Section 1. Introduction
Avertissement. Réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 23 mars 2006 : une
réforme inachevée s’agissant des sûretés personnelles. Présentation valable pour
l’ensemble des leçons concernant les sûretés personnelles.
En ce qui concerne les sûretés personnelles, la réforme opérée par l’ordonnance du 23 mars 2006
est timide, mais cela tient au caractère restrictif de la loi d’habilitation du gouvernement, du 26
juillet 2005, qui n’a pas fait de leur modernisation un objectif.
On peut le regretter, car le groupe de travail présidé par M. Grimaldi, à l’origine des textes
nouveaux, avait proposé une refonte des sûretés personnelles qui aurait eu le mérite de redonner
de la cohérence à une matière qui n’en a plus guère (v. S. Piedelièvre, art. préc. Leçon 1, n°2, p.
792).
Le cautionnement, dans ses mêmes dispositions, a seulement été mis en situation dans le
nouveau Livre IV :
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« Des sûretés » du Code civil : il s’inscrit dans un Titre 1er : « Des sûretés personnelles », dont
l’article 2287-1 nouveau du Code civil dispose que « les sûretés personnelles régies par le présent
titre sont le cautionnement, la garantie autonome et la lettre d’intention », plus particulièrement
dans un Chapitre 1er : « Du cautionnement », mais dont les nouveaux articles 2288 à 2320 du
Code civil ne sont que la renumérotation des anciens articles 2011 à 2043.
Selon l’article 2321 (Chapitre II du Titre 1er), « la garantie autonome est l’engagement par lequel le
garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à
première demande, soit suivant les modalités convenues (al. 1). Le garant n’est pas tenu en cas
d’abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d’ordre
(al. 2). Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation tenant à l’obligation
garantie (al. 3). Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie (dernier al.)
».
Ensuite, aux termes de l’article 2322 du Code civil (Chapitre III du Titre 1er) « la lettre d’intention
est l’engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans
l’exécution de son obligation envers son créancier ».
Les définitions de ces deux « nouvelles » sûretés personnelles données, nous les aborderons
dans les Items 6 et 7 qui leurs sont consacrés.
• Notion. A la question de savoir ce qu'est une sûreté personnelle, tout juriste français
répond, par réflexe : c'est un droit accessoire à l'obligation principale garantie et qui permet
au créancier d'exercer des poursuites contre le garant. C'est le cautionnement. Si on
demande à ce juriste de développer un peu la notion de sûreté personnelle, il répondra
qu'on la trouve lorsque deux critères sont réunis : l'adjonction au rapport d'obligation
principal d'un droit de créance supplémentaire, et l'absence de contribution à la dette par le
garant (en ce sens, v. M. Cabrillac et C. Mouly, op. cit., n°24, p. 31) .
• Typologie sommaire.
On trouve ensuite les lettres d'intention, de patronage ou de confort d'origine anglo-saxonne, qui
posent de grandes difficultés de qualification en raison de la nature incertaine de l'obligation qui en
résulte.
Dans ce genre de formule, une «société-mère prend l'engagement» envers la banque de sa filiale
de ne pas se désintéresser de la façon dont celle-ci va rembourser son crédit, ou de veiller à ce
qu'elle puisse faire face à ses engagements, ou encore de ne rien faire qui puisse l'en empêcher,
et même, parfois, de tout faire pour que sa trésorerie lui permette d'y parvenir (v. L. Aynès et P.
Crocq, op. cit., n°321, p. 128)... On aura compris que la société-mère peut aussi bien souscrire un
véritable cautionnement qu'une vague obligation morale dépourvue de toute force juridique. La
qualification dépendra entièrement des termes employés, qui ont une grande importance.
Plan. On verra tour à tour le cautionnement, les garanties autonomes et les lettres d'intention.
§2. Le cautionnement
• Définition.
Aux termes de l'article 2011 du Code civil(Rappel : les articles 2011 à 2043 du Code civil ont été
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renumérotés par l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés, pour être désormais les
articles 2288 à 2320 du nouveau Livre IV ; le contenu des textes restant cependant le même, nous
laissons cette année l’ancienne numérotation par commodité de lecture), « celui qui se rend
caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur
n'y satisfait pas lui-même ».
D'une grande concision, cette définition mérite néanmoins d'être complétée pour une meilleure
«intelligence» du cautionnement, ce que la doctrine ne manque d'ailleurs pas de faire.
MM. Cabrillac et Mouly soulignent ainsi que « le cautionnement est une sûreté personnelle
accessoire créée par un contrat unilatéral qui oblige la caution à exécuter la dette du débiteur
principal et lui donne un recours en remboursement contre ce dernier » (op. cit., n°36, p. 42).
Ces deux formules montrent en tout cas que le cautionnement est une opération à trois
personnes : le créancier, le débiteur et la caution.
Le lien entre le créancier et le débiteur est l'obligation principale, l'obligation de base en quelque
sorte, et le lien entre le créancier et la caution le contrat de cautionnement proprement dit. On le
voit, même si elle s'établit en principe à la demande du débiteur principal, la relation entre ce
dernier et la caution n'a donc rien de nécessaire dans le cautionnement.
A preuve, l'article 2014 du Code civil qui dispose qu' « on peut se rendre caution sans ordre de
celui pour lequel on s'oblige, et même à son insu ».
• Premières vues.
Dans l'organisation du cautionnement, les rédacteurs du Code civil ont fait oeuvre complète en lui
consacrant pas moins de trente deux articles (art. 2011 à 2043). Ces dispositions n'ont depuis pas
connu de grands changements. Il faut dire que nombre d'entre elles sont protectrices de la caution
et que ce besoin de protection contre un engagement très rigoureux est tout aussi fort aujourd'hui.
Ainsi le cautionnement ne peut-il exister « que sur une obligation valable » (art. 2012 al. 1er), ni
excéder ce qui est dû par le débiteur ou « être contracté sous des conditions plus onéreuses » (art.
2013 al. 1er). Ainsi encore, la caution peut-elle se prévaloir du bénéfice dit de discussion (art.
2021) ou opposer au créancier « toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et
qui sont inhérentes à la dette » (art. 2036 al. 1er).
Enfin, pièce maîtresse du dispositif de protection, la caution, pour être déchargée de son
obligation, peut opposer dans certaines circonstances au créancier fautif le bénéfice dit de cession
d'actions de l'article 2037 du Code civil.
• D'abord celle du 1er mars 1984 qui, en son article 48 aujourd'hui devenu article L. 313-22 du
Code monétaire et financier, oblige les établissements de crédit ayant accordé un concours
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financier à une entreprise sous la condition du cautionnement par une personne physique ou
morale, à faire connaître à la caution, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le
montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31
décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, et ce à peine
de déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de
communication de la nouvelle information.
• Ensuite la loi du 31 décembre 1989 dite loi «Neiertz», dont les dispositions ont été intégrées
aux articles L. 313-7 à L. 313-10 du Code de la consommation, qui impose notamment dans
le domaine du crédit aux consommateurs à la charge des établissements de crédit, une
obligation d'information de la caution portant sur le premier incident de paiement (art. L.
313-9).
• Puis la loi du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions qui, dans un nouvel article 2016 al.
2 du Code civil, impose au créancier, lorsque le cautionnement indéfini d'une obligation
principale est contracté par une personne physique, d'informer celle-ci de l'évolution du
montant de la créance garantie et de ses accessoires au moins annuellement sous peine de
déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités.
• Enfin, l'importante loi n°2003-721 du 1er août 2003, qui inscrit dans le Code de la
consommation un nouvel article L. 341-6 aux termes duquel "le créancier professionnel est
tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de
chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires
restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi
que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la
faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A
défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus
depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle
information". On notera que cette nouvelle obligation d'information reprend les traits
essentiels de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, à cette précision près que la
sanction ne porte que sur les pénalités ou intérêts de retard échus.
En alourdissant ces formalités on en augmente le coût, et l'activité économique peut en subir les
conséquences.
Par ailleurs, toutes les cautions n'ont pas le même besoin de protection. On a ainsi relevé que le
cautionnement institutionnel ou professionnel consenti par les établissements de crédit pourrait
bénéficier d'une plus grande liberté que les cautionnements souscrits par les simples particuliers
ou «profanes», pour lesquels un vrai besoin de protection existe (Ph. Simler et Ph. Delebecque,
op. cit. n°24-3, p. 34) . L'équilibre entre les intérêts des créanciers et ceux des cautions est donc
très important dans cette matière.
En alourdissant ces formalités on en augmente le coût, et l'activité économique peut en subir les
conséquences.
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Présentation. On envisagera les caractéristiques du cautionnement, avant d'en étudier les
variétés.
• Principe.
Le cautionnement est au service de la créance principale, il lui est assujetti. C'est sa finalité
première. Le caractère accessoire de cette sûreté exprime ainsi le lien très fort existant entre
l'obligation du débiteur et celle de la caution. Comment, d'ailleurs, pourrait-il en être autrement
puisque caution et débiteur principal sont tenus de la même dette et que la caution ne s'engage à
la payer que « si le débiteur n'y satisfait pas lui-même » ?
• l'article 2012 al. 1er du Code civil tout d'abord, aux termes duquel « le cautionnement ne peut
exister que sur une obligation valable ». Ainsi, si la créance principale est nulle ou éteinte, la
caution ne sera pas tenue ;
• l'article 2013 al. 1er ensuite, selon lequel « le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû
par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses »
• l'article 2036 al. 1er enfin, véritable traduction procédurale de la règle de l'accessoire puisqu'il
permet à la caution d' « opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au
débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette » : nullité de l'obligation garantie, résiliation
ou résolution, compensation, prescription, remise de dette.
A l'inverse, lorsqu'un contrat prend l'intitulé de cautionnement mais que le contenu est
incompatible avec le caractère accessoire, la nature de la sûreté change et la requalification
s'impose : ce n'est plus un cautionnement mais certainement une garantie indépendante (Ph.
Simler et Ph. Delebecque, op. cit., n°30, p. 39).
2. Le caractère consensuel
Bien sûr, l'article 2015 du Code civil dispose que « le cautionnement ne se présume point ; il doit
être exprès... », mais on sait que le caractère exprès n'implique pas de forme particulière et qu'il
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ne prohibe pas une éventuelle forme verbale du cautionnement (se posent alors, il est vrai, des
difficultés de preuve) .
3. Le caractère unilatéral
Les conséquences les plus importantes de ce caractère unilatéral sont en droit de la preuve.
• D'une part, le contrat de cautionnement ne requiert pas la formalité dite « du double » prévue
par l'article 1325 du Code civil pour les contrats synallagmatiques (al. 1 : « les actes sous
seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques, ne sont valables qu'autant
qu'ils ont été faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct »).
• Mais en revanche, il est bien soumis aux exigences de l'article 1326 du Code civil aux termes
duquel « l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une
somme d'argent...doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui
souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ...en toutes
lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite
en toutes lettres ».
Signification.
Dans le cautionnement, on peut dire que le rôle du débiteur consiste à fournir une caution au
créancier, à laquelle est généralement subordonnée la passation du contrat de base. C'est là,
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dans le fait générateur du processus qui conduit à l'engagement de la caution, que réside la
signification de la distinction en cause (Ph. Simler et Ph. Delebecque, op. cit., n°37, p. 46).
Or, dans l'immense majorité des cas, c'est dans un contexte purement contractuel que le débiteur
est amené à fournir une caution au créancier, et c'est en ce sens que le cautionnement est dit
conventionnel.
Dans certains cas limitativement déterminés toutefois, cette nécessité de fournir une caution est
due soit à la loi qui l'impose comme condition de l'obtention d'un droit (cautionnement légal) , soit
au juge qui subordonnera sa décision à la fourniture de cette garantie (cautionnement judiciaire) .
Mais en tout état de cause, c'est au débiteur de trouver la caution et c'est à celle-ci d'accepter de
s'engager envers le créancier. Le cautionnement est donc toujours issu d'un contrat.
Exemple :
A titre d'exemples de cautionnement légal, on peut citer, dans le Code civil, les articles 601 et 626
qui font obligation à l'usufruitier ou au bénéficiaire d'un droit d'usage et d'habitation de fournir
caution, sauf dispense conventionnelle ou légale.
Quant au cautionnement judiciaire, on peut par exemple citer l'article 277 du Code civil qui permet
au juge d'imposer à l'époux débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente de
donner caution pour la garantir, ou les articles 517 et suivants du Code de Procédure civile qui
prévoient la possibilité pour le juge de subordonner l'exécution provisoire d'un jugement à la
constitution d'une garantie personnelle.
C'est ce que souligne l'article 1202 du Code civil aux termes duquel « la solidarité ne se présume
point ; il faut qu'elle soit expressément stipulée ».
Jurisprudence :
Une stipulation imprimée dans le contrat suffit : « cette modalité de l'engagement de la caution - dit
la Cour de cassation dans un arrêt en date du 31 janvier 1989 - ne doit pas nécessairement être
rédigée de la main de celle-ci ».
A lire l'article 2021 du Code civil, d'après lequel lorsque le cautionnement est solidaire l'effet de
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l'engagement de la caution « se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires
», on peut avoir l'impression que la solidarité change la nature du cautionnement.
En fait, il n'en est rien : le codébiteur solidaire est un débiteur principal, personnellement
intéressé à la dette, alors que la caution est un débiteur accessoire non personnellement intéressé
à la dette qu'elle se contente de garantir (en ce sens, v. S. Piedelièvre, Les sûretés, 3e éd.
Armand Colin, p. 24).
La solidarité ne lui ôte ainsi ni le bénéfice de cession d'actions de l'article 2037 du Code civil, ni
aucun des autres moyens de défense dérivant du régime général.
Jurisprudence :
La caution solidaire peut donc opposer au créancier ses exceptions personnelles et celles qui sont
inhérentes à la dette, comme par exemple dans ce dernier cas l'exception de compensation
éteignant la dette principale (Cass. com. 19 janv. 1993).
Jurisprudence :
Le cautionnement, service gratuit rendu entre parents ou amis, est traditionnellement considéré
comme un acte civil, et cela même si l'opération principale est commerciale et les parties au
contrat toutes deux commerçantes, le «service d'ami» faisant toujours naître une obligation civile
(Cass. req., 21 mai 1906).
D'ailleurs, il n'existe pas de règles dans le Code de commerce qui seraient propres au
cautionnement commercial.
Par exception toutefois, le cautionnement devient commercial dans une série d'hypothèses que
l'on énumérera avant d'envisager les conséquences de la commercialité du cautionnement.
Est ensuite commercial le cautionnement qui est par nature un acte de commerce, ce qui est le
cas du cautionnement donné par un établissement de crédit. L'article L. 313-1 du Code monétaire
et financier énonce en effet que « constitue une opération de crédit tout acte par lequel une
personne agissant à titre onéreux...prend...un engagement par signature tel qu'un aval, un
cautionnement ou une garantie ». Or les opérations de crédit constituent des opérations de
banque (art. L. 311-1 C. mon. et fin.), lesquelles sont des actes de commerce par nature (art. L.
110-1, al. 8, C. com.). Le cautionnement devient enfin commercial lorsque l'opération principale est
commerciale et que la caution y trouve un intérêt personnel d'ordre patrimonial. Selon le juge,
en effet, l'intérêt personnel que trouve la caution à la réalisation de l'opération principale rend son
cautionnement commercial. Ce critère «subjectif» a été dégagé pour rendre commercial le
cautionnement souscrit par les dirigeants de sociétés ou par les associés majoritaires en garantie
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des dettes de leur société (cf., entre autres exemples, Cass. com., 25 nov. 1995).Si cet intérêt
patrimonial est présumé chez le P-DG et le gérant, en revanche le cautionnement donné par
l'époux du dirigeant semble plutôt aujourd'hui être considéré comme civil parce que son intérêt
serait alors plus moral que patrimonial, et ce même s'il est par ailleurs associé de la société
débitrice (cf., entre autres exemples, Cass. 1re civ., 9 déc. 1992).
D'abord, il relèvera de la compétence des tribunaux de commerce ; ensuite, il sera soumis au délai
de prescription extinctive du droit commercial qui est de 10 ans en vertu de l'article L. 110-4 du
Code de commerce. La solidarité étant présumée en matière commerciale, le cautionnement
sera de plein droit solidaire.
Il faut cependant préciser que l'application de certaines règles du droit commercial sera
subordonnée, en plus, à la qualité de commerçant.
C'est également le cas de la clause attributive de compétence territoriale qui n'est valable, en vertu
de l'article 48 NCPC, qu'entre personnes « ayant toutes contracté en qualité de commerçant »,
solution que l'on retrouve pour l'attribution de compétence à un arbitre dans le contrat (clause
compromissoire) .
La certification de caution, tout d'abord, est expressément envisagée par l'article 2014 al. 2 du
Code civil qui dispose qu' « on peut aussi se rendre caution, non seulement du débiteur principal,
mais encore de celui qui l'a cautionné ».
Le sous-cautionnement est une figure complexe et différente de la certification de caution. Ici, c'est
la caution créancière virtuelle du débiteur principal qui demande à ce dernier de lui fournir une
caution qui va garantir le remboursement des sommes qu'elle pourrait être amenée à verser au
créancier pour son compte.
La dette garantie par la sous-caution est celle qui résulte du recours de la caution «de premier
rang» contre le débiteur principal, caution de premier rang qui devient ici une sorte de créancier
garanti.
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Section 3. La formation cautionnement
Entre ces deux pôles, validité et preuve, c'est aussi au stade de la formation que se détermine
l'étendue de l'engagement de la caution lequel dépend, caractère accessoire oblige, des
caractéristiques de l'obligation garantie. Les conditions de validité, celles tenant à l'étendue du
cautionnement et à sa preuve seront donc étudiées successivement.
Plan Si le cautionnement est soumis au droit commun des contrats, il obéit également soumis à
certaines conditions qui lui sont propres comme la validité de l'obligation principale et celle tenant
à la personne de la caution.
Applications.
Aux termes de l'article 1108 du Code civil, « quatre conditions sont essentielles pour la validité
d'une convention : Le consentement de la partie qui s'oblige ; Sa capacité de contracter ; Un objet
certain qui forme la matière de l'engagement ; Une cause licite dans l'obligation ».
Tout cautionnement répond à ces conditions de validité, qu'il faut examiner tour à tour.
1. Le consentement
a) L'existence du consentement
Existence.
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Cet accord n'est pas essentiel à la perfection du contrat de cautionnement puisqu'aux termes de
l'article 2014 du Code civil « on peut se rendre caution sans ordre de celui pour lequel on s'oblige,
et même à son insu ».
Cette précision donnée, on peut partir de l'idée selon laquelle la caution non professionnelle a
tendance à considérer son engagement avec insouciance, puisque de toute façon la dette repose
sur le débiteur principal. Or, les conséquences d'un tel engagement peuvent évidemment être très
lourdes.
Le Code civil semble avoir mesuré la situation particulière de la caution en employant un style
répétitif dans l'article 2015 du Code civil : le cautionnement « ne se présume point », il « doit être
exprès ».
Cela veut dire que l'engagement souscrit doit être ferme, mais pas forcément formel ou avec des
mots sacramentels qui seraient des conditions de validité du consentement.
b) L'intégrité du consentement
1° L'erreur
Présentation
Les cautions profanes soutiennent souvent, lorsqu'elles sont poursuivies par le créancier
postérieurement à la conclusion du contrat, n'avoir pas eu conscience à cette époque qu'elles
pourraient être un jour tenues de payer, qu'elles n'ont pas mesuré exactement le risque couru, bref
qu'elles ont commis une erreur.
L'utilisation de la théorie des vices du consentement apparaît ainsi comme le dernier rempart des
cautions cherchant à se dégager de leurs engagements. Le juge doit alors s'efforcer de trouver un
équilibre entre la protection des garants et l'efficacité attendue de la sûreté.
Aux termes de l'article 1110 du Code civil, « l'erreur n'est une cause de nullité de la convention
que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ».
La caution soutient d'abord parfois avoir fait erreur sur la nature même de son engagement. Elle
croit contracter un engagement purement moral, sans valeur juridique. Cette sorte d'erreur est
possible mais rarement retenue parce que le mécanisme de base du cautionnement est à la
portée de toute intelligence moyenne.
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On touche là, il est vrai, à une erreur-obstacle. Dans un ordre d'idée différent, sera également
substantielle l'erreur commise par la caution sur l'étendue des autres garanties fournies au
créancier, garanties ayant déterminé son propre consentement (Cass. 1re civ., 1er juillet 1997).
Une erreur plus fréquemment invoquée par la caution est l'erreur sur la solvabilité du débiteur,
erreur que la Cour de cassation avait de plus en plus tendance à refuser, à juste titre ainsi que l'a
relevé la doctrine : si le créancier a pris la peine d'exiger la garantie d'une caution, c'est bien pour
être à l'abri du risque d'insolvabilité.
La question est dès lors entendue pour l'insolvabilité du débiteur survenant après l'engagement de
la caution : la couverture de ce risque constitue précisément l'objet du cautionnement (cf. Ph.
Simler et Ph. Delebecque, op. cit., n°56, p. 59). Les choses sont plus discutables lorsque, dès la
conclusion du contrat de cautionnement, la situation du débiteur est gravement obérée, à l'insu de
la caution qui avait pris en considération la possibilité d'exercer un recours contre lui. L'erreur de la
caution est déterminante mais elle ne porte pas sur les qualités substantielles, seulement sur le
mobile de son engagement qui est étranger à l'échange des consentements avec le créancier (cf.
L. Aynès et P. Crocq, op. cit., n°214, p. 69).
Jurisprudence :
C'est la raison pour laquelle la Cour de cassation, après avoir admis pendant un temps la nullité du
cautionnement sur un tel fondement, exclut aujourd'hui toute possibilité d'annulation pour ce motif
et affirmant que cette erreur était indifférente, sauf si la caution « démontre qu'elle avait fait de
cette circonstance la condition de son engagement » (Cass. com. 2 mars 1982). Cette sévérité
était cependant critiquable, car l'erreur sur la solvabilité peut parfaitement avoir été une erreur
déterminante du consentement de la caution.
C'est la raison pour laquelle il faut saluer un arrêt de la Chambre commerciale du 1er octobre 2002
(Bull. civ. IV, n°131) qui a approuvé l'annulation d'un cautionnement sur le fondement d'une telle
erreur, et qui constitue peut-être un revirement.
Pour la Cour de cassation, en effet, justifie légalement sa décision la cour d'appel qui, pour
débouter une banque, retient que la caution, tiers à la société cautionnée, avait entendu prendre le
risque d'aider une société présentée comme en difficulté mais non de s'engager pour une société
en situation déjà irrémédiablement compromise, et que la banque qui était en relation d'affaires
avec cette société ne pouvait ignorer cette situation, et qui en déduit, dans l'exercice de son
pouvoir souverain, que le caractère viable de l'entreprise était une condition déterminante de
l'engagement de la caution, faisant ainsi ressortir que celle-ci avait fait de la solvabilité du débiteur
principal la condition tacite de sa garantie (v. aussi, à propos d’un débiteur cautionné qui était
interdit d’exercer une activité commerciale, Cass. com. 19 nov. 2003, Bull. civ. IV, n°172 ; D. 2004,
Act. p. 60, obs. V. Avena-Robardet ; JCG 2004, I, 141, n°4, obs. Ph. Simler).
D'autres erreurs sont encore invoquées. Celle portant sur l'étendue de l'engagement doit être
écartée car elle s'analyse en une erreur sur la valeur normalement indifférente (Cass. com. 16
févr. 1982). Pour les autres erreurs possibles, l'admission ou le rejet de l'annulation est le fruit des
circonstances d'espèces. Par exemple, dans une hypothèse où une caution soutenait avoir cru en
l'existence de cofidéjusseurs, le cautionnement a été annulé (Cass. com. 26 janv. 1982).
De même, la Cour de cassation a libéré une caution de 73 ans de petite condition, qui avait
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cautionné sans limite une SCI parce que l'erreur avait porté « non seulement sur l'étendue et les
conséquences du cautionnement mais encore sur l'objet même et sur la cause de l'opération
envisagée » ( Cass. 1re civ., 4 juill. 1979).
2° Le dol
Aux termes de l'article 1116 du Code civil, « le dol est une cause de nullité de la convention
lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces
manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ».
Compte tenu de cette conception, le dol doit émaner du cocontractant pour être retenu, (et non de
tiers : Cass. com. 13 nov. 2002, D. 2003, 684, note B. Roman) autrement dit dans le
cautionnement du créancier et cela même si le débiteur est souvent l'auteur de la tromperie.
C'est en effet lui qui a besoin de trouver une caution qui accepte de le garantir, et qui, pour cela,
peut être tenté de lui cacher sa véritable situation. Le dol dont il se sera rendu coupable sera
néanmoins jugé indifférent parce qu'il n'est pas une «partie» au contrat de cautionnement (cf.
Cass. 1re civ., 27 juin 1973).
Jurisprudence :
Dans un arrêt du 29 mai 2001, en effet, la Haute juridiction a affirmé que « dans les rapports entre
cofidéjusseurs, le dol peut être invoqué par la caution qui se prévaut de la nullité du cautionnement
lorsqu'il émane de son cofidéjusseur ». Conformément au droit commun, la manoeuvre du
créancier pourra consister en un acte positif, comme par exemple la fourniture par le banquier à la
caution de faux renseignements sur la situation du débiteur (Cass. com., 7 févr. 1983).
Le dol pourra aussi résulter du silence du créancier sur une information pertinente : il «omettra »
de révéler à la caution, au moment où elle s'engage, que la situation du débiteur est déjà
gravement obérée se ménageant ainsi déloyalement la garantie d'un débiteur solvable.
Jurisprudence :
Un arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de cassation en date du 9 juillet 1996 est
particulièrement révélateur de cette réticence sanctionnable : « la banque savait que la situation
financière de M. J.P. était irrémédiablement compromise et qu'elle n'en avait pas informé les
époux P. au moment de la signature des actes de cautionnement, en sorte que ceux-ci, en
cautionnant une facilité de caisse, avaient pu légitimement penser que la banque allait accorder à
son débiteur un crédit..., ce qui n'était pas le cas, puisque, dès le 8 février suivant, elle refusait les
chèques payés par lui pour défaut de provision ; de ces énonciations et constatations, la cour
d'appel a déduit que cette banque avait obtenu les cautionnements non pour bénéficier d'une
garantie pour l'avenir, mais pour disposer, à la suite de la défaillance inéluctable de M. J.P., de
deux coobligés solvables ».
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Remarque : On a remarqué que ce type de solution revenait à faire peser sur le créancier,
particulièrement le banquier, une obligation d'information de la caution préalablement à son
engagement, dérivant de l'obligation de contracter de bonne foi (cf. L. Aynès et P. Crocq, op. cit.,
n°215, p. 70).
Cette obligation est néanmoins exclue lorsque la caution, ayant des liens avec le débiteur, est
capable de s'informer elle-même.
Jurisprudence :
C'est ce qui ressort notamment d'un arrêt de la Cour de cassation en date du 19 mars 1985 : « il
appartenait aux enfants L., à supposer qu'ils aient ignoré les obligations de leur père, de
s'entourer, en raison de l'importance de leur engagement de tous les renseignements que les liens
étroits de parenté les unissant au débiteur principal les mettraient en mesure de connaître ».
6° La violence
Caractère résiduel
Aux termes de l'article 1112 du Code civil, « il y a violence, lorsqu'elle est de nature à faire
impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa
personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ».
Ce vice est rarement invoqué devant les tribunaux en matière de cautionnement, sans doute parce
que ses conditions sont tout de même très particulières.
Jurisprudence :
Quelques cas de violence morale ont néanmoins donné lieu à des décisions d'annulation, telle
celle rendue en faveur de l'épouse qui avait cautionné, sous la pression des juges et élus locaux,
la reprise d'exploitation par la société de son mari d'une activité en cessation des paiements
(Cass. com., 28 mai 1991, cité par M. Cabrillac et C. Mouly, op. cit., n°83, p. 85).
Au-delà, un cautionnement donné sous une pression d'ordre économique émanant du débiteur ou
du créancier peut-il être considéré comme une violence ?
Jurisprudence :
La question se pose depuis qu'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en
date du 30 mai 2000 a affirmé que « la contrainte économique se rattache à la violence» .
Il faudrait néanmoins que cette «menace économique» ait été déterminante du consentement de
la caution, et surtout illégitime.
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La capacité.
Parce que le cautionnement est un contrat, « le débiteur obligé à fournir une caution doit en
présenter une qui ait la capacité de contracter » (C. civ., art. 2018).
Cela se comprend aisément au regard de la gravité de l'acte, qui pourra éventuellement amener la
caution à répondre de la dette sur l'intégralité de son patrimoine. Un incapable mineur ou majeur
ne pourra donc évidemment se porter caution seul, et la question de savoir si son représentant
légal pourrait le faire en son nom n'est pas encore définitivement tranchée.
Jurisprudence :
Un arrêt de la Cour de cassation en date du 2 décembre 1997 a néanmoins déclaré valable un
cautionnement hypothécaire dès lors qu'il avait été souscrit avec l'autorisation du juge des tutelles,
ouvrant ainsi la voie à un assouplissement en la matière.
Pouvoir de se porter caution La question du pouvoir doit être bien comprise : il s'agit d'engager
par un cautionnement un patrimoine autre que le sien. Ainsi, à quelles conditions celui qui
administre les biens d'autrui - le dirigeant de société, l'époux administrateur de la communauté
conjugale - peut-il engager ceux-ci par un cautionnement ?
• Tout d'abord, celles des régimes matrimoniaux. La loi du 23 décembre 1985, qui a donné aux
deux époux les mêmes pouvoirs sur les biens communs, a protégé ce patrimoine commun
contre les dangers du cautionnement.
Aux termes de l'article 1415 du Code civil, en effet, « chacun des époux ne peut engager que ses
biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient
été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses
biens propres ».
Cet article exige donc un consentement exprès du conjoint pour que la communauté soit engagée,
en fait son autorisation.
Jurisprudence :
On sait que la Cour de cassation a donné à ce dispositif de protection des aquêts de la
communauté un très large domaine, appliquant notamment l'article 1415 du Code civil au
cautionnement réel (Cass. 1re civ. 15 mai 2002, Bull. civ. I, n°127, 128 et 129). Principalement
pour des raisons de preuve, le consentement du conjoint devra en pratique être donné par écrit.
S'agissant de la sanction du défaut du consentement du conjoint, ce n'est pas la nullité de
l'engagement mais seulement " l'inopposabilité ".
Cela veut dire que les acquêts de la communauté ne sont pas engagés, et selon la jurisprudence
précitée chacun des deux époux, même celui qui s'est porté caution, pourra opposer au créancier
cette limitation de son gage. Seuls les époux le pourront toutefois (Cass. civ. 1re, 14 janv. 2003).
Ensuite, celles du droit des sociétés. La question étant très technique, nous n'en verrons que les
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grandes lignes (pour plus de détails, v. L. Aynès et P. Crocq, op. cit., n°217 s., p.72).
La première condition est que le cautionnement doit entrer dans l'objet social, et que le pouvoir
des représentants d'une société dépend donc de cet objet.
Question : dans quelle mesure l'objet social d'une société peut-il prévoir la faculté de se porter
caution ?
On sait que les SARL et les SA sont engagées par tous les actes de leurs représentants, même
étrangers à l'objet social. Le créancier bénéficiaire du cautionnement n'aura donc pas à s'enquérir
du contenu des statuts. Mais dans une SA, les articles L. 225-35 al. 4 et L. 225-68 al. 2 du Code
de commerce précisent que le cautionnement doit faire l'objet d'une autorisation du conseil
d'administration ou du conseil de surveillance ; à défaut d'autorisation (qui doit être en principe
fournie pour chaque opération) , la société ne sera pas engagée.
En revanche, dans les SARL le législateur n'impose pas de formalité, d'où un engagement plus
facile de ces sociétés
Les autres sociétés, commerciales ou civiles, ne seront engagées que par les actes du gérant
entrant dans l'objet social, ce qui conduit à conclure que les statuts doivent alors faire entrer le
cautionnement dans l'objet social.
Il suffit néanmoins, aux termes d'un arrêt de la Cour de cassation en date du 15 mars 1988, que le
cautionnement se rattache même indirectement à l'objet social : « si le cautionnement donné par
une société n'entre pas directement dans son objet social, le cautionnement est néanmoins
valable lorsqu'il existe une communauté d'intérêts entre cette société et la société cautionnée »
(Cass. 1re civ., 15 mars 1988).
La deuxième condition est que le cautionnement consenti au nom de la société par la personne
ayant le pouvoir de le faire doit être conforme à l'intérêt social, ce qui n'est par exemple pas le cas
si l'organe social engage le patrimoine de la société dans le seul intérêt d'un associé ou des
dirigeants sociaux.
Pour couper court à ce type de contentieux, la loi du 24 juillet 1966 a interdit certains
cautionnements aux SA et aux SARL, présumés contraires à l'intérêt social : il s'agit du
cautionnement des dettes des gérants ou associés, des administrateurs, des membres de leur
famille proche...
3. La cause du cautionnement
Notion de cause.
Aux termes de l'article 1131 du Code civil, « l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou
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sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ».
Dans le cautionnement, la cause est au centre de bien des débats de par la particularité de ce
contrat. Contrat unilatéral, en effet, la cause de l'obligation de la caution ne peut pas se trouver
dans une contrepartie attendue du créancier. Il est donc impossible de chercher une cause dans
cette contrepartie. On a donc hésité, avant que la Cour de cassation ne tranche, entre deux
approches.
Dans une première acception, on a estimé que la caution s'engageait pour rendre service au
débiteur, ou alors pour obtenir une rémunération. Mais ceci, c'est la cause du lien d'obligation
unissant le débiteur à la caution, pas celle du contrat de cautionnement. Ce motif personnel à la
caution ne peut pas s'appliquer à la cause de son engagement envers le créancier.
C'est la raison pour laquelle on a développé une seconde analyse, soutenant que la cause de
l'obligation de la caution réside dans les rapports du débiteur avec le créancier, plus
particulièrement dans le crédit accordé. La caution s'engage pour permettre au débiteur d'obtenir
un crédit.
Jurisprudence :
C'est dans ce deuxième sens que la Cour de cassation a tranché, par un arrêt époux Lempereur
du 8 novembre 1972 : « la cause de l'obligation (caution) de Lempereur était la considération de
l'obligation prise corrélativement par la Société générale (créancier) à savoir l'ouverture de crédit à
la société Lempereur (débiteur principal) ».
Rôle de la cause. L'analyse du contentieux relatif à la cause du cautionnement montre que c'est
la disparition de la cause qu'invoque généralement la caution. Elle était dirigeant ou associé
majoritaire de la société débitrice au temps du cautionnement, mais aujourd'hui elle a perdu la
direction de la société ou est devenue minoritaire. Ou encore elle était mariée lorsqu'elle s'est
portée caution de son conjoint, mais divorcée aujourd'hui... Poursuivies plusieurs années après
l'octroi du cautionnement faute de résiliation de celui-ci, ces cautions soutiennent qu'elles ne sont
plus tenues pour la raison que la cause a disparu.
Jurisprudence :
La jurisprudence ne tient aucun compte d'une telle argumentation développée par la caution : « la
cause de son engagement [est] fixée au moment de la formation du contrat » (Cass. com., 8 nov.
1972, époux Lempereur).
Ainsi que le souligne la doctrine, on ne peut en effet admettre que la disparition de la cause
subjective, du motif déterminant, puisse influer sur l'efficacité de l'obligation sous peine de ruiner la
sécurité du commerce juridique.
La force obligatoire du contrat découlant de l'article 1134 du Code civil serait anéantie s'il suffisait
de soutenir, pour échapper aux obligations nées du cautionnement, que les raisons subjectives qui
en ont déterminé la conclusion ont disparu (cf. Ph. Simler et Ph. Delebecque, op. cit., n°70, p. 73).
4. L'objet du cautionnement
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Rôle de qualification de l'acte.
Aux termes de l'article 1129 du Code civil, « il faut que l'obligation ait pour objet une chose au
moins déterminée quant à son espèce. La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu'elle
puisse être déterminée ».
Dans notre matière, l'objet du contrat de cautionnement réside dans la fourniture de la garantie
promise, et l'objet de l'obligation de la caution est le paiement éventuel de la dette couverte.
C'est ensuite la dette garantie qui doit être suffisamment identifiée, ou l'étendue de la garantie qui
ne doit pas être trop imprécise.
Jurisprudence :
A ainsi été frappé de nullité le cautionnement d'une convention d'affacturage « et de ses avenants
éventuels » (Cass. com., 7 juill. 1992).
Principe et exception.
Aux termes de l'article 2012 du Code civil, « le cautionnement ne peut exister que sur une
obligation valable ». C'est le principe.
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Seule une obligation valable peut être cautionnée, mais toute obligation valable peut l'être.
Le cautionnement d'une obligation nulle est dépourvu d'efficacité, rétroactivement caduc si l'on
peut dire. On ne peut pas, en effet, parler de nullité puisqu'aucun vice ne l'affecte lors de sa
formation. En raison du caractère accessoire et de la nullité de l'obligation principale, la caution
pourra donc opposer au créancier poursuivant les exceptions appartenant au débiteur principal et
inhérentes à la dette (art. 2036, al. 1er, C. civ.).
C'est ici que les choses se compliquent, parce qu'une distinction doit être opérée selon le type de
nullité. Si la caution peut opposer la nullité absolue de l'obligation principale (tout intéressé peut
s'en prévaloir) , l'invocation de la nullité relative suscite plus de questions parce qu'elle ne peut en
principe être mise en oeuvre que la loi protège, et donc répond bien au concept d'exception «
purement personnelle au débiteur » que la caution ne peut invoquer (art. 2036, al. 2, C. civ.).
La doctrine fait néanmoins justement remarquer que la possibilité d'invoquer la nullité relative est
commandée par le caractère accessoire du cautionnement et par la règle de l'article 2013 du Code
civil qui dispose que celui-ci « ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur » (cf. Ph. Simler et Ph.
Delebecque, op. cit., n°109, p. 91).
Jurisprudence :
La conséquence en est que si la caution a déjà payé, elle peut agir en répétition de la somme (CA
Caen, 16 mars 1989).
La Cour de cassation décide pourtant qu'en cas de nullité d'un prêt, son cautionnement subsiste
tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de leur convention
annulée (notamment, Cass. com., 17 nov. 1982). Même si on peut justifier cette solution sur le
fondement de l'article 2012 du Code civil, on ne peut nier qu'elle est en contradiction avec le
caractère accessoire du cautionnement.
Précisons qu'en matière de contrats successifs, la Cour de cassation a décidé que « seule la
disparition des obligations nées de ce contrat peut entraîner la disparition du
cautionnement, lequel conserve son efficacité à l'égard des obligations subsistantes »
(Cass. 1re civ., 4 févr. 1986).
Si seule une obligation valable peut être cautionnée, toutes les obligations valables peuvent
néanmoins être cautionnées, même si en pratique les obligations cautionnées ont le plus souvent
une source contractuelle. En particulier, il est possible de garantir des créances quasi
contractuelles ou délictuelles déjà nées, et peut être même futures.
Jurisprudence :
La Cour de cassation a en effet récemment jugé, dans une espèce où une épouse avait garanti,
parmi d'autres obligations, les éventuels détournements futurs que pourraient commettre son
époux, « que le cautionnement garantissant le paiement à la victime de créances nées d'un délit
ou d'un quasi délit est licite » (Cass. 1re civ., 8 oct. 1996 ; v. aussi 13 mai 1998).
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S'agissant maintenant de l'hypothèse dans laquelle le cautionnement ne garantirait pas des dettes
concomitantes à sa souscription, ce qui est le cas le plus fréquent, il faut poser en principe qu'est
valable le cautionnement de dettes futures pourvu qu'elles soient déterminables.
L'analyse des cautionnements de dettes futures passe par une distinction désormais classique
établie par Christian Mouly : la distinction entre l'obligation de couverture et l'obligation de
règlement (v. sa synthèse in M. Cabrillac et Ch. Mouly, op. cit., n°94, p. 96).
Dans le contrat de cautionnement, l'obligation de couverture est une obligation de durée. Elle a
pour fonction de déterminer celles des dettes futures qui seront garanties. Pour reprendre
l'illustration qu'en donne la doctrine, dans un cautionnement des dettes de sa société, le gérant
précisera qu'il entend garantir les dettes contractuelles, sans limite de durée, ou à l'inverse qu'il
s'engage pour une cinq ans, ou encore pour la durée d'un crédit particulier qui justifie le
cautionnement (cf. M. Cabrillac et C. Mouly, op. cit., n°173, p. 178).
Quant à l'obligation de règlement, elle naît à la charge de la caution à chaque fois que naît une
dette à la charge du débiteur principal. Elle n'a aucune durée. Elle est à exécution instantanée et
consiste pour la caution à payer si c'est nécessaire.
Dans le cautionnement de dettes futures ou omnibus, ces deux obligations sont dissociées dans le
temps, alors qu'elles sont confondues dans le cautionnement de dettes présentes.
Selon l'article 2012 alinéa 2 du Code civil, « on peut néanmoins cautionner une obligation, encore
qu'elle pût être annulée par une exception purement personnelle à l'obligé, par exemple dans le
cas de minorité ».
Cette solution semble fondée sur l'idée de solidarité familiale et a pour but, grâce au
cautionnement donné par un proche du débiteur, de pallier les conséquences de son incapacité.
Il n'en reste pas moins qu'elle est contraire au caractère accessoire du cautionnement puisque la
caution pourra être poursuivie alors que l'obligation principale est nulle. De surcroît, elle sera
privée des recours qui lui sont ouverts en temps normal contre le débiteur principal.
Triple exigence
Aux termes de l'article 2018 du Code civil, « le débiteur obligé à fournir une caution doit en
présenter une qui ait la capacité de contracter, qui ait un bien suffisant pour répondre de l'objet de
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l'obligation, et dont le domicile soit dans le ressort de la cour d'appel où elle doit être donnée ».
L'article 2019 du Code civil indique de manière assez stricte, et sans doute un peu datée,
comment la solvabilité de la caution doit être appréciée :
« elle ne s'estime qu'eu égard à ses propriétés foncières, excepté en matière de commerce, ou
lorsque la dette est modique », et « on n'a point égard aux immeubles litigieux, ou dont la
discussion deviendrait trop difficile par l'éloignement de la situation ».
Le refus de prendre en compte la fortune la fortune mobilière, survivance de l'adage «res mobilis,
res vilis», paraît aujourd'hui injustifié tant les sommes d'argent que représentent au sein des
patrimoines les actions, obligations et autres valeurs mobilières sont considérables.
S'il est une question à ne pas négliger au stade de la formation (et de la rédaction) du contrat de
cautionnement, c'est bien celle de savoir ce que garantit le cautionnement et combien devra la
caution. Comme malheureusement elle l'est souvent, la détermination de l'étendue du
cautionnement suscite un abondant contentieux. Les cautions, après avoir tenté en vain de
contester la validité de leur engagement, tentent alors de soutenir qu'elles n'ont pas entendu
garantir telle dette ou tel montant, ou au-delà de telle durée aujourd'hui dépassée... Il y a donc une
grande variété des situations. On les examinera une par une.
Description.
C'est la situation la plus simple. Le cautionnement porte sur une dette déterminée : une ouverture
de crédit ou un prêt par exemple.
L'article 2016 du Code civil le nomme « cautionnement indéfini d'une obligation principale » et
précise qu'il « s'étend à tous les accessoires de la dette ».
Ces accessoires sont les intérêts conventionnels, les frais de justice exposés par le créancier à
l'occasion des poursuites, les dommages et intérêts dus par le débiteur (intérêts moratoires pour
les dettes de somme d'argent) , les indemnités contractuelles et notamment la clause pénale dont
la caution peut toutefois demander, sur le fondement de l'article 1152 du Code civil, la réduction si
elle est manifestement excessive.
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Ce dispositif simple et cohérent a cependant longtemps été perturbé par l'opposition entre
Première chambre civile et Chambre commerciale de la Cour de cassation à propos de la portée
qu'il convient de donner à la mention manuscrite de l'article 1326 du Code civil.
Jurisprudence :
La Première chambre civile limitait en effet l'obligation de la caution au principal de la dette si les
accessoires, taux des intérêts y compris, ne sont pas spécialement portés dans la mention
manuscrite (v. notamment cass. 1re civ., 10 juill. 2001), alors que la Chambre commerciale, dans
une importante décision (dernière d'une longue série) du 3 avril 2002, affirmait au contraire «
qu'aux termes de l'art. 2016 c. civ., le cautionnement indéfini d'une obligation principale s'étend à
tous les accessoires de la dette ; que l'art. 1326 c. civ. limite l'exigence de la mention manuscrite à
la somme ou à la quantité, sans l'étendre à la nature de la dette, à ses accessoires ou à ses
composantes ».
Seule cette position nous paraissaitt conforme aux termes clairs de l'article 2016 du Code civil et
c'est sans doute la raison pour laquelle la première Chambre civile de la Cour de cassation a
rejoint, par un arrêt du 29 octobre 2002 (Bull. civ. I, n°250) la solution prônée par la Chambre
commerciale en affirmant, dans un attendu de principe très important visant les articles 2016 et
1326 du Code civil, qu'aux termes du premier de ces textes, le cautionnement indéfini d'une
obligation principale s'étend à tous les accessoires de la dette ; que le second limite l'exigence de
la mention manuscrite à la somme ou à la quantité due, sans l'étendre à la nature de la dette, à
ses accessoires ou à ses composantes.
La jurisprudence a donc retrouvé son unité sur la question : le cautionnement indéfini s'étend
de plein droit aux intérêts et accessoires de l'obligation garantie.
Cautionnement omnibus.
Dans le monde contemporain des affaires, les banques exigent souvent des cautions dirigeants de
la société débitrice principale qu'elles garantissent toutes les dettes de celle-ci, présentes et à
venir, sans limitation de montant, à leur égard. Ce type de cautionnement général, autrement
appelé cautionnement omnibus, est dangereux mais valable.
Jurisprudence :
Simplement, la déterminabilité de son objet nécessite qu'il soit revêtu d' « une mention exprimant
sous une forme quelconque, mais de façon explicite, la connaissance par celui qui s'engage de la
nature et de l'étendue de l'obligation qu'il contracte » (Cass. req., 1er mars 1853, formule souvent
utilisée depuis).
L'Association Française des Banques recommande cependant à ses membres de fixer un montant
plafond à l'engagement de la caution pour ce type de cautionnement, qui devient alors limité.
La caution peut vouloir donner une limite chiffrée à son engagement. Elle peut ainsi garantir la
fraction d'une dette ou fixer un montant plafond à son engagement. Hormis la question de la
mention manuscrite pour les accessoires (déjà évoquée plus haut) , les cautionnements de
montant limité posent deux types de difficultés.
Tout d'abord, lorsque plusieurs cautions s'obligent pour un montant déterminé, les garanties
s'additionnent-elles ou s'appliquent-elles à la même fraction de la dette ?
Jurisprudence :
En principe, les engagements souscrits s'additionnent mais le créancier doit poursuivre chacune
des cautions dans la limite de son engagement (cf. Cass. 1re civ., 8 oct. 1996, espèce où deux
époux s'étaient portés caution séparément à hauteur de 100.000 F chacun. La banque était donc
garantie à hauteur de 200.000 F).
Ensuite, lorsqu'une même personne a pris successivement des engagements de caution, par
actes séparés et échelonnés dans le temps, se substituent-ils les uns aux autres ou
s'additionnent-ils ?
Jurisprudence :
Le principe retenu par la Cour de cassation semble être celui du cumul (en ce sens, v. Cass. com.
22 avril 1997). Une stipulation particulière devrait donc expressément prévoir la substitution de
garantie (en ce sens, v. Cass. com. 20 oct. 1992).
Description.
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à durée indéterminée est unilatéralement résiliable (cf. Ph. Simler et Ph. Delebecque, préc.).
L'effet de l'arrivée du terme sera de mettre fin à l'obligation de couverture de la caution pour
les dettes nouvelles du débiteur, mais bien sûr subsiste l'obligation de règlement des dettes
qui sont déjà nées.
Un cautionnement conditionnel.
Aux termes de l'article 2013 alinéa 2 du Code civil, le cautionnement peut être contracté « sous
des conditions moins onéreuses » que l'obligation principale.
Jurisprudence :
De nombreuses conditions peuvent ainsi être introduites dans un acte de cautionnement :
condition tenant à l'affectation du prêt principal à un emploi déterminé (Cass. 1re civ., 19 mai
1987), condition tenant à la fourniture par le débiteur d'autres garanties (Cass. com., 28 oct.
1980)...
En application du droit commun, si la condition est suspensive, la caution ne sera tenue que si elle
se réalise ; si la condition est résolutoire, sa réalisation permet à la caution de se considérer
comme libérée.
Détermination.
Aux termes de l'article 2013 alinéa 1er, « le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le
débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses ».
Cette règle est une conséquence de la règle de l'accessoire. Elle se dédouble en deux directives.
Tout d'abord, le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur. Cela veut dire que la
caution ne peut pas être tenue pour une somme supérieure à celle que doit le débiteur principal,
non plus que de payer le créancier avant que la dette principale ne soit exigible.
Le cautionnement ne peut ensuite être contracté sous des conditions plus onéreuses que le
débiteur. Par exemple, la caution ne pourra être condamnée à payer des intérêts à un taux
supérieur à ceux dus par celui-ci, pas davantage au montant d'une clause pénale si le débiteur n'y
est pas lui-même tenu.
Le sort du cautionnement excédant l'obligation principale est réglé par l'article 2013 alinéa 3 : « le
cautionnement qui excède la dette , ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses, n'est
point nul : il est seulement réductible à la mesure de l'obligation principale ».
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garantie à première demande.
Le cautionnement, pour produire son effet, doit être prouvé. Conformément au droit commun de la
preuve des actes juridiques, un écrit est nécessaire au-delà de 800 euros (art. 1341, C. civ.). Cet
écrit peut être soit un acte authentique, soit, ce qui est bien plus fréquent, un acte sous seing
privé. Il devra alors comporter la signature de la caution, la seule mention manuscrite ne faisant
pas preuve de l'engagement à défaut de signature (cf. Cass. 1re civ., 2 juill. 1996), l'indication du
débiteur afin d'identifier la dette principale, enfin la mention de la somme en toutes lettres et en
chiffres (art. 1326, C. civ.).
Le créancier peut cependant se trouver dans l'une des hypothèses où l'exigence de la preuve
écrite est écartée, ce qui est le cas du cautionnement commercial contre une caution
commerçante dont la preuve est libre.
Jurisprudence :
La Cour de cassation admet en effet que l'article L. 110-3 (ex. art. 109) du Code de commerce
dispense de mention manuscrite le cautionnement commercial signé par un commerçant,
affirmant, dans un arrêt en date du 21 juin 1988, que « le cautionnement doit être constaté dans
un titre qui comporte, outre la signature de celui qui souscrit cet engagement, la mention écrite de
sa main, de la somme en toutes lettres et en chiffres et que, sauf à ce que cet acte serve de
commencement de preuve par écrit, preuve dont le complément doit alors résulter d'éléments
extérieurs à l'acte lui-même, ce n'est qu'à l'égard des commerçants que l'obligation ainsi
contractée peut se prouver par tous autres moyens » (v. aussi Cass. 1re civ., 18 mai 2004,
Bull. civ. I, n°140 ; D. 2004, p. 1665, obs. V. Avena-Robardet ; RTD com. 2004, p. 693, obs. B.
Saintourens ; JCP G 2005, I, 135, n°5, obs. Ph. Simler).
A l'inverse, le cautionnement civil donné par un commerçant (garantissant un ami ou n'étant pas
accessoire de son activité commerciale) doit faire l'objet d'une mention manuscrite.
C'est également le cas du cautionnement du dirigeant social : même commercial, il est donné
par un civil et donc soumis à la mention manuscrite.
A moins que l'on ne se trouve, donc, dans une situation d'exception (ce qui est le cas des
cautionnements rédigés en forme authentique, l'authentification protégeant suffisamment à elle
seule la caution) , l'écrit constatant la caution doit être revêtu d'une mention manuscrite spéciale.
Expliquons-nous.
On sait qu'en droit français l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à
lui payer une somme d'argent, doit être constaté dans un titre qui comporte, outre la signature de
celui qui souscrit cet engagement, une mention spéciale : la mention, « écrite de sa main, de la
somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing
privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres » (art. 1326 C. civ.).
On sait aussi que la loi du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies
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de l'information et signature électronique, a modifié l'article 1326 du Code civil : il suffit désormais
que cette mention soit écrite « par lui-même », le débiteur n'a plus à le faire de sa main.
Un procédé électronique peut y pourvoir, de même que pour la signature de l'acte qui, lorsqu'elle
est électronique, « consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien
avec l'acte auquel elle s'attache » (art. 1316-4 al. 2 C. civ.).
La question (très agitée) a été de savoir si l'article 1326 du Code civil édictait une règle de preuve
ou bien de validité de la convention. Etait en jeu la sanction de l'omission ou de l'irrégularité de la
mention manuscrite.
Il faut partir, avec la doctrine (v. L. Aynès et P. Crocq, op. cit., n°202 et s., p. 60 et s.), de la
différence de nature qui sépare les règles de forme et les règles de preuve. L'objet d'une règle de
forme est de protéger le consentement, si bien qu'un consentement donné sous une forme
différente de celle qui est prévue par la loi sera inefficace et le contrat nul.
Au contraire, une règle de preuve ne met pas directement en cause l'efficacité du contrat, sa
validité. Le défaut de preuve rendra seulement plus ardue la tâche du créancier qui tentera
d'obtenir l'exécution du cautionnement.
La précision est d'importance, parce que notre système de preuves des actes juridiques admet,
dans l'article 1347 du Code civil, qu'un acte irrégulier peut tout de même constituer un «
commencement de preuve par écrit » qui pourra être complété par des éléments extérieurs, dont
l'appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond. Comme on l'a remarqué, tout n'est
donc pas perdu pour le demandeur (cf. L. Aynès et P. Crocq, op. et loc. cit.).
N'oublions pas, enfin, que l'exigence d'une preuve littérale est écartée dans un certain nombre de
cas : la preuve de l'obligation contractuelle est alors libre, comme par exemple celle du
cautionnement commercial donné par un commerçant. Or, l'exigence de la mention manuscrite
imposée par l'article 1326 du Code civil en plus de la signature, doit être considérée comme une
simple règle de preuve, et si l'écrit qui en est dépourvu ne fait pas preuve complète de
l'engagement, il constitue néanmoins un commencement de preuve par écrit qui peut être
complété, en cas de litige, par des éléments extérieurs à l'acte.
Après maintes fluctuations dans les années 1980, la jurisprudence semble s'être stabilisée autour
de cette position.
Jurisprudence :
Ainsi la Cour de cassation affirmait-elle une première fois le 15 novembre 1989 que « les
exigences de l'article 1326 sont des règles de preuve qui ont pour finalité la protection de la
caution » (Cass. 1re civ., 15 nov. 1989), pour revenir définitivement à une certaine "orthodoxie" le
20 octobre 1992 : « si l'insuffisance de la mention manuscrite exigée par l'article 1326, C. civ.,
rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve
par écrit pouvant être complété par des éléments extérieurs à l'acte » (Cass. 1re civ., 20 oct.
1992).
Cette position est depuis lors restée la même, et on peut même dire qu'elle s'est assouplie puisque
par deux arrêts en date du 15 janvier 2002 la première Chambre civile de la Cour de cassation a
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admis la possibilité que "le commencement de preuve par écrit que constitue l'acte de
cautionnement irrégulier peut être complété par tout élément extérieur à l'engagement de caution,
fut-il porté dans le même acte".
Dans ces conditions, la cour d'appel n'avait pu écarter, dans la première espèce (BNP c/ Lecron),
au motif erroné de leur caractère intrinsèque, les paraphes de la caution portés à l'acte de cession
du fonds de commerce et de constitution du prêt, parce que le contrat principal peut constituer un
complément de preuve extrinsèque alors même qu'y figure l'engagement de la caution. Il en est de
même dans la deuxième espèce (Lévy c/ BNP), où les juges du fond avaient pu estimer que par la
signature qu'elle avait portée à l'acte de cession du fonds de commerce portant mention des
conditions du prêt consenti pour le financement du prix de cession, la caution avait eu
connaissance de l'étendue de son engagement de sorte que se trouvait complété le
commencement de preuve constitué par l'acte de cautionnement irrégulier.
Voilà donc le droit commun fixé : la mention de l'article 1326 C. civ. n'est pas une condition de
validité du contrat de cautionnement mais une simple exigence probatoire. C'est le contenu de ce
droit commun que nous allons maintenant examiner plus en détail. Nous ne verrons pas les
cautionnements particuliers, tels celui du consommateur de crédit ou d'un locataire à usage
d'habitation, dans lesquels le législateur a fait de la mention manuscrite une condition de validité
de l'engagement.
Jurisprudence :
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compte non seulement des termes employés, mais également de la qualité, des fonctions et des
connaissances de la caution, de ses relations avec le créancier et le débiteur de l'obligation
cautionnée, ainsi que de la nature et des caractéristiques de cette dernière » (Cass. 1ère civ., 4
févr. 1986, préc. ; v. également Cass. 1re civ., 31 mars 1998).
Présentation. Tout un chapitre du Code civil est consacré à l'effet du cautionnement. Est d'abord
envisagé l'effet du cautionnement entre le créancier et la caution, ensuite entre le débiteur et la
caution, enfin entre les cofidéjusseurs lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même
débiteur pour une même dette. Nous suivrons naturellement cet ordre.
Plan Les effets du cautionnement entre la caution et le créancier ne vont véritablement se faire
sentir que si le débiteur principal n'exécute pas son obligation. S'il l'exécute, la caution est libérée.
Cela n'appelle pas de commentaire particulier. S'il ne l'exécute pas, en revanche, le créancier va
devoir actionner la caution : c'est la mise en oeuvre du cautionnement.
Ensuite, les poursuites exercées contre la caution vont différer selon le type de cautionnement
souscrit : simple ou solidaire, bien que le cautionnement simple soit aujourd'hui rare.
On se rappellera qu'il faut aussi désormais tenir compte des obligations d'information mises à la
charge du créancier, déjà évoquées (v. supra n°11) et sur lesquelles nous ne reviendrons pas.
Si la défaillance du débiteur principal est avérée, encore faut-il, pour que le créancier puisse
poursuivre la caution, que la dette soit exigible à son égard.
30
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La question est alors de savoir si l'exigibilité de l'obligation principale entraîne celle du
cautionnement. La doctrine a très justement relevé que le cautionnement étant un contrat soumis
aux dispositions de l'article 1134 du Code civil, la caution doit rester tenue comme prévu
initialement et rien ne justifierait, pas même le caractère accessoire, qu'elle subisse une
déchéance encourue personnellement par le débiteur garanti (cf. Ph. Simler et Ph. Delebecque,
op. cit., n°177, p. 154). La jurisprudence est d'ailleurs en ce sens (Cass. 1re civ., 20 déc. 1976 ;
Cass. com., 26 oct. 1999). Toutefois, une clause du contrat du cautionnement pourrait très bien
stipuler que la caution sera poursuivie dès lors que la créance à l'encontre du débiteur principal
sera elle-même devenue exigible du fait de la déchéance du terme (Cass. com., 11 juill. 1988).
Les difficultés les plus importantes se sont posées en cas d'ouverture d'une procédure collective à
l'encontre du débiteur garanti.
La déchéance du terme n'étant donc pas encourue par le débiteur principal, elle ne peut être
invoquée contre la caution (Cass. com., 16 avr. 1996), et ce même si l'acte de cautionnement
prévoit que le créancier pouvait se prévaloir de la procédure collective ouverte à l'encontre du
débiteur principal pour exiger, en l'espèce, de la caution le paiement du solde du compte courant
(Cass. com., 20 juin 1995).
On signalera pour terminer sur ce point que les dettes non échues ne deviendront exigibles
qu'après adoption d'un plan de cession totale de l'entreprise (art. L. 621-94, C. com.) ou le
prononcé de la liquidation judiciaire (art. L. 622-22, C. com.).
La question, classique, qui se pose est de savoir si la caution peut bénéficier de ces délais ou
inversement subir l'allongement de la durée de sa garantie qui est la conséquence de la
prorogation. On souligne que la réponse varie selon le caractère volontaire, légal ou judiciaire de la
prorogation (cf. Ph. Simler et Ph. Delebecque, op. cit., n°119 s., p. 125 s.).
Quant à la prorogation volontaire, c'est celle dans laquelle le report d'échéance est consenti par le
créancier. Le caractère accessoire du cautionnement et le principe que la caution ne peut être
tenue plus rigoureusement que le débiteur (art. 2013, c. civ.), expliquent que dans ce cas le
créancier ne peut poursuivre la caution. Mais cette idée ne signifie pas que la caution doit, à
l'inverse, «subir» dans certains cas la prorogation du terme, car les raisons (les difficultés
financières éprouvées par le débiteur) qui ont motivé celle-ci peuvent très bien aller en s'aggravant
et la caution être encore plus lourdement tenue.
Quant à la prorogation volontaire, c'est celle dans laquelle le report d'échéance est consenti par le
créancier. Le caractère accessoire du cautionnement et le principe que la caution ne peut être
tenue plus rigoureusement que le débiteur (art. 2013, c. civ.), expliquent que dans ce cas le
créancier ne peut poursuivre la caution. Mais cette idée ne signifie pas que la caution doit, à
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l'inverse, «subir» dans certains cas la prorogation du terme, car les raisons (les difficultés
financières éprouvées par le débiteur) qui ont motivé celle-ci peuvent très bien aller en s'aggravant
et la caution être encore plus lourdement tenue.
En matière de prorogation légale ou judiciaire, c'est-à-dire lorsque le délai est accordé par la loi ou
le juge, les solutions peuvent varier mais il y a tout de même un principe de base. Le
cautionnement ayant précisément pour but de remédier à une éventuelle défaillance du débiteur à
l'échéance, le sursis que ce débiteur obtient, ici contre le gré du créancier, réalise le risque contre
lequel ce dernier s'est prémuni et que la caution a couvert. La caution peut donc être poursuivie,
peu important le caractère légitime ou non de la défaillance du débiteur (Cass. req., 28 févr. 1939).
Reste qu'il faut bien parfois tenir compte de procédures constatant l'insolvabilité du débiteur
principal, dont les effets vont parfois concerner la caution. On se contentera de mentionner deux
hypothèses importantes.
En droit des procédures collectives tout d'abord, on sait que le jugement d'ouverture du
redressement judiciaire arrête le cours des poursuites individuelles contre le débiteur. Mais la
caution n'était pas concernée par cette règle pour les dettes déjà exigibles : elle pouvait être
poursuivie, ou si elle l'était déjà les poursuites continuer.
Jurisprudence :
La Cour de cassation, prenant de la distance avec le caractère accessoire du cautionnement, a
décidé que les remises de dettes et les délais consentis par les créanciers ne profitaient pas à la
caution (v. Cass. 1re civ., 13 nov. 1996 ; 3 mars 1998).
Elle en déduit, le plan de redressement ne lui étant pas opposable, donc pas la réduction ou le
rééchelonnement de la dette obtenue par le débiteur surendetté, que la caution pourra réclamer à
ce dernier l'intégralité de la somme qu'elle a payé (Cass. 1re civ., 15 juill. 1999).
Présentation.
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Bien que le cautionnement simple soit aujourd'hui de moins en moins pratiqué au profit du
cautionnement solidaire, il reste, selon les textes, le droit commun ce qui justifie l'étude de ses
effets (pour une première approche du cautionnement simple).
La caution simple n'est en effet qu'un débiteur de second rang qui ne devra payer le créancier «
qu'à défaut du débiteur, qui doit être préalablement discuté dans ses biens ».
L'article 2021 du Code civil ne doit cependant pas laisser penser que le créancier ne peut
poursuivre la caution qu'après épuisement de tous les moyens d'actions contre le débiteur
principal.
L'article 2022 précise en effet que « le créancier n'est obligé de discuter le débiteur principal que
lorsque la caution le requiert, sur les premières poursuites dirigées contre elle ». Pourvu que la
dette impayée soit exigible, le créancier est donc en droit de poursuivre la caution.
Toute caution pourra en principe invoquer le bénéfice de discussion, mais la règle est cependant
assortie d'exceptions importantes. Sont notamment privées du bénéfice de discussion les cautions
solidaires (ce qui inclut aussi le cautionnement commercial en raison de la présomption de
solidarité) , mais également la caution ayant expressément renoncé à ce bénéfice (art. 2021, C.
civ.).
Quant aux conditions d'exercice du bénéfice de discussion, la caution doit d'abord le requérir « sur
les premières poursuites dirigées contre elle » (art. 2022, C. civ.).
Elle doit ensuite, deuxième condition très importante, « indiquer au créancier les biens du débiteur
principal » qui sont susceptibles d'être discutés (art. 2023, C. civ.). Ces biens doivent être situés
dans le ressort de la cour d'appel, ne pas être « litigieux », et si ce sont des biens « hypothéqués à
la dette » ils doivent encore être « en la possession du débiteur » (art. 2023, préc.).
Enfin, dernière condition, la caution doit « avancer les deniers suffisants pour faire la discussion »
(art. 2023, C. civ.), afin que l'exercice du bénéfice n'impose aucune charge supplémentaire au
créancier. Les effets du bénéfice de discussion doivent être bien compris : celui-ci n'a pas pour
effet de libérer la caution mais de suspendre les poursuites à son encontre, et si le créancier
n'arrive pas, ou alors imparfaitement, à se faire payer par le débiteur l'action contre la caution
reprendra.
Il faut également noter que le créancier assume certains risques. Aux termes de l'article 2024 du
Code civil, en effet, « toutes les fois que la caution a fait l'indication de biens...et qu'elle a fourni les
deniers suffisants pour la discussion, le créancier est, jusqu'à concurrence des biens indiqués,
responsable à l'égard de la caution, de l'insolvabilité du débiteur principal survenue par le défaut
de poursuites ».
• S'agissant maintenant du bénéfice de division, l'article 2025 du Code civil prévoit que «
lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions d'un même débiteur pour une même
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dette, elles sont obligées chacune à toute la dette ».
La règle posée serait donc celle de l'obligation au tout des cautions ? Pas tout à fait, puisque
l'article 2026 du Code civil précise que « néanmoins chacune d'elles peut, à moins qu'elle n'ait
renoncé au bénéfice de division, exiger que le créancier divise préalablement son action, et la
réduise à la part et portion de chaque caution ».
Toute caution peut en principe invoquer le bénéfice de division, sauf celle qui y a renoncé et bien
sûr aussi les cautions solidaires. Quant à ses conditions d'exercice, le bénéfice de division doit
être demandé avant toute défense au fond, et aux termes de l'article 2026 alinéa 2 du Code civil la
division ne peut être demandée qu'entre cautions solvables.
La doctrine a justement fait remarquer que de cette condition, il résulte que jusqu'au moment des
poursuites le risque d'insolvabilité de l'une des cautions pèse sur les autres (cf. Ph. Simler et Ph.
Delebecque, op. cit., n°133, p. 138). Enfin, quant aux effets du bénéfice de division, à la caution
qui l'aura opposé le créancier ne pourra réclamer que sa part dans la dette.
Deux types de recours . Comme la caution doit s'attendre à être exécutée mais ne doit pas
supporter le poids définitif de la dette, l'essentiel des rapports entre le débiteur et la caution se
concentre sur les recours que celle-ci est en droit d'exercer contre celui-là : recours après qu'elle
ait payé le créancier, mais aussi parfois avant même le paiement.
Il faut signaler d'emblée qu'il existe deux recours : l'un personnel à la caution, celui de l'article 2028
C. civ., l'autre tiré du droit commun des obligations et fondé sur la subrogation de la caution dans
les droits du créancier, celui de l'article 2029 du code.
La caution a le libre choix de celui qu'il veut exercer, et d'ailleurs rien n'interdit un exercice
simultané ou successif des deux recours (Cass. com., 30 nov. 1948).
La caution peut néanmoins en être privée, les perdre, à titre de sanction de sa négligence dans
deux hypothèses prévues par l'article 2031 du Code civil.
• Ainsi (1er al.), « la caution qui a payé une première fois, n'a point de recours contre le
débiteur principal qui a payé une seconde fois lorsqu'elle ne l'a point averti du payement
par elle fait ; sauf son action en répétition contre le créancier ».
• Ensuite, « lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le
débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du
payement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf
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son action en répétition contre le créancier ».
Recours personnel. Aux termes de l'article 2028 du Code civil, « la caution qui a payé a son
recours contre le débiteur principal...Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et
les frais...Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s'il y a lieu ».
Toute caution, simple ou solidaire, civile ou commerciale a donc vocation à exercer ce recours.
Une exception doit pourtant être signalée dans l'hypothèse d'une renonciation de la caution à
recourir contre le débiteur, parce qu'elle est alors animée d'une intention libérale à son égard.
S'agissant de l'objet du recours, la doctrine l'a très utilement précisé (cf. Ph. Simler et Ph.
Delebecque, op. cit., n°205, p. 178).
Il concerne d'abord le «principal», qui doit être entendu comme l'intégralité de ce qui a été versé
au créancier par la caution : capital de la dette, mais également intérêts, frais et accessoires.
Les «intérêts» visés ensuite par l'article 2028, ne sont donc pas ceux auxquels le créancier a droit
: ce sont ceux que le débiteur principal doit à la caution en réparation du préjudice que lui a causé
l'avance de fonds que celle-ci a dû faire.
C'est la même chose pour les «frais», qui sont en fait ceux que la caution a elle-même déboursés
soit lors de l'action intentée contre elle par le créancier, soit dans le cadre de son recours contre le
débiteur.
Enfin, les «dommages et intérêts» sont ceux que la caution peut réclamer au débiteur principal du
fait du préjudice que lui a causé l'exécution de son obligation. Ce préjudice pourra être constitué,
par exemple, par des mesures dilatoires du débiteur lors de sa demande de remboursement
(Cass. 1re civ., 18 déc. 1978).
Recours subrogatoire. Aux termes de l'article 2029 du Code civil, « la caution qui a payé la dette
est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur ».
Tous les droits, c'est-à-dire non seulement le droit de créance lui-même, mais aussi et surtout tous
les privilèges, sûretés réelles et personnelles ou autres droits préférentiels dont le créancier était
par ailleurs éventuellement bénéficiaire. Ce recours autorise donc la caution subrogée à exercer
l'action du créancier contre le débiteur. Mais ainsi que l'article 2029 l'indique, il suppose un
paiement, c'est sa condition sine qua non. Pas de subrogation avant paiement en droit français.
En outre, comme la caution est subrogée dans les droits du créancier à concurrence de ce qu'elle
a effectivement payé, elle ne peut pas réclamer plus et ne bénéficie donc pas des intérêts
conventionnels attachés à la créance, seulement des intérêts légaux à compter de son paiement
(cass. civ. 1re, 18 mars 2003) .
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Il est surprenant que la caution puisse agir contre le débiteur avant même d'avoir payé ou d'avoir
été poursuivie. Mais parfois, on peut craindre que le jour où la caution sera actionnée son recours
soit devenu illusoire. Aussi, pour des raisons mêlant prévention et équité, le législateur permet à la
caution de recourir contre le débiteur principal (v. S. Piedelièvre, op. cit., p. 68).
Aux termes de l'article 2032 du Code civil, en effet, « la caution, même avant d'avoir payé, peut
agir contre le débiteur, pour être par lui indemnisée : 1° Lorsqu'elle est poursuivie en justice pour
le payement ; 2° Lorsque le débiteur a fait faillite, ou est en déconfiture ; 3° Lorsque le débiteur
s'est obligé de lui rapporter sa décharge dans un certain temps ; 4° Lorsque la dette est devenue
exigible par l'échéance du terme sous lequel elle avait été contractée ; 5° Au bout de dix années,
lorsque l'obligation principale n'a point de terme fixe d'échéance, à moins que l'obligation
principale, telle qu'une tutelle, ne soit pas de nature à pouvoir être éteinte avant un temps
déterminé ».
Dans cette série de cas, limitativement énumérés, soit la caution est sur le point d'avoir à
s'exécuter, de sorte qu'il y a un réel intérêt à mettre en cause le débiteur, soit son obligation se
prolonge au-delà de ses prévisions ou en tout cas d'une durée raisonnable.
Aux termes de l'article 2033 alinéa 1er du Code civil, « lorsque plusieurs personnes ont cautionné
un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette, a recours contre les
autres cautions, chacune pour sa part et portion ».
En d'autres termes, même si l'une des cautions a été contrainte de payer, elle ne supportera pas
seule, dès lors qu'existent d'autres cautions de la même dette, la charge de celle-ci.
Ici également, la caution solvens bénéficie d'une option entre un recours personnel et un recours
subrogatoire.
• S'agissant du recours personnel ouvert à la caution «qui a acquitté la dette» contre les
cofidéjusseurs ayant garanti la «même dette», on se contentera de signaler qu'il importe peu
que les différents engagements de caution aient été souscrits dans le même acte ou pas
(Cass. req., 27 juin 1888), simultanément ou successivement (Cass. 1re civ., 3 oct. 1995).
C'est aussi un recours en contribution, c'est-à-dire qu'il tend à faire supporter par chacune des
cautions uniquement «sa part et portion» de la dette (cass. 1re civ., 10 janv. 1995). Enfin,
l'insolvabilité éventuelle de certaines cautions sera supportée par les autres cautions
solvables, et si, autre situation, les cautions se sont engagées dans des limites différentes,
c'est-à-dire pour des montant inégaux, il n'y aura pas partage égal de la dette mais seulement
une répartition proportionnelle au montant des engagements respectifs (Cass. 1re civ., 2 févr.
1982, et pour plus de détails, v. Ph. Simler et Ph. Delebecque, op. cit., n°161, p. 163).
• S'agissant du recours de la caution solvens contre ses cofidéjusseurs, le fondement de cette
action se trouve certainement dans le droit commun des obligations, et plus particulièrement
dans l'article 1251 3° du Code civil aux termes duquel « la subrogation a lieu de plein
droit...au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au payement de la
dette, avait intérêt de l'acquitter ». La caution est ainsi investie de tous les droits qu'avait le
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créancier contre le débiteur, et parmi eux d'éventuelles sûretés personnelles ou réelles que le
créancier pouvait avoir contre tel ou tel cofidéjusseur. Il est enfin à noter que le recours entre
cofidéjusseurs se divise de la même façon que le recours personnel (Cass. 1re civ., 5 mars
1975), et qu'une caution peut très bien renoncer à un tel recours, qui n'est pas d'ordre public,
soit au profit d'un ou de plusieurs cofidéjusseurs, soit au profit de tous (Cass. 1re civ., 9 mai
1990). Cela veut dire qu'elle accepte alors de supporter seule la charge de la dette, ou la part
contributive des cautions au bénéfice desquelles elle a renoncé au recours.
Le Code civil consacre un entier chapitre à l'extinction du cautionnement (art. 2034 à 2039). C'est
dire que les causes en sont nombreuses et variées. La classification habituelle traduit la double
nature du cautionnement. Contrat ordinaire, distinct de l'obligation principale, il « s'éteint par les
mêmes causes que les autres obligations », par ses causes propres (art. 2034, C. civ.).
Mais engagement accessoire, il s'éteint aussi chaque fois que l'obligation principale qu'il garantit
est éteinte. On peut même considérer qu'il s'agit là de son mode normal d'extinction puisque le
cautionnement est une sûreté. La caution peut ainsi opposer au créancier toutes les exceptions
relatives à l'obligation principale (art. 2036, C. civ.). On distingue donc traditionnellement extinction
par voie accessoire et extinction par voie principale.
Une des conséquences les plus marquantes du caractère accessoire du cautionnement est que
l'extinction de l'obligation garantie emporte de plein droit extinction du cautionnement.
La caution peut d'ailleurs opposer au créancier, aux termes de l'article 2036 al. 1er du Code civil, «
toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette »,
donc aussi les causes d'extinction de cette dette.
On passera donc en revue les différentes causes d'extinction de l'obligation principale, qui figurent
à l'article 1234 du Code civil.
D'abord, le paiement doit être fait par le débiteur. Le paiement qui serait fait par un tiers éteindrait
certes les droits du créancier garanti, mais laisserait subsister la dette du débiteur du fait de la
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subrogation du solvens dans les droits du créancier. La caution n'est donc pas, dans cette
hypothèse, libérée.
Ensuite, seul le paiement total éteint totalement l'obligation. Un paiement partiel de la dette
cautionnée ne libérerait la caution qu'à due concurrence (Cass. com., 29 mai 1979). Par ailleurs,
dans le cas où le cautionnement ne garantirait pas l'intégralité de la dette, le paiement partiel de
celle-ci s'imputera, sauf convention contraire, sur la partie non garantie (Cass. com., 28 janv.
1997) .
Aux termes de l'article 1281 al. 2 du Code civil, « la novation opérée à l'égard du débiteur principal
libère les cautions ».
La novation éteint l'obligation ancienne par une sorte de métamorphose. Une obligation nouvelle
va naître du fait du changement de l'une des parties, débiteur ou créancier, ou de l'objet de
l'obligation (élément objectif) , liée à l'ancienne mais cependant différente. Elle va l'éteindre. La
novation ne se présumant point, la volonté de nover doit être non équivoque et résulter clairement
des faits et actes intervenus (élément subjectif) entre les parties. Si ces deux éléments sont réunis,
l'effet extinctif de la novation interdit de reporter la garantie sur l'obligation nouvelle. Il n'en ira
autrement que si la caution accepte de maintenir sa garantie, mais c'est alors un engagement
nouveau, non dérogatoire à l'effet extinctif de la novation.
Aux termes de l'article 1287 al. 1er du Code civil, « la remise ou décharge conventionnelle
accordée au débiteur principal libère les cautions ».
Application du caractère accessoire, cette règle vaut aussi bien pour la remise de dette totale que
pour la remise partielle, la caution étant, dans ce second cas, déchargée à la même hauteur
(Cass. 1re civ., 28 oct. 1991) .
La situation propice à la compensation est celle dans laquelle le débiteur principal devient
lui-même créancier de son créancier, de sorte que les deux dettes peuvent s'éteindre entre elles.
Aux termes de l'article 1294 al. 1er du Code civil, « la caution [simple] peut opposer la
compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal ».
Pour la caution solidaire, ainsi qu'on l'a relevé (cf. L. Aynès et P. Crocq, op. cit., n°257, P. 99) ,
l'hésitation était permise puisque l'article 1294 al. 3 interdit au codébiteur solidaire de l'invoquer.
Mais la Cour de cassation a tranché : la caution, même solidaire, peut invoquer la compensation
de ce que le créancier doit au débiteur principal (Cass. 1re civ., 1er juin 1983), et ce d'ailleurs
même si ce dernier renonce à l'invoquer (Cass. com., 26 oct. 1999).
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S'agissant de la confusion, elle se produit, aux termes de l'article 1300 du Code civil « lorsque les
qualités de créancier et de débiteur se réunissent dans la même personne » et qu'ainsi « il se fait
une confusion de droit qui éteint les deux créances ».
Dans ces conditions, « la confusion qui s'opère dans la personne du débiteur principal profite à ses
cautions » (art. 1301, al. 1er).
On peut être plus rapide sur les autres causes d'extinction énumérées à l'article 1234 du Code civil
et ne traiter que les plus importantes.
Enfin, on peut évoquer une cause d'extinction que l'article 1234 du Code civil passe sous silence
mais que l'article 2038 traite spécialement : la dation en paiement.
Selon ce texte, « l'acceptation volontaire que le créancier a faite d'un immeuble ou d'un effet
quelconque en payement de la dette principale, décharge la caution, encore que le créancier
vienne à en être évincé ».
Dualité des causes d'extinction Accessoire par essence, le contrat de cautionnement n'en est
pas moins un contrat ordinaire qui s'éteint par les mêmes causes que les autres obligations (art.
2034, C. civ.). Il faut donc ici aussi examiner le droit commun avant d'étudier une autre cause
d'extinction, propre au cautionnement cette fois : le bénéfice dit de «cession d'actions» ou «de
subrogation».
Obligation de règlement et obligation de couverture. Les causes d'extinction que l'on retrouve
ici sont à peu de choses près les mêmes que dans l'extinction du cautionnement par voie
accessoire. Mais elles s'appliquent soit à l'obligation de règlement, libérant alors la caution, soit à
l'obligation de couverture, laissant survivre la garantie pour les dettes qui sont nées avant
l'événement ayant provoqué l'extinction (pour plus de détails sur ces causes que nous ne verrons
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pas toutes, cf. Ph. Simler et Ph. Delebecque, op. cit., n°178 s., p. 179 s.) .
• Le paiement
Le paiement effectué par la caution éteint sa dette envers le créancier mais laisse subsister celle
du débiteur, lequel reste tenu envers la caution sur le fondement des deux recours ouverts à cette
dernière par les articles 2028 et 2029 du Code civil. On notera que dans l'hypothèse d'un paiement
partiel de la caution, celui-ci s'impute d'abord, en application de l'article 1254 C. civ., sur les
intérêts (si la caution y est tenue) puis sur le capital.
• La remise de dette
Comme n'importe quel débiteur, la caution peut bénéficier d'une remise de dette consentie par le
créancier. Il faut cependant préciser que celui-ci ne renonce pas à sa créance mais seulement à la
sûreté.
C'est la raison pour laquelle, aux termes de l'article 1287 al. 2 du Code civil, une telle remise «
accordée à la caution ne libère pas le débiteur principal », non plus, en cas de pluralité de
cautions, que la remise accordée à l'une d'elle « ne libère les autres » (al. 3).
Déduction sera néanmoins faite, dans ce dernier cas, « de la part de celui auquel il a été fait
remise » (art. 1285, al. 2 C. civ. ; Cass. 1re civ., 11 juill. 1984).
• La prescription et la forclusion
Il faut signaler l'hypothèse de l'extinction de l'obligation de la caution par prescription. C'est celle
dans laquelle l'obligation de la caution est soumise à une prescription plus courte que celle de la
dette garantie, ce qui peut être le cas si un cautionnement commercial ou mixte, soumis à la
prescription de 10 ans (art. L. 110-4, C. com.), garantit une dette civile prescrite elle par trente ans.
Quant à la forclusion, on peut très bien imaginer que les parties au contrat ont stipulé un délai de
forclusion, cette clause prévoyant par exemple que la caution ne pourra être poursuivie au-delà de
tant de jours, semaines ou mois à compter de l'échéance de la dette (Cass. 2e civ., 14 oct. 1987) .
• La novation
L'obligation de la caution peut faire l'objet d'une novation, et par exemple le cautionnement initial
remplacé par un nouveau cautionnement souscrit par une personne différente.
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La Cour de cassation rappelle néanmoins souvent que l'engagement d'une nouvelle caution, en
l'absence de décharge expresse par le créancier de la première, n'emporte pas novation (Cass.
1re civ., 24 oct. 1979).
Il faut aussi signaler qu'en cas de pluralité de cautions, la novation opérée à l'égard de l'une d'elle
ne libère pas les autres de leur obligation, à moins qu'elles aient fait de l'engagement collectif une
condition de leur propre engagement (Cass. com., 7 déc. 1999) .
• La compensation
La caution peut bien sûr se prévaloir d'une dette du créancier à son égard. C'est alors comme si
elle avait exécuté son obligation.
L'hypothèse se rencontre plus souvent depuis que la jurisprudence admet que le créancier,
notamment le banquier distributeur de crédit, engage sa responsabilité à l'égard de la caution en
lui demandant de souscrire un engagement disproportionné par rapport à ses capacités de
remboursement.
Dans ce cas, les dommages et intérêts accordés par le juge se compenseront avec la dette de la
caution à concurrence de leur montant (Cass. com., 17 juin 1997, Macron).
L'effet de la résiliation est de limiter l'engagement de la caution aux dettes qui sont nées avant le
moment où elle intervient.
Elle n'éteint que l'obligation de couverture, pas l'obligation de règlement : la caution reste
tenue pour les créances ayant une origine antérieure à la résiliation, peu importe qu'elles soient
échues postérieurement (Cass. com., 16 oct. 1990).
Elle estime qu'on peut raisonnablement soutenir que dans l'esprit de la caution comme dans celui
du créancier, un lien existe entre la fonction exercée et la garantie consentie et que la cessation de
la fonction devrait constituer le terme implicite de la sûreté (v. notamment Ph. Simler et Ph.
Delebecque, op. cit., n°257, p. 222) . La jurisprudence a néanmoins pour le moment refusé
toute idée de terme implicite dans cette hypothèse (Cass. com., 24 avr. 1990) .
• Décès de la caution
Aux termes de l'article 2017 du Code civil , « les engagements des cautions passent à leurs
héritiers...si l'engagement était tel que la caution y fût obligée ».
Ainsi, première hypothèse, si la caution a garanti une ou des dettes déterminées, ses héritiers sont
tenus de la même façon que leur auteur.
C'est le cas même si la dette est à échéances successives (prêt ou bail) : les héritiers restent
tenus jusqu'à l'extinction du contrat (Cass. 1re civ., 20 juill. 1994, pour un prêt) . Bien sûr, les
héritiers peuvent toujours renoncer à la succession ou l'accepter sous bénéfice d'inventaire.
L'hypothèse qui pose problème, en revanche, est celle du cautionnement général.
Une telle sûreté peut-elle valablement obliger les héritiers pour les dettes qui sont nées
postérieurement au décès de la caution ?
De la même façon parce que la situation est courante, les héritiers peuvent-ils être obligés de
payer le solde débiteur du compte courant garanti par le de cujus au titre des opérations
postérieures au décès ?
Ici encore, c'est la distinction obligation de règlement - obligation de couverture qui a servi
de guide de solution : seule l'obligation de règlement des dettes nées antérieurement au décès
est transmise aux héritiers, l'obligation de couverture, elle, est éteinte (Cass. com., 29 juin 1982 ;
1re civ., 10 juin 1997 ; et pour le cautionnement d'un compte courant, Cass. com., 6 déc. 1988) .
Aux termes de l'article 2037 du Code civil, « la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux
droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en
faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite ».
Ainsi que l'explique la doctrine, l'hypothèse est ici celle d'un créancier bénéficiant, en plus du
cautionnement, d'autres sûretés, personnelles ou réelles, légales ou conventionnelles, ou encore
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de droits préférentiels divers.
Or, ces sûretés ou droits préférentiels peuvent profiter à la caution lorsque, ayant exécuté son
obligation, elle se retourne contre le débiteur principal ou contre des tiers sur le fondement de la
subrogation dans les droits du créancier.
Si la perte de ces droits est imputable au créancier, l'article 2037 du Code civil le prive de son
action contre la caution à titre de sanction, sorte de déchéance légale (cf. Ph. Simler et Ph.
Delebecque, op. cit., n°259, p. 225) . Voilà pourquoi on appelle aussi ce mécanisme «bénéfice de
subrogation». On en verra les conditions et les effets.
Bénéficiaires de la décharge.
Toutes les cautions peuvent se prévaloir du bénéfice de cession d'actions mais seulement
elles : caution simple, solidaire, caution réelle (Cass. com., 17 mars 1992) , certificateur de
caution, sous-caution notamment.
L'idée de base est qu'il faut pouvoir imputer au créancier une impossibilité préjudiciable de
subroger la caution dans ses droits, hypothèques et privilèges. S'agissant des droits visés par
l'article 2037 du Code civil, il y a deux remarques à faire
Il s'agit des hypothèques et privilèges, donc des sûretés réelles, qu'elles soient conventionnelles
ou légales, mais on peut ici entendre le concept de sûreté dans la pleine mesure de son sens,
c'est-à-dire tout droit qui confère une facilité de recouvrement supérieure au droit de gage général
du créancier chirographaire.
La caution sera ainsi déchargée si le créancier a perdu une hypothèque, un privilège, mais aussi
un nantissement de fonds de commerce (Cass. com., 3 nov. 1975 ; Cass. 1re civ., 26 janv. 1999,
relatif à l'exécution trop tardive du nantissement, alors que le fonds avait perdu toute valeur), un
droit de rétention (Cass. com., 25 nov. 1997) , une clause de réserve de propriété (Cass. com. 11
juill. 1988) ou encore un autre cautionnement (Cass. civ., 13 juin 1939) . Mais au-delà de la
catégorie des sûretés, la perte de tout autre droit préférentiel déclenchera également l'application
de l'article 2037.
Ainsi en est-il de la perte par le créancier d'une action en revendication (Cass. com., 14 févr. 1995,
à propos du défaut de revendication du matériel par un crédit-bailleur) , ou en résolution (Cass.
1ère civ., 17 févr. 1993), ou d’une action directe contre le maître de l’ouvrage dans laquelle la
caution avait vocation à être subrogée (Cass. com., 14 janv. 2004, RD bancaire et fin. mai-juin
2004, n°122, obs. A. Cerles ; RJDA 5/2004, n°625 ; JCP G 2004, I, 188, n°10, obs. Ph. Simler, à
propos d’une banque cessionnaire de créances professionnelles d’une entreprise sous-traitante
ayant omis d’exercer cette action).
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• La deuxième remarque a trait à l'époque de la constitution des droits.
On sait que la Cour de cassation limite le jeu de l'article 2037 à la perte de droits préférentiels
existant lors du cautionnement, ou lorsque le créancier n'a pas accompli les démarches
nécessaires à l'efficacité d'une sûreté qu'il s'était engagé à prendre (Cass. 1re civ., 13 mai 1998 ; 9
mai 1994). La décharge est ainsi refusée si le créancier n'a perdu que des droits ou sûretés
constitués postérieurement à l'engagement de caution (Cass. 1re civ., 17 oct. 1995), ou s'il n'a
finalement pas pris les sûretés qu'il avait la faculté de constituer (Cass. com., 25 janv. 1994) .
Ce jeu limité de l'article 2037 du Code civil était cependant tempéré par une jurisprudence
affirmant, en l'absence même d'un engagement du créancier de prendre une sûreté, que la
décharge pouvait tout de même avoir lieu si la constitution de cette sûreté était entrée dans les
prévisions des parties, de sorte qu'elle était légitimement attendue par la caution (v. notamment,
Cass. com., 13 avr. 1999 ; 11 avril 1995, considérant que la caution « pouvait légitimement croire
que le créancier constituerait un nantissement sur l'outillage et le matériel d'équipement que le prêt
avait pour objet de financer »).
Mais plus récemment, la Cour de cassation semble avoir voulu réduire la portée opératoire de ce
correctif, affirmant que la croyance de la caution dans le fait que le créancier prendrait d'autres
garanties est légitime si elle est fondée sur une mention figurant dans l'acte de cautionnement, ou
dans un acte antérieur ou concomitant afférent à l'opération de crédit.
La Cour de cassation attache donc la légitimité de la croyance à la présence d'une mention écrite,
à l'exclusion de ce que l'on peut simplement attendre d'un créancier diligent. La voie de la
croyance légitime semble ainsi se rétrécir.
" la seule référence à la nature d'un prêt est insusceptible, en l'absence d'une mention figurant
dans l'acte de cautionnement, ou dans un acte antérieur ou concomitant afférent à l'opération de
crédit, de caractériser la croyance légitime dans le fait que le créancier prendrait d'autres garanties
" ; v. aussi Cass. com. 15 févr. 2000 : dans le cas du cautionnement d'un prêt pour l'acquisition
d'un fonds de commerce, et où les actes de prêt et de cautionnement ne mentionnaient pas le
nantissement. Dans ces conditions, " rien ne permettaient aux cautions de prétendre qu'elles
avaient légitimement pu croire que la banque inscrirait un nantissement ".
• S'agissant du «fait» du créancier visé par l'article 2037 Code civil, il s'agit en réalité de
sa faute.
Ce dernier ne sera déchu de son action contre la caution que si la perte de droits préférentiels lui
est imputable, que ce soit par omission d'exercer en temps utile une action résolutoire (Cass. 1re
civ., 17 févr. 1993) , ou par négligence dans le renouvellement d'une inscription de la sûreté dans
le délai utile (Cass. com., 19 févr. 1985), ou encore s’il a laissé l’assiette de celle-ci se déprécier.
Tel est le cas, par exemple, si une banque bénéficiaire d’un nantissement sur fonds de commerce
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a laissé passer plus de deux ans après le premier impayé « sans (qu’elle) ait fait valoir ses droits
et privilèges contre le débiteur principal, de sorte que la valeur du fonds de commerce avait été
irrémédiablement dépréciée par l’effet de la liquidation judiciaire » (Cass. com. 28 janv. 2004, JCP
G 2004, I, 188, n°10, obs. Ph. Simler)
On peut encore citer comme faute du créancier le fait de donner prématurément mainlevée d'une
sûreté inscrite (Cass. com., 24 avr. 1974) ou de la réaliser dans des conditions désastreuses, bien
en dessous de la valeur du gage (CA Paris, 5 oct. 1966) , de s'abstenir de faire valoir le droit de
préférence lors de la vente du bien objet de la garantie (droit de rétention) .
Jurisprudence :
Par ailleurs, dans un arrêt de la première Chambre civile du 14 novembre 2001, la Cour de
cassation a rappelé que la perte de droits, privilèges et hypothèques ne décharge la caution que si
elle est " en relation directe avec le fait exclusif du créancier ".
En l'espèce, il s'agissait d'un fonds de commerce nanti qui avait perdu la plus grande partie de sa
valeur à cause de la déconfiture du débiteur avant même que soit prononcée la liquidation
judiciaire. La perte n'était donc pas due au fait exclusif du créancier même si l'exécution plus
rapide de la sûreté eut peut-être pu limiter le préjudice. L'arrêt d'appel qui avait déchargé la caution
était donc cassé.
En revanche, un arrêt de la première Chambre civile du 6 juin 2001 a affirmé que la mainlevée
volontaire, sans prise d'une autre sûreté, d'une hypothèque constitue un perte imputable au fait
exclusif du créancier, même si elle a été sollicitée par le débiteur ou caution autre que celle qui
invoque la décharge.
Jurisprudence :
Le bénéfice de cession d'actions sera par exemple refusé si le droit préférentiel perdu était de
toute façon inefficace du fait de son rang ou de l'absence de valeur de son assiette (Cass. 1re civ.,
25 juin 1980) , ou encore si la sûreté a été réalisée dans de très bonnes conditions par le créancier
(Cass. com., 14 nov. 1972) .
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Charge de la preuve.
Cette condition de préjudice pour qu’il y ait décharge de la caution a également posé une question
de charge de la preuve (pour une synthèse de la jurisprudence en la matière, v. obs. Ph. Simler in
JCP G 2004, I, 188, n°10) : est-ce à la caution qu’il appartient de prouver le préjudice qu’elle subit
ou au créancier d’établir l’absence de préjudice ?
Jurisprudence :
On sait que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a toujours décidé que le créancier
ne peut échapper à la sanction qu’en démontrant que la caution n’a éprouvé aucun préjudice ou
un préjudice moindre que le montant de la créance (v. par ex. Cass. com. 13 mai 2002, Bull. civ.
IV, n°73 ; D. 2002, act. 1629, 2e esp., obs. V. Avena-Robardet).
La troisième Chambre civile a rejoint cette position dans un arrêt du 4 décembre 2002 (Bull. civ. III,
n°245), et la première Chambre civile aussi, dans un arrêt en date du 18 mai 2004, alors qu’elle
statuait auparavant en sens contraire : la Cour de cassation affirme en effet qu’ « il appartient au
créancier, pour ne pas encourir la déchéance de ses droits contra la caution, d’établir que la perte
d’un droit préférentiel a causé à celle-ci un préjudice inférieur au montant de son engagement ou
ne lui en a causé aucun » (v. obs. préc. Ph. Simler).
Décharge de la caution.
Lorsque les conditions du bénéfice de subrogation sont remplies, la caution est libérée. Cette
décharge doit cependant être proportionnée à la valeur des droits préférentiels perdus si la
subrogation n'a pas été rendue impossible mais seulement amoindrie dans les avantages que
pouvait en attendre la caution.
Jurisprudence :
La Cour de cassation applique ici un principe de proportionnalité.(15 déc. 1998 : cassation de
l'arrêt qui avait totalement libéré la caution, alors que celle-ci " n'est déchargée qu'à concurrence
de la valeur des droits pouvant lui être transmis par subrogation et dont elle a été privée par le fait
du créancier ").
D'autre part, la mesure du préjudice doit être appréciée à la date de la défaillance du débiteur.
v. par exemple Cass. civ. 1re, 12 févr. 2002 : la cour d'appel aurait dû rechercher quelle aurait été
la valeur de la sûreté, si elle avait été prise, à la date de sa mise en oeuvre.
On terminera en soulignant que la renonciation par la caution au bénéfice prévu à l'article 2037 du
Code civil est interdite depuis la loi du 1er mars 1984 : « toute clause contraire est réputée non
écrite ».
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