionnelles que re- matière un adage connu des juristes qui pourraient être tentés
présente la libération sans jugement des odieux assassins des d’affirmer qu’amnistie sur amnistie ne vaut (B. PY, Amnistie : le
gendarmes d’Ouvéa. En effet, aucune garantie n’est donnée (...) choix dans les dates, Droit Pénal 2002, chron. 12). Par trois lois
qu’une confrontation aura lieu entre les gendarmes survivants, d’amnistie successives (1985-1988-1990) à l’indulgence crois-
témoins directs de la tuerie, et les auteurs du massacre. (...) Il sante, l’État réussit à rétablir la paix et à accompagner les Calé-
lui demande quelles mesures effectives et non orales il compte doniens sur la voie du dialogue.
prendre pour respecter les libertés et réprimer le terrorisme san-
glant et barbare » (Question écrite no 02830 du 22 déc. 1988, SECTION 7
p. 1444 réponse, JO Sénat du 4 mai 1989, p. 700).
Événements liés à des réformes législatives.
ART. 3. – LOI No 90-33 DU 10 JANVIER 1990. 347. Certaines réformes législatives supposent une mise en co-
hérence du droit positif. Aussi, lorsque la loi vient encadrer, cla-
343. Le pardon n’était pas total, mais il était dit qu’à moyen rifier ou légitimer des comportements autrefois prohibés, il est
terme, il le serait (V. les propos du député Jacques Lafleur dans courant qu’une amnistie intervienne pour « solder » la situation
Le Monde du 28 oct. 1989). La loi du 10 janvier 1990 vint par- antérieure et permettre un nouveau départ, dans un nouveau
achever le dispositif d’amnistie, en conservant la même période cadre textuel.
d’application, mais sans plus limiter la nature des infractions par-
données. « Sont amnistiées les infractions commises avant le
ART. 1er. – RÉFORME DU FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES.
20 août 1988 à l’occasion des événements d’ordre politique, so-
cial ou économique en relation avec la détermination du statut 348. En matière d’amnistie des financements politiques, l’his-
de la Nouvelle-Calédonie ou du régime foncier du territoire, par toire récente montre deux tendances nettement contradictoires.
les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l’article 80 de Dans un premier temps, les lois d’amnistie ont été employées au
la loi no 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statu- service d’une tentative de moralisation des pratiques opaques et
taires et préparatoires à l’autodétermination de la Nouvelle-Ca- des financements occultes (1988-1990). Dans un second temps,
lédonie en 1998 » (L. no 90-33 du 10 janv. 1990, art. 1, portant la multiplication des « affaires » politico-financières, la décou-
amnistie d’infractions commises à l’occasion d’événements sur- verte de malversations au plus haut sommet de l’État et la mon-
venus en Nouvelle-Calédonie, JO 11 janv. 1990). tée d’un sentiment d’écœurement des électeurs ont poussé le lé-
gislateur à écarter toute indulgence pour cette délinquance qu’on
344. Troisième amnistie : amnistie totale. — Le sens de ce texte
a pu qualifier de « délinquance en cocarde » (par référence à la
était évident. Alors que la loi du 9 novembre 1988 avait accor-
délinquance des affaires, nommée « délinquance en col blanc »).
dé une amnistie relative - exceptant le crime d’assassinat -, une
amnistie totale fut accordée par la loi du 10 janvier 1990 au vu 349. Le point de départ de l’analyse doit être rattaché à cette
de la bonne application des accords de Matignon et du retour étrange hypocrisie française qui fait des partis politiques des pi-
effectif au calme sur tout le territoire. Sans le dire expressé- vots de la vie politique, sans avoir pendant longtemps assumé
ment, et étant donné la loi du 9 novembre 1988, il ne restait à la question de leur financement. « Les partis et groupements
amnistier que des crimes d’assassinat. La terminologie « infrac- politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment
tion » englobant l’ensemble des violations du code pénal, il faut et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les prin-
en déduire que le législateur a entendu pardonner tous les faits cipes de la souveraineté nationale et de la démocratie » (Const.
commis, y compris les agressions mortelles préméditées, éven- 4 oct. 1958, art. 4).
tuellement accompagnées d’actes de torture et de barbarie.
350. Plusieurs lois relatives au financement de la vie politique
345. Il faut naturellement souligner que l’amnistie s’appliquait sont alors votées en 1988 (lois no 88-226 et no 88-227 du 11 mars
aussi bien à des crimes commis par les indépendantistes (gen- 1988, relatives à la transparence financière de la vie politique,
darmes tués à Ouvéa, par ex.) qu’aux faits « en sens inverse », http://www.legifrance.gouv.fr). Ces lois imposent aux ministres
commis éventuellement par des loyalistes ou des membres des et aux parlementaires d’envoyer une déclaration de patrimoine
forces de l’ordre. Cette étendue considérable de l’effet extinctif à une commission pour la transparence financière de la vie po-
ne pouvait être que globale pour faire admettre cette amnistie litique dont la composition et les attributions sont précisées. La

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AMNISTIE

divulgation de ces informations est réprimée. Les autres articles 355. Par la loi du 15 janvier 1990, tout parlementaire qui a com-
organisent le financement des partis politiques. mis une infraction avant le 15 juin 1989, liée au financement po-
litique d’un parti ou d’une campagne électorale, est amnistié. En
351. Une généreuse indulgence. — Le corollaire de ces pré- sont exclus les cas d’enrichissement personnel, les infractions
misses de clarification se trouve dans la loi du 20 juillet 1988 de corruption et de trafic d’influence. C’est pourquoi l’ancien tré-
portant amnistie présidentielle qui comporte un article d’une ex- sorier du Parti socialiste a été condamné, le 5 juin 1997, par le
trême générosité à l’égard des hommes politiques. Sont amnis- tribunal correctionnel de Lyon, à dix-huit mois de prison avec sur-
tiés : les « délits en relation avec des élections de toute nature, sis et deux ans d’inéligibilité pour complicité de trafic d’influence
notamment en relation avec le financement direct ou indirect de et recel de trafic d’influence dans l’affaire « Urba », sans pouvoir
campagnes électorales ou de partis politiques avant le 11 mars bénéficier de l’amnistie (Le Monde, 7 juin 1997). Par ailleurs, il
1988, à l’exception de ceux prévus par les articles 257-3 et 435 n’est pas démontré que le fait de monnayer ses services en vue
du code pénal et des délits concernant le vote par procuration et de faire obtenir la Légion d’honneur est en relation avec un fi-
le vote par correspondance » (L. 20 juill.1988, art. 2-5o et 29-5). nancement politique. Il incombe à celui qui invoque le bénéfice
de l’amnistie de démontrer que les conditions en sont réunies
(Cass. crim. 20 févr. 1997, no 96-83.183).
352. La loi absout tous les auteurs de délits commis en relation
avec le financement de campagnes électorales. Elle passe donc
l’éponge sur toutes les malversations commises, qu’elles soient 356. Vers la fin de l’indulgence. — Une nouvelle loi est alors vo-
qualifiées de « corruption », « trafic d’influence » ou « délit d’in- tée pour parachever le dispositif, et définir désormais des règles
gérence ». Autant dire que la loi du 20 juillet 1988 entraîne une nouvelles en organisant un financement officiel des partis poli-
sorte de blanchiment général qui permettra, notamment, à tel dé- tiques, avec les deniers publics (L. 19 janv. 1995 no 95-65 re-
puté des Bouches-du-Rhône, de bénéficier à la fois d’un non-lieu lative au financement de la vie politique, modifiant le code élec-
et de l’amnistie dans une affaire de fausses factures dans la ci- toral, JO 21 janv. 1995). En conséquence, les lois d’amnistie
té phocéenne. Ne sont exceptés de l’indulgence que les délits ultérieures, loin de pardonner les infractions commises en la ma-
d’atteinte aux biens par voie de destruction et certaines fraudes tière, excluent systématiquement de leur champ d’application les
électorales. En ce qui concerne l’enrichissement personnel, il a faits liés à un financement politique occulte.
été jugé que la somme réglée par une SARL en paiement d’une
fausse facture émise par une société fictive a servi au finance- 357. L’article 2-4o de la loi du 3 août 1995 prononce l’amnistie
ment d’un parti politique, mais également qu’une partie de cette des délits en relation avec des élections de toute nature en ex-
somme a été rétrocédée à titre de remerciement au prévenu qui cluant tous ceux qui sont en relation avec le financement direct
en a fait usage à des fins personnelles. Si le règlement effectué ou indirect des campagnes électorales ou de partis politiques.
pour financer l’activité d’un parti politique a été amnistié par la Cette non-amnistie de 1995 doit être rapprochée des mesures
loi du 20 juillet 1988, l’usage à des fins personnelles est étran- d’exclusion comprises aux articles 25-4o et 25-7o de la loi pré-
ger à cette loi et reste punissable. La condamnation du prévenu citée au sujet des infractions de concussion, d’ingérence et de
pour abus de biens sociaux peut donc être confirmée (CA Rouen corruption. Il est significatif que ces exclusions correspondent
4 déc. 2000, Juris-Data no 2000-139073). presque littéralement aux faits amnistiés expressément en 1990.

353. Politiquement, cette loi de 1988 souffre de deux handicaps 358. La loi du 6 août 2002 est rédigée sur le même mode. Elle
majeurs. Outre qu’elle traumatisme l’opinion publique qui à ten- amnistie les « délits en relation avec des élections de toute na-
dance à considérer, ou plutôt à déconsidérer, les responsables ture, à l’exception de ceux qui sont en relation avec le finance-
politiques au cri de « tous pourris », la rédaction de la loi écarte ment direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis
de l’amnistie le ministre de la Coopération, poursuivi dans l’af- politiques » (L. 6 août 2002, art. 3-5) et exclut de l’amnistie les
faire « Carrefour du développement », affaire dans laquelle il est délits de concussion, de prise illégale d’intérêts et de favoritisme,
inculpé de complicité de détournement de fonds publics, infrac- de corruption et de trafic d’influence, y compris en matière euro-
tion qui constitue un crime et non un délit. On note parallèle- péenne ou internationale (art. 14-4o ).
ment le développement judiciaire de nouvelles affaires mettant
en cause des élus de la majorité parlementaire comme de l’oppo- 359. En a-t-on pour autant terminé avec les affaires politico-fi-
sition (J. DUPUIS et all., Où en est-on des amnisties en matière nancières ? Le réalisme oblige à penser que non, compte tenu
de financement politique ? L’Express, 5 mai 2000). des nombreuses instructions encore en cours et qui impliquent
des élus. Tous les indicateurs montrent que la corruption des dé-
354. Un complément d’indulgence. — C’est dans ce contexte cideurs se développe en Europe (E. JOLY, Est-ce dans ce monde
qu’est votée en décembre 1989, et promulguée le 15 janvier là que nous voulons vivre ?, Les Arènes, 2003). Les élites stig-
1990, la loi no 90-55 relative à la limitation des dépenses électo- matisent les abstentionnistes, sans mesurer que le sentiment
rales et à la clarification du financement des activités politiques. d’impunité est désormais partagé par tous. Prompts à stigma-
La loi déclare : « sauf en cas d’enrichissement personnel de tiser les embarras judiciaires des hommes politiques, les élec-
leurs auteurs, sont amnistiées toutes infractions commises avant teurs n’en tiennent même pas toujours compte au moment de
le 15 juin 1989 en relation avec le financement direct ou indirect glisser dans l’urne leur bulletin (E. BARTH, Des élus épinglés
de campagnes électorales ou de partis et de groupements poli- par la justice, puis réélus sans difficulté, Le Monde 7 avr. 2002).
tiques, à l’exclusion des infractions prévues par les articles 132 à
138 et 175 à 179 du code pénal » (L. no 90.55 du 15 janv. 1990, 360. Il n’est pas question de se situer sur le terrain de la mo-
JO 16 janv. 1990, art. 19). Ce texte fait référence, désormais, au rale ni sur celui de l’échange, mais bien sur celui de l’efficacité
mot « infraction », notion englobant à la fois les contraventions, politique et du droit. La cité avait besoin d’une profonde réforme
les délits et les crimes. Cette fois, le ministre mis en cause est politique et juridique concernant à la fois les partis, mais aus-
pénalement « sauvé ». Le 4 avril 1990, au terme de ses travaux, si l’exercice des mandats publics. Aujourd’hui, elle a besoin de
la commission d’instruction de la Haute Cour de justice, saisie façon quasiment mécanique de la concorde qui doit suivre un
par une résolution portant mise en accusation votée le 10 dé- grand changement (R. DE CASTELNAU, Pour l’amnistie, Stock,
cembre 1987, rend une ordonnance qui constate les effets de 2001, p. 59). Le grand changement que l’on peut espérer est
l’amnistie (http://www.senat.fr). celui qui mènerait vers plus de cohérence. Dès lors que des

Rép. pén. Dalloz - 46 - octobre 2003


AMNISTIE

financements publics sont organisés par la loi et que le code 364. Impunité pour l’avenir. — La loi du 19 décembre 1991 crée
pénal contient les incriminations suffisantes pour poursuivre les un fait justificatif au profit des agents habilités. L’article 67 bis du
infractions commises, il ne reste plus qu’à fournir aux autorités code des douanes assure l’impunité au douanier à deux condi-
de contrôle les moyens d’investigation et d’enquête nécessaires tions. D’une part, il faut qu’il agisse avec l’autorisation et sous le
au respect de la loi. Le pardon par l’amnistie des faits passés contrôle du Procureur de la République, c’est-à-dire d’un magis-
n’est pas l’impunité quasiment garantie pour les malversations à trat poursuivant, d’autre part, il faut que les actes autorisés par le
venir. Procureur n’aient pas déterminé la commission des infractions,
c’est-à-dire qu’ils s’inscrivent dans un trafic réel et préexistant et
ART. 2. – RÉFORME DE LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC
non dans un scénario de pure fiction.
DE STUPÉFIANTS.
365. La provocation à l’infraction par un agent de l’autorité pu-
361. D’ordinaire, les agents des douanes n’interviennent que blique exonère le prévenu qui a accepté de participer à un trafic
pour la recherche des infractions déjà commises ou en train de de haschich dans l’espérance d’un profit personnel de sa respon-
se commettre. Mais le trafic de drogue est un marché clandes- sabilité pénale, lorsqu’elle procède de manœuvres de nature à
tin. Et pour déceler un marché clandestin, il n’y a qu’un seul déterminer les agissements délictueux, portant ainsi atteinte au
moyen : c’est de s’y porter comme opérateur. La lutte contre le principe de la loyauté des preuves (Cass. crim. 5 mai 1999,
trafic des stupéfiants suppose des moyens efficaces permettant no 97-83.117). La provocation douanière n’entraîne pas la nulli-
aux douaniers de passer de la surveillance passive à l’infiltration té de la procédure si elle permet la constatation d’un trafic, ainsi
active afin de dépister les organisations et les criminels avant que d’y mettre fin. Tel est le cas d’un prévenu à l’encontre du-
l’action, afin de démanteler les réseaux du trafic de drogue et de quel l’information a établi qu’il se livrait habituellement au trafic
les désorganiser durablement. Or, détenir, transporter ou vendre de stupéfiants avant son interpellation, lors de la remise de stu-
des stupéfiants est interdit par la loi. Les agents des forces de péfiants à un agent des douanes qui avait infiltré le réseau (CA
l’ordre peuvent donc être condamnés pour avoir participé à un Besançon, 7 juill. 1992, Juris-Data no 1992-044887).
trafic de stupéfiant, fût-ce en service commandé dans le cadre
de leur mission. 366. Amnistie pour le passé. — L’introduction dans notre lé-
gislation des procédés de la livraison surveillée et de la livrai-
362. La Convention de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants son contrôlée s’est accompagné d’une amnistie au bénéfice des
et de substances psychotropes (Vienne, 20 déc. 1988, mise en agents qui, avant l’entrée en vigueur de la loi de 1991, avaient
application le 11 nov. 1990) préconisait le procédé de la « li- accompli les actes désormais justifiés, mais avant qu’un cadre
vraison surveillée », méthode consistant à infiltrer les réseaux textuel vienne encadrer ces pratiques. Sont amnistiés les délits
de trafiquants et à permettre le passage sur le territoire d’un ou mentionnés aux articles L. 626, L. 627, premier à troisième ali-
plusieurs pays de substances illicites, ceci en vue d’identifier les néas, et L. 627-2 du code de la santé publique et les infractions
personnes impliquées dans la commission des infractions à la douanières d’importation, d’exportation ou de détention de sub-
législation en vigueur. stances ou plantes classées comme stupéfiants lorsqu’ils ont été
commis avant le 19 novembre 1991 par des officiers ou agents
363. C’est pourquoi la loi du 19 décembre 1991 a introduit dans de police judiciaires ou par des agents des douanes agissant
l’article 67 bis de notre code des douanes cette possibilité pour aux seules fins de constater et de rechercher les infractions à la
des agents habilités de procéder à la surveillance de l’achemi- législation sur les stupéfiants (L. no 91-1264 du 19 déc. 1991 re-
nement de substances ou plantes classées comme stupéfiants lative au renforcement de la lutte contre le trafic des stupéfiants,
(L. no 91-1264 du 19 déc. 1991, JO 20 déc. 1991, relative au art. 3).
renforcement de la lutte contre le trafic des stupéfiants, créant un
art. 67 bis C. douanes). Ces agents ne sont pas pénalement res- 367. L’amnistie édictée par l’article 3 de la loi du 19 décembre
ponsables lorsque, aux mêmes fins, avec l’autorisation du pro- 1991, tendant au renforcement de la lutte contre le trafic de stu-
cureur de la République et sous son contrôle, ils acquièrent, dé- péfiants, constitue une mesure réservée aux officiers et agents
tiennent, transportent ou livrent ces substances ou plantes ou de police judiciaire ainsi qu’aux agents des douanes ayant agi
mettent à la disposition des personnes les détenant ou se livrant « aux seules fins de constater et de rechercher les infractions à la
aux infractions douanières des moyens de caractère juridique, législation sur les stupéfiants » et ne saurait donc s’appliquer aux
ainsi que des moyens de transport, de dépôt et de communica- trafiquants eux-mêmes (Cass. crim. 22 juin 1994, no 92-85.123,
tion. 92-85.124, 92-85.637).

CHAPITRE 4
Amnistie « présidentielle » du 6 août 2002.

368. Rythme. — Il faut, avant tout, rappeler que, pour le Conseil de M. Valéry Giscard d’Estaing (19 mai 1974), la loi no 81-736
constitutionnel, la notion de « tradition républicaine » n’a aucune du 4 août 1981 a suivi l’élection de François Mitterrand (10 mai
valeur constitutionnelle et ne peut être incorporée dans un prin- 1981) et la loi no 88-828 du 20 juillet 1988 sa réélection (8 mai
cipe fondamental reconnu par les lois de la République (B. MA- 1988), enfin, la loi no 95-884 du 3 août 1995 a suivi l’élection de
THIEU, Fragments d’un droit constitutionnel de l’amnistie, Pe- M. Jacques Chirac (7 mai 1995) et la loi no 2002-1062 du 6 août
tites affiches 23 mars 1990, p. 7). Pourtant, tout observateur 2002 sa réélection (5 mai 2002).
reste frappé de la régularité métronomique des lois d’amnistie
présidentielles. Aucune élection n’a, pour l’heure, dérogé à la 369. Structure. — Depuis 1959, les lois d’amnistie adoptent une
règle (V. supra, no 15, critique). La loi no 59-940 du 31 juillet même structure divisée en six chapitres. Les trois premiers dé-
1959 a suivi l’élection du Général de Gaulle (21 déc. 1958), la finissent le champ d’application de la loi, les infractions, les per-
loi no 66-409 du 18 juin 1966 sa réélection (19 déc. 1965), la loi sonnes et les sanctions amnistiées. Les deux suivants précisent
no 69-700 du 30 juin 1969 a suivi l’élection de Georges Pompidou les règles relatives aux effets de l’amnistie et les exclusions de
(15 juin 1969), la loi no 74-643 du 16 juillet 1974 a suivi l’élection l’indulgence. Le dernier est spécifique à l’application de l’am-

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AMNISTIE

nistie outre-mer. Autrement dit, chaque loi décrit ce qu’elle par- exclusions prévues par l’article 14 de la loi. Sont ainsi amnistiées
donne, qui elle pardonne, comment elle entend le faire, ce qu’elle les contraventions de police et les contraventions de grande voi-
refuse de pardonner et jusqu’où. rie (1o de l’article 2). L’amnistie de droit des contraventions est
toutefois limitée du fait de l’exclusion, par l’article 14 de la loi, de
370. Travaux parlementaires. — Le projet de loi portant amnis- nombreuses contraventions (les contraventions de la cinquième
tie, no 19, a été déposé le 3 juillet 2002 à l’Assemblée nationale classe commises en état de récidive légale, la plupart des contra-
en première lecture (urgence déclarée). L’examen en commis- ventions du code de la route, certaines contraventions à la régle-
sion (commission des lois, rapporteur M. Michel Hunault) s’est mentation des transports routiers, des contraventions d’atteintes
déroulé les 4 et 9 juillet 2002 (Rapport de M. Hunault, no 23). involontaires à l’intégrité de la personne commises à l’occasion
La discussion en séance publique s’est déroulée en 3 séances de la conduite d’un véhicule ou par un employeur par manque-
les 9 et 10 juillet 2002 (compte rendu intégral) et le projet de ment aux obligations en matière de santé et de sécurité des tra-
loi a été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le vailleurs, certaines contraventions en matière d’environnement,
10 juillet 2002 (Projet de loi, Doc. AN 2001-2002, no 355). Au Sé- les contraventions ayant fait l’objet de la procédure d’opposition
nat, après rapport de M. Lucien Lanier, au nom de la commission au transfert de carte grise).
des lois (no 358), la discussion eut lieu les 23 et 24 juillet 2002
et l’adoption après modification le 24 juillet 2002. Suite à une 375. La loi porte également amnistie de certaines catégories de
commission mixte paritaire (Rapport Commission mixte paritaire délits, en raison de la nature du contentieux concerné ou de la
de MM. Michel Hunault et Lucien Lanier, Doc. AN no 160, Doc. peine encourue. Ces catégories sont identiques à celles prévues
Sénat, no 382), le projet est revenu en discussion en séance pu- dans la loi du 3 août 1995. Il s’agit :... des délits punis unique-
blique à l’Assemblée nationale le 3 août 2002 pour y être adopté ment d’une peine d’amende, à l’exclusion de toute autre peine
dans les mêmes termes à l’Assemblée et au Sénat. (2o de l’article 2) ; dès lors qu’une ou plusieurs peines complé-
mentaires sont encourues, le délit n’est donc pas amnistié sur ce
371. Circulaires. — Outre le ministère de la Justice qui a élaboré fondement ;... des délits de presse (3o de l’article 2), à l’exception
une importante circulaire d’application de la loi du 6 août 2002 des délits de presse exclus de l’amnistie par l’article 14 : délits
(Circ. du 6 août 2002 relative à l’application de la L. no 2002- d’apologie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et
1062 du 6 août 2002 portant amnistie, JO no 186 du 10 août des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi, d’apologie ou
2002, p. 13715), plusieurs ministères ont tiré les conséquences de provocation aux actes de terrorisme, de provocation à la dis-
de la loi d’amnistie du 6 août 2002... le ministère de l’Écolo- crimination, à la violence ou à la haine raciale, de révisionnisme,
gie et du Développement, dans le domaine de l’environnement de diffamations et d’injures racistes (18o de l’article 14) ; délits
(Circ. DGAFAI/DMASD/BPSD du 9 oct. 2002, BO Environ- de diffamations et injures envers les autorités publiques (27o de
nement no 02-10)... le ministère de la Santé, dans la fonction l’article 14).
publique hospitalière (Circ. DHOS/P 1 no 2002-543 du 24 oct.
2002, BOS no 02-47 du 18 au 24 nov. 2002)... le ministère du 376. Sont enfin amnistiées certaines infractions au code de jus-
Travail, dans le domaine des sanctions disciplinaires et profes- tice militaire et au code du service national ; la condition de régu-
sionnelles (Circ. DRT no 2002-17 du 16 sept. 2002, Bulletin Of- larisation prévue en 1995 pour certains de ces délits n’est main-
ficiel du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle tenue, du fait de la suspension du service national, qu’en ce qui
no 2002/20 du 5 nov. 2002). concerne les délits de désertion commis par un militaire de car-
rière ou servant en vertu d’un contrat, pour lesquels il est exigé
372. Les trois premières sections de la loi du 6 août 2002 ont été que l’auteur des faits se présente volontairement devant l’auto-
traitées à titre principal dans le corps des développements, c’est rité militaire compétente avant le 31 décembre 2002 (4o de l’ar-
pourquoi notre attention portera principalement sur les points ticle 2).
saillants à noter.
ART. 2. – AMNISTIE EN RAISON DES CIRCONSTANCES DE LA
COMMISSION DE L’INFRACTION (ART. 3).
SECTION 1re
Amnistie de droit (L. 6 août 2002, art. 1 à 8). 377. L’article 3 prévoit, comme il est de tradition, l’amnistie des
délits commis dans des circonstances particulières qui justifient
373. Le chapitre 1er sur l’amnistie de droit est introduit par un ar- une mesure d’apaisement contribuant à la cohésion nationale,
ticle 1er, qui fixe tout d’abord la date d’effet de l’amnistie : celle-ci sauf s’il s’agit des délits les plus graves, punis d’une peine de
s’applique aux faits commis antérieurement au 17 mai 2002, date dix ans d’emprisonnement.
du début du mandat du président de la République. Cette date
d’effet est, bien évidemment, identique pour l’amnistie par me- 378. Sont ainsi amnistiés :... les délits commis, y compris au
sure individuelle et pour l’amnistie portant sur les sanctions dis- cours de manifestations sur la voie publique ou dans les lieux
ciplinaires ou professionnelles. L’article 1er rappelle, par ailleurs, publics, à l’occasion de conflits du travail ou à l’occasion d’acti-
la distinction entre l’amnistie par nature et l’amnistie au quantum vités syndicales et revendicatives de salariés, d’agents publics
, ainsi que l’existence d’exclusions de l’amnistie, en renvoyant à ou de membres de professions libérales (1o de l’article 3) ;... les
l’article 14 de la loi qui en fixe la liste. Cet article précise enfin que délits commis à l’occasion de conflits relatifs aux problèmes de
l’amnistie bénéficie aux personnes physiques et aux personnes l’enseignement ou des délits relatifs à la reproduction d’œuvres
morales. (Pour une analyse détaillée V. supra, no 28) ou à l’usage de logiciels à des fins pédagogiques et sans but lu-
cratif (3o de l’article 3) ;... les délits en relation avec des conflits
de caractère industriel, agricole, rural, artisanal ou commercial, y
ART. 1er. – AMNISTIE EN RAISON DE LA NATURE DE compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans
L’INFRACTION OU DES CIRCONSTANCES DE SA COMMISSION des lieux publics (4o de l’article 3) ;... les délits commis en re-
(L. 6 AOÛT 2002, ART. 2, 3 ET 4) lation avec des élections de toute nature, à l’exception de ceux
en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes
374. La liste des infractions exclues en raison de leur nature est électorales ou de partis politiques (5o de l’article 3) ;... les délits
identique à celle qui figurait dans la loi de 1995, mais il convient en relation avec la défense des droits et intérêts des Français
de tenir compte, pour certaines de ces infractions, de certaines rapatriés d’outre-mer (6o de l’article 3).

Rép. pén. Dalloz - 48 - octobre 2003


AMNISTIE

379. L’amnistie prévue par l’article 3 n’intervient, toutefois, que d’amnistie de 1995, qui prévoyait la condition d’avoir exécuté le
sous réserve des exclusions prévues par l’article 14, et notam- TIG uniquement, comme en matière de sursis mise à l’épreuve,
ment de l’exclusion des violences contre les personnes déposi- lorsque le quantum était de plus de trois mois.
taires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de ser-
vice public et des dégradations, destructions ou détériorations 385. L’amnistie des peines de travail d’intérêt général pronon-
aggravées (27o et 34o de l’article 14). cées comme peine alternative demeure, comme en 1995, su-
bordonnée à l’accomplissement du travail, alors qu’un sursis-TIG
380. Le 2o de l’article 3, qui résulte d’un amendement parlemen- constitue en pratique une peine plus sévère qu’un TIG-peine al-
taire, prévoit également l’amnistie des délits d’exercice illégal de ternative. Il est, par conséquent, primordial que le casier judi-
la médecine commis à l’occasion de la pratique d’une activité ciaire soit informé sans délai de chaque accomplissement d’un
d’ostéopathie ou de chiropraxie par des professionnels qui rem- travail d’intérêt général, que celui-ci ait été prononcé comme mo-
plissent les conditions d’exercice prévues par la loi no 2002-303 dalité d’un sursis ou à titre principal. Bien évidemment, comme
du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité le précise le 1o de l’article 6, en cas de non-exécution du TIG en-
du système de santé. Le Parlement a, en effet, considéré que traînant la révocation du sursis, la peine ferme qui résultera de
la consécration de cette profession par la loi du 4 mars 2002 la révocation ne pourra être amnistiée au quantum, même si elle
justifiait l’amnistie des personnes ayant été condamnées par le est inférieure ou égale à trois mois : si cette exception à l’am-
passé pour exercice illégal de la médecine, alors même qu’elles nistie au quantum des peines fermes n’avait pas été instituée,
remplissaient à l’époque les conditions de diplôme exigées par la condition d’exécution du TIG pour les sursis-TIG inférieurs ou
les nouveaux textes, ce que les intéressés devront donc justifier égaux à trois mois aurait été vidée de son sens. Le 6o de l’ar-
auprès du procureur de la République s’ils demandent à bénéfi- ticle 6 prévoit que les peines mixtes sont amnistiées lorsque la
cier de l’amnistie. partie ferme est inférieure ou égale à trois mois et que la totalité
de la peine est inférieure ou égale à six mois, sous les mêmes
ART. 3. – CONDAMNATION POUR INFRACTIONS MULTIPLES (ART. 4). réserves que celles prévues au 4o pour les sursis avec mise à
l’épreuve.
381. L’article 4, dont une disposition similaire se trouvait dans
la loi de 1995, précise les conditions de l’amnistie en cas de 386. Sont amnistiés par les 7o , 8o et 9o de l’article 6 les dé-
condamnation pour des infractions multiples dont l’une est am- lits ayant fait l’objet d’une des peines suivantes, prononcées à la
nistiable de plein droit au titre des articles 2 ou 3. Dans ce cas, place de la peine principale d’emprisonnement (voire, dans cer-
le condamné est amnistié si cette infraction est légalement punie tains cas, d’amende) :... peine de travail d’intérêt général pronon-
de la peine la plus forte ou d’une peine égale aux autres infrac- cée à titre de peine principale, sous réserve, comme en 1995,
tions (sauf si l’une de ces infractions est exclue de l’amnistie en qu’elle ait été exécutée dans sa totalité ;... peines alternatives de
application des dispositions de l’article 14). l’article 131-6 du code pénal, à l’exception, ce qui constitue une
évolution par rapport à la loi d’amnistie de 1995, des peines d’in-
terdiction de détention ou de port d’arme, de confiscation d’une
ART. 4. – AMNISTIE EN RAISON DU QUANTUM OU DE LA NATURE
arme et d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou
DE LA PEINE (L. 6 AOÛT 2002, ART. 5).
sociale prévues aux 6o , 7o et 11o de cet article ;... ces trois ex-
382. (V. supra, no 39) Comme en 1995, sont amnistiés par l’ar- ceptions sont prévues par cohérence avec l’exclusion des infrac-
ticle 5 les délits qui ont été ou seront punis de peines d’amende tions à la législation sur les armes (41o de l’article 14) et avec
ou de jours-amende. l’absence d’effet de l’amnistie sur ces peines lorsqu’elles ont été
prononcées à titre de peines complémentaires (art. 16) ;... peines
383. Toutefois, ainsi que le prévoyait également la loi de 1995, complémentaires prononcées à titre de peine principale, sauf
si l’amende est supérieure à 750 €, l’amnistie n’est acquise - ce qui constitue une différence par rapport à 1995 -lorsqu’il
qu’après le paiement de cette amende ou, en cas de non-paie- s’agit d’une des peines énoncées à l’article 16 de la loi (interdic-
ment, de l’exécution de la contrainte par corps. tion du territoire, interdiction de séjour, interdiction des droits ci-
viques, civils et de famille, interdiction d’exercer une activité pro-
ART. 5. – AMNISTIE DES PEINES D’EMPRISONNEMENT fessionnelle ou sociale, mesures de démolition, dissolution de
OU DES PEINES PRONONCÉES À LA PLACE D’UNE PEINE la personne morale ou exclusion des marchés publics), peines
D’EMPRISONNEMENT (L. 6 AOÛT 2002, ART. 6). dont l’amnistie, aux termes de cet article, n’entraîne pas la re-
mise.
384. L’article 6 prévoit l’amnistie des délits qui ont été ou seront
punis de certaines peines d’emprisonnement, ou de certaines ART. 6. – AMNISTIE DES CONDAMNATIONS AVEC DISPENSES
peines prononcées à la place de la peine d’emprisonnement. DE PEINES OU PRONONCÉES CONTRE DES MINEURS
Il s’agit tout d’abord, comme en 1995, des délits punis d’une (L. 6 AOÛT 2002, ART. 7).
peine d’emprisonnement ferme ou assortie du sursis avec mise à
l’épreuve d’une durée inférieure ou égale à trois mois (1o et 2o de 387. L’article 7 prévoit que sont amnistiées les infractions qui
l’article 6) et des délits punis d’une peine d’emprisonnement as- ont donné ou donneront lieu :... à une dispense de peine en ap-
sortie du sursis simple d’une durée inférieure ou égale à six mois, plication des articles 132-58 et 132-59 du code pénal ;... soit à
au lieu de neuf mois comme en 1995 (3o de l’article 6). En ap- une mesure d’admonestation, soit à la remise du mineur à ses
plication du 4o de l’article 6, les délits punis d’une peine d’empri- parents, à son tuteur ou à la personne qui en avait la garde ou
sonnement assortie du sursis avec mise à l’épreuve d’une durée à une personne digne de confiance, soit à la dispense de toute
supérieure à trois mois et ne dépassant pas six mois sont amnis- mesure, en application de l’ordonnance du 2 février 1945 sur
tiés lorsque la condamnation aura été déclarée non avenue ou l’enfance délinquante.
que le condamné aura accompli le délai d’épreuve sans avoir fait
l’objet d’une décision ordonnant la révocation du sursis. En appli- ART. 7. – CONDITIONS GÉNÉRALES DES AMNISTIES AU
cation du 5o de l’article 6, les condamnations à une peine d’em- QUANTUM (L. 6 AOÛT 2002, ART. 8).
prisonnement avec sursis assorti de l’obligation d’effectuer un
travail d’intérêt général sont amnistiées si elles sont inférieures 388. Le législateur a repris le dispositif procédural prévu par les
ou égales à six mois, l’amnistie n’intervenant qu’après exécution lois d’amnistie depuis 1981 et relatif aux modalités de mise en
du TIG. Ce régime est plus sévère que celui institué par la loi œuvre de l’amnistie au quantum : l’amnistie n’est, en principe,

octobre 2003 - 49 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

acquise qu’après condamnation définitive (et, dans certains cas, (49 cas d’exclusion en 2002 contre 28 en 1995, 22 en 1988, 14
après exécution de la condamnation). Toutefois, hors les cas en 1981, 8 en 1974) limite particulièrement la portée de l’am-
où l’amnistie est subordonnée à l’exécution de la peine, en l’ab- nistie (V. supra, no 15 et s.). Les exclusions de l’amnistie sont
sence de partie civile et de voie de recours déjà exercée, elle est prévues par l’article 14 de la loi, qui comporte 49 paragraphes.
acquise dès le prononcé du jugement rendu par défaut, par ité- Ces exclusions, dont l’ordre de présentation dans l’article 14
ratif défaut ou par jugement contradictoire à signifier, sans qu’il ne correspond pas à une logique particulière, peuvent toutefois
soit besoin de signifier la décision pour la rendre définitive. La être regroupées dans l’une des sept catégories suivantes, selon
personne bénéficiant ainsi de l’amnistie retrouve l’exercice des qu’elles sont fondées sur le caractère habituel des comporte-
voies de recours si une instance en réparation est ultérieurement ments infractionnels (art. 1), qu’elles concernent des infractions
intentée contre elle. Elle peut, par ailleurs, se désister des voies portant atteinte à l’autorité de l’État ou de l’administration (art. 2),
de recours exercées afin de bénéficier immédiatement de l’am- des infractions relevant de la délinquance ou de la criminalité or-
nistie. ganisée ou violente (art. 3), des infractions relevant de la ma-
tière économique ou financière (art. 4), des infractions portant
atteinte à la dignité de la personne, aux droits de la personnalité
SECTION 2 ou à la famille (art. 5), des infractions en matière d’environne-
Amnistie par mesures individuelles (L. 6 août ment (art. 6) et des infractions portant atteinte à l’intégrité de la
personne ou mettant celle-ci en danger (art. 7).
2002, art. 10).

389. L’article 10 de la loi reprend une disposition traditionnelle ART. 1er. – EXCLUSIONS
FONDÉES SUR LE CARACTÈRE HABITUEL
(V. supra, la grâce amnistiante) donnant au président de la Ré- DES COMPORTEMENTS INFRACTIONNELS.
publique la possibilité d’accorder l’amnistie des infractions n’en-
trant pas dans le champ d’application de l’amnistie de droit aux 392. Trois exclusions nouvelles. — qui ne figuraient pas dans la
personnes âgées de moins de 21 ans et à certaines catégories loi de 1995 sont justifiées par l’idée selon laquelle l’amnistie ne
de personnes ayant servi de manière déterminante l’intérêt gé- saurait bénéficier à une personne qui commet des infractions de
néral (anciens combattants, résistants, scientifiques, etc.). Par manière réitérée.
rapport à la loi du 3 août 1995, les personnes qui se sont distin-
guées de manière exceptionnelle dans le domaine sportif ont été 393. À cet égard, l’exclusion la plus marquante est celle, pré-
ajoutées à cette liste. Comme c’était le cas dans les lois précé- vue par le 45o de l’article 14, des délits et contraventions de la
dentes, l’amnistie par mesure individuelle ne peut être accordée cinquième classe commis en état de récidive légale. Il convient
que si la personne n’a pas déjà été condamnée pour un crime ou de préciser que cette exclusion ne joue que si la personne a été
un délit et si l’infraction commise n’est pas exclue de l’amnistie condamnée alors qu’avait été visé l’état de récidive.
par l’article 14 de la loi. Le demande d’amnistie doit être présen-
tée dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi 394. Dans le même esprit, le 35o de l’article 14 exclut de l’am-
ou de la condamnation définitive. nistie le délit de défaut habituel de titre de transport prévu par
l’article 24-1 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins
de fer, qui n’est en effet constitué que si la personne voyage sans
SECTION 3 titre de transport après avoir, dans les douze mois qui précédent,
Amnistie des sanctions disciplinaires ou commis à dix reprises ces mêmes faits.
professionnelles (L. 6 août 2002, art. 11 à 13).
395. Enfin, le 42o de l’article 14 exclut de l’amnistie les contra-
390. Comme en 1995, les articles 11 à 13 prévoient que les ventions de police ayant fait l’objet de la procédure de l’opposi-
faits commis avant le 17 mai 2002, en tant qu’ils constituent des tion au transfert du certificat d’immatriculation prévue à l’article
fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles L. 322-1 du code de la route.
ou qu’ils sont retenus ou susceptibles d’être retenus comme mo-
tifs de sanctions prononcées par un employeur, sont amnistiés
ART. 2. – EXCLUSIONS DES INFRACTIONS PORTANT ATTEINTE
de plein droit, sous les deux réserves traditionnelles. Lorsque
À L’AUTORITÉ DE L’ÉTAT OU DE L’ADMINISTRATION.
ces faits ont également donné lieu à une condamnation pénale,
leur amnistie est subordonnée à l’amnistie de la condamnation 396. Sont exclues de l’amnistie, en application du 1o de l’ar-
(sauf exclusion de l’amnistie par l’article 14). Toutefois, en cas ticle 14, les infractions en matière de terrorisme entrant dans
de condamnation pénale, l’amnistie s’applique également, ce qui le champ d’application de l’article 706-16 du code de procédure
constitue une nouveauté par rapport à la loi de 1995, si est in- pénale, même lorsque les faits sont antérieurs à l’entrée en vi-
tervenue la réhabilitation - légale ou judiciaire - du condamné gueur de la loi no 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la
(V. supra, no 66). Par ailleurs, les fautes constituant des manque-
lutte contre le terrorisme. Sont également reprises les exclu-
ments à la probité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur ne peuvent sions suivantes :... infractions en matière de fraude électorale
être amnistiées que par une mesure individuelle du président de prévues par les articles L. 86 à L. 88, L. 91 à L. 109, L. 111,
la République. La demande d’amnistie peut être présentée par L. 113 et aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 116 du
toute personne intéressée dans un délai d’un an à compter soit code électoral (8o de l’article 14) ;... infractions de séjour irré-
de la promulgation de la loi, soit de la condamnation définitive. gulier ou d’aide à l’entrée ou au séjour irrégulier d’un étranger,
prévues par les articles 19, 21 et 27 de l’ordonnance no 45-2658
SECTION 4 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour
des étrangers en France (14o de l’article 14) ;... délits d’usurpa-
Exclusions de l’amnistie (L. 6 août 2002, art. 14). tion d’identité prévus par l’article 434-23 du code pénal ainsi que,
ce que ne prévoyait pas la loi de 1995, les délits d’usurpation de
391. La multiplicité des exclusions prévues par l’article 14 de la titres prévus par l’article 433-17 du code pénal (20o de l’article
loi du 6 août 2002 dépasse le simple vœu d’écarter de l’amnis- 14). Il convient de préciser que toutes les usurpations de titres
tie les infractions susceptibles de mettre en danger la vie d’au- réprimées par l’article 433-17 du code pénal, y compris celles
trui. L’augmentation contemporaine du nombre des exclusions correspondant à des professions réglementées prévues par des

Rép. pén. Dalloz - 50 - octobre 2003


AMNISTIE

textes spécifiques renvoyant aux peines prévues par cet article, de commerce, ainsi que les articles L. 231-11 du code moné-
sont exclues de l’amnistie ;... délit de discrédit porté sur une dé- taire et financier pour les sociétés civiles faisant appel public à
cision judiciaire prévu par l’article 434-25 du code pénal (28o de l’épargne, L. 328-3 du code des assurances pour les entreprises
l’article 14). d’assurance, 22 de la loi no 83-557 du 1er juillet 1983 portant ré-
forme des Caisses d’épargne et de prévoyance pour les Caisses
397. Afin d’assurer la protection des agents de l’État ou de l’ad- d’épargne, 26 de la loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 por-
ministration, le 27o de l’article 14 exclut enfin de l’amnistie, outre tant statut de la coopération pour les coopératives, L. 313-32 du
les délits d’outrage et de rébellion commis à l’encontre des per- code de la construction et de l’habitation pour les organismes de
sonnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une collecte de la participation des employeurs à l’effort de construc-
mission de service public (et not. les fonctionnaires de police, tion et L. 241-6 du code de la construction et de l’habitation pour
les militaires de la gendarmerie nationale et les magistrats), pré- les sociétés de construction ;... les délits de banqueroute par dé-
vus par les articles 433-5 à 433-8 et 434-24 du code pénal, dé- tournement d’actifs prévus par les articles L. 626-1 à L. 626-5 du
jà exclus en 1995, les délits de violences commis à l’encontre code de commerce et de recel d’actifs détournés prévu par les
de ces mêmes personnes prévus par le 4o des articles 222-8, articles L. 626-10 et L. 626-12 du code de commerce : il résulte
222-10, 222-12 et 222-13 du code pénal (c’est-à-dire contre l’en- de la rédaction de cette disposition que ne sont exclues de l’am-
semble des personnes mentionnées par les 4o de ces articles, nistie que les infractions en matière de banqueroute résultant
y compris, par ex., les jurés) ainsi que les délits de diffamation d’un détournement (détournement ou dissimulation d’actif prévu
et d’injures contre ces personnes prévus par l’article 30 et les par le 2o de l’article L. 626-2 ; détournement ou recel de l’actif
premiers alinéas des articles 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 du débiteur par un parent ou allié prévu par l’article L. 626-10 ;
sur la liberté de la presse (qui protègent not. la réputation des abus des biens du débiteur prévu par l’article L. 626-12 (II) ; les
fonctionnaires, des juridictions, des corps constitués, des admi- autres hypothèses de banqueroute, comme en cas d’utilisation
nistrations publiques, etc.) ; sont de même exclus de l’amnistie de moyens ruineux ou de comptabilité irrégulière, ne sont donc
les violences et les outrages prévus par les articles 25 et 26 de pas exclues de l’amnistie ;... les délits d’abus de confiance simple
la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer. ou aggravé prévus par les articles 314-1 à 314-12 du code pé-
nal ; il convient de considérer que, malgré le renvoi à l’ensemble
ART. 3. – EXCLUSIONS DES INFRACTIONS RELEVANT DE LA des articles du chapitre IV du titre Ier du livre III du code pénal,
DÉLINQUANCE OU DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE OU VIOLENTE.
seuls les délits d’abus de confiance, expressément mentionnés
par la loi et qui sont prévus par les articles 314-1 à 314-3, sont
398. Outre l’exclusion prévue par le 12o de l’article 14 des infrac- exclus de l’amnistie ; par ailleurs, les abus de confiance spéciaux
tions en matière de trafic de stupéfiants prévues par les articles prévus par des textes spécifiques ne sont pas exclus de l’amnis-
222-34 à 222-40 du code pénal, qui étaient déjà exclues par la tie, bien que ces textes renvoient parfois aux peines fixées par
loi de 1995, le législateur a considéré que l’amnistie ne pouvait l’article 314-1.
s’appliquer aux infractions suivantes :... délits de destructions,
dégradations ou détériorations aggravées prévus par les articles 401. Le 7o de l’article 14 reprend les dispositions de la loi de 1995
322-2, 322-3 et 322-6 du code pénal et délits prévus par l’ar- excluant de l’amnistie les contrefaçons et autres infractions en
ticle 21 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de matière d’atteinte aux droits de la propriété intellectuelle prévues
fer et par l’article 73 du décret no 42-730 du 22 mars 1942 por- par les articles L. 335-2 à L. 335-5, L. 521-4, L. 521-6, L. 615-12
tant règlement d’administration publique sur la police, la sûreté et à L. 615-16, L. 623-32, L. 623-34, L. 623-35, L. 716-9 à L. 716-11
l’exploitation des voies ferrées d’intérêt général et d’intérêt local et L. 716-12 du code de la propriété intellectuelle.
(34o de l’article 14) ;... délits d’association de malfaiteurs prévus
par l’article 450-1 du code pénal (36 de l’article 14) ;... délits de 402. Comme en 1995, sont de même exclues de l’amnis-
blanchiment prévus par les articles 324-1 à 324-6 du code pé- tie :... les infractions à la législation et à la réglementation en
nal (37o de l’article 14) ;... délits de proxénétisme prévus par les matières douanière, fiscale et de relations financières avec
articles 225-5 à 225-11 du code pénal (38o de l’article 14) ;... in- l’étranger (13o de l’article 14). L’article 25-12 de la loi du 3 août
fractions en matière de fausse monnaie prévues par les articles 1995 excluait du bénéfice de l’amnistie des infractions légis-
442-1 à 442-8 du code pénal (40o de l’article 14) ;... infractions lation et à la réglementation en matière douanière et fiscale.
prévues par le décret du 18 avril 1939 fixant le régime des maté- Cette infraction s’applique notamment aux infractions relatives
riels de guerre, armes et munitions (41o de l’article 14) ;... délits aux activités viticoles qui, selon l’article 1er de l’ordonnance
de vols avec violence prévus par le 4o de l’article 311-4 et les du 7 janvier 1959, sont poursuivies comme en matière de
articles 311-5 et 311-6 du code pénal (49o de l’article 14). contributions indirectes (Cass. crim. 20 septembre 2000,
no 99-83.348) ;... les délits en matière de liberté des prix et
de la concurrence prévues par les articles L. 420-6, L. 441-3
ART. 4. – EXCLUSIONS DES INFRACTIONS RELEVANT DE LA et L. 441-4 du code de commerce (24o de l’article 14) ;... les
MATIÈRE ÉCONOMIQUE OU FINANCIÈRE. délits en matière de bourse - et notamment le délit d’initié - par
les articles L. 465-1 et L. 465-2 du code monétaire et financier
399. Le 4o de l’article 14 exclut de l’amnistie les délits de concus- (25o de l’article 14).
sion, de prise illégale d’intérêts et de favoritisme, ainsi que de
corruption et de trafic d’influence, y compris, ce qui constitue
une innovation justifiée par la loi no 2000-595 du 30 juin 2000, ART. 5. – EXCLUSIONS DES INFRACTIONS PORTANT
en matière européenne ou internationale, prévus par les articles ATTEINTE À LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE, AU DROIT DE
432-10 à 432-14, 433-1, 433-2, 433-3, 434-9, 435-1 à 435-4 et LA PERSONNALITÉ OU À LA FAMILLE.
441-8 du code pénal. Cet article exclut également, ce que ne
prévoyait pas la loi de 1995, les délits de faux prévus par les ar- 403. Comme en 1995, sont exclus de l’amnistie :... les délits de
ticles 441-1 à 441-4, 441-9 et 441-12 du code pénal. discrimination prévus par les articles 225-1 à 225-3 et 432-7 du
code pénal et L. 123-1, L. 412-2 et L. 413-2 du code du travail
400. Le 5o de l’article 14, dont il n’existait pas d’équivalent dans (2o de l’article 14) ;... les délits d’apologie des crimes de guerre,
la loi de 1995, exclut de l’amnistie les délits suivants :... les dé- des crimes contre l’humanité et des crimes et délits de collabora-
lits d’abus de biens sociaux prévus par les articles L. 241-3, tion avec l’ennemi prévus par le cinquième alinéa de l’article 24
L. 242-6, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1 et L. 247-8 du code de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ainsi que les

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AMNISTIE

délits de négationnisme et d’injures et de diffamations raciales par le décret no 90-267 du 23 mars 1990, en matière d’orga-
prévus par le sixième alinéa et par le huitième alinéa du même nismes génétiquement modifiés prévues par le décret no 93-773
article, par l’article 24 bis, par le deuxième alinéa de l’article 32 et du 27 mars 1993 et en matière de bruit (concernant not. les dis-
par le troisième alinéa de l’article 33 de ladite loi (18o de l’article cothèques) prévues par les décrets no 95-79 du 23 janvier 1995
14) ;... les délits de violation de sépulture prévus par les articles et no 98-1143 du 15 décembre 1998.
225-17 et 225-18 du code pénal, ainsi que les infractions consti-
tuées par la dégradation de monuments élevés à la mémoire des 410. En matière de protection et de réglementation des animaux,
combattants, fusillés, déportés et victimes de guerre (19o de l’ar- sont exclus par le 48o de l’article 14 les sévices graves ou acte
ticle 14). de cruauté envers un animal prévus à l’article 521-1 du code
pénal, et par le 47o de l’article 14 les infractions de détention,
404. Sont, de plus, exclus par le 31o de l’article 14 les délits d’absence de déclaration ou de commerce de certains chiens
constitués par une atteinte aux droits des personnes résultant et de dressage de chiens en dehors du cadre défini par la loi
de la constitution de fichiers ou de l’utilisation de traitements in- prévues par les articles L. 215-1 à L. 215-5 du code rural, ainsi
formatiques, prévus par les articles 226-16 à 226-23 du code que par l’article 8 du décret no 99-1164 du 29 décembre 1999.
pénal.
ART. 7. – EXCLUSIONS DES INFRACTIONS PORTANT ATTEINTE À
405. Sont de même exclues les infractions suivantes, qui n’exis-
L’INTÉGRITÉ DE LA PERSONNE OU METTANT CELLE-CI EN DANGER.
taient pas en 1995 ou dont les contours ont été étendus depuis
cette date :... délits de harcèlement sexuel et de harcèlement
moral prévus par les articles 222-33 et 222-33-2 du code pénal § 1er. – Infractions de nature sexuelle ou commises contre
(11o de l’article 14) ;... délits d’abus frauduleux de l’état d’igno- des mineurs ou des personnes vulnérables.
rance ou de faiblesse prévus par l’article 223-15-2 du code pénal
411. Sont tout d’abord exclues de l’amnistie par le 3o de l’ar-
et par l’article 313-4 dans sa rédaction applicable avant la loi du
ticle 14 les atteintes volontaires à l’intégrité physique ou psy-
12 juin 2001 sur les mouvements sectaires, qui a élargi cette
chique d’un mineur de quinze ans - ce qui était déjà le cas en
incrimination pour renforcer l’efficacité de la lutte contre de tels
1995 - ou d’une personne particulièrement vulnérable - ce qui
mouvements (30o de l’article 14) ;... délits de recours à la pros-
constitue une innovation - prévues par les 1o et 2o des articles
titution d’un mineur prévus par les articles 225-12-1 et 225-12-2
222-8, 222-10, 222-12, 222-13 et par les articles 222-14 et 222-
du code pénal, créés par la loi du 4 mars 2002 sur l’autorité pa-
15 du code pénal.
rentale (33o de l’article 14).
412. Sont également exclues par le 29o de l’article 14 les infrac-
406. Enfin, à l’exclusion, déjà prévue en 1995, des délits d’aban-
tions de nature sexuelle ou commises contre des mineurs men-
don de famille prévus par les articles 227-3 et 227-4 du code
tionnées à l’article 706-47 du code de procédure pénale, à sa-
pénal (6o de l’article 14), a été ajoutée l’exclusion des délits de
voir (s’agissant des délits qui auraient été les seuls susceptibles
soustraction d’enfant aggravés par le fait que l’enfant a été rete-
d’être amnistiés au quantum), les agressions sexuelles, l’exhi-
nu au-delà de cinq jours ou hors du territoire de la République,
bition sexuelle, la corruption de mineur, la diffusion de l’image
prévus par l’article 227-9 du code pénal (39o de l’article 14).
pornographique d’un mineur, la diffusion de messages porno-
graphiques ou violents pouvant être perçus par un mineur et les
ART. 6. – EXCLUSIONS DES INFRACTIONS RELEVANT DU atteintes sexuelles sur mineurs prévues par les articles 222-27
DROIT DE L’ENVIRONNEMENT AINSI QUE DE LA PROTECTION à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal.
OU DE LA RÉGLEMENTATION DES ANIMAUX.
413. Ces exclusions sont justifiées par la nécessité de main-
407. Comme en 1995, sont exclus de l’amnistie les délits en tenir dans le casier judiciaire des personnes condamnées pour
matière de patrimoine prévus par la loi du 31 décembre 1913 sur de tels faits les mentions relatives à leur condamnation, dont la
les monuments historiques ou définis par les articles L. 313-1 connaissance par les administrations habilitées peut être de na-
à L. 313-3 du code de l’urbanisme et réprimés par les articles ture à limiter les risques de récidive.
L. 313-11 et L. 480-4 de ce code (22o de l’article 14).
414. Non-exclusion des violences conjugales. — Tout observa-
408. Le 23o de l’article 14 exclut, par ailleurs, l’ensemble des dé- teur constatera avec stupeur que nulle mention n’est faite, no-
lits prévus par le code de l’environnement ainsi que par les dispo- tamment, des 3o et 6o de l’article 222-12 du code pénal (les vio-
sitions législatives applicables avant l’entrée en vigueur de l’or- lences sur ascendants et à l’encontre du conjoint ou concubin)
donnance no 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie dans l’article 14 de la loi du 6 août 2002. Les violences conju-
Législative du code de l’environnement et qui ont été reprises gales ne sont donc pas expressément exclues du camp de l’am-
dans ce code à compter de cette date, ainsi que les contraven- nistie. (Question écrite no 06265 du 13 mars 2003, p. 832 avec
tions de la cinquième classe prévues par les textes pris en ap- réponse posée par Bernard Angels [groupe socialiste], rép. min.
plication du livre V du code de l’environnement. Cette exclusion Justice, JO Sénat 1er mai 2003, p. 1489). Probable oubli du
est plus large que celle de 1995, qui ne concernait que certains législateur, cette omission n’est pas fondamentalement grave,
des délits qui ont, depuis, été intégrés dans le code de l’environ- compte tenu des seuils d’amnistie au quantum, mais elle dé-
nement. montre, si besoins était qu’en matière de rédaction législative
aussi, le mieux est parfois l’ennemi du bien.
409. Sont notamment exclus de l’amnistie, ce qui n’était pas le
cas en 1995, les délits en matière de chasse désormais réprimés § 2. – Infractions en matière de circulation routière.
par les articles L. 428-1 à L. 428-6 du code de l’environnement,
et qui ne visaient pas les contraventions. La partie réglemen- 415. La lutte contre l’insécurité routière, qui constitue une des
taire du code de l’environnement n’ayant pas encore été codi- principales priorités du gouvernement, a conduit à prévoir en ma-
fiée, les contraventions de la cinquième classe exclues de l’am- tière de circulation routière des exceptions à l’amnistie beaucoup
nistie sont notamment les contraventions en matière d’installa- plus nombreuses que par le passé (V. supra, no 30).
tions classées prévues par le décret no 77-1133 du 21 septembre
1977, en matière de produits chimiques (PCB) prévues par le dé- 416. Comme en 1995, sont exclues de l’amnistie, par le 9o de
cret no 87-59 du 2 février 1987, en matière de déchets prévues l’article 14, les infractions d’atteintes involontaires à la vie ou à

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AMNISTIE

l’intégrité de la personne et de risques causés à autrui prévues § 3. – Infractions en matière de sécurité dans le travail.
par les articles 221-6, 222-19, 222-20, 223-1, lorsqu’elles sont
commises à l’occasion de la conduite d’un véhicule ; sont éga- 424. Comme en 1995, le 32o de l’article 14 exclut, lorsqu’elles
lement exclues les contraventions d’atteinte involontaire à l’inté- sont commises par un employeur ou son représentant en raison
grité de la personne prévues par les articles R. 625-2 et R. 625-3 de manquements aux obligations qui lui incombent en applica-
du code pénal commises à l’occasion de la conduite d’un véhi- tion des dispositions de la législation et de la réglementation du
cule, ce qui n’était pas le cas en 1995. travail en matière de santé et de sécurité des travailleurs, les
infractions d’atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité de la
417. S’agissant des infractions prévues par le code de la route, le personne et de risques causées à autrui prévues par les articles
10o de l’article 14 exclut, comme en 1995, l’ensemble des délits 221-6, 222-19, 222-20, 223-1 du code pénal.
de ce code, y compris le délit de fuite.
425. Toutefois, ont été ajoutés par rapport à la loi de 1995, d’une
418. Mais sont également exclues toutes les contraventions des part, les contraventions d’atteintes involontaires à l’intégrité de la
cinquième, quatrième et troisième classes prévues par ce code, personne prévues par les articles R. 625-2 et R. 625-3 du code
ainsi que les contraventions de la deuxième classe du code de pénal lorsqu’elles résultent d’un accident du travail, et d’autre
la route relatives à la conduite ou à l’équipement des véhicules. part, le délit de non-respect de la réglementation applicable en
Il s’ensuit que toutes les contraventions donnant lieu à un retrait matière d’hygiène et de sécurité, prévu par l’article L. 263-2 du
de points du permis de conduire sont exclues de l’amnistie. code du travail, ce qui constitue une innovation particulièrement
importante pour assurer la protection des travailleurs, puisque
419. En matière d’arrêt ou de stationnement gênants, sont éga- cette infraction est constituée même en l’absence d’accident du
lement exclues les contraventions de la deuxième classe pré- travail.
vues par les 1o à 4o et 6o à 9o du II et 2o du III de l’article R. 417-10
du code de la route. 426. Le 15o de l’article 14 reprend, par ailleurs, l’exclusion des
délits relatifs au marchandage, au travail dissimulé, à l’introduc-
420. Ces contraventions correspondent aux arrêts ou station- tion ou à l’emploi de main-d’œuvre étrangère et à l’obstacle à
nements gênants :... sur les trottoirs et les passages ou accote- l’accomplissement des devoirs d’un inspecteur ou d’un contrô-
ments réservés à la circulation des piétons ;... sur les emplace- leur du travail prévus par les articles L. 125-1, L. 125-3, L. 152-3,
ments réservés aux véhicules de transport public de voyageurs, L. 324-9, L. 362-3, L. 364-1 à L. 364-6, L. 631-1 et L. 631-2 du
aux taxis ou aux véhicules affectés à un service public ;... entre code du travail.
le bord de la chaussée et une ligne continue ;... masquant les
signaux lumineux de circulation ou les panneaux de signalisa- 427. Sont enfin exclues par le 16o de l’article 14 les infrac-
tion ;... sur les ponts, dans les passages souterrains, les tunnels tions d’atteinte à l’exercice du droit syndical, à la législation et
et sous les passages supérieurs ;... près des bouches d’incendie à la réglementation en matière d’institutions représentatives du
et des accès à des installations souterraines ;... sur les emplace- personnel dans les entreprises et à la législation et à la régle-
ments réservés aux personnes handicapées ;... en double file. mentation en matière de comités d’hygiène, de sécurité et des
conditions de travail, prévues par les articles L. 481-2, L. 482-1,
421. Sont donc amnistiés par nature les arrêts ou stationne- L. 483-1 et L. 263-2-2 du code du travail, mais uniquement si ces
ments gênants empêchant l’accès ou le dégagement d’un véhi- infractions ont été ou seront punies d’une peine d’emprisonne-
cule, sur une voie publique désignée par arrêté, devant l’entrée ment supérieure à un an.
carrossable d’un immeuble, devant une borne de recharge élec-
trique et sur un emplacement réservé aux livraisons (V. supra, § 4. – Infractions en matière de santé publique.
no 31).
428. Comme en 1995, le 26o de l’article 14 exclut de l’amnis-
422. Sont de même exclus les délits en matière de transport de tie les délits d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse
produits dangereux prévus par la loi no 75-1335 du 31 décembre et d’interruption illégale de la grossesse prévus par les articles
1975 relative à la répression des infractions en matière de trans- L. 2222-2, L. 2222-4 et L. 2223-2 du code de la santé publique
ports publics et privés. ainsi que les articles 223-10 à 223-12 du code pénal.
423. Enfin, le 17o de l’article 14 exclut de nombreuses infrac- 429. Le 21o de l’article 14 reprend enfin, sous une forme lé-
tions en matière de transport routier, dont certaines étaient déjà gèrement étendue par rapport à 1995, l’exclusion des infrac-
exclues en 1995 (il s’agit des infractions aux règlements CEE tions d’exercice illégal de certaines professions de santé (mé-
no 3820/85 du Conseil du 20 déc. 1985 relatifs à l’harmonisation decin, chirurgien-dentiste, pharmacien, infirmier, pédicure-podo-
de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des logue, masseur-kinésithérapeute, ergothérapeute, psychomotri-
transports par route et no 3821/85 du Conseil du 20 déc. 1985 cien, manipulateur d’électro-radiologie médicale) - ce qui était
concernant l’appareil de contrôle dans le domaine des transports déjà prévu en 1995 - ou l’usurpation de titre concernant ces pro-
par route, au décret no 86-1130 du 17 oct. 1986 et à l’ordon- fessions - ce qui constitue une nouveauté - prévues aux articles
nance no 58-1310 du 23 déc. 1958 concernant les conditions de L. 4161-5, L. 4162-1, L. 4162-2, L. 4223-2, L. 4314-4, L. 4323-4,
travail dans les transports routiers publics et privés en vue d’as- L. 4334-1, L. 4353-1 et L. 4223-1 du code de la santé publique.
surer la sécurité de la circulation routière) et dont d’autres ont
été ajoutées par voie d’amendements (il s’agit des délits prévus § 5. – Infractions en matière de sport.
par l’article 25 de la loi financière pour l’exercice 1952 no 52-401
du 14 avr. 1952, la L. no 82-1153 du 30 déc. 1982 d’orientation 430. Deux nouvelles séries d’exclusions sont prévues par les
des transports intérieurs, la L. no 92-1445 du 31 déc. 1992 re- 43o et 44o de l’article 24, qui, dans le domaine du sport, tendent
lative aux relations de sous-traitance dans le domaine du trans- à assurer la sécurité des spectateurs ou des sportifs. Sont tout
port routier de marchandises, la L. no 95-96 du 1er févr. 1995 d’abord exclues les infractions portant atteinte à la sécurité des
concernant les clauses abusives et la présentation des contrats manifestations sportives mentionnées aux articles 42-4 à 42-11
et régissant diverses activités d’ordre économique et commer- de la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la
cial, et la contravention prévue par le décr. no 93-824 du 18 mai promotion des activités physiques et sportives. Cette exclusion
1993 relatif aux relations de sous-traitance dans le domaine du comporte également les délits de violences ou de dégradations
transport routier de marchandises). commis dans des stades et pour lesquels est alors encourue, en

octobre 2003 - 53 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

application de l’article 42-11 de la loi de 1984, la peine complé- 436. Il s’agit :... 1o De la faillite personnelle ou des autres sanc-
mentaire d’interdiction de stade (et ce même si cette peine n’a tions prévues au titre VI de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985
pas été prononcée par la juridiction). relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entre-
prises dans sa rédaction applicable avant l’entrée en vigueur de
431. Sont par ailleurs exclus les délits en matière de produits l’ordonnance no 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la
dopants prévus par les articles L. 3633-2 à L. 3633-4 du code de partie Législative du code de commerce et aux articles L. 625-2
la santé publique. et suivants de ce code ;... 2o De l’interdiction du territoire fran-
çais prononcée à l’encontre d’un étranger reconnu coupable d’un
432. Quand la loi devient illisible, la critique qualitative et crime ou d’un délit ;... 3o De l’interdiction de séjour prononcée
quantitative par rapport au texte en général, et à son article 14 pour crime ou délit ;... 4o De l’interdiction des droits civiques,
en particulier, est certainement fondée. « Dès lors, il semble civils et de famille prononcée pour crime ou délit ;... 5o De l’in-
clair que, contrairement à ce que prétend le garde des Sceaux, terdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale pro-
les infractions exclues ne sont pas forcément les infractions les noncée pour crime ou délit ;... 6o Des mesures de démolition,
plus graves qui portent atteinte aux valeurs fondamentales de de mise en conformité et de remise en état des lieux ;...7o De
notre société. Ce sont celles qui mettent en péril les priorités la dissolution de la personne morale prévue à l’article 131-39 du
de la politique gouvernementale » (J. Roche-Dahan, D. 2002, code pénal ;...8o De l’exclusion des marchés publics visée à l’ar-
chron. 2623). ticle 131-34 du code pénal ;...9o De l’interdiction de détenir ou de
porter une arme soumise à autorisation ;...10o De la confiscation
SECTION 5 d’une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire
ou dont il a la libre disposition.
Effets de l’amnistie (L. 6 août 2002, art. 15).
437. Cette liste, qui est plus large qu’en 1995 (n’étaient alors
pas visées les peines prévues aux 5o , 9o et 10o ), présente un
ART. 1er. – EFFACEMENT DES CONDAMNATIONS ET
caractère limitatif : toutes les autres mesures ou peines résultant
EXTINCTION DE L’ACTION PUBLIQUE.
d’une condamnation amnistiée doivent être effacées.
433. L’article 15 rappelle les effets traditionnels de la loi d’amnis-
438. L’article 16 prévoit également, comme en 1995, que l’am-
tie, en renvoyant pour partie aux dispositions pérennes figurant
nistie reste de même sans effet sur les mesures prononcées par
dans le code pénal ou le code de procédure pénale (V. supra,
application des articles 8, 15, 16, 16 bis, 19 et 28 de l’ordonnance
no 146 et s.) Il précise ainsi que l’amnistie efface les condam-
no 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
nations prononcées ou éteint l’action publique en emportant les
conséquences prévues par les articles 133-9 à 133-11 du code 439. L’article 18 indique que l’amnistie est sans effet sur la procé-
pénal et 6 et 769 du code de procédure pénale, sous réserve dure de dissolution civile de certaines personnes morales prévue
des autres dispositions prévues par le chapitre V de la loi qui à l’article 1er de la loi no 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à ren-
soit complètent soit limitent les effets de l’amnistie par rapport à forcer la prévention et la répression des mouvements sectaires
ceux prévus par ces articles. portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamen-
tales en précisant que, nonobstant les dispositions de l’article
434. Il s’ensuit, notamment, conformément aux dispositions de
15, pour la mise en œuvre de cette procédure, il pourra être fait
l’article 133-9 du code pénal, que l’amnistie rétablit l’auteur ou
référence à une condamnation amnistiée sur le fondement de
le complice de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu
la présente loi. Il s’agit là d’une exception importante, quoique
lui être accordé lors d’une condamnation antérieure. De même,
limitée à un objet précis, à l’effacement des condamnations ré-
conformément aux dispositions de l’article 133-10 du code pénal,
sultant de l’amnistie, qui a été jugé indispensable pour éviter que
il est interdit à toute personne qui, dans l’exercice de ses fonc-
l’amnistie ne fasse obstacle à la procédure de dissolution civile
tions, a connaissance de condamnations pénales ou de sanc-
d’une secte instituée par la loi du 12 juin 2001.
tions amnistiées d’en rappeler l’existence sous quelque forme
que ce soit ou d’en laisser subsister la mention dans un docu- 440. Enfin, l’article 19 précise que l’amnistie des contraventions
ment quelconque. Cette interdiction est complétée par la créa- de défaut de titre de transport résultant du 1o de l’article 2 est
tion d’une infraction pénale, l’article 16 prévoyant que toute réfé- sans effet sur l’application de l’article 24-1 de la loi du 15 juillet
rence à une sanction ou à une condamnation amnistiée est punie 1845 sur la police des chemins de fer réprimant le délit de dé-
d’une amende de 5 000 € ; les personnes morales peuvent être faut habituel de titre de transport. Il convient cependant de pré-
déclarées pénalement responsables de cette infraction. Comme ciser que le délit de défaut habituel de titre de transport n’exige
en 1995, la loi précise les dispositions de l’article 133-9 du code pas, pour être constitué, que les dix contraventions commises
pénal en indiquant que l’amnistie entraîne, sans qu’elle puisse préalablement aient fait l’objet de poursuite et de condamnation,
donner lieu à restitution, la remise des peines et des mesures l’amnistie de ces contraventions paraissant dès lors sans consé-
de police et de sûretés, à l’exception de celles dont elle dresse, quence sur la caractérisation du délit.
à l’article 16, une liste limitative.

SECTION 6
ART. 2. – LIMITES AUX EFFETS DE L’AMNISTIE.
Dispositions relatives à l’outre-mer.
435. Ces limites, qui sont pour la plupart traditionnelles, figurent
aux articles 16 à 21. L’article 16 précise ainsi que l’amnistie n’en- 441. Spécificités ultra-marines. — Les derniers articles de la loi
traîne pas la restitution ou le rétablissement des autorisations ad- du 6 août 2002 (art. 23 et 24) précise, comme en 1988 et 1995,
ministratives annulées ou retirées par la condamnation, et qu’elle que le texte est applicable aux territoires d’outre-mer et à la col-
ne fait pas obstacle à la réparation des dommages causés au do- lectivité territoriale de Mayotte. Mais il a fallu exclure les dis-
maine public. Il précise, en outre, que l’amnistie n’entraîne pas positions qui font référence aux nouveaux codes métropolitains,
la remise de certaines mesures ou peines complémentaires, que puisque ceux-ci ne sont pas uniformément applicables à ces ter-
les services du casier judiciaire national seront donc autorisés ritoires en raison du principe de la spécialité législative. Pour la
à conserver, avec l’enregistrement des décisions par lesquelles même raison, l’article 28, dernier alinéa, fait toujours référence
ces mesures ou peines ont été prononcées. aux frais de justice dont la suppression par la loi du 4 janvier 1993

Rép. pén. Dalloz - 54 - octobre 2003


AMNISTIE

n’a pas été étendue aux territoires d’outre-mer. Conformément la collectivité départementale de Mayotte, la Nouvelle-Calédo-
aux dispositions du chapitre VI de la loi, l’amnistie est applicable nie, la Polynésie française et les îles Wallis-et-Futuna.
outre-mer, sous réserve de certaines adaptations prévues pour

INDEX ALPHABÉTIQUE
Action publique 148 s. Animaux 407 s. – responsabilité disciplinaire 247 s. : Jugement (Après) 161.
– avant la mise en mouvement 156. Antilles, Guyane 325 s. exclusion 264 s. ; sanctions discipli- Licenciement 255.
Administration 396 s. Appel 182. naires et professionnelles 247 s. Manifestations socioprofession-
Amende 167. Atteinte à la dignité de la personne – responsabilité pénale 146 s. : ac- nelles de 1972 307 s.
– délits punissables exclusivement au droit de la personnalité ou à la tion publique 148 s. ; effet extinc- Matière économique ou financière
33. famille 403 s. tif (limites) 212 s. ; interdiction de 399 s.
Amnistie « présidentielle » du Atteinte à l’autorité de l’État ou de rappeler la condamnation amnistiée Mesures
6 août 2002 368 s. l’administration 396 s. 197 s. ; peine 164 s. ; qualification – individuelles 389.
– de droit (art. 1 à 8) 373 s. : am- Autorité parentale 220. 152 s. ; voies de recours 180 s. – de police et de sûretés 179, 216 .
nisties au quantum (art. 8) 388 ; Autorités compétentes 131 s. Élections 58 s. Mineur 106, 387.
circonstances de la commission de – amnistie judiciaire 131 s. Emprisonnement ferme 165 s. – victime 411 s.
l’infraction (art. 3) 377 s. ; condam- – contestation de l’amnistie 133 s. Environnement 407 s. Ministère public 140.
nation pour infractions multiples Avocat 208. État 396 s. Nationalité 240.
(art. 4) 381 ; dispenses de peines Bénéficiaires 103 s. Événements de mai 1968 303 s. Nouvelle-Calédonie 330 s.
(art. 7) 387 ; mineurs (art. 7) 387 ; – amnistie personnelle 103 s. Exclusions de l’amnistie 264 s., Obligation d’effacement 202.
nature de l’infraction ou des circons- – conditions d’octroi 116 s. 391 s. Ordre public 149.
tances de sa commission (art. 2, – grâce amnistiante 112 s. Exercice illégal de la médecine 62. Ostéopathie ou chiropraxie 62.
3 et 4) 374 s. ; peines d’empri- Caractère habituel des comporte- Extinctif (Limites) 212 s., 435 s. Oubli 197 s.
sonnement ou prononcées à la ments 392 s. Extinction de l’action publique Outre-mer 441.
place d’une peine d’emprisonne- Circulation routière 30 s., 415 s. 433 s. Paiement de l’amende 118.
ment (art. 6) 384 s. ; quantum ou Combinaison (Amnistie réelle au Famille 403 s. Parallélisme des compétences 134.
nature de la peine (art. 5) 382 s. quantum) 41. Fichiers informatiques 91. Partis politiques 348 s.
– effets de l’amnistie (art. 15) 433 s. Compagnie d’assurances 233. Financement des partis politiques Peine 164 s.
: effacement des condamnations Compétence 131 s. 348 s. – alternatives à l’emprisonnement 42.
433 s. ; extinction de l’action pu- – juridictionnelle 95. Fonction publique 259. – amende 167.
blique 433 s. ; limites 435 s. Conditions de l’amnistie 27 s. Frais de justice 169. – contrainte par corps 168.
– exclusions de l’amnistie (art. 14) Confiscation 225. Guerre d’Algérie 289 s. – dispenses de peines 387.
391 s. : caractère habituel des Conflits Historique 6 s. – emprisonnement 384 s. : ferme
comportements 392 s. ; circula- – professionnels de caractère indus- – critiques 15 s. 165 s.
tion routière 415 s. ; commises triel, agricole, rural, artisanal ou Honneurs 263 s. – frais de justice 169.
contre des mineurs ou des per- commercial 54 s. Infraction – mesures de police et de sûretés
sonnes vulnérables 411 s. ; crimi- – relatifs à l’enseignement 52 s. – circonstances de sa commission 179.
nalité organisée ou violente 398 ; – du travail 49 s. 374 s., 377 s. – nature 382 s.
environnement, protection des ani- Contestation de l’amnistie 133 s. – militaire 36. – prononcées à la place d’une peine
maux 407 s. ; infractions de nature Contrainte par corps 168. – multiples 381. d’emprisonnement 384 s.
sexuelle 411 s. ; infractions portant Contraventions 23, 29. – nature 374 s. – récidive 177.
atteinte à la dignité de la personne – routières 30 s. – sexuelle 411 s. – sursis 170 : partiel 171 ; probatoire
au droit de la personnalité ou à la Contrefaçon à usage pédagogique Infractions amnistiées 28 s. 173 ; TIG 174.
famille 403 s. ; infractions portant 53. – date des infractions amnistiables Personnalité 107.
atteinte à l’autorité de l’État ou de Contrôle de l’Administration 94. 97 s . Personnes vulnérables 411 s.
l’administration 396 s. ; infractions Corse 311 s. – fautes professionnelles et sanctions Phase d’instruction 157.
portant atteinte à l’intégrité de la Crime contre l’Humanité 37. disciplinaires 63 s. : amnistie et Pourvoi 182.
personne 411 s. ; matière écono- Criminalité organisée ou violente droit du travail 70 s. [fautes am- Prescription 241.
mique ou financière 399 s. ; santé 398. nistiées 72 s.] [rôle de l’inspecteur Probité 263 s.
publique 428 s. ; sécurité dans le Crises sociales 303 s. du travail 75 s.] [salariés concernés Protection des animaux 407 s.
travail 424 s. ; sport 430 s . Cristallisation 152. 71] [typologie de fautes amnistiées Pudeur 272.
– mesures individuelles (art. 10) 389. Date des infractions amnistiables 80 s.] ; amnistie et faute disciplinaire Qualification 152 s.
– outre-mer 441. 97 s. des agents publics 82 s. ; élèves Quantum 388.
– sanctions disciplinaires ou profes- Décision juridictionnelle 153. et étudiants 69 ; faute profession- – variabilité 40.
sionnelles (art. 11 à 13) 390. Défense des rapatriés 61. nelle constituant une infraction pé- Rappel de la condamnation (Inter-
Amnistie par décret 114. Définitions 1 s. nale 65 s. ; sanctions des autorités diction) 197 s.
Amnistie sous condition 116 s. Délinquants primaires 108. administratives indépendantes 68. – illicite 205.
Amnisties « événementielles » Délits de presse 35. – par leur contexte 44 s. : conflits Récidive 177, 392 s.
274 s. Désistement 190. professionnels de caractère indus- Recouvrement 223.
– Antilles, Guyane 325 s. Dignité de la personne 403 s. triel, agricole, rural, artisanal ou Réformes législatives (raison d’une
– Corse 311 s. Dispenses de peines 387. commercial 54 s. ; conflits relatifs amnistie ) 347 s.
– crises sociales 303 s. : événements Dossier à l’enseignement 52 s. ; conflits du Régularisation 117 s.
de mai 1968 303 s. ; manifesta- – administratif 90. travail 49 s. ; défense des rapatriés Réhabilitation 66.
tions socioprofessionnelles de 1972 – pénal 228. 61 ; élections 58 s. ; exercice illégal Réintégration 253.
307 s. Droit de la médecine 62. Renvoi 158.
– Guerre d’Algérie 289 s. – de la famille 236. – par nature 28 s. Responsabilité civile 226 s.
– Nouvelle-Calédonie 330 s. : loi du – de la personnalité 403 s. – au quantum 39 s. Restitution 221.
10 janvier 1990 343 s. ; loi du – des tiers 227. Ingratitude 238. Rétroactivité 221, 229.
31 décembre 1985 333 s. ; loi du Effacement des condamnations Inspecteur du travail 76. Révision 195.
9 novembre1988 337 s. 433 s. Intégrité de la personne 411 s. Sanction disciplinaire ou profes-
– réformes législatives 347 s. : finan- Effets de l’amnistie 145 s. Interprétation des lois 21 s. sionnelle 63 s., 144, 247 s., 390.
cement des partis politiques 348 s. ; – responsabilité civile 226 s. : consé- – analogique 25. Santé publique 428 s.
trafic de stupéfiants 361 s. quences civiles 227 s. ; juridiction – littérale 23 s. Seconde guerre mondiale 278 s.
– Seconde Guerre mondiale 278 s. compétente 242 s. – téléologique 26. Sécurité dans le travail 424 s.

octobre 2003 - 55 - Rép. pén. Dalloz


AMNISTIE

Sport 430 s. – TIG 174. Trafic de stupéfiants 361 s. Violences 411 s.


Stupéfiants 361 s. Survie de certaines condamnations Travail 424 s. Voies de recours 180 s.
Sursis 170. 207. Unité de la justice civile et pénale
– partiel 171. Terrorisme 38. 245.
– probatoire 173. Tiers 227. Viol 411 s.

Rép. pén. Dalloz - 56 - octobre 2003

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