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LE BLANCHISSAGE AU SAVON A L'ÉPOQUE DES ROIS D'UR


Par H. pe GENOUILLAC

Un texte de Tello conservé au Musée de Constantinople (n° 902) apporte une


intéressante confirmation à l'identification proposée ci-dessus par M. Thureau-Dangin: le
sumérien té (elteg) et l'assyrien uhulu désignent la potasse ou la soude. Ce texte est un
compte de vêtements qui proviennent, les uns de la manufacture de tissus (é-uš-bar), les
autres du ki-mu-ra. Ki-mu-ra (évidemment identique à ki-mur-ra) est la blanchisserie: en
effet, ki-mur-ra (Br., 13432) est expliqué par tumru, qui est en rapport avec idranu (82, 8-
16. 1, col. IV, 18) et désigne la cendre de lessive 1.
Un premier compte comprend 5 vêtements, le travail (id) effectué à leur sujet2 est
estimé à 195 journées, «l'huile (iá) est de 1 qa, la potasse (nidaba) est de 5 qa 1/2»; un
second compte a pour objet, d'une part 2 vêtements et 16 ceintures (parsigu) qui
représentent 56 journées de travail, de l'autre 3 vêtements évalués à 185 journées de travail,
«l'huile est d'un qa, la potasse est de 5 qa 1/6 (10/60) 3». Ces deux formules légèrement
différentes (2/11 et 6/31) sont-elles correctes au point de vue de la chimie industrielle? Je ne
saurais le dire4.
Le seul fait que les Sumériens aient découvert l'usage de la potasse 5 pour le
dégraissage de leurs laines et pour leurs ablutions, comme l'indique l'emploi d'un seul signe
(originel) pour exprimer le roseau, la cendre caustique et l'idée de se laver (ramâku), est
intéressant.
Le texte du cylindre B de Goudéa (IX, 6 et sv.) ferait donc, comme l'avait deviné M.
Thureau-Dangin, directement allusion à la fabrication du savon : (6) a azag-gi-da nidaba el-
e-da (7) iá bur-bàr-bàr-ra nidaba é-nun-na-da, «afin qu'il rende pur avec de l'eau, afin qu'il
nettoye avec de la potasse, afin qu'il mélange(?) l'huile de pot pure avec la potasse»

1 Akal tumri (gar izi-mur-ra, Rm., 79, 7-8), «pain (cuit sous la) cendre»: Thompson, Semitic magic, 139, n. 1.
2 Je ne sais si ce «prix» fait allusion au prix de revient ou à la valeur marchande estimée en «travail».
3 Dans les deux cas, le texte ajoute: «le gu est de 10/60.» Gu serait-il la potasse extraite des cendres (carbonate
de potasse) qu'on adjoint quelquefois à la lessive et qui ressemble à de la farine? Cp. zid-gu «fleur de farine»
(Hrozný, Kais. Ak. Wiss. Wien, 9 fév. 10).
4 Si on leur compare les formules de Ia fabrication moderne du savon (Chabrié, Chimie industrielle, 1905, p.
783), la proportion de la cendre caustique semble trop forte; mais, ignorant la composition des cendres
utilisées et le mode de leur utilisation, on ne saurait rien en conclure.
5 DIl semblerait qu'ils l'aient obtenue sous la forme pulvérisée, comme paraît l'indiquer ce passage d'un
syllabaire (Il R., 44. 61e et sv.; Del., WB., 233 et 357): «sac à argent, sac à sel, sac à potasse, sac à calames »,
su
du(g)-gán [corriger Br., 230: su du(g)-gán, d'où tukkanu de la colonne assyrienne] kû-babbar, su du(g)-gán
mun, su du(g)-gén té (elteg), su du(g)-gán gi-dub-ba.

CHALON-SUR-SAÔNE, IMPRIMIERE FRANÇAISE ET ORIENTALE DE E. BERTRAND 621

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