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Protection et promotion des investissements

Étude de droit international économique

Jean-Pierre Laviec

DOI : 10.4000/books.iheid.4184
Éditeur : Graduate Institute Publications
Année d'édition : 1985
Date de mise en ligne : 24 mars 2015
Collection : International
ISBN électronique : 9782940549542

http://books.openedition.org

Édition imprimée
ISBN : 9782130391678
Nombre de pages : 331

Référence électronique
LAVIEC, Jean-Pierre. Protection et promotion des investissements : Étude de droit international
économique. Nouvelle édition [en ligne]. Genève : Graduate Institute Publications, 1985 (généré le 05
mai 2019). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/iheid/4184>. ISBN :
9782940549542. DOI : 10.4000/books.iheid.4184.

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reconnaissance optique de caractères.

© Graduate Institute Publications, 1985


Creative Commons - Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 non
transposé - CC BY-NC-ND 3.0
1

Le domaine des investissements internationaux demeure l'un des plus incertains, et des plus
controversés, du droit international économique. Cet ouvrage analyse le droit contemporain sur
la base des traités qui sont apparus sur la scène internationale depuis la décolonisation. Quelques
200 conventions de ce genre sont aujourd'hui en vigueur. L'auteur montre l'émergence de
nouveaux principes, de protection et de coopération, s'appliquant aux investissements
internationaux. Il retrace l'évolution qui a eu lieu, depuis le droit coutumier de la protection des
étrangers, jusqu'aux règles des traités contemporains, qui visent souvent à surmonter les
problèmes rencontrés dans le passé.
Toutefois, à côté de leur fonction évolutive, les traités actuels ont aussi pour objet de consacrer
d'anciens principes coutumiers, que les débats sur le nouvel ordre économique international
avaient pu estomper. L'ouvrage approfondit les principales questions posées par les relations
internationales d'investissement. D'importants développements sont consacrés à des problèmes
peu étudiés jusqu'à présent, parce que d'origine récente, tels que les aspects financiers des
investissements internationaux. De par la richesse de sa documentation, ce livre constitue un
instrument de travail pour tous ceux, avocats, diplomates ou universitaires, qui sont confrontés
aux règles du droit international des investissements.

JEAN-PIERRE LAVIEC
En 1985 Jean-Pierre Laviec est secrétaire général dans une entreprise multinationale
textile. Docteur de l'Université de Genève, et diplômé de l'Institut d'études politiques de
Paris, il a enseigné en Amérique latine, à l'Université de Paris-Dauphine et à Genève.
2

SOMMAIRE

Préface
Michel Virally

Avant-propos
Jean-Pierre Laviec

Abréviations

Introduction

Chapitre I. Définitions des investissements étrangers


Section I. La notion d’investissement
Section II. Formes juridiques
Section III. Le rattachement d’un investissement à un État et à une économie nationale
Section IV. Le caractère privé ou public d’un investissement

Chapitre II. L’admission des investissements


Section 1. Le régime des conventions
Section II. Modalités de l’admission
Section III. Des mesures de promotion

Chapitre III. Les principes de traitement


Section I. Les onbligations coutumières de traitement
Section II. Les normes conventionnelles de traitement
Section III. Aspects du traitement d’un investissement

Chapitre IV. Le transfert des revenus et du capital investi


Section I. Les régimes de transfert dans leur contexte
Section II. Les catégories de transferts
Section III. Les règles monétaires des transferts

Chapitre V. L’expropriation et la nationalisation


Section I. Définitions
Section II. Les conditions de l’expropriation
Section III. L’indemnisation

Chapitre VI. La garantie des investissements en droit conventionnel

Chapitre VII. Les régimes des accords d’investissement


Section I. Conventions et accords d’investissement – Le domaine d’application des conventions
Section II – Effets des conventions

Chapitre VIII. Le recours au centre international pour le règlement des différends relatifs
aux investissements
Section I. La compétence du centre
Section II. Les effets du consentement à l’arbitrage
Section III. Les procédures
3

Chapitre IX. L’équilibre conventionnel

Conclusion

Bibliographie

Index des traités

Index alphabetique
4

NOTE DE L’ÉDITEUR
Cet ouvrage a été publié pour la première fois en 1985, dans la collection Publications de
l'Institut de hautes études internationales, Genève, aux Presses universitaires de France, Paris
(ISBN 2-13-039167-2). Il a reçu le prix Paul Guggenheim 1985.
5

Préface
Michel Virally

1 Le droit international des investissements étrangers, partie détachée — et de plus en plus


détachée — du droit international des étrangers, constitue probablement l’un des
domaines du droit international économique où se manifestent les désaccords les plus
sérieux, spécialement dans les rapports entre pays industrialisés et pays en voie de
développement. A ce titre, il fait l’objet de l’un des chapitres les plus tourmentés du droit
international du développement.
2 Malgré — ou à cause — de cela, c’est aussi un des secteurs où sont conclues le plus grand
nombre de conventions. Ce paradoxe apparent s’explique, au moins partiellement, par
une double contradiction. D’une part, beaucoup de pays du Tiers Monde, préoccupés de
sauvegarder leur souveraineté économique, manifestent de la méfiance à l’égard des
investissements étrangers, surtout s’ils sont le fait de sociétés multinationales. En même
temps, ils recherchent les avantages économiques et techniques susceptibles de leur être
apportés par de tels investissements, qu’ils s’efforcent en conséquence d’attirer. D’autre
part, de nombreuses sociétés sont elles-mêmes séduites par les perspectives de profits qui
leur sont offertes dans des pays en voie de développement, mais elles redoutent les
risques dits « politiques », c’est-à-dire extra-commerciaux, qu’elles courent dans ces pays,
dont la vie politique est souvent marquée par l’instabilité et dont l’appareil économique
doit, plus souvent encore, faire l’objet de transformations profondes, dont elles peuvent
avoir à supporter directement les effets.
3 La solution de ces difficultés a pu être cherchée, dans un premier temps, dans l’adoption
de législations nationales appropriées : codes des investissements dans les pays
importateurs d’investissements, systèmes d’assurance dans les pays exportateurs. Ces
mécanismes ne pouvaient pas, cependant, donner entièrement satisfaction, notamment
en raison de leur fragilité : une loi peut toujours être modifiée par une autre loi. Les
contrats de droit privé auxquels un Etat est partie ne sont pas eux-mêmes toujours à
l’abri d’une réforme législative et les contrats administratifs sont peut-être encore plus
malléables. La protection des étrangers par la loi nationale trouve ses limites précisément
dans le fait qu’elle est nationale.
6

4 Le niveau supérieur de protection est apporté par le droit international, que les Etats ne
peuvent manipuler individuellement : droit international coutumier, qui comporte de
nombreuses règles protectrices des intérêts étrangers, ou, s’il est insuffisant, contesté ou
mal adapté, droit conventionnel, que les Etats peuvent modeler selon leurs besoins,
lorsqu’ils sont d’accord pour le faire, mais qu’ils doivent ensuite respecter. La
prolifération des traités de promotion et de protection des investissements s’explique,
dès lors, aisément. Ils représentent une forme moderne des traités de commerce et
d’établissement et constituent aujourd’hui un réseau de plus en plus dense, en même
temps qu’un chapitre extrêmement dynamique du droit international économique,
lequel, on le sait, se rattache à la fois au droit international public et au droit commercial
international (ou transnational), ou, plus exactement, chevauche la frontière, de plus en
plus indistincte, qui est censée séparer ces deux disciplines.
5 Le grand intérêt de l’ouvrage de Monsieur Jean-Pierre Laviec est de présenter une vue
complète et ordonnée de ce système d’accords, maintenant bien développé et dont
l’importance pratique est considérable. Sans doute n’est-il pas le premier à s’y être
attaqué, mais les études générales précédemment consacrées à ce sujet, en langue
française tout au moins, ont plus de vingt ans et datent dans une matière en si rapide
mutation. De plus, il a su réunir une documentation considérable, comprenant
pratiquement tous les accords conclus au moment de la rédaction de son travail, et dont
la liste nous est fournie. Il a soumis ces instruments à un examen approfondi, en pleine
connaissance des mécanismes économiques des investissements qui ont, bien
évidemment, été déterminants dans les préoccupations de leurs négociateurs.
6 On admirera la fermeté et la sûreté de l’analyse menée à travers les chapitres qui
composent cet ouvrage, ainsi que l’équilibre et la maturité de jugement dont l’auteur a su
faire preuve, qu’il s’agisse de l’exposé des dispositions conventionnelles, ou de
l’appréciation de l’état du droit coutumier. Il s’agit là d’un ouvrage dont l’intérêt sera
durable, malgré l’évolution que connaît la matière et qu’elle connaîtra probablement
encore dans les années qui viennent. Les réflexions qu’il présente sont, en effet, établies
sur des fondations assez profondes pour résister au temps qui passe. Le lecteur s’en
convaincra rapidement.

AUTEUR
MICHEL VIRALLY
Professeur à l’Université de droit, d’économie et de sciences sociales de Paris et à l’Institut
universitaire de hautes études internationales de Genève
7

Avant-propos
Jean-Pierre Laviec

Pour Jacqueline

1 Cet ouvrage est le résultat de cinq années de recherches, entreprises auprès de l’Institut
universitaire de hautes études internationales de Genève, et, au-delà, d’une douzaine
d’années d’expériences professionnelles, consacrées en partie à traiter des problèmes
qu’il aborde.
2 Plusieurs personnes ont largement contribué à son processus de maturation ; qu’on me
permette ici de les remercier. L’expression de ma gratitude s’adresse d’abord à Monsieur
Stuart Robinson, Directeur au GATT et Professeur associé à l’Institut, qui m’a fait
bénéficier de sa profonde connaissance des relations monétaires et financières
internationales, durant ces années où j’ai eu le privilège de l’assister dans son
enseignement. Elle s’adresse aussi à Monsieur Michel Virally, Professeur à l’Université de
Paris et à l’Institut, qui m’a fait l’honneur de préfacer l’ouvrage ; il m’a ouvert des
horizons conceptuels auxquels ce travail doit beaucoup. De son côté, Monsieur Pierre
Lalive, Professeur à l’Université de Genève et à l’Institut, a bien voulu me guider au
travers des complexités du droit commercial international, avec le sens des réalités et le
dynamisme intellectuel qui lui sont propres. Bien que l’ouvrage porte les marques de
leurs influences, il va de soi que j’assume seul la responsabilité des opinions qu’il
contient.
3 Sur un plan plus matériel, je suis redevable envers de nombreux juristes et diplomates,
trop nombreux pour être nommés, qui m’ont apporté leur appui. Des responsables de
ministères, de missions diplomatiques à Genève, de banques, d’organismes de garantie
des investissements ont participé à la mise en oeuvre de l’étude, en acceptant de me
fournir maints documents et informations. Une note spéciale de gratitude revient aux
bibliothécaires de l’Institut et du Palais des Nations de Genève, pour leur aide efficace et
leur bienveillance.
4 Cet ouvrage est dédié à ma femme, Jacqueline Jouanguy-Laviec ; ce que je lui dois se situe
au-delà de tout commentaire.
8

5 Genève, avril 1985


9

Abréviations

1 ADI Anuario de Derecho Internacional


2 AFDI Annuaire Français de Droit International
3 AJIL American Journal of International Law
4 Annual Digest Annual Digest of Public International Law Cases
5 ASDI Annuaire Suisse de Droit International
6 BIRD Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (Banque
Mondiale)
7 British Digest A British Digest of International Law
8 Brownlie, Principles Principles of Public International Law
9 BYIL The British Year Book of International Law
10 Caflisch, Pratique suisse public La pratique suisse en matière de droit international
11 CDI Commission du Droit International
12 CIJ Cour International de Justice
13 CIJ, Mémoires Mémoires, plaidoiries et documents
14 CIJ, Recueil Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances
15 CIRDI Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements
16 Clunet Journal du Droit International
17 Col. JTL Columbia Journal of Transnational Law
18 CPJI Cour Permanente de Justice Internationale
19 CPJI, Série A Recueil des Arrêts
20 CPJI, Série B Recueil des Avis consultatifs
21 CPJI, Série A/B Arrêts, ordonnances et avis consultatifs
22 DPCI Droit et Pratique du Commerce International
23 FMI Fonds Monétaire International
24 Guggenheim, Traité Traité de Droit international public
25 GYIL German Yearbook of International Law
10

26 Hackworth, Digest Digest of International Law


27 ICLQ The International and Comparative Law Quarterly
28 IDI Institut de Droit International
29 ILA The International Law Association
30 ILM International Legal Materials
31 ILR International Law Reports
32 ILW Investment Laws of the World
33 JAIL The Japanese Annual of International Law
34 JWTL Journal of World Trade Law
35 Kelsen, Principles Principles of International Law
36 Kiss, Répertoire Répertoire de la pratique française en matière de droit international
public
37 E. Lauterpacht, British Practice British Practice in International Law
38 McNair, Opinions International Law Opinions
39 NILR Netherlands International Law Review
40 NYIL Netherlands Yearbook of International Law
41 OCDE Organisation de Coopération et de Développement Economiques
42 ONU Organisation des Nations Unies
43 Prassi italiana La prassi italiana di diritto internazionale
44 RBDI Revue Belge de Droit International
45 RC Académie de Droit International, Recueil des Cours
46 RDI Rivista di Diritto Internazionale
47 Répertoire suisse Répertoire suisse de droit international public
48 Restatement (2d) American Law Institute, Restatement of the Law, Second - Foreign
Relations Law of the United States
49 Rev. crit. Revue critique de droit international privé
50 RGDIP Revue Générale de Droit International Public
51 RSANU Nations Unies, Recueil des Sentences Arbitrales
52 RTNU Nations Unies, Recueil des Traités
53 US Digest Digest of United States Practice in International Law
54 Verzijl, International International Law Law in Historical Perspective
55 Ch. de Visscher, Théories Théories et Réalités en Droit International Public
56 Whiteman, Damages Damages in International Law
57 Whiteman, Digest Digest of International Law
11

Introduction

1 Au cours du XXe siècle, peu de thèmes économiques auront été aussi controversés que
celui des investissements étrangers. De par la place qui leur a été attribuée, à tort ou à
raison, dans les expansions coloniales, les investissements étrangers se sont trouvés au
centre des passions, idéologiques et politiques, de ce siècle. Et, bien que l’on connaisse
aujourd’hui des expansionnismes autres que d’origine financière, il serait prématuré
d’affirmer que les dissensions liées au rôle des investissements étrangers appartiennent
au passé.
2 Notre propos n’est certes pas d’analyser les dimensions historiques, politiques,
économiques du phénomène, ni a fortiori de céder aux passions évoquées. Le contexte et
les faits seront supposés connus ; à dessein, le champ de l’étude débute avec la fin de la
période coloniale. Si le juriste est parfois décrit comme un technicien de la vie sociale,
nous chercherons à expliciter les rouages juridiques qui meuvent, ou freinent, les
relations internationales d’investissement.
3 Depuis 1960, le droit international relatif aux investissements étrangers a connu de
profonds changements, sous l’effet des transformations qui se sont opérées dans la
communauté internationale. Il en a résulté des remises en cause de cette branche du
droit, des incertitudes quant à la validité actuelle de certains principes coutumiers, et un
recours croissant aux règles des traités. Cet ouvrage a pour but d’exposer le droit en
vigueur, en dégageant à la fois les éléments de continuité et d’évolution qui se sont
manifestés au cours de la période contemporaine.
4 Plus précisément, l’analyse sera centrée sur le droit des traités. Ceux-ci sont de deux
types. Le premier concerne des traités bilatéraux, dont le succès a été remarquable
puisqu’environ 200 d’entre eux ont été conclus au cours de la période considérée, qui
mettent en relation des pays exportateurs et des pays importateurs de capitaux ; ils sont
fréquemment dénommés des Conventions relatives à la promotion et à la protection des
investissements. Le second est un traité multilatéral, la Convention pour le Règlement des
Différends relatifs aux Investissements entre Etats et Ressortissants d’autres Etats, qui a été
conclue à Washington le 18 mars 1965, sous les auspices de la Banque mondiale 1. Comme
on le verra, il existe une corrélation croissante entre les règles de droit matériel, ou de
fond, définies par les traités bilatéraux et le système de procédures mis en place par la
Convention de Washington.
12

5 Le recours aux traités offre les avantages reconnus de la sécurité juridique, de la


précision, et du libre consentement des Etats concernés. En période d’incertitude ou de
fluctuations du droit, ils constituent un terrain ferme. Mais des traités, faut-il le rappeler,
ne doivent pas être analysés comme des systèmes hermétiques. Ils demeurent régis par le
droit international général, qu’ils peuvent confirmer, auquel ils peuvent déroger, ou
auquel ils font parfois référence ; les dispositions d’un traité demandent à être
interprétées à la lumière du droit international général qui lui est contemporain. En ce
sens, notre étude prendra en considération les principes pertinents du droit des gens,
ainsi que d’ailleurs, lorsque l’exposé l’exigera, des principes de droit international privé
et de droit comparé.
6 A titre liminaire, nous voudrions expliciter les fondements de notre démarche. En règle
générale, les questions d’investissement sont analysées sous l’angle de la protection ; elles
sont rarement abordées sous celui de la coopération économique. Nous nous
interrogerons sur les causes de cette situation. D’une part, nous chercherons à cerner ce
que la notion de protection recouvre ; si toute règle de droit protège, par définition, les
conditions, les formes, les effets d’une protection juridique varient. Lorsqu’on se réfère à
la protection des investissements étrangers, qu’entend-on par là ? Cette question
constituera l’un des thèmes majeurs de l’ouvrage.
7 L’autre se rapporte aux relations entre les aspects juridiques et les aspects économiques
de la matière. Par rapport aux relations commerciales et monétaires entre pays, qui sont
régies par divers accords multilatéraux et organisations internationales, les relations
juridiques concernant les investissements internationaux demeurent dans un état plutôt
sommaire. Du point de vue économique, un tel retard ne se justifie guère ; les flux
d’investissement ne sont pas moins importants que les transactions commerciales ou
monétaires. Il se pourrait donc que des explications à ce phénomène soient à rechercher
dans d’autres secteurs des relations internationales, notamment sur le plan juridique. En
d’autres termes, existe-t-il des motifs pour considérer que le droit a favorisé, ou au
contraire qu’il a freiné les possibilités de coopération entre pays exportateurs et
importateurs de capitaux ? Sur quelles bases juridiques une telle coopération pourrait-
elle progresser ? Ce sera le second thème de l’étude, qui est, d’ailleurs, étroitement lié au
précédent.
8 Les questions de protection des investissements étrangers, et de coopération, occupent
donc une place centrale dans cette branche du droit et dans notre propos. Dans cette
partie introductive, nous nous efforcerons de les mettre en perspective.

1. La protection des investissements étrangers

9 Il existe, on l’a mentionné, de multiples formes de protection juridique. De plus, la


matière étudiée, les investissements, reste largement inconnue du droit coutumier. Le
concept d’investissement est d’origine récente, et il apparaît essentiellement dans le droit
conventionnel. Il est donc possible que nous nous trouvions face à une matière nouvelle,
qui devra être explorée sans recourir à des principes préexistants.
10 Pourtant, on rappellera qu’une vaste branche du droit des gens s’est développée depuis
plus de deux siècles, dont l’objet est la protection des étrangers et de leurs biens. Dans ce
contexte, la protection d’investissements, qui de prime abord sont des biens, renverrait à
un corps de règles élaborées, à une tradition importante dans laquelle elle s’insérerait. A
13

ce stade, une telle hypothèse ne peut pas être exclue. Par là, quelques remarques sur le
droit de la protection des étrangers et sur son évolution s’imposent.
11 En droit international, la protection d’un étranger repose sur une relation triangulaire.
Elle met en présence deux Etats, sujets de droit international, et une personne, qui est la
destinataire de la protection accordée par le droit des gens.
12 Selon les termes de Vattel2, un souverain territorial doit protection à l’étranger qu’il
reçoit, comme s’il s’agissait de l’un de ses propres sujets. Au cas où l’étranger serait
victime d’un dommage, le souverain national pourrait exercer un droit de protection en
faveur de son sujet, et à l’encontre de l’Etat auteur du dommage. Le droit de protection
diplomatique, droit propre de l’Etat national, ne peut être exercé qu’en engageant la
responsabilité internationale de l’Etat ayant commis un fait illicite sur la personne ou les
biens d’un étranger.
13 Si l’on remonte aux origines du droit, il est à noter que la relation de protection a été
établie selon un tryptique Etat-personne-bien, dont les facteurs de rattachement étaient
relativement directs et identifiables. Le lien conférant un titre de protection à un Etat
était un lien de nationalité, et le rapport entre un étranger lésé et son patrimoine était, en
général, un rapport de propriété.
14 Ces aspects élémentaires ne sont rappelés que pour les comparer à certaines relations
d’investissement contemporaines. Avec l’impressionnant développement des sociétés
commerciales, situées dans des pays différents, et liées entre elles par des relations
souvent complexes, qu’est-il advenu de la simplicité originelle des principes évoqués ? On
constate que les facteurs de rattachement qui ont déterminé le droit de protection
diplomatique se sont singulièrement médiatisés, qu’il s’agisse des rapports de propriété
ou des liens de nationalité.
15 Pour illustrer notre propos, nous prendrons comme exemple l’Affaire, significative à cet
égard, de la Barcelona Traction3. Les faits et l’Arrêt de la CIJ en seront supposés connus.
16 En ce qui concerne les rapports de propriété, l’affaire mettait en cause des personnes
physiques belges, qui étaient censées être actionnaires majoritaires d’une société
anonyme de droit belge, la Sofina, ayant pour filiale une autre société belge, la Sidro, elle-
même majoritaire dans le capital d’une société-holding de droit canadien, la Barcelona
Traction, Light and Power Company, Ltd. Cette dernière société possédait des
investissements importants en Espagne, soit à travers des sociétés-filiales espagnoles, soit
à travers des filiales canadiennes. A l’évidence, les rapports entre les investisseurs belges
et les investissements en Espagne ne pouvaient pas être définis comme des droits de
propriété. Chaque société anonyme, qui pouvait être conçue comme un relais, avait aussi
pour effet de modifier la nature juridique des relations entre les biens espagnols et les
personnes belges. Un actionnaire ne possède pas de droit direct sur les actifs d’une
société ; cette relation est une relation indirecte d’intérêts. Chaque personne morale était
propriétaire des actifs investis, et chaque actionnaire était titulaire de droits propres vis-
à-vis d’une société. Entre les biens saisis et les personnes qui s’affirmaient lésées, il
existait donc une chaine de relations juridiques, qui médiatisaient leurs liens.
17 Si l’on considère, en second lieu, les liens de nationalité, une médiatisation du même
ordre pouvait être observée. L’Etat belge entendait exercer son droit de protection
diplomatique en faveur de ses nationaux, pour des actes illicites commis sur des
investissements en Espagne qui auraient été imputables à l’Etat espagnol. Mais les
investissements en cause appartenaient soit à la Barcelona Traction, personne morale de
14

droit canadien, soit à d’autres personnes morales, espagnoles et canadiennes, que la


Barcelona Traction contrôlait. En postulant, à ce stade, que des personnes morales soient
assimilées à des personnes physiques sur le plan de la nationalité, il apparaît que le droit
de protection de personnes morales canadiennes appartenait à l’Etat canadien, et que
l’Espagne possédait, a priori, une compétence exclusive à l’égard des personnes morales
ayant sa nationalité.
18 A travers cet exemple, on entrevoit quelques-unes des difficultés d’application de la
protection diplomatique dans les circonstances économiques actuelles. Pourtant, la
Belgique considérait, non sans quelque raison, que les investissements en litige étaient
bien rattachés à ses ressortissants et à l’économie belge. Aussi, pour contourner les
difficultés évoquées et en cherchant à traduire la réalité économique, le Gouvernement
belge présenta-t-il de nouveaux arguments. L’un, qui fut à l’origine de la nouvelle
requête, consista à demander réparation des préjudices que des personnes physiques
belges auraient subi dans leurs intérêts indirects d’actionnaires4. Parmi les arguments
invoqués, on fit également valoir qu’un Etat avait le droit de protéger directement les
investissements de ses ressortissants à l’étranger, car ceux-ci faisaient partie des
ressources économiques d’une nation, en l’occurence de la Belgique5.
19 On retiendra de ces arguments qu’ils tentaient de se démarquer d’une relation de
protection strictement personnelle, fondée sur des liens directs entre un Etat, une
personne de même nationalité, et des biens appartenant à cette personne. La demande
fondée sur les intérêts des actionnaires aboutissait à passer outre la personnalité
juridique des différentes sociétés anonymes pour mettre au premier plan les intérêts
« réels » qu’elles recouvraient. L’argument revendiquant un droit direct de protection des
ressources économiques d’un pays situées à l’étranger écartait, quant à lui, toute
considération de protection personnelle pour mettre en évidence la relation qui existait
entre les deux économies, et les intérêts de l’Etat d’origine des investissements.
20 Comme on le sait, la Cour n’a pas reconnu le jus standi de l’Etat belge dans cette affaire.
Toutefois, elle s’est prononcée sur divers arguments, notamment sur celui d’un droit
direct de sauvegarde des investissements d’un pays à l’étranger. Elle a jugé que « (...) ce
genre d’action est tout à fait différent de la protection diplomatique et se situe sur un autre plan » 6.
Et elle a ensuite ajouté : « Toute une évolution a eu lieu depuis la deuxième guerre mondiale en
matière de protection des investissements à l’étranger, qui s’est traduite par la conclusion de
traités bilatéraux ou multilatéraux entre Etats ou d’accords entre Etats et sociétés »7. Par là, la CIJ
faisait directement référence au droit contemporain des traités.
21 Il existe donc divers modes de protection des investissements étrangers. Le droit de
protection diplomatique, qui bénéficie du poids de la tradition coutumière, en est un.
Mais les traités contemporains instituent peut-être de nouvelles relations de protection,
afin notamment de surmonter les problèmes posés par la protection diplomatique. La
recherche de ces différents types de protection sera au centre de notre travail. Nous
verrons que les traités contemporains instaurent des formes nouvelles de protection, qui
se traduisent dans certains cas par une sécurité juridique accrue, et dans d’autres cas par
un relatif effacement du rôle de l’Etat. Au total, ces modes récents de protection
apparaissent aussi comme des alternatives pour éviter les écueils de la protection
diplomatique, dont ils consacrent le déclin. Mais la protection des traités n’est pas
seulement innovatrice ; par d’autres aspects, elle s’inscrit dans la continuité du droit
international général. En ce sens, l’intérêt des traités est de réaffirmer la validité
15

d’importants principes coutumiers, notamment à l’égard de nouveaux Etats qui ne se


sentaient pas liés par une coutume à la formation de laquelle ils n’avaient pas participé.

2. La coopération en matière d’investissements

22 Nous avons évoqué le peu de considération que le droit international accordait, de prime
abord, aux aspects économiques des relations d’investissement. Jusqu’à une date récente,
les principes relatifs à la protection des étrangers, toutes catégories confondues, ont
dominé la scène. En conséquence, le droit des gens a traité de la même manière la
protection à laquelle a droit un touriste arbitrairement jeté en prison à l’étranger, et, par
exemple, les difficultés qu’éprouvent parfois des entreprises pour rapatrier les revenus de
leurs investissements. Aujourd’hui, il nous semble que des questions aussi différentes ne
peuvent plus être placées sur le même plan.
23 Les questions d’investissement ont acquis une importance économique majeure. Il est
incontesté que la croissance économique d’un pays dépend d’un taux d’investissement
qui soit supérieur au taux d’amortissement et d’obsolescence du capital productif
existant. Plus récemment, les travaux de Keynes8 et de ses disciples ont mis en évidence la
fonction de multiplicateur de l’investissement, celui-ci jouant un rôle-clé pour contrer les
tendances cycliques au sous-emploi des ressources productives. En d’autres termes, il est
largement admis que l’investissement est une fonction d’une importance cruciale dans
une économie, à un double titre : à long-terme, il est un moteur de la croissance ; dans le
cadre des équilibres macro-économiques, il peut être un facteur de ré-équilibrage.
24 Il ne nous appartient pas d’approfondir des analyses économiques sur la fonction
d’investissement. Ces éléments doivent être retenus, au même titre que d’autres
fonctions, tout aussi embarrassantes pour les juristes, telles que la masse monétaire ou
l’équilibre de la balance des paiements, parce qu’elles ont cessé d’être des questions
purement économiques. De ces fonctions, entre autres, dépendent l’évolution
économique d’un pays, et la capacité d’un système à satisfaire les besoins matériels de ses
habitants. Dès lors que les pouvoirs publics ont cherché à les influencer ou à les
réglementer, elles sont aussi devenues des questions juridiques. En matière
d’investissement, toute une panoplie d’instruments de politique économique ont été mis
en place depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. De telles mesures, qui se
retrouvent à des degrés divers dans chaque ordre juridique, possèdent en général un
caractère sélectif.
25 De même, au plan individuel, la théorie économique a élucidé les facteurs qui exercent
une influence, favorable ou non, sur les décisions d’investissement. Un investisseur
rationnel, qu’il s’agisse d’une personne ou d’une entreprise, recherche une optimalisation
de sa consommation dans le temps, sa décision d’investissement à un moment donné
étant à la fois un renoncement à une consommation présente, et une préférence pour une
consommation future majorée. Dans ce contexte, les paramètres de base qui influencent
une décision d’investissement sont les revenus escomptés, la durée, et les risques. Sur la
scène internationale, certains risques non-commerciaux jouent un rôle qu’ils n’ont pas
ailleurs ; il peut s’agir de l’évolution d’une législation, de changements politiques, voire
de conflits armés. De tels risques peuvent être réduits, par exemple en instaurant un
cadre juridique qui présente des garanties de stabilité et de sécurité. Tout comme la
perspective de revenus majorés, la réduction des risques engendre une incitation à
investir.
16

26 Les droits nationaux, on l’a mentionné, ne sont pas restés indifférents à ces
considérations de nature économique. Nous étudierons si une évolution analogue se
manifeste en droit international. D’emblée, rappelons que les récents traités bilatéraux
n’ont pas pour seul but la protection des investissements étrangers ; ils visent aussi leur
promotion. Il est possible que sous ce terme, issu du langage commercial, les questions
qui viennent d’être évoquées soient traitées. Dans cette optique, le droit des traités
contribuerait à établir des mesures de coopération entre deux pays, en cherchant à
concilier leurs intérêts économiques communs.
27 Nous montrerons que cette interprétation est justifiée. Une coopération en matière
d’investissements se dessine au travers des traités bilatéraux, contrastant avec l’état du
droit international général. Elle se fonde sur des éléments de réciprocité réelle entre les
avantages et les obligations qui sont consentis par les parties aux traités. On se gardera,
toutefois, d’exagérer la place qui revient à ces mesures de coopération dans le droit
contemporain des traités. Celles-ci manquent souvent d’élaboration, et, dans la plupart
des cas, on doutera qu’elles soient à la mesure des problèmes économiques qui se posent.
Il ne s’agit que d’une première phase de coopération, qui ouvre sans doute des
perspectives de développement.

3. Les Conventions d’investissement

28 La Convention de Washington n’a guère besoin d’être introduite. Il n’en va pas de même des
Conventions relatives à la promotion et à la protection des investissements, qui demeurent peu
connues. Dans le recueil qu’il en a dressé en 1983, le CIRDI a reproduit les textes de 184
Conventions de ce genre9. Compte tenu des signatures postérieures, le chiffre avoisine
aujourd’hui 200 traités.

a) Répartition

29 D’une manière générale, les parties aux Conventions bilatérales sont, d’une part un pays
exportateur (net), et de l’autre un pays importateur (net) de capitaux. Jusqu’à présent,
elles n’ont pas été conclues entre pays qui sont, de part et d’autre, des exportateurs de
capitaux. Un petit nombre de traités ont été conclus entre pays importateurs de
capitaux ; l’Egypte et la Yougoslavie, par exemple, sont devenues parties à plusieurs
Conventions avec d’autres pays importateurs de capitaux.
30 Nous avons recours à une terminologie établie en droit international, qui distingue, en
matière de capitaux, des pays importateurs et exportateurs10. Dans la matière étudiée, elle
reste plus pertinente que d’autres catégories, telles que « les pays en développement » et
« les pays développés à économie de marché ». La République de Corée, par exemple, n’est
plus considérée comme un pays en développement ; mais elle demeure importatrice nette
de capitaux. En outre, cette terminologie présente l’avantage de n’être pas à sens unique.
Un pays importateur net peut être en même temps un substantiel exportateur brut de
capitaux ; que l’on se réfère à l’Inde. Il s’agit d’une situation de fait, qui n’est ni
unilatérale, ni irréversible ; doit-on rappeler que les pays d’Europe occidentale étaient
d’importants importateurs nets de capitaux en 1945, et que des pays producteurs de
pétrole sont récemment devenus de substantiels exportateurs de capitaux ?
31 Parmi les pays d’origine, des Conventions bilatérales ont été conclues par la République
fédérale d’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, les Etats-Unis d’Amérique, la
17

Finlande, la France, l’Italie, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et


la Suisse.
32 Du côté des pays d’accueil, nous avons répertorié 60 pays qui étaient liés par des
Conventions en vigueur, situés sur cinq continents et régions, soit :
• en Afrique : Benin, Cameroun, Congo (Rép. populaire), Côte d’Ivoire, Egypte, Gabon, Guinée,
Haute Volta, Ile Maurice, Kenya, Lesotho, Liberia, Madagascar, Malawi, Mali, Maroc,
Mauritanie, Niger, Ouganda, République Centrafricaine, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone,
Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Tunisie, Zaïre, Zambie ;
• en Amérique latine et aux Caraïbes : Belize, Costa Rica, Equateur, El Salvador, Haïti, Panama,
Paraguay ;
• en Asie : Bangladesh, Chine (Rép. populaire), Corée (Rép. de), Inde, Indonésie, Malaisie,
Pakistan, Philippines, Singapour, Sri Lanka, Thaïlande ;
• en Europe : Bulgarie, Grèce, Malte, Portugal, Roumanie, Yougoslavie ;
• au Moyen-Orient : Iran, Israël, Jordanie, Syrie, Turquie, Yemen (Rép. arabe).
33 L’énumération des parties aux Conventions bilatérales appelle quelques observations.
34 D’abord, de par le nombre et la répartition géographique, économique, socio-politique
des Etats-parties, la diversité des réseaux conventionnels est exceptionnelle à l’échelle
internationale.
35 Toutefois, deux groupes de pays sont majoritairement restés à l’écart du processus. Ce
sont d’abord les Etats d’Europe orientale, l’URSS en tête, dont les traditions politiques et
économiques s’accommodent mal de ce genre de traités ; on notera pourtant la présence
de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Yougoslavie, et en Asie de la Chine parmi les
signataires des Conventions d’investissement. D’autre part, les grands pays d’Amérique
latine ne figurent pas sur la liste. Fidèles à la doctrine Calvo, ils refusent de conclure des
traités relatifs aux investissements, qu’ils estiment être de la compétence exclusive de
chaque Etat.
36 Ces exceptions notées, on constatera que les pays concernés sont trop nombreux et divers
pour être classés dans une quelconque catégorie. Dans les relations internationales,
notamment bilatérales, il est courant que des accords entre Etats interviennent sur la
base d’affinités politiques, économiques, ou autres. Il n’y a pas de raison d’estimer que des
facteurs meta-juridiques ne sont pas aussi à l’oeuvre en matière d’investissements, qu’ils
n’influencent pas la négociation des traités, et éventuellement le régime juridique
convenu entre deux Etats. Mais autre chose est de soutenir que ces facteurs sont
déterminants, et que l’ordre juridique instauré serait le reflet de conceptions
particulières, de nature politique, économique ou juridique. Ni l’identité des signataires
des Conventions, ni le contenu des textes n’autorisent des affirmations péremptoires en
ce sens.

b) Origine et évolution

37 Du point de vue historique, deux traités sont à l’origine des Conventions


d’investissement. L’un, intitulé Treaty for the Promotion and Protection of Investments, a été
conclu entre la République fédérale d’Allemagne et le Pakistan le 25 novembre 1959 ; il est
entré en vigueur le 28 avril 1962. L’autre, entre la Tunisie et la Suisse, dénommé Traité
relatif à la protection et à l’encouragement des investissements de capitaux, a été conclu le 2
décembre 1961, et il est entré en vigueur le 19 janvier 1964. II n’est pas indifférent de
18

noter que, selon le Gouvernement suisse, l’initiative d’un traité séparé sur les
investissements est revenue au Gouvernement tunisien11.
38 Depuis le début des années 1960, un nouveau type de traité sur les investissements a donc
fait son apparition, et il a connu une remarquable prolifération. Le rythme d’évolution
mérite également d’être souligné.
39 Du point de vue des pays d’origine, l’Allemagne fédérale et la Suisse ont été les seuls pays,
au début, à proposer à leurs partenaires de telles Conventions ; ils restent d’ailleurs ceux
qui en ont conclu le plus grand nombre. D’autres pays ont suivi, avec des délais plus ou
moins prononcés : la Belgique à partir de 1966, la France depuis 1972, le Royaume-Uni
depuis 1975, le Japon et la Suède à partir de 1978. Les Etats-Unis, qui auparavant
prônaient de préférence, soit la conclusion de traités de commerce, soit des accords de
garantie des investissements en forme simplifiée, ont initié leur propre programme avec
la signature d’une Convention Etats-Unis-Egypte en septembre 1982.
40 Du point de vue des pays d’accueil, des décalages analogues sont perceptibles. La Tunisie,
qui a joué un rôle précurseur en ce domaine, a conclu cinq Conventions dans la période
1961-64. L’engagement de la Yougoslavie date de 1975. La Chine, pour sa part, a attendu
1982 pour signer une première Convention d’investissement, avec la Suède.
41 Une telle évolution indique que l’adhésion des intéressés à des traités d’investissement
n’a pas été acquise d’emblée, ni de manière uniforme. En fait, nombre de gouvernements
et de législateurs ont émis des doutes, et manifesté des réticences sur l’opportunité de ces
traités. En fonction des expériences historiques qu’ils ont subies, des pays ayant été
colonisés ont craint que certains de leurs intérêts légitimes ne soient, en définitive, lésés.
Dans des pays industrialisés, des réserves ont été émises sur l’effectivité qu’on pouvait
attendre de ces Conventions. Le contenu des accords a été modifié, complété, amendé, au
gré des orientations et des intérêts de chacun, ce qui leur confère actuellement une
intéressante variété12. De leur côté, les investisseurs privés ont mis quelque temps avant
de mesurer l’importance que de tels exercices diplomatiques pouvaient avoir sur la
conduite de leurs affaires13. Le développement des réseaux conventionnels n’a donc pas
été exempt d’obstacles et d’objections ; mais le fait même qu’en dépit de ces difficultés un
nombre croissant de pays aient choisi d’y adhérer atteste qu’ils répondent à un besoin
profond.

c) Typologie

42 Précisons ce qu’il convient d’entendre par des Conventions relatives à la promotion et à la


protection des investissements. L’identification d’un genre est le résultat d’une abstraction ;
la dénomination et le contenu de Conventions particulières ne sont pas pour autant
identiques.
43 Ainsi, la Convention entre l’Allemagne fédérale et la République malgache est intitulée
Traité relatif à l’encouragement des investissements ; l’élément de protection a disparu. En
revanche, la Convention Etats-Unis-Panama a pour titre Treaty concerning the Treatment and
Protection of Investment ; on n’y trouve pas mention de promotion ou d’encouragement.
Plusieurs Conventions conclues par les Pays-Bas s’intitulent Accord de coopération
économique. De telles dénominations particulières, choisies par les négociateurs des
traités, sont légion.
19

44 De même, les clauses des Conventions présentent d’importantes différences, d’un texte à
l’autre. Des développements substantiels ont eu lieu depuis la Convention Suisse-Tunisie, qui
comprend six courts articles, jusqu’aux récents traités, qui sont nettement plus détaillés.
Dans ces conditions, quelles sont les caractéristiques communes au genre de Conventions
répertoriées ?
45 En premier lieu, il convient de les distinguer d’autres types de traités bilatéraux. Les
Conventions d’investissement ne sont pas des traités de commerce et/ou d’établissement.
Il est vrai que certains Traités d’amitié, de commerce et de navigation conclus par les
Etats-Unis depuis 1945 ont été communément appelés des Investment Treaties 14. La
pratique des traités bilatéraux de commerce et d’établissement date de plusieurs siècles,
et les Conventions d’investissement sont issues de ce tronc commun. Toutefois, leur
matière n’est plus la même ; les droits civils des étrangers, qui sont au centre des
dispositions des traités de commerce, ont été délaissés dans les récents traités
d’investissement. D’autre part, les Conventions étudiées ne doivent pas être confondues
avec des accords de garantie des investissements, tels que conclus par le Canada et les
Etats-Unis, et qui ne contiennent pas de règles de fond sur le régime juridique applicable
aux investissements étrangers15.
46 En second lieu, les Conventions d’investissement se caractérisent, sous un angle positif,
par la similitude de leur but et de leur objet. Elles visent, à titre principal, à protéger et à
promouvoir les investissements entre deux pays. Pour ce faire, elles traitent les
principales questions qui se posent aujourd’hui à ce sujet, notamment : les facteurs de
rattachement des investissements, et leur définition ; les principes de leur admission ;
leur traitement ; le transfert des revenus et des capitaux investis ; leur protection en cas
de dépossession ; le régime des accords conclus entre un Etat et des investisseurs
étrangers ; la subrogation sous un système de garantie des investissements ; l’arbitrage du
CIRDI ; et les procédures de règlement des différends entre les Etats-parties à la
Convention.
47 Nous réserverons aux traités de ce genre la dénomination de Conventions
d’investissement16. Avec la Convention de Washington, dont on a noté l’interférence à
propos de l’arbitrage du CIRDI, elles constitueront la matière-objet de l’ouvrage. Etape
par étape, nous suivrons l’ordre selon lequel elles sont organisées, qui correspond, on l’a
mentionné, aux problèmes majeurs qui se posent actuellement en matière
d’investissements étrangers, et ceci dans l’optique précédemment décrite.

NOTES
1. RTNU, v. 575 (1966), p. 161 (ci-après « Convention de Washington ») ; et infra, Chap. VIII, p. 269.
La Convention a institué un « Centre international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements » (CIRDI).
2. « Le souverain ne peut accorder l’entrée de ses états pour faire tomber les étrangers dans un
piège. Dès qu’il les reçoit, il s’engage à les protéger comme ses propres sujets, à les faire jouir,
autant qu’il dépend de lui, d’une entière sûreté ». Le Droit des gens, L. II, Chap. VIII, par. 104 ; nous
20

nous référerons à l’édition suivante : Neuchâtel, de l’Imprimerie de la Société Typographique


(1773), à la p. 301.
3. CIJ, Recueil 1970, p. 3.
4. Id., p. 6.
5. « On a émis l’opinion qu’un Etat peut par suite formuler une réclamation lorsque des
investissements faits par ses ressortissants à l’étranger subissent de la sorte un préjudice et que,
de tels investissements faisant partie des ressources économiques de la nation, tout préjudice
qu’ils viennent à subir met directement en jeu les intérêts économiques de l’Etat » id., p. 46. Cet
argument a été repris par plusieurs Juges dans leurs Opinions individuelles, cf. p. ex. le Juge
Jessup : « In explaining the basis for a State’s right to give diplomatic protection, the rather
simplistic notion that a State was injured when an injury was inflicted abroad upon the least of
its nationals, has come to be superseded by the realization of the national economic importance
of foreign investments as State interests » id., p. 196 ; cf. aussi l’Opinion du Juge Gros, id., à la p.
278.
6. Id., p. 46.
7. Id., p. 47.
8. Cf. not. « The General Theory of Employment, Interest and Money » in The Collected Writings of
John Maynard Keynes, London, Macmillan, v. VII (ed. 1973).
9. ILW, « Investment Promotion and Protection Treaties », 2 vol. (1983). Ce recueil, qui couvre les
traités signés de 1959 à 1982, contient le texte intégral, dans une langue authentique, de chaque
Convention. Cf. aussi la liste des traités, infra, p. 313.
10. Par souci de brièveté, on aura aussi recours, au lieu du terme « pays importateur de capital »,
à celui de « pays d’accueil » ; et au lieu de « pays exportateur de capital », à celui de « pays
d’origine ».
11. Cf. le Message du Conseil fédéral suisse à l’Assemblée fédérale, concernant l’approbation de la
Convention mentionnée, FF (1962-I), p. 633, à la p. 634.
12. Plusieurs modèles de Conventions ont ainsi été dressés par l’Asian-African Legal Consultative
Committee, Cf. « Models for Bilateral Agreements on Promotion and Protection of Investments »,
ILM, v. 23 (1984), pp. 237-68.
13. L’intérêt des Conventions bilatérales, du point de vue des investisseurs, a été souligné dans
une brochure publiée par la Chambre internationale de commerce, Bilateral Treaties for
Internationalinvestment, Paris, ICC (1977), not. pp. 8-11 ; cf. aussi Aksen, « The Case for Bilateral
Investement Treaties », in International and Comparative Law Center, The Southwestern Legal
Foundation, Rights and Duties of Private Investors Abroad, New York, M. Bender (1981), pp. 357-81.
14. Au cours des années 1960, quelques ouvrages fondamentaux de doctrine avaient étudié de
conserve les dispositions de récents traités de commerce et celles des Conventions
d’investissement, cf. Fatouros, Government Guarantees to Foreign Investors, New York, Columbia
University Press (1962) ; PREISWERK, La protection des investissements privés dans les traités bilatéraux,
Zurich, Ed. Polygraphiques (1963) ; SCHWARZENBERGER , Foreign Investments and International Law,
London, Stevens (1969).
15. Sur ces « Investment Guaranty Agreements », cf. infra, chap. VI, p. 226.
16. Quelques précisions sur la terminologie utilisée s’imposent. Dans la suite de l’étude, les
termes « Convention d’investissement », « Convention bilatérale », ou seulement « Convention »,
seront réservés aux traités qui nous concernent. Lorsqu’il sera fait référence à d’autres
Conventions, celles-ci seront nommément désignées. En note, on utilisera l’abréviation
« Conv. » ; « cf. p. ex. Conv. » signifie qu’il est fait référence à telle Convention, mais qu’il en
existe d’autres, parfois quelques dizaines, dont les dispositions sont similaires, et qu’il serait
superfétatoire de mentionner. En citant une Convention donnée, on indiquera en premier lieu le
pays exportateur de capital, ensuite le pays importateur ; ce procédé correspond à une pratique
établie, qui a l’avantage de la commodité de présentation, sans qu’elle implique une quelconque
21

préséance. Les Etats en cause seront désignés sous une forme simplifiée, telle que
1’« Allemagne », pour la République fédérale d’Allemagne.
22

Chapitre I. Définitions des


investissements étrangers

1 Le droit international général ne connaît pas de notion propre aux « investissements


étrangers ». En termes classiques, il contient des règles relatives au traitement dont un
individu peut bénéficier, cet individu étant étranger par rapport à l’Etat-nation qui le lui
accorde. Réciproquement, cet individu peut bénéficier de la protection de l’Etat-nation
dont il possède la nationalité, quant au traitement auquel un autre Etat le soumet. Le lien
juridique qui astreint un Etat à certaines obligations de traitement, et qui permet à un
autre Etat de mettre en œuvre son droit de protection est donc le lien de nationalité. Et le
lien de nationalité seul, ainsi que la CPJI l’a jugé dans l’Affaire du chemin de fer Panevezys-
Saldutiskis1.
2 Tel est le point de départ d’une définition du caractère étranger d’un investissement. Il
convient de déterminer si c’est aussi le lien de nationalité qui délimite seul les rapports
de compétence entre les deux Etats-parties à une Convention ; et quel lien de nationalité,
puisqu’un investissement n’est pas a priori une personne. Ou, à l’opposé, nous aurons à
examiner si l’on se trouve en présence « d’accords particuliers », comme la CPJI
l’énonçait, qui infléchissent les liens reconnus de nationalité, voire de traités qui
répartissent les critères de traitement et de protection entre deux Etats sur d’autres bases
que le seul lien de nationalité.
3 Si un investissement n’est pas une personne, on peut considérer de prime abord que le
terme recouvre des biens, ou des droits portant sur des biens. Le droit international
général étend les règles de traitement et de protection des étrangers aux biens dont ils
sont propriétaires et aux droits dont ils sont titulaires ; au-delà des droits relatifs à la
personne d’un étranger, il comprend des principes concernant ses droits patrimoniaux.
La question de savoir si de tels droits représentent ou non des « investissements » est
demeurée largement indifférente au regard du droit des gens2. Le terme
« investissement » est spécifique, pour l’essentiel, au droit des traités. Son apparition
semble postérieure à la seconde guerre mondiale, l’une des premières mentions du terme
figurant dans l’Article 12 du Projet de Charte de la Havane (1948)3. Cela étant, on ne peut
manquer de s’interroger sur les similitudes et les différences éventuelles qui existent
entre la notion de biens étrangers, au sens large, et la notion, nouvelle et
conventionnelle, d’investissements étrangers.
23

4 L’élucidation de ces deux questions, la notion d’ » investissement » et la détermination de


son caractère « étranger », est rendue possible par l’existence, dans les Conventions
bilatérales, de clauses interprétatives qui sont consacrées à la définition des termes
employés4. Toutes les Conventions, cependant, n’en contiennent pas ; parmi celles qui ont
été conclues dans les années 1960, il n’est pas rare que les termes « investissements »,
« ressortissants », « sociétés », etc. soient mentionnés sans autre précision. Mais, d’une
manière générale, les textes plus récents prennent soin de les définir. Là où elles ont été
rencontrées, les définitions sont fréquemment loin de présenter le degré d’uniformité
que l’on pourrait en attendre ; ceci vaut notamment pour la détermination des liens entre
un investissement et un Etat-partie.

Section I. La notion d’investissement


5 En l’absence de jurisprudence et de pratique diplomatique établies, relatives à la notion
d’investissement en droit international, la tâche de ses définitions possibles est revenue à
la doctrine5. Depuis la fin des années 1950, le terme « investissement » a fait l’objet de
commentaires abondants, à la mesure de la vogue croissante qu’il a connue. Un quart de
siècle plus tard, on ne saurait pourtant prétendre que le concept s’est dégagé de sa
nébulosité originelle. L’une des principales difficultés provient du fait que les définitions
données ont été issues de deux pôles, au moins, sensiblement différents. Dans une
première optique, les investissements seraient une autre dénomination des droits
patrimoniaux des étrangers ; il s’agirait d’un terme moderne destiné à recouvrir une
notion ancienne de droit international. Cette conception, particulièrement présente chez
des auteurs de formation juridique anglo-américaine, tend à établir une synonymie entre
le terme « investissement » et la notion consacrée de property rights and interests 6. Selon
une deuxième conception, un investissement est d’abord un fait économique. Il revient à
la science économique de le définir ; à partir de là, une traduction en termes juridiques
peut être faite, qui soit adaptée aux fins particulières d’une réglementation7.
6 Les démarches suivies dans les Conventions d’investissement reflètent cette ambivalence.
Ainsi la Convention Belgique-Maroc, comme de nombreuses autres conclues dans les années
1960, se limite à juxtaposer le terme « investissement » à la formule générique « biens,
droits et intérêts »8. En revanche, la Convention Suisse-Zaïre, entre autres, donne d’un
investissement une définition plus résolument économique9.
7 Si l’on tente de dégager une notion d’investissement qui soit conforme aux dispositions
d’une majorité de Conventions, on peut considérer qu’elle y est délimitée sous la forme de
trois cercles concentriques. Au sens le plus large, les investissements couverts par une
Convention englobent l’ensemble des droits patrimoniaux, soit les « biens, droits et
intérêts » ou encore les property rights and interests. Le second critère est d’ordre subjectif :
un investissement est l’ensemble des biens et des droits que la loi d’un Etat d’accueil
qualifie comme tels, et qui sont admis sur son territoire à ce titre. Le troisième aspect
consiste à circonscrire, sous la forme d’une liste, quels sont les avoirs économiques qui
seront considérés comme des investissements aux termes d’une Convention. Il n’est pas
exceptionnel que les trois critères soient combinés dans une même définition ; mais il
arrive également que l’un ou l’autre soit seul explicité.
24

4. Biens, droits et intérêts

8 Certaines Conventions disposent, telle la Convention Suisse-Tunisie : « Les investissements


ainsi que les biens, droits et intérêts (...) »10. Ou, selon la définition de la Convention Pays-Bas-
Sénégal : « Le terme “investissements de capitaux” comprend toutes les catégories de biens, y inclus
toutes les catégories de droits et intérêts »11. Dans le même sens, d’autres Conventions se
réfèrent à « toutes les catégories de biens », aux « avoirs de toute nature », à every king of
asset, souvent spécifiés, ensuite, par une liste non-limitative12. A ce niveau de généralité, il
s’agit à peine d’une définition, mais plutôt d’une notion délibérément large, aux contours
indéterminés. Il existe alors une identité entre les investissements et les biens et droits
qui sont protégés par le droit international.
9 Il n’est pas nécessaire, pour notre propos, de tenter de déterminer quels sont les biens et
droits que ces formules génériques recouvrent. L’expression « biens, droits et intérêts » a
été utilisée dans un nombre considérable de traités depuis la fin de la première guerre
mondiale, notamment aux fins de la liquidation de biens ennemis, et dans des accords
d’indemnisation ayant fait suite à des nationalisations13. Elle n’est pas susceptible d’être
définie de manière concluante. La question de savoir si tel bien ou droit d’un étranger
entrait dans la catégorie des « biens, droits et intérêts » couverts par un traité a été
décidée cas par cas, en fonction d’éléments de fait et de l’objet du traité. Les solutions
retenues ont parfois présenté des variations notables, notamment dans le domaine des
droits incorporels, comme l’abondante jurisprudence des Tribunaux arbitraux mixtes en
témoigne14.
10 Par contre, deux aspects de l’assimilation opérée entre les investissements et les biens,
droits et intérêts sont à mentionner. Si une expression aussi large continue d’être retenue
par le droit conventionnel, la raison tient d’abord au fait que les différentes catégories de
biens et de droits patrimoniaux sont définies par les droits nationaux, non par le droit
international15. Celui-ci ne contient pas de définition autonome d’un bien meuble, du
droit de propriété ou des droits dérivés de contrats. En ce qui concerne l’étendue des
droits patrimoniaux, le droit international renvoie au droit interne en cause. En outre, il
appartient au droit interne de désigner quels droits peuvent être validement acquis par
des étrangers. Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que les biens, droits et
intérêts susceptibles d’être protégés demeurent dans un certain état d’indéfinition dans
l’ordre international.
11 En second lieu, les biens et droits patrimoniaux sont définis de manière différente d’un
ordre juridique à l’autre. Une distinction majeure existe entre la notion de property rights
and interests, établie dans les systèmes de Common Law, et les droits de propriété reconnus
dans les systèmes de droit civil. Property n’est pas synonyme de propriété (ownership). La
première notion inclut en particulier des droits dérivés de contrats, à côté des droits in
rem. En droit international, le fait que les droits contractuels soient considérés comme
property, et à ce titre protégés, a été confirmé par la jurisprudence internationale récente.
Dans l’Affaire Libyan American OU Company (LIAMCO) v. Government of the Libyan Arab
Republic, le Tribunal arbitral a clairement jugé que les droits issus de contrats de
concession étaient des droits de property16. Dans la mesure où l’expression « biens, droits
et intérêts » est une transcription de la notion property rights and interests, elle a pour effet
d’englober à la fois des droits réels sur des biens meubles et immeubles, et des droits
incorporels, tels que des droits contractuels.
25

12 Les difficultés rencontrées en droit international pour surmonter les particularismes des
droits nationaux dans la définition des droits patrimoniaux des étrangers, et pour trouver
une notion généralement acceptable par les différents ordres juridiques ne sont pas chose
nouvelle. Depuis le début du siècle jusque dans les années 1960, la notion des droits acquis
a joué ce rôle17 ; elle a été établie à maintes reprises, notamment dans la jurisprudence de
la CPJI. Pour des raisons qu’il ne nous appartient pas d’approfondir ici, cette notion est
actuellement en déclin. Dans ce contexte, la notion nouvelle d’investissement en
prendrait la place. Elle permet d’englober l’ensemble des biens et droits patrimoniaux
détenus par des étrangers, sans être grevée par les complexités techniques de leurs
différentes définitions nationales. Il ne fait guère de doute que tel est le rôle attribué à la
notion d’investissement, aux yeux d’auteurs de Conventions bilatérales et à ceux d’une
partie de la doctrine. Pourtant, il ne s’agit là que de l’un des aspects de la question.

5. Le renvoi au droit de l’Etat d’accueil

13 Le second critère des Conventions bilatérales consiste à renvoyer la définition d’un


investissement à la législation de l’Etat sur le territoire duquel il est effectué. On le trouve
parfois mentionné à titre exclusif. Ainsi, la Conventions Pays-Bas-Yougoslavie se limite à la
définition suivante : « the term “investments” shall comprise all assets invested in accordance
with the laws and regulations of each Contracting Party »18. Il est plus fréquent que la
référence soit couplée avec une liste d’avoirs, définis dans une Convention comme
formant partie d’investissements19.

a) La portée du renvoi

14 De prime abord, on pourrait considérer que la référence à une législation nationale va de


soi. Le droit international, on l’a vu, renvoie au droit interne pour définir l’étendue de
droits patrimoniaux ; il est constant, par exemple, que le droit de propriété sur un
immeuble est régi par la lex situs. Dans cette optique, la référence au droit interne serait
par divers aspects superfétatoire.
15 La logique de cet argument n’est valide que si l’on s’en tient à la notion d’investissement
qui a été analysée précédemment, c’est-à-dire si l’on demeure sur le terrain des droits
patrimoniaux, et de certaines relations de droit privé. Mais telle n’est pas la portée du
renvoi au droit interne stipulé dans les Conventions bilatérales. Celles-ci se réfèrent
d’abord aux législations et réglementations nationales portant spécifiquement sur les
investissements.
16 Tout Etat possède actuellement des dispositions juridiques relatives aux investissements.
Au minimum, elles sont consignées, de manière éparse, dans des réglementations fiscales
et monétaires. A l’autre extrémité du spectre, on trouve des législations systématiques et
détaillées, qui visent à réglementer les investissements nationaux et/ou étrangers20. Ceci
correspond à une prise de conscience, intervenue depuis 1945, du rôle moteur joué par
l’investissement dans la croissance économique, ainsi que de son rôle anti-cyclique. On
est en présence de législations et de réglementations qui sont des instruments de
politique économique, au même titre que les réglementations monétaires ou antitrust.
Elles ont pour fonction, d’une part d’influencer au niveau macro-économique le taux et le
volume global des investissements, et d’autre part au niveau individuel de les orienter en
fonction des objectifs économiques poursuivis.
26

17 On notera qu’il s’agit là de réglementations de droit public. Même si elles recouvrent des
matières de droit privé, en termes de biens et d’obligations, le concept d’investissement
lui-même est largement étranger au droit privé. Les réglementations sur les
investissements ont pour objet d’influencer les conditions de gestion d’entreprises, leur
régime fiscal, l’octroi de crédits, leur évolution technologique ou le volume de l’emploi.
Elles opèrent de façon nécessairement sélective, puisque le but recherché est de
développer certaines activités, et éventuellement de restreindre d’autres. En ce sens, tous
les Etats posent actuellement certaines conditions et certaines limites aux
investissements en provenance de l’étranger. Certains le font de manière indirecte ou
sectorielle, par exemple par le biais de la réglementation des marchés financiers et des
valeurs mobilières21. Mais la plupart ont institué des procédures d’agrément ou
d’autorisation administrative, leur permettant d’agir directement sur le volume et les
conditions d’investissement correspondant à leurs besoins et à leurs objectifs de politique
économique22. En ce domaine, la législation japonaise de 1949 a sans doute joué un rôle
précurseur ; d’autres Etats ont fait de même au cours des quatre dernières décennies, que
ce soit des pays exportateurs de capitaux, tels le Canada et la France, ou des pays
importateurs de capitaux, qui se sont dotés dans leur quasi-totalité de réglementations
publiques sur les investissements.
18 Lorsqu’une Convention bilatérale renvoie la définition d’un investissement au droit d’un
Etat d’accueil, il ne fait guère de doute que c’est d’abord à ces dispositions de droit public
qu’elle se réfère, autant ou plus qu’à des règles de droit privé. En conséquence,
l’assimilation de la notion d’investissement aux « biens, droits et intérêts » en général,
doit être qualifiée : ce ne sont pas tous les biens et droits qui sont couverts, mais
seulement ceux qui, aux termes de la législation d’un Etat d’accueil, sont considérés
comme des investissements.
19 Toutefois, un nombre substantiel de Conventions ne se réfèrent pas à la législation de
l’Etat d’accueil dans la définition d’un investissement. Le résultat atteint ne semble guère
différent ; ou bien le traité contient par ailleurs une clause d’admission des
investissements, stipulant que ceux-ci devront être admis conformément à la législation
de l’Etat importateur de capital23 ; ou bien le champ d’application de la Convention est
circonscrit aux seuls investissements agréés ou approuvés par un Etat d’accueil 24. Dans
presque tous les cas, la notion d’investissement incorpore la définition particulière qui en
est donnée par la législation de cet Etat25.

b) L’aspect finaliste de la notion

20 Aux termes de la Convention France-Maroc : « Sont éligibles à l’agrément préalable accordé par
une Partie contractante, dans le cadre de sa législation, les investissements productifs effectués sur
son territoire par les ressortissants, personnes physiques et morales, de l’autre Partie, dès lors qu’ils
concourent à son développement économique et social »26.
21 Peu de formules rencontrées dans les Conventions sont aussi explicites ; mais le renvoi au
droit d’un Etat d’accueil sous-entend que les investissements concernés sont ceux que cet
Etat considère comme propices à promouvoir le développement de l’économie nationale.
Les buts déclarés des législations sur les investissements abondent en formules de ce
genre. A titre d’exemple, la loi coréenne intitulée Foreign Capital Inducement Law, dispose, à
l’article 1er : « The purpose of this Law Shall be to effectively induce and protect foreign capital
27

conducive to the sound development of a self-sustaining national economy and to improve the
international balance of payments, and to properly utilize and manage this foreign capital » 27.
22 Il y a là un aspect finaliste de l’investissement, qui repose sur un critère que l’on peut
qualifier de subjectif : la conception qu’un Etat-nation a de son développement
économique, et des moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir. La notion
d’investissement est donc tributaire d’une part de subjectivité, due à la conception
particulière de l’Etat d’accueil. Ainsi, le Maroc s’est doté d’une Loi Instituant des Mesures
d’Encouragement aux Investissements Touristiques28. Le Pakistan, pour sa part, possède une
abondante législation sur les investissements industriels et miniers, sans être aussi
concerné, semble-t-il, par le développement du tourisme29. Par là, il peut arriver que
certains biens immobiliers soient considérés dans un cas comme des « investissements »,
au sens de la législation nationale et d’une Convention, et que dans l’autre cas ils soient
seulement des biens.
23 Dans l’ordre international, l’importance de cet aspect finaliste et subjectif ne doit pas être
sous-estimé. La faculté reconnue à un Etat de définir lui-même ce qu’est un
investissement permet de préserver sa liberté de décision. Elle constitue une expression
de sa volonté, et de sa souveraineté. En outre, cet aspect paraît actuellement représenter
un point de clivage central entre les principes du droit international général et les règles
contemporaines qui se développent en matière d’investissements étrangers. Que ce soit
dans le domaine de l’assurance-investissement, dans celui des accords conclus entre Etats
et investisseurs étrangers, ou encore dans celui du recours à l’arbitrage du CIRDI, on aura
l’occasion de constater que ce facteur subjectif occupe une place non-négligeable pour
définir les règles applicables aux investissements en cause30.

c) Définitions nationales des investissements

24 La diversité des définitions des investissements dans les législations et réglementations


nationales est telle qu’elle défie toute tentative de synthèse31. De plus, on doit considérer
qu’une définition particulière est adaptée aux fins de la réglementation correspondante,
et qu’elle ne saurait se prêter à extrapolation.
25 Cela étant, le terme « investissement » est couramment associé à un autre, celui
d’ » entreprise ». Tous deux se trouvent associés dans diverses Conventions, telle la
définition de la Convention Belgique-Corée : « Le terme “investissements” englobe tout apport
direct ou indirect de capitaux et d’autres éléments d’actifs quelconques, investis et/ou réinvestis,
dans les entreprises agricoles, industrielles, minières, forestières, touristiques et de communication
»32.
26 La notion d’entreprise n’est souvent ni homogène, ni fermement établie dans les droits
nationaux ; elle l’est moins encore, sans conteste, au niveau international. Elle paraît
suffisante, toutefois, pour indiquer d’emblée ce qui n’entre pas dans le champ de la notion
d’investissement.
27 En premier lieu, les biens personnels de consommation, non-durables ou durables, ne font
pas partie des investissements. Nous ne sommes pas concernés par le régime juridique
d’une habitation à usage personnel ou d’un véhicule de tourisme en territoire étranger,
c’est-à-dire par des biens et droits considérés uniquement sous l’angle d’un patrimoine
individuel. Le propre de biens d’investissement est d’avoir aussi une valeur économique
et/ou sociale, autre que destinée à une consommation personnelle33. En conséquence, la
28

seule définition des investissements comme des biens et droits patrimoniaux apparaît
excessivement unilatérale et limitative dans le contexte analysé.
28 D’autre part, les activités qui n’ont pas un caractère directement économique ne semblent
généralement pas qualifiées d’investissements par les législations nationales. Aussi
respectable et rentable soit-elle, l’affectation de ressources à la création d’un cabinet
d’avocat ne sera sans doute pas considérée comme un investissement34.
29 En outre, les activités économiques qui n’exercent pas une influence sensible sur la
production ou la distribution nationale n’entrent pas, fréquemment, dans le champ
d’application des réglementations sur les investissements. Ainsi, l’établissement d’un
commerce de détail ou d’un atelier artisanal, même s’il s’agit d’un investissement au sens
économique du terme, est susceptible d’être exclu des réglementations sur les
investissements visées par les Conventions. A ce niveau, il est clair que les délimitations
varient sensiblement selon les législations. Certaines cherchent à promouvoir et à
réglementer les investissements artisanaux ; mais d’autres ne paraissent guère s’y
intéresser35. Même dans le cadre d’activités industrielles et commerciales, il n’est pas
exceptionnel qu’une réglementation excepte les entreprises dont le chiffre d’affaires
n’atteint pas un certain seuil quantitatif36.
30 Enfin, une opération d’investissement se distingue de deux autres types d’activités
économiques : les transactions commerciales, et les transactions monétaires à court-
terme. Une vente commerciale ordinaire n’est pas un investissement. Il convient de
réserver, cependant, les cas où une vente est combinée à d’autres opérations, octroi de
prêts, prestations de services, accord de licence etc., ainsi que les cas de plus en plus
nombreux de contrats dont l’exécution s’étend sur plusieurs années, tels que certains
contrats de construction. Il existe une frange croissante d’opérations qui peuvent être
considérées soit comme des transactions commerciales, soit comme des investissements 37
. Mais, tout en tenant compte de cet élément, on ne peut considérer que la distinction de
base entre « commerce » et « investissement » ait perdu sa validité. Ni les
réglementations nationales sur les investissements, ni les Conventions bilatérales n’ont
vocation à s’appliquer à la majorité des transactions commerciales internationales38. On
peut en dire autant des transactions monétaires courantes, qui représentent pour la
plupart la contrepartie d’activités commerciales. Selon un usage largement admis, par
une transaction monétaire à court-terme on entend une transaction dont l’échéance ne
dépasse pas, en règle générale, une année39.
31 Après avoir élagué ce qui ne constitue pas un investissement, on doit se limiter, pour le
moment, à considérer que les autres avoirs économiques peuvent être, au moins
potentiellement, des investissements. Le critère finaliste et subjectif inhérent à toute
réglementation nationale introduit à ce niveau une dose d’incertitude. D’autres
ambiguïtés, présentes dans l’expression générique « biens, droits et intérêts », ont pu être
levées. Il est apparu que la notion d’investissement n’englobe pas les biens et droits
d’étrangers en général, mais seulement une partie d’entre eux. En outre, on a constaté
que la définition des biens d’investissement sous l’aspect seulement patrimonial était
trop restrictive. Comme de nombreuses Conventions le mentionnent, ces biens et droits
se traduisent par des « avoirs » économiques, ou par des « entreprises », qui ont aussi une
valeur pour l’économie nationale qui les accueille.
32 La Convention Suisse-Egypte explicite les conséquences logiques de la distinction entre les
biens étrangers et les investissements. Après avoir défini, à l’article 1 (3), le terme
investissements comme : « Toutes catégories d’avoirs acceptés conformément à la législation en
29

vigueur en la matière de chaque Partie Contractante, (...) », suivi d’une liste de ces avoirs, elle
précise : « Des biens appartenant aux ressortissants ou sociétés de chaque Partie Contractante et
qui ne sont pas considérés comme des investissements aux termes de l’article 1, chiffre 3, de la
Convention, seront traités par chaque Partie Contractante conformément au droit international. En
cas de différend, les deux Parties Contractantes conviennent que ce différend sera soumis à la Cour
Internationale de Justice »40.
33 Il existe donc deux notions, auxquelles deux régimes juridiques distincts sont applicables.
Pour l’une, les « biens » (au sens large), les règles du droit international général
s’appliquent ; pour la seconde, les « investissements », ce sont les règles de promotion et
de protection convenues entre les Parties qui sont applicables. Si d’autres textes ne
l’explicitent pas aussi nettement, la même conclusion s’impose pour l’ensemble des
Conventions d’investissement.

6. Aspects économiques

34 Maintes Conventions bilatérales ne se limitent pas à définir le terme « investissement »


en fonction de la signification qui lui a parfois été donnée en droit international général,
et par renvoi au droit interne. Elles y ajoutent une liste des biens et droits qui doivent
être considérés comme des investissements, liste qui présente une uniformité notable
d’un texte à l’autre. A titre d’exemple, on citera celle de la Convention Suisse-Indonésie : « Le
terme “investissement” englobe toutes catégories d’avoirs et en particulier, mais non pas
exclusivement : 1. Les biens mobiliers et immobiliers ainsi que tous autres droits réels tels que
hypothèques, droits de gage, sûretés réelles, usufruits et droits similaires ; 2. les actions ou autres
formes de participation ; 3. les créances monétaires et droits à toutes prestations ayant une valeur
économique ; 4. les droits d’auteur, droits de propriété industrielle, procédés techniques, “know-
how”, marques commerciales, noms commerciaux et le “goodwill” ; 5. les concessions de droit
public, y compris les concessions de recherche, d’extraction ou d’exploitation de ressources
naturelles »41.

a) Les biens et droits composant un investissement

35 Parmi les cinq catégories mentionnées, certains biens et droits entrent d’emblée dans la
notion d’investissement, quelle que soit la réglementation en cause. Pour d’autres,
quelques précisions s’imposent.
36 Une prise de participation dans le capital d’une société, que celui-ci soit réparti sous la
forme d’actions ou d’autres parts sociales, constitue l’archétype d’un investissement ; on
la qualifie d’ » investissement en participation ». Il ne fait guère de doute que les droits de
concession représentent aussi, par nature, des investissements ; certaines Conventions
précisent qu’il en est ainsi, que ces droits soient conférés par contrat ou en vertu d’une loi
42
. Bien que la situation soit moins nettement établie en ce qui concerne les droits de
propriété intellectuelle, on admettra qu’ils constituent une part importante des
investissements contemporains, d’ampleur croissante43.
37 En revanche, il paraît plus difficile de considérer que toute créance monétaire représente,
en elle-même, un investissement. Le caractère d’investissement d’emprunts obligataires
ou de contrats de prêt, dont l’échéance dépasse généralement une année, est
unanimement reconnu ; ils entrent dans la catégorie des « investissements de
portefeuille ». Il ne semble guère y avoir de raison probante pour en exclure les crédits à
30

l’exportation, dès lors qu’ils s’étendent au-delà du court-terme44. Mais, pour les raisons
précédemment analysées, la majorité des créances monétaires à court-terme ne sont
généralement pas considérées comme des investissements45. Une distinction du même
ordre doit être faite quant aux droits relatifs à des biens immobiliers et mobiliers. Suivant
les cas, l’acquisition d’immeubles ou la livraison de biens d’équipement pourra ou non
être qualifiée d’investissement.

b) Opérations isolées ou combinées

38 Il paraît justifié que les définitions des Conventions s’en tiennent à des catégories aussi
générales que les « créances monétaires » ou les « biens mobiliers et immobiliers », sans
chercher à préciser quelles créances et quels biens seront des investissements. D’une
part, il revient à chaque législation nationale de le faire ; d’autre part, la définition de
certains biens est susceptible de varier suivant l’affectation qui leur est donnée. Ainsi,
une vente de produits bruts est de prime abord une transaction commerciale ; mais si ces
produits sont destinés à constituer un stock de matières premières pour une entreprise, il
est probable qu’ils entreront dans le cadre d’une opération d’investissement.
39 Les incertitudes en ce domaine proviennent du fait que la notion d’investissement ne
correspond pas à des catégories précises de droit privé. Elle garde un aspect générique, et
une dimension fonctionnelle46. Comme on l’a vu, elle est associée dans des législations
nationales à des termes tels qu’une « entreprise » ou un « projet ». De manière fréquente,
une opération d’investissement est effectuée par le moyen d’une série d’actes juridiques
qui, combinés les uns aux autres, composent cet investissement ; si ces mêmes actes
étaient pris isolément, certains d’entre eux ne pourraient pas être considérés comme tels
47.

40 Dans ce contexte, on a cherché à définir un investissement à partir de critères


unificateurs, qui permettraient de le différencier d’autres activités économiques. Trois
d’entre eux ont été souvent proposés : celui des revenus, et celui de la durée ; le troisième
a consisté à définir un investissement sous l’angle d’un mouvement de capital.

c) Les revenus

41 La perspective d’un revenu futur, d’un gain ou d’un profit, paraît inhérente à la notion
d’investissement. Elle a été retenue par des économistes, ainsi que par des décisions
judiciaires nationales48. Il est courant que les définitions des Conventions incluent celle de
« revenus » à la suite de celle d’ » investissement »49. Pourtant, il ne semble pas que la
perspective d’un revenu constitue une condition sine qua non pour définir un
investissement. Ainsi, divers textes répertorient parmi les entités susceptibles d’investir
des associations et fondations qui n’ont généralement pas un but lucratif50. D’autres
spécifient, telle la Convention Allemagne-Côte d’Ivoire : « (...) indépendamment de la question de
savoir si la responsabilité de ses associés, participants ou membres est limitée ou illimitée et si son
activité a un but lucratif ou non »51.
42 L’établissement d’un hôpital ou d’une clinique en territoire étranger peut être entrepris
dans un but lucratif, ou non-lucratif. Il serait paradoxal que la définition d’un
investissement aboutisse à exclure les établissements à but non-lucratif du domaine
d’application d’une Convention, alors qu’elle en ferait bénéficier des établissements
similaires à but lucratif. Cela étant, il est clair que la majorité des investissements
31

effectués dans le cadre de Conventions bilatérales ont pour objectif l’obtention de


revenus.

d) La durée

43 Par rapport à d’autres activités économiques, un investissement se caractérise par une


immobilisation d’une certaine durée. Dans le domaine monétaire et financier, l’usage a
consacré l’échéance d’une année pour différencier, de prime abord, les transactions à
court-terme des opérations d’investissement. Des législations nationales, ainsi que le
premier projet de la Convention de Washington ont aussi retenu un critère temporel pour
définir un investissement52.
44 L’élément de durée n’est apparu dans aucune Convention examinée. On peut estimer que
les opérations d’investissement sont trop diversifiées pour qu’un critère temporel
n’entraîne pas une dose d’artifice ; s’il s’avérait pertinent pour un type d’investissement
(p.ex. une concession), il risquerait de ne pas l’être pour d’autres (p.ex. une transaction en
bourse).

e) Les mouvements de capitaux

45 La définition d’un investissement proposée à l’International Law Association était la


suivante : « Mouvement de capitaux du pays investisseur vers le pays bénéficiaire, sans règlement
immédiat »53. Comme on l’a mentionné, quelques Conventions commencent par définir un
investissement comme « tout apport direct ou indirect de capitaux (...) »54.
46 Une telle définition correspond à une terminologie établie en droit international, celle
des « pays importateurs de capitaux » et des « pays exportateurs de capitaux ». Elle a
aussi l’intérêt de mettre en évidence une dimension importante des relations
d’investissement, celle du transfert de ressources monétaires et financières entre deux
Etats55. Il n’est pas certain, cependant, que cette conception contribue à mieux définir un
investissement. Tous les mouvements de capitaux ne sont pas des investissements ; ainsi,
le Code de l’OCDE sur le sujet répertorie parmi les mouvements de capitaux des
opérations immobilières, des contrats d’assurance-vie, des mouvements de capitaux
personnels qui sont de prime abord étrangers au domaine des investissements56.
Inversement, tous les investissements ne se traduisent pas par un transfert de capital, du
moins au sens financier qui est généralement donné à ce terme : ainsi des transferts de
technologie, la fourniture de biens d’équipement, des prestations de services. Enfin,
l’aspect de « mouvement » du capital, s’il est important, ne paraît pas tenir suffisamment
compte de l’autre face d’un investissement, qui est la conversion d’un capital (fongible)
en des avoirs qui sont immobilisés, de manière plus ou moins durable57.

f) Définitions économiques et juridiques

47 Quelques textes abordent la question de manière plus économique ; en ce sens, il a été


proposé qu’une notion juridique de l’investissement devrait partir de la définition que la
science économique en donne, pour en effectuer une traduction juridique58.
48 Il ne nous appartient pas de tenter de définir un investissement au sens de l’économie
politique ; on se référera à des autorités en la matière, telles que Keynes et Hayek 59. En fait,
il apparaît qu’il n’existe pas une, mais diverses définitions économiques de
l’investissement, et qu’elles possèdent un caractère opérationnel60. A la base, il s’agit d’un
32

acte résultant en une addition de capital productif ; au-delà, beaucoup dépend des
postulats théoriques posés.
49 En résumé, on admettra que le terme « investissement » recouvre, au sens large, une
décision d’affecter des avoirs à des activités de production et/ou de services, de manière à
ce qu’ils ne soient plus immédiatement disponibles pour des besoins de consommation.
En eux-mêmes, les prises de participation dans une société, les prêts, emprunts et crédits
qui ne sont pas à court-terme, les droits de concession et les droits de propriété
intellectuelle entrent dans le champ de la notion d’investissement. Il existe aussi une
frange de cas incertains, qui sont à la limite des transactions commerciales, monétaires
ou immobilières. Leur qualification en tant qu’investissements dépend, notamment, de
leur affectation dans le cadre d’une entreprise, du caractère isolé ou combiné des actes, et
des définitions particulières des réglementations applicables.

Section II. Formes juridiques


50 L’investissement est apparu comme un terme générique, d’utilisation commode, pour
désigner des biens et droits qui ont une certaine fonction économique. Il semble que l’on
demeure sur un terrain connu du droit international : une personne possède des biens ou
est titulaire de droits ; elle est elle-même rattachée à un Etat-nation par un lien
réciproque d’allégeance et de protection, qui est la nationalité. Au niveau des
Conventions d’investissement, la relation simple et univoque « bien-personne-Etat » ne
résiste que partiellement, cependant, à l’examen.

7. La place des sociétés

51 Le premier point à élucider est de situer la place occupée par des sociétés commerciales,
ou des personnes morales, dans une relation d’investissement. On peut considérer qu’une
société possède des avoirs, ou à l’inverse que des avoirs sont investis dans une société. La
première Convention qui ait été conclue, du point de vue historique, la Convention
Allemagne-Pakistan, définissait un investissement en termes d’avoirs, et ajoutait : « Any
partnerships, companies or assets of similar kind, created by the utilisation of the above mentioned
assets shall be regarded as “investment” »61.
52 Une telle définition accorde clairement la primauté aux avoirs par rapport à la forme
juridique qu’ils peuvent revêtir, les sociétés (avec ou sans personnalité juridique)
incluses. En ce sens, une entité juridique n’est plus seulement propriétaire de biens et
titulaires de droits ; elle est aussi conçue comme une forme contingente de
l’investissement d’avoirs, ou selon une expression souvent rencontrée, comme un moyen
technique pour la réalisation d’investissements62.
53 De même, d’autres Conventions, telle la Convention Suisse-Gabon, se réfèrent aux «
investissements (...) appartenant à (...) ou détenus indirectement par » des ressortissants de
l’autre Partie63. On ne peut exclure que cette mention vise, par exemple, des sociétés de
droit gabonais dont le capital serait détenu, directement ou au travers d’autres sociétés,
par des ressortissants suisses. La relative indifférence des Etats-parties à l’égard des
formes juridiques revêtues par un investissement est encore apparente dans les
Conventions qui disposent, comme la Convention Suède-Malaisie : « Any alteration of the form
in which the assets are invested shall not affect their classification as invest-ment, provided that
33

such alteration is not contrary to the approval granted in respect of the assets originally invested »
64
. En conséquence, qu’une succursale se transforme en société anonyme constituée selon
le droit de l’autre Partie n’aurait pas grande incidence sur le régime applicable à un
investissement.
54 Cette fonction de l’emploi du terme « investissement » est loin d’être négligeable. Au sein
d’une Convention, les investissements sont mentionnés en permanence, et à des fins
diverses : admission, régime applicable à la gestion, régime fiscal, transfert des bénéfices,
règles applicables à une expropriation etc. La question de savoir si ces règles concernent
les droits propres d’une société de l’Etat d’origine, d’une société « investie » de l’Etat
d’accueil, les droits des actionnaires, ou leurs intérêts dits indirects doit être résolue cas
par cas ; de prime abord, il convient de relever le fait que ces aspects ne paraissent pas
essentiels au regard des Conventions d’investissement. Celles-ci se caractérisent par un
certain détachement à l’égard de formes juridiques de droit privé, notamment de la
personnalité juridique de sociétés.
55 La logique de cette démarche n’est pas des plus surprenantes si l’on admet que les règles
conventionnelles visent en premier lieu des « avoirs » et des « entreprises », et non une
forme déterminée de société, de contrat ou de droit réel65. Il existe une volonté évidente
de chercher à saisir la « réalité » d’opérations économiques, par-delà les définitions
particulières des biens et de droits patrimoniaux. En fait, les législations nationales sur les
investissements, ainsi que d’autres branches du droit économique (règles de concurrence,
monétaires, fiscales...) ne procèdent pas différemment.
56 Il reste que la démarche possède un caractère exceptionnel dans l’ordre international. Le
droit relatif à la condition et à la protection des étrangers s’est développé à partir des
critères de compétence territoriale et personnelle. Le droit de protection reconnu à un
Etat est fondé sur la personnalité d’un individu ou, par analogie, sur la personnalité
morale. Si les investissements, au sens des Conventions, se réfèrent indistinctement à des
formes ou entités juridiques variées, on doit considérer que le domaine étudié ne peut
être analysé selon les mêmes critères, par exemple, que la protection diplomatique. Mais
de nouvelles questions se posent alors : comment le caractère « étranger » d’un
investissement est-il défini ? Sur quelles bases le domaine d’application d’une Convention
est-il déterminé ?66 Ainsi qu’on le verra, il n’est pas certain que la démarche mentionnée
ait pu être poursuivie dans ses divers prolongements, afin d’écarter des catégories
juridiques dites formelles.

8. Investissements en participation ou contractuels

57 Les formes d’investissement sont variées ; elles peuvent être répertoriées en de multiples
catégories67. Du point de vue historique, le type d’investissement international qui a
prédominé au cours du XIXe et du début du XXe siècles a été de caractère financier, les
emprunts obligataires figurant au premier rang. A partir de 1945, les investissements
« directs » ont pris le pas sur les investissements « indirects » ; ils ont été effectués
notamment par création ou par rachat de sociétés locales, et ils ont permis d’associer à
des apports financiers des éléments incorporels (technologie, savoir-faire, capacités de
gestion et de commercialisation...)68. Depuis quelques années, on assiste à un essor
important de nouvelles formes d’investissement, qui se traduisent par un recours accru à
des mécanismes contractuels.
34

58 En droit interne, à l’évolution des formes d’investissement a correspondu une évolution


des réglementations mises en place. Celles qui sont relatives aux emprunts
internationaux datent fréquemment d’avant 1945 : régulation des marchés des valeurs
mobilières, mesures de protection des investisseurs, contrôle des changes. Face à la
croissance des investissements directs, de nouvelles mesures ont été instaurées ; il s’est
agi de tenir compte de l’unité économique d’une entreprise, de la localisation des centres
de décision « réels », au-delà du morcellement de sociétés-filiales ayant théoriquement
une pleine autonomie de volonté. Plus récemment, l’attention s’est portée sur de
nouvelles formes d’investissement, notamment sur les « transferts de technologie ».
59 Les Conventions bilatérales font peu de distinction entre les différentes formes
d’investissement ; elles s’appliquent autant aux emprunts qu’aux prises de participation
et aux droits de propriété intellectuelle. Ceci n’implique pas, toutefois, qu’il ne soit pas
tenu compte des caractéristiques propres à certaines d’entre elles.

a) L’investissement direct et la notion de contrôle

60 Aucune Convention examinée ne prend pour base le concept d’investissement direct ;


mais nombreuses sont celles qui se réfèrent au contrôle, selon des modalités diverses 69.
61 Le terme d’investissement direct est issu du langage économique ; il a servi à caractériser
une forme d’investissement qui ne se limite pas à un placement financier, mais qui
entraîne aussi le contrôle d’un investisseur sur les activités d’une entreprise, ou un
pouvoir de décision dans les organes d’une société. Le phénomène a d’abord concerné des
prises de participation dans le capital de sociétés, dépassant souvent 50 pour cent et
pouvant atteindre 100 pour cent là où la loi ne l’interdisait pas. Il est amplement connu
que de telles situations ont proliféré dans les années 1950-1970, et qu’elles
n’appartiennent pas seulement au passé. Si, du point de vue juridique, ces sociétés
possédaient une personnalité propre, du point de vue économique se dessinait la
cohésion d’une « entreprise », qualifiée de « multinationale » lorsque des sociétés de
plusieurs nationalités étaient concernées70.
62 A la base du concept d’investissement direct, on trouve donc la notion de contrôle. Mais il
serait erroné de ne reconnaître l’existence d’un contrôle qu’en cas de participation
majoritaire dans le capital d’une société ou dans ses organes directeurs. Une participation
minoritaire peut s’avérer suffisante pour conférer un pouvoir de contrôle, lorsque le reste
du capital est disséminé entre les mains de petits actionnaires. L’endettement excessif
d’une société envers un créancier peut donner à ce dernier un pouvoir de contrôle, sans
qu’il n’y ait de participation au capital71. Le même raisonnement peut être tenu quant à
l’octroi de certains brevets, ou à la conclusion de certains accords de commercialisation.
Ajoutons qu’un pouvoir de contrôle peut être acquis par une seule opération, ou au
travers de plusieurs transactions, simultanées ou au contraire échelonnées dans le temps,
par un investisseur unique ou par une entente entre plusieurs d’entre eux, directement
ou par le biais d’autres sociétés.
63 En d’autres termes, l’existence ou non d’un pouvoir de contrôle sur une société est une
question de pur fait, d’aspect polymorphe, fluctuant, et parfois indéterminable. Le terme
d’investissement direct est sans doute utile pour décrire un certain phénomène, en
termes économiques. Mais, du point de vue juridique, on doutera que le critère
économique du contrôle réponde aux conditions minima de sécurité et d’objectivité qui
sont requises pour la définition d’une règle de droit72.
35

64 Pourtant, le recours au contrôle n’est pas inconnu du droit international. Dans l’Affaire
relative à certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (Fond) la CPJI l’avait défini
comme « l’influence prépondérante sur l’orientation générale des affaires »73. S’agissant d’une
société de capitaux, l’opération consiste à « lever le voile » social, ou à faire abstraction de
sa personnalité juridique, pour prendre en considération la qualité des associés, celle des
membres des organes directeurs, ou encore l’origine des capitaux74. Les Traités de paix
subséquents aux deux guerres mondiales y ont abondamment recouru, aux fins de la
liquidation des biens ennemis ; des accords d’indemnisation consécutifs à des mesures de
nationalisation l’ont également consacré75. Dans les deux cas, il s’agissait d’un recours ex
post au contrôle. La CIJ en a reconnu la validité en droit international dans l’Affaire
Barcelona Traction, « en principe » et « dans des circonstances spéciales »76.
65 Tout en omettant de se référer aux investissements directs, de nombreuses Conventions
bilatérales ont recours au critère du contrôle. Elles le font ex ante, et sans que l’on soit de
prime abord en présence des « circonstances spéciales » énoncées par la CIJ. Ce point
appelle quelques commentaires.
66 Il existe de multiples facettes du recours au critère du contrôle ; celui-ci demeure
couramment utilisé, par exemple, en droit économique et social interne, que ce soit dans
les domaines de la concurrence, de la fiscalité ou du travail. Il l’est également dans les
législations nationales sur les investissements. A titre d’exemple, on citera la Loi marocaine
instituant des mesures d’encouragement aux investissements industriels : « On entend par
“entreprises manufacturières marocaines” au sens du présent Dahir, les entreprises de production
appartenant soit à des personnes physiques marocaines, soit à des sociétés dont le capital est
détenu à concurrence de 50 % au moins par des personnes physiques ou morales marocaines » 77.
67 Il est manifeste que le recours au contrôle revêt un sens particulier dans ce genre de
réglementations nationales. Il sert à déterminer le caractère « étranger » ou « national »
d’un investissement ou d’une entreprise aux seules fins de ces réglementations, mais non
à déterminer la nationalité de sociétés aux fins, par exemple, de la protection
diplomatique78. En conséquence, une société pourra être « nationale », selon des critères
généralement reconnus ; dans le cadre d’une législation sur les investissements, elle n’en
représentera pas moins un investissement « étranger ». Le recours au contrôle, dans les
Conventions d’investissement, doit être replacé vis-à-vis des réglementations nationales
auxquelles elles s’adressent.
68 Pour les nombreuses réglementations qui utilisent le critère du contrôle en ce sens, les
buts poursuivis apparaissent en premier lieu de délimiter l’étendue des liens qui
rattachent des investissements à une économie nationale, et d’en tester l’effectivité79. Les
raisons invoquées sont multiples. Il peut s’agir d’éviter un « taux de pénétration » jugé
excessif d’investissements étrangers, notamment dans des secteurs-clés ou stratégiques
de l’économie80 ; d’orienter la croissance économique en fonction des priorités établies ;
de réglementer les transferts de capitaux pour des raisons de balance des paiements ou
de politique monétaire81 ; éventuellement, de réserver certaines aides publiques aux
investissements remplissant les conditions fixées82.
69 Il convient donc de différencier le recours au contrôle dans le domaine étudié de son
utilisation dans d’autres branches du droit, et de sa dimension économique. Mais les
difficultés et les critiques exposées à propos de la notion de contrôle demeurent
présentes. Toutefois, lorsque le recours au contrôle est défini ex ante, sur des bases
connues et suffisamment objectives, elles perdent une part de leur consistance. Il est
36

probable que le besoin d’objectivité juridique va à l’encontre de la précision du fait


économique : certaines formes de contrôle échapperont, par nature, aux critères fixés. De
ce point de vue, on doutera que le concept purement économique d’investissement direct
puisse être transposé de manière satisfaisante sur le plan juridique.

b) L’évolution des formes d’investissement

70 On a mentionné que les Conventions bilatérales couvrent indistinctement les différentes


formes d’investissement, et que certaines d’entre elles prévoient la possibilité de
« modifications de forme »83. La distance affichée en ce domaine paraît justifiée par le fait
que les techniques d’investissement sont multiformes, et qu’elles se présentent
fréquemment en termes d’alternatives.
71 Actuellement, les investissements directs n’occupent plus la place prédominante qui a été
la leur jusqu’à une période récente. Les emprunts et crédits internationaux ont pris un
nouvel essor. Des législations encouragent ou exigent la création d’entreprises conjointes,
associant des capitaux nationaux aux capitaux étrangers84. Il n’est plus exceptionnel que
les participations étrangères y soient minoritaires. Des formes d’investissement sans
participation, ou avec une participation minime, ont proliféré à partir de réseaux
contractuels diversifiés, qui juxtaposent des contrats de construction, d’assistance
technique, de commercialisation, de co-production, à des accords financiers85. En d’autres
termes, les techniques d’investissement apparaissent de plus en plus nombreuses ; elles
sont souvent interchangeables, permettant d’arriver à des résultats économiques peu
différents par des voies juridiques variées ; et rien ne permet de considérer que ce
processus de diversification soit achevé.
72 Par là, il ne semble pas que le clivage opéré entre investissements directs et indirects soit
d’une grande pertinence dans la matière étudiée. Il importe de prendre en compte la
diversité des techniques utilisées, et la croissance de formes mixtes d’investissement, qui
associent des techniques contractuelles et des prises de participation, selon un ample
éventail. En ne privilégiant pas une forme d’investissement plutôt qu’une autre, les
Conventions font preuve de souplesse ; elles paraissent aptes à couvrir les techniques
juridiques nouvelles qui sont élaborées.

Section III. Le rattachement d’un investissement à un


État et à une économie nationale
73 Selon un principe constant de droit international, la compétence qu’un Etat détient sur
ses propres ressortissants se trouvant sur son territoire est pleine et exclusive. Lorsque
des ressortissants sont soumis à la compétence d’un autre Etat, notamment parce qu’ils
s’établissent en territoire étranger, l’Etat national possède un droit de protection à leur
égard. La protection est personnelle, et elle est fondée sur la nationalité86. Bien que,
comme tout principe, celui-ci connaisse quelques exceptions, la relation mentionnée
« bien-personne-Etat » demeure la relation de base du droit des gens dans la matière
étudiée.
74 Au niveau des Conventions d’investissement, on est en présence d’avoirs économiques ou
sociaux, dont il s’agit de déterminer le caractère étranger, aux fins de l’application d’un
traité. Le point de départ des définitions des Conventions demeure celui qui est établi en
droit général : un investissement est « effectué par » ou « appartient à » une personne (un
37

investisseur) qui est elle-même rattachée à un Etat-partie par un lien de nationalité.


Toutefois, cette relation de base est infléchie par deux correctifs importants : certains
critères de détermination de la nationalité de sociétés sont particuliers dans le cadre de
Conventions ; et la délimitation des rapports de droits et d’obligations entre Etats-parties
ne s’opère pas sur la seule base de la nationalité.

9. Les investisseurs

75 Peu de Conventions sont fondées sur le terme « investisseurs » ; il sert pourtant de base
aux définitions données dans quelques-unes d’entre elles, telles les Conventions Royaume-
Uni-Roumanie et Suède-Chine87.
76 La grande majorité des définitions font référence aux « ressortissants », ou encore aux
« ressortissants ou sociétés ». Le mot « ressortissant » (ou national) est utilisé dans deux
sens différents. Dans nombre de Conventions, il est réservé aux personnes physiques 88 ;
dans d’autres, il couvre à la fois des personnes physiques et des personnes morales 89.
77 Les définitions du terme « sociétés » présentent des variations plus sensibles encore. Dans
certains textes, sociétés et personnes morales sont synonymes. Ainsi, la Convention France-
Jordanie dispose : « Le terme de “sociétés” désigne toute personne morale constituée sur le
territoire de l’une des Parties contractantes conformément à la législation de celle-ci et y possédant
son siège social »90. Les sociétés commerciales et autres entités sans personnalité juridique
sont exclues du champ d’application de la Convention.
78 A l’autre extrémité, les « sociétés » englobent toute entité avec ou sans personnalité
juridique, à responsabilité limitée ou non, à but lucratif ou non ; ainsi dans la Convention
Japon-Egypte91. Une définition aussi large permet de couvrir des associations à vocation
humanitaire, des collectivités territoriales ou des établissements publics, outre des
sociétés commerciales sans personnalité juridique, pour autant que leurs avoirs aient été
reconnus comme des investissements.
79 Il est à noter que les Conventions admettent, d’une manière générale, une capacité
identique d’investir aux personnes physiques et aux sociétés. Jusqu’à une date qui n’est
pas si lointaine, la question de l’applicabilité d’un traité de commerce ou d’établissement
aux sociétés commerciales était demeurée incertaine92. Les Conventions bilatérales
consacrent l’identité du statut des unes et des autres. Quelques définitions données par la
Roumanie font cependant exception : elles excluent qu’une personne physique puisse
effectuer un investissement, au sens d’une Convention93.

10. La nationalité des ressortissants

80 Par un ressortissant, nous entendrons ici une personne physique, rattachée à un Etat par
un lien de nationalité94. En admettant qu’un ressortissant d’un Etat-partie à une
Convention soit directement propriétaire d’investissements situés sur le territoire de
l’autre Partie, ces investissements entrent dans le champ d’application du régime
juridique convenu par traité. Le cas de figure envisagé est le plus simple. C’est aussi celui
qui a servi de base à l’évolution du droit ; mais, dans les circonstances contemporaines, il
ne s’agit plus que d’un cas minoritaire, sinon marginal.
81 Rappelons qu’en droit international il appartient à chaque Etat-nation, en première
instance, de désigner quels sont ses ressortissants. Toutefois, pour qu’un lien de
38

nationalité soit opposable à un autre Etat aux fins de la protection accordée par le droit
international, une certaine effectivité est requise. Selon les termes devenus classiques de
la CIJ dans l’Affaire Nottebohm (Deuxième phase), la nationalité doit être « l’expression
juridique exacte d’un fait social de rattachement »95. En ce sens, la nationalité revêt une
double dimension : comme notion politique et juridique, elle désigne un rattachement à
un Etat ; du point de vue sociologique, elle rend compte d’un lien prédominant avec une
population, une nation96.
82 Au niveau des Conventions d’investissement, les définitions des ressortissants sont des
plus simples. En règle générale, chaque Etat-partie désigne ainsi ses citoyens, ou les
individus qui sont des nationaux aux termes de sa législation97.
83 Pourtant, « ressortissant » n’est pas synonyme de « citoyen », et la nationalité dans
l’ordre international ne coïncide pas nécessairement avec les définitions qu’une loi en
donne, ainsi que diverses Conventions conclues par le Royaume-Uni l’attestent. Par
exemple, la Convention Royaume-Uni-Indonésie stipule : « “nationals” means : (i) in respect of
the United Kingdom : persons who are citizens of the United Kingdom and Colonies, British subjects
by virtue of sections 2, 13 or 16 of the British Nationality Act 1948 or the provisions of the British
Nationality Act 1965 and British protected persons »98.
84 Des règles plus élaborées, concernant les cas de nationalité double ou multiple, la
continuité du lien de nationalité, etc. n’ont pas été rencontrées. En cas de litige, on doit
considérer que les solutions dégagées par le droit international général seraient
applicables.
85 En particulier, la résidence, le domicile ou le lieu d’établissement des ressortissants
paraissent indifférents au regard des Conventions99. Elles s’appliquent à des avoirs de
personnes physiques situés sur le territoire de l’autre Partie ; il importe peu que ces
personnes soient elles-mêmes établies sur le territoire de l’Etat d’accueil ou qu’elles
demeurent sur le territoire de leur Etat national. Par exception, la Convention Danemark-
Indonésie restreint son domaine d’application aux investissements de ressortissants qui
sont domiciliés sur le territoire de leur Etat national100.

11. La nationalité des sociétés

86 Aux fins de la protection accordée par le droit international, les sociétés commerciales (et
autres entités définies comme des « sociétés » par une Convention) possèdent une
nationalité. En ce sens, le rattachement d’un investissement à un Etat-partie s’effectue
sur la même base que pour les investissements de personnes physiques.
87 Il est admis, cependant, que les sociétés n’ont une nationalité que par une analogie
limitée avec la situation des individus101. Le lien juridique qui permet de rattacher une
société à un Etat n’a pas le même fondement que les éléments d’allégeance à une
communauté relevés dans le cas d’une personne physique. Les critères d’attribution d’une
nationalité ne peuvent être identiques ; le jus sanguinis, par exemple, est dénué de sens en
matière de sociétés. Par contre, la dimension économique du rattachement d’une société
à un Etat revêt une importance qu’elle n’a pas, de prime abord, pour un individu. Il en
résulte que la validité de cette analogie, sa portée et ses limites ont périodiquement été
remises en question ; les termes du débat ont évolué entre la définition de critères
objectifs, parfois considérés comme trop formels, et la recherche d’une « réalité »,
politique ou économique, qui s’abriterait derrière une façade sociale102. Ce mouvement de
39

balancier a donné lieu à une jurisprudence, une pratique diplomatique et des études
doctrinales abondantes103.
88 La principale autorité en la matière est actuellement l’arrêt rendu par la CIJ dans l’Affaire
Barcelona Traction. On retiendra le principe énoncé par la Cour : « Lorsqu’il s’agit d’établir un
lien entre une société et tel ou tel Etat aux fins de la protection diplomatique, le droit international
se fonde, encore que dans une mesure limitée, sur une analogie avec les règles qui régissent la
nationalité des individus. La règle traditionnelle attribue le droit d’exercer la protection
diplomatique d’une société à l’Etat sous les lois duquel elle s’est constituée et sur le territoire duquel
elle a son siège. Ces deux critères ont été confirmés par une longue pratique et par maints
instruments internationaux »104.
89 Selon la jurisprudence contemporaine, la nationalité d’une société de capitaux est donc
déterminée selon deux critères de base : la loi sous l’empire de laquelle une société est
constituée (critère de la constitution, de l’incorporation, ou de 1’ » enregistrement ») et la
localisation du siège social. Toutefois, la CIJ ajoutait : « les critères que l’on a retenus ont un
caractère relatif »105. Des critères additionnels ou différents sont parfois requis ; ainsi le
lieu du centre d’exploitation ou l’exigence supplémentaire d’un « intérêt prépondérant »,
d’un « contrôle », ou d’un substantial interest dans le capital social par des ressortissants de
l’Etat protégeant106.
90 A contrario, il existe fort peu d’autorité pour admettre le critère du contrôle comme
déterminant à titre principal la nationalité d’une société107.
91 Par traité, des Etats peuvent confirmer des règles de droit international général, ou y
déroger. Les définitions des Conventions, qui sont passablement diversifiées, offrent un
mélange des deux solutions. Nous réserverons, à ce stade, le cas des sociétés d’un Etat
d’accueil qui sont constituées au moyen d’investissements de ressortissants ou sociétés
d’un Etat d’origine.
92 Le critère de la constitution apparaît à titre unique ou principal dans de nombreuses
définitions ; ainsi dans la Convention Royaume-Uni-Sri Lanka 108. On sait que ce critère est
habituellement retenu par les pays de tradition juridique anglo-américaine. Il est aussi
mentionné par des pays qui ne sont pas de Common Law ; tel est le cas, par exemple, de la
Convention Pays-Bas-Yougoslavie109.
93 Le critère du siège social apparaît dans un nombre aussi substantiel de définitions. Il est
prédominant dans les systèmes de droit civil ; les définitions données par la République
fédérale d’Allemagne, la Belgique, la France, ou encore la Côte d’Ivoire et le Maroc le
retiennent, de manière exclusive ou principale110.
94 Même si ces deux critères sont repris dans une grande majorité de définitions, on notera
que la liste des mentions additionnelles, correctives ou des exceptions n’est pas
négligeable. Le caractère relatif des définitions est manifeste ; ainsi, il n’est pas
exceptionnel qu’un même Etat adopte, d’une Convention à l’autre, des critères différents.
Quelques textes exigent que les ressortissants d’une Partie détiennent un intérêt
prépondérant ou substantiel dans les sociétés de même nationalité, en sus des critères
traditionnels111. La Convention Royaume-Uni-Philippines ajoute à la constitution la condition
que les sociétés aient effectivement des activités et « a place of effective management » dans
leur Etat national112. Pour sa part, la Convention Pays-Bas-Maroc cumule le critère de la
constitution et celui du « principal établissement »113. Sans être de règle, des mentions
particulières de cet ordre ne sont pas rares.
40

95 En outre, une minorité significative de Conventions recourent au critère de l’intérêt


prépondérant pour déterminer la nationalité d’une société, à titre exclusif ou alternatif.
Tel est le cas, par exemple, de la Convention Suisse-Egypte et de diverses autres conclues par
la Confédération suisse114. Cette règle est conforme à la pratique diplomatique actuelle de
ce pays115. Mais d’autres Conventions, comme la Convention Suède-Chine, stipulent
également le recours au contrôle à titre alternatif116.
96 En résumé, les définitions des Conventions à ce sujet ne présentent pas un niveau de
cohérence comparable à celui qui a été rencontré dans le cas des personnes physiques.
Dans la majorité des cas, les critères établis de la constitution et du siège social sont
retenus. Des exceptions et des mentions particulières apparaissent également, en nombre
non-négligeable.

12. La protection des sociétés contrôlées et des actionnaires

97 La situation que l’on examinera à présent concerne les sociétés qui sont constituées et/ou
qui ont leur siège dans un Etat d’accueil, comme résultat d’investissements effectués par
des ressortissants ou sociétés d’un Etat d’origine. La question qui se pose est de
déterminer si le domaine d’application d’une Convention s’étend, ou non, à de telles
sociétés ; il est à peine besoin de rappeler qu’elle est d’une importance cruciale 117.
98 On sait que certaines législations exigent que des investissements étrangers prennent la
forme d’une société de droit national118 ; dans d’autres cas, la création d’une société-filiale
répond d’abord aux intérêts des investisseurs étrangers. Quels qu’en soient les motifs, si
l’on s’en tient aux critères reconnus de la constitution et du siège social, de telles sociétés
possèdent la nationalité de l’Etat d’accueil. Sauf dispositions particulières dans une
Convention, la compétence territoriale et personnelle qu’un Etat d’accueil détient à leur
égard est exclusive d’un droit de protection de l’Etat d’origine des capitaux.
99 Il existe un aspect paradoxal à une telle situation, dans la mesure où ces sociétés
nationales d’un Etat d’accueil seront fréquemment considérées, par ce même Etat, comme
détentrices d’investissements « étrangers », et soumises à ce titre à un régime juridique
particulier119. On est donc amené à se demander si le caractère « étranger » d’un
investissement coïncide avec les critères d’attribution d’une nationalité à une société.
Dans de nombreux droits nationaux, l’absence de coïncidence est manifeste ; qu’en est-il
au niveau des Conventions bilatérales ?
100 A vrai dire, les dispositions des Conventions à ce sujet témoignent d’un grand éclectisme.
Par souci de clarification, somme toute relative, on les regroupera en cinq catégories.
101 a) Un premier groupe de Conventions, important, ne contient pas de dispositions
explicites traitant de la question. Tel est le cas, notamment, de la plupart des Conventions
conclues par la Belgique et par la France120. Leurs définitions du terme « sociétés » s’en
tiennent à l’un ou l’autre critère énoncé par la CIJ ; des dispositions additionnelles,
s’adressant au régime des sociétés contrôlées, n’y sont pas apparentes. Trois solutions
sont alors concevables.
102 La première consiste à admettre que les investissements couverts par une Convention
sont ceux qui sont effectués par des ressortissants d’un Etat-partie sur le territoire de
l’autre Partie, à l’exception des investissements qui prennent la forme d’une société
possédant la nationalité de l’Etat d’accueil. Il est clair que la portée de l’exception est
41

considérable ; mais cette solution est sans doute la plus conforme à la relation de
nationalité établie en droit international général121.
103 La deuxième solution revient à interpréter le terme « investissement » en faisant
abstraction des formes juridiques qu’il revêt, notamment de la personnalité morale des
sociétés. L’existence d’une telle tendance a été mentionnée ; il est certain, d’autre part,
que les procédures d’agrément ou d’autorisation d’investissements étrangers permettent
actuellement leur enregistrement et leur identification « à la frontière », pourrait-on
dire. Cette interprétation conduit à rattacher directement des investissements aux
investisseurs de l’Etat d’origine. On notera, toutefois, qu’elle se situe aux antipodes des
principes de compétence et de protection personnelle reconnus par le droit des gens. En
cas de différend, il est loin d’être certain que ces derniers seraient écartés au profit d’une
acception aussi extensive du terme « investissement ». De plus, cette tendance se heurte à
une grave objection, lorsque l’investisseur est une société nationale de l’Etat d’origine,
dont les investissements prennent la forme d’une société nationale de l’Etat d’accueil. On
conçoit mal que le lien déterminant de rattachement d’une société à un Etat soit la
nationalité pour la première, mais qu’il devienne un élément secondaire pour l’autre.
104 Enfin, il est possible que l’intention d’Etats-parties à des Conventions ait été d’assurer la
protection directe des intérêts de leurs ressortissants-actionnaires, en passant outre la
personnalité et la nationalité propres de sociétés-filiales. Cette question sera examinée ci-
dessous.
105 b) A l’opposé, un deuxième groupe de Conventions définit la nationalité des sociétés sur la
base de l’intérêt prépondérant ou du contrôle, stipulé à titre exclusif ou alternatif. Ainsi,
aux termes de la Convention Suisse-Malaisie, une société anonyme incorporée en Malaisie,
dont le capital social serait entre les mains de ressortissants suisses de manière
prépondérante, aurait une nationalité malaise (par l’incorporation) et/ou suisse (par
l’intérêt prépondérant)122. Le régime juridique de la Convention lui est applicable.
106 Selon la jurisprudence, la pratique diplomatique et la doctrine dominantes, la
détermination de la nationalité d’une société à partir du critère principal du contrôle est
nettement dérogatoire du droit commun123. Pour les raisons indiquées, il est douteux que
le contrôle remplisse les conditions minima d’objectivité et de sécurité juridiques
requises ; l’Echange de lettres annexé à la Convention Suisse-Singapour est significatif des
difficultés d’interprétation et d’application qu’il pourrait entraîner124. Le contrôle, comme
critère de nationalité, repose sur le postulat que le rattachement d’une société à l’Etat
d’origine des capitaux est plus étroit que les liens qui unissent cette société à l’Etat où elle
est constituée et où, fréquemment, elle déploie ses activités. Il serait hasardeux de
prétendre qu’un tel rattachement est conforme à l’état actuel du droit international.
107 c) Une autre catégorie de Conventions se réfère aux critères reconnus de nationalité des
sociétés, mais en infléchissant par accord la nationalité des sociétés contrôlées. Ainsi, la
Convention Pays-Bas-Kenya définit la nationalité des personnes morales sur la base de la
constitution ; mais, lorsqu’une personne morale établie sur le territoire d’un Etat-partie
est contrôlée par des ressortissants de l’autre Partie, il peut être convenu par accord
entre ce dernier Etat et la personne concernée qu’elle sera considérée, aux fins de la
Convention, comme nationale de l’Etat d’origine125. Ce dispositif permet de faire entrer la
société contrôlée dans le domaine d’application du traité.
108 On est alors en présence d’une nationalité d’une société contrôlée qui est limitée à la
matière-objet de la Convention, et qui est déterminée par un accord de volonté entre les
42

parties concernées. Il n’est dérogé à la compétence de l’Etat d’accueil vis-à-vis d’un de ses
nationaux que par un consentement explicite de cet Etat, dont la liberté de décision est
préservée. Il s’agit là d’une dimension fonctionnelle de la nationalité d’une société, qui
correspond à la solution retenue dans la Convention de Washington 126. L’analogie avec la
nationalité des personnes physiques apparaît alors des plus ténues.
109 d) Un quatrième groupe de Conventions étend la protection du traité aux sociétés-filiales
en recourant à la notion de contrôle, mais sans se prononcer sur la nationalité des
sociétés contrôlées.
110 Cette solution est courante dans les Conventions conclues par la République fédérale
d’Allemagne. Ainsi, la Convention Allemagne-Philippines définit la nationalité des sociétés
selon les critères de la constitution et du siège social. Par ailleurs, il est stipulé que les
normes de traitement convenues sont applicables aux « Investments owned by, or under the
effective control of, nationals or companies of either Contracting Party in the territory of the other
Contracting Party (...) »127. Même si une société de droit philippin possède la nationalité de
cet Etat, le fait qu’elle soit effectivement contrôlée par des ressortissants allemands
permet de lui appliquer certaines règles de la Convention bilatérale. Il faut sans doute
considérer que la notion de contrôle, dans ce cas, correspond aux définitions qui en sont
données par les réglementations de l’Etat d’accueil relatives aux investissements
étrangers.
111 Un tel mode de rattachement paraît le plus conforme à la fois au droit international et
aux problèmes posés par les législations nationales sur les investissements. Il revient à
dissocier la nationalité des sociétés et le caractère étranger d’un investissement. La
nationalité, comme lien de rattachement à un Etat-nation, conserve sa valeur juridique
aux fins des relations de compétence et de protection personnelle établies par le droit des
gens. Le rattachement d’un investissement est déterminé selon des critères économiques
quelque peu différents ; il s’agit d’établir les liens qui unissent des avoirs à une économie
nationale, en fonction d’objectifs de politique économique.
112 Des variantes apparaissent, selon les Conventions. La Convention Japon-Egypte étend
l’application des règles de traitement et d’expropriation aux sociétés dans lesquelles des
ressortissants de l’autre Partie ont un substantial interest, bien que nationales de l’Etat
d’accueil selon les critères définis de la constitution et du siège social 128. Aux termes de la
Convention Suède-Sri Lanka, l’extension de la protection de la Convention à des sociétés
nationales de l’Etat d’accueil devra être déterminée par accord entre les deux Etats 129.
113 e) Enfin, un groupe de Conventions contient des dispositions spécifiques visant à la
protection des intérêts indirects des actionnaires dans des sociétés nationales d’un Etat
d’accueil. Ceci vaut notamment en matière d’expropriation. Il est arrivé qu’un Etat
exproprie les actifs d’une société qui possède sa nationalité, sans affecter sa personnalité
juridique ; la question de savoir si l’Etat national des actionnaires avait alors un titre à
protéger leurs intérêts, en dépit du maintien de l’existence légale de la société, a été des
plus controversées, comme l’atteste entre autres l’Affaire de la Compania Mexicana de
Petroleos El Aguila, S.A.130. En ce sens, divers accords conclus par le Royaume-Uni, telle la
Convention Royaume-Uni-Thaïlande, disposent que les conditions d’expropriation et
d’indemnisation convenues seront applicables aux actionnaires-ressortissants de l’Etat
d’origine131. Il en va de même, par exemple, dans la Convention Belgique-Malaisie 132.
114 En l’absence de dispositions expresses, il est beaucoup plus délicat de déterminer si les
intérêts d’actionnaires sont protégés par une Convention, quels intérêts, et dans quelles
43

circonstances. Ainsi qu’on l’a mentionné, un investissement au sens d’une Convention


englobe des catégories fort diverses de droit privé133. A ce niveau de généralité, il n’est
guère possible d’établir des distinctions entre les droits propres d’une société contrôlée,
les droits des actionnaires et leurs intérêts indirects. Pour se prononcer, il convient
d’examiner les différentes règles de fond établies par Convention.
115 L’évolution du droit international général ne permet pas de donner une interprétation
extensive de la protection des intérêts des actionnaires. S’agissant de la protection
diplomatique, on rappellera que la Cour dans l’Affaire Barcelona Traction a jugé « (...)
qu’aucune règle de droit international ne confère expressément un tel droit à l’Etat national des
actionnaires »134. Au cas où une société possèderait la nationalité de l’Etat défendeur, la CIJ
a refusé d’examiner si des considérations d’équité permettaient à un Etat de protéger les
intérêts de ses ressortissants-actionnaires, la question étant sans pertinence en l’espèce 135
. Par traité, des Etats peuvent déroger à des principes de droit général ; mais de telles
dérogations ne sauraient être présumées. Ceci implique que la protection des sociétés
contrôlées et celle des intérêts des actionnaires demeurent incertaines dans les
Conventions qui ne les prévoient pas explicitement.

Section IV. Le caractère privé ou public d’un


investissement
116 On a parfois considéré que les Conventions d’investissement couvraient des
investissements « privés »136. De fait, nombre de leurs préambules déclarent que le but
recherché est de « stimuler l’initiative économique privée », voire « d’intensifier la coopération
entre les entreprises privées des deux Etats »137. Nous examinerons si le domaine d’application
des Conventions est limité aux investissements privés.

13. L’exclusion des investissements effectués par un Etat d’origine

117 Le caractère privé ou public d’un investissement dépend en premier lieu de la qualité
d’un investisseur. Dans cette optique, quelques définitions du terme « sociétés » se
réfèrent expressément à des entités de droit public138. Lorsque la Roumanie désigne
comme investisseurs « les unités économiques roumaines », il s’agit d’entités publiques, à
quelques exceptions près139. De même, quand la définition des « sociétés » inclut des
collectivités et des établissements, il n’y guère de raison pour en excepter des
établissements de droit public ou des collectivités territoriales telles que des
municipalités140. En règle générale, il n’est pas précisé que les sociétés concernées sont
seulement celles qui ont un statut de droit privé.
118 Par contre, les investissements couverts par une Convention doivent être le fait de
« ressortissants ou sociétés » d’un Etat-partie. L’Etat d’origine lui-même, ses organes, et
les entités dotées de prérogatives de puissance publique qui agissent pour son compte
n’entrent vraisemblablement pas dans le cadre des « ressortissants ou sociétés » 141. En
conséquence, on admettra que les Conventions n’ont pas vocation à s’appliquer aux
investissements d’un Etat-partie sur le territoire de l’autre Partie ; ceux-ci sont
généralement régis par des accords inter-étatiques ad hoc.
119 L’entité qui effectue un investissement entre seule en ligne de compte ; il importe peu,
semble-t-il, que le bénéficiaire en soit une société privée, un établissement de droit public
44

ou l’Etat d’accueil lui-même. Ainsi, un emprunt obligataire, émis par un Etat-partie sur le
marché financier de l’autre Partie, et placé auprès de banques et du public, est un
investissement auquel une Convention bilatérale s’applique142.

***

120 A la base des définitions examinées dans ce chapitre, nous avons trouvé des notions de
droit international général ; d’une part, l’assimilation des investissements aux biens
étrangers, entendus au sens large ; d’autre part, le rattachement de la personne qui
investit à un Etat-nation au moyen du lien de nationalité.
121 Plusieurs dérogations ont ensuite été introduites. Les investissements en cause ne
représentent qu’une fraction des biens étrangers, quoique d’une importance
déterminante dans les relations économiques internationales. Il s’agit d’avoirs
économiques et sociaux qui ont à la fois une valeur patrimoniale pour leurs détenteurs, et
une valeur économique dans le cadre du développement du pays qui les accueille. En
règle générale, les Conventions récentes mentionnent deux critères supplémentaires de
définition. Le premier, d’ordre objectif, consiste à répertorier sous forme de liste des
avoirs qui sont, en tout état de cause, des investissements ; il admet une frange
d’indétermination et de cas-limites. Le second, subjectif, se réfère aux définitions
particulières de la loi d’un Etat d’accueil ; il permet de préserver la liberté de décision de
celui-ci, et d’assurer que les investissements qu’il admet sont conformes à ses objectifs
économiques et sociaux. Au total, les Conventions dégagent une notion contemporaine de
l’investissement sur une base relativement souple et équilibrée.
122 La question du rattachement d’un investissement à un Etat s’avère plus délicate. Elle ne
présente pas outre mesure de difficultés lorsqu’un investissement est le fait d’une
personne physique, ressortissante d’un Etat, propriétaire ou détentrice de biens sur le
territoire d’un autre Etat. On demeure sur le terrain de la compétence personnelle et de la
relation « Etat-personne-bien » du droit des gens.
123 Mais la plupart des investissements sont actuellement le fait de sociétés, qui investissent
dans d’autres sociétés de nationalité différente. Le seul lien de nationalité, déterminé
selon des critères reconnus, soumettrait des investissements à la compétence exclusive de
l’Etat national d’une société ; il est apparu insuffisant pour rendre compte de liens qui
sont de nature plus économique. Ceci vaut pour des pays importateurs de capitaux ; des
sociétés nationales y sont considérées comme détentrices d’investissements étrangers.
Mais cela s’applique aussi à des pays exportateurs de capitaux ; bien qu’investis dans des
sociétés étrangères, des avoirs sont rattachés par des liens substantiels à leur économie
nationale et à leurs ressortissants. On en est conduit à admettre que la compétence ratione
personae d’un Etat, établie en droit général, n’est pas totalement applicable aux relations
d’investissement considérées.
124 Trois solutions, ou tentatives de solutions, apparaissent dans certaines Conventions
bilatérales. La première consiste à employer le terme « investissement » en faisant
abstraction des formes juridiques qu’il revêt. Il y a là une tendance à fonder un régime
juridique ratione materiae, plus que ratione personae ; mais, pour les raisons indiquées, il ne
semble pas que sa logique puisse être poursuivre jusqu’au bout de certaines prémisses.
Elle diffère trop ouvertement d’une tradition juridique établie, et elle laisse sans doute de
nouvelles questions de rattachement en suspens.
45

125 La seconde a été d’infléchir les critères de détermination de la nationalité de sociétés.


Selon une variante, le contrôle ou l’intérêt prépondérant constitue le principal critère
applicable. En réalité, cette conception de la nationalité d’une société traduit une volonté
de rattachement au profit du pays exportateur de capital ; les risques de confusion et
d’ingérence que sa généralisation ferait courir dans l’ordre international la relègue au
niveau d’un procédé exceptionnel. Selon une autre variante, la nationalité d’une société
est déterminée par accord entre les parties, et limitée à un objet précis. On peut alors
parler d’une nationalité fonctionnelle, qui ne présente pas les mêmes risques que le
recours général au contrôle évoqué précédemment ; mais la notion de nationalité est-elle
encore pertinente dans de telles situations ?
126 La dernière solution consiste à appliquer une Convention à certains investissements,
indépendamment de la nationalité d’une société. De nouveau, le recours au contrôle est
apparu, mais une notion de contrôle qui fait pendant à celle qui est utilisée dans les
législations nationales correspondantes. Il existe alors une compétence et une protection
ratione materiae, autonome par rapport aux principes du droit des gens. La nationalité
d’un investisseur demeure importante ; néanmoins, elle n’est plus le lien unique qui
permet de définir un rapport de droits et d’obligations entre les Etats-parties à une
Convention. Par là, il semble qu’une lex specialis des relations d’investissement soit en voie
de prendre son essor.

NOTES
1. « (...) en mettant en mouvement en sa faveur l’action diplomatique ou l’action judiciaire
internationale, cet Etat fait valoir son droit propre, le droit qu’il a de faire respecter en la
personne de ses ressortissants le droit international. Ce droit ne peut nécessairement être exercé
qu’en faveur de son national, parce que, en l’absence d’accords particuliers, c’est le lien de
nationalité entre l’Etat et l’individu qui donne seul à l’Etat le droit de protection diplomatique ».
CPJI, Série A/B N° 76 (1939), p. 16.
2. Diverses mentions du terme « investissements étrangers » apparaissent dans l’arrêt de la CIJ
concernant l’Affaire Barcelona Traction, Recueil 1970, not. p. 32, 46, 47. Mais la Cour l’a employé
sans autre précision, de même que plusieurs Juges dans leurs Opinions individuelles ; cf.
cependant l’Opinion du Juge Gros : « L’investissement est une décision d’affecter des biens à une
activité de production », id., pp. 273-74.
3. Conférence des Nations Unies sur le Commerce et l’Emploi, « Charte de la Havane », art. 12 :
« Investissements internationaux, Développement économique et Reconstruction », Nations
Unies, Doc. E/Conf. 2/78 (1948), p. 9. Quelques récents traités de commerce conclus par les Etats-
Unis se réfèrent aussi aux « investments » ou « direct investments », cf. p.ex. United States-
Germany (Fed. Rep. of), « Treaty of Friendship, Commerce and Navigation », art. XII, RTNU, v. 273
(1957), p. 18 ; United States-Korea, « Treaty of Friendship, Commerce and Navigation », art. XII,
RTNU, v. 302 (1958), p. 318.
4. A titre d’exemple, on citera la clause de définitions de la Convention Belgique-Cameroun, art.
1 : « Pour l’application de cette Convention : 1. le terme “nationaux” désigne : a) en ce qui
concerne l’Union Economique Belgo-Luxembourgeoise, toute personne physique qui selon la
46

législation belge ou luxembourgeoise est considérée comme citoyen de Belgique ou du


Luxembourg ; b) en ce qui concerne la République Unie du Cameroun, toute personne physique
qui selon la législation camerounaise est considérée comme citoyen du Cameroun. 2. Le terme
“sociétés” désigne : a) en ce qui concerne l’Union Economique Belgo-Luxembourgeoise, toute
personne morale constituée conformément à la législation de Belgique ou du Luxembourg et
ayant son siège social sur le territoire de Belgique ou du Luxembourg ; b) en ce qui concerne la
République Unie du Cameroun, toute société et toute personne morale, constituée conformément
à la législation camerounaise et ayant son siège social sur le territoire du Cameroun. 3. Le terme
“investissements” désigne tout élément d’actif quelconque, investi ou réinvesti dans des
établissements à activité économique. Seront considérés notamment mais pas exclusivement
comme des investissements au sens de la présente Convention : a) les biens mobiliers et
immobiliers ainsi que tous autres droits réels tels que hypothèques, gages, sûretés réelles,
usufruit et droits similaires ; b) les actions, les parts sociales et toutes autres formes de
participations dans des entreprises ; c) les obligations émises par des entreprises, les créances et
droits à toutes prestations ayant une valeur économique ; d) les droits d’auteur, les droits
industriels, les procédés techniques, les marques de commerce et le fonds de commerce ; e) les
concessions de droit public, ou contractuelles, y compris les concessions dans le domaine de la
recherche agricole, de l’extraction ou de l’exploitation de ressources naturelles. Toute
modification de la forme jurifique dans laquelle les avoirs et les capitaux ont été investis ou
réinvestis, n’affectera nullement leur caractère d’“investissements” au sens de la présente
Convention ». Pour des définitions aussi détaillées, mais non nécessairement concordantes, cf.
p.ex. Conv. Allemagne-Zambie, art. 8 ; France-Egypte, art. 1 er ; Italie-Roumanie, art. 2 ; Pays-Bas-
Soudan, art. XV ; Royaume-Uni-Philippines, art. I ; Suède-Chine, art. 1 ; Suisse-Singapour, art. 8.
5. Parmi une abondante bibliographie, cf. ILA, Report of the Fifty-Second Conference, « Foreign
Investments in the Developing Countries » (Rapporteur : Ph. Kahn) (1966) not. pp. 820-1, 839-47 ;
et les délibérations de l’Association, id., v. 53 (1968), p. 667 ; id., v. 54 (1970), p. 442 ; id. v. 55 (1972),
p. 661 ; id., v. 56 (1974), p. 409. IDI, « Les conditions juridiques des investissements de capitaux
dans les pays en voie de développement et des accords y relatifs » (Rapporteur : B.A. Wortley),
Annuaire, v. 52 (1967) t. I, not. pp. 406-8 ; et les délibérations de l’Institut, id. t. II, p. 400.
SCHWARZENBERGER , Foreign Investments and International Law, London, Stevens (1969) not. p. 17. Bos,
« The Protection of Foreign Investments in Dutch Court and Treaty Practice », in van PANHUYS (et
al.) International Law in the Netherlands, Alphen, Sijthoff & Noordhoff, v. III (1980), pp. 221-33.
CARREAU (et al.), Droit international économique, Paris, LGDJ (1978), not. pp. 362-70. DALLOZ, Répertoire
de droit international (Ph. Francescakis ed.), « Investissements » (par Ph. Kahn), Paris, v. II (1969),
p. 189, aux pp. 190-1. Cf. aussi E. LAUTERPACHT, « The Drafting of Treaties for the Protection of
Investment », ICLQ, Suppl. Publ. N° 3 (1962), pp. 18-35 ; KOPELMANAS, « La protection des
investissements privés à l’étranger », DPCI, v. 1 (1975), pp. 3-12 ; SCHOKKAERT, « Protection
contractuelle par les Etats des investissements privés effectués sur leur territoire », DPCI, v. 6
(1980), pp. 29-45 ; JUILLARD , « Les conventions bilatérales d’investissement conclues par la
France », Clunet, v. 106 (1979), pp. 274-325 ; VELLAS, « Droit de propriété, investissements
étrangers et nouvel ordre économique international », Clunet, v. 106 (1979), pp. 21-33. Lors des
travaux de l’ILA sur le sujet, le rapport préliminaire constatait : « Il existe une quasi-unanimité
pour considérer que la définition de l’investissement est un problème essentiel », id., v. 52 (1966),
p. 839. On notera cependant que des ouvrages fondamentaux en ont traité dans les années 1960,
sans chercher à approfondir la notion, cf. not. FATOUROS, « Government Guarantees to Foreign
Investors », op. cit. (1962) ; PREISWERK, « La protection des investissements privés dans les traités
bilatéraux », op. cit. (1963) ; NWOGUGU , The Legal Problems of Foreign Investment in Developing
Countries, Manchester University Press (1965).
47

6. Cf. SCHWARZENBERGER : « The terms investments and property are treated as synonyms and
cover all types of interests and rights in property », op. cit. (1969), p. 17 ; et cet auteur ajoutait :
« Such a liberal formulation of property and investments corresponds to the general practice of
international law », ibid. Cette conception déborde le cadre de la doctrine anglo-américaine, cf.
p.ex. BOS : « The term “investment” is to be understood here as including all rights and interests
in anything owned or possessed, whether movable or immovable, tangible or intangible », in VAN
PANHUYS (et al.), op. cit., v. III (1980), p. 223.
7. En ce sens, cf. not. Carreau (et al.), qui cherche à cerner d’abord « la notion économique », op.
cit. (1978), pp. 363-6, pour en donner ensuite « la traduction juridique », id., pp. 367-70. Une telle
démarche est fréquente dans la doctrine des pays de droit civil, cf. p.ex. DALLOZ, Répertoire..., op.
cit., v. II (1969), p. 190 ; FERNANDEZ FLORES, « Problematica legal de las inversiones extranjeras de cartera
en la normativa vigente », ADI, v. I (1974), p. 94 et s.
8. Conv. Belgique-Maroc, art. 1, 4, 7. De nombreuses Conventions, parmi les plus anciennes, ne
définissent pas le terme « investissement », et se bornent à l’accoler aux « biens, droits et
intérêts », cf. p.ex. Conv. Pays-Bas-Cameroun, art. 4, 6 ; Suisse-Côte d’Ivoire, art. 7 ; France-
Tunisie (1965), art. 1, 4. (NB. Lorsque nous datons une Convention, cela signifie que deux ou
plusieurs traités portant sur la même matière ont été conclus successivement, cf. p.ex. France-
Tunisie, « Convention sur les relations économiques et la protection des investissements »
(1965), et France-Tunisie, « Convention sur la protection des investissements » (1972). La date
permet de préciser à quelle source il est fait référence).
9. Conv. Suisse-Zaïre, art. 1 er : « Aux termes de cet Accord le mot “investissements” désigne des
apports en espèce ou en nature faits par les ressortissants ou sociétés d’une des Parties
Contractantes sur le territoire de l’autre, conformément à la législation respective des Parties
Contractantes, applicable aux investissements, en vue soit de constituer une capacité de
production nouvelle de biens ou de services soit de rationaliser des méthodes de production ou
d’en améliorer la qualité ».
10. Conv. Suisse-Tunisie, art. 1er, 3.
11. Conv. Pays-Bas-Sénégal (1979), art. 1(1). L’expression « biens, droits et intérêts » a
progressivement été omise dans les Conventions conclues depuis 1970, mais elle n’a pas
complètement disparu, cf. p.ex. Conv. Belgique-Egypte, art. 1(1) ; France-Syrie, art. 1(1).
12. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Côte d’Ivoire, art. 8 (« toutes les catégories de biens ») ; France-
Egypte, art. 1(1) (« avoirs de toute nature ») ; Pays-Bas-Corée, art. II(1) (« every kind of asset ») ;
Royaume-Uni-Bangladesh, art. 1(a) (« every kind of asset ») ; Suède-Yougoslavie, art. 1(1) (« all
assets ») ; Suisse-Singapour, art. 8(c) (« les placements en tout genre, y compris toutes les
catégories d’avoirs »).
13. Le Dictionnaire de la terminologie du droit international en donnait la définition suivante : « Biens,
droits et intérêts. Termes employés dans les traités de paix de 1919, 1920 et 1947 pour désigner
tous les avoirs, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, appartenant à l’un des Etats
belligérants ou à ses ressortissants et se situant ou s’exerçant sur le territoire d’un autre Etat
belligérant ou de ses colonies. — “L’expression biens, droits et intérêts est tellement large qu’elle
comprend certainement des parties aussi importantes d’un patrimoine que des actions”,
Sentence arbitrale, Allemagne-Roumanie, 7 juillet 1939. Rec. N.U. p. 1837 », Paris, Sirey (1960), p.
88. Dans l’Affaire Barcelona Traction, la CIJ a accueilli avec une réserve sensible la formule
« biens, droits et intérêts » invoquée par le Gouvernement belge, notamment quant à la
définition du mot « intérêts » : « La Cour est d’avis que, pour interpréter la règle de droit
international général concernant la protection diplomatique, ce qui constitue sa tâche, elle n’a
aucun besoin de déterminer le sens du terme intérêts dans les règles conventionnelles,
autrement dit d’établir si par ce terme les règles en question indiquent plutôt des droits que de
simples intérêts », CIJ, Recueil 1970, p. 38.
14. Cf. Recueil des décisions des tribunaux arbitraux mixtes, Paris, Sirey, 9 vol. (1922-30).
48

15. Sur ce point, cf. not. GUGGENHEIM , Traité, v. I (1953), pp. 330-43 ; R. BINDSCHEDLER , « La
protection de la propriété privée en droit international public », RC, v. 90 (1956-II) pp. 173-304,
not. p. 215 et s. Pour des tentatives de définition de « property » ou de la « propriété » en droit
international, cf. Restatement (2d), par. 191, p. 571 ; OECD, « Draft Convention on the Protection of
Foreign Property », art. 9(c), ILM, v. 2 (1963), p. 262 et les commentaires correspondants, id., p.
264 (ci-après OECD, « Draft Convention »). Les difficultés d’une définition commune aux
différents systèmes juridiques sont apparentes dans le Projet de l’OCDE, car si le terme
« property » est difficilement traduisible par celui de « propriété », il ne semble pas, non plus,
que la notion d’« interests in property » corresponde à des « intérêts dans la propriété », cf. les
déclarations de la CU, supra, n. 13.
16. ILR, v. 62 (1982), p. 140, à la p. 189.
17. Cf. O’CONNELL : « International lawyers have employed the expression “acquired rights” to
escape from the technicalities of municipal law which surround concepts such as property »,
International Law, v. II, p. 762. Sur la notion de « droits acquis », cf. P. LALIVE, « The Doctrine of
Acquired Rights », in International and Comparative Law Center, The Southwestern Legal
Foundation, Rights and Duties of Private Investors Abroad, New York, M. Bender (1965), pp. 145-200,
aux pp. 183-5 ; KAECKENBEECK « La protection internationale des droits acquis », RC, v. 59 (1937-I),
pp. 321-419 ; et infra, Chap. V, p. 180-2.
18. Conv. Pays-Bas-Yougoslavie, art. 1(a).
19. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Côte d’Ivoire, art. 8 ; France-Jordanie, art. 1(1) ; Italie-Egypte, art. 8
(1) ; Suède-Chine, art. 1(1) ; Suisse-Soudan, art. 1(3).
20. Cf. le recueil des lois et réglementations relatives aux investissements édité par l’ICSID/CIRDI,
« Investment Laws of the World — The Developing Nations », Dobbs Ferry, Oceana, 10 vol. (1973—)
(ci-après « ILW »). Incidemment, on peut regretter que les lois sur les investissements des pays
exportateurs de capitaux soient moins aisément disponibles. Sur la législation australienne de
1972, cf. TEDESCHI « Legal Controls on Foreign Participation in the Australian Economy », JWTL, v.
9 (1975), pp. 573-84. Sur la loi canadienne, cf. Statuts du Canada, « Loi sur l’examen de
l’investissement étranger » (1973-74) chap. 46. Sur la réglementation espagnole de 1974, cf.
FERNANDEZ FLORES, loc. cit. (1974), pp. 95-136. Sur la législation japonaise, cf. CHIN KIM , « Guide to
International Trade and Investment Law in Japan », JWTL, v. 9. (1975), pp. 553-67 ; KANAZAWA ,
« Accession of Japan to the Organization for Economic Cooperation and Development (OECD) and
the Liberalisation of Capital Movements », JAIL, v. 11 (1967), pp. 24-36 ; HORIGUCHI, « Foreign
Investment in Japan », DPCI, v. 2 (1976), pp. 325-9. Certains Etats réglementent les relations
d’investissement sous des dénominations diverses ; ainsi la France possède une « Loi N° 66-1008
du 28 décembre 1966, relative aux relations financières avec l’étranger », JORF, 29 déc. 1966, dont
l’objet est en partie de réglementer les « investissements directs étrangers », cf. le « Décret N°
67-78 du 27 janvier 1967 » pris en application de la loi, JORF, 28 janv. 1967 ; et PINTO « Le régime
juridique des investissements étrangers en France », Clunet, v. 94 (1967), pp. 235-64. Les Etats-
Unis, pour leur part, semblent opposés à un projet de réglementation nationale des
investissements étrangers ; mais ils se sont dotés d’un « International Investment Survey Act of
1976 », US Digest (1976), p. 527, ILM, v. 15 (1976), p. 1293 ; d’assez nombreuses lois, d’autre part,
imposent des conditions et des limites aux investissements étrangers, cf. TREASURY DEPARTMENT
« Summary of Federal Laws bearing on Foreign Investment in the United States », US Digest
(1975), p. 618. Par ailleurs, on se gardera d’opposer trop nettement les réglementations sur les
investissements « étrangers » et celles qui ne font pas de distinction. De nombreuses lois publiées
par le CIRDI s’appliquent à tous les investissements ; mais il est connu qu’une législation à usage
interne peut aussi servir, dans certains cas, à un usage externe. P.ex. la Loi tunisienne « .N° 69-35
du 26 juin 1969, portant Code des investissements » dispose, art. 2 : « Les garanties et avantages
prévus par le présent Code concernent les investissements réalisés en Tunisie par des personnes
49

physiques et morales, quelle que soit leur nationalité, et ayant fait l’objet d’un agrément
conformément à l’article 7 de la présente loi », ILW, v. 10 (1981), p. 3.
21. En ce sens, la Conv. Danemark-Indonésie, art. II soumet les investissements concernés (a) en
Indonésie, à la législation sur les investissements étrangers et, (b) au Danemark, à l’approbation
des autorités chargées du contrôle des changes.
22. Infra, Chap. II, p. 65. La Conv. Belgique-Malaisie p.ex. précise ainsi la définition d’un
investissement, art. 1(3) : « Le terme d’“investissements” désigne tout élément d’actif quelconque
et comprend notamment (...) pour autant que ces biens, au moment de leur investissement : (i) en
Malaisie soient investis dans un projet classifié comme “projet approuvé” par le Ministère
malaisien compétent, conformément à la législation et à la pratique administrative en la
matière ». Cf. aussi Conv. Allemagne-Pakistan, Exchange of Notes I-II : « It is our understanding
that the terme “investment” wherever it is used in this treaty or in the letters annexed refers in
respect of Pakistan to investments approved by the Government agencies authorizing such
investments ».
23. Cf. p.ex. Conv. Suisse-Indonésie, art. 1 : « Chaque Partie Contractante encouragera les
investissements effectués sur son territoire par des ressortissants ou sociétés de l’autre Partie
Contractante et admettra ces investissements conformément à ses législation et règlements » ; et
infra, Chap. II, p. 54.
24. Cf. p.ex. Conv. Suède-Sri Lanka, art. 2(1) : « This Agreement shall only apply to investments
made in accordance with the laws, regulations and procedures of the host country ».
25. Quelques Conventions semblent faire exception, car elles ne contiennent ni de définition des
investissements, ni de clause d’admission, ni de limitation de leur champ d’application ; ce sont
des Accords de commerce, de protection des investissements et de coopération technique conclus
par la Suisse, cf. p.ex. Conv. Suisse-Cameroun, art. 7 ; Suisse-Malte, art. 5. Si l’on s’en tient à la
lettre de ces traités, ils couvrent l’ensemble des biens, droits et intérêts des ressortissants d’une
Partie sur le territoire de l’autre.
26. Conv. France-Maroc, art. 3.
27. Corée, « Foreign Capital Inducement Law, N° 1802 of 1966 », art. 1, ILW, v. 4 (1978) 12 :2A-1.3.
28. Maroc, ILW, v. 6 (1978) 23 :2E.
29. Cf. les réglementations répertoriées par le CIRDI, Pakistan, ILW, v. 6 (1978).
30. Infra, Chap. VI, p. 215 ; Chap. VII, p. 241 ; Chap. VIII, p. 269.
31. P.ex., au Cameroun, la « Loi N° 64-LF-6 du 6 avril 1964, portant Code des investissements »,
s’applique à, art. 1er : « (...) au Cameroun oriental, toute entreprise nouvelle, tout établissement
nouveau de caractère industriel ou agricole, quelle que soit sa forme juridique », ILW, v. 2 (1978)
29 : 2A-2.1. En Corée, la « Foreign Capital Inducement Law, N° 1802 of 1966 » différencie parmi les
investissements, art. 2 : « Foreign Invested Enterprise », « Foreign Capital », « Cash Loan
Contract », « Capital Goods Inducement Contract », « Technological Inducement Contract », ILW,
v. 4 (1978) 12 :2A-2.2. En Egypte, la « Law N° 43 of 1974, concerning Arab and Foreign Capital
Investment and Free Zones, as amended », répertorie sous « Invested Capital », art. 2 : « (i) Free
foreign currency (...) for utilization in the execution or expansion of a project ; (ii) Machinery,
equipment, transportation equipment, raw materials and commodities requirements imported
from abroad and necessary for the establishment or expansion of the project (...) ; (iii) Intangible
assets, such as patents and trade-marks (...) ; (iv) The free foreign currency spent on preliminary
studies (...) ; (v) Profits realized by the project if utilized in increasing its capital or if invested in
another project (...) ; (vi) The free foreign currency (...) utilized to subscribe to Egyptian stock or
to purchase same from the stock exchange (...) ; (vii) The free foreign currency (...) utilized in
purchasing land whether vacant or not, for the construction of building (...) », ILM, v. 16 (1977), p.
1477. Pour sa part, Singapour, par « The Economic Expansion Incentives (Relief from Income Tax)
Act 1967, as amended by Act N° 31 of 1970 » distingue, inter alia, à l’art. 3 ; « approved foreign
loan », « approved royalties, fees or contributions », « export enterprise », « pioneer enterprise »,
50

ILW, v. 8 (1978) 36 :2A-2.1. Pour des définitions du terme « investissement » dans des systèmes
nationaux d’assurance-investissement, cf. infra, Chap. VI, p. 221.
32. Conv. Belgique-Corée, art. 3(1) ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Allemagne-Zaïre, art. 8(1) :
« Dans le cadre du présent traité, le terme “investissements” désigne l’ensemble des valeurs
corporelles et incorporelles d’une entreprise agréée ».
33. La définition proposée à l’Institut de Droit International en 1967 était la suivante : « 5. La
nature de l’investissement. On est en général d’accord qu’un investissement consiste en une
fourniture de biens, ou éventuellement de services, en vue d’un gain - matériel ou politique.
L’investissement peut se composer de biens immatériels. Ne pouvons-nous pas, par dessus tout,
considérer la réalisation d’une “paix juste et durable” comme un investissement ? », IDI,
Annuaire, v. 52 (1967-I), pp. 406-7. Plusieurs aspects de cette définition semblent diluer l’essence
du phénomène ; ordinairement, un investissement ne comprend pas des valeurs non-
économiques, ou non-patrimoniales - on peut douter qu’il soit justifié d’étendre la définition aux
sens que le langage courant, non-juridique et non-économique, en donne parfois ; les biens de
consommation personnelle ne font pas partie des investissements ; toute « fourniture » de biens
ou de services n’est pas un investissement.
34. A propos de la réglementation française, R. Pinto notait : « Il convient pourtant de remarquer
qu’il n’est pas d’usage d’employer le terme “entreprise” pour désigner une profession non
commerciale. De plus, dans la législation antérieure, l’exercice d’une profession libérale ne
relevait pas normalement du régime des investissements de capitaux. (...) on peut également
appuyer cette interprétation sur le fait que seules les sociétés exerçant une activité industrielle,
agricole, commerciale, financière ou immobilière, sont comprises dans la définition des
investissements directs et non celles qui ont pour objet une profession libérale », loc. cit. (1967),
pp. 238-9. Une solution identique paraît devoir être retenue pour d’autres réglementations
nationales, cf. supra, n. 31.
35. Le Maroc s’est doté d’une « Loi instituant des Mesures d’Encouragement aux Investissements
Artisanaux », ILW, v. 6 (1978), 23 :2B. Parmi les réglementations publiées par le CIRDI, elle fait
figure d’exception.
36. Ainsi la législation de Singapour, « The Economic Expansion Incentives (Relief from Income
Tax) Act, 1967 as amended by Act N° 31 of 1970 », réserve les bénéfices de la loi aux entreprises
qui ont investi un capital d’au moins un million de dollars, art. 5 : « Any company which has
incurred or is intending to incur a fixed capital expenditure of not less than one million dollars
and which is desirous of producing a pioneer product may make an application in writing to the
Minister to be approved as a pioneer enterprise in such form and with such particulars as may be
prescribed », ILW, v. 8 (1978), 36 :2A-4.1. Pour d’autres critères quantitatifs (montant du capital
investi, nombre d’emplois créés), cf. p.ex. Tunisie, « Loi 74-74 du 3 août 1974, relative aux
investissements dans les industries manufacturières », art. 5, 9, ILW, v. 10 (1981), pp. 22-3.
37. Infra, p. 25.
38. C’est pourquoi il nous paraît difficile de suivre le rapporteur de l’International Law
Association lorsqu’il déclarait : « Je voudrais que l’investissement soit considéré comme un type
de relation commerciale nouveau. C’est l’achèvement de l’opération simple que constitue la
vente, par exemple, ou toute autre opération commerciale qui se déroule dans un laps de temps
limité », ILA, Report of the Fifty-Third Conference (1968), p. 667. Les droits nationaux ne se
prononcent généralement pas en ce sens, ni les réglementations internationales (GATT, FMI) ; sur
la distinction de base entre les « transactions courantes » et les « transferts de capitaux » dans le
droit du FMI, cf. infra, Chap. IV, p. 138 et s.
39. En ce sens, cf. ROBINSON : « “longer-term transactions” : Although it is generally agreed that
short-term transactions are not expected to exceed one year, there is no common international
standard for determining what should be called a “medium-term” transaction », Multinational
Banking, Leiden, Sijthoff (1972), p. IX. Cette acception du « court-terme » résulte de l’usage ; dans
51

les premières versions des Statuts du FMI elle avait été retenue, mais non dans le texte adopté à
Bretton Woods, cf. not. EVANS, « Current and Capital Transactions : How the Fund Defines Them »,
Finance and Development (1968-3), pp. 34-5. Dans le même sens, cf. aussi MANN, « British Treaties
for the Promotion and Protection of Investments », BYIL, v. 52 (1981), p. 243.
40. Conv. Suisse-Egypte, Echange de lettres N° IV, intégré à la Convention.
41. Conv. Suisse-Indonésie, art. 3(c). Malgré quelques différences de formulation, ces cinq
rubriques sont mentionnées dans presque toutes les Conventions d’un modèle détaillé, cf. p.ex.
Conv. Allemagne-Philippines, art. 8(1) ; Italie-Roumanie, art. 2(1) ; Japon-Egypte, art. 1(1) ; Pays-
Bas-Soudan, art. XV(3) ; Royaume-Uni-Bangladesh, art. 1(a) ; Suède-Chine, art. 1(1) ; Suisse-
Equateur, art. 6(c).
42. Cf. p.ex. Conv. Royaume-Uni - Singapour, art. 1(a) (v) : « Business concessions conferred by
law or under contract, including concessions to search for, cultivate, extract or exploit natural
resources ».
43. La situation de ces droits incorporels dans l’ordre international est assez complexe. Dans son
cours à l’Académie de La Haye, A. VERDROSS parlait encore de « la soi-disant propriété littéraire
artistique et industrielle », non reconnue par le droit des gens, « Les règles internationales
concernant le traitement des étrangers », RC, v. 37 (1931 -III), p. 364. Dans l’« Affaire Oscar
Chinn », la CPJI a refusé de voir dans « la possession d’une clientèle et la possibilité d’en tirer
profit, un véritable droit acquis », Série A/B N° 63 (1934), p. 88 ; en faveur de cette exclusion, cf.
p.ex. GUGGENHEIM , Traité, v. I (1953), p. 333. Actuellement, il est probable que la reconnaissance ou
non de certains de ces droits se présente différemment selon qu’il s’agit, p.ex., d’une
expropriation, ou de leur protection à rencontre de contrefaçons et d’une concurrence déloyale.
Fondamentalement, la matière demande à être régie par le droit des traités, cf. not. BAXTER, World
Patent Law and Practice, London, Sweet & Maxwell (1968) ; CHAVANNE et BURST, Droit de la propriété
e
intellectuelle, Paris, Dalloz, 2 ed. (1980). Les incertitudes sur le type de protection envisagée sont
apparentes dans la Conv. Japon-Egypte ; après avoir défini comme « investments », art. 1(1) (d) :
« Patents of invention, rights with respect to trade marks, trade names, trade labels, and any
other industrial property, and rights with respect to know-how », le Protocole additionnel
dispose : « 1. Nothing in the Agreement shall be construed so as to grant any right or impose any
obligation in respect of copyright. 2(1) Nothing in the Agreement shall be construed so as to
derogate from the obligations undertaken by either Contracting Party towards the other
Contracting Party by virtue of the provisions of the Paris Convention for the Protection of
Industrial Property of March 20, 1883, as revised at London on June 2, 1934, or of any subsequent
revision thereof, so long as such provisions are in force between the Contracting Parties » ; et cf.
infra, Chap. III, p. 110.
44. Dans une Lettre annexée à la Conv. Suisse-Niger, l’assurance-crédit à l’exportation est
explicitement mentionnée, « Afin de faciliter le financement des fournitures de biens
d’investissement suisses à la République du Niger (...) ». Pour une analyse des débats sur ce point,
cf. Kahn in Dalloz, « Répertoire... », op. cit., v. II (1969), p. 191.
45. Supra, p. 22, et n. 39.
46. En ce sens, cf. les commentaires des « clauses-modèles » proposées par le CIRDI, infra, Chap.
VIII, p. 285, n. 74.
47. L’unité d’une opération d’investissement, comme pouvant inclure un ensemble d’actes
juridiques, a été nettement affirmée par le Tribunal arbitral désigné par le CIRDI dans l’« Affaire
Holiday Inns v. Morocco », cité in P. LALIVE « The First “World Bank” Arbitration (Holiday Inns v.
Morocco) - Some Legal Problems », BYIL, v. 51 (1980), pp. 123-61, à la p. 159. De même, cf. la
Sentence « Klöckner Industrie-Anlagen GmbH, Klöckner Belge S.A. et Klöckner Handel-
smaatschppij c/ République Unie du Cameroun et Sté camerounaise des engrais (SOCAME) »,
Clunet, v. 111 (1984) pp. 409-54, à la p. 431 (ci-après « Affaire Klöckner ») ; et infra, Chap. VIII p.
286, et n. 77.
52

48. « Investment is present sacrifice for future benefit » ; définition donnée in International
Encyclopedia of the Social Sciences (D.L. Sills ed.), London, Macmillan, v. 8 (1969), p. 194. Cf. aussi
Black’s Law Dictionary : « Investment. The placing of capital or laying out of money, in a way
intended to secure income or profit from its employment. SEC v. Wickham, D.C. Minn., 12F. Supp.
245, 247 », St. Paul, West Publ. Co., 4th ed. (1968), p. 960. Et Bouvier’s Law Dictionary : « Investment. An
investment is the loaning or placing of money so as to produce interest or profit. 17 A & E Ency.
2nd ed., 425. A sum is invested whenever its amount is represented by anything but money. 23
N.Y. 242 », Cleveland, Banks-Baldwin (W.E. Baldwin ed.) (1948), p. 591.
49. La définition de la Conv. Belgique-Egypte, p.ex., est représentative, art. 3(4) : « Le terme
“revenus” désigne les montants rapportés par un investissement durant une période donnée tels
que bénéfices, dividendes ou intérêts » ; et infra, Chap. IV, pp. 143-5.
50. Cf. p.ex. Conv. Suisse-Gabon, art. 11 : « Les investissements ainsi que les biens, droits et
intérêts appartenant à des ressortissants, fondations, associations ou sociétés d’une des Hautes
Parties Contractantes dans le territoire de l’autre (...) » ; d’autres Conventions conclues par la
Suisse incluent sous les « sociétés », des « collectivités, établissements ou fondations », cf. p.ex.
Conv. Suisse-Costa Rica, art. 6(b) (1).
51. Conv. Allemagne-Côte d’Ivoire, art. 8(4) ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. France-Corée
(1979), art. 2(2) (B) ; Royaume-Uni-Thaïlande, art. 2(2) (b). Contra, la Conv. Suisse-Syrie dispose,
art. 7(b) : « Les “sociétés” sont : (...) bb) en ce qui concerne la République arabe syrienne, toute
entité de droit privé ou public ayant ou non la personnalité juridique et visant à
l’accomplissement d’une activité lucrative ».
52. Sur la Convention de Washington, cf. infra, Chap. VIII, p. 269 ; le premier projet (Doc. 43)
donnait la définition suivante, art. 30(i) : « “investissement” signifie toute contribution en argent
ou autres avoirs ayant une valeur économique effectuée pour une période indéfinie ou, si la
période est précisée, pour au moins cinq ans », Convention pour le Règlement des Différends
Relatifs aux Investissements entre Etats et Ressortissants d’Autres Etats, Analyse des Documents
Relatifs à l’Origine et à l’Elaboration de la Convention, CIRDI, Washington, v. I (1970), p. 116. Pour un
exemple de législation nationale, cf. Tunisie, « Loi N° 69-35 du 26 juin 1969, portant Code des
investissements », Annexe I, art. 2 : « Les investissements doivent constituer des éléments stables
de l’actif et à ce titre être immobilisés et conservés comme moyens d’exploitation pendant une
durée minimum de cinq ans courant du 1er bilan qui suivra l’acquisition », ILW, v. 10 (1981), p. 8.
De nombreuses législations, cependant, ne contiennent pas de critère temporel.
53. ILA, Report of the Fifty-Second Conference (1966), p. 820, 839 ; et cf. les commentaires des
branches nationales, id., pp. 840-1.
54. Supra, p. 20.
55. Sur les transferts en retour, cf. Chap. IV, p. 117. La définition d’un investissement comme un
« mouvement de capital » paraît particulièrement prononcée dans la doctrine française, cf. p.ex.
CARREAU (et al.) : « C’est ainsi que le Droit des investissements est devenu, désormais, un Droit des
opérations financières de caractère international. On peut le définir comme la réglementation des
mouvements de capitaux entre les Etats » (en italiques dans le texte), op. cit. (1978), p. 361 ; et KAHN in
Dalloz, « Répertoire... », op. cit., v. II (1969), pp. 191-3. Cette approche n’est sans doute pas
étrangère au fait que la réglementation française portant sur les « investissements directs » est
issue d’une loi « relative aux relations financières avec l’étranger », cf. supra, n. 20.
56. OECD, « Code of Liberalisation of Capital Movements », Annex A, B, Paris, OECD (ed. 1978), p.
27 et s. Sur la notion de « transfert de capitaux » dans le droit du FMI, cf. infra, Chap. IV, p. 140.
57. En ce sens, cf. les travaux et les délibérations de l’ILA, cités supra, n. 5, 53.
58. Supra, p. 13, et n. 7.
59. Cf. KEYNES : « (...) the definition of current investment. For we must mean by this the current
addition to the value of capital equipment which has resulted from the productive activity of the
period », « The General Theory of Employment, Interest and Money » in The Collected Writings of
53

John Maynard Keynes London, Macmillan, v. VII (ed. 1973), p. 62. Et HAYEK : « The term of
investment (or an “investment”) will correspondingly describe the act of applying a unit of input
in any process of production », The Pure Theory of Capital, London, Macmillan (1941), p. 66.
60. Selon Keynes lui-même, « Any reasonable definition of the line between consumer-
purchasers and investor-purchasers will serve us equally well, provided that it is consistently
applied », id., p. 61. En ce sens, la caractéristique de base d’un investissement de capital est d’être
un acte de non-consommation personnelle ; dans ce dernier champ, les théories contemporaines
tendent en outre à distinguer l’investissement de l’épargne. Sur la notion économique du
« capital », cf. not. les définitions des auteurs classiques et le tableau comparatif analysés par
Hayek, id., pp. 47-58 ; et l’avertissement de cet auteur : « Even those writers who at earlier stages
of their exposition have most emphatically decided in favour of only one of the meanings of the
term capital, and that a “real” capital concept, later find it necessary either to use the word
“capital” in another sense, or to introduce some new term for something which in ordinary
language is also called capital. The consequent ambiguity of the term capital has been the source
of unending confusion and the suggestion has often been made that the term should be banned
entirely from scientific usage », id., p. 9.
61. Conv. Allemagne-Pakistan, art. 8(1) (b) ; un investissement y est défini comme suit, art. 8(1)
(a) : « The term “investment” shall comprise capital brought into the territory of the other Party
in various forms in the shape of assets such as foreign exchange, goods, property rights, patents
and technical knowledge. The term “investment” shall also include the returns derived from and
ploughed back into such “investment” ». De même, cf. la Conv. Etats-Unis-Egypte, art. I(1) (c) :
« “investment” (...) includes (...) (ii) a company or shares of stock in a company or interests in the
assets thereof ».
62. Pour une illustration significative de la question, cf. l’Affaire « Holiday Inns v. Morocco »,
citée supra, n. 47, aux pp. 125-32.
63. Conv. Suisse-Gabon, art. 11. Cette mention figure dans plusieurs Accords de commerce, de
protection des investissements et de coopération technique conclus par la Suisse, cf. p.ex. Conv.
Suisse-Cameroun, art. 7(1) ; Suisse-Malte, art. 5. Mais la référence aux investissements « détenus
indirectement » n’apparaît pas dans d’autres Accords du même type, cf. p.ex. Conv. Suisse-Côte
d’Ivoire, art. 7 ; Suisse-Sénégal, art. 7.
64. Conv. Suède-Malaisie, art. 1(1) ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Allemagne-Philippines, art.
8(1) ; Belgique-Cameroun, art. 1(3) ; France-Singapour, art. 1(1) ; Italie-Egypte, art. 8(1) ; Pays-
Bas-Soudan, art. XV (3).
65. Supra, p. 20.
66. Ces questions sont examinées infra, pp. 36-48.
67. On distingue couramment les investissements directs et indirects, industriels et
commerciaux, financiers et techniques, économiques et sociaux, etc. Dans cette optique, les
réglementations nationales sur les investissements présentent une variété impressionnante de
catégories et de sous-catégories. Ainsi, la réglementation indonésienne contient des dispositions
s’appliquant aux investissements agraires, miniers, pétroliers, forestiers en général, une loi sur
les investissements étrangers et des dispositions spécifiques à ces derniers « in the Field of Basic,
Light Industries and Power », ILW, v. 4 (1978), pp. 2-298. La législation marocaine contient des lois
relatives aux : (a) investissements industriels, (b) investissements artisanaux, (c) entreprises
industrielles ou artisanales exportatrices, (d) investissements maritimes, (e) investissements
touristiques, cf. Maroc, ILW, v. 6 (1978), pp. 3-56.
68. Au cours des années 1960, il n’était pas exceptionnel que le terme d’investissement visait les
seuls investissements directs, cf. p.ex. MEIER « Legal Economic Problems of Private Foreign
Investment in Developing Countries », The University of Chicago Law Review, v. 33 (1966), pp.
463-93 ; PREISWERK, « La protection... », op. cit. (1963), not. pp. 78-81 ; FATOUROS, « Government
Guarantees... », op. cit. (1962), pp. 23-24.
54

69. Infra, p. 43. Il est à noter que peu de réglementations nationales semblent fondées sur le
concept d’investissement direct. Font exception, notamment, la loi indonésienne, « Law N° I of
1967, concerning Investment of Foreign Capital » qui dispose, art. 1 er : « Capital investment in
this law is understood to cover only direct foreign investment (...) », ILW, v. 4 (1978), 1 : 2A-2.1,
ILM, v. 6 (1967), p. 205 ; et la réglementation française prise en application de la loi de 1966 (supra,
n. 20), le « Décret N° 67-78 du 27 janvier 1967 » définissant comme « investissements directs »,
art. 2(3) : « (a) l’achat, la création ou l’extension de fonds de commerce, de succursales ou de
toute entreprise à caractère personnel ; (b) toutes autres opérations lorsque, seules ou à
plusieurs, concomitantes ou successives, elles ont pour effet de permettre à une ou plusieurs
personnes de prendre ou d’accroître le contrôle d’une société exerçant une activité industrielle,
agricole, commerciale, financière ou immobilière, quelle qu’en soit la forme, ou d’assurer
l’extension d’une telle société déjà sous leur contrôle. Toutefois, n’est en aucun cas considérée
comme investissement direct la seule participation, lorsqu’elle n’excède pas 20 %, dans le capital
d’une société dont les titres sont cotés en bourse », JORF, 28 janvier 1967.
70. Le concept d’« entreprise multinationale » est étroitement lié à celui d’investissement direct.
En 1976, l’OCDE a adopté une série de décisions et de principes directeurs sur le sujet, intitulée
Investissement international et entreprises multinationales, Paris, OCDE (1976). Parmi une abondante
littérature, cf. aussi United Nations, Multinational Corporations in World Development, New York,
U.N. publ. N° E.73.II.A. 11 (1973) ; et Id. Transnational Corporations in World Development : a Re-
Examination, New York, U.N. publ. N° E.78.11.A.5. (1978). A juste titre, les Gouvernements des
pays-membres de l’OCDE ont choisi d’utiliser une approche descriptive du fait économique qu’est
l’entreprise multinationale, et se sont gardés d’en donner une définition juridique : « Une
définition juridique précise des entreprises multinationales n’est pas indispensable aux fins des
principes directeurs. D’une façon générale, les entreprises multinationales comprennent des
sociétés et autres entités, à capital privé, public ou mixte, établies dans des pays différents et
liées de telle manière qu’une ou plusieurs d’entre elles sont en mesure d’exercer une influence
importante sur les activités des autres et, en particulier, de partager connaissances et ressources
avec elles », « Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales », par. 8, in OCDE,
id., p. 12. Les liens entraînant une « influence importante » (« significant influence ») sont une
autre manière de faire référence au contrôle, tout en évitant l’emploi du terme.
71. En voulant saisir au plus près la réalité économique, on aboutit à reconnaître que l’existence
d’un contrôle ne peut être toujours définie sur la base de critères objectifs. Ainsi, une circulaire
du Ministère français des Finances, tentant d’expliciter la notion d’investissement direct du
Décret N° 67-78 (supra, n. 69) déclarait : « Il résulte des termes de l’article 2(3) du décret N° 67-78
du 27 janvier 1967 que les opérations concernant une même société ne doivent pas être
considérées isolément, mais dans leur ensemble, qu’elles soient concomitantes ou successives,
pour déterminer si elles ont le caractère d’investissements directs. Ainsi, une société doit être
considérée comme étant sous contrôle étranger, même lorsque la participation étrangère à son
capital est très faible, si celle-ci est assortie d’une option sur tout ou partie des titres restants en
faveur du détenteur de la participation étrangère ou si ce dernier octroie des prêts ou des
cautions dont le montant permet de penser qu’il a la responsabilité du financement de la société,
ou encore si cette participation est liée à l’octroi de brevets, de licences, de contrats
commerciaux ou d’assistance technique mettant la société dans laquelle a lieu l’investissement
sous la dépendance de l’investisseur. Dans des cas exceptionnels, l’octroi de prêts ou de garanties
peut, à raison de l’importance de leur montant, compte tenu de la situation financière de
l’entreprise en faveur de laquelle est accordé le prêt ou la garantie, suffire à donner le contrôle
de cette entreprise, indépendamment de toute participation au capital », « Circulaire du 26 juillet
1974 relative aux investissements directs français à l’étranger et aux investissements directs
étrangers en France », par. 11, JORF, 17 août 1974. Et le texte concluait en disant qu’en cas de
doute sur la réalité d’un contrôle, il fallait s’adresser au ministère compétent ; en fait, de telles
55

dispositions reviennent à laisser à l’administration une substantielle marge d’appréciation


discrétionnaire. Sur la définition des investissements directs dans le régime français mentionné,
cf. PINTO, « Le régime... », loc. cit. (1967), pp. 238-50, JUILLARD « Modifications récentes du droit
français des relations financières avec l’étranger », DPCI, v. 4 (1978), pp. 127-49 ; BÉRARD « La
réglementation des investissements français à l’étranger et étrangers en France », DPCI, v. 1
(1975), p. 233, aux pp. 235-8.
72. Pour des analyses critiques du recours au contrôle dans diverses branches du droit, cf.
PREISWERK « La protection... », op. cit. (1963, pp. 56-75 ; LOUSSOUARN « La condition des personnes
morales en droit international privé », RC, v. 96 (1959-1), pp. 447-551 aux pp. 481-3 ; P. de VISSCHER
« La protection diplomatique des personnes morales », RC, v. 102 (1961-1), pp. 395-511, aux pp.
440-5.
73. CPJI, Série A (1926), p. 68 ; sur la notion de « société contrôlée », invoquée en l’espèce à propos
de la « Vereinigte Königs - und Laurahütte », cf. Série C, N° 11, v. 1, pp. 104-5 ; id., v. II, pp. 727-30.
74. Sur ce point, cf. les considérations de la CIJ dans l’Affaire Barcelona Traction, Recueil 1970, pp.
39-40, not. le principe énoncé : « Là comme ailleurs, le droit à dû devant la réalité économique
prévoir des mesures protectrices et des recours, aussi bien dans l’intérêt de ceux qui font partie
de la société que de ceux qui, se situant au dehors, ont à traiter avec elle : le droit a reconnu que
l’existence indépendante de la personnalité morale ne saurait être considérée comme un
absolu », id., p. 39.
75. Ibid. ; sur les accords d’indemnisation globale et forfaitaire consécutifs à des nationalisations,
cf. infra, Chap. V, pp. 160-61.
76. « Conformément au principe énoncé ci-dessus, on peut admettre que la levée du voile,
procédé exceptionnel admis par le droit interne à l’égard d’une institution qu’il a lui-même
créée, joue un rôle analogue en droit international. Il en découle que, dans l’ordre international
également, il peut en principe y avoir des circonstances spéciales qui justifient la levée du voile
dans l’intérêt des actionnaires », ibid.
77. « Dahir portant Loi N° 1-73-413, instituant des mesures d’encouragement aux investissements
industriels », art. 2, ILW, v. 6 (1978), 23 :2A-2.1. Pour des dispositions dans le même sens, cf. p.ex.
Corée, « Foreign Capital Inducement Law, N° 1802 of 1966 », art. 2, ILW, v. 4 (1978), 12 :2A-2.1,2.2 ;
Mexique, « Law on the Promotion of Mexican Investment and the Regulation of Foreign
Investment », art. 2, ILM, v. 12 (1973), p. 643 ; Zaire, « Ordonnance-Loi N° 79-027 du 28 septembre
1979, portant Code des investissements », art. 1(c), IL W, v. 10 (1981), p. 3 ; sur la réglementation
française des investissements directs étrangers, cf. supra, n. 69, 71.
78. Sur les critères de détermination de la nationalité des sociétés dans les Conventions, cf. infra,
p. 39 et s.
79. L’exigence d’un rattachement effectif à une économie n’est pas seulement le fait de pays
importateurs de capitaux ; des pays exportateurs ont également recours au contrôle, p.ex.
lorsqu’il s’agit d’assurer un investissement à l’étranger, cf. infra, Chap. VI, pp. 219-20. De même, la
Conv. Etats-Unis-Egypte, parmi d’autres, réserve le bénéfice du traité aux sociétés, art. I(1) (b) :
« (...) in which (i) natural persons who are nationals of such Party (...) have a substantial
interest ».
80. Infra, Chap. II, p. 57
81. Infra, Chap. IV, pp. 124-27.
82. Infra, Chap. III, p. 112.
83. Supra, p. 29.
84. En ce sens, cf. la Conv. Pays-Bas - Indonésie, art. 2 : « With regard to the form of cooperation
in the activities referred to in the preceding paragraph, the Contracting Parties, without
excluding any other form, recognize the importance of joint ventures in which nationals of both
States take part ». Parmi les lois incitant à, ou exigeant la formation d’entreprises conjointes, cf.
Egypte, « Law N° 43 of 1974, concerning Arab and Foreign Capital Investment and Free Zones, as
56

amended », Chap. II, art. 23-29, 1LM, v. 16 (1977), p. 1482 ; Indonésie, « Law N° I of 1967,
concerning Investment of Foreign Capital », art. 23-25, ILM, v. 6 (1967), p. 212, IL W, v. 4 (1978)
L2A-2.5 ; Yougoslavie, « Law on Investment of Foreign Persons in Domestic Organizations of
Associated Labor », art. 1, ILW, v. 10 (1978) 7 :2A-1.6. La loi yougoslave citée a été remaniée en
1978, sans que l’exigence d’entreprises conjointes ait été abolie, cf. Scriven, « Yougoslavia’s New
Foreign Investment Law », JWTL, v. 13 (1979), pp. 95-107. Sur les entreprises conjointes, ou « joint
ventures », cf. FRIEDMANN and KALMANOFF, Joint International Business Ventures, New York, Columbia
University Press (1961) ; BÉGUIN, Les entreprises conjointes internationales dans les pays en voie de
développement, Genève, IUHEI (1972). Cf. aussi IJALAYE, « Indigenization Measures and
Multinational Corporations in Africa », RC. v. 171 (1981-11) p. 9, aux pp. 25-40.
85. Le développement des investissements sans participation (« non-equity investments ») a été
préconisé par des gouvernements, des organisations internationales et certains experts, comme
alternative aux investissements directs, parfois jugés trop coûteux pour des pays-hôtes, ou trop
exposés au risque d’expropriation, cf. UNITED NATION s, « Transnational Corporations... », op. cit.
(1978), not. pp. 68-73 ; KOPELMANAS, « La protection... », lot : cit. (1975), pp. 8-11 ; VELLAS « Droit de
propriété... », loc. cit. (1979), p. 21 et s. Il n’est pas certain, cependant, que les investissements
contractuels soient moins coûteux que ceux en participation, cf. infra, Chap. IV, pp. 154-55 ; et les
commentaires d’ADEDE, « Legal Trends in International Lending and Investment in the Developing
Countries », RC. v. 180 (1983-II) p. 9, aux pp. 74-5.
86. La notion de nationalité, aux fins de la protection diplomatique, n’est pas nécessairement
identique à celles qui sont reconnues dans des contextes juridiques différents. Mais il demeure
constant qu’un Etat ne peut protéger que ses propres ressortissants ou nationaux, sauf
convention expresse ; selon BORCHARD : « In the matter of the presentation and enforcement of
international claims, no rule is more strictly observed » ; The Diplomatic Protection of Citizens
Abroad. New York, Banks Law Publ. (ed. 1927), p. 462. En ce qui concerne la pratique des Etats, cf.
British Digest, v. V, p. 3 ; MCNAIR, Opinions, v. II, p. 3 ; Répertoire suisse, v. II, p. 607 ; KISS, Répertoire, v.
II, p. 238, v. III, p. 458 ; WHITEMAN, Digest, v. 8, p. 1 ; HACKWORTH, Digest, v. II, p. 1, v. V, p. 802 ; Prassi
italiana, Seconda serie, v. II, p. 701.
87. Conv. Royaume-Uni-Roumanie, art. 2(3) : « “Investors” means : (a) in respect of the Socialist
Republic of Romania : Romanian economic units having legal personality and which, under the
law of Romania, are entitled to trade abroad or undertake international economic cooperation
activities ; (b) in respect of the United Kingdom : corporations, firms or associations incorporated
or constituted under the law in force in any part of the United Kingdom and United Kingdom
nationals ». La Conv. Suède-Chine stipule, art. 1(2) : « The term “investor” shall mean : In respect
of Sweden, any individual who is a citizen of Sweden according to Swedish law as well as any
legal person with its seat in Sweden or with a predominating Swedish interest ; in respect of the
People’s Republic of China, any company, other legal person or citizen of China authorized by the
Chinese Government to make an investment ».
88. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Ghana, art. 8(3) ; Belgique-Corée, art. 3(2) (a) ; France-Malte, art. 1
(2) ; Italie-Egypte, art. 8(3) ; Pays-Bas-Malaisie, art. I(1) ; Royaume-Uni-Singapour, art. 1(c) ;
Suisse-Jordanie, art. 8(a).
89. Nombre de Conventions mentionnent « les ressortissants, personnes physiques ou morales »,
cf. p.ex. Conv. Belgique-Maroc, art. 1er ; France-Haïti, art. 1er ; Pays-Bas-Cameroun, art. 4.
Certaines définitions précisent, telle la Conv. Pays-Bas-Soudan, art. XV(1) : « The term “national”
includes legal persons recognized by the laws of each Contracting Party in its territory » ; dans le
même sens, cf. Conv. Royaume-Uni-Lesotho, art. 1(c) (ii). La définition donnée par l’Ouganda dans
la Conv. Suisse-Ouganda, art. 1(1) (a), inclut sous le terme « ressortissants » les « sociétés », et
non seulement les personnes morales.
57

90. Conv. France-Jordanie, art. 1(3) ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Belgique-Egypte, art. 3(3) ;
Pays-Bas-Yougoslavie, art. 1(2).
91. Conv. Japon-Egypte, art. 1(4) : « The term "companies" means corporations, partnerships,
companies and other associations whether or not with limited ability, whether or not with legal
personality and whether or not for pecuniary profit » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv.
Allemagne-Malaisie, art. 1(4) ; Suisse-Costa Rica, art. 6(b). Dans la pratique anglo-américaine, la
protection des « partnerships » en tant que telles (non de leurs membres) est demeurée
incertaine, du fait de leur absence de personnalité juridique ; des Conventions conclues par le
Royaume-Uni ne s’y réfèrent pas explicitement, et définissent le terme « companies » comme des
« corporations, firms or associations incorporated or constituted under the law in force in any
part of the United Kingdom (...) », p.ex. Conv. Royaume-Uni-Corée, art. 1(d).
92. A propos des conventions d’établissement, GUGGENHEIM affirmait : « Lorsqu’un traité ne se
prononce pas sur son application aux personnes morales et aux sociétés commerciales, il n’y a
pas lieu de présumer son applicabilité », Traité, v. I (1953), pp. 346-7. Avant 1945, il était courant
que les sociétés soient mises sur un pied différent des individus en matière d’établissement ;
cependant, les récents traités de commerce conclus par les Etats-Unis avaient consacré une
égalité de traitement entre eux ; selon WALKER, « This development has been characterized as
“perhaps the most striking advance” effected by recent treaties over those antedating 1946 »,
« Provisions on Companies in United States Commercial Treaties », AJIL, v. 50 (1956), p. 377.
93. Cf. la définition citée supra, n. 87 ; bien qu’étant aussi un pays à économie planifiée, la
définition donnée par la Chine est moins limitative, ibid.
94. Sur le sens du terme « ressortissant », cf. Répertoire suisse, v. II, p. 771 ; KISS, Répertoire, v. II, p.
233 ; « Dictionnaire de la terminologie du droit international », op. cit. (1960), pp. 541-3. Sur
l’équivalent en langue anglaise « national », cf. WHITEMAN, Digest, v. 8, p. 1 ; British Digest, v. V, not.
p. 4. Sur le rôle de la nationalité des individus, cf. van PANHUYS, The Role of Nationality in
International Law, Leyden, Sijthoff (1959) ; PARRY, « Some Considerations upon the Protection of
Individuals in International Law », RC, v. 90 (1956-II), pp. 653-725.
95. CIJ, Recueil 1955, p. 24.
96. Ce double aspect, juridique et sociologique, a été mis en évidence par la CIJ dans l’Affaire
Nottebohm : « Selon la pratique des Etats, les décisions arbitrales et judiciaires et les opinions
doctrinales, la nationalité est un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une
solidarité effective d’existence, d’intérêts, de sentiments jointe à une réciprocité de droits et de
devoirs. Elle est, peut-on dire, l’expression juridique du fait que l’individu auquel elle est
conférée, soit directement par la loi, soit par un acte de l’autorité, est, en fait, plus étroitement
rattaché à la population de l’Etat qui la lui confère qu’à celle de tout autre Etat », id., p. 23 ; cf.
aussi van PANHUYS, The Role..., op. cit. (1959), pp. 37-8.
97. La définition de la Conv. Allemagne-Sénégal est typique à cet égard, art. 8(3) : « Le terme
“ressortissants” désigne : (a) en ce qui concerne la République fédérale d’Allemagne : les
Allemands au sens de la Loi fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne ; (b) en ce qui
concerne la République du Sénégal : les personnes physiques jouissant de la qualité de Sénégalais
conformément aux dispositions législatives et réglementaires sur la nationalité sénégalaise » ;
dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Belgique-Malaisie, art. 1(1) ; France-Singapour, art. 1(2)
(« nationaux ») ; Pays-Bas-Yougoslavie, art. I(b) (1) (« nationals ») ; Suède-Sri Lanka, art. 1(c).
98. Conv. Royaume-Uni-Indonésie, art. 1(c) (i) ; de même, cf. Conv. Royaume-Uni-Thaïlande, art. 2
(1) (a). Sur la notion de « British Protected Person », cf. British Digest, v. V, p. 437 ; à l’origine, le
terme « ressortissant » avait aussi pour vocation d’englober les citoyens des colonies, des
protectorats et des territoires sous mandat. Sur la relation de « national » et de « citoyen », cf.
not. HACKWORTH, Digest, v. II, pp. 1-7.
58

99. La question de l’applicabilité d’un traité de commerce et d’établissement à tous les


ressortissants concernés, ou aux seuls « établis », a été longtemps débattue ; cf. p.ex. CAFLISCH ,
Pratique suisse, ASDI, v. 34 (1978), p. 97, à la p. 98. Sur la notion d’établissement des personnes
physiques, cf. infra, p. 55, n. 13. En général, les Conventions étudiées ne contiennent pas de
limitations en ce domaine.
100. Conv. Danemark-Indonésie, art. I : « In accordance with its laws and regulations each
Contracting Party shall consider favourably applications for investments of capital in its territory
for the purpose of establishing lasting economic relations, by (a) nationals of the other
Contracting Party, provided they are domiciled in the territory of their nationality (...) ».
101. En ce qui concerne la pratique des Etats, cf. British Digest, v. V, p. 505 ; MCNAIR, Opinions, v. II,
p. 32 ; Répertoire suisse, v. II, p. 635 ; KISS, Répertoire, v. II, p. 240 ; WHITEMAN, Digest, v. 8, p. 17, 1269 ;
HACKWORTH , Digest, v. II, p. 421, v. V, p. 831. Dans la doctrine, cf. not. CAFLISCH , La Protection des
Sociétés Commerciales et des Intérêts Indirects en Droit International Public, La Haye, Nijhoff (1969) ;
DIEZ DE VELASCO , « La protection diplomatique des sociétés et des actionnaires », RC, v. 141
(1974-1), pp. 87-186 ; P. DE VISSCHER, « La protection diplomatique des personnes morales », op. cit.
(1961), pp. 395-511. Les débats sur la nationalité des sociétés ressurgissent périodiquement
depuis plusieurs décennies ; comparer, p.ex., les opinions de BORCHARD, op. cit. (ed. 1927), p. 617, et
de ROUSSEAU ; « C’est un problème controversé que de savoir si les sociétés possèdent une
nationalité et, dans l’affirmative, en fonction de quels critères celle-ci doit être déterminée »,
Droit international public, Paris, Sirey, v. III (1977), p. 135.
102. Certaines tendances doctrinales ont ainsi tenté de distinguer une « allégeance juridique »
des sociétés (définie selon des critères objectifs) de leur « allégeance politique » (fondée sur le
contrôle), cf. Not. S. BASTID, « La condition juridique internationale des sociétés constituées par
des étrangers », in BASTID (et al.) La personnalité morale et ses limites. Paris, LGDJ (1960), pp. 159-67 ;
et PREISWERK, La protection..., op. cit. (1963), pp. 46-7.
103. Les précédents jurisprudentiels et la pratique diplomatique antérieurs à 1960 ont été
abondamment analysés et commentés dans les documents et plaidoiries soumis à la CIJ lors de
l’Affaire Barcelona Traction, CIJ, Mémoires, « Barcelona Traction, Light and Power Company
Limited (Nouvelle requête : 1962) », 10 vol. ; cf. aussi l’étude exhaustive de L. CAFLISCH , La
protection..., op. cit. (1969), pp. 89-149 ; et les ref. citées supra, n. 101.
104. CIJ, Recueil 1970, p. 42.
105. Ibid.
106. La pratique des Etats-Unis montre qu’au critère de la constitution s’est fréquemment
ajoutée l’exigence d’un intérêt national substantiel dans la société en cause, cf. WHITEMAN, Digest,
v. 8, not. pp. 17-8, 1271-2. Pour CAFLISCH , cet Etat usait ainsi de son pouvoir discrétionnaire
d’accorder ou non sa protection ; le critère additionnel n’était pas considéré comme une règle de
droit international, « La Protection... », op. cit. (1969), pp. 116-22. De même, dans la période
1920-1939, la Suisse paraît avoir limité l’octroi de sa protection aux sociétés ayant leur siège en
Suisse et comportant en outre une majorité d’intérêts suisses, cf. Répertoire suisse, v. II, p. 636. La
continuité de la pratique américaine se reflète, par ex., dans la Conv. Etats-Unis-Egypte citée
supra, n. 79.
107. En ne retenant le contrôle que comme critère additionnel, l’Arrêt Barcelona Traction a
confirmé un large consensus, explicité ainsi par P. de VISSCHER : « En définitive, il nous paraît
possible d’affirmer que la théorie du contrôle n’a jamais été acceptée comme critère de
détermination de la nationalité des personnes morales », op. cit. (1961), p. 444 ; dans le même
sens, cf. CAFLISCH , op. cit. (1969), p. 134. En ce qui concerne les traités de commerce, PREISWERK
notait « l’absence totale du critère de contrôle en tant qu’élément attributif de nationalité », « La
protection... », op. cit. (1963), pp. 49-50. Aux objections générales concernant le contrôle, il faut
ajouter ici le fait que la nationalité définie sur cette base serait parfois indéterminable, et qu’elle
59

changerait aussi souvent qu’une société serait contrôlée par de nouveaux actionnaires de
nationalité différente. En conséquence, l’opinion suivante de P. de Visscher est fréquemment
partagée : « En bref, la théorie du contrôle conçue “de lege ferenda”, en tant que critère de la
détermination de la nationalité des personnes morales, aboutit, sous prétexte de réalisme, à
consacrer une formalisme et une insécurité plus graves encore que ceux que les tenants de cette
doctrine avaient cru pouvoir reprocher aux théories classiques de l’enregistrement et du siège
social », id., p. 445.
108. Conv. Royaume-Uni-Sri Lanka, art. 1(d) : « “companies” means : (i) in respect of the United
Kingdom : corporations, firms or associations incorporated or constituted under the law in force
in any part of the United Kingdom or in any territory to which this Agreement is extended in
accordance with the provisions of Article 11 ; (ii) in respect of Sri Lanka : corporations, firms or
associations incorporated or constituted under the law in force in any part of Sri Lanka » ; dans le
même sens, cf. p.ex. Conv. Allemagne-Malaisie, art. 1(4) (b) (définition de la Malaisie) ; France-
Singapour, art. 1(3) (b) (définition de Singapour).
109. Conv. Pays-Bas-Yougoslavie, art. 1(b) : « The term “national” shall comprise with regard to
either Contracting Party : (...)(2) legal persons constituted in accordance with the law of that
Contracting Party ».
110. Conv. Allemagne-Maroc, art. 8(4) : « Le terme de “sociétés” désigne : (a) en ce qui concerne
la République fédérale d’Allemagne : toute personne morale ainsi que toute société de commerce
ou autre société ou association, avec ou sans personnalité juridique, ayant son siège sur le
territoire de la République fédérale d’Allemagne et constituée de droit en conformité de la
législation, que la responsabilité de ses associés, participants ou membres soit limitée ou
illimitée, et que son activité ait un but lucratif ou non ; (b) en ce qui concerne le Royaume du
Maroc : toute personne morale ainsi que toute société de commerce ou autre société ou
association, avec ou sans personnalité juridique, ayant son siège sur le territoire du Royaume du
Maroc et constituée conformément à la législation en vigueur, que la responsabilité de ses
associés, participants ou membres soit limitée ou illimitée et que son activité ait un but lucratif
ou non » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Belgique-Cameroun, art. 1(2) ; France-Jordanie, art. 1
(3) ; Japon-Egypte, art. 1(4).
111. Conv. Danemark-Indonésie, art. 1(b) : « corporations domiciled or registered in the territory
of the other Contracting Party, being corporations in which nationals of that Contracting Party
have a substantial interest » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. France-Corée (1979), art. 2(2) (B)
(b) (définition de la Corée).
112. Conv. Royaume-Uni-Philippines, art. 1(4) : « The term “company” of a Contracting Party
shall mean a corporation, partnership or other association, incorporated or constituted and
actually doing business under the laws in force in any part of the territory of that Contracting
Party wherein a place of effective management is situated ».
113. Conv. Pays-Bas-Maroc, art. 1(a) : « Le terme “ressortissants” comprend également les
personnes morales constituées conformément à la législation d’une Partie Contractante et ayant
leur principal établissement sur le territoire de cette Partie Contractante ».
114. La définition des sociétés est commune aux deux Etats, Conv. Suisse-Egypte, art. 1(2) : « Le
terme “sociétés” désigne : les collectivités, établissements ou fondations jouissant de la
personnalité juridique ainsi que les sociétés en nom collectif ou en commandite et les autres
communautés de personnes dans lesquels des ressortissants de l’une ou l’autre Partie
Contractante ont un intérêt prépondérant » ; selon l’Echange de lettres N° I annexé à la
Convention, « chaque partie peut se réserver le droit de refuser le bénéfice de la présente
Convention à toute société dans laquelle des ressortissants ou sociétés d’un Etat tiers ont un
intérêt prépondérant ». Dans d’autres Conventions conclues par la Suisse, le critère de la
constitution est combiné, de manière alternative, avec celui de l’intérêt prépondérant, cf. p.ex.
Conv. Suisse-Corée, art. 7(b) (définition donnée par les deux Etats).
60

115. Depuis 1939, la Suisse a eu recours au critère de l’intérêt prépondérant, ou du contrôle, non
plus seulement à titre additionnel, mais aussi à titre exclusif ou alternatif, cf. CAFLISCH , La
protection..., op. cit. (1969), pp. 125-8. Lors de l’Affaire Interhandel, le Gouvernement suisse avait
avancé l’opinion suivante : « La General Aniline & Film Corporation est rattachée à la Suisse aussi
bien par le critère du contrôle que par celui de l’intérêt économique, seuls critères admis en droit
international public pour le rattachement d’une société ou d’une personne morale à un Etat »,
CIJ, Mémoires 1959, p. 553 ; cf. aussi CAFLISCH, id., not. pp. 93-4.
116. Conv. Suède-Chine, texte supra, n. 87 ; cf. aussi la Conv. Suède-Yougoslavie, qui combine le
critère du siège et celui de l’intérêt prépondérant pour les deux Etats, art. 1(3) : « the term
“company” shall mean : (a) in respect of Sweden, any legal person with its seat in Sweden or any
legal person with a predominating Swedish interest, located in another country, (b) in respect of
Yougoslavia, any basic organizations of associated labour, work organizations or complex
organizations of associated labour with their seat in Yugoslavia or any legal person with a
predominating Yugoslav interest, located in another country ».
117. Sur ce point, R. Preiswerk affirmait : « (...) il est inadmissible de penser que les Etats aient
voulu faire des traités en faveur des seules sociétés étrangères et leurs succursales à l’exclusion
des filiales. Au contraire, les traités sont utilisés par les gouvernements comme un moyen
d’améliorer la condition des sociétés contrôlées par leurs nationaux e( souffrant des effets
négatifs de l’élément de contrôle », « La protection... », op. cit. (1963), p. 64. En l’absence de
mention expresse, l’application d’un traité à des sociétés nationales d’un Etat d’accueil est
cependant douteuse, ce que l’auteur reconnaissait dans sa conclusion, id., p. 223. Analysant les
premières Conventions d’investissement conclues par la Belgique, le même auteur déclarait :
« (...) it seems advisable to make the language of future treaties more specific on this point »,
« New Developments in Bilateral Investment Protection », RBD1, v. 1 (1967), p. 183. Ce conseil
judicieux ne semble pas avoir été toujours entendu.
118. A titre d’exemple, on citera la loi indonésienne, « Law N° I of 1967, concerning Investment of
Foreign Capital », art. 3 : « (1) An enterprise as defined in Article 1 which is operated wholly or
for the most part in Indonesia as an independent business unit must be a legal entity according
to Indonesian law and have its domicile in Indonesia. (2) The Government will determine
whether an enterprise is operated entirely or for the most part in Indonesia as an independent
business unit », ILM, v. 6 (1967), p. 206, ILW, v. 4 (1978) 1 :2A-2.3. Les commentaires officiels de cet
article laissent peu de doute sur le but poursuivi, cf. « Elucidation on Act N° 1, Year 1967, Re
Foreign Capital Investment » : « Foreign capital invested by a foreigner in his status as an
individual may create difficulties/doubt in the field of international law. By assigning that the
enterprise be a corporate body, it shall thus obtain confirmation on the judicial status, i.e.
Indonesian corporate body subject to the Indonesian Law », ILW, v. 4 (1978) 1 :2A, Appendix I, p.
16. Cf. aussi IJALAYE, « lndigenization... » op. cit., (1981) p. 25 et s. ; KOKKINI-IATRIDOU and de WAART,
« Foreign investments in developing countries-Legal personality of multinationals in
international law » NYIL, v. 14 (1983) pp. 90-2.
119. Supra p.34.
120. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Egypte ; France-Singapour. Ainsi que de nombreuses autres conclues
par ces pays, les définitions des « sociétés » sont fondées sur les critères du siège social et/ou de
la constitution, sans autres références au statut de sociétés contrôlées.
121. En ce sens, cf. le commentaire de F.A. Mann sur la Conv. Royaume-Uni-Philippines : « A
Philippine company cannot claim the protection of the Agreement even if all the shares are
owned by a British national », « British Treaties... », loc. cit. (1981) p. 242.
122. Conv. Suisse-Malaisie, art. 2(2) ; cf. aussi les ref. citées supra, n. 114, 116.
123. Supra, n. 107. Sur les incertitudes du critère du contrôle, comme élément de fait, cf. aussi
supra, pp. 31-4.
61

124. La Conv. Suisse-Singapour retient le critère de la constitution et celui de l’intérêt


prépondérant, de manière alternative, art. 8(b). Dans un Echange de lettres annexé, le
Gouvernement de Singapour a proposé que l’expression « intérêt prépondérant » couvre la part
du capital d’une société en mains suisses, à condition qu’elle atteigne au moins 51 % du capital
social, et il ajouta : « La partie du capital qui, éventuellement, se trouverait directement ou
indirectement en possession de ressortissants de Singapour n’est pas protégée par la
convention ». Selon cette interprétation, on ne distingue plus si le critère de l’intérêt
prépondérant s’applique à la nationalité d’une société, en tant que personne morale, ou s’il vise
les droits et intérêts d’actionnaires dans cette société. Le Gouvernement suisse n ‘ a accepté cette
interprétation que dans les limites de la Convention, en réservant sa position par ailleurs. Il fit
valoir qu’un intérêt prépondérant existait lorsque des ressortissants suisses exerçaient « une
influence déterminante sur la société », et précisa : « Pour établir si une telle influence existe, on
tiendra compte de la participation des ressortissants suisses au capital social, du rôle qu’ils
jouent dans les organes directeurs de la société et de tout autre élément faisant ressortir que les
ressortissants suisses contrôlent la société ». Cet Echange de lettres confirme les objections faites
au contrôle, comme critère générateur d’incertitudes et de confusion. Toutefois quelques
Conventions conclues par la Suisse contiennent un engagement supplémentaire d’information et
de consultation entre les Etats, pour déterminer si un intérêt prépondérant existe ou non, cf.
p.ex. Conv. Suisse-Soudan, Echange de lettres.
125. Conv. Pays-Bas-Kenya, art. XIV : « For the purpose of the present Agreement : (...) (b) a legal
person, which is lawfully established in the territory of a Contracting Party shall be a national of
that Contracting Party in conformity with its legislation ; except where any such legal person,
established in the territory of a Contracting Party is controlled by a national or nationals of the
other Contracting Party and it has been agreed between the legal person, and the first mentioned
Contracting Party that it should be treated for the purposes of this Agreement as a national of
the other Contracting Party » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Pays-Bas-Maroc, art. 1(b).
Quelques Conventions se réfèrent aussi aux sociétés contrôlées, mais sans mentionner l’exigence
d’un accord comme critère attributif de nationalité, cf. p.ex. Conv. Pays-Bas-Corée, art. II(2).
126. Sur l’art. 25(2) (b) de la Convention de Washington, cf. infra, pp. 281-4.
127. Conv. Allemagne-Philippines, art. 2(1) : « Investments owned by, or under the effective
control of, nationals or companies of either Contracting Party in the territory of the other
Contracting Party shall not be accorded by that party treatment less favourable than it accords to
any other similar investment in its territory » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Allemagne-
Sierra Leone, art. 2(1). De même, la Conv. Etats-Unis-Egypte dispose, art. 1(1) : « (...) (c)
“investment” means every kind of investment, owned or controlled, (...) (d) “own or control”
means ownership or control that is direct or indirect, including ownership or control exercised
through subsidiaries or affiliates, wherever located ».
128. Conv. Japon-Egypte, art. 12 ; adde Protocol (13) : « The term “substantial interest” as used in
the provisions of Article 12 of the Agreement means such extent of interest as to permit the
exercise of control or decisive influence on the company. Whether an interest held by nationals
and companies of either Contracting Party amounts to a substantial interest shall be decided in
each case through consultations between the Contracting Parties » ; et Agreed Minutes (4).
129. Conv. Suède-Sri Lanka, art. 1 : « (...) (d) “companies” means in respect of Sweden and Sri
Lanka corporations, firms or associations incorporated or constituted under the law in force in
any part of Sweden and Sri Lanka, respectively. (...) (2) If an investment is envisaged in the
territory of one Contracting Party by a company which is not covered by the definition of
paragraph (1) (d) of this Article, but in which the shares are predominantly owned by nationals
or companies ot the other Contracting Party, the former Contracting Party shall, if it admits the
investment, by mutual agreement between the two Contracting Parties, regard the company as
one which enjoys protection under this Agreement in respect of the said investment ».
62

130. Sur cette affaire, qui a opposé le Mexique et le Royaume-Uni ayant 1939 (encore appelée
« The Mexican Eagle Co. »), cf. Whiteman, Digest, v. 8, p. 1272 et s. ; « Observations et conclusions
du Gouvernement belge » in CIJ, Mémoires, Affaire de la Barcelona Traction, v. I, p. 160 ; CAFLISCH ,
La Protection..., op. cit. (1969), pp. 198-9.
131. Conv. Royaume-Uni-Thaïlande, art. 6(2) : « Where a Contracting Party expropriates assets of
a company which is incorporated or constitued under the law in force in any part of its territory,
and in which a national or company of the other Contracting Party owns shares, it shall ensure
that the provisions of paragraph (1) of this Article are applied to the extent necessary to
guarantee compensation as specified therein to such national or company of the other
Contracting Party who is the owner of those shares » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv.
Royaume-Uni-Egypte, art. 5(2).
132. Conv. Belgique-Malaisie, art. 4(2).
133. Supra, p. 23 et s. Il existe une substantielle difficulté d’interprétation, en matière de
protection des actionnaires, qui provient du fait que les règles des Conventions s’adressent à une
gamme variée de situations. Ainsi, au moment du transfert de dividendes ou d’une expropriation
par dissolution d’une société, les droits d’actionnaires sont concernés. Mais lorsqu’il s’agit du
régime applicable à la gestion d’un investissement, ou du recours d’une société à l’arbitrage du
CIRDI, il est difficile de considérer qu’une Convention fait référence, implicitement, aux droits
propres des actionnaires, ou à leurs intérêts dits indirects dans la société. On a relevé l’intérêt de
la souplesse de la notion d’investissement ; cette souplesse possède aussi quelques contreparties,
notamment de ne pas se prêter à des interprétations par trop générales sur la protection des
intérêts des actionnaires.
134. A propos du droit de protection diplomatique de l’Etat national des actionnaires d’une
société de capitaux, la CIJ a jugé qu’ » En faisant valoir que ce droit n’est pas expressément exclu,
on implique “a contrario” qu’aucune règle de droit international ne confère expressément un tel
droit à l’Etat national des actionnaires », Recueil 1970, p. 37. Et la Cour ajouta : « (...) on en est
réduit dans les circonstances de la présente affaire à invoquer le silence du droit international.
Ce silence peut difficilement être interprété en faveur des actionnaires », id., p. 38. L’Arrêt s’est
fondée sur une nette distinction des droits d’une société de capitaux, découlant de sa
personnalité indépendante, et des intérêts des actionnaires dans la société. Pour JIMENEZ DE
ARECHAGA , la reconnaissance de la personnalité indépendante de sociétés serait ainsi devenue une
règle de droit international, « International Law in the Third Past of a Century », RC, v. 159
(1978-1), p. 289 ; cf. aussi MANN « The Protection of Shareholders Interests in the Light of the
Barcelona Traction Case », AJIL, v. 67 (1973), pp. 259-74.
135. Id., p. 48. L’invocation de l’équité s’est appuyée notamment sur l’Avis arbitral rendu par M.
HUBER dans l’Affaire des biens britanniques au Maroc Espagnol, RSANU, v. II, p. 615, à propos du cas
« Ziat, Ben Kiran », id., p. 729. Le refus de la Cour de statuer a donné lieu à des interprétations
opposées. Pour F.A. Mann, l’Etat national des actionnaires conserverait sans doute un droit de
protection dans cette situation, loc. cit. (1973), p. 273. Pour ABI-SAAB , ce droit ne lui est pas
reconnu, « The International Law of Multinational Corporations : A Critique of American Legal
Doctrines », Annales d’études internationales, v. 2 (1971), p. 97, à la p. 116. Actuellement, la question
demeure largement en suspens.
136. Cf. not. le titre de l’étude de SCHOKKAERT, « Protection contractuelle par les Etats des
investissements privés effectués sur leur territoire », loc. cit. (1980), p. 29 ; et celui de l’ouvrage de
PREISWERK, La protection..., op. cit. (1963).
137. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Ghana (« to stimulation of private business initiative ») ; Belgique-
Corée (« intensifier la coopération entre les entreprises privées ») ; France-Maroc (« stimuler les
initiatives économiques privées ») ; Norvège-Indonésie (« to intensify the cooperation bet-ween
private enterprises ») ; Royaume-Uni-Singapour (« stimulation of individual business
63

initiative »). Quelques préambules, cependant, mentionnent à la fois les initiatives privées et/ou
publiquies, cf. p.ex. Conv. Belgique-Zaïre (« stimuler l’initiative économique privée ou
publique ») ; Suisse-Mali (« intensifier la coopération entre ressortissants et sociétés, privées ou
de droit public »).
138. Cf. la définition donnée par la Conv. Suisse-Ouganda, art. 1(2) : « Le terme “sociétés”
signifie : (a) en ce qui concerne la République d’Ouganda : toute personne morale aussi bien que
toute société commerciale ou d’autre type ou corporation de droit public (...) ».
139. Conv. Royaume-Uni-Roumanie, texte supra, n. 87 ; cette définition se retrouve dans les
diverses Conventions conclues par la Roumanie.
140. Cf. les définitions des « sociétés » données par la Suisse, comprenant « les collectivités,
établissements ou fondations jouissant de la personnalité juridique », p.ex. Conv. Suisse-
Indonésie, art. 3(b) (1) ; Suisse-Tanzanie, art. 4(4) (a). De même, Singapour mentionne sous
« sociétés », « toutes les sociétés, entreprises ou associations », sans qu’il y ait lieu d’exclure les
sociétés et entreprises publiques, p.ex. Conv. France-Singapour, art. 1(3) (b).
141. Il paraît y avoir une volonté de ne pas limiter le domaine d’application d’une Convention
aux sociétés de droit privé, mais d’en excepter les investissements effectués par des organes d’un
Etat ; cette solution est similaire à celle adoptée dans la Convention de Washington, cf. infra, pp.
280-1.
142. Il s’agit là d’un « emprunt d’Etat » (par la qualité de l’emprunteur) et d’un « investissement
privé » (si les investisseurs sont des particuliers et des entités privées) ; sur les règles de transfert
applicables au remboursement des emprunts, d’Etat ou autres, cf. infra, pp. 146-7.
64

Chapitre II. L’admission des


investissements

1 De nombreuses Conventions bilatérales contiennent des clauses relatives à l’« admission »


des investissements, auxquelles sont fréquemment associées des dispositions concernant
leur « promotion » ou encore leur « encouragement »1. Elles seront analysées dans ce
chapitre.
2 La conception selon laquelle des investissements, peuvent, ou doivent, être admis sur le
territoire d’un Etat est fondée sur une analogie avec la situation des personnes physiques 2
. De prime abord, celle-ci peut paraître curieuse, car l’admission d’un capital relève d’une
sorte de fiction ; mais elle n’est sans doute ni plus ni moins inconcevable que l’existence
de biens incorporels, qui sont familiers dans le langage juridique. Cette conception est
d’origine récente, à l’instar de la notion d’investissement elle-même ; par là, elle fait
apparaître certaines difficultés, qui ont été peu abordées — et encore moins résolues —
dans l’ordre international.
3 Dans leur facture, les clauses d’admission des Conventions bilatérales sont simples, voire
élémentaires. Leur importance, toutefois, ne doit pas être sous-estimée ; elles constituent
d’une certaine manière le pivot de l’architecture des Conventions. C’est parce qu’un Etat
d’accueil conserve la maîtrise des conditions d’investissement dans son économie, et que
ce droit lui est reconnu par traité, qu’il accepte de prendre des engagements dans
d’autres domaines, tel le transfert des revenus ou les conditions d’expropriation. En
première analyse, le chapitre de l’admission/promotion se rapporte à des relations
économiques entre Etats, et il est étranger à la protection des investissements3 ; en
réalité, on peut considérer qu’il conditionne des règles de protection qui seront
examinées ultérieurement.

Section 1. Le régime des conventions


14. La compétence exclusive du pays d’accueil

4 Malgré quelques nuances dans les formulations utilisées, les clauses d’admission
apparaissent identiques dans leur substance. Elles stipulent que chaque Etat admettra des
65

investissements conformément à sa législation et à ses règlements ; certaines


Conventions précisent qu’il le fera dans le cadre de sa politique économique ; d’autres
encore que le régime de la Convention ne sera applicable qu’aux investissements
régulièrement admis4. Cette dernière condition semble implicite dans divers textes ; là où
une procédure d’admission est requise, le domaine d’application du traité ne couvre que
les investissements qui ont satisfait aux conditions fixées par la législation de l’Etat
d’accueil5.
5 L’aspect le plus notable de ces dispositions est de reconnaître le droit de chaque Etat-
partie d’admettre ou non des investissements sur son sol. Le régime consacré est celui de
la liberté de décision de l’Etat d’accueil. Il ne semble pas que des obligations ou conditions
soient mises en contrepartie à sa charge6. En ce sens, quelques textes disposent
expressément que les normes de traitement convenues, telles que le traitement national
ou celui de la nation la plus favorisée, ne sont pas applicables à l’admission des
investissements7.
6 De rares exceptions sont à mentionner. Ainsi, la Convention Japon-Egypte stipule le
traitement de la nation la plus favorisée en matière d’admission8. La Convention Royaume-
Uni-Bangladesh contient une disposition de stabilisation de la législation de l’Etat d’accueil
au moment de l’entrée en vigueur du traité9 ; en d’autres termes, même si la loi d’un Etat-
partie venait à être modifiée, la législation applicable à l’admission des investissements
en provenance de l’autre Partie demeurera celle en vigueur au 19 juin 1980.
7 Le processus d’admission visé ne concerne que les investissements. Il ne préjuge pas de
l’entrée et du séjour des individus associés à la réalisation d’un investissement, ni de leur
accès éventuel à l’exercice d’activités professionnelles ou commerciales10. Dans ce
contexte, diverses Conventions conclues par la République fédérale d’Allemagne, telle la
Convention Allemagne-Pakistan, contiennent un pactum de contrahendo à conclure un traité
d’établissement portant sur ces matières11 ; d’autres, telle la Convention Allemagne-Zaïre, se
bornent à un engagement de délivrer les autorisations nécessaires au séjour et aux
activités de particuliers associés à un investissement12. Il existe donc une nette distinction
entre le domaine de l’établissement et celui de l’admission des investissements. La notion
d’« établissement » d’un investissement n’apparaît pas dans les Conventions, ni dans les
législations nationales13. Au vu des caractéristiques des opérations d’investissement, il
semble préférable de ne pas s’y référer.
8 Enfin, la Convention Pays-Bas-Egypte, parmi d’autres, précise que l’application du régime
juridique du traité dépend du moment où un investissement est autorisé14. Avant cette
date, la Convention demeure sans effet ; ceci exclut les avant-projets et les coûts
préalables à une autorisation, qui peuvent ne pas être négligeables, de son champ
d’application.

15. Les principes d’admission en droit international

9 La compétence d’admission reconnue à un Etat d’accueil demande à être replacée dans


son contexte, à la fois de droit général et de droit des traités. Le domaine de l’admission et
de la condition des étrangers est vaste. De nombreux aspects, tels l’exercice de fonctions
publiques, la liberté de circulation ou d’expression, ne se rapportent pas directement à la
matière étudiée ; nous sommes concernés avant tout par le droit d’entrée et de séjour des
étrangers, leur capacité d’acquérir des biens et de jouir de droits civils, éventuellement
par l’exercice d’activités professionnelles et commerciales.
66

a) En droit international général

10 le principe de la compétence discrétionnaire d’un Etat d’admettre ou non des étrangers


sur son territoire est généralement reconnu15. En sens opposé, un étranger ne peut pas
faire valoir une obligation juridique d’admission, qui soit opposable aux autorités d’un
Etat16.
11 Au début du XXe siècle, la liberté d’entrée et de circulation des étrangers était admise par
de nombreux Etats. Elle le demeure pour les individus de passage, mais non pour ceux qui
entendent résider en territoire étranger, ou s’y livrer à certaines activités économiques.
Les premières restrictions en ce domaine sont apparues avant 1914, dans des pays soumis
à une immigration importante, comme l’Australie et les Etats-Unis. Les législations sur
l’immigration des personnes physiques se sont étendues après 1919, et elles se sont
généralisées après 1945. Par nature, de telles législations sont restrictives et sélectives 17.
Elles répondent à des motivations diverses, qu’elles soient d’ordre public ou qu’elles aient
pour but la régulation du marché du travail. Le droit des gens ne limite pas la compétence
des Etats en ce domaine.
12 En matière de droits civils, de nombreux ordres juridiques contemporains tendent à
reconnaître aux étrangers la faculté d’acquérir des biens et de jouir des droits qui ne leur
sont pas expressément déniés18. Un étranger a le droit d’acheter, louer, contracter,
disposer dans les mêmes conditions qu’un national. Le principe de base est souvent celui
de l’égalité de traitement, la discrimination aux dépens des étrangers demeurant
l’exception.
13 Pourtant, les restrictions et conditions posées à l’acquisition de biens par des étrangers ne
sont pas minimes, surtout si l’on considère les questions d’investissement. Il entre dans la
compétence exclusive d’un Etat, en effet, de déterminer quels biens et droits peuvent être
validement acquis par des étrangers dans son ordre juridique, et lesquels lui paraissent
incompatibles avec son ordre public. Nombre d’Etats restreignent ainsi l’acquisition de
terres ou de biens immeubles par des étrangers19. Il en va de même en ce qui concerne
leur participation dans certains secteurs industriels et commerciaux ; un « filtrage » est
fréquemment effectué au niveau de branches jugées vitales, notamment les industries
liées à la défense nationale, les activités minières, les transports, les télécommunications,
les banques et les assurances20.
14 Les fondements de telles restrictions tiennent à des considérations de sécurité et
d’indépendance nationales. Pour les personnes physiques, on en est venu à définir un
« taux de pénétration » des étrangers dans une population, une région ou une localité.
Par analogie, il apparaît que des Etats, notamment les pays fortement importateurs de
capitaux, entendent éviter une pénétration qu’ils considèrent excessive d’investissements
étrangers dans des secteurs stratégiques de leur économie. Il est à noter, toutefois, que
ces limitations et conditions ne sont pas l’apanage d’une catégorie d’Etats ; des pays
naguère dits sous-développés, devenus d’importants exportateurs de pétrole et de
capitaux, en ont fait l’expérience auprès des pays industrialisés depuis 197421. Ici encore,
le droit général ne restreint pas la compétence d’un Etat de déterminer ce qu’il estime
être dans son intérêt public.
15 En ce sens, on remarquera que les législations sur les investissements, nationaux et/ou
étrangers, représentent pour une part une codification de dispositions qui, dans d’autres
droits nationaux, demeurent disséminées. Par exemple, la loi indonésienne, Law N° 1 of
67

1967, concerning Investment of Foreign Capital, dispose que les industries d’armement et
celles qui jouent un rôle important dans la défense nationale sont fermées au capital
étranger22. Dans d’autres secteurs, les capitaux investis ne peuvent pas être uniquement
étrangers, soit les ports, les entreprises d’électricité, les télécommunications, la marine
marchande, l’aviation, les entreprises d’eau potable, les chemins de fer, l’énergie
atomique et les mass média23.
16 Une autre catégorie de limitations pesant sur les étrangers concerne l’exercice d’activités
professionnelles et commerciales24. L’accès à certaines professions leur est fermé ; des
exigences administratives supplémentaires, d’application générale ou par activité, telle
l’obtention d’une « carte de commerçant », sont fréquemment requises25.
17 L’une des particularités des Conventions d’investissement est de dissocier l’admission
d’un investissement stricto sensu, des matières du droit d’établissement comme l’exercice
d’activités professionnelles. Celles-ci sont devenues un corollaire de l’opération
principale ; dans la plupart des textes, elles sont régies par les normes de traitement
convenues, et non par les clauses d’admission26. Il existe pourtant une liaison étroite
entre les deux phénomènes, comme l’historique des premières Conventions, conclues par
la Tunisie avec la Suisse, les Pays-Bas, la France et la Belgique le montre 27. Par un Décret-
loi de 1961, la Tunisie avait soumis l’exercice d’activités commerciales par des étrangers à
un régime d’autorisation préalable, à l’exception des ressortissants d’Etats avec lesquels
un traité d’établissement ou une Convention d’investissement était en vigueur. La
conclusion de Conventions bilatérales permit aux ressortissants concernés de poursuivre
ou d’entreprendre des activités commerciales, dans la mesure où elles étaient liées à des
investissements agréés ; dans le cas contraire, l’exigence d’une autorisation demeurait
applicable28.

b) En droit des traités

18 depuis des siècles, des traités de commerce, d’établissement et de navigation ont reconnu
à des étrangers un certain nombre de droits en ce qui concerne leur personne, leurs biens
et leurs activités29. Pour ce faire, deux principales techniques juridiques ont été utilisées,
qui sont demeurées hors du droit coutumier : la norme du traitement national,
établissant une assimilation entre étrangers et nationaux dans la matière visée ; et celle
du traitement de la nation la plus favorisée, établissant une égalité de traitement entre
étrangers de différentes nationalités30. Le but poursuivi a été d’abolir au maximum les
différences de statut dues à la nationalité. Il ne fait pas de doute que la suppression des
restrictions de tous ordres affectant les étrangers a été considérée comme, et a constitué,
un progrès juridique considérable. Du point de vue économique, la liberté de circulation
des personnes, des marchandises et des capitaux a aussi été considérée, pendant
longtemps, comme un modèle théorique optimal.
19 Nombreux sont les traités bilatéraux qui ont stipulé le traitement national et/ou celui de
la nation la plus favorisée en matière d’admission des personnes physiques et des
capitaux. Le principe de la liberté d’investir, vu sous l’angle du droit d’établissement, est
reconnu dans des traités de commerce postérieurs à 194531. En consacrant la compétence
exclusive d’un Etat d’accueil, en exceptant le traitement national et celui de la nation la
plus favorisée du domaine de l’administration, les Conventions d’investissement semblent
donc entériner des tendances restrictives, et tourner le dos à des principes qui ont prôné
une plus grande liberté de communication entre les nations.
68

20 Ce point de vue est discutable, car les effets juridiques et la légitimité de normes
égalisatrices dans le domaine de l’admission ont été substantiellement remis en cause. En
ce qui concerne les ressortissants étrangers, des traités de commerce et d’établissement
prévoyant le traitement national ont été interprétés de manière à inclure une réserve
tacite relative à l’application des prescriptions de police des étrangers32. Dans des traités
plus récents, la réserve a été explicitée, et la compétence exclusive d’admission d’un Etat
d’accueil a été reconnue. De même, les exceptions au traitement national quant à la
participation d’étrangers dans des secteurs jugés stratégiques sont courantes33.
Actuellement, la portée et les effets des normes indirectes en matière d’admission
apparaissent des plus limités. Les Etats entendent préserver leur compétence exclusive à
ce sujet, ce que les Conventions d’investissement se bornent à reconnaître.
21 Il reste que la reconnaissance du droit d’un Etat d’admettre ou non des investissements
étrangers a été contestée sur des bases de politique économique. Les mécanismes
d’admission d’investissements, encore appelés leur « filtrage » (screening), ont été
qualifiés d’expédients politiques, d’une légitimité économique douteuse, réservés à des
pays en développement ou à tendance planificatrice34.
22 Nous nous limiterons à un minimum de commentaires sur cette question, qu’il n’est pas
de notre compétence d’approfondir35. Si les investissements sont envisagés sous l’angle
des mouvements de capitaux, nombre d’experts estiment qu’il est essentiel de laisser les
mécanismes du marché fonctionner, et que des restrictions s’avèrent souvent contre-
productives et relativement inefficaces36. Dans cette optique, la justification de contrôles
à l’entrée de capitaux dans une économie demeure douteuse. Il convient d’y ajouter deux
compléments. Dans certaines circonstances, l’afflux de capitaux peut mettre en péril
certains équilibres, notamment la politique monétaire conjoncturelle ; c’est pourquoi la
plupart des Etats ont mis en place des mesures indirectes permettant d’influencer ces
mouvements au travers du système bancaire et financier37. D’autre part, il a été démontré
qu’un Etat importateur (ou exportateur) de capital avait avantage à prélever une « taxe
optimale » sur les transferts de capitaux38. Ces éléments mis à part, les connaissances
contemporaines sur les mouvements de capitaux ne fournissent pas une rationalité
économique convaincante aux mécanismes d’admission des investissements étrangers.
23 Mais, on l’a vu, des investissements ne sont pas seulement des « mouvements » de
capitaux ; il faut tenir compte de leur affectation, qui peut s’avérer plus ou moins
productive, ou plus ou moins coûteuse dans le cadre d’une économie. De ce point de vue,
il est largement admis aujourd’hui que les investissements étrangers sont à analyser en
termes de relation « avantages-coûts », dont les premiers jalons théoriques ont été posés
par MacDougall39. Les analyses et les modèles économétriques fondés sur cette approche
ont été considérablement affinés depuis lors, et ils sont utilisés par des gouvernements,
des organisations internationales et des entreprises privées40.
24 L’aspect essentiel de l’analyse avantages-coûts est d’établir un bilan des effets d’un
investissement étranger sur l’environnement économique, en prenant en ligne de compte
des actifs et des passifs, qui sont à la fois directs et indirects. Il en ressort que les effets
d’un investissement ne sont pas, en bloc, positifs ou négatifs ; tout avantage apporté
comporte en contrepartie un certain coût. Dans certains cas, les avantages pour une
économie l’emportent sur les coûts ; dans d’autres, les effets inverses se produisent. Il est
à noter que ceci vaut tout autant pour un pays exportateur de capital que pour une
économie d’accueil41.
69

25 Pour notre propos, l’intérêt des ces études économiques est d’avoir montré que les
autorités d’un Etat d’accueil sont légitimées à exercer une surveillance, ou à poser
certaines conditions à l’admission d’investissements étrangers. Par là, il est possible
d’améliorer le quotient avantage-coût au bénéfice de l’économie nationale, et d’éviter que
des coûts disproportionnés par rapport aux avantages ne soient encourus42. Au lieu d’être
un expédient, un certain « filtrage » des investissements étrangers apparaît ainsi fondé
sur une rationalité économique aussi élaborée que les connaissances actuelles le
permettent. Ceci explique pour une bonne part le développement de mécanismes
d’admission au niveau national, tant dans des pays industrialisés qu’en développement, et
permet de situer les dispositions des Conventions relatives à l’admission43.

Section II. Modalités de l’admission


26 Puisque les clauses d’admission des Conventions bilatérales renvoient, pour l’essentiel, à
la loi nationale d’un Etat d’accueil, nous nous référerons à certaines dispositions de droit
interne. Il est manifeste que celles-ci sont d’une grande diversité, et qu’on ne saurait les
généraliser ; il n’en est pas moins important de mettre en évidence quelques aspects qui
semblent inhérents aux techniques d’admission des investissements étrangers44.

16. Conditions

27 Les conditions requises pour l’admission d’un investissement dans des lois nationales sont
de deux ordres : les unes définissent des critères généraux, les autres autorisent la
prescription d’exigences particulières.

a) Conditions générales

28 Pour être admis, un investissement doit être susceptible de contribuer au développement


économique et social du pays d’accueil. A titre d’exemple, la loi pakistanaise, The Foreign
Private Investment (Promotion and Protection) Ordinance, définit les critères suivants pour
qu’un investissement industriel soit autorisé : l’absence ou l’insuffisance d’industries dans
le secteur en cause ; la contribution du projet en matière de capital, de technologie et
d’organisation ; la découverte ou le développement de l’utilisation des ressources
nationales ; le renforcement de la balance des paiements ; l’accroissement de l’emploi 45.
Avec des variantes dans l’ordre des priorités, de telles conditions, en matière de capital,
de technologie, de balance des paiements et d’emploi, se retrouvent dans de nombreuses
législations46.
29 D’autre part, les investissements sont orientés vers certains secteurs d’activités, et
détournés d’autres branches. La technique juridique la plus répandue consiste à limiter la
participation de capitaux étrangers dans des secteurs jugés stratégiques ou sensibles ; on
a mentionné qu’elle apparaît, à des degrés divers, dans les législations des pays
industrialisés ou en développement47. Les activités qui ne sont pas restreintes ou
interdites sont, au moins potentiellement, accessibles au capital étranger. Quelques
législations, cependant, procèdent de manière inverse. Elles précisent quelles sont les
branches où les capitaux étrangers peuvent être investis, les autres activités leur étant
fermées ; ainsi dans la législation égyptienne48.
70

30 Enfin, la manière dont un investissement peut être effectué est fréquemment


réglementée. Deux conditions sont des plus usuelles. La première concerne l’exigence ou
l’incitation à constituer des entreprises conjointes, associant des capitaux domestiques et
des capitaux étrangers49. La deuxième a trait à ce qu’on appelle « la préférence
nationale », c’est-à-dire que les investissements utilisant une proportion donnée de biens
d’équipement, de matières premières ou de produits fabriqués localement bénéficient
d’une priorité par rapport aux autres50.
31 Assez curieusement, on a rencontré peu de distinctions entre les conditions applicables
aux investissemens créateurs d’entreprises nouvelles et ceux qui se traduisent par le
rachat d’entreprises déjà en place51.

b) Conditions particulières

32 Les autorités nationales disposent en général de larges pouvoirs leur permettant de fixer
des exigences particulières à la réalisation d’un investissement. Celles-ci se rapportent au
volume et à la qualité de la production et/ou des exportations ; au montant et aux
modalités de financement ; à l’utilisation de technologies ; à l’emploi et à la formation des
salariés ; à la localisation de l’entreprise52.
33 En contrepartie, des avantages et privilèges peuvent être accordés, cas par cas. Ces
mesures de « promotion » des investissements seront examinées ultérieurement53.
34 Il nous semble que certains types de conditions et avantages particuliers posent un
problème sui generis. La licéité de ces exigences n’est pas en cause, puisque dans l’état
actuel du droit international il n’existe guère de limites à la compétence discrétionnaire
d’un Etat en ce domaine. La difficulté ne provient pas non plus de formes de coercition, au
moins pour les investissements nouveaux. Au stade de l’admission, un investisseur
étranger demeure libre d’accepter certaines conditions ou de les refuser, en
n’investissant pas, comme un Etat d’accueil est libre d’accepter ou de s’opposer à un
investissement.
35 Des difficultés peuvent découler du fait que des exigences particulières, définies au
moment de l’admission, conditionnent le fonctionnement d’un investissement après son
admission, ainsi que son régime juridique54. Puisque la notion d’admission des
investissements est fondée sur une analogie avec la situation des personnes physiques, on
relèvera qu’il n’est pas habituel d’exiger cas par cas d’un étranger qu’il loue tel
appartement, ou qu’il effectue ses dépenses de telle manière. En d’autres termes, si les
conditions d’admission d’un étranger sont sélectives, elles correspondent aussi à des
critères objectifs ; et, une fois admis, un étranger peut effectuer nombre d’actes dans les
mêmes conditions qu’un national. Actuellement, de tels principes paraissent parfois
confus dans le domaine des investissements. La situation n’est pas des plus satisfaisantes
du point de vue juridique, ni sans doute économique. Par là, la réglementation des
conditions d’admission, et la distinction entre « admission » et « traitement » des
investissements justifieraient d’autres élaborations55.
71

17. Procédures et formes


a) Procédures

36 En droit national, les procédures d’admission des investissements étrangers sont


principalement de trois types. Le système en principe le plus souple est celui de la
déclaration, qui est exigée à des fins statistiques ou autres, sans que l’autorité concernée
dispose d’un pouvoir de décision56. La seconde procédure est celle de l’agrément, qui est
fondé sur la concordance d’un projet avec des critères objectifs fixés dans la
réglementation nationale57. Enfin, le régime le plus rigoureux est celui de l’autorisation,
qui suppose un examen cas par cas, et qui est accordée ou non en fonction des avantages
et coûts spécifiques à un investissement58.
37 D’un point de vue international, toutefois, il ne semble pas que ces catégories de droit
interne soient déterminantes. Ainsi, le régime général du Japon, établi en 1949, a été celui
de l’autorisation. Mais, depuis 1967, des « autorisations automatiques » ont été prévues
pour les investissements qui ont lieu dans certains secteurs industriels59 ; on peut se
demander si une autorisation automatique possède encore la rigueur que le terme laisse
entendre. Inversement, aux termes de la réglementation de 1967, le système institué par
la France est celui de la déclaration des investissements directs étrangers auprès du
Ministre des finances. Mais celui-ci disposait d’un délai de deux mois, au cours duquel il
avait le droit de demander l’ajournement des opérations d’investissement envisagées60.
Une décision d’ajournement constitue en réalité un refus d’admission ; elle peut être prise
sous conditions, c’est-à-dire qu’un investisseur peut être « invité » à adapter son projet en
matière d’équipements, de technologie, de création d’emplois ou de localisation, auquel
cas l’ajournement peut être levé, et l’investissement admis61. Ces exemples montrent la
précarité des distinctions qui pourraient parfois être faites entre des systèmes de
déclaration, d’agrément et d’autorisation.
38 Les autorités compétentes pour décider de l’admission d’investissements sont diverses.
Dans nombre de législations, il s’agit du Ministre de l’économie et/ou du Gouvernement,
secondé par une Commission administrative ad hoc. Mais il peut s’agir aussi de chaque
ministère concerné, comme au Maroc, ou d’une entité dotée d’une personnalité juridique
indépendante, comme en Egypte62.
39 Plus importante est l’étendue du pouvoir de décision dévolu à cette autorité. D’une
manière générale, ce pouvoir apparaît discrétionnaire, sur la base de la loi 63. Quelques
réglementations fixent des délais et des conditions de procédure pour l’instruction des
dossiers et la notification d’une décision à l’investisseur. Il semble rare qu’un refus
d’admission ait à être motivé ; la législation du Cameroun fait figure d’exception à ce sujet
64
. La réglementation française admet un contrôle de légalité de la décision
administrative, dont la portée est des plus limitées65. Mais un contrôle d’opportunité,
permettant de statuer sur l’intérêt d’un investissement en paraît absent, ainsi d’ailleurs
que dans les autres réglementations examinées.
40 Au cas où un investissement serait effectué sans satisfaire aux procédures définies, ou en
dépit d’un refus, des sanctions pénales sont prévues, qui affirment le caractère de lois de
police économique des législations sur les investissements. Certains textes demeurent
remarquablement discrets en ce domaine. La législation tunisienne sur les
investissements manufacturiers dispose qu’un défaut d’agrément entraîne la fermeture
72

de l’entreprise66 ; d’autres lois, par exemple de Singapour et de la République de Corée,


prévoient de lourdes peines sous forme d’amendes et/ou d’emprisonnement67.

b) Formes

41 La forme juridique selon laquelle un investissement est admis revêt une importance
particulière. Comme point de départ, il convient de distinguer les cas où un accord, un
contrat, une convention est conclu entre un Etat d’accueil et un investisseur de ceux où
l’admission résulte d’un acte administratif unilatéral68.
42 Le caractère conventionnel de certaines formes d’investissement est relativement aisé à
identifier. Il en va ainsi d’accords de développement économique, mettant en œuvre des
projets complexes, généralement de grande envergure et à long-terme ; et de concessions
d’exploitation de ressources naturelles, qu’elles soient accordées en vertu d’un contrat
et/ou d’une loi. Dans de telles situations, il existe une nette volonté de part et d’autre
(Etat d’accueil et investisseur) de se lier juridiquement ; les engagements pris sont
souvent détaillés, et ils créent une relation réciproque de droits et d’obligations entre les
parties.
43 A titre d’exemple, on mentionnera que le Code des investissements du Cameroun prévoit
quatre types de régimes d’investissement, classés par ordre alphabétique (« A, B, C, D ») 69.
Les régimes A et B sont fondés sur l’agrément70 ; les régimes C et D, réservés aux projets
d’une importance particulière, se traduisent par la conclusion d’une « convention » entre
le Gouvernement et l’investisseur71. Celui-ci prend des engagements en matière
d’équipements, du volume de la production, des conditions générales d’exploitation, de
l’emploi et de la formation professionnelle. L’Etat, de son côté, octroie des garanties de
stabilité dans les domaines juridique, économique et financier, pour les transferts
financiers, la commercialisation des produits, le libre choix de la main-d’œuvre et des
fournisseurs, le renouvellement des permis d’exploitation, et l’utilisation
d’infrastructures. Par rapport au régime C, le régime D accorde en outre une stabilisation
fiscale qui peut aller jusqu’à une durée de 25 années. Du point de vue formel, les parties à
la convention sont d’une part le Gouvernement, qui doit y être autorisé par une loi, et
d’autre part l’entreprise étrangère, y compris les sociétés-actionnaires dans le projet.
44 A l’autre extrémité du spectre, on trouve des formes d’admission qui se traduisent par
une simple notification administrative, voire de manière tacite. Ainsi, sous la
réglementation française de 1967, l’échéance du délai d’ajournement, sans opposition
administrative, valait acceptation d’un investissement ; il n’était pas nécessaire qu’un
acte administratif intervienne72. Quelles que soient les conditions informelles qui ont pu
être posées, et les promesses officieuses faites de part et d’autre, on ne peut considérer
qu’une relation synallagmatique se soit établie. En droit français, l’investisseur est tenu
de réaliser l’investissement selon les termes du dossier qu’il a présenté ; la notification
administrative qui est éventuellement adressée à l’investisseur ne constitue pas un acte
juridique opposable à l’Etat73.
45 La signification de ces distinctions formelles doit être comprise par rapport au régime
juridique des Conventions d’investissement. Nombre d’entre elles, en effet, disposent que
chaque Etat-partie respectera les « obligations », les « engagements », les « conditions »
ou les « accords spéciaux » souscrits envers des investisseurs de l’autre Partie74. Il est
donc essentiel de déterminer ce qui constitue ou non un « engagement » d’un Etat
d’accueil.
73

46 Or, à côté des actes qui viennent d’être mentionnés, on trouve de nombreuses situations
en clair-obscur. Ainsi, une décision d’agrément prend en général la forme d’un acte
administratif. Il appartient à l’ordre juridique national de déterminer si un tel acte est
opposable ou non à l’Etat ; au vu du caractère discrétionnaire de l’admission, il ne le sera
sans doute pas dans nombre de droits nationaux. Mais lorsque la réglementation
tunisienne stipule que « l’agrément définitif accordé au promoteur doit indiquer tous les
avantages liés à l’exécution du projet »75, en contrepartie de conditions imposées, doit-on
considérer qu’il y a là un « engagement » de la part de l’Etat, une relation juridique entre
les parties qui soit assortie d’effets, dans l’ordre interne et/ou dans celui de la
Convention ? La situation est encore plus incertaine lorsqu’une loi nationale prévoit
l’octroi d’une « licence » ou d’un « permis » d’investissement, qui est de prime abord un
acte administratif unilatéral, pouvant aisément être modifié ou abrogé par un autre acte
de même nature, ou sous l’effet d’une loi ou d’un décret76. Pourtant, de tels permis ou
licences constituent parfois une véritable charte de l’investissement ; ils mentionnent en
détail les obligations mises à la charge d’un investisseur ainsi que les exemptions et
avantages qui lui sont accordés.
47 Si l’on envisage des formes contractuelles d’admission, les relations juridiques qui
s’instaurent ne sont pas toujours plus claires. L’Etat d’accueil peut ne pas être
directement partie à un accord d’investissement, et être néanmoins un agent influent
dans l’établissement d’un rapport de droits et d’obligations. Sous le régime de la loi
yougoslave de 1973, tout investissement étranger devait être réalisé dans une entreprise
yougoslave sous la forme d’un contrat77. Celui-ci ne devenait valide que s’il était
enregistré auprès du Secrétariat fédéral de l’économie, qui devait le soumettre à un
contrôle étendu de légalité et d’opportunité. D’assez nombreuses conditions
d’enregistrement étaient requises78 ; en contrepartie, des droits et avantages spécifiques
étaient accordés à l’investisseur étranger79. Stricto sensu, il s’agit d’un contrat entre
particuliers, une entité yougoslave et une autre étrangère, non d’un contrat passé avec
l’Etat. Qu’en est-il, cependant, des « engagements » souscrits entre les intéressés ?
48 En résumé, pour déterminer l’étendue des obligations ou des engagements qui
s’établissent entre un Etat d’accueil et un investisseur étranger, il ne semble pas que l’on
puisse s’en tenir à des catégories particulières de droit interne, notamment à la
distinction des contrats d’Etat et des actes administratifs. Mais, à partir du moment où
l’on tente de dépasser ces catégories, pour saisir la substance des liens créés, on entre sur
un terrain où les indéterminations ne manquent pas80. Les règles des Conventions en la
matière seront examinées ultérieurement81.

18. L’extension d’un investissement initial

49 Des dispositions relatives à l’extension d’investissements ou d’entreprises sous contrôle


étranger figurent dans de nombreuses législations, que ce soit de pays importateurs ou
exportateurs de capitaux82. La nécessité du recours aux notions d’entreprise et de société
contrôlée est ici patente. Supposons en effet qu’un Etat, désireux de limiter la
participation de capitaux étrangers dans des secteurs stratégiques de son économie, ne
réglemente que les investissements de sociétés qui ne possèdent pas sa nationalité. Une
société étrangère pourrait effectuer un investissement initial dans un secteur non-
stratégique, prenant la forme d’une société nationale de l’Etat en cause. Celle-ci, n’étant
pas étrangère, ne serait plus soumise aux limitations affectant la société-mère ; elle
74

pourrait, par des investissements au second degré, étendre ses activités dans de nouveaux
secteurs, y compris dans des secteurs jugés stratégiques. A partir du moment où des
limites à la « porte ouverte » aux capitaux étrangers existent, et l’on ne connaît pas de
lieu où il n’en existe pas, les lois nationales doivent recourir, nolens volens, aux notions
d’entreprise et de contrôle. A défaut, toute réglementation serait aisément contournée
par le biais de chaînes de personnes morales qui s’auto-reproduisent.
50 C’est aussi à ce niveau que les limites de l’analogie avec l’établissement et l’admission des
personnes physiques sont des plus évidentes. La question s’est posée notamment de
savoir si les réglementations relatives aux extensions d’entreprises sous contrôle
étranger devaient entrer sous la notion de traitement d’une entreprise établie ou sous
celle de l’admission de nouveaux investissements83. Les Conventions bilatérales ne
l’abordent pas, ou fort peu84. Si l’on s’en tient aux conceptions reconnues de
l’établissement, seul un investissement initial, se traduisant par la création ou
l’acquisition d’une entreprise en territoire étranger, est pris en considération. Mais les
processus d’investissement ne sont pas ponctuels, du point de vue temporel et
géographique ; il y a des investissements initiaux, et des « investissements secondaires »,
ceux-ci pouvant être des réinvestissements d’une entreprise établie dans d’autre
branches d’activités. La conception de l’établissement conduit à ne retenir que
l’investissement initial, et par conséquent à multiplier les exceptions aux règles d’égalité
de traitement pour tenir compte des investissements au second degré85. C’est pourquoi il
nous paraît plus logique de considérer l’investissement comme un phénomène qui se
répète, les investissements au second ou troisième degré étant soumis à des critères
d’admission analogues à ceux des investissements au premier degré.
51 Cela étant, la matière apparaît des plus épineuses, et fort peu élucidée86. Car si l’on entend
réglementer l’extension d’investissements étrangers, quels critères doit-on retenir ? Une
bonne gestion entraîne souvent l’expansion d’une entreprise ; un investisseur doit avoir
le droit et la possibilité de réinvestir ses bénéfices, d’augmenter son capital et de
développer son affaire en fonction des opportunités économiques qui se présentent. En ce
sens, une disposition comme celle du Code andin des investissements étrangers, qui exigeait
que tout réinvestissement soit préalablement autorisé, semble paralysante, et mettait un
investissement étranger en état de « résidence surveillée »87.
52 Les solutions retenues par diverses législations paraissent être de laisser un investisseur
libre de développer son entreprise, d’en créer ou d’en acquérir de nouvelles, à condition
qu’il ne s’engage pas dans des secteurs d’activités réglementées88. Dans ces cas, une
procédure d’agrément ou d’autorisation, semblable à celle de l’admission initiale, est
requise. Ces limites peuvent être applicables à des fusions ou concentrations
d’entreprises, à l’acquisition ou à la création de nouvelles sociétés, voire au changement
de l’objet statutaire de la société initiale. Dans l’ensemble, toutefois, on ne peut manquer
de relever le caractère nouveau, les incertitudes et les risques de discrimination des
règles d’extension des investissements étrangers.

19. L’importation de capital

53 Avant que ne prolifèrent les législations sur les investissements, la réglementation des
importations de capitaux a constitué, avec le contrôle de l’immigration des étrangers, le
principal instrument qui a permis à des gouvernements de filtrer l’admission
d’investissements sur leur territoire. Il demeure largement utilisé par certains pays,
75

notamment en Europe pour ceux qui ne se sont pas dotés de réglementations


particulières sur les investissements étrangers, et en Amérique latine, où l’admission et la
réglementation des investissements étrangers ressortissent dans certains cas à la
compétence de la Banque centrale89.
54 L’interchangeabilité des deux techniques juridiques (admission des investissements ou
importation de capital) ne peut être mieux illustrée qu’en mentionnant le différend qui a
opposé le Gouvernement français aux autorités des Communautés européennes à la fin
des années 196090. Suite à la réglementation de 1967 portant sur l’admission des
investissements directs étrangers en France, la question s’est posée de savoir si de telles
mesures ne contrevenaient pas aux dispositions du Traité de Rome relatives à la liberté
d’établissement. Avant que la Cour de justice des Communautés européennes n’ait statué,
la France abrogea les dispositions en litige pour les ressortissants des Communautés ;
mais, par un autre décret du même jour, elle rétablit les mêmes mesures au titre du
contrôle des changes, non-prohibé par la réglementation européenne91. Ce tour de passe-
passe juridique montre que les réglementations sur l’admission des investissements
étrangers constituent fréquemment une ramification récente de mesures de police plus
anciennes, visant au contrôle des relations monétaires et financières avec l’étranger ; et
inversement, que l’absence de mesures directes sur l’admission des investissements ne
préjuge pas de l’existence de contrôles en ce domaine, par le biais indirect des
réglementations monétaires et financières.
55 Là où une procédure d’admission des investissements est requise, l’importation du capital
devient une opération annexe. On a mentionné qu’aux termes de diverses législations il
devait atteindre un certain montant pour être soumis aux effets de la loi92. La Convention
Suisse-Jordanie précise qu’un investissement doit être effectué « en monnaie convertible »93.
De strictes conditions sont souvent posées aux opérations d’emprunt à l’étranger, qu’ils
soient le fait d’entreprises locales ou sous contrôle étranger.
56 L’évaluation des apports ne semble guère présenter de difficultés. S’il s’agit d’apports en
nature, des contestations peuvent naître à propos de leur qualité ou de leur valeur. En ce
sens, la Convention Allemagne-Corée précise qu’une commission bi-partite d’experts pourra
être établie pour réexaminer une évaluation contestée94. S’il s’agit d’apports financiers, la
question du taux de change applicable n’est pas sans intérêt ; la Convention France-Syrie
dispose que des règles identiques seront appliquées à l’importation et au rapatriement du
capital95.
57 Le capital importé est enregistré par les autorités de l’Etat d’accueil. On notera l’intérêt
de cette procédure, tant pour un investisseur étranger que pour l’Etat, car elle est un
facteur de sécurité dans leurs relations. L’enregistrement a lieu dans la monnaie de
l’apport, c’est-à-dire en monnaie étrangère pour le pays-hôte. Il sert de base aux
transferts de revenus, de capitaux et au rapatriement en cas de liquidation. On a trouvé
des dispositions ajoutant que les réinvestissements eux-mêmes, effectués en monnaie
locale, sont enregistrés et comptabilisés dans la monnaie dont le capital est originaire96.
En l’absence d’enregistrement, le montant des revenus et des capitaux rapatriables a été
une source importante de controverses97. De plus, le fait que l’évaluation ait lieu dans la
monnaie d’origine met pour une part un investisseur à l’abri des aléas monétaires et des
dépréciations de la monnaie d’un Etat d’accueil.
76

Section III. Des mesures de promotion


58 Maintes Conventions bilatérales se réfèrent à la « promotion » ou à l’« encouragement »
des investissements entre les parties, et elles le font en général dans le cadre des clauses
d’admission. Dans un certain nombre de textes, la promotion aura lieu « dans la mesure du
possible », ce qui apparaît plus comme une recommandation que comme une obligation
juridique98 ; d’autres n’emploient pas de formule conditionnelle99. La promotion ou
l’encouragement n’est pas toujours conçu comme devant être réciproque, comme
l’intitulé de certaines Conventions l’atteste100. Dans de telles situations, on peut se
demander si la recommandation s’adresse à l’Etat d’accueil ou à l’Etat d’origine. La
plupart des dispositions relatives à l’admission montrent que la promotion doit être
l’affaire de l’Etat d’accueil101 ; mais quelques formules dans le sens opposé ont également
été rencontrées102. Des Conventions récentes emploient une formulation réciproque, aussi
bien pour la promotion que pour la protection des investissements103.
59 On a mentionné le caractère inédit de la notion de promotion des investissements en
droit international104. A ce titre, elle se prête à diverses interprétations. Au niveau le plus
général, la sécurité juridique est un facteur de promotion. Le régime défini par une
Convention, dans la mesure où il assure une meilleure protection des investissements,
serait en lui-même un élément de promotion ; celle-ci aurait un caractère subsidiaire par
rapport à la protection105.
60 Nous avons sans doute assez avancé dans l’analyse pour ne plus nous limiter à des
considérations générales. La protection des investissements à l’égard de mesures
discriminatoires ou de dépossession, entendue au sens du droit des gens, est une chose ;
mais les mécanismes d’admission et de sélection décrits ici sont tout à fait étrangers au
domaine de la protection. En ce sens, la notion de promotion vise certains aspects des
législations contemporaines sur les investissements, qui dressent des obstacles aux
investissements internationaux, et qui leur accordent des avantages. On admettra que le
but de la promotion est de faciliter les relations d’investissement, en aplanissant certains
obstacles, et en stimulant l’octroi d’avantages. En d’autres termes, il s’agit de faire en
sorte que les relations avantages-coûts ne s’opèrent pas au seul profit (ou dépens) d’un
Etat d’accueil, d’un Etat d’origine, ou d’un investisseur ; pour cela, des mesures de
coordination et de coopération économiques sont instituées par traité106.

20. Incitations des pays d’accueil

61 Dans toute économie nationale, des mesures de promotion des investissements existent,
envers les capitaux nationaux et/ou étrangers. Elles prennent la forme d’allocations
budgétaires, pour entreprendre des travaux d’infrastructure ou autres ; de subventions
ou de diminution des taux d’intérêt, par exemple pour la construction de logements ; ou
encore, des municipalités accordent des allègements fiscaux pour attirer l’implantation
d’entreprises. La fonction du multiplicateur d’investissement est amplement connue.
62 Des mesures analogues sont prévues pour attirer les investissements étrangers. Les plus
courantes sont des exemptions fiscales, pour une durée de cinq à dix années107.
63 Diverses législations vont beaucoup plus loin. A titre d’exemple, on mentionnera les
exemptions, avantages et privilèges prévus par la loi soudanaise, The Development and
77

Encouragement of Industrial Investment Act108. Il peut être accordé à un projet


d’investissement : une exemption des impôts sur les bénéfices, pour une période allant
jusqu’à 15 années ; une exemption des droits de douane à l’importation de produits non-
existants localement ; une exemption des impôts indirects sur les matières premières
utilisées ; l’octroi de terrains à prix réduit pour l’installation d’une entreprise ; le
remboursement des taxes sur les produits exportés ; l’octroi de crédits préférentiels 109.
D’autre part, des avantages réduisant les coûts de gestion peuvent être octroyés, dont la
réduction des coûts d’électricité, de frêt, des taxes locales, et des garanties
d’approvisionnement en matières premières et autres produits110. En outre, l’entreprise
peut bénéficier d’engagements en matière d’achats gouvernementaux ; elle peut être
protégée de la concurrence, notamment extérieure, soit par un contingentement des
produits similaires, soit par une augmentation des droits de douane sur les produits
concurrents111.
64 L’instauration de ces mesures est habituellement justifiée par le souci d’améliorer la
relation avantages-coûts au profit d’un investissement donné ; en phase de démarrage, il
n’est guère douteux que l’abaissement des coûts et l’octroi d’avantages, permettant à une
entreprise d’atteindre rapidement un seuil de rentabilité, constitue une incitation non-
négligeable pour un investisseur. Toutefois, certaines de ces mesures n’ont pas été
exemptées de critiques.
65 On a fait valoir qu’elles mettaient des investissements étrangers dans une situation
privilégiée112. L’argument n’est pas nécessairement convaincant, dans la mesure où des
investissements nationaux peuvent bénéficier des mêmes avantages113. Par contre, au cas
où une disproportion sensible se manifesterait entre la promotion des uns et celle des
autres, les inégalités de traitement instituées ne marqueraient d’aviver des oppositions.
66 D’autres objections sont faites sur des bases de politique économique. Certains experts
estiment que le coût du « surencouragement » d’investissements peut être substantiel
pour un Etat d’accueil ; des mesures de protection contre la concurrence, interne et/ou
externe, ont des effets négatifs114. Sur la scène internationale, des Etats se livrent à des
surenchères pour attirer des investissements étrangers ; il se crée ainsi un marché inter-
étatique des exemptions fiscales et des mesures de promotion.
67 Certaines critiques ne sont pas dénuées de fondement ; elles devraient conduire,
logiquement, à rechercher l’élaboration d’un minimum de règles en la matière, dans un
cadre multilatéral. Mais le développement des Conventions démontre que, pour le
moment, de nombreux Etats préfèrent s’en tenir à des relations bilatérales.

21. Incitations des pays d’origine

68 Des pays exportateurs de capitaux se sont également dotés de mesures pour inciter leurs
ressortissants à investir à l’étranger. Les systèmes nationaux d’assurance-investissement
retiendront particulièrement notre attention115. D’autres mesures prennent la forme
d’exemptions ou d’allègements fiscaux, et de crédits préférentiels. Quelques Conventions
conclues par les Pays-Bas, telle la Convention Pays-Bas–Côte d’Ivoire, font référence à l’octroi
de crédits à l’exportation de biens d’équipement116. Pour sa part, la Convention Allemagne–
Inde prévoit que de telles mesures seront soumises au traitement de la nation la plus
favorisée117.
78

69 Les exportations de capitaux sont fréquemment réglementées, pour des motifs de balance
des paiements, d’équilibre des marchés financiers internes, de politique industrielle ou de
l’emploi. En diverses occasions, il a été recommandé que l’accès des pays emprunteurs
aux marchés financiers des pays industrialisés soit moins limité118. Il est difficile d’estimer
si les recommandations de promotion des Conventions peuvent avoir un quelconque effet
en ce domaine.

***

70 La matière examinée précédemment est exogène aux règles de droit international


relatives à la protection des biens ou des investissements étrangers, qu’elles soient de
droit général ou de droit des traités. Elle se rapporte à des relations économiques, de
coopération ou non, entre des Etats.
71 Il est apparu que l’aspect essentiel des clauses de Conventions d’investissement est de
consacrer un « droit d’admission » d’un Etat en ce qui concerne les investissements
étrangers. La compétence ainsi reconnue est exclusive ; elle n’est pas soumise à des
conditions, limitations ou exceptions notables.
72 Si l’on tente de replacer ce principe des Conventions dans un contexte de droit
international, on a constaté que, de lege lata, le droit d’admission reconnu à un Etat n’était
pas dérogatoire des principes correspondants du droit international général. De lege
ferenda, l’affaire a été nettement plus débattue. Il a été estimé souhaitable de maintenir la
« porte ouverte » à l’admission et à l’établissement des étrangers sur le territoire d’un
Etat, qu’il s’agisse d’individus ou d’investissements. Cependant, l’évolution de la pratique
des Etats ne s’est pas prononcée en ce sens. Chaque Etat demeure libre de garder ses
frontières ouvertes à l’admission d’individus ou d’investissements, ou de n’imposer qu’un
minimum de limitations fondées sur des motifs d’ordre public et de sécurité nationale ;
telle continue d’être la pratique de certains Etats. Mais, en matière de personnes
physiques, les restrictions à l’admission se sont multipliées, au moins depuis 1919 ;
d’exceptions, elles sont devenues la règle. De même, depuis trois décennies, on assiste à
une extension de réglementations, restrictives et sélectives, concernant l’admission
d’investissements étrangers ; en ce domaine aussi, il semble que les exceptions soient
devenues, ou soient en voie de devenir, de règle. Nous n’avons pas à porter de jugement
de valeur sur cette évolution. Ce qu’elle implique, nous semble-t-il, c’est que tout examen
du sujet doit aujourd’hui se fonder sur la reconnaissance du droit d’admission d’un Etat
d’accueil en matière d’investissements étrangers.
73 Sur cette base, certaines modalités de l’admission d’investissements, ressortissant au
droit interne, ont été examinées. Parce qu’il s’agit de questions récentes, on a formulé
nombre de points d’interrogation, et mis en évidence que diverses difficultés, potentielles
ou réelles, se présentaient. Celles-ci concernent notamment les conditions particulières,
posées cas par cas, pour l’admission d’investissements ; les formes d’admission, et leurs
effets juridiques en droit interne et/ou conventionnel ; la question des investissements au
second degré ; certaines mesures de promotion prises par un Etat d’accueil.
74 Plusieurs de ces aspects ne sont pas régis par les Conventions bilatérales, ni par d’autres
instruments juridiques internationaux. Il existe là un domaine nouveau pour le
développement de la coopération économique internationale.
79

NOTES
1. Une clause-standard est celle de la Conv. Suisse-Corée, art. 1 er : « Chaque Partie Contractante
encouragera dans la mesure du possible les investissements effectués sur son territoire par des
ressortissants ou sociétés de l’autre Partie Contractante et admettra ces investissements
conformément à sa législation, ses ordonnances et règlements » ; dans le même sens, cf. p.ex.
Conv. Allemagne-Ile Maurice, art. 1 ; Belgique-Roumanie, art. 1(1) ; France-Malte, art. 2 ; Italie-
Egypte, art. 1 ; Pays-Bas-Sénégal (1979), art. 2 ; Royaume-Uni-Singapour, art. 2(1). Mais d’autres
Conventions, not. conclues dans les années 1960, ne contiennent pas de clause d’admission, cf.
p.ex. Conv. Belgique-Maroc ; France-Tunisie (1965) ; Suisse-Equateur.
2. Sur l’admission des étrangers (ou « entrée », « réception ») dans la pratique des Etats, cf.
Répertoire suisse, v. II, p. 698 ; British Digest, v. VI, p. 9, 15 ; KISS, Répertoire, v. IV, p. 299 ; WHITEMAN,
Digest, v. 8, p. 573 ; HACKWORTH , Digest, v. III, p. 549 ; Prassi italiana. Prima serie, v. II, p. 559,
Seconda serie, v. II, p. 796. Dans la doctrine, cf. KELSEN , Principles, p. 366 ; GUGGENHEIM , Traité, v. I
(1953), pp. 355-7 ; OPPENHEIM , International Law, v. I, pp. 675-6 ; BROWNLIE, Principles, p. 519 ;
SCHWARZENBERGER , International Law, v. I, p. 360 ; VERZIJL, International Law, v. V, pp. 417-9 ;
O’CONNELL, International Law, v. II, pp. 695-7 ; NAFZIGER, « The General Admission of Aliens under
International Law », AJIL, v. 77 (1983), pp. 804-47.
3. En ce sens, le projet de Convention de l’OCDE visait à protéger la propriété étrangère, et
demeurait silencieux sur l’admission : « The Convention is designed to safeguard property after
its acquisition or investments after they have been made », OECD, « Draft Convention », ILM, v. 2
(1963), p. 246 (souligné dans le texte).
4. Conv. Suisse-Singapour, art. 1(2) : « Si une procédure d’admission est requise par l’une des
Parties Contractantes, les investissements effectués par des ressortissants ou sociétés d’une
Partie Contractante sur le territoire de l’autre Partie Contractante y seront soumis. Les
investissements ne bénéficient des avantages et de la protection de la présente Convention que
s’ils ont été admis par cette procédure et, au cas où une approbation écrite serait nécessaire, que
s’ils ont été expressément approuvés par écrit par l’autre Partie Contractante » ; dans le même
sens, cf. Conv. Allemagne-Zambie, Protocol (1) ; Belgique-Singapour, art. 3 ; Royaume-Uni-
Roumanie, art. 1(2). On notera que, seule parmi les traités récents, la Conv. Etats-Unis-Egypte ne
contient pas de clause d’admission proprement dite.
5. Dans divers textes, la condition n’apparaît pas au niveau d’une clause d’admission, mais à celui
du champ d’application de la Convention, ou de la définition du terme « investissement », cf.
p.ex. Conv. Suisse-Sri Lanka, art. 2(1), et supra, pp.18-9.
6. Lorsqu’une Convention dispose que chaque Partie « admettra », ou « admet » un
investissement, on peut se demander si le verbe stipule une obligation objective,
indépendamment de la référence au droit interne. Il paraît hasardeux d’estimer qu’il y aurait là
une obligation de résultat ; sans doute, si des autorisations d’investissement étaient
systématiquement refusées, un Etat d’origine pourrait se prévaloir du principe de l’admission
pour demander à un Etat d’accueil de justifier son comportement.
7. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Philippines, Protocol (2) ; Royaume-Uni-Thaïlande, art. 9(d).
8. Conv. Japon-Egypte, art. 2(2) : « Nationals and companies of either Contracting Party shall
within the territory of the other Contracting Party be accorded treatment no less favourable
than that accorded to nationals and companies of any third country in respect of the admission
of investment ».
80

9. Conv. Royaume-Uni-Bangladesh, art. 2(1) : « Each Contracting Party shall encourage and create
favourable conditions for nationals or companies of the other Contracting Party to invest capital
in its territory, and, subject to its right to exercise powers conferred by its laws existing when
this Agreement enters into force, shall admit such capital ».
10. Ces questions entrent essentiellement dans le champ des règles de traitement, et seront
examinées dans ce contexte, infra, p. 106, 111.
11. Conv. Allemagne-Pakistan, Protocol (1) : « The Parties shall within one year after signing this
Treaty enter into negotiations to conclude an establishment treaty which shall, « inter alia »,
make provisions for the following : Immigration and emigration, temporary and permanent
residence, protection from expulsion, taking up and carrying on business and professional
activities on a basis of employment or self-employment, particularly in respect of managerial and
technical staff, foundation of and participation in enterprises, protection and security of persons
and property, free access to courts, freedom to contract, acquisition of real estate and other
property and admission as arbitrator » ; de même, cf. p.ex. Conv. Allemagne-Maroc, Procès-
verbal (1). Par exception par rapport aux autres Conventions conclues par la Suisse, la Conv.
Suisse-Rwanda contenait des dispositions sur l’établissement des ressortissants, art. 5 ; c’est aussi
la seule qui ne soit que « provisoirement » en vigueur (depuis 1964), le Rwanda ne l’ayant pas
ratifiée.
12. Conv. Allemagne-Zaïre, Lettre ; sur cette question, cf. infra, pp. 111-2.
13. On peut douter que la notion d’« établissement » soit adéquate pour rendre compte de
l’acquisition d’actions en bourse, ou de la conclusion de contrats à long-terme. Elle implique une
délimitation, du point de vue géographique et temporel, qui vaut surtout pour les personnes
physiques ; dans l’Avis consultatif relatif à l’« Echange des populations grecques et turques », la
CPJI avait déclaré : « (1) Que le mot “établis” (...) vise une situation de fait constituée pour les
habitants par une résidence de caractère durable », Série B. N° 10 (1925), pp. 25-6. Sur la
distinction entre étrangers de passage et établis, cf. OPPENHEIM , International Law, v. I, p. 680 ;
SCHWARZENBERCER , International Law, v. I, pp. 385-6 ; S. BASDEVANT « Etranger » in LAPRADELLE et
NIBOYET (ed.), Répertoire de droit international, Paris, Sirey, v. 8 (1930), pp. 24-5. La distinction
ressortit principalement aux lois de chaque Etat sur l’immigration. Toutefois, la Conv. Etats-Unis-
Egypte recourt à cette notion d’établissement, art. II.
14. Conv. Pays-Bas-Egypte, Letters Nr. III-IV : « (...) Nationals of the Kingdom of the Netherlands
who intend to make an investment in the territory of the Arab Republic of Egypt have to obtain
prior approval of the competent Egyptian investment authority on the application for the
investment concerned. Before having obtained that approval, there is no liability on the part of
the Government of the Arab Republic of Egypt » ; dans le même sens, cf. Conv. Belgique-
Indonésie, art. 1(2) ; Italie-Egypte, Protocol (1).
15. KISS, Note : « Chaque Etat est libre de fixer les conditions d’entrée des étrangers sur son
territoire », Répertoire, v. IV, p. 299. La pratique des Etats est unanime sur ce point, cf. les réf.
citées supra, n. 2, Cf. aussi « Asian-African Legal Consultative Committee », « Principles
concerning Admission and Treatment of Aliens », art. 2 : « (1) The admission of aliens into a State
shall be at the discretion of that State. (2) A State may - (i) prescribe conditions for entry of aliens
into its territory » in GARCIA-AMADOR (et al.) Recent Codification of the Law of State Responsibility for
Injuries to Aliens, Dobbs Ferry, Oceana (1974), Annex III, p. 370.
16. « An alien, it has been judicially stated by the Privy Council in “Musgrove v. Chun Teeong
Toy” (1891) A.C. 272, has in English law no enforceable right to enter British territory », British
Digest, v. VI, p. 9. Pour une décision néerlandaise récente dans le même sens, cf. « A. v. State-
Secretary of Justice, Royal Decree, 12 February 1974 » : « Held (...) that however, there is no
fundamental human right or any directly binding provision of international law under which a
State would be bound to recognise an alien’s right to residence within its territory, the less so
where there are objections to it in connection with public order », NYIL, v. 7 (1976), p. 307.
81

L’opinion contraire a été avancée, cf. SIBERT : « Tout Etat a le devoir juridique de recevoir sur son
territoire les ressortissants des autres Etats », Traité de droit international public, Paris, Dalloz
(1951), p. 575 ; et celle, plus nuancée de ROUSSEAU : « les étrangers n’ont pas un droit
inconditionnel à l’admission sur le territoire de l’Etat (...) », Droit international public, v. III, p. 13.
Dans les circonstances de la fin du XXe siècle, il s’agit d’une opinion « de lege ferenda ». Mais cf.
aussi NAFZIGER, loc. cit. (1983) p. 804 et s.
17. Il est à noter que les restrictions à l’entrée de personnes physiques peuvent être un moyen
indirect et efficace pour filtrer l’admission d’investisseurs potentiels. Depuis 1952, les Etats-Unis
exceptent des conditions d’immigration les investisseurs étrangers ressortissants d’Etats avec
lesquels un traité de commerce a été conclu, cf. US Digest (1974), pp. 78-9 ; WILSON, « “Treaty-
Investor” Clauses in Commercial Treaties of the Unites States », AJIL, v. 49 (1954), pp. 366-70.
18. S’agissant de la protection des droits patrimoniaux des étrangers dans la pratique suisse,
GUGGENHEIM affirmait : « Dans la mesure où il n’est pas possible de trouver une raison juridique
justifiant une différence de traitement, l’étranger doit ainsi être assimilé au national », Traité, v. I
(1953), p. 340. Sur les pratiques d’autres Etats, cf. British Digest, v. VI, p. 263, 327 ; HACKWORTH ,
Digest, v. III, p. 652, 671 ; KISS, Répertoire, v. IV, p. 383.
19. Pour des restrictions récentes, cf. p.ex. CAFLISCH , Pratique suisse, ASDI, v. 38 (1982), pp.
118-21 ; et US Digest (1976) : La loi de l’llinois restreignant l’acquisition d’immeubles par des
étrangers, le Gouvernement du Canada éprouva en 1976 des difficultés pour acquérir une maison
pour son consul à Chicago. Dans une note, le Département d’Etat américain répondit :
« According to general international law, an alien’s privilege of participation in the economic life
of his state of residence does not go so far as to allow him to acquire private property. The state
of residence is free to bar him from ownership of property, whether movable or realty. In the
more recent treaties, the United States has not accorded nationals of foreign states the privilege
of acquiring lands within American territory if such acquisition is opposed by local state law.
However, the great majority of States do not prohibit acquisition of immovable property by
aliens », id., p. 92 ; cf. aussi Répertoire suisse, v. II, not. pp. 805-7 ; British Digest, v. VI, pp. 327-8. Les
législations répertoriées par le CIRDI incluent diverses limitations à ce sujet, cf. Corée, « Law on
the Land of Foreigners », ILW, v. 4 (1978), p. 62 ; Egypte, « Law N° 81/1976, organizing the
Possession by Non-Egyptians of Built Properties and Vacant Lands », ILW, v. 1 (1978), 14 :2A,
Appendix IX. Dans ce contexte, la Conv. Japon-Egypte dispose que le bénéfice des droits sur des
immeubles pourra être accordé sous condition de réciprocité entre les Parties, et dans certaines
limites, Protocol (3), (4) et Agreed Minutes (3).
20. Cf. p.ex. US Digest (1975) pp. 619-24. Dans le même sens, la Conv. Etats-Unis-Egypte, en
annexe, dispose que des restrictions sont édictées dans les industries américaines suivantes :
« Air transportation, ocean and coastal shipping ; banking ; insurance ; government grants ;
government insurance and loan programs ; energy and power production ; use of land and
natural resources ; custom house brokers ; ownership of real estate ; radio and television
broadcasting ; telephone and telegraph services ; submarine cable services ; satellite
communications ».
21. Sur ce point, cf. les commentaires de WENGLER, « Nouveaux aspects de la problématique des
contrats entre Etats et personnes privées », RBDI, v. 14 (1978-1979-2), pp. 415-24 ; cf. aussi US
Digest (1975), p. 615.
22. Indonésie, « Law N° I... », art. 6(2), ILM, v. 6 (1967), p. 207, ILW, v. 4 (1978) 1 :2A-2.4.
23. Id., art. 6(1).
24. La France fait dépendre l’accès à la propriété commerciale d’une condition de réciprocité
législative, KISS, Répertoire, v. IV, p. 383, 384 ; cf. aussi British Digest, v. VI, pp. 328-9 ; Répertoire
suisse, v. II, p. 734 ; sur la pratique japonaise, cf. l’étude historique de MIYAZAKI, « Legal Treatment
of Aliens in Japan », JAIL, v. 20 (1976), pp. 65-73, not. p. 69.
82

25. Sur les carte de commerçant, carte de travail, carte spéciale pour les exploitants agricoles
étrangers, exigées en France, cf. BATTIFOL, LAGARDE, Droit international privé, Paris, LGDJ, 6e ed., v. I
(1974), pp. 200-3. Ces exigences administratives ne doivent pas être confondues avec des
exigences professionnelles (qualifications, diplômes, etc.) qui existent dans tous les pays pour
certaines activités.
26. Infra, pp. 106-7.
27. La Convention Suisse-Tunisie a été conclue en 1961, les Conv. Pays-Bas-Tunisie et France-
Tunisie en 1963, la Conv. Belgique-Tunisie en 1964. Pour les quatre pays exportateurs de
capitaux, il s’agissait des premiers traités de ce type ; à l’exception de la pratique allemande, déjà
avancée à l’époque, ce furent aussi les premières Conventions d’investissement élaborées.
28. Conv. Belgique-Tunisie, Lettre ; France-Tunisie, Echange de lettres N° 2 ; Pays-Bas-Tunisie,
Echange de lettres N° I-II. La Conv. Suisse-Tunisie en contient pas de mention expresse à cet effet,
mais le résultat fut identique, cf. le Message correspondant du Conseil fédéral suisse, FF(1962-I),
p. 633, à la p. 636.
29. La pratique suisse relative aux traités d’établissement est remarquablement répertoriée in
Répertoire suisse, v. Il, pp. 771-971 ; cf. aussi l’étude de la Direction du droit international public du
Département politique fédéral suisse, reproduite in CAFLISCH , Pratique suisse, ASDI, v. 34 (1978),
pp. 97-106 ; et le Message du Conseil fédéral sur la matière, id., v. 35 (1979), pp. 157-8. Vus sous
l’angle des questions d’investissement, les traités de commerce et d’établissement sont analysés
not. par PREISWERK « La protection... », op. cit. (1963), et par. FATOUROS, Government Guarantees..., op.
cit. (1962). Sur les aspects historiques et les techniques juridiques de ces traités, cf.
SCHWARZENBERGER « The Principles and Standards of International Economie Law », RC, v. 117
(1966-1), pp. 1-97 ; VERZIJL, International Law, v. VI, p. 423 et s.
30. Infra, pp. 95-102.
31. En s’opposant à un projet de loi de 1975 visant à réglementer l’admission des investissements
étrangers, un membre du Gouvernement américain déclarait devant le Sénat : « (...) the
“screening” provisions of this bill (...) violate approximately 15 of our treaties of Friendship,
Commerce and Navigation », US Digest (1975), p. 616. Ces traités prévoient le traitement national
pour l’acquisition ou l’établissement d’entreprises ; cf. FATOUROS, op. cit. (1962), pp. 141-7 ;
PREISWERK, op. cit. (1963), pp. 116-24.
32. Sur cette question, cf. l’étude du Gouvernement suisse citée supra, n. 29, aux pp. 99-102 ; et le
Message du Conseil fédéral, analysant l’évolution postérieure à 1919 : « A partir de cette époque,
les traités d’établissement furent interprétés dans un sens qui laissaient aux Etats le pouvoir de
décider librement de l’admission des étrangers et des critères sur lesquels elle se fondait », in
CAFLISCH , Pratique suisse, ASDI, v. 35 (1979), p. 157. Pour des décisions judiciaires récentes
exceptant l’application de clauses de traitement national ou de la nation la plus favorisée pour
l’octroi de permis de résidence, cf. Suisse, ATF, 4 juin 1975, « O.c. Conseil d’Etat du canton de
Zurich », ASDI, v. 32 (1976), p. 119 ; Allemagne (Rép. féd. d’), Superior administrative Court of
Rhenish Palatinate, 30 June 1969, « Establishment of Foreign Worker Case », ILR, v. 61 (1981), p.
423.
33. P.ex, La Convention d’Etablissement Etats-Unis-France stipule le traitement national pour
l’établissement d’entreprises et les activités commerciales, art. V(l), mais dispose, art. V(2) :
« Chaque Haute Partie Contractante se réserve le droit de déterminer dans quelle mesure les
étrangers peuvent sur ses territoires créer, diriger, gérer ou acquérir des intérêts dans des
entreprises de communications, de transport par air ou par eau, de banque procédant à des
opérations de dépôt ou à des opérations fiduciaires, d’exploitation du sol ou d’autres ressources
naturelles et de production d’électricité », RTNU, v. 401 (1961), p. 77, aux pp. 81-2. En 1976, le
Conseil de l’OCDE adopta une « Décision relative au traitement national », « Investissement... »,
op. cit. (1976), pp. 21-2, qui visait les « entreprises sous contrôle étranger » établies dans les pays-
83

membres (mais non leur admission) ; les notifications des Gouvernements montrèrent que de
nombreuses exceptions au traitement national existaient quant aux nouveaux investissements
qui pouvaient être effectués par ces entreprises ; selon l’OCDE, « Deux pays membres seulement
n’ont pas signalé d’exceptions à ce titre », Le traitement national des entreprises sous contrôle étranger
établies dans les pays de l’OCDE, Paris, OCDE (1978), p. 18 ; adde infra, p. 95. Sur la pratique des traités
bilatéraux, cf. PREISWERK, La protection..., op. cit. (1963), pp. 116-24, 129-44 ; FATOUROS, Government
Guarantees..., op. cit. (1962), p. 142 et s.
34. Ces mécanismes d’admission ont été très contestés, cf. PREISWERK, id., pp. 165-8. E.I. Nwogugu
allait jusqu’à écrire : « (...) not all underdeveloped countries with whom treaties have been
concluded agreed to abandon the so-called “sovereign right” to screen investments », « The Legal
Problems... », op. cit. (1965), p. 126. Pour une position de principe du Gouvernement américain en
faveur d’une « politique de la porte ouverte » (« open door policy ») dans le domaine des
investissements étrangers, cf. US Digest (1974), p. 541.
35. Si nous n’avons pas à les développer, des considérations de politique économique sont trop
importantes dans la matière étudiée pour être négligées ; quelques-unes seront abordées infra, p.
128 et s. A la question de savoir si un juriste doit se mêler d’analyse économique, on renverra le
lecteur à cette opinion de Schwarzenberger : « A straightforward answer can be given to the
anxious question asked with clock-work regularity by incipient international economic lawyers :
How much ought we to know of International Economics ? The position is analogous to that with
which, day by day, any practising lawyer, be he counsel or judge, is faced. The factual aspects of a
case may be simple or complex, but counsel and judge alike have to master them. Similarly, the
international economic lawyer has to learn as much of the economic substratum of his chosen
subject as is required to cope intelligently with its normative aspects », « The Principles... », op.
cit. (1966), p. 11.
36. On se réfèrera en particulier aux ouvrages suivants : Swoboda (ed.), Capital Movements and
their Control, Leiden, Sijthoff (1976) ; ADLER and KUZNETS (ed.), Capital Movements and Economic
Development, New York, St. Martin Press (1967) ; BHAGWATI, Anatomy and Consequences of Exchange
Control Regimes, National Bureau of Economic Research, Cambridge, Ballinger (1978) ;
KINDLEBERGER (ed.), The International Corporation, Cambridge, M.I.T. (1970) ; adde les ref. citées infra,
p. 128, n. 38.
37. Cf. p.ex. MILLS « An Evaluation of Measures to Influence Volatile Capital Flows », in SWOBODA
(ed.), id., pp. 143-61. Sur l’absence de consensus entre les différentes écoles d’économistes quant à
l’optimalité des apports de capitaux dans une économie, cf. BHAGWATI, id., pp. 164-5.
38. En ce sens, cf. JOHNSON « The efficiency and Welfare Implications of the International
Corporation », in KINDLEBERGER (éd.), op. cit. (1970), pp. 43-4 ; JONES « International Capital
Movements and the Theory of Tariffs and Trade », The Quarterly Journal of Economics, v. 81 (1967),
pp. 1-38.
39. MACDOUGALL « The Benefits and Costs of Private Investment from Abroad : a Theoretical
Approach », The Economic Record, v. 36 (1960), pp. 13-35.
40. Le succès de cette approche a été considérable auprès d’économistes, théoriciens et
praticiens. Au niveau national, cf. not. Investissements étrangers directs au Canada, publié par le
Gouvernement du Canada, Information Canada, Ottawa (1972) ; Corée, « Inducement of Foreign
Capital : Policies », ILW, v. 4 (1978), pp. 24-6. Au niveau international, cf. OECD, REUBER (et al.),
Private Foreign Investment in Development, Oxford, Clarendon Press (1973) ; S. Lall and P. Streeten,
Foreign Investment, Transnationals and Developing Countries, London, Macmillan (1977) (il s’agit d’une
synthèse d’études menées pour le compte de la CNUCED) ; Meier, Leading Issues in Economic
Development, New York, Oxford University Press, 3rd ed. (1976), pp. 370-80.
41. En ce qui concerne les effets des investissements étudiés sur le revenu de pays-hôtes, S. Lall
and P. Streeten concluaient qu’environ 40 pour cent d’entre eux paraissaient avoir eu des effets
84

négatifs (investissements étrangers et/ou nationaux), op. cit. (1977), p. 173, 182 et infra, p. 75, n.
114 ; pour leur part, les études menées pour le compte de l’OCDE considéraient que, « sufficient
evidence is available to suggest that foreign investment is by no means necessarily beneficial to
the investing country even though it may be beneficial to individual investors and to the host
country », OECD, REUBER (et al.), op. cit. (1973), p. 46.
42. Selon les termes de MEIER, « The rational approach to the economic regulation of foreign
investment would be to ensure that each foreign investment project meets the criterion of
yielding a benefit-cost ratio greater than unity », « Legal Economic Problems... », loc. cit. (1966), p.
476 ; cf. aussi LALL and STREETEN, op. cit., (1977), pp. 191-218.
43. Les procédures de surveillance et de réglementation de l’admission se sont notablement
étendues dans les années 1960-1970, y compris dans les pays industrialisés, cf. les ref. citées
supra, p. 17, n. 20. Depuis 1975, les Etats-Unis se sont aussi dotés d’un « Committee on Foreign
Investment », dont le rôle est principalement consultatif : « The Committee has primary
responsibility within the executive branch for monitoring the impact of foreign investment in
the United States, both direct and portfolio, and for coordinating the implementation of U.S.
policy on such investment », US Digest (1975), p. 617.
44. Certaines questions examinées dans cette section ont été peu étudiées d’un point de vue
international ; on aura d’abord recours aux législations et réglementations sur les
investissements ; d’autres sources sont infra-juridiques, elles proviennent d’entretiens avec des
responsables gouvernementaux, avec des investisseurs privés, et d’expériences professionnelles.
45. Pakistan, « Ordinance N° XIV of 1976 », art. 3, ILW, v. 6 (1978) 44 :2E-5.1.
46. Cf. p.ex. Corée, « Foreign Capital Inducement Law, N° 1802 of 1966 », art. 4-5, IL W, v. 4 (1978)
12 :2A-4.6 ; Soudan, « The Development and Encouragement of Industrial Investment Act, 1974 »,
art. 5, ILW, v. 8 (1978) 46 :2A-5.1 ; Tunisie, « Loi N° 69-35 du 26 juin 1969, portant Code des
investissements », art. 8, ILW, v. 10 (1981), p. 4.
47. Supra, pp. 57-8.
48. Les projets d’investissement en Egypte doivent s’inscrire dans des « listes » d’activités,
établies par la « General Authority for Arab and Foreign Investment and Free Zones »,
approuvées par le Conseil des ministres, et périodiquement révisées, « Law N° 43 of 1974,
concerning Arab and Foreign Capital Investment and Free Zones, as amended », art. 3, ILM, v. 16
(1977), p. 1477.
49. La loi roumaine de 1971 exigeait qu’un investissement étranger prenne la forme d’une
entreprise conjointe, avec une participation roumaine d’au moins 51 pour cent, « Law on Foreign
Trade and Economic and Technico-Scientific Cooperation Activities in the Socialist Republic of
Romania, 1971 », art. 58-59, ILW, v. 7 (1978), pp. 230-1. La réglementation de l’Arabie Saoudite se
limitait à prévoir une exemption fiscale de 5 années, à condition que la part du capital saoudien
soit d’au moins 25 pour cent dans l’entreprise, « Foreign Capital Investment Code », art. 8(b), ILM,
v. 3 (1964), p. 562 ; et cf. supra, p. 35, n. 84.
50. Cf. la loi coréenne (art. 43), et la loi soudanaise (art. 5), citées supra, n. 46. Pour un cas
significatif, cf. la Sentence KLÖCKNER, Clunet v. 111 (1984), p. 414 et s.
51. Cette question est à la base de la législation australienne ; sur le « Companies (Foreign Take-
Overs) Act, 1972 », cf. TEDESCHI, Legal Controls..., loc. cit. (1975), pp. 576-8. Selon les études de S. Lall
et P. Streeten, sur les 2904 filiales répertoriées par eux à la fin des années 1960, 65 pour cent
d’entre elles avaient été acquises par rachat d’entreprises existantes, et non par création
d’entreprises nouvelles, « Foreign Investment... », op. cit. (1977), p. 41.
52. Les autorités nationales chargées de l’admission sont généralement dotées d’un large pouvoir
de décision, cf. p.ex. Kenya, « The Foreign Investments Protection Act, Cap. 518 », art. 3, ILW, v. 4
(1979) 11 :2A-4.1 ; Tunisie, « Décret N° 70-275 du 17 août 1970, portant organisation et
fonctionnement de la Commission des Investissements », ILW, v. 10 (1981), pp. 13-7.
53. Infra, pp. 73-6.
85

54. Des Conventions conclues par l’Allemagne sont explicites sur ce point ; elles disposent que
des « documents » ou des « certificats » d’admission, prévoyant des conditions et avantages
spécifiques seront délivrés, et qu’ils régiront le statut d’un investissement ; ces conditions
échappent à l’application des règles de traitement, cf. p.ex. Conv. Allemagne-Philippines,
Protocol (2) : « Either Contracting Party reserves the right to require as a prerequisite to the
admission of an investment within its territory a “certificate of admission” which it shall issue to
investments it considers admissible pursuant to Article 1. Such certificate of admission may
specify favours, immunities, and conditions deviating from Article 2 which the admitting party
grants or imposes in respect of the investment concerned. Such deviations shall only be effective
if the deviating measures have been described in detail and laid down individually in the
certificate of admission. The provisions of Article 2 shall to that extent not be applicable. It shall
be understood that neither Contracting Party may specify conditions deviating from the other
provisions of the Treaty » ; (NB. L’art. 2 du traité contient les normes applicables au traitement
d’un investissement, après son admission).
55. En ce sens, cf. OCDE, « Le traitement national... », op. cit. (1978), pp. 16-7.
56. Cf. p.ex. France, « Décret N° 67-78 du 27 janvier 1967 », art. 4, JORF, 28 janv. 1967 ; Tunisie,
« Loi N° 74-74 du 3 août 1974, relative aux investissements dans les industries manufacturières »,
art. 6, ILW, v. 10 (1981), pp. 22-3.
57. Tunisie, id., art. 5 ; Cameroun, « Loi N° 64-LF-6 du 6 avril 1964, portant Code des
investissements », art. 3-4, ILW, v. 2 (1975) 29.-2A-3.1.
58. Egypte, « Executive Regulations to the Law N° 43 for the Year 1974 promulgating the System
of Arab and Foreign Capital Investment and Free Zones », art. 4(6), ILW, v. 1 (1978), p. 29.3 ;
Kenya, « The Foreign Investments Protection Act, Cap. 518 », art. 3, ILW, v. 4 (1979) 11 :2A-4.1.
59. KANAZAWA, Accession..., loc. cit. (1967), pp. 28-9 ; adde les ref. citées supra, p. 17, n. 20.
60. France, « Décret N° 67-78 du 27 janvier 1967 », art. 4(1), JORF, 28 janv. 1967.
61. Selon PINTO, » L’ajournement pur et simple, sans autre précision, constitue donc un refus. Il
n’a pas à être motivé. Grâce au pouvoir de refus dont il dispose, le Ministre peut éventuellement
définir les conditions auxquelles la décision d’ajournement sera levée. Il peut inviter
l’investisseur à modifier les modalités de son opération. Il peut lui imposer certaines sujetions
(main-d’œuvre, localisation, exportations, acquisition du matériel, des équipements, des
matières premières, recherche scientifique et technique) », « Le régime... », loc. cit. (1967), p. 255.
62. Egypte, ref. supra, n. 58, art. 1 ; Maroc, « Décret N° 2-73-408 », art. 1, ILW, v. 6 (1978) 23 :3C-3.1.
63. Cf. p.ex. Kenya, « The Foreign Investments Protection Act, Cap. 518 », art. 3(2) : « The Minister
shall consider every application made under subsection (1) of this section and in any case in
which he is satisfied that the enterprise would further the economic development of, or would be
of benefit to, Kenya, he may in his discretion issue a certificate to the applicant », ILM, v. 4 (1965),
p. 242, ILW, v. 4 (1979) 11 :2A-4.1.
64. Cameroun, ref. supra, n. 57, art. 4 : « Le rejet éventuel de la demande devra être motivé et
notifié par le ministre de l’économie nationale ».
65. PINTO : « L’exercice du droit d’ajournement ouvre un contentieux administratif limité. Le
ministre exerce, en l’espèce, un pouvoir largement discrétionnaire, fondé sur l’appréciation des
intérêts nationaux qu’il est chargé de défendre. L’illégalité de sa décision ne peut apparaître
qu’en cas de détournement de pouvoir, erreur sur la matérialité des faits, défaut de motif légal,
violation des principes généraux du droit. Une telle situation sera exceptionnelle et difficile à
constater. Il s’agit, au surplus, d’un contrôle purement juridique. Aucun contentieux économique
n’est organisé en France qui pourrait statuer sur les avantages et les inconvénients d’un
investissement étranger », loc. cit. (1967), p. 256 ; BÉRARD, La réglementation..., loc. cit. (1975), p. 244.
66. Tunisie, « Loi N° 74-74 du 3 août 1974... », art. 4, IL W, v. 10 (1981), p. 22.
67. Corée, « Law N° 1802 of 1966... », art. 46-53, ILW, v. 4 (1978) 12 :2A-9.1 ; Singapour, « The
Economic Expansion... », art. 48-50, ILW, v. 8 (1978) 36 :2A-9.2, 9.3.
86

68. Sur ce point, cf. not. FATOUROS, Government Guarantees..., op. cit. (1962), pp. 122-8 ; KAHN in
DALLOZ, Répertoire..., op. cit. (1969), p. 200.
69. Loi N° 64-LF-6 du 6 avril 1964, portant Code des investissements », ILW, v. 2 (1975) 29 :2A.
70. Id., art. 3-4.
71. Id., art. 13-16, 19-25. Pour un exemple détaillé de convention entre le Cameroun et un
investisseur, cf. la Sentence KLÖCKNER, Clunet v. 111 (1984) pp. 414-20.
72. Supra, n. 61.
73. Cf. PINTO, Le régime..., loc. cit. (1967), p. 255-6.
74. Ces dispositions seront étudiées infra, p. 241 et s.
75. Tunisie, « Décret N° 70-275 du 17 août 1970, portant organisation et fonctionnement de la
Commission des Investissements », art. 13, ILW, v. 10 (1981), p. 15.
76. Sur l’octroi d’un « permis » d’investissement, cf. p.ex. Indonésie, « Law N° I of 1967,
concerning Investment of Foreign Capital », art. 18, ILM, v. 6 (1967), p. 210 ; « Decision N° 143/M/
II/1968 », art. 18, ILW, v. 4 (1978), pp. 205-6 ; pour l’octroi d’une « licence » d’investissement, cf.
Soudan, « The Development and Encouragement of Industrial Investment Act, 1974 ». art. 7, ILW,
v. 8 (1978) 46 :2A-4.1.
77. Yougoslavie, « Law on Investment of Foreign Persons in Domestic Organizations of Associated
Labor », art. 1, ILW, v. 10 (1978) 7 :2A ; cette loi a été remaniée en 1978, cf. Scriven, Yougoslavia’s...,
toc. cit. (1979), pp. 95-107.
78. Selon l’art. 12 de la loi, l’enregistrement pouvait être refusé si le contrat ne contribuait pas à
un accroissement de la productivité et des exportations, à l’introduction de technologie
moderne, si l’apport du capital étranger était inférieur à 1,5 millions de dinars, etc., ILW, v. 10
(1978) 7 :2A, pp. 7-9.
79. Des facilités étaient accordées, not. pour le rapatriement des revenus et du capital, id., art. 10,
18-19, pp. 10-12.
80. Sur cette question, cf. les remarquables commentaires de FATOUROS, op. cit. (1962), pp. 191-6.
Sur la notion d’« engagement » d’un Etat d’accueil, cf. la sentence « S.P.P. (Middle East) Limited,
Southern Pacific Properties Limited and the Arab Republic of Egypt, the Egyptian General
Company for Tourism and Hotels », ILM v. 22 (1983) p. 752, aux pp. 765-67 (ci-après « Affaire
SPP »).
81. Infra, pp. 241-68.
82. Selon l’OCDE, c’est dans le domaine des nouveaux investissements des entreprises déjà
établies que les exceptions au traitement national dans le droit de ses pays-membres sont les plus
nombreuses, « Le traitement national... », op. cit. (1978), p. 18 ; cf. aussi la longue liste
d’exceptions répertoriée in id., Annexe I, pp. 25-34, et les notifications par pays, Annexe III, p. 39
et s. Sur les législations de pays importateurs de capitaux, cf. p.ex. Singapour, « The Economic
Expansion (Relief From Income Tax) Act, 1967, as amended », art. 17, ILW, v. 8 (1978) 36 :2A-4.2 ;
Tunisie, « Loi N° 74-74 du 3 août 1974, relative aux investissements dans les entreprises
manufacturières », art. 4, ILW, v. 10 (1981), p. 22.
83. OCDE, id., pp. 16-17 ; La Décision relative au traitement national ne s’appliquait pas à
l’admission des investissements initiaux, mais aux « investissements nouveaux » des entreprises
déjà établies ; le rapport relevait les réactions dubitatives de certains gouvernements sur la
validité de la distinction entre « admission » et « établissement » pour des investissements au
second degré.
84. Quelques Conventions conclues par la Suisse stipulent, au sein des clauses de traitement,
qu’une Partie « n’entravera pas (...) l’accroissement » des investissements, cf. p.ex. Conv, Suisse-
Mali, art. 3(1). D’autres, dans des clauses de transfert des capitaux, prévoient qu’une Partie
accordera le droit d’importer des fonds additionnels, cf. p.ex. Conv. Pays-Bas–Singapour, art.
VIII : « (b) funds necessary (...) (ii) for the replacement of capital assets, in order to safeguard the
continuity of an investment ; (c) additional funds necessary for the development of an
87

investment » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Suisse–Equateur, art. 2(e). La plupart des
Conventions ne contiennent pas de dispositions à ce sujet.
85. En ce sens, cf. le rapport de l’OCDE cité supra, n. 82.
86. En ce qui concerne le « Décret N° 67-78 du 27 janvier 1967 », pris par le Gouvernement
français, qui définit comme un « investissement direct », art. 2(3) : « l’achat, la création ou
l’extension de fonds de commerce... », R. Pinto commentait : « Mais cette notion d’extension n’est
pas définie. Elle est plus incertaine encore que celle du contrôle », « Le régime... », loc. cit. (1967),
p. 249.
87. « Andean Foreign Investment Code » (as of Nov. 30, 1976), art. 12 : « Reinvestment of profits
earned by foreign enterprises shall be considered to be new investments and may not be made
without previous authorization and registration », ILM, v. 16 (1977), p. 144.
88. En ce sens, cf. pour le Japon, KANAZAWA, Accession..., loc. cit. (1967), p. 33 ; pour la France, Pinto,
toc. cit. (1967), pp. 249-50 ; JUILLARD, Modifications..., loc. cit. (1978), p. 149. La loi coréenne, « Foreign
Capital Inducement Law, N° 1802 of 1966 », art. 7, soumet les réinvestissements à déclaration,
non à autorisation, sauf s’ils dépassent le montant de l’investissement initial, ou s’ils sont
effectués dans une entreprise qui n’est pas sous contrôle étranger, ILW, v. 4 (1978), 12 :2A-4.1.
89. Cf. la Conv. Danemark–Indonésie, citée supra, p. 18 ; et Conv. Norvège-Indonésie, art. 2 Sur la
législation de l’Argentine, cf. « Foreign Investments Law, 21.382 », art. 10, ILM, v. 15 (1976), p.
1369 ; et sur celle du Brésil, « Law N° 4.131 of September 3, 1962, as amended », art. 3, ILM, v. 3
(1964), p. 1053 ; Teixeira PINTO, « Investir au Brésil », DPCI, v. 2 (1976), p. 159.
90. Sur ce différend, cf. CARREAU (et al.), Droit international économique, op. cit. (1978), pp. 384-7 ;
BÉRARD, La réglementation..., loc. cit. (1975), pp. 240-4 ; JUILLARD, « Chronique de droit international
économique », AFDI, v. 26, (1980), pp. 569-70.
91. « Décret N° 71.143 » et « Décret N° 71.144 » du 22 février 1971, JORF, 23 fév. 1971 ; adde les
commentaires cités supra, n. 90.
92. Supra, p. 21, n. 36.
93. Conv. Suisse-Jordanie, art. 1er.
94. Conv. Allemagne–Corée, Protocol (9) : « Either Contracting Party may, in individual cases, lay
down in the document of admission the amount of capital intended to be invested in its territory
and may determine the form in which such capital shall be invested. Either Contracting Party
may examine whether the assets so invested correspond in form and value to those referred in
the document of admission. When conspicuous differences arise as to the result of the
examination, the Contracting Parties may appoint a group of experts to reconsider the
examination ».
95. Conv. France–Syrie, art. 6.
96. Cf. la loi brésilienne citée supra, n. 89, art. 4 ; Teixeira PINTO, loc. cit. (1976), p. 160.
97. Infra, pp. 128-35, 143-5.
98. Cf. p.ex. Conv. Allemagne–Côte d’Ivoire, art. 1 er ; France-Jordanie, art. 2 ; Japon-Egypte, art. 2
(1) ; Suisse-Corée, art. 1er.
99. Cf. p.ex. Conv. Belgique–Singapour, art. 2(1) ; Italie-Roumanie, art. 1(1) ; Pays-Bas-Egypte, art.
II ; Suisse-Indonésie, art. 1.
100. Cf. p.ex. le titre de la Conv. Allemagne–Malaisie : « Agreement Concerning the Promotion
and Reciprocal Protection of Investments » ; la protection est réciproque, non la promotion ; de
même, cf. p.ex. Conv. Belgique–Corée ; Suisse–Ouganda.
101. Quand il est mentionné qu’une Partie « encouragera les investissements effectués sur son
territoire par des ressortissants ou sociétés de l’autre Partie contractante », comme c’est
fréquemment le cas, on doit admettre que l’encouragement s’adresse à un Etat d’accueil ; cf.
JUILLARD, Les Conventions..., loc. cit. (1979), pp. 312-3.
88

102. Cf. Conv. France–Indonésie, art. 1 er : « Le Gouvernement de la République française


encouragera dans toute la mesure du possible les investissements de ressortissants français,
personnes physiques et morales, dans le territoire indonésien (...) » ; dans le même sens, cf. p.ex.
Conv. Allemagne-Inde, préambule ; Belgique-Cameroun, art. 2(3) ; et infra, n. 117.
103. Cf. le titre de la Conv. Belgique-Cameroun : « Convention en matière de promotion et de
protection réciproques des investissements » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Suisse-Syrie.
104. Supra, p. 6.
105. En ce sens, cf. VOSS, The Protection..., loc. cit. (1982), pp. 687-8 ; cf. aussi JUILLARD, Les
Conventions..., loc. cit. (1979), pp. 312-3.
106. Certaines clauses sont plus explicites, cf. Conv. Pays-Bas-Corée, art. I(1) : « The Contracting
Parties shall promote economic cooperation between their nationals through the encouragement
of investments by those nationals in the territory of the other Contracting Party » ; Suède–Sri-
Lanka, art. 3(1) : « Each Contracting Party shall, subject to its rights to exercise powers conferred
by its laws, encourage and create favourable conditions for nationals and companies of the other
Contracting Party to make in its territory investments that are in line with its general economic
policy ».
107. Les exemples sont légion. Au Cameroun, p.ex., les investissements agréés sous le régime
« A » sont exonérés des droits de douane ; sous le régime « B », il s’y ajoute une exemption de
l’impôt sur les bénéfices et de la patente, pendant 5 années, « Loi N° 64-LF-6 du 6 avril 1964,
portant Code des investissements », art. 6-12, ILW, v. 2 (1975) 29 :2A-5.1, 5.2, 5.3. La loi de
Singapour retient aussi des exemptions fiscales de 5 années, pouvant être prorogées sous
certaines conditions, « The Economic Expansion (Relief from Income Tax) Act, 1967, as
amended », art. 6-19, ILW, v. 8 (1978) 36 :2A-5.1 et s.
108. ILW, v. 8 (1978) 46 :2A.
109. Id., art. 10.
110. Id., art. 11.
111. Id., art. 12.
112. Il serait superflu de mentionner l’abondance des critiques en ce sens. On rappellera que la
« Charte des droits et des devoirs économiques des Etats », AG Res. 3281 (XXIX) déclarait, art. 2(1)
(a) : « (...) Aucun Etat ne sera contraint d’accorder un traitement privilégié à des investissements
étrangers » ; pour un commentaire autorisé de cette mention, cf. CASTANEDA , « La Charte des
Droits et des Devoirs économiques des Etats du point de vue du droit international », in K.
WALDHEIM (et al.), Justice économique internationale, Paris, Gallimard (1976), pp. 75-117, aux pp. 93-5.
Depuis des décennies, il a été montré que le capital étranger pouvait, dans certaines
circonstances, obtenir une situation privilégiée en cumulant des avantages entre un Etat
d’origine et un Etat d’accueil, en particulier dans l’ouvrage magistral de BORCHARD. The Diplomatic
Protection..., op. cit. (ed. 1927), not. pp. 857-60.
113. En ce sens, la loi soudanaise citée est applicable autant aux investissements nationaux
qu’étrangers, art. 15 : « No distinction shall be made, on granting licences, concessions and
facilities under this Act, between national and foreign establishment or public or private sector
establishments », ILW, v. 8 (1978) 46 :2A-5.6. Mais il est clair que certains investisseurs étrangers
pourront remplir plus aisément les conditions requises que des entrepreneurs soudanais, dans
l’état actuel du développement économique du Soudan. D’un autre côté, si la situation faite aux
investissements étrangers était globalement si privilégiée, on conçoit mal qu’ils demeurent d’un
aussi faible niveau.
114. Selon MEIER, « The cost of “overencouraging” certain types of foreign investment can be
considerable », « Legal Economic... », loc. cit. (1966), p. 480. Cf. aussi LALL and STREETEN, Foreign
Investment..., op. cit. (1977), pp. 181-8 ; selon les études de ces auteurs, menées pour le compte de la
CNUCED, le facteur le plus déterminant des effets négatifs d’investissements sur le revenu d’un
89

pays était le degré de protection effective accordé à des entreprises, id., p. 182 ; il importait peu,
dans ce contexte, que l’entreprise soit sous contrôle national ou étranger.
115. Infra, p. 215-39.
116. Conv. Pays-Bas–Côte d’Ivoire, art. 2(1) : « En vue de la réalisation des objectifs prévus au
présent Accord, le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas est disposé à accorder aux
entreprises néerlandaises qui en feront la demande les autorisations pour la fourniture, à
paiements échelonnés, de biens d’équipement aux entreprises d’Etat et privées de la Côte
d’Ivoire » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Pays-Bas–Tanzanie, art. II ; Suisse-Niger, Lettre.
117. Dans son préambule, la Conv. Allemagne–Inde déclare : « Considering that (...) The
Government of the Federal Republic of Germany are actively promoting German private
investments abroad by offering loans and tax concessions to intending German investors, and by
issuing Federal guarantees ; in all matters relating to such investments the Government of the
Federal Republic of Germany intend in similar circumstances, to give investments in India a
treatment no less favourable than that accorded to investors in any other country ».
118. De telles recommendations figuraient déjà dans le Rapport Pearson, Commission on
International Development, Partners in Development, London, Pall Mall Press (1969), pp. 115-8. Elles
ont été reprises par le Comité du développement créé par le FMI et la Banque mondiale en 1974,
cf. not. AHMAD « The Developing Countries and Access to Capital Markets », Finance and
Development (1976), pp. 26-30. Dans ce contexte, la Conv. Belgique–Cameroun contient une clause
détaillée sur la promotion des investissements, où, art. 2(3) : « (...) l’Union Economique Belgo-
Luxembourgeoise s’emploiera à mettre en œuvre les mesures propres à inciter ses opérateurs
économiques à participer à l’effort de développement de la République Unie du Cameroun
conformément à ses objectifs prioritaires ».
90

Chapitre III. Les principes de


traitement

1 Une fois admis, un investissement est soumis à un régime juridique donné, déterminé par
l’Etat territorial, que le terme de « traitement » recouvre. Les Conventions
d’investissement contiennent des clauses spéciales de traitement, qui sont fréquemment
diversifiées, détaillées, et assorties d’exceptions. Comme références, on mentionnera les
dispositions pertinentes de la Convention Royaume-Uni–Corée et celles de la Convention
Suisse–Jordanie1.
2 D’emblée, il est à noter que les Conventions ne se réfèrent pas seulement au
« traitement » accordé à un investissement, mais aussi à sa « protection ». L’un des
aspects essentiels de la protection des investissements, qui se rapporte à des mesures
d’expropriation et de dépossession prises par un Etat, fait l’objet de clauses particulières
et sera examiné ultérieurement2.
3 Divers types d’engagements apparaissent dans les clauses de traitement : il sera accordé à
un investissement une « entière protection et sécurité », un « traitement juste et
équitable », le « traitement national », le « traitement de la nation la plus favorisée » (en
abrégé, « traitement n.p.f. ») ; ou encore, il est fait référence à un traitement et/ou une
protection conforme au droit international3. De telles dispositions ne se situent pas toutes
sur le même plan ; certaines d’entre elles renvoient à des principes de protection du droit
international général, ou visent à les confirmer en les explicitant ; d’autres sont
spécifiques au droit des traités. On distinguera ces deux grandes catégories
d’engagements.
4 La référence au droit coutumier nous amène à aborder, peu ou prou, trois domaines de
celui-ci, qui ont connu des développements juridiques et historiques considérables : la
condition des étrangers4 ; le droit de protection diplomatique5 ; et la responsabilité
internationale d’un Etat qui, historiquement, a été liée aux dommages causés aux
étrangers6. Nous postulerons que les principes et règles de base sont connus. Dans le
cadre des Conventions, en effet, nous ne sommes pas concernés par l’ensemble des
principes applicables à la condition des étrangers, mais seulement par ceux qui
s’appliquent à des investissements ; la protection accordée ne résulte pas au premier chef
du droit général, mais des dispositions convenues par traité ; la responsabilité d’un Etat,
91

si elle venait à être engagée, découlerait de la violation d’une obligation conventionnelle.


La matière examinée est donc spéciale, mais elle comporte aussi des aspects plus
généraux, dans la mesure où les Conventions n’existent pas in abstracto, et qu’elles
s’insèrent de diverses manières dans un ensemble de principes et de notions établis.

22. Traitement et protection

5 De prime abord, les principes de traitement et de protection d’un investissement étranger


semblent constituer les deux faces d’une même médaille. Il est convenu par traité qu’un
investissement aura le droit à un certain traitement ; inversement, un Etat d’accueil a
contracté à son égard des obligations de protection, qu’un Etat d’origine peut faire valoir
sur le plan juridique.
6 En réalité, cette relation n’est simple qu’en superficie. La principale question qui s’est
posée a été de déterminer si le droit international devait prendre pour base, en premier
lieu, des principes de traitement applicables aux étrangers, ou à l’opposé des obligations
internationales de protection à leur égard. Cette question d’apparence anodine, et peut-
être quelque peu sibylline, a divisé la communauté internationale depuis près d’un demi-
siècle, des débats de la Conférence de codification de 1930 aux travaux de la Commission
du droit international sur la responsabilité des Etats7.

a) Méthodologie

7 Pour condenser en peu de mots des pratiques et des débats fort complexes, on indiquera
que deux démarches ont été suivies dans des décisions judiciaires ou arbitrales, dans la
pratique des Etats et dans des travaux de doctrine.
8 La première a consisté à mettre au premier plan l’existence, dans l’ordre international,
d’obligations de protection des étrangers et de leurs biens, auxquelles chaque Etat est
assujetti8. Des obligations internationales étant reconnues, le traitement qui est accordé
par un Etat à un étranger est en quelque sorte une fonction dérivée, c’est-à-dire que le
caractère licite ou non de ce traitement a été mesuré par rapport aux obligations de
protection posées. Du point de vue méthodologique, cette démarche postule qu’il existe
dans l’ordre international des obligations de protection suffisamment définies ; d’autre
part, elle conduit à donner la priorité au droit de protection d’un Etat national, ou
exportateur de capital, sur la compétence territoriale d’un Etat d’accueil.
9 A l’opposé, il a été allégué que les droits et obligations d’un Etat d’accueil à l’égard
d’étrangers devaient être, en première instance, déterminés ; ce n’est qu’au cas où un
principe de traitement, reconnu en droit international, serait violé que la responsabilité
internationale d’un Etat pourrait être engagée9. Cette démarche a conduit à dissocier les
règles de fond, ou règles « primaires », relatives au traitement des étrangers, des règles
« secondaires » qui déterminent la responsabilité internationale d’un Etat.
10 L’évolution du droit international s’est prononcée en faveur de la seconde méthode. Ceci
résulte notamment des travaux de la CDI et des positions correspondantes exprimées par
les représentants des Etats. Dans une première phase la première démarche a été suivie ;
elle a conduit à une impasse, juridique et politique10. Depuis 1969, à l’initiative du
Rapporteur Ago, la Commission a entrepris la codification des règles relatives à la
responsabilité des Etats, sans préjuger de celles qui se rapportent à la condition des
étrangers11.
92

11 La méthodologie adoptée n’a pas seulement le mérite de la logique juridique. En


profondeur, elle conduit à rétablir un équilibre dans les relations internationales, que
l’exercice du droit de protection diplomatique n’a pas nécessairement contribué à
préserver.

b) Le pesant héritage de la protection diplomatique

12 Il est hors de doute qu’un Etat dispose d’un droit de protection en faveur de ses
ressortissants à l’étranger12 ; un certain nombre de règles en la matière ont été reconnues
par la jurisprudence internationale et par la pratique des Etats. Il est aussi amplement
connu que les conditions d’exercice de ce droit et les effets qu’il a historiquement
entraînés ont créé des difficultés considérables13.
13 Périodiquement, des analyses ont cherché à démontrer que ces difficultés ont été
surestimées, et que les erreurs qui ont pu avoir lieu sont le fait de toute institution
humaine14. Il existe, nous semble-t-il, un problème d’une autre importance, qui provient
du processus juridique lui-même. Celui-ci transforme un dommage privé en une
« offense », disait Vattel, envers l’Etat national, qui acquiert un droit propre à l’égard d’un
autre Etat, et qui peut l’exercer de manière discrétionnaire15. En droit international,
comme on le sait, l’Etat national demeure libre d’accorder ou non sa protection à son
ressortissant ; il demeure libre d’exercer son droit de protection envers l’Etat auteur du
dommage, ou de ne pas l’exercer ; la poursuite de la réclamation, la détermination de son
montant, l’allocation des réparations éventuellement obtenues dépendent de sa volonté.
14 En conséquence, des réclamations privées ont été étatisées, et le droit de protection a été
étroitement lié à des considérations politiques, tenant à l’évolution des relations
extérieures d’un Etat. Aussi fondé soit-il, du point de vue juridique, son exercice a revêtu
un caractère semi-politique. De ce fait, des étrangers ayant subi de graves dénis de justice
sont demeurés sans protection, leur Etat national n’ayant pas estimé opportun d’endosser
leurs réclamations. Dans d’autres cas, des Etats se sont vus opposer des réclamations de la
part d’autres Etats, sans doute fondées en droit, mais qui servaient aussi des desseins de
pouvoir politique. Selon les termes de la Cour dans l’Affaire Barcelona Traction, « (...) un
examen plus approfondi des faits montre que le droit en la matière s’est formé dans une période
d’intense conflit de systèmes et d’intérêts »16.
15 Pour notre propos, on retiendra deux effets de cette évolution contemporaine du droit
international. En premier lieu, les principes de traitement applicables à un
investissement étranger demandent à être explicités ; des obligations coutumières de
protection, telles que la notion du respect des droits acquis, ne sont plus à même de jouer
le rôle qui leur a été reconnu dans une période antérieure17. Par là, la conclusion même de
traités correspond à un besoin contemporain. D’autre part, on aura à examiner si la
notion de protection, au sens des Conventions, correspond à celle du droit international
général. On constatera que les Conventions bilatérales contribuent à développer de
nouveaux mécanismes juridiques, qui conduisent à une certaine « dé-étatisation » des
relations d’investissement18 ; en ce sens, la protection conventionnelle se démarque de la
protection diplomatique.
93

Section I. Les onbligations coutumières de traitement


16 Divers principes de traitement mentionnés dans des Conventions bilatérales sont
spécifiques au droit des traités. Ils seront examinés dans la prochaine section. D’autres
sont dérivés du droit international général ; l’objet des clauses de traitement
correspondantes est, soit de confirmer la validité de certains principes en les explicitant,
soit d’opérer un renvoi au droit des gens. Ce sont ces obligations que nous examinerons
dans la présente section.
17 Dans une majorité de textes, il est fait référence à deux principes : la protection et la
sécurité accordées à un investissement, et la non-discrimination.

23. La protection et la sécurité d’un investissement

18 Depuis la fin du XIX siècle, deux grands courants se sont affrontés en la matière, qui ont
divisé la jurisprudence, la pratique des Etats et la doctrine19. Selon le premier, le droit
international contiendrait des obligations de traitement à l’égard des étrangers,
autonomes par rapport aux droits nationaux. Selon la seconde doctrine, dite du
traitement national, des étrangers ne disposent pas d’une protection ou de droits autres
que ceux que la loi territoriale leur confère.
19 Ces deux tendances comportent de multiples aspects, en fonction des droits et des
situations considérées, qui dépassent largement le cadre de l’étude. Elles ont été
mentionnées d’emblée, parce qu’elles se reflètent dans les dispositions des Conventions
bilatérales.
20 Un premier groupe de Conventions, en effet, opère un renvoi au droit international
général, en disposant que le traitement accordé aux investissements devra être conforme
au droit des gens ; ainsi dans les Conventions Belgique–Corée et Suisse–Tanzanie 20. Dans un
traité, il s’agit d’une norme indirecte, qui incorpore par renvoi des obligations de droit
général dans l’ordre conventionnel21.
21 Un deuxième groupe de textes stipule qu’une « protection et sécurité » sera accordée aux
investissements, qui est qualifiée de « constante », « complète », ou « entière » ; tel est le
cas, entre autres, de la Convention Royaume-Uni–Sri Lanka22. Dans certains traités, cette
mention apparaît au sein de clauses de traitement et/ou d’expropriation23. Il est admis,
dans la pratique conventionnelle, que ces termes se réfèrent à une protection et à une
sécurité accordées par le droit international24.
22 Enfin, quelques traités, dont la Convention France–Ile Maurice, prévoient que la protection
et la sécurité accordées aux investissements de ressortissants d’une Partie sera la même
que celle qui est assurée aux investissements nationaux25. La mesure de la protection,
dans de tels cas, est le droit national d’un Etat d’accueil.
23 D’autre part, quelles que soient les dispositions relatives à la protection des
investissements, maintes Conventions stipulent qu’il leur sera accordé le traitement
national26. Les Conventions d’investissement n’échappent donc pas au dilemme
obligations internationales/traitement national.
94

a) La protection et la sécurité accordées par le droit international

24 La question de l’existence ou non d’obligations internationales de traitement à l’égard des


étrangers continue d’être une pierre d’achoppement en droit international général27. Il
importe de distinguer la reconnaissance de telles obligations de la détermination de leur
contenu.
25 La reconnaissance d’obligations de droit général fait peu de doute. Un bref examen de la
jurisprudence des Cours mondiales montre qu’elle a été périodiquement réaffirmée,
depuis l’Affaire relative à certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (Fond) 28, jusqu’à
l’Affaire Barcelona Traction. Dans son Arrêt de 1970, la CIJ l’a exprimée en ces termes : « Dès
lors qu’un Etat admet sur son territoire des investissements étrangers ou des ressortissants
étrangers, personnes physiques ou morales, il est tenu de leur accorder la protection de la loi et
assume certaines obligations quant à leur traitement »29.
26 Selon la jurisprudence récente, il existe donc des obligations de traitement, qui par
définition sont des obligations de droit international, et celles-ci sont applicables aux
investissements étrangers. Dans leur majorité, la pratique des Etats et la doctrine ont
également reconnu l’existence d’obligations internationales30.
27 Les véritables difficultés proviennent du fait que de telles obligations ne sont pas
nettement identifiées, et qu’elles ne sont pas susceptibles d’être définies de façon
satisfaisante. La structure de la communauté internationale, et le processus de
développement du droit international général n’ont permis que d’avancer de cas en cas,
par sédimentation localisée. En se gardant de toute généralisation, il est raisonnablement
possible de poser deux ou trois jalons en ce domaine.
28 D’une part, des obligations internationales reconnues se rapportent à la personne d’un
étranger, et aux qualités essentielles qui y sont attachées31 ; il s’agit de la reconnaissance
de sa personnalité et de sa capacité juridique, d’une protection de son intégrité physique
et des libertés inhérentes à la personne humaine, telle que la liberté de conscience. En ce
domaine, le droit international accorde à un étranger une protection contre l’arbitraire,
quel que soit le traitement qu’un Etat accorde à ses propres nationaux.
29 Il est difficile d’estimer en quoi et comment ce type d’obligations est applicable à des
investissements étrangers. La protection du droit international s’étend sans doute aux
personnes associées à un investissement. Mais aucune obligation de droit général
n’impose à un Etat de reconnaître directement la personnalité juridique d’une société
commerciale dans son ordre interne32 ; de même, en ce qui concerne la capacité d’une
société, une distinction a été fréquemment établie entre sa capacité civile, déterminée par
la lex societatis, et sa capacité fonctionnelle ou l’exercice d’activités économiques, dont la
détermination est du ressort du droit de l’Etat territorial33.
30 D’autres obligations concernent la protection judiciaire et administrative. Il est reconnu
qu’un étranger a le droit d’ester en justice, de demander et d’obtenir le cas échéant la
réparation d’un dommage ; la sécurité légale s’étend à des fonctions administratives34. En
d’autres termes, il existe des obligations englobées sous l’interdiction d’un déni de justice,
quelles que soient les difficultés afférentes à cette notion. En ce domaine, il est admis que
le droit national ne constitue pas la seule mesure de la protection accordée dans l’ordre
international ; c’est ce que des Conventions impliquent en se référant à une protection
entière ou constante.
95

31 En revanche, l’acquisition et la protection de droits économiques ressortissent


principalement à la compétence territoriale d’un Etat d’accueil35. Les obligations du droit
des gens sont limitées à quelques principes, qui sont d’application générale dans la
condition des étrangers, prohibant des mesures arbitraires, discriminatoires ou
confiscatoires. Dans des situations extrêmes, leur valeur ne saurait être sous-estimée ;
mais en-dehors de telles situations, leur portée et leurs effets sur le régime d’un
investissement demeurent limités. La protection du droit des gens se situe à une altitude
qui ne permet d’appréhender que difficilement et partiellement de nombreux aspects du
régime d’un investissement. Si une protection plus étendue et plus précise est
recherchée, il convient de recourir à d’autres dispositions, notamment par traité.
32 La protection du droit général est d’un recours à la fois fondamental et modeste en
matière économique. C’est pourquoi il n’apparaît pas fondé de généraliser des obligations
internationales et de les étendre aux relations d’investissement, à travers la notion du
standard minimum de droit international, et/ou sous le couvert de la protection des droits
fondamentaux de l’homme, comme certaines tendances doctrinales le préconisent36.
33 L’expression qui a été donnée du standard minimum, notamment dans l’Affaire Neer, est
connue37. Qu’il soit applicable à des situations de meurtres demeurant impunis, de
tortures, d’arrestations et de violences arbitraires n’est pas en cause. Mais son application
à des relations complexes d’investissement, à des questions fiscales ou au régime
d’accords entre Etats et investisseurs étrangers relève d’extrapolations hasardeuses38. Le
développement du droit international relatif aux investissements requiert d’autres
élaborations.

b) La doctrine du traitement national

34 Comme on l’a mentionné, quelques Conventions disposent que la protection et la sécurité


accordées à un investissement seront celles que le droit de l’Etat territorial confère39. De
telles dispositions correspondent à la doctrine dite du traitement national40.
35 Celle-ci ne nie pas l’existence d’un droit de protection de l’Etat national, mais elle en
restreint le plus possible la portée. La compétence territoriale de l’Etat d’accueil est
exclusive, à l’exception d’une obligation principale de droit international, celle d’assurer
à un étranger l’accès aux tribunaux locaux41. La responsabilité internationale d’un Etat
d’accueil ne peut être engagée qu’en cas de déni de justice, entendu stricto sensu. Sous la
forme de la doctrine Calvo, le traitement national est considéré par les Etats latino-
américains comme étant l’expression du droit des gens à l’égard des étrangers42.
36 La jurisprudence internationale récente, une partie importante de la pratique
diplomatique et de la doctrine ne la confirment pas. Ceci ne signifie pas que la
compétence territoriale d’un Etat d’accueil ne s’impose pas à un étranger, ressortissant
ou investissement43. Mais, en termes classiques, il existe des limites à cette compétence.
La principale lacune de la doctrine du traitement national est de ne pas accorder à un
étranger un minimum de protection concrète ; ainsi, si le législateur d’un Etat décide de
procéder à des nationalisations sans indemnisation, la doctrine priverait un étranger de
tout recours, à l’instar des nationaux. Elle est fondée sur la conception qu’un individu, en
demeurant en territoire étranger, partage une « communauté de destin » avec la
population locale. Qu’une telle communauté existe est souvent peu contestable ; la
question est de savoir si elle est entière. La communauté internationale est d’abord une
société d’Etats-nations, et le lien de nationalité entre une personne et une nation est
96

supposé être un lien prédominant, l’emportant dans certains domaines sur les autres,
dont la résidence44. En outre, pour reprendre l’exemple de nationalisations, la loi
territoriale est le résultat de décisions d’une communauté politique auxquelles un
étranger, par définition, ne participe pas45. La nationalisation d’un investissement
étranger constitue un acte d’exclusion, pour ne pas dire d’expulsion, de la communauté
économique locale. La protection qui est reconnue à un étranger constitue ainsi la
contrepartie des limitations auxquelles il est soumis.
37 Au demeurant, le terme même de « traitement national » prête à équivoque. Les tenants
de la doctrine ne considèrent pas que des étrangers doivent bénéficier de tous les droits
accordés aux nationaux ; les étrangers n’ont pas de droits politiques ; leur accès à
certaines professions et industries demeure restreint. La doctrine du traitement national
valorise d’abord les obligations d’un étranger envers un Etat d’accueil, non les droits que
celui-ci lui accorde. On l’a caractérisée comme un moyen de protéger un Etat d’un
étranger, au lieu de protéger un étranger d’actes ou d’omissions attribuables à un Etat46.
38 Vu sous un autre angle, le principe du traitement national accorde une protection
juridique qui peut être inférieure à un minimum requis par le droit international, mais il
permet aussi d’acquérir des droits, notamment économiques, qui sont le maximum
auquel un étranger peut prétendre, puisqu’il le place dans une situation d’assimilation
aux nationaux47. La dualité du principe ne semble pas avoir toujours été perçue dans
certaines Conventions, soit parce qu’elles stipulent le traitement national en matière de
protection et de sécurité, soit parce qu’elles l’omettent pour l’octroi de droits
économiques48.

24. Le principe de non-discrimination

39 La prohibition de mesures discriminatoires dans le traitement des investissements est


une mention commune à la plupart des Conventions bilatérales. Des traités récents
précisent, telle la Convention Belgique–Singapour, que les investissements seront traités de
manière « excluant toutes mesures injustifiées ou discriminatoires qui entraveraient en droit ou
en fait, leur gestion, leur entretien, leur utilisation, leur jouissance ou leur liquidation » 49. Le
principe de non-discrimination est fréquemment réitéré dans le cadre des mesures
d’expropriation et de dépossession qui pourraient être prises50.
40 Les textes conventionnels confirment par là une obligation de droit coutumier, qui
s’impose à l’égard des étrangers. Car il est reconnu que le principe de non-discrimination
n’est pas d’origine conventionnelle ; on se référera notamment à l’Affaire The Deutsche
Amerikanische Petroleum Gesellschaft Oil Tankers51.
41 En dépit de son utilisation fréquente, le contenu et la portée du principe ne sont pas des
plus commodes à définir. Les difficultés sont, pour partie, d’ordre sémantique. Le mot
discrimination est employé dans le langage courant, dans un sens qui ne correspond pas
nécessairement à la définition d’un fait illicite en droit international. Il est aussi associé,
dans de nombreux traités, à des normes de traitement telles que le traitement national ou
n.p.f. La discrimination interdite doit alors être interprétée en fonction du contenu de la
norme, et non seulement comme une obligation coutumière52.
42 Si l’on s’en tient à la non-discrimination, entendue au sens du droit général, il est à noter
qu’un traitement discriminatoire n’est pas synonyme de traitement différentiel53. Des
différences de traitement entre les nationaux et les étrangers existent dans tous les pays,
97

et elles sont admises. La question est plutôt de savoir où un traitement différentiel, licite,
s’arrête, et où une discrimination illicite commence.
43 Le critère de base d’un fait discriminatoire paraît résider dans un élément d’intention de
nuire, entraînant des effets dommageables. La discrimination repose d’abord sur une
intention dolosive, et a contrario, sur le défaut de légitimité de la mesure prise54. En
interdisant les mesures « injustifiées ou discriminatoires », les clauses des Conventions
juxtaposent ces deux aspects complémentaires. Un acte ou une omission d’un Etat
d’accueil doit être justifié par des buts qui permettent de considérer que ce n’est pas à
raison de son caractère étranger qu’un préjudice est causé à un investissement. Ainsi que
la CPJI l’a jugé dans l’Affaire Oscar Chinn : « La discrimination interdite est donc celle qui serait
basée sur la nationalité et qui entraînerait un traitement différentiel pour les individus
appartenant aux différent groupes nationaux à raison de leur nationalité »55.
44 Par certains aspects, ce critère subjectif n’est pas des plus satisfaisants, notamment parce
qu’il fait une large place à la notion de faute, émanant des organes d’un Etat. Or,
l’évolution de la responsabilité des Etats s’est opérée dans le sens d’une responsabilité
objective ; la faute a cessé d’être un élément constitutif d’un fait internationalement
illicite56. D’autre part, le critère de l’intention pose un problème de charge de la preuve.
Le caractère discriminatoire d’une mesure ne saurait être présumé57 ; s’agissant de
mesures économiques, relatives à la gestion d’un investissement, la preuve d’une
intention de nuire ou d’un manque de justification risque d’être peu concluante, et de
donner lieu à des controverses stériles.
45 On est donc amené à se demander si le principe de non-discrimination peut être
déterminé selon des critères objectifs, sans qu’il y ait lieu de sonder les buts poursuivis. Il
ne semble pas y avoir de règle fermement établie en la matière. Il a été allégué que le
caractère discriminatoire d’une mesure devait être apprécié en fonction de sa spécificité ;
une mesure affectant un investissement donné, ou quelques-uns seulement, et épargnant
les autres serait discriminatoire, tandis qu’une mesure de portée générale affectant tous
les investissements étrangers ne le serait pas58. D’autre part, le caractère discriminatoire
d’une mesure dépendrait des effets dommageables qu’elle entraîne. L’imposition
d’obligations ou la négation de droits internationalement protégés serait discriminatoire ;
un traitement différentiel dans l’octroi de droits ou d’avantages ressortissant à la
compétence exclusive d’un Etat ne le serait pas59. Toutefois, dans l’état actuel du droit, et
à de rares exceptions près, il semble difficile de faire totalement abstraction de l’élément
d’intention, qui a constitué la base du principe de non-discrimination60.

Section II. Les normes conventionnelles de traitement


46 D’autres principes de traitement n’ont pas pour source le droit international général,
mais le droit des traités. Ce sont eux qui permettent d’établir une égalité de traitement
dans le domaine économique, et d’abolir des différences de régime juridique qui
pourraient provenir de l’origine ou de la nationalité des investissements. Leur rôle, dans
les Conventions d’investissement, est identique à celui qu’ils ont joué, parfois de longue
date, dans le domaine du commerce international et de la condition des personnes
étrangères.
98

47 Trois principes, ou normes, de base apparaissent dans les Conventions, selon des
combinaisons diversifiées : le traitement équitable, le traitement national et celui de la
nation la plus favorisée.

25. Le traitement équitable

48 Un « traitement juste et équitable » est accordé aux investissements concernés. Cette


disposition figure dans de nombreux textes, à des places variables. Dans des traités
conclus par la République fédérale d’Allemagne, par exemple avec la Zambie, le traitement
équitable apparaît à l’Article 1, et s’étend à l’ensemble des dispositions de la Convention 61.
Au sein de la Convention Suède-Yougoslavie, parmi beaucoup d’autres, il est mentionné en
tête des principes de traitement62. Dans des Accords conclus par le Royaume-Uni, le
traitement équitable est généralement associé à la protection et à la sécurité d’un
investissement, et séparé du traitement national et/ou n.p.f.63.
49 De telles différences de localisation constituent sans doute un indice qu’il subsiste
quelque indétermination quant au contenu et à la portée du principe. En effet, la mention
du traitement équitable est d’origine conventionnelle, et assez récente ; on la trouve dans
la Charte de la Havane, mais guère dans des traités antérieurs à 194564. Ses contours restent
peu établis ; un auteur met ainsi en valeur son « élasticité louable », tandis qu’un autre
estime que « la formulation de ce principe est assez floue »65. Il en résulte que des
interprétations différentes, voire divergentes, en ont été données.
50 Dès l’abord, deux lignes d’interprétation ne nous semblent pas pouvoir être retenues.
Selon une première opinion, le traitement équitable serait une autre dénomination du
standard minimum66. Si, comme le stipule la Convention de Vienne en la matière, « un traité
doit être interprété (...) suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité (...) » 67, il est
difficile de concevoir qu’un traitement « équitable » se réfère, d’une manière ou d’une
autre, non à des principes d’équité, mais au droit coutumier. De plus, si le droit
contemporain reconnaît des obligations internationales de traitement à l’égard
d’investissements étrangers, on a mentionné qu’une grande prudence s’impose dans la
référence à un standard minimum68. On ne peut exclure qu’un Etat, qui a souscrit à un
engagement de traitement équitable, se serait résolument opposé à toute référence au
standard minimum, du fait des analogies ambiguës auxquelles cette notion s’est parfois
prêtée. Si deux Etats entendent se référer au droit coutumier, il ne manque pas de
formules consacrées pour le faire, comme on l’a noté69. En ce sens, quelques Conventions
font état d’un traitement équitable, conformément au droit des gens70 ; l’intention
réciproque est alors manifeste, et ne présente pas les mêmes difficultés.
51 A l’opposé, le traitement équitable pourrait être considéré comme une simple référence à
l’équité, permettant de statuer le cas échéant ex aequo et bono71. Rien n’indique,
cependant, que les Etats-parties à une Convention aient entendu écarter l’application du
droit, notamment de ces principes et règles qu’ils se sont donnés la peine de négocier
pour conclure une Convention d’investissement.
52 Ces deux interprétations téléologiques ne paraissant pas fondées, il convient de préciser
ce qu’un traitement équitable implique dans le cadre d’une Convention. La conception de
base ne semble pas différente du rôle qui a été attribué aux principes d’équité dans la
jurisprudence internationale récente. Rappelons que dans les Affaires du Plateau continental
de la mer du Nord, la République fédérale d’Allemagne en avait réclamé une part juste et
99

équitable, qui était, selon elle, un principe général de droit reconnu par les ordres
juridiques au titre de la justice distributive72. La CIJ ne s’est pas prononcée sur la
reconnaissance d’un tel principe ; en revanche, elle a jugé qu’« il ne s’agit pas d’appliquer
l’équité simplement comme une représentation de la justice abstraite, mais d’appliquer une règle
de droit prescrivant le recours à des principes équitables (...) »73. Mutatis mutandis, on
considérera que le traitement équitable d’un investissement doit être déterminé sur la
base des règles du traité qui ont été convenues entre les Parties.
53 En premier lieu, le rôle du traitement équitable paraît être de tenir pleinement compte du
but et de l’objet d’une Convention dans l’application d’une règle particulière. Face aux
particularités d’une situation, il requiert que l’application des normes convenues se
concrétise dans le cas d’espèce. Ce rôle est d’autant plus important que les principes de
traitement énoncés dans les Conventions sont généraux. Dans la gestion quotidienne
d’une entreprise, la délivrance d’autorisations administratives, l’exécution de contrats, le
traitement équitable demande que les autorités d’un Etat d’accueil se conforment à une
ligne de conduite objective, et qu’elles respectent au jour le jour la substance des
engagements pris.
54 En ce qui concerne le comportement d’un Etat d’accueil, il semble que le recours à l’équité
implique aussi un principe d’équivalence et un principe de proportionnalité, pour
reprendre les termes de Reuter74. Quelques Conventions conclues par l’Indonésie en
offrent un exemple75. La loi indonésienne sur les investissements nationaux leur confère
certains avantages dont les investissements étrangers ne bénéficient pas. Par dérogation
au traitement national, convenu entre les Parties, la Convention Suisse–Indonésie explicite
les effets du traitement équitable en ces termes : « Lorsque, conformément à la législation
présente ou future, le Gouvernement indonésien accordera des avantages supplémentaires aux
investisseurs indonésiens, le Gouvernement indonésien accordera, en vue de garantir un traitement
juste et équitable, des facilités identiques ou compensatoires aux investissements de sociétés et de
ressortissants de la Confédération Suisse dans des activités économiques similaires »76.

26. Le traitement national

55 La norme du traitement national vise à mettre sur un pied d’égalité juridique des
investissements étrangers et nationaux. En termes d’histoire juridique, il s’agit d’une
technique vénérable, utilisée depuis plusieurs siècles, mais qui est demeurée hors du droit
coutumier77. Par rapport au droit général, on rappellera qu’elle revêt un caractère
dualiste78. Le traitement national peut se situer en-deçà d’un minimum de protection
accordé par le droit des gens ; a contrario, pour l’acquisition et l’exercice de nombreux
droits économiques, qu’un Etat est libre d’accorder ou non à des étrangers, il représente
un maximum. Certaines formulations utilisées dans des Conventions reflètent un certain
flottement vis-à-vis de cette ambivalence ; ainsi quand il est précisé par un Etat que le
traitement maximum accordé sera le traitement national79, ou au contraire lorsqu’une
Convention dispose que le traitement accordé sera « au moins égal » au traitement
national80. La solution la plus cohérente, qui figure dans certaines Conventions, consiste à
distinguer la protection reconnue à un investissement du traitement proprement dit qui
lui est accordé81.
56 Les effets d’une clause de traitement national sont de faire disparaître, pour les matières
visées, toute inégalité juridique présente ou future82. Si une loi ou un règlement
différencie des investissements en fonction de leur origine ou de leur nationalité, les
100

investissements bénéficiant d’une clause de traitement national doivent être assujettis au


même régime que les investissements nationaux, les dispositions restrictives étant
réservées à leur égard. Le rôle égalisateur de la norme est donc important. Elle possède en
outre les avantages de la simplicité et de la précision, puisqu’elle renvoie à un corps de
règles détaillées dans l’ordre juridique d’un Etat d’accueil.
57 Son effectivité comporte aussi des limites. Dans la pratique conventionnelle, la question
de savoir si une clause de traitement national confère des droits identiques en matière de
subventions et d’aides publiques demeure incertaine83. Quelques Conventions
contiennent des dérogations au traitement national en ce domaine, afin de promouvoir le
développement d’entreprises d’un pays importateur de capital84. D’autre part, le
traitement national ne dispense pas de l’application de certaines mesures de police,
spécifiques aux étrangers85. Il ne permet pas l’exercice de toutes les activités économiques
et professions ; certaines d’entre elles demeurent réservées, en raison des responsabilités
particulières qu’elles entraînent à l’égard d’un Etat d’accueil86. Dans ce contexte, la
Convention Royaume–Uni–Singapour, qui stipule le traitement national pour les
investissements concernés et pour les activités qui y sont associées, prévoit la possibilité
de dérogations, sous deux conditions : une dérogation doit porter sur une matière
particulière, et s’appliquer à tous les non-nationaux87.
58 D’autre part, l’expérience a mis en évidence que le traitement national présentait
certaines faiblesses et lacunes. La principale critique a consisté à montrer qu’il s’agissait
d’un exercice de réciprocité diplomatique entre deux ou plusieurs Etats, qui ne reposait
pas sur une relation d’équivalence88. Sauf réserve expresse, les effets d’une clause de
traitement national s’étendent à l’ensemble de la matière visée ; ils sont automatiques et
inconditionnels. En supposant que les législations de deux Etats soient substantiellement
différentes, le traitement national peut avoir la vertu de conférer de nombreux droits aux
investissements de ressortissants d’une Partie, et des droits minimes aux investissements
de l’autre89. Une lacune d’un autre ordre concerne des réglementations qui sont en
principe d’application générale, mais qui, en réalité, affectent les seuls investissements
étrangers90. Dans de tels cas, les effets du traitement national peuvent s’avérer des plus
limités.
59 Tout en tenant compte de ces limites et difficultés, la norme du traitement national paraît
constituer un instrument efficace d’assimilation, susceptible de jouer dans le domaine des
investissements un rôle comparable à celui qu’elle a joué dans d’autres secteurs de la
condition des étrangers91. Actuellement, la question qui est posée par certains pays en
développement est plutôt de savoir si une égalité juridique en la matière est légitime, ou
s’il ne convient pas de traiter inégalement des situations de fait inégales92. Sans pouvoir
l’approfondir, on rappellera que les liens qu’un investissement peut avoir avec l’étranger
n’entrent pas dans le champ du traitement national, mais dans les domaines de
l’admission, des transferts de capitaux, etc., qui sont examinés par ailleurs. A ce stade, il
s’agit d’une égalité de régime juridique et de conditions de fonctionnement d’entreprises
dans une économie ; l’abolition des inégalités dans l’octroi de droits demeure, nous
semble-t-il, un principe de base de tout progrès juridique et économique.

27. Le traitement de la nation la plus favorisée

60 Selon les termes de la CIJ dans l’Affaire des droits des ressortissants des Etats-Unis d’Amérique
au Maroc, « (...) les clauses de la nation la plus favorisée avaient pour objet d’établir et de
101

maintenir en tout temps l’égalité fondamentale sans discrimination entre tous les pays intéressés »
93. L’égalité de traitement accordée par une clause n.p.f. abolit les différences de régime

juridique entre les investissements étrangers qui en sont bénéficiaires. Comme le


traitement national, le traitement n.p.f. est une technique du droit des traités qui repose
sur une tradition séculaire ; on rappellera que les clauses n.p.f. ont fait récemment l’objet
d’un projet de codification de la Commission du droit international94.
61 Dans le domaine des Conventions d’investissement, le traitement n.p.f. apparaît souvent
moins favorable que le traitement national, dont il est un succédané95. Toutefois, la
situation inverse peut également se produire ; ainsi, à la suite de la conclusion de la
Convention Suisse-Tunisie, le Gouvernement suisse rapporta qu’il n’avait pu obtenir que
l’inclusion du traitement national, et non le traitement n.p.f. qui aurait été plus favorable
96.

62 En règle générale, la clause n.p.f. qu’une Convention mentionne est bilatérale, c’est-à-dire
que les engagements correspondants qui sont pris par les Etats-parties revêtent un
caractère réciproque. Quelques Conventions, de caractère non-réciproque, font
exception ; ainsi la Convention France–Indonésie97.
63 Sauf dérogation expresse, il est admis actuellement qu’une clause n.p.f. est
inconditionnelle98 ; la Convention Royaume–Uni–Thaïlande prend soin de le préciser99. Pour
qu’il en aille différemment, il faudrait que des conditions de contrepartie ou de
réciprocité droit-pour-droit soient explicitées, ce qui ne paraît guère être le cas dans les
Conventions bilatérales. On retrouve donc, à ce niveau, l’absence de relation
d’équivalence signalée à propos du traitement national100.
64 Dans de nombreuses Conventions, une clause n.p.f. possède une portée générale, en ce
sens qu’elle couvre l’ensemble des matières relatives au traitement d’un investissement
dans un Etat d’accueil. En outre, certains textes contiennent des clauses spéciales,
spécifiques à une matière, telles que le transfert des revenus, les conditions
d’expropriation ou la compensation des dommages de guerre101. A contrario, le traitement
n.p.f. est parfois exclu d’un domaine particulier, comme le régime fiscal 102.
65 Si une clause n.p.f. est « générale », il est à noter que sa portée ratione materiae est
circonscrite à la matière-objet d’une Convention. En 1979, l’administration suisse a eu à
traiter des effets de clauses n.p.f. des Conventions d’investissement par rapport à des
traités multilatéraux protégeant la propriété intellectuelle103. Certains Etats-parties à des
Conventions conclues avec la Confédération suisse n’avaient pas ratifié des traités tels
que la Convention d’Union de Paris. La question qui s’est posée a été de déterminer si des
clauses de traitement n.p.f. des Conventions d’investissement avaient pour effet de faire
bénéficier de tels Etats des droits découlant des traités de protection de la propriété
intellectuelle. Il a été allégué, à juste titre, qu’une clause d’une Convention
d’investissement ne saurait avoir une telle vertu, la matière-objet des deux catégories de
traités n’étant pas identique104. La solution dégagée apparaît conforme à la règle ejusdem
generis, qui a été reconnue par la jurisprudence internationale et réaffirmée dans les
articles 9 et 10 du projet de codification de la CDI portant sur les clauses n.p.f. 105.
66 De rares Conventions contiennent des dispositions concernant la portée temporelle d’une
clause de traitement n.p.f. En règle générale, à partir du moment où un avantage est
accordé à un Etat tiers, le droit d’un Etat à un traitement non moins favorable prend
naissance immédiatement ; il s’étend aux droits et avantages octroyés aussi bien avant
qu’après l’entrée en vigueur d’une Convention contenant une clause de traitement n.p.f.
102

. Par exception, la Convention Suède–Malaisie réserve les droits accordés à des Etats tiers,
106

par des traités bilatéraux, avant la date de sa conclusion107.


67 Pour que des investissements soient mis au bénéfice d’un traitement n.p.f., il importe peu
que les droits et avantages accordés à ceux d’un Etat tiers le soient en vertu d’un traité,
d’une loi ou d’une simple pratique administrative. Dans ces conditions, on s’est demandé
si la conclusion d’un accord entre un Etat et un investisseur ressortissant d’un Etat tiers
avait des effets sur le traitement n.p.f. ; ou, plus précisément, si un Etat bénéficiaire d’une
clause pouvait réclamer pour les investissements de ses ressortissants un traitement non
moins favorable que celui accordé dans un accord d’investissement conclu entre l’Etat
concédant et un investisseur d’un Etat tiers. En exigeant qu’une « obligation
internationale » soit assumée par un Etat concédant envers un Etat tiers, le projet de
codification de la CDI exclut qu’une clause n.p.f. puisse déployer des effets par rapport à
des accords conclus entre Etats et investisseurs étrangers108.
68 Pourtant, la formulation employée dans certaines Conventions d’investissement ne
permet pas de retenir dans tous les cas une solution aussi catégorique. Par exemple, la
Convention Suisse–Tanzanie dispose : « Les investissements des ressortissants ou sociétés de l’une
des Parties Contractantes sur le territoire de l’autre Partie Contractante se verront accorder par
cette Partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde à tout investissement
semblable sur son territoire ou que celui prévu dans tout engagement spécifique qui serait
applicable dans les circonstances »109. Par un « engagement spécifique », on ne peut exclure
que les auteurs de la Convention aient entendu englober des accords passés entre un Etat
d’accueil et des investisseurs étrangers. On serait alors en présence, non d’une clause de
la « nation » la plus favorisée, proprement dite, mais d’un « investissement » le plus
favorisé, comme il existe des clauses d’une « société la plus favorisée »110.
69 Il est courant que le traitement n.p.f. convenu dans une Convention soit accompagné
d’une exception, portant sur les avantages liés à une union douanière, un marché
commun, une zone de libre-échange ou une union monétaire111. Dans ce contexte, la
Convention Pays-Bas–Côte d’Ivoire, qui étend le traitement n.p.f. aux droits reconnus par une
Partie « aux ressortissants de la Communauté Economique Européenne », fait figure, en quelque
sorte, de curiosité112.
70 La question de l’application d’une clause n.p.f. aux avantages accordés dans le cadre
d’unions régionales, douanières ou autres, constitue actuellement un problème d’une
importance majeure113. Lorsqu’une exception est explicitée dans une Convention, comme
c’est fréquemment le cas, il ressort de l’intention des Parties que le traitement n.p.f. ne
peut pas être réclamé pour l’octroi de droits et d’avantages conférés dans le cadre d’une
union régionale. Certaines Conventions, toutefois, ne contiennent pas d’exception en ce
domaine. Dans l’état actuel du droit, les opinions semblent partagées sur le point de
savoir s’il existe une présomption pour réserver les cas d’unions régionales, ou au
contraire si toute exception de ce type doit être expresse114.
71 On a mentionné que le traitement n.p.f. est fréquemment combiné avec le traitement
national ; les combinaisons rencontrées appellent quelques commentaires. Lorsqu’une
Convention accorde le traitement n.p.f. seul, tandis qu’une autre Convention, conclue par
une Partie avec un Etat tiers accorde le traitement national, il y a lieu de considérer que
l’Etat bénéficiaire d’une clause n.p.f. peut se prévaloir du traitement national ; en d’autres
termes, le traitement n.p.f. implique le traitement national, dès lors que celui-ci a été
accordé à un Etat tiers115. Lorsqu’une Convention mentionne à la fois le traitement n.p.f.
et le traitement national, une interprétation cumulative des deux traitements est admise.
103

Le choix du traitement accordé aux investissements de ses ressortissants appartient à


l’Etat bénéficiaire, qui a le droit d’opter pour tout ou partie des traitements en cause ; ici
encore, la Convention Royaume-Uni–Thaïlande confirme une règle reconnue116. Toutefois, il
demeure incertain si un Etat peut passer à son gré d’un traitement à l’autre, en fonction
du moment et de la situation considérés, et s’il peut prétendre cumuler les avantages des
deux traitements117.
72 Enfin, on notera que l’application du traitement n.p.f. aux questions d’investissement, ou
d’établissement, n’a pas été exemptée de critiques118. Selon une première objection, la
question des unions régionales représenterait un obstacle majeur au maintien de clauses
n.p.f. en la matière. Il s’agit sans conteste d’un problème important ; mais il ne semble pas
spécifique aux relations d’investissement, et il s’adresse tout autant aux relations
commerciales. Il appelle, semble-t-il, des solutions d’ensemble qui dépassent
sensiblement le cadre de la matière étudiée.
73 D’autre part, le traitement n.p.f. aurait pour effet d’aplanir des relations privilégiées
entre deux Etats. Ceci ne fait pas de doute, puisqu’une égalité de traitement constitue
l’essence même d’une clause de ce genre. Pourtant, rien n’empêche deux Etats convenant
d’une clause n.p.f. de réserver le traitement accordé à un Etat tiers ; en ce sens, la
Convention Allemagne–Philippines stipule que le traitement n.p.f. ne s’étend pas aux droits
et privilèges spéciaux accordés par la République des Philippines aux ressortissants des
Etats-Unis119.
74 En outre, des critiques ont été adressées au cumul du traitement n.p.f. et du traitement
national. Si, dans ses relations bilatérales, un Etat a refusé d’accorder pour une matière le
traitement national, et n’a accepté que le traitement n.p.f., il peut sembler paradoxal qu’il
soit conduit à accorder finalement le traitement refusé, par le jeu d’une clause conclue
avec un Etat tiers. On a donc proposé que les deux traitements soient maintenus séparés
120 ; la principale faiblesse de cette suggestion est de ne pas correspondre au droit positif,

notamment à la pratique constante de nombreux Etats depuis plusieurs décennies. Les


inconvénients résultant du cumul des deux traitements peuvent être évités, si deux Etats
contractants le désirent, en exceptant dans une Convention le bénéfice du traitement
national de l’octroi du traitement n.p.f., ou vice-versa. Comme la Commission du droit
international le faisait remarquer, « cette situation exige simplement une certaine circonspection
de la part des négociateurs de traités »121.

28. L’effectivité des normes de traitement

75 Les différentes obligations examinées, qu’elles soient issues du droit coutumier ou


qu’elles soient spécifiques au droit des traités, ont pour but d’accorder aux
investissements en cause des droits à un traitement donné. Des différences de régime
juridique, qui seraient licites en l’absence de traité, deviennent réglementées par les
principes et règles convenus entre les Etats-parties ; encore faut-il que les conditions
d’exécution des engagements pris soient précisées.
76 Il revient à chaque Etat-partie à une Convention d’exécuter, selon les procédures qui lui
sont propres, les normes définies par traité dans son ordre juridique interne. Cependant,
la possibilité d’une brèche entre le traitement « légal » et le traitement « de fait » accordé
à un investissement a visiblement préoccupé des auteurs de Conventions. Même si une
réglementation n’opère pas de différence de traitement, la manière dont elle est
appliquée, des pratiques administratives peuvent entraîner des discriminations plus ou
104

moins subtiles122. A cela il convient d’ajouter la faculté d’un Etat d’invoquer des
exceptions d’ordre public123. On trouve, dans certaines Conventions, deux types de
dispositions qui tentent de prémunir un investissement contre des discriminations de
facto. Dans divers textes, il est stipulé que l’exercice des droits reconnus ne sera entravé
ni en droit, ni en fait124. D’autres ne se limitent pas à prévoir que tel traitement est
« accordé », mais ils disposent qu’il doit être « assuré », ou « garanti »125. Par là, il
semblerait qu’une obligation de résultat in concreto soit mise à la charge d’un Etat
d’accueil.
77 L’existence, dans l’ordre international, de deux types d’obligations, les unes dites de
comportement et les autres de résultat, s’appuie actuellement sur l’autorité du projet de
codification de la CDI relatif à la responsabilité des Etats126. Si l’on se fonde sur cette
distinction, les principes de traitement définis dans les Conventions ressortissent
essentiellement à la deuxième catégorie, celle des obligations de résultat. Le traitement
national, par exemple, ne requiert pas d’un Etat qu’il adopte un acte juridique déterminé,
tel que la promulgation d’une loi. Il vise à l’obtention d’un certain résultat, un Etat
décidant librement des moyens à utiliser pour y parvenir ; ainsi, lorsqu’une loi différencie
les investissements nationaux des étrangers, ses dispositions discriminatoires ne
s’appliquent pas aux investissements bénéficiant d’une norme de traitement national 127.
Le résultat requis est un résultat concret, non une égalité juridique formelle128. Il en
résulte, d’une part que la dissociation du droit et du fait, dans l’ordre interne, perd de son
importance ; et d’autre part, que les obligations de traitement sont aussi plus permissives,
un Etat d’accueil gardant le libre choix des moyens pour leur donner effet, et pouvant
remédier a posteriori au non-respect d’une obligation, notamment au moyen de ses
organes judiciaires. En ce sens, le caractère fondamental de la règle de l’épuisement des
recours internes doit être rappelé129.
78 On ne peut manquer de relever, toutefois, que l’application des principes de traitement à
une situation concrète peut présenter de substantielles difficultés. De multiples
autorisations administratives, par exemple, sont indispensables pour gérer une
entreprise. Le traitement national et le traitement n.p.f. permettent d’instituer une
égalité de régime juridique, indépendamment de la nationalité ou de l’origine des
investissements ; mais ils n’exigent pas d’un Etat qu’il accorde toutes les autorisations
demandées. Dans une situation de rareté, il est exclu que toute demande de licence
d’importation ou de permis de travail pour un technicien étranger soit octroyée
automatiquement. Certaines Conventions en tiennent compte, en mentionnant que
chaque Etat « s’efforcera de » délivrer de telles autorisations130.
79 Il existe donc un équilibre à trouver, pour passer de la nécessaire abstraction des
obligations conventionnelles aux multiples situations de fait qui se présentent. Le clivage
qui se manifeste à ce niveau, entre la recherche de la précision et la nécessité d’éviter la
formulation d’obligations tatillonnes et irréalistes n’est pas propre aux Conventions
d’investissement ; il se pose pour toute règle de droit. Dans les Conventions, l’adéquation
des obligations générales de traitement à des situations concrètes s’opère notamment par
le biais du traitement équitable131. Si celui-ci recouvre des notions de finalité,
d’équivalence et de proportionnalité, il appartient aux entités concernées par
l’application d’une Convention de lui faire jouer son rôle.
105

Section III. Aspects du traitement d’un investissement


80 Au vu de la diversité des opérations d’investissement, de celle des obligations
conventionnelles et des réglementations nationales auxquelles certaines d’entre elles se
réfèrent, on ne pourrait prétendre examiner les multiples domaines d’application des
principes de traitement. Quelques aspects majeurs seront cependant étudiés, notamment
parce que des Conventions en traitent.

29. La gestion d’une entreprise

81 Il est fréquent qu’une Convention d’investissement précise que tels principes de


traitement seront applicables à « la gestion, l’entretien, l’utilisation, la jouissance ou la vente »
d’un investissement132.
82 Ces dispositions s’adressent à des différences de traitement qui pourraient être
introduites dans des domaines de droit privé, comme le droit des sociétés et celui des
contrats. Mais il semble que ce soit des législations de politique économique et des
pratiques administratives qui aient plus encore retenu l’attention des négociateurs de
Conventions. De nombreux traités conclus par la République fédérale d’Allemagne
stipulent qu’il faudra considérer comme un traitement moins favorable, non admis, des
restrictions qui auraient pour effet de : « restricting the purchase of raw or auxiliary
materials, of power or fuel, or of means of production or operation of any kind ; impeding the
marketing of products inside or outside the country, as well as any other measure having a similar
effect »133. Dans le même sens, des Conventions conclues notamment par la Belgique et par
la Suisse précisent qu’un Etat d’accueil délivrera les autorisations nécessaires à la
conclusion et à l’exécution de contrats de licence, d’assistance technique, commerciale ou
administrative134.
83 Le financement d’un investissement pose des questions parfois délicates, qui sont peu
abordées dans les Conventions. Il n’est pas exceptionnel que des entreprises sous contrôle
étranger subissent des restrictions pour des emprunts en monnaie locale, ou soient
soumises à des conditions particulières en matière de garantie135. En contrepartie, ces
entreprises bénéficient fréquemment de facilités de financement à l’étranger qui ne sont
pas ouvertes à des entreprises locales. La Convention Japon-Egypte dispose que les normes
d’égalité de traitement seront applicables aux possibilités de financement et à l’ouverture
de crédits commerciaux inter-entreprises136. D’autres incluent sous les règles de transfert,
telle la Convention Pays-Bas–Singapour, qu’un Etat autorisera l’importation des fonds
nécessaires à l’acquisition de matières premières, de produits semi-finis ou finis, et au
remplacement des actifs137.
84 Dans de nombreuses Conventions, les revenus sont soumis aux mêmes normes de
traitement qu’un investissement initial ; là où il est applicable, le traitement national
exempterait des investissements d’obligations spécifiques de réinvestissement 138.
85 La liste des mentions particulières pourrait être allongée. De telles dispositions attestent,
nous semble-t-il, que les clauses de traitement des Conventions ont d’abord pour vocation
de réglementer des questions contemporaines de politique économique, plus que des
matières traditionnelles de la condition des étrangers. Pourtant, elles recourent pour le
faire à des techniques juridiques séculaires, telles que le traitement national et celui de la
106

nation la plus favorisée. Il s’agit sans doute là d’une preuve de la souplesse de ces
techniques, et de leur capacité d’adaptation à des situations nouvelles. Il est plus difficile
de se prononcer sur leur effectivité en la matière ; la pratique disponible ne permet guère
d’évaluer si elles sont adéquates pour obtenir l’égalité de traitement recherchée, ou si
d’autres élaborations seraient justifiées139.
86 Quelles que soient leurs limites, les normes conventionnelles de traitement permettent
d’éviter des inégalités flagrantes, et d’accorder des droits à une entreprise, vis-à-vis
desquels le droit international général demeure largement indifférent. Celui-ci en effet,
hormis les cas de discrimination et de dépossession qui revêtent un caractère
internationalement illicite140, n’est pas concerné par les conditions de financement d’une
entreprise sous contrôle étranger ou par la conclusion de contrats d’assistance technique.
Dans l’ordre international, ces matières demandent à être régies par le droit des traités.

30. L’exercice d’activités professionnelles et économiques

87 Dans certaines Conventions, les activités professionnelles et économiques exercées par


des ressortissants de l’autre Partie sont soumises à des normes de traitement identiques à
celles qui s’adressent à un investissement141. L’intérêt de ces dispositions provient du fait,
on l’a vu, que la compétence d’un Etat d’accorder à des étrangers des droits à l’exercice
d’activités économiques demeure exclusive142 ; le droit des gens ne contient pas
d’obligations à cet égard.
88 Les engagements pris ne concernent que les activités associées à des opérations
d’investissement ; ils n’ouvrent pas de droit, en général, à l’exercice d’une profession ou
d’une activité commerciale qui ne serait pas en relation avec un investissement admis143.
Dans ces limites, les ressortissants d’une Partie bénéficient des mêmes droits, suivant les
cas, que les nationaux ou les ressortissants de la nation la plus favorisée. Une
réglementation qui réserverait telle actitivé aux nationaux leur serait inapplicable144.
89 Quelques textes mentionnent une condition supplémentaire ; ainsi la Convention Belgique–
Zaïre stipule que « les activités professionnelles et économiques visées (...) s’exerceront dans le
respect des dispositions légales du pays d’accueil »145. II paraît constant que l’exercice d’une
activité économique par un étranger est soumis aux conditions et aux règles de
déontologie définies par la loi territoriale. Cependant, si une telle disposition s’étendait à
l’obtention de tel diplôme, à des exigences en matière d’expérience professionnelle ou de
maîtrise d’une langue, elle pourrait créer des obstacles que des étrangers seraient
difficilement en position de surmonter. La règle posée dans la Convention Japon–Egypte
apparaît plus précise : elle dispose que si des formalités spéciales pour l’exercice
d’activités peuvent être requises par un Etat d’accueil, celles-ci ne pourront altérer la
substance des droits reconnus dans la Convention146.

31. Le régime fiscal

90 Les questions fiscales sont réglementées, de manière approfondie, par des conventions de
double imposition, certaines d’entre elles ayant été conclues parallèlement à des
Conventions d’investissement147. Ces dernières contiennent des dispositions minima, qui
sont applicables en l’absence de traité spécial148.
91 Les normes que l’on trouve mentionnées dans certaines Conventions, relatives au régime
fiscal, sont le traitement national et/ou celui de la nation la plus favorisée. Le traitement
107

national ne prémunit pas un investissement d’une imposition élevée, mais il permet


d’éviter des différences d’imposition dues à son origine149. L’expérience accumulée dans
d’autres domaines a montré, cependant, que son application présentait certaines limites.
Une première situation concerne des impôts ou taxes qui, en droit ou en fait, affectent
uniquement des personnes ou des biens étrangers150 ; le recours au traitement national
paraît parfois incertain, bien que la pratique diplomatique montre quelques affaires où
des Etats se sont élevés contre une interprétation jugée trop restrictive de son domaine
d’application151. D’autre part, la nature des impôts et taxes qui sont couverts par le
traitement national n’est pas exempte d’incertitudes. La question de savoir si des
étrangers doivent être assujettis à certains impôts exceptionnels ou à des emprunts
forcés n’apparaît pas résolue152. De même, des Conventions témoignent d’hésitations
quant à l’inclusion sous le terme « taxes » de mesures parafiscales telles que les droits de
douane153.
92 L’application d’une clause n.p.f. aux questions fiscales pose d’abord le problème de la
relation entre des Conventions d’investissement et des conventions de double imposition
154
. Si des droits et des avantages particuliers ont été convenus entre un Etat-partie à une
Convention d’investissement et un Etat tiers, la clause n.p.f. de la Convention permet-elle
d’étendre à l’Etat bénéficiaire l’octroi des droits et avantages accordés à l’Etat tiers par le
biais d’une convention de double imposition ? L’application de la règle ejusdem generis
peut donner lieu à des différences d’interprétation en ce domaine. Aussi, certaines
Conventions excluent expressément le traitement n.p.f. de toute question fiscale155 ;
d’autres, tout en le mentionnant, exceptent l’octroi des avantages contenus dans des
conventions de double imposition156.
93 Dans la matière étudiée, la question du maintien des exemptions fiscales accordées par un
Etat d’accueil à des investissements étrangers est d’un intérêt particulier. La
jurisprudence et la pratique diplomatique connue demeurent minimes à ce sujet. Dans l’
Affaire George W. Cook, la Commission des réclamations Etats-Unis–Mexique avait décidé
qu’une exemption fiscale était librement révocable par l’Etat qui l’avait octroyée, et qu’un
étranger ne pouvait invoquer un droit à son maintien157. Au niveau des Conventions
d’investissement, la situation est sans doute différente, dans la mesure où un Etat est tenu
au respect des engagements particuliers qu’il a souscrits envers un investisseur158.
94 Les obligations de traitement issues du droit international général sont d’une application
limitée en matière fiscale. Le contenu et l’application du principe de non-discrimination
demeurent incertains159. En revanche, il est reconnu que la protection du droit des gens
s’étend aux impôts sur des biens étrangers qui seraient d’un montant tel qu’ils
revêtiraient un caractère confiscatoire. En ce sens, un prélèvement fiscal, bien qu’étant
une mesure de police, peut équivaloir à une expropriation de facto, et ouvrir un droit à
une indemnisation160. Dans le Corn Products Refining Company Claim, la Commission
américaine des réclamations internationales a décidé que tel était le cas pour une taxe
hypothécaire qui représentait environ le triple de la valeur d’une entreprise161. La
frontière entre une imposition licite et une imposition confiscatoire est cependant peu
délimitée dans l’ordre international. Ainsi, lorsqu’en 1963 le Gouvernement birman
imposa les bénéfices d’entreprises industrielles à un taux de 99 pour cent pour la part
excédant 22.500 livres sterling, le Gouvernement britannique invoqua le caractère
confiscatoire d’une telle mesure162. Mais il se refusa à le faire lorsque, peu de temps après,
le Gouvernement ceylanais préleva un impôt du même type à un taux d’environ 80 pour
cent163.
108

32. La protection de la propriété intellectuelle

95 On a mentionné que les droits de propriété intellectuelle entraient sous la notion


d’investissement définie dans les Conventions bilatérales, et qu’ils en constituaient un
élément d’importance croissante164. Cela étant, la portée de la protection et des normes de
traitement des Conventions a donné lieu à différentes interprétations165.
96 Il ne fait guère de doute que les droits de propriété intellectuelle sont protégés vis-à-vis
de mesures de dépossession qui pourraient être prises par un Etat d’accueil, ou dans le cas
de la violation d’accords d’investissement conclus entre un Etat et des investisseurs
étrangers. En matière de traitement, il s’agit de savoir si le traitement national, par
exemple, serait applicable à des situations de concurrence déloyale ou à une protection à
l’égard de contrefaçons. Il ne semble pas qu’une réponse précise puisse être apportée à
cette question. Quelques indices permettent de considérer que les Conventions ne
sauraient être conçues comme des ersatz des traités réglementant les droits de propriété
intellectuelle166. On trouve pourtant, sous la définition du terme investissement, que les
droits reconnus s’étendent à « la protection contre la concurrence déloyale »167.
97 Quelques traités conclus par les Pays-Bas abordent de front ce sujet ; ainsi, la Convention
Pays-Bas–Maroc dispose : « En ce qui concerne la protection de la propriété industrielle, les
ressortissants de chaque Partie Contractante jouiront sur le territoire de l’autre Partie
Contractante d’une protection qui ne sera pas moins favorable que celle dont jouissent les
ressortissants de cette autre Partie Contractante, sans préjudice des droits découlant des
conventions internationales conclues en matière de propriété industrielle et liant les Parties
Contractantes »168.

33. L’emploi de personnel étranger

98 Pour exercer une activité salariée et séjourner sur le territoire d’un Etat, un étranger doit
fréquemment bénéficier d’une autorisation particulière, sous la forme d’un permis de
travail ou sous une forme analogue. L’octroi de tels permis constitue une mesure de
police, qui ressortit à la compétence exclusive d’un Etat d’accueil. Il s’agit là d’un domaine
sensible, où les intérêts légitimes d’un Etat et ceux d’un investisseur étranger ne sont pas
nécessairement convergents. En effet, des lois nationales accordent la priorité à l’emploi
de salariés nationaux, et formulent parfois des exigences quantitatives et/ou qualitatives
169. De plus, des pays en développement se sont dotés de réglementations visant à faire

accéder leurs ressortissants à des postes de responsabilité dans des entreprises sous
contrôle étranger, notamment afin d’éviter le phénomène dit des enclaves170. De son côté,
un investisseur doit pouvoir faire appel aux techniciens et cadres qu’il estime
compétents, même s’ils proviennent de l’étranger. Il est manifeste qu’un Etat d’accueil
possède, à travers l’octroi de permis de travail, un pouvoir de contrôle sur les conditions
d’emploi dans une entreprise étrangère, qui peut à l’occasion devenir un sujet de frictions
entre les intéressés.
99 A la différence des traités d’établissement, on a mentionné que les Conventions
d’investissement ne sont pas directement concernées par l’admission de personnes
physiques étrangères171. Aussi maintes Conventions ne contiennent pas de dispositions
explicites sur l’emploi de personnel étranger. D’autres se limitent à des recommandations
à ce sujet, selon lesquelles un Etat d’accueil « examinera avec bienveillance », ou
109

« s’efforcera de délivrer » les autorisations nécessaires172 ; la prise en considération des


besoins de l’Etat d’accueil est parfois mentionnée, notamment dans la Convention Pays-Bas–
Indonésie173. De telles recommandations s’accompagnent souvent d’une exception, aux
termes de laquelle un Etat pourra refuser l’octroi de permis pour des raisons d’ordre
public et de sécurité174.
100 En outre, on a indiqué que des normes indirectes, le traitement national ou n.p.f.,
apparaissent actuellement d’une médiocre effectivité en ce domaine175. Le recours à des
principes d’équité et à la non-discrimination y est primordial. Ainsi, la Convention France–
Jordanie dispose : « Cependant, chaque Partie contractante peut refuser des autorisations d’entrée
ou de travail pour des raisons de sécurité. Les mesures arrêtées pour des raisons de sécurité seront
prises de bonne foi, seront équitables et non discriminatoires »176.

34. L’octroi de subventions et d’aides publiques

101 Les subventions et aides publiques peuvent être considérées sous deux angles ; celui,
positif, de prestations, et celui, négatif, d’exonérations d’obligations telles que des
charges fiscales. Dans les deux cas, l’application de normes d’égalité de traitement,
notamment du traitement national, apparaît peu établie dans la pratique de divers Etats
177
.
102 Au niveau des Conventions d’investissement, certaines d’entre elles, qui contiennent des
dispositions en matière fiscale, étendent le traitement national aux exemptions et
réductions qui pourraient être octroyées178.
103 Quelques autres tiennent compte des inégalités de développement économique, en
réservant à un Etat la faculté d’accorder des avantages supplémentaires à certaines
entreprises179. Il s’agit de laisser, notamment à des pays en développement, la possibilité
de promouvoir l’essor d’industries locales. De telles dispositions ont un caractère
équitable ; mais, si des subventions ou des exonérations disproportionnées étaient
accordées à des entreprises nationales, elles pourraient aboutir à mettre des
investissements étrangers dans une situation d’ostracisme. Aussi, une limite à l’octroi
d’avantages est posée dans quelques Conventions ; ceux-ci ne devront pas être de nature à
fausser les conditions du marché, ou à nuire à la compétitivité180.

35. L’indemnisation des pertes dues à une guerre, une révolution ou


une insurrection

104 Le sujet que l’on aborde occupe une place particulière dans l’ordonnancement des
Conventions. Certaines d’entre elles contiennent une clause spéciale, parfois détaillée, sur
les pertes en cause ; ainsi la Convention Royaume-Uni–Bangladesh 181. Dans d’autres textes, les
règles correspondantes sont incluses au sein de clauses de traitement, ou encore associées
aux conditions d’indemnisation résultant de mesures de dépossession182. Enfin, nombre
de Conventions ne contiennent pas de dispositions en la matière. Là où il en est fait
mention, les normes convenues sont le traitement national et/ou celui de la nation la plus
favorisée.
105 Il ne nous appartient pas d’approfondir les complexités des réparations éventuellement
dues à des étrangers du fait de dommages de guerre, ni de la responsabilité d’un Etat
résultant du comportement d’organes d’un mouvement insurrectionnel183. La question
110

nous intéresse essentiellement sous deux aspects. D’une part, les clauses des Conventions
accordent un droit à une réparation ou à une indemnisation pour des pertes vis-à-vis
desquelles il arrive que le droit international général n’impose pas d’obligation à un Etat.
Un investisseur étranger se voit reconnaître par traité un droit à un dédommagement
dans les mêmes conditions que les nationaux ou que d’autres investisseurs étrangers, ce
qui, suivant les pays et les situations, peut signifier beaucoup ou peu.
106 D’autre part, ces dispositions conventionnelles font pendant à celles des systèmes
nationaux d’assurance-investissement, qui couvrent en général de tels risques sur le long-
terme184. Au cas où un organisme d’assurance d’un pays exportateur de capital
indemniserait un investisseur à la suite de pertes dues à un conflit armé, le pays
importateur ne serait pas exempté de toute obligation.

***

107 Les principes et les règles de traitement qui ont été examinés se situent sur deux plans
distincts. A la base, il est apparu que les dispositions des Conventions bilatérales visaient
à confirmer la validité contemporaine d’obligations de protection issues du droit
coutumier, et/ou qu’elles y renvoyaient. Ces obligations concernent, au premier chef,
l’interdiction d’un déni de justice et le principe de non-discrimination. En ces domaines,
les Conventions confirment, pour la plupart, que le traitement national n’est pas la
mesure des obligations de protection et de sécurité juridiques qu’un Etat doit respecter
dans l’ordre international. On a constaté, en outre, que de telles obligations ne sont pas
spécifiques aux investissements étrangers ; aussi la distinction entre les
« investissements » et d’autres droits et biens étrangers a été par moments estompée
dans les développements précédents. Enfin, les obligations issues du droit coutumier ne
sont pas de nature à être, dans divers cas, définies et délimitées de manière précise. Ceci
est attribuable, notamment, aux conditions de développement du droit international
général.
108 Dans ce contexte, on a mentionné que la relation entre des « obligations de protection »
et des « principes de traitement » des étrangers, ressortissants ou investissements, avait
connu une évolution au cours des deux dernières décennies. La conception faisant
actuellement autorité ne permet plus de mettre à la charge des Etats des obligations de
protection au contenu parfois variable ; on l’a vu à propos des tendances à l’occasion
inflationnistes que la notion de standard minimum a subies. A l’opposé, cette conception
requiert que les principes et règles de traitement applicables à des investissements
étrangers soient précisés ; la responsabilité éventuelle d’un Etat d’accueil, et l’exercice du
droit de protection d’un Etat national ou d’origine résultent de la violation des règles de
traitement reconnues. En précisant les principes et règles de traitement applicables, les
Conventions d’investissement s’inscrivent dans le sens de cette évolution. Ceci ne signifie
pas que toutes les indéterminations soient levées, loin de là ; mais certaines difficultés de
base, au moins, peuvent être résolues. Sur une échelle historique, il s’agit sans doute là
d’une inversion de tendance notable.
109 Le deuxième plan analysé se rapporte à l’exercice de droits et d’activités économiques,
qui revêtent une importance majeure pour le traitement d’investissements étrangers. A
titre principal, on a constaté que les normes permettant d’accorder une égalité de
traitement juridique, et en conséquence de conditions économiques, sont du ressort du
droit des traités. En ce sens, le rôle joué par les Conventions bilatérales est loin d’être
111

négligeable ; il est comparable à celui joué, dans d’autres domaines, par les traités de
commerce et d’établissement.
110 Suivant le point de vue que l’on adopte, les normes spécifiques au droit des traités
peuvent être considérées sous l’angle d’une protection accrue des investissements, ou
sous l’angle de relations de coopération économique entre deux Etats. Il est incontestable
qu’elles assurent, en matière fiscale, d’activités économiques, et autres, une protection
qui va sensiblement au-delà de celle que le droit coutumier reconnaît ; en ce sens, la
protection accordée par les Conventions est d’une nature différente de celle que la
protection diplomatique recouvre. D’autre part, en aplanissant les différences de régime
juridique, ces normes contribuent à faciliter les opérations d’investissement, à les
promouvoir entre deux pays, et à conférer de meilleures conditions de fonctionnement
économique. Il s’agit donc aussi de mesures de coopération, et de promotion des
investissements.
111 A l’exception du traitement équitable, les techniques juridiques qui sont utilisées dans les
Conventions d’investissement sont de facture traditionnelle ; elles sont calquées sur les
techniques auxquelles des traités de commerce et d’établissement ont eu recours depuis
des siècles. Cette continuité est un facteur de sécurité juridique. Par divers aspects, elles
s’appuient sur une tradition établie et elles ont fait leurs preuves ; on connaît leur
effectivité et leurs limites. Sur d’autres points, cependant, on ne peut éviter de se
demander si ces techniques vénérables sont des mieux adaptées pour régir une matière
souvent nouvelle et complexe.

NOTES
1. Conv. Royaume-Uni–Corée, art. 2, « Promotion and Protection of Investment : (...) (2) Investments
of nationals or companies of either Contracting Party shall at all times be accorded fair and
equitable treatment and shall enjoy full protection and security in the territory of the other
Contracting Party. Each Contracting Party shall ensure that the management, maintenance, use,
enjoyment or disposal of investments in its territory of nationals or companies of the other
Contracting Party is not in any way impaired by unreasonable or discriminatory measures. Each
Contracting Party shall observe any obligation it may have entered into with regard to
investments of nationals or companies of the other Contracting Party » ; art. 3, « National
Treatment and Most-favoured-nation Provisions : (1) Subject to paragraph (2) of this Article, neither
Contracting Party shall in its territory (a) subject investments or returns of nationals or
companies of the other Contracting Party to treatment less favourable than that which it accords
to investments or returns of its own nationals or companies or to investments or return of
nationals or companies of any third State, or (b) Subject nationals or companies of the other
Contracting Party, as regards their management, use, enjoyment or disposal of their investments,
to treatment less favourable than that which it accords to its own nationals or companies or to
nationals or companies of any third State. (2) Without prejudice to the provisions of Articles 4(1),
and 10, and provided its laws so provide in respect of all foreign nationals and companies and in
relation to particular matters, a Contracting Party may accord to the nationals or companies of
the other Contracting Party treatment less favourable than that which it accords to its own
112

nationals or companies » ; art. 7, « Exceptions : The provisions in this Agreement relative to the
grant of treatment not less favourable than that accorded to the nationals or companies of either
Contracting Party or of any third State shall not be construed so as to oblige one Contracting
Party to extend to the nationals or companies of the other the benefit of any treatment,
preference or privilege which may be extended by the former Contracting Party by virtue of (a)
the formation or extension of a customs union or a free-trade area or a common external tariff
area or a monetary union, or (b) the adoption of an agreement designed to lead to the formation
or extension of such a union or area within a reasonable length of time, or (c) any international
agreement or arrangement relating wholly or mainly to taxation or any domestic legislation
relating wholly or mainly to taxation ». Conv. Suisse-Jordanie, art. 2, « Protection, traitement, union
douanière et zone de libre-échange : (1) Chaque Partie Contractante protégera sur son territoire les
investissements faits conformément à sa législation par des ressortissants ou sociétés de l’autre
Partie Contractante et se gardera de porter préjudice, par des mesures injustifiées ou
discriminatoires, à la gestion, à l’entretien, à l’utilisation, à la jouissance, à l’accroissement et à la
vente et, le cas échéant, à la liquidation de tels investissements. En particulier, chaque Partie
Contractante s’efforcera de délivrer les autorisations nécessaires en relation avec ces
investissements et avec l’exécution de contrats de licence, d’assistance technique, commerciale
ou administrative, ainsi qu’avec l’emploi d’experts ou d’autres personnes qualifiées de
nationalité étrangère. (2) En particulier, chaque Partie Contractante assurera aux
investissements des ressortissants ou sociétés de l’autre Partie Contractante un traitement juste
et équitable. Ce traitement sera au moins égal à celui accordé par chaque Partie Contractante à
ses propres ressortissants ou sociétés ou au traitement accordé aux ressortissants ou sociétés de
la nation la plus favorisée, si ce dernier est plus favorable. (3) Le traitement de la nation la plus
favorisée ne s’étendra toutefois pas aux privilèges qu’une Partie Contractante accorde aux
ressortissants et sociétés d’un Etat tiers en vertu de sa participation ou de son association à une
union douanière, un marché commun, une zone de libre-échange ou toute autre forme d’union
économique ».
2. Infra, p. 157 et s.
3. Cf. p.ex. Conv. Belgique–Indonésie, art. 1(3) : « La protection garantie aux paragraphes 1 et 2
du présent article sera au moins égale à celle dont jouissent les ressortissants d’un Etat tiers et ne
pourra en aucun cas être moins favorable que celle reconnue par le Droit International ».
4. Il existe une pratique diplomatique considérable en ce domaine, cf. Répertoire suisse, v. II, p.
659 ; British Digest, v. 6, p. 243 ; KISS, Répertoire, v. IV, p. 294 ; WHITEMAN, Digest, v. 8, p. 348 ;
HACKWORTH , Digest, v. III, p.549 ; Prassi italiana, Prima serie, v. II, p. 559, Seconda serie, v. II, p. 796.
Dans la doctrine, cf. not. BROWNLIE, Principles, pp. 518-99 ; VERZIJL, International Law, v. V, pp.
403-43 ; GUGGENHEIM , Traité, v. I (1953), pp. 330-67 ; VERDROSS, « Les règles internationales concernant
le traitement des étrangers », op. cit. (1931), pp. 327-409.
5. Sur la pratique des Etats, cf. Répertoire suisse, v. II, p. 575 ; British Digest, v. 5, p. 301 ; KISS,
Répertoire, v. III, p. 449 ; Prassi italiana, Prima serie, v. II, p. 651, Seconda serie, v. II, p. 1017. En
doctrine, outre l’ouvrage de BORCHARD, The Diplomatic Protection of Citizens Abroad, op. cit. (ed. 1927),
cf. PARRY, « Some Considerations upon the Protection of Individuals in International Law », op.
cit. (1956), pp. 653-725 ; CAFLISCH , La Protection des Sociétés commerciales et des Intérêts indirects en
Droit international public, op. cit. (1969) ; DIEZ DE VELASCO « La protection diplomatique des sociétés
et des actionnaires », op. cit. (1974), pp. 87-186.
6. Jusqu’à une date récente, les domaines de la responsabilité internationale et de la protection
diplomatique ont été fréquemment associés ; ainsi in WHITEMAN, Digest, v. 8, p. 697. Cf. en outre
Répertoire suisse, v. III, p. 1677 ; KISS, Répertoire, v. III, p. 517 ; Prassi italiana, Prima serie, v. II, p. 839,
Seconda serie, v. III, p. 1485. Dans la doctrine, cf. not. GARCÍA-AMADOR (el al.), « Recent Codification
of the Law of State Responsibility for Injuries to Aliens », op. cit. (1974), (comprenant, « inter alia »,
113

le projet de Convention de Harvard de 1961) ; Restatement (2d), Part IV, pp. 497-633 ; FREEMAN , The
International Responsibility of States for Denial of Justice, Liège, Vaillant-Carmanne (1938).
7. Les premiers travaux de la CDI sur la responsabilité des Etats ont été entrepris en 1956, cf.
GARCIA-AMADOR , Responsabilité internationale : Rapport, CDI, Annuaire (1956-II), p. 175, et les rapports
subséquents in id. (1957-II), p. 119, (1958-II), p. 49, (1959-II), p. 1, (1960-II), p. 38, (1961-II), p. 1. Ils
ont été suspendus en 1960, et ils ont repris en 1969 sous l’impulsion du Rapporteur spécial AGO,
Premier rapport sur la responsabilité des Etats, CDI, Annuaire (1969-II), p. 129 (incluant une liste des
nombreux projets antérieurs de codification, p. 131 et s.), et les suivants, in id. (1970-II), p. 189,
(1971-II), p. 209, (1972-II), p. 77, (1976-II), p. 3, (1977-II), p. 3, (1978-II), p. 29, (1979-II), p. 3. Selon
le Rapporteur spécial, l’échec de la Conférence de codification de 1930, et d’autres tentatives,
était attribuable en particulier au fait que les règles de traitement des étrangers n’avaient pas été
clairement distinguées des règles attributives de la responsabilité internationale, cf. not. AGO,
Premier rapport..., id. (1969-II), p. 131 et s. ; Quatrième rapport..., id. (1972-II), p. 108.
8. Pour une illustration de cette démarche, cf. Restatement (2d), par. 165, « When Conduct Causing
Injury to Aliens is Wrongful under International Law : (1) Conduct attributable to a State and
causing injury to an alien is wrongful under international law if it (a) departs from the
international standard of justice, or (b) constitutes a violation of an international agreement », p.
501 et les commentaires, pp. 502-7. Dans le même sens, cf. les rapports de GARCIA-AMADOR , supra,
n. 7, et l’ouvrage collectif, GARCIA-AMADOR (et al.) Recent Codification..., op. cit. (1974).
9. Cf. les délibérations de la CDI, Annuaire (1959-I), 515 e séance ; id. (1961-I), 614e à 616 e séances.
L’opinion majoritaire de la Commission à l’égard de la méthode du premier Rapporteur avait été
résumée par Ago en ces termes : « Sa critique fondamentale, toutefois, est liée à la confusion déjà
relevée. Les diverses dispositions du projet qualifient d’illicites un certain nombre d’actes
affectant la situation des étrangers. Cette façon d’aborder la question est la conséquence du fait
que la situation des étrangers, au lieu d’être traitée de façon positive, est traitée sous l’angle de la
responsabilité des Etats, avec le défaut de présenter les règles de droit international relatives au
traitement des étrangers sous une forme négative, c’est-à-dire en qualifiant beaucoup d’actes
d’illicites, alors qu’il serait bien plus logique de dire sous une forme positive quelles sont les
obligations de l’Etat en matière de traitement des étrangers. La responsabilité résulte
uniquement de la violation de l’une de ces obligations », CDI, Annuaire (1960-I), p. 299. Les
critiques exprimées ont été reprises par une majorité de gouvernements, cf. Nations Unies,
Assemblée générale, Documents officiels, Quinzième session, sixième Commission, 649 e à 672 e
séances ; id., Dix-septième session, 734e à 752e séances.
10. Supra, n. 7, 9. L’abandon du premier projet, et la nécessité d’entreprendre une codification de
la responsabilité internationale sur une base différente ressortent de, Nations Unies, Assemblée
générale, Résolution 1505(XV) (1960), et du « Rapport de la Commission du droit international »,
Documents officiels, Dix-huitième session, Suppl. N° 9, A/5509, p. 39 ; cf. aussi AGO, Premier rapport...,
CDI, Annuaire (1969-II), p. 143.
11. Le texte du « Projet d’articles sur la responsabilité des Etats » (Première partie), adopté en
première lecture par la Commission, apparaît in « Rapport de la Commission du droit international sur
les travaux de sa trente-deuxième session (5 mai-25 juillet 1980) », Annuaire (1980-II), p. 29.
12. Depuis 1945, le droit de protection diplomatique a été confirmé, on ne peut plus clairement,
par la CIJ, not. dans l’« Affaire Nottebohm (Deuxième phase) », Arrêt du 6 avril 1955, Recueil 1955,
p. 4 ; et dans l’« Affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited », Arrêt,
Recueil 1970, p. 3. Sur la pratique diplomatique et la doctrine, cf. supra, n. 5.
13. On se limitera à citer l’opinion de deux éminents juristes, l’un originaire d’un pays
exportateur de capital, l’autre d’un pays importateur de capital ; Ch. de Visscher : « Associant les
desseins politiques à la pénétration économique, les impérialismes du XIXe siècle ont fait marcher
de pair l’entreprise privée et la diplomatie, le rôle dominant appartenant tantôt à l’un, tantôt à
114

l’autre selon l’opportunité du moment. Ainsi liée à une conception de l’intérêt national dans
laquelle des calculs de prestige et de puissance ont parfois tenu une large place, la protection
diplomatique s’est trouvée grevée d’un important potentiel politique », Théories, p. 299 ; et le Juge
Padilla Nervo : « L’histoire de la responsabilité des Etats, en matière de traitement des étrangers,
est une suite d’abus, d’ingérences illégales dans l’ordre interne des Etats faibles, de réclamations
injustifiées, de menaces et même d’agressions militaires sous le couvert de l’exercice des droits
de protection, et de sanctions imposées en vue d’obliger un gouvernement à faire les réparations
demandées », Affaire de la Barcelona Traction, Opinion individuelle, C1J Recueil 1970, p. 246. Sur
l’influence des facteurs politiques dans le développement du droit de la protection diplomatique,
cf. aussi M. DIEZ DE VELASCO , La protection..., op. cit. (1974), pp. 94-7.
14. En ce sens, cf. p.ex. LILLICH « Duties of States regarding the Civil Rights of Aliens » RC, v. 161
(1978-III), pp. 329-442 ; DUNN The Protection of Nationals, Baltimore, The John Hopkins Press (1932).
15. E. de Vattel : « Quiconque maltraite un citoyen, offense indirectement l’état, qui doit protéger
ce citoyen. Le souverain de celui-ci doit venger son injure, obliger, s’il le peut, l’agresseur à une
entière réparation, ou le punir, puisque autrement le citoyen n’obtiendrait point la grande fin de
l’association civile, qui est la sûreté », Le droit des gens, L. II, Chap. VI, par. 71, Paris, Janet et
Cottelle (ed. 1820), p. 290. Sur la nature et les conditions d’exercice du droit de protection, cf.
BORCHARD , The Diplomatie Protection..., op. cit. (1927), pp. 349-98 ; cet auteur considérait que le
système lui-même était défectueux, id. not. pp. 328-9, 857 et s. ; et il proposait, dans sa conclusion
générale, l’instauration d’un système alternatif, id., pp. 861-4, et cf. infra, p. 274, n. 22.
16. « Compte tenu des importants événements survenus depuis cinquante ans, de l’extension des
investissements étrangers et de l’ampleur prise par l’activité des sociétés sur le plan
international, notamment celle des sociétés holding, souvent multinationales, compte tenu aussi
de la prolifération des intérêts économiques des Etats, il peut être à première vue surprenant que
l’évolution du droit ne soit pas allée plus loin et que des règles généralement reconnues ne se
soient pas cristallisées sur le plan international. Néanmoins un examen plus approfondi des faits
montre que le droit en la matière s’est formé en une période d’intense conflit de systèmes et
d’intérêts », CIJ, Recueil 1970, pp. 46-7.
17. Infra, pp. 180-2.
18. Ceci vaut d’abord pour le recours au CIRDI, infra, p. 269 et s ; mais aussi, sous certaines
conditions, pour les systèmes d’assurance-investissement, infra, pp. 227-9 ; et pour le régime
d’accords conclus entre des Etats et des investisseurs étranges, infra, p. 241 et s.
19. Pour des synthèses des doctrines en présence, cf. Restatement (2d), par. 165, pp. 501-7 ; GARCIA-
AMADOR, Premier rapport, in CDI, Annuaire (1956-II), pp. 200-4 ; BROWNLIE, Principies, pp. 521-8 ;
O’CONNELL, International Law, v. II, pp. 693-5.
20. Conv. Belgique-Corée, art. 1(3), de même que la Conv. Belgique-Indonésie citée supra, n. 3 ;
Conv. Suisse-Tanzanie, art. 1(1) ; « Les investissements des ressortissants ou sociétés de l’une des
Parties Contractantes sur le territoire de l’autre Partie Contractante bénéficieront d’un
traitement juste et équitable, conformément au droit des gens » ; dans le même sens, cf. p.ex.
Conv. France-Syrie, art. 3.
21. Sur les normes directes et indirectes (« contingent and non-contingent standards ») dans le
droit des traités, cf. SCHWARZEBERGER, The Principles..., op. cit. (1966), p. 66 et s. ; Id., International Law,
v. I, pp. 239-50 ; PREISWERK, La protection..., op. cit. (1963), pp. 23-44 ; FATOUROS, Government
Guarantees..., op. cit. (1962), p. 135, 214 et s.
22. Conv. Royaume-Uni-Sri Lanka, art. 1(2) : « Investments of nationals or companies of either
Contracting Party shall at all times be accorded fair and equitable treatment and shall enjoy full
protection and security in the territory of the other Contracting Party » ; dans le même sens, cf.
p.ex. Conv. Belgique-Egypte, art. 1(2) (« une protection et une sécurité constantes ») ; France-
Corée (1979), art. 3(1) (« une pleine protection et sécurité »).
115

23. Pour une insertion au sein d’une clause portant sur les mesures d’expropriation et la
compensation des dommages de guerre, cf. p.ex. Conv. Allemagne-Philippines, art. 3(1) ; cf. aussi
Conv. Japon-Egypte, art. 5(1).
24. La formule-standard de récents traités de commerce américains est la suivante, Etats-Unis-
Thaïlande, « Treaty of Amity and Economic Relations », art. I(2) : « Nationals of either Party
within the territories of the other Party shall receive the most constant protection and security,
in no case less than that required by international law », ILM, v. 5 (1966), p. 878. Cf. aussi Wilson,
The International Law Standard in Treaties of the United States, Cambridge, Harvard University Press
(1953), pp. 20-1 ; SCHWARZENBERGER, Foreign Investments..., op. cit. (1969), p. 114.
25. Conv. France-lie Maurice, art. 2 : « (...) Chacun des Etats contractants accorde en tout état de
cause à ces investissements la même sécurité et protection qu’il assure à ceux de ses nationaux » ;
de même, cf. p.ex. Conv. France-Malaisie, art. 2.
26. Infra, pp. 95-8.
27. Sur les délibérations de la CDI, cf. supra, n. 9 ; et sur les débats des Nations Unies lors de
l’élaboration de la Charte de 1974, cf. CASTANEDA in WALDHEIM (et al.), Justice..., op. cit. (1976), pp.
94-5 ; cf. aussi PREISWERK, La protection..., op. cit. (1963), not. p. 108.
28. CPJI, Série A N° 7, p. 21.
29. CIJ, Recueil 1970, p. 32.
30. Sur la pratique d’Etats, cf. Répertoire suisse, v. II, p. 717 ; KISS, Répertoire, v. III, p. 449 et s., et v.
IV, p. 312 et s. ; British Digest, v. 6, p. 247 et s. La majorité de la doctrine s’est prononcée en faveur
de l’existence d’obligations internationales de traitement, encore dénommées « International
Law Standard », « International Standard of Justice », « standard minimum » de droit
international, cf. BROWNLIE, Principles, pp. 524-5 ; VERZIJL, International Law, v. VI, p. 663 et s. ;
KELSEN , Principles, p. 366 ; Oppenheim, International Law, v. I, p. 350, 686 ; SCHWARZENBERGER ,
International Law, v. I, pp. 200-7 ; GUGGENHEIM ., Traité, v, I (1953), p. 346 et s. ; VERDROSS, Les règles...,
op. cit. (1931), p. 330 et s. Cf. aussi l’étude classique de ROTH, The Minimum Standard of International
Law Applied to Aliens, Leiden, Sijthoff (1949) ; Restatement (2d), par. 165, p. 501 ; « Harvard Draft
Convention on the Responsibility of States for Injuries to Aliens », in GARCIA-AMADOR (et al.), Recent
Codification..., op. cit. (1974), p. 157.
31. Cf. not. ROTH, op. cit. (1949), pp. 80-111, 185-91 ; à partir d’un examen de la jurisprudence
internationale et de la pratique diplomatique, l’auteur dégageait quelques règles, organisées
autour de trois « sphères » : la sphère de la personnalité humaine et juridique, la sphère
judiciaire et la sphère économique ; des obligations internationales étaient identifiables pour les
deux premières, mais plus difficilement pour la sphère économique, id., pp. 188-91. De même, A.
Verdross effectuait une distinction de base entre les « règles générales » de traitement des
étrangers, se rapportant not. aux droits fondamentaux de la personnalité d’un étranger, et les
« règles spéciales » dans le domaine économique, où l’octroi d’une égalité de traitement
dépendait essentiellement du droit des traités, « Les règles... », op. cit. (1931), Chap. III et IV, pp.
348-406.
32. Cf. P. de VISSCHER, La protection..., op. cit. (1961), p. 406 et s. ; sur la pratique française en la
matière, cf. BATTIFOL et LAGARDE, Droit international privé, op. cit., v. II (1976), pp. 266-74.
33. Sur ce point, cf. HACKWORTH, Digest, v. III, pp. 705-17 ; PREISWERK, La protection, op. cit. (1963), pp.
52-6 ; P. de VISSCHER, op. cit. (1961), p. 439 ; BORCHARD , The Diplomatic Protection..., op. cit. (ed. 1927),
p. 41 et s.
34. Il a été reconnu que le droit d’ester d’un étranger auprès d’un tribunal fédéral des Etsts-Unis
pouvait être plus étendu que celui d’un national, cf. US Digest (1975), p. 134. Cf. aussi KISS,
Répertoire, v. IV, pp. 312-3 ; British Digest, v. 6, p. 259, 286 et s. Par exception, la Conv. Japon-Egypte
contient une clause spéciale sur l’accès aux tribunaux et la protection judiciaire, art. 4, ainsi que
la Conv. Etats-Unis-Egypte, art. II(8).
116

35. Selon les termes de P. Guggenheim, « Le droit international coutumier limite l’obligation
d’accorder l’égalité de traitement à l’octroi d’un minimum de droits individuels », Traité, v. I
(1953), p. 351. A.H. Roth dégageait en conclusion « (...) the rule that the alien has no economic
rights, except those which the State of residence grants him by its own free will. Economically
speaking, the alien is in a rather hazardous situation in his State of residence which is only
tempered to a certain extent by the fact that international law protects him in some cases from
arbitrary deprivation of his gain or his property in case the State should change its mind about
favours formerly granted », « The Minimum Standard... », op. cit. (1949), p. 190 ; cf. aussi
Verdross, Les règles..., op. cit. (1931), p. 389 et s.
36. La jonction des obligations à l’égard des étrangers et de la protection des droits de l’homme,
ainsi que leur extension aux activités économiques, ont été préconisées not. par GARCIA-AMADOR ,
Rapport..., CDI, Annuaire (1956-II), pp. 200-4 ; Deuxième rapport..., id. (1957-II), pp. 128-32 ; Troisième
rapport..., id. (1958-II), p. 51. Dans le même sens, cf. LILLICH , Duties of States regarding the Civil Rights
of Aliens, op. cit. (1978), not. pp. 373-408 ; LILLICH and NEFF, « The Treatment of Aliens and
International Human Rights Norms : Overlooked Developments at the United Nations », GYIL, v.
21 (1978), pp. 97-118. Ces propositions ne sont pas de droit positif ; sur la distinction entre des
obligations « erga omnes » (fondées not. sur la protection des droits fondamentaux de la
personne humaine), et des obligations bilatérales issues de la protection diplomatique, cf.
l’Affaire Barcelona Traction, CIJ Recueil 1970, pp. 32-3. « De lege ferenda », Ch. de Visscher
commentait à propos de ces tendances doctrinales : « Une telle suggestion est non seulement
utopique, mais dangereuse pour l’efficacité du droit international », Théories, pp. 305-6.
Rappelons que la CDI avait résolument rejeté l’idée d’une codification de la responsabilité
internationale sur de telles bases, cf. CDI, Annuaire (1957-I), p. 165 et s. ; id. (1969-I), p. 113.
37. « L.F.H. Neer and Pauline Neer (U.S.A.) v. United Mexican States » : « (...) the treatment of an
alien, in order to constitute an international delinquency, should amount to an outrage, to bad
faith, to wilful neglect of duty, or to an insufficiency of governmental action so far short of
international standards that every reasonable and impartial man would readily recognize its
insufficiency », RSANU, v. IV, p. 60, aux pp. 61-2. Cf. aussi l’opinion célèbre du Secrétaire d’Etat
Root, datant de 1910, in Restatement (2d), p. 506. Le caractère rudimentaire du standard minimum
a été relevé par de nombreux auteurs, cf. not. VERZIJL, International Law, v. V, p. 437 ; O’CONNELL,
International Law, v. II, p. 943 ; KAECKENBEECK , La protection..., op. cit. (1937), p. 412 ; VERDROSS, Les
règles..., op. cit. (1931), p. 353.
38. Comme le remarquait JENNINGS, « It is small wonder that difficulties arise when 19th-century
precedents about outrageous behaviour towards aliens residing in outlandish parts are sought to
be pressed into service to yield principles apposite to sophisticated programmes of international
investment », « General Course of Principles of Public International Law », RC, v. 121 (1967-II), p.
323, à la p. 473 ; cf. aussi BROWNLIE, Principles, p. 526. De telles tendances ont logiquement entraîné
de vives réactions négatives à l’encontre de la notion même de standard minimum, cf. supra, n.
27. De fait, l’examen de la valeur et des faiblesses du standard minimum montre qu’il ne se prête
pas à de telles généralisations, cf. Roth, The Minimum Standard..., op. cit. (1949), pp. 188-91.
39. Supra, p. 85.
40. On se référera à un projet latino-américain sur la codification de la responsabilité des Etats,
cf. Inter-American Juridical Committee, « Contribution of the American Continent to the
Principles of International Law that Govern the Responsibility of the State, Text of 1961,
Reflecting the Latin-American View », in Garcia-Amador (et al.), « Recent Codification... », op. cit.
(1974), Annex II, pp. 359-62. Cf. aussi ROTH, op. cit. (1949), pp. 62-80 ; S. BASDEVANT in LAPRADELLE et
NIBOYET, Répertoire..., op. cit. (1930), pp. 12-4 ; et les ref. citées supra, n. 19.
41. « Text of 1961... », art. VIII, id., p. 362.
117

42. Supra, n. 40. Sur la clause Calvo, l’ouvrage de base demeure celui de Shea, The Calvo Clause,
Minneapolis, University of Minnesota Press (1955) ; cf. aussi JIMENEZ de ARECHAGA , International
Law..., op. cit. (1978), p. 309 ; GARCIA-AMADOR, Troisième rapport..., CDI, Annuaire (1958-II), pp. 60-2. La
loi mexicaine de 1973, p.ex., contient une expression classique de la clause, « Law on the
Promotion of Mexican Investment and the Regulation of Foreign Investment », art. 3 :
« Foreigners who acquire properties of any kind in the Mexican Republic agree, because of such
action, to consider themselves as Mexican nationals with regard to these properties and not to
invoke the protection of their governments with respect to such properties, under penalty, in
case of violation, of forfeiting to the Nation the properties thus acquired », ILM, v. 12 (1973), p.
643.
43. Sur la soumission d’un étranger à la compétence territoriale d’un Etat d’accueil, cf. KISS,
Répertoire, v. IV, p. 321 et s. ; British Digest, v. 6, p. 278 et s. ; KELSEN , Principles, p. 309 ; OPPENHEIM ,
International Law, v. I, p. 679 et s. ; BROWNLIE, Principles, p. 522 ; O’CONNELL, International Law, v. II, p.
703.
44. ROTH, The Minimum Standard..., op. cit. (1949), p. 189.
45. E.M. Borchard : « One reason why the alien is not bound to submit to unjust treatment
equally with nationals, against which the national has no judicial redress, is because the latter is
presumed to have a political remedy, whereas the alien’s inability to exercise political rights
deprives him of one of the principal safeguards of the rights of the citizen », « The Diplomatic
Protection... », op. cit. (ed. 1927), p. 106.
46. ROTH, The Minimum Standard..., op. cit. (1949), p. 117. Cet argument a acquis une nouvelle
vigueur dans certaines relations entre des pays en développement et de grandes entreprises
multinationales, cf. p.ex. l’Opinion individuelle du Juge Padilla Nervo dans l’Affaire Barcelona
Traction, CIJ Recueil 1970, p. 248 et s.
47. Sur l’insuffisance du traitement national en matière de protection juridique, cf. Répertoire
suisse, v. II, p. 717 ; KISS, Répertoire, v. IV, p. 392. En revanche, s’agissant de l’octroi de droits
économiques, A. Verdross déclarait à juste titre : « Par conséquent, le maximum que les Etats
peuvent demander en la matière en faveur de leurs ressortissants c’est le traitement national »
(en italiques dans le texte), « Les règles... », op. cit. (1931), p. 396.
48. Supra, n. 25. D’autres Conventions omettent toute référence au traitement national, cf. p.ex.
la Conv. Belgique-Egypte, art. 1er, et les commentaires correspondants de SCHOKKAERT, Protection...,
loc. cit. (1980), p. 36.
49. Conv. Belgique-Singapour, art. 2(2) ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Pays-Bas-Indonésie,
art. 5(1) ; Royaume-Uni-Egypte, art. 2(2) ; Suisse-Mali, art. ; 3(1).
50. Infra, pp. 182-6.
51. « Whereas, in application of a generally accepted principle, any person taking up residence or
investing capital in a foreign country must assume the concomitant risks and must submit, under
reservation of any measures of discrimination against him as a foreigner, to all the laws of that
country », RSANU, v. II, p. 777, à la p. 794. En ce sens, cf. aussi CHARPENTIER, « De la non-
discrimination dans les investissements », AFDI, v. 9 (1963), pp. 35-63, à la p. 38 ; VERZIJL,
International Law, v. V, pp. 439-42 ; VERDROSS, Les règles..., op. cit. (1931), p. 390.
52. Ainsi, dans l’« Affaire relative aux droits des ressortissants des Etats-Unis d’Amérique au
Maroc », la CIJ a conclu à l’existence de mesures discriminatoires, sur la base du principe de la
liberté économique sans aucune inégalité mentionné dans l’Acte de la Conférence d’Algésiras de
1906, CIJ Recueil 1952, p. 176, à la p. 186. La question se pose également dans des Conventions, où
l’interdiction de la discrimination est souvent accolée, selon des formules variées, à des normes
conventionnelles ; il s’agit alors d’interpréter, cas par cas, la portée de l’obligation.
53. En ce sens, cf. Restatement (2d), par. 166, pp. 507-8 ; PREISWERK, New Developments..., loc. cit.
(1967), pp. 188-9. Contra, cf. le « Dictionnaire de la terminologie du droit international » : «
118

Discrimination. Traitement différentiel. Distinction consistant à refuser à certains des droits ou


avantages reconnus ou accordés à d’autres », op. cit. (1960), p. 216.
54. Cf. le commentaire sous l’art. 1 du projet de Convention de l’OCDE : « The essence of
discrimination, from the point of view of Article 1, is differentiation introduced in the treatment
of property as a result of the measures in question, which is not justified by legitimate
considerations », Draft Convention, ILM, v. 2 (1963), p. 246. Cf. aussi Restatement (2d), par. 166, pp.
507-9 ; CHARPENTIER, loc. cit. (1963), pp. 49-51 ; PREISWERK, loc. cit. (1967), p. 189.
55. CPJI, Série A/B N° 63 (1934), p. 87.
56. En ce sens, cf. CDI, « Projet d’articles sur la responsabilité des Etats », art. 3, Annuaire (1980-I),
p. 29 ; JIMENEZ DE ARECHAGA , International Law..., op. cit. (1978), pp. 269-70 ; O’CONNELL, International
Law, v. II, p. 943. Mais Brownlie relevait aussi à juste titre : « Indeed, the principle of objective
responsibility dictates the irrelevance of intention to harm, “dolus”, as a condition of liability :
and yet general propositions of this sort should not lead to the conclusion that “dolus” cannot
play a significant role in the law », Principles, p. 440.
57. OECD, Draft Convention, ILM, v. 2 (1963), p. 245 ; CHARPENTIER, loc. cit (1963), pp. 50-1.
58. R. Preiswerk : « En d’autres termes, la discrimination est permise lorsqu’elle est appliquée
contre la majorité des Etats, et interdite lorsqu’elle défavorise une minorité », « La protection... »,
op. cit. (1963), p. 31, n. 23, avec les ref. citées.
59. En 1963, le Gouvernement argentin conçut un projet de Fonds qui aurait permis à des
entreprises argentines de bénéficier seules d’un financement, tandis que toutes les entreprises de
l’industrie de la viande, étrangères et nationales, auraient dû y verser une contribution. Le
Gouvernement britannique invoqua son caractère discriminatoire, cf. E. LAUTERPACHT, British
Practice (1963-II), p. 125. Selon G. Schwarzenberger, il était douteux que le projet constituait une
discrimination en droit coutumier, malgré l’inégalité de traitement patente qu’il instaurait,
« Foreign Investments... », op. cit. (1969), p. 91.
60. Dans le cas de mesures de dépossession, le critère des effets a parfois été seul retenu, quelle
qu’ait été l’intention sous-jacente ; mais la jurisprudence récente a continué de prendre en
considération l’élément d’intention, cf. infra, p. 182 et s.
61. Conv. Allemagne-Zambie, art. 1 : « Each Contracting Party shall in its territory promote as far
as possible the investment of capital by nationals or companies of the other Contracting Party
and admit such investments in accordance with its legislation. It shall in any case accord such
investments fair and equitable treatment ».
62. Conv. Suède-Yougoslavie, art. 2(1) ; de même, cf. p.ex. Conv. Belgique-Egypte, art. 1(1) ;
France-Maroc, art. 2 ; Pays-Bas-Singapour, art. VII(l) ; Suisse-Soudan, art. 3.
63. Cf. p.ex. la Conv. Royaume-Uni-Corée, citée supra, n. 1.
64. Charte de la Havane, art. 11(2) : « L’Organisation pourra, en faisant appel, s’il y a lieu, à la
collaboration d’autres organisations intergouvernementales : (a) recommander et favoriser la
conclusion d’accords bilatéraux ou multilatéraux relatifs aux mesures tendant : (i) à assurer un
traitement juste et équitable en ce qui concerne l’effort d’entreprise, les compétences
techniques, les capitaux, les procédés ou techniques apportés d’un Etat Membre dans un autre »,
Nations Unies, Publ. N° 1948.II.D.4, p. 9. Sur les premières mentions du traitement équitable dans
les traités de commerce des Etats-Unis, cf. WILSON, The International Law..., op. cit. (1953), pp. 92-4.
65. G. Schwarzenberger : « (...) the standard of equitable treatment provides equality on a footing
of commendable elasticity. Inevitably, it suffers from the drawbacks of its virtues : a
corresponding measure of vagueness and subjectivity », « Foreign Investments... », op. cit. (1969),
p. 114. Et J. Schokkaert : « La formulation de ce principe est assez floue, et de nature à susciter
des interprétations divergentes dans le chef de l’une ou l’autre des Parties Contractantes, au
moment où celles-ci auraient à analyser ce principe et à en préciser le contenu, en vue de
l’appliquer à des cas concrets », « Protection... », loc. cit. (1980), pp. 32-3.
119

66. Cette interprétation est donnée not. dans un mémoire de 1979 émanant de la Direction du
droit international public du Département fédéral suisse des affaires étrangères, portant sur les
Conventions, in CAFLISCH, Pratique suisse, ASDI, v. 36 (1980), pp. 174-82, aux pp. 177-9. Dans le
même sens, cf. CARREAU (et al.) « Droit international économique », op. cit. (1978), p. 397. Pour une
critique de cette interprétation, cf. MANN, British Treaties..., loc. cit. (1981), p. 244.
67. Convention de Vienne sur le droit des traités (1969), art. 31 (1), Nations Unies, Doc. A/
CONF.39/27, p. 315, à laquelle le mémoire cité supra, n. 66, se réfère.
68. Supra, p. 88.
69. Supra, p. 85. Le fait que le traitement équitable soit différent d’une référence au droit des gens
est apparent dans l’ouvrage de WILSON , The International Law..., op. cit. (1953), pp. 20-1, 92-4. Une
certaine confusion en ce domaine semble provenir d’un commentaire du projet de Convention de
l’OCDE, déclarant à propos du traitement équitable : « The standard required conforms in effect
to the “minimum standard” which forms part of customary international law », Draft
Convention, ILM, v. 2 (1963), p. 244.
70. Cf. p.ex. Conv. Suisse-Ouganda, art. 4 ; France-Syrie, art. 3. L’administration belge paraît avoir
insisté, à juste titre, pour que la référence au droit coutumier soit clairement explicitée dans des
Conventions, cf. SCHOKKAERT, Protection..., loc. cit. (1980), p. 36 ; en ce sens, cf. p.ex. Conv. Belgique-
Corée, art. 1(3).
71. Pour G. Schwarzenberger, le principe du traitement équitable correspond à l’introduction du
« jus aequum » dans l’ordre d’un traité, « Foreign Investments... », op. cit. (1969), pp. 114-6,
158-60. R. Preiswerk admettait également dans ce cas que « le droit soit remplacé par l’équité », si
les Parties en sont d’accord, « La protection... », op. cit. (1963), pp. 23-4.
72. CIJ, Recueil 1969, p. 21.
73. Id., p. 47. Sur le rôle des principes équitables, à la lumière de la jurisprudence récente de la
CIJ, cf. not. REUTER « Quelques réflexions sur l’équité en droit international », RBDI, v. 15 (1980-I),
pp. 165-86 ; BILGE, « Le nouveau rôle des principes équitables en droit international » in Festschrift
für Rudolf Bindschedler, Bern, Stämpfli (1980), pp. 105-28 ; AKEHURST, « Equity and General
Principles of Law », ICLQ, v. 25 (1976), pp. 801-7. Cf. aussi l’ouvrage de DEGAN , L’Equité et le Droit
international, La Haye, Nijhoff (1970), not. pp. 126-32.
74. REUTER, id., p. 165, 170 et s.
75. Conv. Allemagne-Indonésie, Protocol (6) ; France-Indonésie, Protocole ; Pays-Bas-Indonésie,
Protocol Re Article 5(1) ; Suisse-Indonésie, Protocole (2) ; Belgique-Indonésie, Protocole.
76. Conv. Suisse-Indonésie, Protocole (2), par. 3.
77. Sur la pratique d’Etats, cf. KISS, Répertoire, v. IV, pp. 464-8 ; Répertoire suisse, v. I, pp. 148-9
(renvois). Pour une définition du traitement national dans un traité de commerce cf. p.ex. Etats-
Unis-Corée, « Treaty of Friendship, Commerce and Navigation », art. XXII (1), RTNU, v. 302 (1958),
p. 304, à la p. 332.
78. Supra, p. 90.
79. Conv. Suisse-Malaisie, Echange de lettres.
80. En ce sens, cf. p.ex. Conv. France-Egypte, art. 3 ; Suisse-Equateur, art. 1 er.
81. P.ex., Conv. Belgique-Indonésie, art. 1 et 2(3) ; Royaume-Uni-Lesotho, art. 2(2) et 3(1).
82. Sur les effets de la clause, cf. Répertoire suisse, v. II, not. p. 887 ; KISS, Répertoire, v. IV, pp. 466-7 ;
SCHWARZENBERGER , International Law, v. I, pp. 248-50 ; BATTFOL et Lagarde, Droit international privé,
op. cit., v. I (1974), pp. 235-7 ; PREISWERK, La protection..., op. cit. (1963), pp. 30-2 ; FATOUROS,
Government Guarantees..., op. cit. (1962), p. 214 et s.
83. « D’une manière générale, on considère que la clause d’assimilation aux nationaux, insérée
dans certains traités de navigation et d’établissement, ne confère pas à ces étrangers le droit de
revendiquer le bénéfice des faveurs, des subventions, des aides, etc. ..., que chacun des
Gouvernements contractants accorde à ses propres ressortissants », KISS, Répertoire, v. IV, p. 464,
120

468 ; dans le même sens, cf. Répertoire suisse, v. Il, p. 895 (pour des prestations d’assistance
publique). Sur les exceptions en ce domaine dans les pays de l’OCDE, cf. OCDE, « Le traitement
national... », op. cit. (1978), not. pp. 10-2.
84. Conv. Allemagne-Zaïre, art. 2(3) : « En dérogation aux paragraphes 1 et 2 de cet article, la
République Démocratique du Congo pourra dans le souci de corriger des inégalités de fait entre
investisseurs allemands et congolais consentir à ses ressortissants l’octroi préférentiels des
crédits ou des avantages fiscaux dans la mesure où ces avantages ne nuisent pas à la concurrence
et à la compétitivité » ; dans le même sens, cf. Conv. France-Malte, Protocole II(1) (dans le cadre
du traitement n.p.f.).
85. Répertoire suisse, v. Il, pp. 802-4, 958-9 ; KISS, Répertoire, v. IV, p. 464, 468.
86. Répertoire suisse, v. II, p. 836.
87. Conv. Royaume-Uni-Singapour, art. 3(3) : « Notwithstanding the provisions of paragraphs (1)
and (2) of this Article, and provided its laws so provide in respect of all non-nationals and in
relation to particular matters, a Contracting Party may accord to the nationals or companies of
the other Contracting Party treatment less favourable than that accorded to its own nationals or
companies ».
88. Cf. not. NIBOYET, « La notion de réciprocité dans les traités diplomatiques de droit
international privé », RC, v. 52 (1935-II), pp. 258-362, aux pp. 286-93.
89. NIBOYET : « Si les législations sont distinctes, nous retombons dans les inégalités déjà
signalées, et le système abstrait du traitement national, forfaitaire en quelque sorte, vaut un
billet de loterie », id., p. 292.
90. Cf. les commentaires de FATOUROS, op. cit. (1962), p. 214.
91. Rappelons que le Conseil de l’OCDE a également adopté une « Décision relative au traitement
national » en ce domaine, cf. OCDE, « Investissement international... », op. cit. (1976), p. 21.
92. Ces préoccupations sont apparentes dans les clauses citées supra, n. 84, 87.
93. CIJ, Recueil 1952, p. 176, à la p. 192.
94. Le « Projet d’articles sur les clauses de la nation la plus favorisée », accompagné de
commentaires, apparaît dans le « Rapport de la Commission du droit international sur les
travaux de sa trentième session (8 mai-28 juillet 1978) », Annuaire (1978-II), pp. 10-83. Cf. en outre
Répertoire suisse, v. 1, pp. 149-57 ; KISS, Répertoire, v. IV, pp. 228-48 ; SCHWARZENBERGER, International
Law and Order, London, Stevens (1971), pp. 129-67 ; Id., « The Most-Favoured-Nation Standard in
British State Practice », BYIL, v. 22 (1945), pp. 96-121 ; SAUVIGNON , La clause de la nation la plus
favorisée, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble (1972) ; SNYDER, The Most-Favoured-Nation
Clause, New York, King’s Crown Press, Columbia University (1948).
95. Certaines Conventions disposent que le traitement n.p.f. sera accordé « s’il est plus
favorable » que d’autres traitements, cf. p.ex. Conv. Suisse-Mali, art. 3(2) ; France-Syrie, art. 4.
96. Cf. le Message du Conseil fédéral suisse, portant sur cette Convention, FF (1962-I), p. 633, à la
p. 635.
97. Conv. France-Indonésie, art. 4. Sur le caractère bilatéral ou unilatéral de clauses n.p.f., cf. CDI,
Annuaire (1978-II), p. 22.
98. CDI, « Projet... », art. 11, Annuaire (1978-II), p. 38, et les commentaires correspondants in ibid.,
pp. 38-45. Cf. aussi Répertoire suisse, v. I, p. 155 et s. ; KISS, Répertoire, v. IV, pp. 232-7 ;
SCHWARZENBERGER , op. cit. (1971), pp. 135-7 ; OPPENHEIM , International Law, v. I, pp. 971-4 ; VERZIJL,
International Law, v. VI, p. 438 et s.
99. Conv. Royaume-Uni-Thaïlande, art. 10(1) : « All the provisions of this Agreement relative to
the grant of treatment not less favourable than that accorded to the nationals or companies of
any third State shall be interpreted as meaning that such treatment shall be accorded
immediately and unconditionally ».
100. Supra, p. 97.
121

101. Des clauses spéciales ont été, et seront mentionnées dans leur contexte ; sur la portée des
clauses n.p.f., cf. les commentaires de la CDI, Annuaire (1978-II), p. 24.
102. Cf. p.ex. Conv. France-Malaisie, art. 7 ; Italie-Gabon, art. 5 ; Royaume-Uni-Sri Lanka, art. 7(b).
103. Cf. le mémoire du 18 mai 1979, émanant de la Direction du droit international public du
Département fédéral des affaires étrangères, in CAFLISCH , Pratique suisse, ASDI, v. 36 (1980), pp.
174-82.
104. Id., p. 182.
105. Cf. CDI, Annuaire (1978-II), p. 31, et les commentaires, id., pp. 31-5.
106. Sur la naissance des droits découlant d’une clause n.p.f., cf. l’art. 20 du projet de la CDI,
Annuaire (1978-II), pp. 59-60, et les commentaires, id., pp. 60-2 ; cf. aussi la Conv. Royaume-Uni-
Thaïlande, citée supra, n. 99.
107. Conv. Suède-Malaisie, art. 2(2) : « (...) A Contracting Party shall also be free to grant a more
favourable treatment to investments by nationals and companies of other States, if this is
stipulated under bilateral agreements concluded with such States before the date of the
signature of this Agreement » ; adde infra, n. 119.
108. CDI, « Projet... », art. 7, Annuaire (1978-II), p. 28, et le commentaire, id., p. 29, par. 4 ; dans le
même sens, cf. SCHWARZENBERGER, op. cit. (1971), p. 140, et les ref. n. 47.
109. Conv. Suisse-Tanzanie, art. 1(2).
110. Sur ce point, cf. infra, p. 265.
111. Cf. p.ex. supra, n. 1. L’exception n’intéresse pas seulement les pays exportateurs de capitaux,
membres des Communautés européennes ou de l’AELE ; ainsi, dans l’Echange de lettres annexé à
la Conv. Suisse-Malaisie, la Malaisie réservait expressément le bénéfice des arrangements conclus
au sein de l’ASEAN (ou ANASE).
112. Conv. Pays-Bas-Côte d’Ivoire, art. 3 : « Les investissements ainsi que les biens, droits et
intérêts appartenant à des personnes physiques et morales, ressortissantes d’une des Parties
Contractantes dans le territoire de l’autre bénéficieront d’un traitement juste et non
discriminatoire au moins égal à celui qui est reconnu par chaque Partie Contractante à ses
nationaux et aux ressortissants de la Communauté Economique Européenne ».
113. Le problème n’a pu être résolu par la CDI, qui en a renvoyé la solution à une future
Conférence de codification, cf. les commentaires introductifs in Annuaire (1978-II), p. 16 ; cette
lacune a été la source de critiques de la part de divers gouvernements. Sur la clause n.p.f. et les
unions régionales, cf. aussi VIGNES, « La clause de la nation la plus favorisée et sa pratique
contemporaine — Problèmes posés par la Communauté économique européenne », RC, v. 130
(1970-II), pp. 207-350.
114. A l’encontre d’une présomption pour réserver les cas d’unions régionales, cf. KISS, Répertoire,
v. IV, p. 245 ; en faveur d’une telle présomption, cf. PREISWERK, La protection..., op. cit. (1963), p. 37
et les ref. n. 45.
115. En ce sens, cf. CDI « Projet... », art. 18, Annuaire (1978-II), p. 56, et les commentaires, id., pp.
56-7.
116. Conv. Royaume–Uni-Thaïlande, art. 10(2) : « Wherever this Agreement makes alternative
provisions for the grant of national treatment or of treatment not less favourable than that
accorded to the nationals or companies of any third State in respect of any matter, the option as
between these alternatives shall rest with the Contracting Party beneficiary in each particular
case ». Dans le même sens, cf. CDI, « Projet..., » art. 19, Annuaire (1978-II), p. 58 ; SCHWARZENBERGER,
op. cit. (1971), pp. 157-8.
117. CDI, Annuaire (1978-II), p. 59, par. 8.
118. Cf. not. PREISWERK, La protection..., op. cit. (1963), pp. 32-40 ; Id., « New Developments... », loc.
cit. (1967), pp. 187-8 ; Piot, « Du réalisme dans les conventions d’établissement », Clunet, v. 88
(1961), pp. 38-35 ; Id., « La clause de la nation la plus favorisée » ; Rev. crit., v. 45 (1956), p. 9 et s.
122

119. Conv. Allemagne-Philippines, Protocol (3) (a) : « Nothing in Article 2 shall be construed to
entitle nationals or companies of the Federal Republic of Germany to the special rights and
privileges accorded by the Republic of the Philippines to nationals and companies of the United
States of America by virtue of existing agreements ».
120. PREISWERK, La protection..., op. cit. (1963), pp. 34-6.
121. CDI, Annuaire (1978-II), p. 57, par. 8.
122. Sur les difficultés de cerner des différences de traitement résultant de pratiques
administratives dans les pays industrialisés, cf. OCDE, « Le traitement national... », op. cit. (1978),
not. p. 6, 24.
123. Quelques Conventions réservent expressément d’obligations de traitement l’application de
mesures d’ordre public, cf. p.ex. Convention Suisse-Ouganda, Protocole : « ad article 3, alinéa 1.
Les mesures prises pour des raisons d’ordre public et de sécurité ainsi que de santé publique ou
des principes de moralité ne seront pas considérées comme déraisonnables ou discriminatoires ».
124. Conv. France-Malte, art. 3(1) : « Chacune des Parties Contractantes s’engage à assurer sur
son territoire un traitement juste et équitable aux investissements des ressortissants et sociétés
de l’autre Partie et à faire en sorte que l’exercice du droit ainsi reconnu ne soit entravé ni en
droit, ni en fait » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Belgique-Egypte, art. 1(2).
125. Cf. p.ex. Conv. France-Roumanie, art. 3 (« assurer ») ; Pays-Bas-Malaisie, art. VIII(1) (« shall
insure ») ; Belgique-Corée, art. 1(3) (« garantie »). Cf. aussi les commentaires de JUILLARD, Les
conventions..., loc. cit. (1979), p. 303, 318 ; et de Schwarzenberger sur le projet Abs-Shawcross,
« Foreign Investments... », op. cit. (1969), p. 116.
126. CDI, « Projet d’articles sur la responsabilité des Etats », art. 20, 21, Annuaire (1980-II), p. 31 ;
cf. aussi AGO, Sixième rapport..., id. (1977-II), p. 4 et s.
127. Supra, p. 96.
128. Cette exigence avait déjà été mentionnée par la CPJI dans son « Avis au sujet de certaines
questions touchant les colons d’origine allemande, dans les territoires cédés par l’Allemagne à la
Pologne » : « Il faut qu’il y ait une égalité de fait et non seulement une égalité formelle en droit en
ce sens que les termes de la loi évitent d’établir un traitement différentiel », Série B, N° 6 (1923), p.
24. Cf. aussi AGO : « Ce qui importe, nous l’avons dit et répété, c’est que le résultat concret soit
atteint ; s’il ne l’est pas, il y a violation, quelles que soient les mesures prises par l’Etat »,
« Sixième rapport... », CDI, Annuaire (1977-II), p. 19.
129. « La règle selon laquelle les recours internes doivent être épuisés avant qu’une procédure
internationale puisse être engagée est une règle bien établie du droit international coutumier »,
« Affaire de l’Interhandel », CIJ Recueil 1959, p. 6, à. la p. 27. Cf. aussi Répertoire suisse, v. II, p. 603 ;
KISS, Répertoire, v. III, p. 489 ; British Digest, v. 6, p. 337 ; CDI, « Projet d’articles sur la responsabilité
des Etats », art. 22, Annuaire (1980-II), p. 31. Si son caractère fondamental est incontesté, sa
nature juridique et ses conditions d’application le sont moins. Sur les débats doctrinaux
concernant le caractère de procédure ou de fond de la règle, cf. not. AGO, Sixième rapport..., CDI,
Annuaire (1977-II), pp. 23-33. Dans les faits, elle peut impliquer des délais et des coûts matériels
importants ; ainsi, dans l’Affaire Barcelona Traction, de 1948 à 1962, il avait été rendu, selon le
Gouvernement espagnol, 2736 ordonnances, 494 jugements et 37 arrêts, sans que les recours
internes aient été épuisés, CIJ Recueil 1970, p. 10. C’est pourquoi on a douté qu’elle soit adaptée à
certaines relations contemporaines d’investissement. Au niveau des Conventions, deux
catégories de traités sont en présence sur cette question. Les uns s’en tiennent à la règle, de
manière implicite ou explicite ; ainsi, la Conv. Suisse-Egypte dispose, art. 11 : « Conformément au
droit international, les moyens légaux locaux devront être épuisés avant qu’un différend ne
puisse être porté devant les autorités judiciaires internationales ». D’autres, plus récents, y
dérogent, en prévoyant le recours à l’arbitrage du CIRDI, cf. infra, pp. 286-8.
130. Cf. Conv. Suisse-Jordanie, citée supra, n. 1 ; de même, cf. p.ex. Conv. Suisse-Mali, art. 3(1).
131. Supra, p. 95.
123

132. Supra, n. 1 ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Allemagne-Malaisie, art. 3 ; Belgique-Corée,
art. 1(2) ; France-Zaïre, art. 2 ; Pays-Bas-Tanzanie, art. VII(1) ; Royaume-Uni-Bangladesh, art. 2(2)
et 3(2) ; Suisse-singapour, art. 2(1). Pour un commentaire de cette formule, cf. OECD, « Draft
Convention... », ILM, v. 2 (1963), p. 244.
133. Conv. Allemagne-Malaisie, Protocol (4) ; de même, cf. p.ex. Conv. Allemagne-Sierra Leone
Protocol (2).
134. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Indonésie, art. 2(2) ; Suisse-Corée, art. 2(1).
135. Cf. « Andean Foreign Investment Code » (as of Nov. 30, 1976), art. 17 : « In regard to domestic
credit, foreign enterprises shall not have access to long-term credit. The terms and conditions of
access to short-term and medium-term credit shall be those established in the respective
national legislation covering this matter, with medium-term credit considered as that which
does not exceed three years », ILM, v. 16 (1977), p. 145. Des limitations et conditions particulières
existent également dans des pays industrialisés, cf. OCDE, « Le traitement national... », op. cit.
(1978), not. pp. 12-4.
136. Le Protocole de la Convention englobe sous l’interdiction d’un traitement moins favorable,
par. 6 : « (...) restricting the fund raising or the opening of inter-enterprise commercial credit ».
Cf. aussi Conv. Etats-Unis-Egypte, art. II(2)(a) (vii).
137. L’autorisation de transfert est applicable à, art. VIII(b) : « funds necessary (i) for the
acquisition of raw or auxiliary materials, semi-fabricated or finished products or (ii) for the
replacement of capital assets, in order to safeguard the continuity of an investment » ; de même,
cf. p.ex. Conv. Pays-Bas-Corée, art. IV(b).
138. Supra, n. 1. Plusieurs législations contiennent des dispositions relatives au réinvestissement,
mais elles prennent la forme d’incitations à réinvestir dans l’économie d’accueil, plutôt que
d’obligations, cf. p.ex. Tunisie, « Loi N° 74-74 du 3 août 1974, relative aux investissements dans les
entreprises manufacturières », art. 13, 14, ILW, v. 10 (1981), p. 25.
139. Certains commentaires laissent à penser que les normes d’égalité de traitement ne sont pas
toujours adéquates pour couvrir, not. des pratiques administratives. Commentant, « inter alia »,
la pratique allemande, J. Voss déclarait : « Of even greater practical importance than such
interference with the substance of the investor’s property rights — his “substantive property” -
is the conduct of a host government which, in the long run, deprives the enterprise of its
capacity to operate at a profit, or even at cost, and dilutes the property value of the investment -
infringements with the “functional property” of the investor », « The protection... », loc. cit.
(1982), p. 702.
140. Sur les concepts de dépossession, d’expropriation « rampante », etc., cf. infra, pp. 164-72.
141. Des Conventions conclues par l’Allemagne et par le Royaume-Uni distinguent nettement les
normes de traitement applicables à des investissements proprement dits, de celles qui régissent
les activités de ressortissants en relation avec ces investissements ; cf. p.ex. la Conv. Royaume-
Uni-Corée, citée supra, n. 1 ; et Allemagne-Zaïre, art. 2(1) et 2(2). La distinction est moins
accentuée, voire inexistante, dans d’autres Conventions.
142. Supra, pp. 87-8.
143. Sur les premières Conventions conclues par la Tunisie à cet effet, cf. supra, pp. 58-9.
144. En ce sens, cf. p.ex. Répertoire suisse, v. II, pp. 884-8 (cas d’une loi française réservant l’octroi
de patentes d’aubergistes aux nationaux).
145. Conv. Belgique–Zaïre, art. 2 ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. France–Ile Maurice, art. 2.
146. Conv. Japon–Egypte, Protocol (8) : « The provisions of paragraph 2 of Article 3 of the
Agreement shall not prevent either Contracting Party from prescribing special formalities in
connection with the activities of foreign nationals and companies within its territory, but such
formalities may not impair the substance of the rights set forth in the aforesaid paragraph ».
147. En annexe de certaines Conventions d’investissement, on trouve un engagement ou une
recommandation des Parties en faveur de la conclusion d’une convention de double imposition,
124

cf. p.ex. Conv. Belgique-Tunisie, Echange de lettres N° IV ; France-Singapour, Echange de lettres


N° 2 ; Suisse-Singapour, Echange de lettres. Le droit général n’impose pas d’égalité de traitement
entre nationaux et étrangers en matière fiscale, cf. Répertoire suisse, v. II, pp. 984-6 ; KISS,
Répertoire, v. IV, pp. 225-6, 332-3 ; British Digest, v. 6, pp. 405-22. Dans la doctrine, bien que ces
questions retiennent l’attention de nombreux praticiens, peu d’études ont été consacrées à la
fiscalité en droit international ; celle d’Albrecht demeure fondamentale, « The Taxation of Aliens
under International Law », BYIL, v. 29 (1952), pp. 145-85.
148. Quelques Conventions contiennent une clause spéciale relative à la fiscalité, cf. Conv. Pays-
Bas-Cameroun, art. 9 : « (1) Les ressortissants et les entreprises industrielles et commerciales de
l’une des parties contractantes ne seront pas soumis sur le territoire de l’autre partie
contractante à des impôts, droits et taxes autres ou plus élevés que ceux qui frappent les
ressortissants et entreprises industrielles et commerciales de cette dernière partie. (2) Les
ressortissants et les entreprises industrielles et commerciales de l’une des parties contractantes
qui sont imposables sur le territoire de l’autre partie contractante bénéficient dans les mêmes
conditions que les ressortissants et entreprises industrielles et commerciales de cette dernière
partie des exemptions, déductions et réductions d’impôts, droits ou taxes quelconques,
conformément à la législation en vigueur. (3) Chaque partie contractante se réserve le droit
d’octroyer des avantages fiscaux sur la base des accords concernant la suppression de la double
imposition » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. France-Ile Maurice, art. 7 ; cf. aussi Conv. Etats-
Unis-Egypte, art. XI.
149. Des clauses d’égalité de traitement fiscal ne sont pas rares dans les réglementations
nationales sur les investissements, cf. p.ex. Pakistan, « The Foreign Private Investment
(Promotion and Protection) Ordinance, 1976 », art. 8, ILW, v. 6 (1978) 44 :2E-5.4 ; mais il arrive que
des entreprises étrangères soient plus lourdement imposées, cf. NWOGUGU, The Legal Problems..., op.
cit. (1965), p. 10 ; cf. aussi OCDE, Le traitement national..., op. cit. (1978), not. pp. 7-10.
150. Il a été allégué que des impôts affectant spécifiquement des étrangers n’étaient pas
incompatibles avec une égalité de traitement, cf. KISS, Répertoire, v. IV, pp. 225-6 ; dans le même
sens, la loi yougoslave de 1973 prévoyait qu’un impôt « sui generis » était prélevé sur les revenus
provenant d’investissements étrangers, « Law on Investment of Foreign Persons in Domestic
Organizations of Associated Labor », art. 17, ILW, v. 10 (1978) 7 :2A-6.8 ; adde « Law on Taxation of
Foreign Persons », id., Appendix V.
151. Cf. ALBRECHT, The Taxation..., loc. cit. (1952), pp. 180-1, et les ref. citées ; British Digest, v. 6, pp.
420-1.
152. Pour une interprétation d’un traité exemptant les ressortissants espagnols en France d’un
« prélèvement exceptionnel de lutte contre l’inflation », effectué après 1945, cf. l’Arrêt du
Tribunal des conflits « Mayol, Arbona et Cie », Recueil Lebon (1959), p. 872 ; sur les impôts
exceptionnels et les emprunts forcés, cf. aussi Répertoire suisse, v. II, p. 674, 835, 915, et s. ; British
Digest, v. 6, pp. 408-9 ; MCNAIR, Opinions, v. II, pp. 136-7 ; ALBRECHT, loc. cit. (1952), pp. 159-60.
153. La Conv. Pays-Bas-Ouganda, Protocol, (2) exceptait expressément les-droits de douane du
terme « taxes » ; par contre, ils sont sans doute inclus dans la formule « droits, taxes, impôts ou
contributions, sous quelque dénomination que ce soit », employée dans la Conv. France-Egypte,
art. 6.
154. Sur l’application d’une clause n.p.f. en matière fiscale, cf. Répertoire suisse, v. II, pp. 915-35 ;
ALBRECHT, loc. cit. (1952), pp. 176-8.
155. C’est le cas de plusieurs Conventions conclues par le Royaume-Uni, cf. supra, n. 1 ; et Conv.
Royaume-Uni-Singapour, art. 7(c). La Conv. France-Corée (1979), après avoir disposé que le
traitement n.p.f. serait applicable aux investissements et à l’exercice des activités économiques,
stipulait, art. 1(3) : « Toutefois, en matière fiscale, chaque Partie contractante accordera aux
nationaux et sociétés de l’autre Partie contractante le même traitement que celui accordé à ses
nationaux et sociétés se trouvant placés dans la même situation ».
125

156. Cf. p.ex. Conv. Pays-Bas-Maroc, art. VI(2) ; Japon–Egypte Protocol, (10).
157. « George W. Cook Case » (1930) : « The liberality of a State in granting an exemption is
essentially revokable for the reason that it creates no vested rights in him who enjoys it », Annual
Digest (1929-30), Case N° 156, p. 255, à la p. 256. Cf. aussi O’CONNELL, International Law, v. II, p. 715 ;
ALBRECHT, loc. cit. (1952), p. 147.
158. Infra, pp. 246-51.
159. ALBRECHT : « (...) the state of customary international law on the discriminatory taxation of
aliens is ambiguous », loc. cit. (1952), pp. 175-6 ; cet auteur distinguait une discrimination « fair
and reasonable », qui était, à ses yeux, « almost inevitable », d’une discrimination « unfair », et
illicite, id., pp. 170-1. Cf. aussi SCHWARZENBERGER, « Foreign Investments... » op. cit., (1969), p. 91.
160. Sur le concept d’expression « de facto », cf. infra, p. 164 et s. ; sur celui d’une imposition
confiscatoire, cf. E. LAUTERPACHT, British Practice (1964-II), pp. 202-6 ; Répertoire suisse, v. II, pp.
679-81 ; ALBRECHT, The Taxation..., loc. cit. (1952), pp. 171-5.
161. « (...) this amount represents approximately three times the prewar value of the plant and a
taxation to such an extent is nothing else but a total confiscation of the entire property »,
International Claims Commission, « Corn Products Refining Company Claim », ILR, v. 22 (1955), p.
333, à la p. 334. (La Commission, instance créée par le législateur des Etats-Unis, est devenue
ensuite la « Foreign Claims Seulement Commission »).
162. E. LAUTERPACHT, British Practice (1964-II), p. 202 ; SCHWARZENBERGER , Foreign Investments..., op.
cit. (1969), p. 94.
163. E. LAUTERPACHT, id. (1965-I), p. 46 ; SCHWARZENBERGER, ibid.
164. Supra, pp. 23-4.
165. Cf. not. le mémoire du 18 mai 1979 de la Direction du droit international public du
Département fédéral suisse des affaires étrangères, cité supra, n. 103, concernant la portée des
clauses n.p.f. des Conventions vis-à-vis des droits de propriété intellectuelle.
166. Outre la solution retenue dans le mémoire précité, cf. les réserves de la Conv. Japon-Egypte
Protocol (1) et (2), citées supra, Chap. I, n. 43. Dans ce contexte, on remarquera qu’après avoir
conclu une Convention d’investissement (4 mars 1976), le Royaume-Uni et la Corée ont jugé utile
de signer un accord séparé sur la propriété industrielle (19 déc. 1977), cf. « Exchange of Notes on
Industrial Property », Treaty Series, N° 28 (1978), Cmnd 7121.
167. Conv. Pays-Bas–Singapour, art. I : « “intellectual property” means the rights relating to —
(...) (g) protection against unfair competition ; and (h) all other rights resulting from intellectual
activity in the industrial, scientific or literary fields » ; (cette mention figure dans la définition
d’un investissement (art. I), non dans la clause spéciale protégeant la propriété intellectuelle (art.
V)).
168. Conv. Pays-Bas-Maroc, art. VII ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Pays-Bas-Thaïlande, art.
VI.
169. P.ex., la loi égyptienne, « Law N° 43 of 1974, concerning Arab and Foreign Capital Investment
and Free Zones, as amended », art. 11-12, confirmait les dispositions de la loi N° 26 de 1954, en y
apportant des dérogations ; aux termes de celle-ci, 90 pour cent au moins des ouvriers d’une
entreprise devaient être de nationalité égyptienne, leurs salaires devant représenter au
minimum 80 pour cent de la masse salariale correspondante ; les proportions pour les employés
étaient respectivement de 75 et 65 pour cent, ILM, v. 16 (1977), pp. 1479-80 ; et HINDS, « Foreign
Investment in Egypt under Law N° 43 opf 1974 », DPCI, v. 3 (1977), pp. 207-9.
170. Cf. p.ex. Indonésie, « Law N° I of 1967, concerning Investment of Foreign Capital », art. 12 :
« Foreign capital enterprises have the obligation to organize and/or prepare regular and planned
facilities for training and education in the country and/or abroad for Indonesian citizens with
the aim of gradually replacing the foreign employees by Indonesian citizens », ILM, v. 6 (1967), p.
208 ; sur la promotion de cadres indonésiens, cf. « Decision N° 143/M/II/68 », art. 13, ILW, v. 4
126

(1978), 1 :3F-6.1 ; et sur l’octroi de permis de travail, cf. « Act N° 3 of 19 November 1957, on the
Employment of Foreigners », ibid. 1 :2D. En général, cf. aussi ADEDE, Legal Trends..., op. cit. (1983) pp.
130-2.
171. Supra, p. 55.
172. Cf. Conv. Japon-Egypte, Protocol (9) (« give sympathetic consideration to application ») ;
Suisse-Syrie, art. 2(1) (« s’efforcera de donner les autorisations requises ») ; des formules plus
affirmatives, et non-réciproques, ont aussi été rencontrées, cf. p.ex. Conv. Allemagne-Rwanda,
Echange de lettres N° 1-2.
173. Conv. Pays-Bas–Indonésie, Protocol Re Article 5(2) : « With regard to the employment of
foreign managerial, commercial or technical staff-personnel in an enterprise, in case such
employment is subject to a licence according to the national legislation of the Contracting Party
in the territory of which such enterprise will be established or is run, that Contracting Party will
adopt a lenient attitude when deciding on applications for such licences, taking into account the
importance of a just personnel-policy in the framework of the general management of an
enterprise ».
174. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Sierra Leone, Exchange of Notes 1-2 ; Suisse-Ouganda, Protocole
« ad article 3, alinéa 2 ».
175. Supra, p. 60.
176. Conv. France-Jordanie, art. 2.
177. Sur la non-applicabilité du traitement national aux subventions et aides publiques, cf. supra,
n. 83. La question des exonérations fiscales est également controversée, cf. Répertoire suisse, v. II,
pp. 889-903 ; KISS, Répertoire, v. IV, p. 332 et s.
178. Cf. la Conv. Pays-Bas-Cameroun, art. 9, citée supra, n. 148 ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv.
France-Tunisie (1965), art. 6.
179. Conv. Pays-Bas–Indonésie, art. 19 : « Each Contracting Party recognizes the right of the
other Contracting Party to grant exemptions from taxes, levies and charges to certain businesses
as a mean of stimulating economic development » ; dans le même sens, cf. p.ex. la Conv.
Allemagne–Zaïre, art. 2(3), citée supra, n. 84.
180. Conv. France–Ile Maurice, art. 7 : « (...) Cette disposition ne met pas obstacle à l’octroi par
chaque Gouvernement à ses propres ressortissants d’avantages spécifiques préférentiels en
matière d’investissements, dans la mesure où ces avantages ne sont pas de nature à fausser les
conditions du marché ». La Conv. Etats-Unis–Egypte, art. II(6) prévoit, de manière plus générale,
que des « conditions of competitive equality should be maintained » entre entreprises
américaines et nationales, not. sous contrôle d’Etat.
181. Conv. Royaume-Uni–Bangladesh, art. 4, « Compensation for Losses : (1) Nationals or
companies of one Contracting Party whose investments in the territory of the other Contracting
Party suffer losses owing to war or other armed conflict, revolution, a state of national
emergency, revolt, insurrection or riot in the territory of the latter Contracting Party shall be
accorded by the latter Contracting Party treatment, as regards restitution, indemnification,
compensation or other settlement, no less favourable than that which the latter Contracting
Party accords to its own nationals or companies or to nationals or companies of any third State.
(2) Without prejudice to paragraph (1) of this Article, nationals and companies of one Contracting
Party who in any of the situations referred to in that paragraph suffer losses in the territory of
the other Contracting Party resulting from (a) requisitioning of their property by its forces or
authorities, or (b) destruction of their property by its forces for authorities, which was not
caused in combat action or was not required by the necessity of the situation, shall be accorded
restitution or adequate compensation. Resulting payments shall be freely transferable as soon as
possible ».
127

182. P.ex., l’indemnisation des pertes est incluse parmi les normes de traitement dans la
Convention Royaume-Uni-Indonésie, art. 4(3), et parmi les règles d’expropriation dans la Conv.
Allemagne-Zambie, art. 3.
183. Selon Kiss, « L’Etat n’est pas obligé de réparer les dommages de guerre subis sur son
territoire par des étrangers », Répertoire, v. IV, p. 394. Sur la responsabilité éventuelle d’un Etat
du fait du comportement d’organes d’un mouvement insurrectionnel, cf. CDI, « Projet d’articles
sur la responsabilité des Etats », art. 14-15, Annuaire (1980-11), p. 30 ; adde JIMENEZ DE ARECHAGA ,
International Law..., op. cit. (1978), pp. 284-5 ; BROWNLIE, Principles, pp. 452-4.
184. Infra, p. 215 et s.
128

Chapitre IV. Le transfert des


revenus et du capital investi

1 Un investissement en territoire étranger engendre généralement un flux de ressources en


retour, qualifié de « transfert ». Les transferts peuvent être périodiques, lorsqu’il s’agit
par exemple du remboursement d’emprunts et du paiement de redevances. Ils sont
ponctuels dans d’autres cas ; ainsi, lorsqu’un investisseur liquide définitivement son
investissement, et décide de rapatrier les fonds correspondants. Le domaine du transfert
met directement en cause les droits d’un investisseur étranger de rapatrier des avoirs ; en
outre, il concerne les relations entre les monnaies d’au moins deux pays, et plus
globalement un rapport de ressources économiques entre eux, exprimé en termes
monétaires et financiers.
2 Dans toutes les économies, les relations monétaires avec l’étranger sont surveillées,
orientées, réglementées avec une rigueur variable. Les mesures les plus draconiennes,
fondées sur un système d’interdictions et d’autorisations sélectives, ont été englobées
depuis la première guerre mondiale sous le terme générique de « contrôle des changes » 1.
La gamme des mesures instituées par les pouvoirs publics s’est considérablement
amplifiée depuis les premiers systèmes de contrôle des changes ; elle a été étendue
notamment aux réglementations spécifiques sur les investissements étrangers. On se
référera aux mesures interférant directement avec les transferts en matière
d’investissements comme à des « restrictions de transfert ». En droit interne, leur
qualification n’est pas uniforme ; elles sont parfois de type seulement monétaire ; dans
d’autres cas, elles concernent la réglementation des marchés financiers (p.ex. les
emprunts à l’étranger) ; ou encore elles visent les investissements en participation et les
transferts de technologie (p.ex. les paiements de redevances). La dénomination des
restrictions de transfert dans les instruments législatifs et réglementaires nationaux est
éminemment variable ; mais l’essence selective du phénomène demeure identique.
3 Les Conventions d’investissement contiennent des clauses particulières réglementant le
transfert des revenus et du capital investi. Celles-ci sont parfois des plus détaillées, à la
mesure des restrictions nationales auxquelles elles s’adressent. L’objet de ce chapitre est
d’analyser les règles stipulées dans ces clauses, en tenant compte de leur contexte,
national et international.
129

4 On remarquera que le droit international général n’est que marginalement intéressé par
le domaine du transfert. Le droit de la condition et de la protection des étrangers l’ignore,
pour l’essentiel. Il est significatif, en ce sens, que le Projet de Convention de l’OCDE, conçu
comme une codification du droit relatif à la propriété étrangère, se limitait à une
recommandation en matière de transfert2.
5 La matière ressortit principalement au droit conventionnel, multilatéral ou bilatéral. Or,
depuis 1945, la communauté internationale s’est dotée d’une organisation et d’une
réglementation internationales monétaires, le Fonds monétaire international (FMI) et ses
Statuts. A l’exception de la Suisse, pratiquement tous les Etats ayant conclu des
Conventions d’investissement en sont membres. Les Statuts du Fonds renferment des
dispositions concernant les restriction de transfert3. Nous aurons donc à nous interroger
sur la raison d’être des clauses de transfert dans les Conventions bilatérales, et sur la
relation entre les deux ordres juridiques.

36. Les régimes conventionnels

6 Les règles de transfert définies dans les Conventions sont variées ; elles visent, selon les
textes, tant le transfert de dividendes que le remboursement d’emprunts ou le taux de
change applicable. Avant de les détailler, il faut considérer de quelle manière elles sont
situées, dans leur ensemble, par rapport aux droits nationaux des Etats-parties. Dans
cette optique, on peut les répertorier en trois régimes distincts : un premier groupe se
réfère principalement au droit de l’Etat d’accueil ; un second affirme un « principe de
libre-transfert » ; le troisième recourt à des normes conventionnelles déjà examinées : le
traitement de la nation la plus favorisée et le traitement national.
7 Ces trois régimes sont d’importance inégale dans les clauses étudiées ; le troisième groupe
occupe une place mineure par rapport aux deux premiers. Ils ne sont pas nécessairement
exclusifs l’un de l’autre ; ainsi, le traitement n.p.f. régit parfois la question du taux de
change, tandis que le principe de base mentionné est la liberté de transfert.

a) Le renvoi au droit de l’Etat d’accueil

8 Le point commun aux clauses de Conventions entrant dans cette catégorie réside dans le
renvoi, à titre principal, au droit de l’Etat importateur de capital. C’est d’abord sur la base
de sa législation que le régime conventionnel peut être défini. Ce renvoi prend deux
formes : dans quelques Conventions, la compétence de la loi de l’Etat d’accueil ne semble
pas explicitement limitée ; dans d’autres textes, plus nombreux, le renvoi s’accompagne
d’une stabilisation de la législation en cause.
9 Le régime le moins engageant prévoit que les transferts seront autorisés conformément à
la législation et aux réglementations de l’Etat importateur de capital. Il est stipulé, par
exemple, dans la Convention Suède-Chine4. Parfois, la compétence du droit interne est
partielle ; elle s’applique aux transferts de capital, mais non avec la même latitude aux
transferts des revenus d’un investissement5.
10 Il semblerait alors qu’aucune obligation de transfert n’ait été contractée par un Etat
importateur de capital. Celui-ci demeure libre d’appliquer sa législation aux transferts,
aussi restrictive soit-elle, et aussi changeante dans le temps. Cette interprétation ne serait
sans doute pas exacte, car la soumission à la loi interne est tempérée par un engagement
conventionnel d’accorder les autorisations nécessaires. Dans la Convention Suède-Chine, par
130

exemple, il est mentionné que chaque Partie Contractante devra permettre le transfert
des revenus et du capital sans retard injustifié. Si cette formule possède un contenu
objectif, et il n’y a guère lieu d’en douter, le principe de base convenu est celui de
l’autorisation. En outre, les autorisations sont soumises aux lois et réglementations de
chaque Etat-partie. La conciliation des deux règles risque de n’être pas toujours simple.
Une réglementation nationale qui dénierait clairement un droit au transfert
contreviendrait à l’engagement conventionnel. Qu’en serait-il, toutefois, si seules des
restrictions partielles ou des limites quantitatives de transfert étaient édictées ?
11 Plus fréquemment, la référence à la loi nationale s’accompagne d’une disposition de
stabilisation, et d’un droit d’option au bénéfice d’un investisseur de l’autre Partie6. En
d’autres termes, les transferts demeurent soumis à la loi de l’Etat d’accueil, mais celle-ci
ne peut être modifiée et appliquée au détriment d’un investissement déjà effectué ; si une
réglementation plus favorable intervient, par contre, l’investisseur concerné a le droit
d’opter pour être soumis au nouveau régime national. La stabilisation envisagée est donc
à sens unique : l’aggravation seule des restrictions est prohibée, mais non leur
relâchement.
12 Le moment de la stabilisation juridique varie selon les Conventions. La législation
stabilisée est soit celle existant lors de l’entrée en vigueur de la Convention, soit celle qui
est applicable lorsque l’investissement est agréé7. Des raffinements supplémentaires sont
à l’occasion prévus. Dans un Echange de lettres annexé à la Convention Pays-Bas-
Yougoslavie, le régime suivant est stipulé8 : pour les investissements néerlandais réalisés
en Yougoslavie postérieurement à l’entrée en vigueur de la Convention, la réglementation
des transferts est stabilisée à la date de l’enregistrement d’un contrat, si une
réglementation plus restrictive était adoptée. Mais si la Constitution ou la Loi yougoslave
sur les investissements était modifiée, la stabilisation ne s’appliquerait pas ; seul le
traitement n.p.f. prévaudrait. Pour les investissements antérieurs à l’entrée en vigueur de
la Convention, le droit yougoslave applicable est soit le droit en vigueur à la date d’un
transfert (« sans restriction ni retard injustifiés »), soit le droit applicable au moment de
l’entrée en vigueur de la Convention, au choix de la partie intéressée.
13 L’intérêt des dispositions de stabilisation est de fixer, sur une base précise, les relations
de droits et d’obligations de chacun, en conférant à un investisseur et à un Etat d’origine
une sécurité à l’égard des changements législatifs qui pourraient survenir dans un Etat
d’accueil9. Un investisseur étranger sait à quel régime de transfert il pourra, au pire, être
soumis ; il peut prendre connaissance des taxes ou des mesures éventuelles
d’échelonnement des transferts qui sont requises. Pour un Etat d’accueil, l’acceptation
d’une stabilisation n’est pas synonyme d’absence de réglementation ; il se peut que le
régime stabilisé ne soit pas des plus généreux. Mais un investissement aura alors été
effectué en connaissance de cause.
14 Un régime de stabilisation peut apparaître comme un compromis intéressant entre
l’intérêt public d’un Etat et la sécurité recherchée par un investisseur étranger. Pourtant,
il n’est exempt ni d’incertitudes ni de rigidités. En période de crise dans les paiements
avec l’étranger, une réglementation même stabilisée laisse souvent aux autorités
monétaires une substantielle marge de manoeuvre pour prendre des mesures
conservatoires. Des transferts peuvent être « temporairement » suspendus. En ce
domaine, l’expérience montre que le temporaire a parfois tendance à durer ; il n’est pas
rare que des transferts momentanément laissés en suspens, faute de devises, doivent
ensuite être ré-échelon-nés et consolidés à plus long-terme. La sécurité accordée à un
131

investisseur n’est pas contestable ; mais elle n’est pas à l’abri des décisions et des priorités
administratives.
15 Vu sous l’angle d’un Etat d’accueil, un engagement de stabilisation met à sa charge une
obligation qui peut s’avérer, avec le temps, plus ou moins pesante. Sans doute, sa portée
est limitée : hors du champ d’une Convention, un Etat demeure libre de modifier sa
législation selon ses besoins. Mais le poids de l’obligation contractée dépend beaucoup du
critère temporel qui a été fixé. Si une stabilisation juridique intervient au moment de
l’entrée en vigueur d’une Convention, et si sa durée n’a pas été déterminée, cela signifie
qu’un investissement de l’autre Partie, réalisé 20 ou 30 ans plus tard, continuera d’être
soumis à un régime juridique qui pourra être, par divers aspects, dépassé. Il existe dans ce
cas un risque de rigidité, qui est notablement réduit si la stabilisation convenue intervient
au moment de l’agrément d’un investissement, et si une limite temporelle est fixée. Ainsi
la Convention France-Maroc dispose que le régime de transfert applicable sera celui qui est
en vigueur au moment de l’agrément, et qu’il restera stabilisé pour cet investissement
pendant dix ans, avec un droit d’option de l’investisseur10. Quelle que soit l’appréciation
portée sur cette durée précise, l’intérêt de la règle mérite d’être retenu.

b) Le principe du libre transfert

16 Dans un nombre substantiel de Conventions, les Etats-parties reconnaissent le principe


du libre transfert, ou accordent le libre transfert, pour tout ou partie du capital investi et
de son produit11. Il s’agit là d’une norme directe et, historiquement, d’une notion
nouvelle. Dans les traités d’établissement postérieurs à 1945, l’accent a surtout été mis sur
l’atténuation des restrictions de change12. Au lieu d’une interdiction d’interdire, le
principe du libre transfert revêt une forme positive, et ne se réfère pas au droit interne.
17 Stipulée sans réserve, on doit considérer que la liberté de transfert s’oppose à toute
restriction, qu’elle soit quantitative ou temporelle. Les limites quantitatives sur certains
transferts, l’imposition de taxes ayant un effet restrictif, ou des exigences
d’échelonnement des paiements ne sont pas compatibles avec un régime de pleine liberté.
18 On serait tenté d’en déduire que le principe du libre-transfert vise purement et
simplement à l’élimination de toute restriction, de change ou autre, sur les opérations
concernées. Une conclusion aussi nette ne semble pas tout-à-fait justifiée, d’une part
parce que la liberté de transfert est généralement mentionnée sous la forme d’un
principe, et d’autre part parce qu’elle revêt, dans d’assez nombreux textes, une forme
conditionnelle.
19 En tant que principe, le libre-transfert ne préjuge pas de l’application de règles
particulières. Certains textes, telle la Convention Suisse-Indonésie, distinguent en ce sens la
norme, le libre transfert, et les « modalités techniques ou administratives » du transfert, qui
sont soumises au droit de l’Etat territorial13. Le principe ne dispense donc pas du respect
des procédures en vigueur dans l’Etat d’accueil, d’un contrôle éventuel sur la justification
du transfert en cause, ni d’un minimum de délais. Il reste, toutefois, que toute restriction,
portant atteinte à la substance des sommes transférables, est prohibée. Si l’on se réfère au
droit actuellement en vigueur dans de nombreux pays, y compris la plupart des pays
ayant souscrit à des Conventions bilatérales, l’obligation contractée n’est pas minime.
20 D’autres traités, comme la Convention Royaume-Uni-Singapour, retiennent le principe du
libre-transfert, mais en l’assortissant d’une exception14. En cas de « circonstances
financières ou économiques exceptionnelles », chaque Etat-partie conserve le droit d’exercer
132

les pouvoirs qui lui sont conférés par ses lois, de manière équitable. Autrement dit, en
période de grave crise financière avec l’étranger, certaines entorses pourraient être faites
à la liberté de transfert. Une telle exception fait figure de clause de sauvegarde ; la
prudence et le souci des intérêts nationaux qu’elle traduit sont évidents. Mais elle pose
aussi un problème de définition : qu’entend-on par des circonstances exceptionnelles, et à
quel Etat revient-il de déterminer si de telles circonstances existent ? Il ne fait pas de
doute que chaque Etat-partie en est le principal juge, pour son propre compte. Au vu des
contraintes de balance des paiements que de nombreux pays subissent, le principe du
libre transfert risque alors d’être vidé d’une part de sa substance, au moment même où
son effectivité sera mise à l’épreuve.
21 C’est pourquoi, lorsqu’une exception de ce genre est prévue, il paraît plus convaincant
qu’elle comprenne un engagement parallèle de coopération ou de consultation. En ce
sens, la Convention Royaume-Uni-Philippines excepte du libre transfert des mesures dues à
des circonstances de crise financière (au sens large), mais à condition qu’elles soient
compatibles avec les droits et obligations de l’Etat en cause en tant que membre du FMI 15.
Des mesures restrictives qui ne seraient pas acceptées par le Fonds contreviendraient à la
dérogation de la Convention bilatérale.
22 Enfin, il faut signaler que certaines Conventions garantissent le transfert des revenus et
du capital investi, mais en réservant la possibilité d’inclure des aménagements ou des
restrictions, cas par cas, dans des accords conclus entre un Etat-partie et un investisseur
de l’autre Partie, ou dans des documents d’admission. Il en va ainsi, par exemple, de la
Convention Allemagne-Corée16.

c) Le traitement de la nation la plus favorisée

23 A l’instar de certains traités d’établissement, quelques Conventions stipulent le


traitement n.p.f., couplé ou non au traitement national, pour les questions de transfert 17.
Ce régime, historiquement le plus traditionnel, paraît le moins intéressant. La majorité de
la doctrine s’accorde à constater la médiocre effectivité des normes indirectes en matière
de transfert18. La fonction des traitements n.p.f. et national est d’empêcher toute
discrimination fondée sur la nationalité. Or, si les restrictions de change ou de transfert
sont par essence discriminatoires, le critère de base d’une telle discrimination n’est pas la
nationalité, mais la résidence. Le traitement national ne fait pas obstacle aux restrictions
de transfert. Le traitement n.p.f. n’apparaît guère plus probant. En période de difficultés
de paiements avec l’étranger, une certaine sélection dans le paiement des créances est
normalement opérée par un Etat, en fonction des ressources disponibles en devises ; sa
licéité n’est pas contestée. Pour qu’une telle sélection devienne discriminatoire, au regard
du traitement n.p.f., il faudrait qu’un refus de transfert soit motivé par la nationalité du
créancier, sans considération financière légitime. Bien qu’elles soient concevables, des
situations de ce type ne semblent pas avoir été fréquentes19.
24 Il reste que, dans deux cas de figure au moins, le traitement n.p.f. n’est pas dénué
d’intérêt. Si le libre transfert a été convenu entre deux Etats-parties à une Convention
d’investissement, un Etat bénéficiaire d’une clause n.p.f. dans un autre traité pourra se
prévaloir du régime de liberté accordé. D’autre part, lorsque des taux de change multiples
sont pratiqués par un Etat, le traitement n.p.f. permet à un autre Etat de bénéficier du
taux le plus favorable. De fait, la mention du traitement n.p.f. dans des clauses de
transfert de Conventions apparaît surtout au niveau du système de change applicable.
133

25 En résumé, les régimes de transfert des Conventions ne peuvent être considérés comme
uniformes. Le premier, en renvoyant au droit de l’Etat d’accueil, implique que l’on prenne
en compte les législations nationales en la matière, et les buts qu’elles poursuivent. Le
second, le libre transfert, a plus retenu l’attention, de par notamment sa nouveauté. A son
sujet, F. A. Mann a émis un constat, et formulé une proposition. D’une part, il a relevé que
les clauses de libre transfert des Conventions « sont beaucoup moins modestes que les Articles
des Statuts du Fonds monétaire international »20. D’autre part, au titre du développement
progressif du droit international, il a proposé que l’on reconnaisse que ces clauses
peuvent conduire à l’acceptation d’un principe général de droit coutumier, selon lequel
un gouvernement qui a approuvé l’importation d’un capital est tenu d’approuver sa ré-
exportation21. Ces opinions seront analysées ci-dessous. Ce qu’elles signifient, à ce stade,
c’est qu’on ne peut se contenter de définir les régimes des Conventions sans les replacer
dans leur contexte.

Section I. Les régimes de transfert dans leur contexte


37. Les restrictions nationales de transfert

26 Il est d’un usage courant, lorsqu’on envisage les restrictions de type monétaire et
financier imposées par un Etat vis-à-vis de l’étranger, de se référer au « contrôle des
changes ». Le terme a pour lui le bénéfice de la tradition. Dans le cadre de notre étude, il
n’est cependant pas le mieux adapté, la question dépassant le cadre d’un débat
sémantique.
27 A la suite des organes directeurs du FMI, il est actuellement convenu d’opérer une
distinction entre les simples « contrôles » monétaires, et les restrictions de change. Ainsi,
l’obligation imposée dans de nombreux pays aux résidents de remettre les devises en leur
possession à la Banque centrale ou à un organe d’Etat est bien une mesure de contrôle des
changes, mais elle ne constitue pas une restriction. Ce dernier terme implique « une
limitation gouvernementale directe sur la disponibilité ou l’utilisation des changes en tant que tels
»22. La définition d’une restriction se fonde donc sur l’existence de mesures étatiques,
entraînant une limitation directe en matière d’utilisation des devises ; cette acception est
reconnue au-delà du cadre juridique du FMI.
28 En second lieu, les restrictions qui nous concernent ne sont pas toujours contenues dans
des réglementations monétaires. Les législations sur les investissements étrangers ont
généralement des dispositions spécifiques relatives aux transferts de dividendes, au
rapatriement du capital, ou aux possibilités d’emprunts à l’étranger. Les chevauchements
entre les divers instruments juridiques, réglementations monétaires, législations sur les
investissements et sur les transferts de technologie varient d’un pays à l’autre.
29 Il serait aléatoire, naturellement, de prétendre généraliser leurs dispositions ; de
l’examen de certaines d’entre elles, on dégagera trois objectifs, qui se retrouvent
fréquemment : un objectif de temporalité, un autre de proportionnalité, et un troisième
de sélectivité.
30 La dimension temporelle des restrictions de transfert est importante ; vu sous l’angle du
contrôle des changes, elle a souvent été la seule prise en considération23. En période de
grave pénurie de devises, un Etat est amené à restreindre les transferts entre résidents et
non-résidents, voire à les suspendre. De telles restrictions sont, en principe,
134

conjoncturelles. Les transferts résultant d’investissements étrangers sont fréquemment


les premiers affectés, parce que jugés non-prioritaires par rapport aux besoins
d’importation de certaines marchandises. Mais l’élément de temps intervient également à
plus long-terme ; ainsi, pour ne pas grever les réserves de devises, diverses législations
exigent que le rapatriement d’un capital se fasse par tranches, échelonnées sur plusieurs
années24.
31 Dans ce contexte, les restrictions ne portent pas atteinte, théoriquement, à la substance
des sommes transférables ; seul le moment du transfert est différé. Dans la pratique, cette
affirmation doit être nuancée. Dans certains cas, les fonds non-transférables sont versés
sur des comptes bloqués, ou d’attente ; suivant l’évolution de la conjoncture, ils peuvent y
demeurer pendant plusieurs années25. Dans le passé, certains systèmes de contrôle des
changes sont allés jusqu’à réputer éteinte la dette d’un débiteur résident envers un
créancier non-résident, dès lors que la somme due avait été versée sur un compte
inconvertible26. Au cours des dernières années, des résultats identiques ont parfois été
obtenus par le seul allongement des délais de transfert, sans recourir nécessairement aux
comptes bloqués. Selon un rapport du FMI, 42 pays-membres connaissaient en 1984 des
retards importants de paiement, qui n’étaient pas justifiés par des délais administratifs
normaux ; ce nombre n’était que de 13 en 197527.
32 De tels délais impliquent une indisponibilité des fonds ailleurs que dans l’Etat d’accueil.
Surtout, il faut tenir compte du jeu de la dépréciation monétaire, inévitable en cas de
crise de la balance des paiements. Il n’est pas exceptionnel, dans ces conditions, que les
sommes finalement transférées n’aient qu’un lointain rapport avec celles qui étaient
initialement prévues en monnaie étrangère.
33 Le but d’une seconde catégorie de restrictions paraît plutôt de chercher à retenir sur
place une proportion plus importante d’un investissement et de son produit. Il s’agit
d’abord de limites quantitatives imposées sur le montant des bénéfices ou du capital
rapatriables28. La notion de « bénéfices excessifs », par rapport à une rentabilité jugée
normale d’un investissement, a connu une certaine vogue. Depuis plus longtemps, il est
admis qu’un salarié expatrié, p.ex. un technicien d’une entreprise étrangère, ne peut
prétendre transférer à sa guise son revenu, de l’Etat de résidence à son Etat national ; de
nombreux pays exigent qu’une proportion de sa rémunération soit dépensée sur place, en
monnaie locale. Toute une panoplie de taxes sur les transferts joue un rôle restrictif du
même ordre : taxation des intérêts des emprunts internationaux, des profits versés à
l’étranger... Cet objectif de proportionnalité est justifié par des considérations de
diminution des coûts, et d’accroissement des avantages apportés par des investissements
étrangers au profit des Etats importateurs de capitaux. On le trouve légitimé, par exemple
dans la Résolution 1710 (XVI) de l’Assemblée générale des Nations Unies, ainsi que dans
des travaux de doctrine29.
34 Enfin, une troisième catégorie de mesures paraît poursuivre des objectifs qui sont avant
tout de sélection et d’orientation des investissements étrangers. Il en va ainsi des mesures
subordonnant le montant des transferts de revenus et de capitaux aux résultats
commerciaux obtenus par une entreprise étrangère, telles qu’elles apparaissent, entre
autres, dans les législations de l’Egypte, du Pakistan et de la Yougoslavie30. Autrement dit,
le versement à l’étranger de bénéfices ou de redevances doit provenir des devises gagnées
à l’exportation par l’entreprise elle-même. Le principe qui en est à la base est celui de
l’auto-suffisance en devises d’un investissement étranger.
135

35 Il nous faut maintenant réexaminer certaines règles des Conventions au regard des
restrictions nationales de transfert. Quel que soit le régime adopté, de nombreuses
Conventions s’attachent à préciser les conditions des transferts sur deux points
importants : les délais et les restrictions quantitatives.
36 En matière de délai, il est souvent mentionné que les transferts seront effectués « sans
retard », ou « sans retard injustifié »31. Ces termes doivent être analysés par rapport aux
délais courants des procédures de transfert. Dans divers textes, une limite temporelle de
deux mois est fixée32 ; de plus longs délais sont parfois prévus33.
37 D’autre part, il est précisé que les transferts auront lieu « sans restriction », ou « sans
restriction injustifiée »34. Si on les replace dans un contexte national, ces termes ne sont
pas des plus limpides. La Convention Belgique-Indonésie, par exemple, précise que les
transferts se feront « sans taxes ni frais autres que les frais bancaires usuels »35. Dans le même
sens, quelques Conventions disposent que les procédures de transfert seront appliquées
de manière équitable et de bonne foi36.
38 Quelles que soient les précisions apportées, la principale difficulté que pose la relation
entre le droit interne et le droit conventionnel se rapporte aux situations de crise de la
balance des paiements. Il ne fait pas de doute qu’un Etat a le droit de prendre des mesures
pour sauvegarder et restaurer ses finances extérieures. Malgré les progrès faits dans la
création de liquidités internationales, et dans les processus d’ajustement des balances des
paiements, des situations de crise aiguë ne sont pas devenues une rareté ; dans certains
pays, elles revêtent un caractère récurrent. Dans de tels cas, les intérêts et les droits de
l’Etat territorial apparaissent en contradiction avec le souci de protection, au sens large,
des intérêts d’un investisseur étranger. Il nous faut considérer de quelle manière les
Conventions résolvent cette contradiction.
39 Il ne semble pas qu’elle soit réellement résolue. En effet, la majorité des clauses de
transfert, qu’elles stipulent un renvoi au droit national, le traitement n.p.f., le libre
transfert avec une exception, ou qu’elles ne se prononcent pas, laissent le champ libre à
des mesures conservatoires qui ont, en général, un effet restrictif prononcé. Une solution
juridiquement équilibrée ne paraît pas avoir été trouvée.
40 A l’opposé, les clauses stipulant la liberté de transfert sous une forme inconditionnelle
entâchent d’une présomption d’illicéité toute mesure conservatoire prise par un Etat-
partie. On ne peut affirmer qu’elles assurent un équilibre juridique plus satisfaisant, sans
parler des doutes que l’on peut formuler quant à leur réalisme. En fait, la forme
inconditionnelle du libre transfert semble refléter une position de principe à l’encontre
de toute mesure restrictive dans le domaine monétaire. Sans grande surprise, on notera
qu’elle est affirmée avec le plus de netteté dans certaines Conventions conclues par la
Suisse37. Au-delà du constat de l’existence de restrictions nationales de transferts, il
convient donc de laisser une place à l’examen de leur légitimité.

38. L’équilibre de la balance des paiements

41 Les mesures et les relations juridiques étudiées sont, dans l’ensemble, fondées sur un
concept central, qui est l’équilibre de la balance des paiements. Celui-ci est avant tout de
nature économique. Sa place dans le contexte du transfert justifie une incursion à la
frontière de l’économie et du droit38.
136

42 Il convient de déterminer s’il existe un problème de transfert en matière


d’investissements étrangers. Il est certain, en effet, que le domaine du transfert est celui
où la spécificité du caractère étranger d’un investissement se manifeste le plus
ouvertement. Pour les investissements dits nationaux, la question ne se pose pas dans les
mêmes termes : les flux de bénéfices, de redevances, de remboursement d’emprunts ne se
traduisent pas par une conversion en monnaie étrangère, ni par un débit dans la balance
des paiements avec l’étranger. Or, pour certains auteurs, un problème du transfert existe
pour des pays fortement importateurs de capitaux, et il serait au centre des difficultés
liées aux investissements étrangers39. L’affaire n’est pas seulement théorique ; elle
influence profondément des réglementations. Il suffit de rappeler, à titre d’exemple, que
le Code andin sur les investissements étrangers allait jusqu’à faire dépendre la définition de la
nationalité d’un investisseur de sa renonciation à transférer les revenus et le capital d’un
investissement40.
43 Au niveau de l’analyse économique et des pratiques des Etats, les questions posées ont été
abordées de deux manières, sensiblement différentes. La première consiste à analyser
l’équilibre de la balance des paiements comme une fonction macro-économique,
découlant d’un processus d’ajustement global, lui-même mis en oeuvre à la fois par des
mécanismes automatiques et par des instruments de politique économique généraux.
Dans ce contexte, le problème du transfert est largement un faux-problème. La seconde
ligne de conduite, plus récente, et plus prononcée dans des pays importateurs de
capitaux, a été fondée sur une approche sectorielle des transferts dûs aux investissements
étrangers.

a) Le processus d’ajustement

44 Notre ambition n’est évidemment pas d’exposer en quelques lignes des questions
économiques fort complexes ; on s’en tiendra au strict nécessaire pour mieux
appréhender les règles étudiées. Il a été démontré, maintes fois, que l’équilibre de la
balance des paiements résultait d’une multiplicité de facteurs économiques, internes et
externes. Vu sous cet angle, les effets économiques d’un investissement étranger
s’étendent, peu ou prou, à l’ensemble des postes de la balance des paiements41 ; tenter de
les analyser isolément est un exercice scientifiquement stérile et équivoque.
45 Parmi les effets positifs qu’un investissement étranger entraîne, il faut tenir compte non
seulement des apports directs de capitaux, mais aussi des effets indirects : développement
des exportations, déplacement ou substitution d’importations, accroissement des revenus
locaux, fiscaux notamment, effets sur les prix internes. En contrepartie, des coûts directs
et indirects y sont associés : des sorties de devises dues au service d’un investissement,
des effets à la baisse sur les termes de l’échange, et des effets de contraction de la
demande globale interne. Si l’on essaie d’établir une relation avantages/coûts, le seul
critère cohérent est de déterminer si la productivité marginale d’un investissement sur
l’économie nationale est supérieure ou non aux coûts engendrés. Dans l’affirmative, ses
effets sur l’équilibre de la balance des paiements seront, selon toute probabilité, positifs.
46 L’intérêt fondamental de ces analyses est de démontrer que l’équilibre de la balance des
paiements est une fonction macro-économique, dynamique, et que les mesures
économiques et juridiques pour y parvenir ne peuvent être que globales42. Il est à noter,
toutefois, qu’elles ne sont pas toujours d’une grande précision. Plus des effets indirects
sont pris en compte, plus la marge d’indétermination de la relation avantages/coûts
137

s’accroît. A cela, il faut ajouter que les incertitudes augmentent en relation directe avec la
durée d’investissement envisagée. Si l’on cherche à prendre en compte l’ensemble des
effets d’un investissement étranger, et sur le long-terme, les conclusions deviennent
généralement conjecturales43.
47 En supposant qu’un déséquilibre accentué se produise dans la balance des paiements, des
mécanismes économiques de rééquilibrage entrent en jeu, ou, suivant les cas, les pouvoirs
publics disposent de trois instruments44 : la baisse du taux de change de la monnaie
nationale ; la réduction et la réorientation de la demande interne, notamment par une
politique fiscale et monétaire appropriée ; enfin l’imposition de restrictions de change.
48 La variation du taux de change permet, en principe, un rééquilibrage sans heurts de la
balance des paiements. C’est aussi le mécanisme le plus neutre dans ses effets, à
l’exception des cas de dévaluation compétitive. A terme, la théorie économique nous
enseigne que les rapports de change entre les monnaies tendent à s’aligner sur une parité
de pouvoir d’achat comparé. De là le recours croissant à ce mécanisme, qui a été consacré
par l’abandon d’un système de parité dans le second amendement aux Statuts du FMI 45.
Cependant, l’intérêt de taux de change flottants pour des pays en développement, et
importateurs de capitaux, continue de donner lieu à des débats entre spécialistes. On
notera que la majorité de ces pays ont choisi, au contraire, de lier leur monnaie nationale
à une monnaie-clé ou aux Droits de tirage spéciaux, une minorité ayant préféré des
arrangements flexibles46. Il existe des limites, et des difficultés, à l’ajustement par le
principal moyen du taux de change.
49 Tout programme de rééquilibrage d’une balance des paiements s’accompagne de mesures
plus ou moins draconiennes visant à réduire la demande interne. Ces mesures
comportent des coûts parfois substantiels pour la population concernée. Dans des pays en
développement, leur justification et leur efficacité sont périodiquement mises en doute,
d’une part au vu du faible niveau de revenu existant, et d’autre part parce que les
instruments monétaires et fiscaux agissant dans des pays industrialisés peuvent exercer
des effets différents, voire pervers, dans un contexte où les conditions fiscales et
monétaires sont fort peu semblables.
50 La plupart des pays, et non seulement en développement, ont donc recours aussi aux
restrictions de change. En période de crise, celles-ci ont l’avantage d’être un instrument
efficace, à effet rapide. Mais elles sont également porteuses de nombreux maux :
distorsions du marché, maintien de taux de change artificiels, incitation aux « fuites ». En
bref, les restrictions de change ne sont pas un remède sain du point de vue économique 47.
Au niveau international, les restrictions de change portent un préjudice aux partenaires
de l’économie en cause ; elles sont le contraire de mesures de coopération économique 48.
En outre, ce sont des mesures autoritaires et tatillonnes, propres à favoriser un certain
arbitraire administratif. Ces divers facteurs expliquent, entre autres, que les restrictions
de change n’aient jamais véritablement acquis droit de cité dans l’ordre international, en
dépit de leur prolifération au niveau national. Les règles pertinentes du FMI s’attachent à
les atténuer ; les clauses de transfert des Conventions bilatérales aussi.
51 Dans le cadre d’un processus global d’ajustement, on ne peut donc pas retenir la
légitimité d’un problème de transfert dû aux investissements étrangers.
138

b) L’approche sectorielle

52 Depuis les années 1960, les analyses précédentes se sont heurtées aux critiques
croissantes de gouvernements et d’experts. On leur a reproché d’être trop globales, et
donc d’éluder la question posée, qui est celle des coûts des investissements étrangers sur
les finances extérieures d’un pays. Elles seraient mal adaptées à la situation de pays en
développement. Plus prosaïquement, on doit considérer que certaines théories ont
manqué d’attrait face à la dure réalité des faits, c’est-à-dire à la pénurie chronique de
devises subie par nombre de pays.
53 On a donc cherché à appréhender les effets d’investissements étrangers sur la balance des
paiements par une approche sectorielle, en les isolant49. Des modèles économétriques ont
été élaborés, et des études empiriques menées dans certains pays importateurs de
capitaux. Il en ressort que les effets d’investissements étrangers ne sont pas
nécessairement positifs ; en fait, certains d’entre eux peuvent contribuer à créer un
déséquilibre dit structurel de la balance des paiements. Ainsi, selon un auteur, « Les coûts
les plus significatifs de l’investissement étranger tendent à être ceux qui sont associés aux
problèmes d’ajustement de la balance des paiements »50.
54 Dans cette optique, il existerait un problème de transfert pour des économies dont les
échanges commerciaux extérieurs sont de niveau modeste et peu diversifiés, et où le taux
de pénétration d’investissements étrangers est important.
55 Il règne cependant une certaine confusion quant aux dimensions légitimes du problème
analysé. Selon des critiques radicales, des investissements étrangers engendrent
nécessairement, à long-terme, un excédent des sorties de devises par rapport aux entrées
de capitaux. Il se produirait ainsi une « décapitalisation » des pays importateurs, alors
que ceux-ci manquent de capitaux51. L’argument se poursuit, en montrant que les flux
nets en sens inverse tendent à perpétuer une dépendance des pays pauvres envers des
pays industrialises, et que les fonds d’aide publique pour le développement servent pour
une bonne part à financer le service d’investissements privés en provenance des pays
donateurs.
56 Il est à noter que certaines corrélations, fréquemment établies, sont dénuées de valeur
scientifique. Ainsi, en retenant une période donnée (p.ex. une année), on compare parfois
le montant des apports de capitaux avec les sorties de revenus et de capitaux dues aux
investissements étrangers. Cette relation est dépourvue de signification ; elle reviendrait,
pour un individu, à comparer le coût des dettes qu’il a antérieurement contractées avec le
montant de ses nouveaux emprunts dans la période considérée52.
57 Il en va de même lorsqu’on compare le montant des apports, financiers et autres, et les
remboursements auxquels ils donnent lieu. Sauf les cas d’insolvabilité d’un débiteur, il est
difficile de concevoir qu’un prêt n’entraîne pas un remboursement supérieur au montant
prêté. La véritable question est de savoir si un emprunteur, avec la somme prêtée, obtient
un rendement supérieur au coût de remboursement des intérêts et du capital ; dans
l’affirmative, la dette contractée demeure profitable pour lui.
58 Si l’on écarte ces analyses, le problème du transfert se ramène à deux questions, l’une de
proportionnalité, l’autre de sélectivité.
59 La question de la proportionnalité a été développée surtout en relation avec les
investissements en participation53. En supposant un apport initial de 1000 unités, destiné
à créer ou à racheter une société locale, il est fréquent que les actifs de l’entreprise
139

croissent du fait de ses activités sur place, de recours aux crédits locaux, d’augmentations
internes du capital social, autant ou plus que du fait d’apports extérieurs. Situons-nous 30
années plus tard, en présumant que les activités de l’entreprise étrangère aient été dans
l’ensemble fructueuses. Des bénéfices sont régulièrement transférés vers l’Etat d’origine,
des capitaux sont éventuellement rapatriés ; leur montant se fonde sur l’ensemble du
capital, non sur les apports externes qui sont peut-être devenus une fraction minime des
actifs nets. Autrement dit, le capital social peut être de 100.000 unités, l’apport initial
n’ayant été que de 1000 unités. La question qui se pose est de déterminer sur quelle base
le droit au transfert doit être calculé : sur l’apport initial (1000 u.), sur le capital actuel
(100.000 u.), ou sur quelque mesure intermédiaire ? Du point de vue juridique, la question
est de savoir si les droits propres d’un actionnaire étranger (aux dividendes et au produit
de la liquidation d’un capital) incluent per se un droit au transfert sur la valeur
accumulée, ou si les droits de l’actionnaire doivent être distingués des rapports de
ressources monétaires entre les deux Etats. La question est récente ; elle apparaît au
travers des dispositions de certaines législations. En termes classiques, l’origine des
capitaux n’entrait pas en ligne de compte ; il allait sans doute de soi que si un actionnaire
avait droit à un certain bénéfice, ou à une certaine valeur en capital, ce droit incorporait
la conversion de ces sommes dans sa monnaie nationale, ou dans une autre monnaie
convertible. Actuellement, des pays importateurs de capitaux tendent à dissocier les deux
relations : les droits d’un actionnaire étranger sont une chose, le transfert et la
conversion en monnaie étrangère en sont une autre. Des Etats d’accueil ont établi un
rapport de proportion entre les apports en devises et en nature effectués, et le montant
des transferts correspondants. Une telle proportionnalité est approuvée par une partie de
la doctrine54.
60 La seconde question concerne la sélection des investissements étrangers, et leur
orientation. S’il est admis que certains investissements entraînent des coûts supérieurs
aux avantages obtenus, des gouvernements sont logiquement amenés à sélectionner les
investissements jugés bénéfiques, à écarter les investissements jugés trop coûteux, et à
prendre des mesures pour améliorer les relations avantages/coûts au profit des
économies d’accueil55. La notion d’auto-suffisance en devises d’investissements étrangers,
le développement d’entreprises conjointes alliant des capitaux domestiques et des
capitaux étrangers, le recul des investissements directs au profit d’agencements
contractuels complexes doivent être replacés dans ce contexte.
61 Il ne nous appartient pas de discuter de la valeur économique des mesures prises. Le point
important, pour notre étude, est de constater que ces questions liées au problème du
transfert exercent une profonde influence sur des législations nationales, et qu’elles
légitiment des restrictions sur la base de critères de proportionnalité et de sélectivité.
Comme on l’a noté, ces questions sont aussi d’origine récente, et elles paraissent fort peu
résolues dans l’ordre international. Dans l’état actuel des connaissances, il semble donc
difficile que la proposition formulée par Mann, selon laquelle un Etat ayant approuvé une
importation de capital serait tenu d’approuver toute ré-exportation, puisse bénéficier
d’une large acceptation56.
62 Au total, les effets d’investissements étrangers sur l’équilibre de la balance des paiements,
et la légitimation économique de certains instruments juridiques demeurent
passablement incertains et controversés. Il existe d’abord un problème de fait : prendre la
mesure des effets en cause, les comparer à d’autres éléments (échanges commerciaux,
sortie de capitaux domestiques etc.). Il ne semble pas y avoir d’accord sur la
140

quantification de ces éléments de fait, ni même sur la méthode à adopter pour y parvenir.
Il y a ensuite un problème lié au processus d’ajustement structurel. Les Etats exportateurs
de capitaux accordent la préférence aux instruments indirects, tels que les variations des
taux de change et les politiques fiscales et monétaires ; les restrictions directes sur les
transferts sont considérées avec une certaine répugnance. De nombreux pays en
développement font valoir, à l’opposé, qu’ils connaissent des problèmes d’ajustement
différents, et que le recours aux restrictions directes est pour eux inévitable57. Enfin, il
existe un problème sectoriel de transfert, d’origine récente, analysé en termes de
proportionnalité et de sélectivité.
63 On peut douter que les clauses de transfert des Conventions bilatérales apportent des
solutions à la mesure des problèmes posés. Nous examinerons si d’autres principes et
règles de droit international les abordent de manière plus approfondie. Entre temps, on
relèvera que la réalité économique internationale ne permet guère de se satisfaire des
solutions existantes ; il suffit de rappeler la croissance rapide des échanges compensés en
matière d’investissements étrangers58. Des apports en capitaux et en technologie sont
fréquemment rémunérés sous forme de produits. Aussi sophistiquées soient-elles, ces
opérations de compensation n’en constituent pas moins un retour à une certaine forme
de troc. Or, historiquement, la résurgence d’accords de troc a généralement été un signe
de fonctionnement défectueux d’un système monétaire et financier.

39. Les restrictions de transfert en droit coutumier

64 Les règles de transfert établies dans les Conventions d’investissement sont, à l’évidence,
dérogatoires du droit international général.
65 Selon la CPJI, « (...) c’est un principe généralement reconnu que tout Etat a le droit de déterminer
lui-même ses monnaies »59. Le célèbre dictum de l’Affaire concernant le paiement de divers
emprunts serbes émis en France constitue toujours la base du droit des gens en matière
monétaire. Il entre dans la compétence exclusive d’un Etat de définir son ou ses unités
monétaires, de leur donner cours légal, d’en fixer les taux de change, de valider ou non
des clauses de maintien de la valeur, telles que les clauses-or ; de réglementer, restreindre
voire interdire la conversion et les transferts avec des monnaies étrangères. Il a été
allégué que cette notion de la « souveraineté monétaire » correspondait à une conception
quelque peu autarcique des relations économiques internationales ; elle occulte l’autre
face de la médaille, à savoir qu’une monnaie a généralement un usage et des effets
internationaux, outre son usage territorial60. Le manque d’élaboration du droit coutumier
dans le domaine monétaire n’en demeure pas moins. Il est couramment expliqué par
l’absence de difficultés qui a prévalu pendant la longue période où l’étalon-or était en
vigueur.
66 Il y a peu à dire sur les principes de droit coutumier applicables aux restrictions de
transfert. Selon la formule lapidaire de Nussbaum, « le droit international public n’est pas un
obstacle aux restrictions de change »61. Les limites éventuelles de la compétence
discrétionnaire de l’Etat sont à rechercher dans le caractère confiscatoire de certaines
restrictions, dans l’application du principe de non-discrimination, voire au niveau d’un
droit de libre sortie de l’étranger.
67 Certaines restrictions de transfert peuvent représenter une forme de dépossession des
avoirs d’un investisseur étranger, et équivaloir à une expropriation de facto62. De prime
abord, les restrictions de transfert sont des mesures de police, n’ouvrant pas droit à
141

indemnisation. Il peut arriver, cependant, qu’elles soient détournées de leur but, et que
leurs effets soient identiques à ceux d’une expropriation sans indemnisation. Mais la
délimitation entre des restrictions licites et des mesures confiscatoires n’est pas des
mieux établies.
68 Avant 1945, la pratique diplomatique a présenté quelques cas où des restrictions étatiques
ont rendu sans valeur des créances de non-résidents. Leur caractère confiscatoire a été
invoqué à diverses reprises. La distinction de base paraît avoir reposé sur la différence
entre la répudiation de dettes, de nature confiscatoire, et les suspensions ou restrictions
temporaires, admises par le droit coutumier63.
69 Depuis la seconde guerre mondiale, la principale source disponible provient de décisions
de la Commission américaine pour le règlement des réclamations à l’étranger (Foreign
Claims Settlement Commission) ; rappelons qu’il ne s’agit pas d’une instance internationale,
mais d’un organisme créé par le législateur des Etats-Unis, et statuant inter alia sur la base
du droit international. De nombreuses réclamations lui furent présentées, notamment à
la suite des restrictions draconiennes de change établies par des Etats d’Europe de l’Est
après 1945. Ces restrictions incluaient le refus de transférer des fonds appartenant à des
ressortissants américains ; le blocage de fonds, pour une durée indéterminée ; des
dévaluations impressionnantes, réduisant à la portion congrue des avoirs liquides. Dans la
plupart des cas, le Tabar Claim faisant figure de précédent, la Commission s’est refusée à
admettre le caractère confiscatoire de telles mesures64. Des sommes peuvent être
bloquées, rendues inconvertibles ; les droits d’utilisation du propriétaire peuvent être
restreints, et limités à un usage territorial. Tant que le titre de propriété demeure, et qu’il
n’a pas été vidé de sa substance, il semble qu’on ne puisse pas invoquer une expropriation
de facto.
70 En revanche, la Commission américaine a qualifié de confiscatoires certaines mesures
dont les effets étaient d’annuler ou de transférer de facto un droit de propriété. Il en alla
ainsi lorsque des dépôts sur comptes bloqués furent supprimés par le législateur
tchécoslovaque en 195365. La Commission décida que la confiscation était intervenue à la
date de l’entrée en vigueur de la loi, et non à celle du blocage des fonds. De même, elle
admit le caractère confiscatoire de mesures quand elles ne se limitaient pas à restreindre
l’utilisation et la jouissance de fonds, mais aussi qu’elles le faisaient avec une rigueur telle
que ces restrictions entraînaient, de facto, une privation du droit de propriété66.
71 Une seconde limite à la souveraineté monétaire d’un Etat réside dans le principe de non-
discrimination. Certains auteurs ont préféré l’englober sous l’interdiction de l’abus de
droit67. Si l’application de la notion de discrimination est apparue incertaine en présence
d’une clause n.p.f., elle l’est plus encore en l’absence de disposition conventionnelle. Dans
quelques cas, le principe a été invoqué avec succès pour empêcher que des porteurs
d’obligations soient discriminés du seul fait de leur nationalité, et sans justification
d’ordre monétaire68.
72 Enfin, le droit de la condition des étrangers admet qu’un individu qui s’est acquitté envers
un Etat de séjour de ses obligations, fiscales et autres, ne saurait être retenu par la
contrainte sur le territoire de cet Etat. Il a le droit d’en sortir, et d’emporter avec lui ses
biens69. Il ne semble pas que la règle puisse être appliquée en l’état aux investissements
étrangers. Un droit de sortie du territoire, en l’occurence de rapatriement d’un capital, ne
pourrait être invoqué à rencontre de restrictions de transfert. Selon une autorité, l’Etat
national d’un investisseur n’aurait pas de titre pour l’exiger70.
142

73 En tenant compte des quelques exceptions mentionnées, l’opinion citée de Nussbaum


paraît donc refléter l’état du droit coutumier. Que l’objectif poursuivi soit de protéger des
investissements étrangers, ou qu’il soit d’organiser certaines relations monétaires entre
des Etats, le recours au droit conventionnel s’impose.

40. Le droit du Fonds monétaire international

74 Depuis 1945, les Statuts du FMI constituent le principal instrument juridique multilatéral
réglementant les restrictions de change71. La plupart des pays qui ont conclu des
Conventions d’investissement sont également membres du Fonds, à l’exception notable
de la Suisse. S’il fallait résumer en une phrase le droit du FMI sur le sujet, on dirait qu’il
laisse toute liberté aux Etats-membres de contrôler les transferts de capitaux, mais qu’il
interdit toute restriction sur les transactions internationales courantes ; la règle comporte
une importante exception, visant les restrictions de change dites transitoires.
75 Les clauses de transfert des Conventions bilatérales se réfèrent dans certains cas aux
dispositions du FMI, surtout pour définir le taux de change applicable. Quelques-unes le
font de manière plus générale, pour couvrir l’ensemble du régime du transfert ; ainsi, le
régime de la Convention Pays-Bas-Tanzanie reprend à la lettre la distinction des Statuts du
Fonds entre les transactions courantes et les transferts de capitaux, en y renvoyant72 ; le
libre transfert est stipulé pour les transactions courantes, non pour les transferts de
capitaux. En règle générale, les clauses des Conventions ont pour objet de confirmer,
compléter, ou suppléer aux règles du Fonds, qu’elles s’y réfèrent ou non. Il nous faut donc
préciser les règles applicables du droit du FMI, et établir la relation qui existe entre les
deux ordres juridiques.

a) Les règles de transfert des Statuts du FMI

76 Aux termes de l’Article VIII, Section 2(a) des Statuts du Fonds, « aucun membre n’imposera,
sans l’approbation du Fonds, de restrictions sur les paiements et transferts afférents à des
transactions internationales courantes »73. La portée de l’interdiction est considérable. Mais
elle est doublement qualifiée : avec l’approbation du FMI, des restrictions peuvent être
admises ; et la position des Etats-membres se prévalant des dispositions transitoires de
l’Article XIV demeure réservée. Le fameux Article VIII (2) (b) complète le dispositif, en
obligeant les Etats-membres à ne pas rendre « exécutoires » dans leur ordre juridique des
contrats contrevenant aux réglementations de contrôle des changes d’un autre Etat-
membre74. La Section 3 du même article interdit le recours à des pratiques monétaires
discriminatoires ou à des pratiques de taux de change multiples, avec sensiblement les
mêmes exceptions que celles mentionnées au sujet des restrictions sur les transactions
courantes.
77 Ces règles s’appliquent d’abord aux transactions dites courantes. Tout autre est le régime
applicable aux transferts de capitaux, défini dans l’Article VI des Statuts. Aux termes de la
Section 3 de cet article, « Les membres pourront prendre les mesures de contrôle nécessaires
pour réglementer les mouvements internationaux de capitaux »75. Les organes directeurs du
Fonds ont précisé, par une Décision subséquente, que la liberté laissée à chaque Etat
l’autorisait à introduire, maintenir ou modifier les restrictions qu’il jugerait appropriées
sur les transferts de capitaux76. Aucune limite n’est fixée quant à leur niveau et à leurs
modalités. L’interdiction des pratiques monétaires discriminatoires ne s’y applique pas.
143

Des restrictions peuvent être imposées « pour n’importe quelle raison », c’est-à-dire non
seulement pour des raisons de change, mais aussi pour filtrer des investissements
étrangers, retenir des capitaux nationaux, ou conduire la politique monétaire.
L’obligation de reconnaissance des contrôles, définie dans l’Article VIII (2) (b), s’applique
aux restrictions sur les transferts de capitaux77. De fait, en 1984, 108 parmi les 140 Etats-
membres du FMI maintenaient ouvertement des restrictions sur les transferts de capitaux
78.

78 Le contraste est net, entre l’interdiction des restrictions sur les transactions courantes, et
la liberté de restreindre les transferts de capitaux. Il faut rappeler que l’un des buts
primordiaux du FMI est d’« éliminer les restrictions de change qui entravent le développement
du commerce international »79. Si une priorité doit être établie, selon les Statuts, elle doit
être faite en faveur du commerce international, et des transactions monétaires
correspondantes ; la mobilité internationale des capitaux et des investissements n’a pas
été conçue comme prioritaire. Au contraire, il a été estimé que des restrictions sur les
transferts de capitaux étaient nécessaires pour permettre à chaque Etat de conduire sa
politique monétaire selon ses besoins, notamment pour définir ses taux d’intérêt 80. En
outre, en 1945, les mouvements de capitaux à court-terme, dits spéculatifs, étaient rendus
largement responsables de la débâcle des années 1930. Dans ce contexte, le contrôle des
transferts de capitaux avait été conçu comme un mal nécessaire ; il le demeure
aujourd’hui, certains experts, selon Gold, « mettant l’accent sur le mot “nécessaire” et d’autres
sur le mot “mal” »81.
79 Telles sont les règles de base du droit du FMI ; encore faut-il préciser ce qu’il convient
d’entendre par les termes transaction courante, transfert de capitaux, restrictions sur les
paiements et transferts, et quelle a été l’évolution du droit et de la pratique du Fonds en
ce domaine.
80 De prime abord, les transactions courantes correspondent aux paiements résultant du
commerce international. Les Statuts du FMI contiennent cependant une liste particulière
des transactions dites courantes, qui inclut des transactions usuellement classées parmi
les transferts de capitaux. Selon l’Article XXX (d), doivent être considérées comme
courantes des transactions telles que les paiements d’intérêts de prêts, les revenus nets
d’autres investissements, les paiements d’un montant modéré pour amortissement
d’emprunts ou d’investissements directs82. Cette dernière catégorie ferait entrer des
remboursements par tranches dans les transactions courantes, mais non le transfert d’un
seul bloc du produit de la liquidation d’un capital.
81 Cette délimitation peut sembler étrange, « arbitraire » même, selon une autorité83 ; elle
correspond à une volonté d’encourager certains investissements à l’étranger, en dépit de
la liberté de contrôle laissée sur les transferts de capitaux. Pour notre propos, tout Etat-
membre soumis aux obligations de l’Article VIII des Statuts ne peut restreindre les
transferts des bénéfices nets, des redevances, des intérêts d’emprunts, sauf approbation
du Fonds. Le régime du libre-transfert de Conventions bilatérales s’accorde sur ce point
avec le droit du FMI ; lorsqu’il s’étend aux transferts des capitaux proprement dits, le
droit bilatéral va sensiblement au-delà des obligations du Fonds, comme le constatait
Mann84.
82 Dans les Conventions bilatérales, le terme transfert est généralement utilisé à titre
unique. Dans le cadre du FMI, l’interdiction des restrictions s’applique à la fois aux
« paiements » et aux « transferts »85. Ainsi, une taxe sur des bénéfices destinés à des
actionnaires non-résidents peut être prélevée soit au moment du paiement du dividende,
144

soit au moment de la conversion en monnaie étrangère de ce dividende. Dans les deux


cas, selon le FMI, il s’agit d’une restriction de change. En règle générale, les Conventions
d’investissement ne se prononcent pas sur ce point.
83 D’autre part, on notera que l’interdiction de restrictions dans le droit du FMI vise les
paiements effectués à l’étranger, non les paiements reçus de l’étranger. En d’autres
termes, si un Etat d’accueil est tenu d’autoriser certains paiements et transferts, un Etat
d’origine demeure libre de prescrire à ses investisseurs de rapatrier les revenus, les
remboursements de prêts et les produits de la liquidation de capitaux86. Il n’est pas
exceptionnel qu’un Etat d’origine exige de tels rapatriements, tandis qu’un Etat d’accueil
maintient certaines restrictions sur des transferts. Soumis à deux régimes nationaux
contradictoires, un investisseur doit alors régler sa conduite sur le régime le plus
restrictif.
84 L’expérience historique accumulée depuis 1945 a infléchi sur divers aspects les règles
mentionnées. En premier lieu, la séparation des transactions courantes et des transferts
de capitaux ne s’est pas révélée des plus aisées ; dans la pratique, elle ne possède pas le
caractère tranché que les Statuts du Fonds lui ont prêté87. Ainsi, lorsqu’un exportateur
reçoit des fonds en paiement de marchandises, sur un compte bancaire à l’étranger, nous
sommes a priori en présence d’une transaction courante ; mais si ces fonds sont placés sur
un compte à terme, ou investis en valeurs mobilières, la transaction courante se
transforme en un transfert de capital. Il en résulte qu’il est difficile pour des autorités
monétaires de maintenir étanches un régime de liberté sur les transactions courantes et
un système de restrictions sur les transferts de capitaux88. Le maintien de restrictions sur
les capitaux entraîne des contrôles, sinon des restrictions, sur les paiements courants.
Inversement, lorsque des Etats se sont soumis aux obligations de l’Article VIII, ils ont été
amenés à alléger le régime des transferts de capitaux, au-delà de ce qui était parfois
prévu.
85 En second lieu, la majorité des Etats-membres du FMI ne sont pas liés par les obligations
de l’Article VIII ; selon des données récentes, 59 pays l’étaient, mais 87 autres se
prévalaient des dispositions, théoriquement transitoires, de l’Article XIV89. Parmi les pays
importateurs de capitaux signataires de Conventions bilatérales, quelques-uns, tels
d’Equateur, la Malaisie, Singapour ont accepté les obligations du Fonds concernant les
transactions courantes ; la grande majorité ne l’a pas fait. Aux termes de l’Article XIV, un
Etat-membre peut maintenir ou adapter des restrictions, y compris sur les transactions
courantes ; mais il ne peut introduire de nouvelles restrictions sans l’approbation du FMI.
Le recours aux pratiques de taux de change multiples est également autorisé.
86 Enfin, si les Statuts du FMI n’ont pas été amendés sur ces points depuis 1945, la pratique
de l’organisation s’est nettement orientée en faveur d’une libéralisation des transferts de
capitaux90. Les pouvoirs conférés au Fonds par les Statuts, qui auraient pu conduire à un
renforcement des contrôles, n’ont pas été exercés. Les ressources du FMI ont été mises à
la disposition de membres qui ont dû faire face à d’importantes sorties de capitaux.
Lorsque des accords de confirmation (Stand-by Agreements) sont conclus entre le Fonds et
des Etats-membres faisant appel à ses ressources, les lettres d’intention signées par ceux-
ci contiennent fréquemment des dispositions relatives au service des investissements
étrangers, et aux mesures d’ajustement projetées pour faire face à des transferts de
capitaux. Il est connu qu’une liaison de fait s’est développée entre le Fonds et
d’importants investisseurs privés, notamment les principales banques des pays
145

industrialisés. Les conditions posées par le FMI sont fréquemment devenues un préalable
au déblocage de prêts par des banques privées, ou à la renégociation de dettes.

b) La relation juridique entre les régimes bilatéraux et le droit du FMI

87 Nous nous trouvons donc en face de deux ordres juridiques portant, en partie, sur la
même matière ; leur relation s’analyse en termes d’application de traités successifs
portant sur la même matière.
88 La principale règle applicable est contenue dans l’Article 30 de la Convention de Vienne sur
le droit des traités91. Il en résulte que, là où une Convention se réfère au droit du FMI, les
dispositions de celui-ci l’emportent dans le domaine considéré. Si une Convention
s’abstient de toute référence au Fonds, le droit du FMI ne s’applique que dans la mesure
où ses dispositions sont compatibles avec celles de la Convention. Une clause de libre
transfert inconditionnel, s’étendant à la liquidation des capitaux, l’emporte donc sur les
dispositions de l’Article VI (3) des Statuts. Comme corollaire, on doit considérer que le
droit du FMI régit les aspects des restrictions de transfert sur lesquels une Convention ne
contient pas de disposition.
89 La Convention de Vienne lie les Etats qui l’ont ratifiée. La question de savoir si les
principes de l’Article 30 reflètent l’état du droit international général est autrement
délicate. Si tel n’était pas le cas, une solution alternative serait à rechercher à partir de la
prééminence du traité multilatéral sur le traité bilatéral. En ce sens, on s’est demandé si
le droit de contrôler les transferts de capitaux, reconnu dans l’Article VI (3) des Statuts du
Fonds, ne devaient pas l’emporter sur les règles contraires des traités bilatéraux92. Cette
solution ne nous semble pas pouvoir être retenue. En effet, il ressort de l’auto-
interprétation donnée par les organes directeurs du FMI que la liberté laissée aux Etats-
membre, aux termes de l’Article VI(3), inclut la faculté de prendre des engagements
libéralisant les transferts de capitaux, par des traités bilatéraux ou autrement93. La
prééminence en ce domaine des règles des Conventions d’investissement sur le droit du
FMI paraît peu contestable, dès lors qu’elles n’y renvoient pas.
90 Examinons maintenant le droit matériel des deux ordres juridiques, en ne retenant que le
principe du libre transfert par souci de simplification. Si un Etat importateur de capital
est soumis aux obligations de l’Article VIII, il existe une concordance notable en matière
de transactions courantes entre le droit du FMI et la Convention bilatérale. Si un Etat se
prévaut de l’Article XIV, et qu’il maintient des restrictions sur des transactions courantes,
notamment sur les revenus d’investissements, le principe de liberté d’une Convention est
plus favorable à un investisseur et à son Etat national que le régime du FMI.
91 En cas de crise de la balance des paiements, si une Convention se réfère au Fonds, il
revient à celui-ci d’approuver ou non certaines restrictions, la décision du FMI engageant
les Etats-parties à la Convention ; en l’absence de référence, le principe de liberté de la
Convention bilatérale garde toute sa validité. On peut alors concevoir une situation où des
restrictions temporaires seraient approuvées par le FMI, mais seraient illicites sous
l’empire d’une Convention.
92 En matière de transfert des capitaux investis, la liberté de transfert de Conventions
bilatérales est nettement plus avantageuse pour un investisseur et pour son Etat national
que le régime du FMI. Si un Etat d’accueil maintient des restrictions sur des transactions
courantes, notamment sur des transactions liées à des opérations commerciales, on peut
se trouver en face d’une situation où des transferts de capitaux étrangers seront exempts
146

de toute restriction, tandis que des opérations commerciales seront restreintes. Il y a là


une déviation notable par rapport à la priorité accordée au développement du commerce
dans les Statuts du FMI ; dans certains cas, l’ordre des priorités paraît inversé.
93 Tel est l’état du droit. De lege ferenda, on remarquera que les Conventions bilatérales
s’attachent principalement à protéger, au sens large, les investissements étrangers ; elles
manquent d’élaboration quant aux relations monétaires et financières entre les Etats
concernés. Mais le droit du FMI n’est pas, non plus, des plus élaborés en matière de
transfert de capitaux ; les Conventions viennent combler une lacune à ce sujet. Depuis
1972, à l’occasion des débats sur la réforme du système monétaire international, la
priorité décidée à Bretton Woods, qui a abouti à délaisser la réglementation des transferts
de capitaux, a fait l’objet de nombreuses critiques94. Il a été dit et redit qu’un système
monétaire et financier cohérent devait prendre en compte les mouvements de capitaux.
Les travaux du Comité des Vingt n’ont cependant pas débouché sur des changements
substantiels. Depuis 1975, un Comité du développement, établi conjointement par le FMI
et la BIRD, s’est vu confier la mission de stimuler les “transferts de ressources réelles”
vers les pays en développement95. Dans ce contexte, la question d’une réglementation
internationale portant sur les transferts de capitaux demeure largement ouverte.

Section II. Les catégories de transferts


94 Au sein du régime général défini dans une Convention d’investissement, les différentes
opérations peuvent être soumises à des conditions particulières de transfert, la gamme
des nuances dans les droits accordés étant variée.

41. Les revenus

95 Des définitions des revenus d’un investissement figurent dans nombre de Conventions,
mais elles ne sont pas homogènes. Dans le sens le plus étroit, la notion de revenus couvre
seulement les bénéfices nets rapportés par un investissement ; telle est la définition
donnée, par exemple, par la Convention Suisse-Singapour96. Dans un sens large, le terme
“revenus” inclut les bénéfices, les dividendes, les intérêts des emprunts, et les différentes
formes de rémunérations des droits de propriété intellectuelle (redevances, honoraires,
frais d’assistance technique et autres)97.
96 Dans les Conventions, les revenus bénéficient du régime le plus libéral. Le libre transfert
ou le droit national stabilisé s’applique généralement sans exception. Il arrive cependant
qu’une Convention ne contienne pas d’engagement précis en matière de revenus ; ainsi la
Convention France-Yougoslavie98.
97 En droit interne, les législations sur les investissements étrangers accordent
fréquemment un droit de transfert des revenus sans restrictions importantes. Le droit au
transfert s’applique aux bénéfices et revenus nets, c’est-à-dire après paiement des impôts
et taxes ; quelques Conventions le mentionnent99.
98 Certaines lois nationales fixent cependant des limites quantitatives sur le montant des
revenus transférables. La limitation des transferts de bénéfices demeure le fait d’une
minorité d’Etats ; là où elle existe, elle consiste le plus souvent à fixer un pourcentage de
bénéfices transférables par année, par rapport au capital investi100. Les pourcentages
admis semblent varier de 12 à plus de 20 pour cent par an. Le paiement des redevances et
147

des transferts de technologie fait l’objet de réglementations croissantes ; les transferts


dépassant un certain pourcentage des ventes réalisées sont parfois restreints. De même, il
est courant qu’un contrôle soit exercé sur les intérêts d’emprunts versés à l’étranger, par
comparaison avec les conditions du marché. Au lieu de limites quantitatives, diverses
législations possèdent un système de taxation progressive ; plus les revenus à transférer
sont élevés, plus les taxes applicables le sont également101. De telles taxes sont
assimilables à des restrictions de transfert ; elles ont un effet dissuasif, cherchant à inciter
des investisseurs à réinvestir dans l’économie d’accueil, et à réduire les débourses de
devises.
99 Les restrictions quantitatives et les taxes sur les revenus d’investissements étrangers sont
couramment justifiées par la volonté d’économiser des ressources rares en devises. Le
concept des “bénéfices excessifs” en rend compte ; il n’est pas dit, cependant, que les
effets de telles mesures soient en accord avec les buts poursuivis. Nous ne nous référons
plus à leur justification économique, mais à leur effectivité juridique. 11 paraît aléatoire
de prétendre définir ce qu’est un bénéfice non-excessif ; les conditions varient selon la
nature de l’investissement, son cycle de vie, la branche d’activité, la croissance de
l’économie en cause. Le critère d’une “rentabilité raisonnable” a été proposé102. Mais
celui-ci ne peut être fondé que sur une moyenne ; de ce point de vue, les données
disponibles semblent confirmer que la moyenne des transferts de revenus pratiqués en
l’absence de restrictions quantitatives ne dépasse guère les plafonds édictés par certains
Etats103.
100 En outre, les restrictions quantitatives sur les revenus ont fréquemment des effets
secondaires néfastes. Elles incitent des gestionnaires d’investissements à haut taux de
profit à transférer des fonds par d’autres biais, sous des formes déguisées. On aborde là la
question complexe dite des “prix de transfert” (transfer pricing)104. Que ce soit dans des
pays en développement ou dans des pays industrialisés, nombre de ces pratiques ne se
laissent pas réglementer. Les incitations à réinvestir dans une économie d’accueil sont
aussi une arme à double tranchant ; car si elles allègent momentanément la balance des
paiements, elles contribuent à augmenter la pénétration des investissements étrangers
dans l’économie d’accueil, et elles accroîssent, à terme, la base d’activités qui amènera des
transferts de plus en plus importants.
101 Si des bénéfices jugés excessifs sont obtenus par certains investissements, les motifs n’en
sont généralement pas étrangers aux conditions du marché. Dans cette optique, les sur-
protections douanières, les clauses d’accords mettant un investissement à l’abri de la
concurrence, nationale et étrangère, les exemptions et privilèges, fiscaux ou autres, ne
favorisent pas la fixation de bénéfices non-excessifs, qui seraient obtenus dans des
conditions de marché concurrentielles105.

42. Le remboursement des emprunts

102 Nombre de Conventions disposent que des investisseurs de l’autre Partie se verront
accorder le transfert, libre, stabilisé, ou autre, des emprunts contractés. Les problèmes
juridiques posés par les emprunts internationaux sont nombreux ; mais seul le risque du
transfert nous concerne ici. Du point de vue juridique, une distinction cardinale devrait
être effectuée entre les emprunts d’Etat et ceux contractés par des particuliers. Sauf
exception, les clauses de transfert des Conventions paraissent s’appliquer aux deux
catégories d’emprunts106.
148

103 Du fait de la généralisation des systèmes de contrôle des changes, le risque du transfert
est devenu l’un des risques majeurs qu’un prêteur doit affronter, qu’il s’agisse d’un
organisme bancaire ou non107. Dans la pratique, ce risque revêt plusieurs formes. Du fait
de restrictions de change plus ou moins temporaires, le transfert des intérêts d’un prêt, et
des remboursement partiels du principal peuvent être limités ou suspendus ; si le contrat
de prêt apparaît non-conforme à la réglementation des changes, il peut être réputé nul ou
invalide ; à l’extrême, il est arrivé qu’un débiteur résident puisse valablement s’acquitter
de sa dette, selon la loi nationale, par un paiement en monnaie locale.
104 Pour s’en prémunir, il importe en premier lieu qu’un emprunt reçoive l’autorisation
préalable des autorités monétaires. Cette condition figure dans diverses Conventions : le
transfert n’est accordé que pour les emprunts “régulièrement contractés”, “approuvés par le
contrôle des changes”, ou “reconnus comme des investissements” 108. Les emprunts qui ne
satisfont pas à cette condition ne bénéficient pas du régime conventionnel de transfert.
L’autorisation de l’Etat d’accueil permet de vérifier que l’emprunt en cause est dans
l’intérêt de l’économie nationale, et que ses modalités de remboursement sont conformes
aux pratiques du marché.
105 Mais l’octroi d’une autorisation préalable ne signifie pas que, le moment venu, des devises
seront mises ipso facto à la disposition d’un emprunteur. Diverses techniques
contractuelles ont été élaborées pour éviter qu’un emprunteur ne puisse faire face à ses
échéances en alléguant un refus d’octroi de devises par les autorités de son Etat de
résidence. Si le contrat de prêt n’est pas soumis à la loi de l’Etat d’accueil, ce qui est
fréquemment le cas, certaines clauses contractuelles précisent que le débiteur ne pourra
pas s’acquitter valablement de sa dette en monnaie locale109. Une autre solution pour un
organisme prêteur consiste à obtenir des garanties d’entités situées hors du territoire de
l’Etat d’accueil. Sans les détailler, on remarquera que ces techniques contractuelles ne
sont pas exemptes d’aléas juridiques, et, qu’en cas de différends, de longs délais sont
souvent nécessaires pour les résoudre.
106 Il existe une autre solution, considérée comme la plus sûre, et largement pratiquée par les
institutions financières internationales, privées ou publiques. Elle consiste à obtenir, au
moment de l’autorisation d’un emprunt, un engagement spécifique de l’Etat importateur
de capital, aux termes duquel il assurera la mise à disposition des devises pour le service
de l’emprunt et il autorisera leur transfert. Dans des contrats de prêt, les clauses de ce
type sont qualifiées de “clauses de transfert”110.
107 Un engagement pris dans une Convention bilatérale joue le même rôle qu’une clause
contractuelle de transfert, avec cette différence qu’il s’agit d’un engagement de droit
international111.
108 Il est à noter que certaines législations sur les investissements étrangers contiennent des
dispositions accordant une garantie d’Etat pour des emprunts contractés à l’étranger par
des investisseurs privés. Leur nature et leur portée varient d’un pays à l’autre. Il peut
s’agir d’une garantie limitée au transfert du service des emprunts, comme dans la
législation du Zaïre112. En droit interne, elle fait alors pendant aux clauses des
Conventions. Mais la garantie s’étend parfois au risque d’insolvabilité de l’emprunteur ;
ainsi dans la loi coréenne113. Si un emprunteur fait défaut, l’Etat d’accueil prend à sa
charge le remboursement de l’emprunt. Une telle garantie va au-delà des obligations
convenues dans des Conventions d’investissement.
149

43. Le produit de la liquidation du capital

109 Dans la majorité des cas, l’opération de liquidation d’un investissement se subdivise en
une cession, et en un transfert du capital liquidé. Les clauses de transfert des Conventions
paraissent s’appliquer à la seconde phase de l’opération, mais non à la première ; la vente
et la liquidation proprement dites entrent d’abord dans le champ des clauses de
traitement. Une liquidation peut être globale, si un investisseur se dessaisit de la totalité
de ses investissements dans un Etat d’accueil ; ou elle peut n’être que partielle. Nombre de
Conventions précisent que les mêmes règles de transfert seront applicables dans l’un et
l’autre cas114.
110 Les restrictions sur les transferts, ou les exceptions à la liberté de transfert, sont plus
nombreuses en ce domaine que pour le transfert des revenus ou du remboursement des
emprunts. Ainsi, la Convention Royaume-Uni-Egypte garantit le libre transfert des revenus,
mais elle soumet le transfert du capital liquidé à la compétence exclusive du droit de
l’Etat-partie concerné115. Les deux questions majeures qui apparaissent à ce sujet
concernent d’une part le montant du capital rapatriable, et d’autre part les délais de
transfert. Elles correspondent au concept de proportionnalité analysé précédemment, et
à la dimension temporelle qui est présente dans tout système de restrictions de change.
111 En ce qui concerne le montant du capital rapatriable, les Conventions d’investissement
font preuve d’une assez grande variété ; les législations nationales aussi. Dans certains
cas, l’Etat d’accueil s’abstient d’imposer une quelconque limite. Le capital rapatriable
comprend alors les apports en devises et en nature, les réinvestissements, et les plus-
values réalisées au moment de la liquidation. Diverses Conventions précisent que le droit
au transfert s’étend aux réinvestissements ou aux augmentations de capital, ainsi qu’aux
plus-values116. Quelques lois nationales, notamment la législation tunisienne, se
prononcent dans le même sens117. A l’autre extrême, le droit au transfert est limité au
capital importé et enregistré auprès de la Banque centrale ; ainsi dans la législation du
Soudan118. En l’absence de stipulation expresse dans une Convention, l’inclusion des
réinvestissements et des plus-values dans le montant du capital rapatriable demeure
incertaine119.
112 Entre ces deux solutions, il existe des possibilités intermédiaires. Ainsi la Convention
Allemagne-Zaïre garantit le transfert du capital investi, y compris les réinvestissements
effectués, mais en excepte les plus-values éventuelles120. Une autre formule rencontrée
consiste à autoriser le transfert du capital investi dans la même proportion qu’avait
l’apport initial vis-à-vis des actifs d’une entreprise au moment où un investissement a été
effectué121.
113 La seconde question a trait à l’échelonnement des transferts. Quelques Conventions
précisent que, si la situation de la balance des paiements l’exige, le transfert du capital
rapatriable pourra être échelonné122. Certaines législations, telles que celles de l’Egypte et
la République de Corée, contiennent des dispositions dans le même sens123.
114 En premier lieu, un laps de temps initial peut être requis entre le moment où
l’investissement est effectué, et le moment où le capital pourra être liquidé et transféré.
Un délai de deux ans est mentionné dans quelques Conventions124. Dans la législation
égyptienne, il est de cinq ans, avec des dérogations possibles. Ces dispositions paraissent
avant tout de nature à encourager les investissements productifs à long-terme, et à
décourager des investissements spéculatifs, ou trop hâtifs.
150

115 Dans d’autres Conventions, il est précisé que le transfert du capital liquidé pourra être
effectué par tranches. Un échelonnement sur cinq ans, par tranches d’un égal montant,
apparaît dans divers textes125. Les conditions de délai mentionnées ne portent pas
atteinte, de prime abord, à la valeur du montant transféré. Elles ont pour but d’alléger les
charges pesant sur la balance des paiements, et plus encore peut-être d’éviter des sorties
massives de capitaux étrangers en cas de conjoncture difficile. Cependant, elles ne sont
pas sans incidence sur la valeur transférée, calculée en monnaie étrangère, dans la
mesure où le taux de change applicable est généralement celui qui est en vigueur à la date
de chaque transfert.

44. La rémunération d’activités professionnelles

116 Les salaires et, plus généralement, les rémunérations du personnel étranger associé à un
investissement bénéficient rarement du niveau de liberté de transfert accordé aux
revenus du capital. Le personnel étranger est censé dépenser sur place une proportion
plus ou moins importante de ses revenus. On rappellera que l’Article XXX (d) des Statuts
du FMI inclut parmi les transactions courantes “les envois de fonds d’un montant modéré pour
charges familiales”, et que cet alinéa fut parmi les plus débattus à la Conférence de Bretton
Woods126.
117 Dans la plupart des Conventions qui en font mention, seul le transfert d’“une partie
adéquate” ou “raisonnable”, d’“une portion modérée”, d’“une quotité appropriée” des
rémunérations est autorisée127. Par leur imprécision, ces termes demandent que l’on se
réfère aux réglementations nationales en la matière. Celles-ci sont diverses ; mais une
autorisation de transfert correspondant à 50 pour cent de la rémunération semble assez
couramment admise. On retrouve ce pourcentage dans la Convention France-Syrie 128. En
droit interne, outre la définition d’un pourcentage, il n’est pas exceptionnel que des
limites quantitatives soient fixées.
118 Quelques Conventions conclues par la Suisse associent le transfert des dépenses de
personnel à celui des dépenses liées à la gestion d’un investissement129. Il est certain que
les dépenses de gestion sont, pour une part, des charges salariales ou similaires. Mais le
concept des dépenses de gestion apparaît plus large ; il pourrait inclure, par exemple, des
frais de transport du personnel étranger dans les montants transférables.
119 De plus, des dépenses de gestion ne sont pas nécessairement localisées sur le territoire de
l’Etat d’accueil ; il ressort clairement de quelques textes que les dépenses visées pourront
être encourues dans l’Etat d’origine ou dans un Etat tiers130. Cette disposition autorise
donc des opérations de compensation. Au sein d’entreprises multinationales, il est
fréquent que certaines dépenses encourues par la société-mère ou par une filiale, p.ex. en
matière administrative ou de recherche-développement, soient affectées en partie sur les
comptes d’autres filiales à l’étranger. Il s’opère ainsi une péréquation des charges
communes au sein d’un groupe de sociétés. Pour des raisons fiscales, monétaires ou
autres, de telles opérations de compensation sont fréquemment surveillées et
réglementées. Dans certaines Conventions, elles sont admises ; une lettre jointe à la
Convention Suisse-Egypte précise toutefois que des compensations ne seront autorisées que
si l’investissement en Egypte a produit des bénéfices, et dans les limites de leur montant
131.
151

45. Autorisation ou garantie

120 Les obligations de transfert sont caractérisées par une gamme de verbes assez variée ;
selon les Conventions, un Etat “permet”, “accorde”, “autorise”, “s’engage à autoriser”,
“assure”, “garantit” tel régime de transfert. L’interprétation de certaines nuances
verbales n’est pas toujours aisée ; dans le contexte de transferts financiers, il nous faut
cependant distinguer la notion de garantie des autres termes.
121 Si un Etat convient d’autoriser tel transfert, il prend un certain engagement à l’égard de
l’autre Partie, que l’on peut qualifier d’obligation de résultat. Lorsque le régime de
l’autorisation est soumis au droit national, et que celui-ci prévoit des mesures de
sauvegarde, on a mentionné que la conciliation des deux règles conventionnelles pourra
entraîner des difficultés132. Il faut examiner chaque cas d’espèce. Il est probable qu’une
suspension de certains transferts, clairement circonscrite dans le temps, ne sera pas
contraire à une telle clause de transfert ; mais le principe de base, celui de l’autorisation,
n’en demeure pas moins valide.
122 Toute autre est la question de la garantie. A propos du remboursement des emprunts, on
a vu apparaître deux types de garantie : une garantie de transfert, et une garantie de
remboursement plus conforme aux critères de droit privé133. Il est courant que des
Banques centrales accordent des garanties de transfert en d’autres domaines, pour le
transfert de bénéfices, de redevances ou de la liquidation d’un capital. Elles prennent
souvent la forme d’une lettre émise par l’autorité concernée, ou d’une clause insérée dans
un document contractuel. L’octroi de garanties de transfert est pratiqué tant par les pays
industrialisés que par les pays en développement.
123 La question qui se pose, dans le cadre des Conventions, est de savoir si un Etat se porte
garant envers l’autre Partie, ou s’il s’oblige à accorder une garantie aux investisseurs de
l’autre Partie pour les opérations couvertes par une clause de transfert. Il semble que la
garantie de transfert se situe surtout sur le plan du droit international, à l’égard de
l’autre Etat-partie ; sa violation engagerait d’emblée la responsabilité internationale de
l’Etat garant. Mais certaines formules ne permettent pas d’exclure qu’un engagement de
garantie de transfert soit pris par un Etat-partie envers des investisseurs de l’autre Partie
134
.

Section III. Les règles monétaires des transferts


124 Le régime monétaire des transferts n’a pas moins d’influence sur la rentabilité d’un
investissement que n’en ont les restrictions quantitatives. Si le taux de change applicable
aux transferts de revenus est délibérement sous-évalué, le montant perçu par un
investisseur, dans sa monnaie nationale, sera relativement amoindri ; l’effet est
équivalent à celui d’une taxe. En cas de sur-évaluation, l’effet produit est au contraire
celui d’une prime au transfert de revenus. De même, si la monnaie locale connaît une
dépréciation rapide, une augmentation substantielle des bénéfices dans cette monnaie ne
signifie pas pour autant un accroissement de la rentabilité d’un investissement. Il paraît
donc important de replacer certains concepts, précédemment analysés, dans le contexte
monétaire.
152

125 Les règles juridiques applicables aux relations monétaires sont contenues, au premier
chef, dans les Statuts du FMI. Les Conventions bilatérales y font fréquemment référence.
On rappellera que le droit du FMI a connu une profonde évolution, par suite de l’entrée en
vigueur, en 1978, du deuxième amendement à ses Statuts135. Le régime précédent était
défini comme l’étalon de change-or, la valeur d’une monnaie étant fixée au pair par
rapport à l’or ou au dollar des Etats-Unis, lui-même convertible en or. Le régime actuel
est caractérisé par une diversité des dispositions de change : certains Etats ont des taux
de change flexibles, selon les conditions du marché ; d’autres monnaies sont liées aux
Droits de tirage spéciaux (DTS) ou à une monnaie-clé ; d’autres pays enfin ont institué des
mécanismes de coopération monétaire, tel le Système monétaire européen.

46. Les taux de change

126 Lorsqu’un Etat maintient un système de change homogène entre sa monnaie et les
monnaies étrangères, la question est d’importance anodine, ou bien elle dépasse le cadre
de notre étude. Il en va autrement dans les cas où des pratiques de taux de change
multiples sont en vigueur. Selon le FMI, un tiers environ de ses membres maintenaient
des taux de change multiples au cours des années 1980136. Sur les 42 Etats impliqués, les
pratiques de 33 d’entre eux avaient reçu l’approbation du Fonds. Ces pratiques répondent
toutefois à des critères et à des motivations divers.
127 Selon un premier système, des taux de change distincts sont maintenus entre les
transactions courantes et les transferts de capitaux. Un double marché des changes
existe, de longue date, en Belgique et au Luxembourg ; par épisodes, des pays tels que la
France, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni y ont eu recours137. Son effet est
notamment de renchérir le coût des transferts de capitaux vers l’étranger ; le transfert de
la liquidation d’un capital, par exemple, subit une décote en monnaie étrangère par
rapport au taux pratiqué pour les transactions courantes. Cette pratique est conforme
aux règles du FMI ; un Etat-membre conserve le droit d’appliquer aux transferts de
capitaux des taux de change doubles ou multiples.
128 En ce sens, certaines Conventions stipulent que l’ensemble des transferts résultant
d’investissements seront soumis au taux en vigueur pour les transactions courantes138.
Par là, on a voulu éviter que des taux moins favorables ne soient appliqués aux transferts
de capitaux. Logiquement, des Conventions conclues par la Belgique contiennent une
disposition en sens inverse ; ainsi la Convention Belgique-Corée dispose que les transferts
seront effectués “en vertu de la réglementation de change en vigueur selon les catégories
d’opérations”139.
129 Selon un autre système, un Etat-membre du FMI peut être autorisé à maintenir des taux
multiples pour les transactions courantes, au titre des dispositions transitoires de
l’Article XIV. Ainsi, la Roumanie avait en 1981 26 taux de change applicables aux seules
exportations140. Lorsqu’une Convention prévoit que le taux des transactions courantes, ou
que le taux officiel, sera applicable, on peut se demander à quel taux il est fait référence 141
.
130 Depuis 1978, de nouvelles pratiques de taux multiples ont été instaurées, du fait
notamment de l’abandon de l’obligation imposée aux Etats-membres du FMI de maintenir
les taux sur leurs marchés des changes dans une marge de fluctuation étroite par rapport
au taux officiel. Il en résulte des différences de taux entre des marchés dits officiels et des
marchés dits libres, ces derniers correspondant à une légalisation de marchés
153

précédemment qualifiés de “marchés noirs” dans nombre de pays. Selon des proportions
variables, les taux officiels s’appliquent aux transactions du secteur public et/ou au
commerce de produits prioritaires, le marché libre traitant des autres transactions.
Lorsqu’une Convention stipule que le taux applicable sera le taux officiel, elle permet aux
investisseurs concernés de profiter des sur-évaluations officielles de monnaies locales, et
donc d’accroître les transferts, calculés en monnaie étrangère. Mais des mentions en sens
inverse se retrouvent également dans d’autres Conventions ; le taux applicable sera celui
du marché ou, selon une formule ambiguë, celui normalement pratiqué par les banques
de chaque Etat142.
131 Avant que les bouleversements monétaires des années 1971-73 ne se soient produits,
quelques Etats signataires de Conventions avaient prudemment envisagé la possibilité
d’un abandon des systèmes de parité. Certaines clauses prévoient que dans cette
éventualité le taux de change applicable à tous les transferts sera le taux officiel par
rapport au dollar des Etats-Unis, ou encore au cours de l’or. Si aucun taux de change ne
peut être déterminé, que ce soit dans le cadre du FMI, par rapport à FUS dollar ou à l’or,
des Conventions disposent qu’un “taux juste et équitable” sera convenu entre les
autorités concernées143. Dans ce contexte, le traitement n.p.f. est aussi mentionné.
132 Le moment où le taux de change doit être déterminé est, en règle générale, la date du
transfert. Certaines Conventions, cependant, prévoient qu’un taux de change pourra être
défini par accord entre l’Etat et l’investisseur concernés144. De tels accords permettent de
diminuer les aléas résultant de fortes variations des taux de change. Ils comportent aussi
un risque, celui de voir le taux de change contractuel se démarquer trop profondément
des conditions du marché, et donc devenir, à terme, artificiel.

47. La monnaie de paiement

133 En l’absence de stipulation expresse, il est concevable que des devises remises à un
investisseur soient en une monnaie partiellement inconvertible ou, pour reprendre la
terminologie actuellement employée, en une monnaie qui ne soit pas librement utilisable
145.

134 Dans certaines Conventions, il est prévu que les transferts seront effectués dans la
monnaie qui a été utilisée pour l’investissement initial ; la formule préserve une certaine
souplesse, car il ne s’agit pas nécessairement de la monnaie de l’autre Partie146. Un second
type de dispositions stipule que les transferts auront lieu dans n’importe quelle monnaie
convertible147. Il est parfois précisé que le choix de la monnaie se fera alors par accord
entre l’Etat et l’investisseur.

48. La question du maintien de la valeur d’un investissement

135 Le principe nominaliste est reconnu par le droit international général, aussi bien que par
les droits nationaux. Il en résulte que tout Etat peut dévaluer sa monnaie, ou la laisser se
déprécier, sans engager sa responsabilité. En sens opposé, des créanciers étrangers ne
possèdent pas de droit à ce que leurs créances soient revalorisées, fussent-elles fortement
réduites par la baisse de la valeur de la monnaie de l’Etat en cause148. L’unanimité qui est
aujourd’hui réalisée sur ces points dispense de s’y appesantir.
154

136 En matière d’investissements étrangers, la situation se présente différemment entre


d’une part les investissements en propriété ou en participation, et d’autre part les
différentes techniques contractuelles d’investissement.
137 Dans le cas d’investissements en participation, l’entreprise étrangère est soumise aux
aléas monétaires de l’Etat d’accueil. La valeur des actifs et celle des revenus se mesurent
en monnaie de l’Etat territorial. Le risque monétaire est d’autant plus accentué que la
période d’investissement est longue.
138 On a mentionné précédemment149 les débats qui opposent les partisans de processus
dynamiques d’ajustement et ceux qui revendiquent une certaine proportionnalité dans la
répartition des produits des investissements étrangers. On a vu que des Conventions
d’investissement, et des législations nationales, portent les marques de ces conceptions
différentes. Il nous semble important, à ce stade, de situer ces éléments dans le contexte
monétaire. Au cours des années 1960-1970, les investissements en participation ont
fréquemment été décriés par des Etats importateurs de capitaux ; ils ont été jugés trop
coûteux pour les économies d’accueil ; les bénéfices transférés ont été qualifiés
d’excessifs ; au nom de l’équité, des restrictions quantitatives sur des transferts ont été
édictées. Nous ne nous prononcerons pas sur le caractère équitable de certaines mesures ;
nous voulons seulement relever que les relations monétaires et les fluctuations de
change, par bien des aspects, défient l’équité. Nolens volens, la valeur d’un investissement
étranger ne se calcule pas seulement dans la monnaie de l’Etat d’accueil ; si la monnaie de
l’Etat importateur de capital se déprécie rapidement par rapport à des monnaies
étrangères, des bénéfices dits excessifs en monnaie locale peuvent se convertir en des
revenus médiocres dans la monnaie d’un autre Etat. Il en va de même pour la valeur d’un
capital.
139 A l’encontre des investissements en participation, jugés trop coûteux par certains, trop
exposés au risque d’expropriation par d’autres, on a fait valoir les avantages des
techniques contractuelles d’investissement. Leur coût pour l’Etat d’accueil est mesurable ;
leur durée est déterminée ; leur souplesse d’utilisation est plus grande, etc. De fait, les
investissements qui ne sont pas en participation (non-equity investments) ont connu un
essor considérable au cours des années passées. D’un point de vue monétaire, il n’est pas
dit cependant que les investissements contractuels soient plus avantageux pour les Etats
importateurs de capitaux que des investissements en participation150. Car la monnaie, de
compte et de paiement, du contrat est rarement la monnaie de l’Etat d’accueil. Ceci
implique que les apports étrangers, que ce soit en capital, en technologie, ou autres,
donnent directement lieu à des remboursements en monnaie étrangère. Ce n’est pas le
cas pour les investissements en participation ou en propriété. Du point de vue des
investisseurs, les techniques contractuelles offrent de plus solides garanties de maintien
de la valeur, la monnaie du contrat se trouvant à l’abri des dépréciations monétaires de
l’Etat importateur de capital. A cela, il convient d’ajouter les clauses de maintien de la
valeur proprement dites (clauses de change, unités de compte composites, clauses
d’index...), là où elles sont praticables151.

***

140 Les règles de droit analysées dans ce chapitre ne ressortissent pas, ou si peu, à la
condition et à la protection des étrangers, telles que le droit coutumier l’entend. Elles se
situent sur le seul plan du droit conventionnel.
155

141 Le domaine du transfert nous a amené à examiner les investissements étrangers sous un
angle particulier, celui des transferts de capitaux. Il s’est avéré que les conditions
juridiques et économiques d’investissements dépendent de diverses manières des
relations monétaires et financières entre Etats. A l’inverse, les flux d’investissement
exercent une influence sur ces relations monétaires et financières. Cet aspect revêt une
grande importance. Il faut souligner, cependant, qu’il est couramment occulté lorsqu’on
ne considère la notion d’investissement que sous l’angle de biens étrangers.
142 Les Conventions bilatérales confèrent aux investissements concernés une protection, qui
est une protection de droit conventionnel. Il est clair que les droits accordés sont
essentiels pour les investisseurs, que ce soit du point de vue de la sécurité juridique ou du
point de vue de la rentabilité financière d’une opération. Le niveau et les modalités de
cette protection ne sont pas identiques d’une Convention à l’autre. Là où un principe
inconditionnel de liberté de transfert est stipulé, et là où il couvre l’ensemble des
opérations de transfert, la protection peut être qualifiée de maximum. Selon le régime du
traité, un investisseur de l’autre Partie se trouve exempté des restrictions de transfert en
vigueur dans l’Etat d’accueil. La liberté inconditionnelle de transfert repose toutefois sur
une conception considérant comme nocive toute restriction de change ; actuellement,
cette conception n’est acceptée que par une faible minorité d’Etats. Les autres régimes de
transfert tentent de concilier la protection des investissements et les droits des Etats
d’accueil, de réglementer et de protéger leurs monnaies, y compris par des mesures
restrictives. Diverses remarques ont été faites sur l’intérêt de ces tentatives de
conciliation, et sur les difficultés juridiques qui leur sont inhérentes ; dans l’ensemble, les
clauses des Conventions entrainent cependant une libéralisation importante des
transferts inverses, par rapport aux législations nationales.
143 L’objet des Conventions n’est pas de réglementer en profondeur des relations monétaires
et financières entre des Etats ; mais ces relations ont été omniprésentes dans l’examen
des règles posées. Il est apparu que certains concepts, tels que l’équilibre de la balance des
paiements, le processus d’ajustement, des critères de proportion et de sélection, sont
essentiels pour analyser ces règles. Si l’on considère comme légitime d’établir une
certaine proportion entre les ressources d’investissements qui sont retenues dans un Etat
d’accueil et celles qui peuvent être rapatriées vers un Etat d’origine, la relation en cause
est d’abord une relation financière entre deux Etats ; elle entraîne aussi des effets directs
sur les droits conférés à un investisseur, et sur leur protection.
144 Selon un courant d’opinion, l’approfondissement de cette relation économique serait
actuellement une question-clé pour résoudre certaines difficultés juridiques liées à la
protection des investissements étrangers.
145 Dans ce contexte, on a relevé que le droit conventionnel relatif aux transferts de capitaux
demeure dans un état assez rudimentaire. Ceci vaut pour le droit multilatéral ; la
réglementation des transferts de capitaux a été largement délaissée dans les Statuts du
FMI bien que, dans sa pratique, l’organisation ait été amenée à en traiter. La même
conclusion ressort de l’examen des Conventions d’investissement. Même si celles-ci
viennent combler une lacune dans le droit multilatéral, on ne saurait prétendre qu’elles
le fassent de manière approfondie. Ces constatations ouvrent sans doute des perspectives
de développement du droit conventionnel en la matière.
156

NOTES
1. La jurisprudence internationale relative aux systèmes de contrôle des changes reste des plus
clairsemées. Dans l’« Affaire relative aux droits des ressortissants des Etats-Unis d’Amérique au
Maroc », la CIJ a consacré une seule phrase, peu concluante, à la question, CIJ, Recueil 1952, p. 176,
à la p. 186. Sur la pratique diplomatique, cf. Répertoire suisse, v. II, p. 686 ; KISS, Répertoire, v. IV, p.
188, 220, 255 ; HACKWORTH , Digest, v. II, p. 68, v. V, p. 616 ; WHITEMAN, Digest, v. 14 p. 519, 529. En
doctrine, on se référera not. à MANN, The Legal Aspect of Money, Oxford, Clarendon Press, 3rd ed.
(1971) ; Id., « Money in Public International Law », RC, v. 96 (1959-1), pp. 1-128 ; NUSSBAUM , Money
in the Law - National and International, Brooklyn, The Foundation Press (1950) ; SHUSTER, The Public
International Law of Money, Oxford, Clarendon Press (1973) ; CARREAU , Souveraineté et coopération
monétaire internationale, Paris, Cujas (1970) ; DELAUME, Legal Aspects of International Lending and
Economic Development Financing, Dobbs Ferry, Oceana (1967) ; VAN HECKE, Problèmes juridiques des
emprunts internationaux, Bibliotheca Visseriana, v. XXXV Leyde, Brill, 2 e ed. (1964) : JASINSKY,
Régime juridique de la libre circulation des capitaux, Paris, LGDJ (1967) ; FAWCETT, « Trade and Finance
in International Law », RC, v. 123 (1968-I), pp. 215-310 ; METZGER, « Exchange Controls and
International Law », University of Illinois Law Forum (1959), pp. 311-27. Sur les clauses de transfert
des Conventions conclues par l’Allemagne, cf. KRISHNA, « Exchange Controls under West German
Treaties for the Protection of Private Foreign Investment », The Australian Yearbook of International
Law, v. 1 (1965), pp. 71-83.
2. OECD, Draft Convention, art. 4, ILM, v. 2 (1963), p. 253. Dans son Opinion N° 39 (1963) sur le
Projet de l’OCDE, le Conseil de l’Europe commentait : « In this context, the Assembly notes with
regret that the freedom of transfers of the current income from invested property is not dealt
with in the Convention on an obligatory basis », ILM, v. 3 (1964), p. 139. Contra, G.
Schwarzenberger y voyait le signe de la compatibilité entre la protection de la propriété
étrangère et l’application de restrictions de change « bona fide », cf. « Foreign Investments... »,
op.cit. (1969), p. 165.
3. On se reportera aux sources suivantes : Statuts du Fonds monétaire international, Washington, FMI
(1978) (ci-après « Statuts ») ; Selected Decisions of the International Monetary Fund and Selected
Documents, Washington, IMF 8th Issue (1976) (ci-après « Selected Decisions ») ; IMF, Annual
Report on Exchange Arrangements and Exchange Restrictions, Washington, IMF (1979—) (ci-après
« Report on Exchange »). Les documents de base concernant l’évolution du FMI apparaissent in
The International Monetary Fund 1945-1965 (by J. Keith Horsefield), Washington, IMF, 2 vol. (1969) ;
et The International Monetary Fund 1966-1971 (by Margaret Garritsen de Vries), Washington, IMF, 2
vol. (1976). Outre les ref. citées supra n. 1, cf. aussi sur le droit du FMI et les restrictions relatives
aux transferts de capitaux, LAZAR, Transnational Economic and Monetary Law, Dobbs Ferry, Oceana, 5
vol. (1977—) ; GOLD, « International Capital Movements under the Law of the International
Monetary Fund », Washington, IMF, Pamphlet Series, N° 21 (1977) ; Id., « The International
Monetary Fund and Private Business Transactions », Washington, IMF, Pamphlet Series, N° 3
(1965) ; AUFRICHT, « Exchange Restrictions under the Fund Agreement », JWTL, v. 2 (1968), pp.
297-323 ; EVANS, « Current and Capital Transactions : How the Fund Defines Them », Finance and
Development (1968/3), pp. 30-5.
4. Conv. Suède-Chine, art. 4 : « Each Contracting Party shall, subject to its laws and regulations,
allow without undue delay the transfer in any convertible currency of (...) » ; dans le même sens,
cf. p.ex. Conv. Pays-Bas-Malaisie, art. IX(1) ; Suisse-Mauritanie, art. 6.
157

5. Cf. not. Conv. Royaume-Uni-Egypte, art. 6 ; et infra, n. 115.


6. Conv. Belgique-Maroc, art. 2 : « Les Parties Contractantes s’engagent à autoriser
conformément à la réglementation édictée en exécution de la législation en vigueur dans leur
pays au moment de la réalisation de chaque investissement ou de toute autre législation plus
favorable qui pourrait être promulguée à l’avenir ou de règlements intervenant entre les deux
Parties, le transfert (...) » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Pays-Bas-Sénégal, art. 4 ; Suisse-
Tunisie, art. 2.
7. Pour une stabilisation au jour de l’agrément, cf. p.ex. Conv. France-Maroc, art. 6 ; et au jour de
l’entrée en vigueur de la Convention, cf. Conv. Suisse-Tunisie, art. 2 ; adde le Message
correspondant du Conseil fédéral suisse in FF (1962-I), p. 635 ; d’autres textes ne permettent pas
de se prononcer sur le moment de la stabilisation, cf. p.ex. Conv. Pays-Bas-Cameroun, art. 5.
8. Conv. Pays-Bas-Yougoslavie, Exchange of Notes Nr. I-II.
9. Sur ce point, cf. PREISWERK, « New Developments... », loc. cit. (1967), p. 190.
10. Conv. France-Maroc, art. 6 : « (...) Le régime juridique régissant ce transfert est celui qui est
en vigueur au moment de l’agrément pour les transferts effectués pendant une période de dix
ans à partir de la date d’agrément de l’investissement. Toutefois, l’investisseur pourra, sur sa
demande, bénéficier du régime en vigueur au moment de la réalisation du transfert ».
11. Conv. Allemagne-Indonésie, art. 4 : « Either Contracting Party shall in respect of investments
guarantee to nationals or companies of the other Contracting Party the free transfer of the
capital, of the returns from it and, in the event of liquidation, of the proceeds from such
liquidation » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Belgique-Egypte, art. 4 ; France-Malte, art. 7(1) ;
Pays-Bas-Thaïlande, art. VIII(l) ; Royaume-Uni-Roumanie, art. 5 ; Suisse-Equateur, art. 2.
12. De récents traités de commerce conclus par les Etats-Unis contenaient des dispositions visant
à atténuer les effets des restrictions de change, mais avec diverses exceptions, cf. p.ex. Etats-
Unis-Thaïlande, « Treaty of Amity and Economic Relations », art. VIII(1), ILM, v. 5 (1966), p. 882.
Selon R. Preiswerk, « le champ d’application des exceptions est tellement vaste que l’interdiction
perd sa raison d’être », « La protection... », op. cit. (1963), p. 145. De même, R. Krishna notait que
le régime de liberté des Conventions conclues par l’Allemagne (là où il est stipulé) est plus
favorable aux investisseurs et à leur Etat national que les clauses des traités américains, Loc. cit.
(1965), p. 75. On notera que la Conv. Etats-Unis-Egypte recourt à la notion du libre-transfert, art.
V(l), mais avec une réserve, Protocol (6).
13. Conv. Suisse-Indonésie, art. 5 : « (1) Chaque Partie Contractante (...) accordera à ces
ressortissants ou sociétés le libre transfert. (2) Les modalités techniques ou administratives d’un
tel transfert sont soumises à la législation ou aux ordonnances et règlements en vigueur sur le
territoire dans lequel l’investissement a été effectué » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. France-
Roumanie, art. 7.
14. Conv. Royaume-Uni-Singapour, art. 6 : « Each Contracting Party shall, in respect of
investments, guarantee to nationals and companies of the other Contracting Party the free
transfer of their capital and of the returns from it, subject to the right of each Contracting Party
in exceptional financial or economic circumstances to exercise equitably and in good faith
powers conferred by its laws » ; cette exception est courante dans les Conventions conclues par le
Royaume-Uni ; cf. de même Conv. Allemagne-Inde, par. (1) (a).
15. Conv. Royaume-Uni-Philippines, art. VII(1) : « Each Contracting Party shall in respect of
investments permit nationals or companies of the other Contracting Party the free transfer of
their capital and of the earnings from it, subject to the right of the former Contracting Party to
impose equitably and in good faith such measures as may be necessary to safeguard the integrity
and independence of its currency, its external financial position and balance of payments,
consistent with its rights and obligations as a member of the International Monetary Fund ». La
Conv. Allemagne-Inde, par. (1) (c) prévoit que des consultations entre les deux Etats auront lieu
en cas de restrictions sur les transferts.
158

16. Dans son art. 4, la Convention Allemagne-Corée garantit le transfert des revenus et du
capital ; mais le Protocole additionnel, par. (6), réserve la possibilité d’inclure dans les documents
d’admission d’investissements des restrictions. Dans de tels cas, les transferts minima suivants
restent garantis par la Convention : les revenus à concurrence de 20 % par an de la valeur d’un
investissement ; et le capital, à raison de 20 % par an du produit de la liquidation, avec une
impossibilité de transfert pendant les deux premières années suivant l’admission. Réservant de
même la possibilité de mentions particulières dans les documents d’agrément, cf. p.ex. Conv.
France-Indonésie, Echange de lettres.
17. Cf. p.ex. Conv. Japon-Egypte, art. 8 ; Suède-Malaisie, art. 4 (2). La Conv. Belgique-Corée, entre
autres, cumule le traitement n.p.f. (art. 4(3)) et le libre-transfert (art. 4(1)) ; et, de nouveau le
traitement n.p.f. en ce qui concerne le taux de change applicable (art. 6(2)).
18. Les traités de commerce et d’établissement antérieurs aux années 1950 stipulaient
fréquemment les traitements n.p.f. et national par rapport aux restrictions de change ; leur
effectivité dans ce contexte est toute relative, cf. not. NUSSBAUM , op. cit. (1950), pp. 475, 513-4 ;
MANN, op. cit. (1971), pp. 546-8 ; SHUSTER, op. cit. (1973), pp. 311-6 ; METZGER, loc. cit. (1959), pp.
315-6, 321-4.
19. Cf. les affaires citées in HACKWORTH, Digest, v. II, pp. 69-78.
20. « There exists, finally, a network of bilateral treaties which, in wholly unqualified terms, lay
down a specific duty to assure the transfer not only of income from capital investments, but also
of capital itself and which, therefore, are far less modest than the Articles of Agreement of the
International Monetary Fund. These are treaties for the promotion and protection of new
investments... » ; MANN, op. cit. (1971), p. 551. L’auteur se référait sans doute aux Conventions qui
prévoient le libre-transfert sous une forme inconditionnelle.
21. « These Agreements may lead to the acceptance of the broad principle of customary law and
equity that a Government which has approved the importation of capital is bound to approve its
re-exportation... », MANN, id., p. 552. Une proposition en ce sens avait été soumise par Mann au
Comité compétent de l’ILA, au titre du développement progressif du droit international, cf. ILA,
Report of the 55th Conference, (1972), pp. 248-50. Du même auteur, cf. aussi « British Treaties... », loc.
cit. (1981) p. 245, 249.
22. « The guiding principle in ascertaining whether a measure is a restriction on payments and
transfers for current transactions under Article VIII, Section 2, is whether it involves a direct
governmental limitation on the availability or use of exchange as such », Decision N° 1034-
(60/27) in IMF, « Selected Decisions » (1976), p. 139. Pour des définitions des « contrôles des
changes », cf. not. NUSSBAUM , op. cit. (1950), p. 446 ; MANN, op. cit. (1971), p. 384 et s. ; FAWCETT, op.
cit. (1968), p. 289. En droit des traités, cf. p.ex. Etats-Unis-France, « Convention d’Etablissement »,
art. XIV(5), RTNU, v. 401 (1961), p. 91.
23. La suspension des transferts est souvent du ressort de la législation sur le contrôle des
changes, cf. p.ex. Corée, « Foreign Exchange Management Law », art. 7, ILW, v. 4 (1978), 12 :2B-7.3.
Mais des dispositions analogues se retrouvent parfois dans les lois sur les investissements, cf.
p.ex. Argentine, « Foreign Investment Law » (1973), art. 16 : « In a critical balance of payments
situation, as so judged by the Banco Central de la República Argentina, repatriation of capital and
transfer of profits may be postponed, until such situation subsides, without such measure
affecting the right of remittance of such profits », ILM, v. 12(1973), p. 1499 ; et Brésil « Law N°
4.131, as amended, relating to the expatriation of profits earned by foreign investors », art. 28,
ILM, v. 3 (1964), p. 1056.
24. Infra, pp. 147-9.
25. Le versement d’une part de la liquidation d’un capital sur un compte spécial, appelé « Compte
capital », est expressément mentionné dans la Conv. France-Tunisie (1965), art. 3. Sur le blocage
d’avoirs français dans divers pays depuis les années 1960, cf. JUILLARD, « Chronique de droit
international économique », AFDI, v. 26 (1980), pp. 578-80. Il n’est pas exceptionnel que la
159

solution à ces questions dépende de la conclusion d’un accord inter-étatique ; en ce sens, cf. p.ex.
Royaume-Uni-Egypte, « Exchange of Notes regarding the Use of British Capital Untransferable
Accounts in Egypt », Treaty Series (United Kingdom) N° 85 (1979), Cmnd 7702.
26. Sur ce point, cf. NUSSBAUM , op. cit. (1950), p. 450. L’actuelle réglementation indonésienne
contient une disposition en ce sens, mais elle repose sur le consentement du créancier, cf. « Basic
Regulations Governing DISC-Rupiahs, N° 3/29/KEP.DR. 1967 », ILW, v. 4 (1978) 1 :3E.
27. IMF, « Report on Exchange » (1984), pp. 35-7 ; id. (1982). pp. 27-9. Le Fonds considère les arriérés
de paiement non-justifiés comme des restrictions de change, cf. Decision N° 3153-(70/95) in IMF,
« Selected Decisions » (1976), pp. 142-3.
28. Infra, p. 143 et s. Cf. aussi IMF, « Report on Exchange » (1981), p. 20 ; id. (1982), pp. 26-7 ; et
IMPERIALI, « Les bénéfices excessifs, une pratique limitée et controversée », AFDI, v. 24 (1978), pp.
678-710.
29. AG Res. 1710(XV1), « Décennie des Nations Unies pour le développement » (19 déc. 1961) par.
2 : « Invite les Etats Membres de l’Organisation des Nations Unies ou membres d’institutions
spécialisées à :(...) b) Appliquer des politiques visant à assurer aux pays en voie de développement
une part équitable des recettes provenant de l’extraction et de la commercialisation de leurs
ressources naturelles au moyen de capitaux étrangers, qui soit en rapport avec le revenu
généralement considéré comme raisonnable du capital investi ». Cf. aussi la Res. XVI-90 de
l’OPEP, citée in Imperiali, id., p. 709 ; EZE, The Legal Status of Foreign Investments in the East African
Common Market, Leiden, Sijthoff (1975), pp. 212. Rappelons que toute l’Affaire Barcelona Traction
est née d’un refus de transfert de la part des autorités espagnoles pour rembourser des dettes de
la société en Livres sterling. Un rapport de proportion entre les apports externes et les sorties de
devises avait été exigé par le Gouvernement espagnol, cf. CIJ Recueil 1970, p. 8. Cf. aussi ADEDE, op.
cit. (1983) p. 146 et s. ; IJALAYE, op. cit. (1981) pp. 20-2.
30. Egypte, « Law N° 43 of 1974, concerning Arab and Foreign Capital Investment and Free Zones,
as amended », art. 22, ILM, v. 16 (1977), p. 1482. Sur le régime yougoslave, cf. IMF, « Report on
Exchange » (1982), pp. 479-80 ; SCRIVEN , « Yougoslavia’s... », loc. cit. (1979), p. 103. Le régime
pakistanais ne semble pas être d’application générale, cf. Pakistan, « Notification N° IPW/PC/14
(99)/70 », ILW, v. 6 (1978), 44 :3E.
31. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Roumanie, art. 4(2) (« sans délai ») ; France-Ile Maurice, art. 6 (« sans
retard injustifié ») ; Pays-Bas-Yougoslavie, art. III (« without undue restriction and delay ») ;
Suède-Chine, art. 4 (« without undue delay »).
32. En ce sens, cf. p.ex. Conv. Allemagne-Ghana, Protocol (5) ; France-Egypte, Echange de lettres
N° 1 ; Pays-Bas-Maroc, art. X.
33. La Convention Allemagne-Philippines, Protocol (7) prévoit une limite de 6 mois pour les
transferts de revenus, et d’un an pour le rapatriement d’un capital. Si des restrictions devaient
être édictées, la Convention Allemagne-Inde définit des délais maxima de 1 an pour les transferts
de revenus, 3 ans pour les indemnités d’expropriation, et 6 ans pour le rapatriement d’un capital,
cf. Note N° T-27/59(l)/III, par. 1(b).
34. Cf. p.ex. Conv. France-Corée, Echange de lettres, par. 3 (« sans restriction indue ») ; Pays-Bas-
Yougoslavie, art. III (« without undue restriction »).
35. Conv. Belgique-Indonésie, art. 4 : « (...) Chacune des Parties Contractantes délivrera les
autorisations nécessaires pour l’exécution des transferts dont question au paragraphe précédent
endéans un délai convenable et ce, sans taxes ni frais autres que les frais bancaires usuels » ; dans
le même sens, cf. p.ex. Conv. Belgique-Corée, art. 4(2).
36. Cf. p.ex. Conv. Royaume-Uni-Lesotho, art. 6 ; France-Roumanie, art. 7.
37. Quelques clauses de Conventions conclues par la Suisse sont intitulées « Libre transfert » ; le
principe y est formulé de manière inconditionnelle, cf. p.ex. Conv. Suisse-Jordanie, art. 3 ; Suisse-
Mali, art. 4.
160

38. Les effets des investissements étrangers (et à l’étranger) sur l’équilibre de la balance des
paiements ont fait l’objet de nombreuses études dans les années 1960 et 1970. Parmi les travaux
officiels, ou semi-officiels, cf. not. : Report of the Commission on International Development,
Partners in Development, London, Pall Mall (1969), Chap. 5, pp. 99-123 (ci-après « Rapport
Person ») ; OECD, REUBER (et al.) Private Foreign Investment in Development, Oxford, Clarendon Press
(1973). Les études les plus approfondies, du point de vue des Etats importateurs de capitaux, ont
été menées pour la CNUCED par une équipe d’experts, sous la direction de P. Streeten et S. Lall,
cf. UNCTAD, STREETEN and LALL, « Main findings of a Study of Private Foreign Investment in
Developing Countries », Unctad TD/B/C.3(VI) Misc. 6 (1973) ; et la synthèse des mêmes auteurs,
Foreign Investment, Transnationais and Developing Countries, London, Macmillan (1977). Du point de
vue des pays industrialisés, cf. not. US TREASURY DEPARTMENT , HUFBAUER and ADLER, Overseas
Manufacturing Investment and the Balance of Payments, Washington, Government Printing Office
(1968) ; Canada, Investissements étrangers directs au Canada, op. cit. (1972), Chap. 14, 15, pp. 265-80.
En outre, les études et ouvrages suivants ont été pris en compte : BHAGWATI, Anatomy and
Consequences of Exchange Control Regimes, National Bureau of Economic Research, Cambridge,
Ballinger (1978) ; DUNNING, Studies in International Investment, London, Allen and Unwin (1970) ;
FRENKEL and JOHNSON (ed.), The Monetary Approach to the Balance of Payments, London, Allen and
Unwin (1976) ; SWOBODA (ed.), Capital Movements and their Control, Leiden, Sijthoff (1976) ; MEIER,
« Legal-Economic Problems of Private Foreign Investment in Developing Countries », loc. cit.
(1966), pp. 463-93 ; Id. « Leading Issues in Economic Development », op. cit. (1976), Chap. VI-C, p.
370 et s. ; KINDLEBERGER (ed.), The Internationl Corporation, Cambridge, M.I.T. (1970) ; VERNON ,
Sovereignty At Bay, New York, Basic Books (1971), p. 163 et s. ; AMIN, Le développement inégal, Paris,
Ed. de Minuit (1973) ; MYRDAL, The Challenge of World Poverty, New York, Pantheon Books (1970) ;
HIRSCHMANN , « How to Divest in Latin America, and Why », Princeton, Essays in International
Finance, N° 76 (1969).
39. Ces considérations ont trouvé un écho dans la doctrine juridique, cf. not. PREISWEK, « La
protection... », op. cit. (1963), pp. 76-96, 150 ; FATOUROS, « Government Guarantees... », op. cit.
(1962), pp. 47-50 ; NWOGUGU, « The Legal Problems... », op. cit. (1965), p. 18 et s. ; EZE, op. cit. (1975),
pp. 211-2. Rappelons que la Res. 3202(S-VI) « Programme d’action concernant l’instauration d’un
nouvel ordre économique international » (1974) déclarait, Chap. V : « Tous les efforts devraient
être faits pour formuler, adopter et appliquer un code international de conduite pour les sociétés
transnationales, afin : (...) d) De réglementer le rapatriement des bénéfices que ces sociétés tirent
de leurs opérations compte tenu des intérêts légitimes de toutes les parties intéressées ; e)
D’encourager ces sociétés à réinvestir leurs bénéfices dans les pays en voie de développement » ;
adde IMPERIALI, loc. cit. (1978), pp. 704-8 ; IJALAYE, op. cit. (1981) pp. 20-2 ; ADEDE, op. cit. (1983) pp.
146-9.
40. « Andean Foreign Investment Code » (as of Nov. 30, 1976), art. 1, ILM, v. 16 (1977), p.
41. En ce sens, cf. Rapport Pearson, op. cit. (1969), p. 100 et s. ; OECD, Reuber (et al.), op. cit. (1973),
pp. 30-40 ; MEIER, loc. cit. (1966), p. 4 8 3 et s. ; Id., op. cit. (1976), pp. 375-6 ; VERNON, op. cit. ( 1 9 7 1 ),
pp. 172- 8.
42. « (...) the balance of payments is determined by macroeconomic relationships and should be
controlled by macroeconomic policy instruments (specifically the exchange rate and monetary
and fiscal policy) rather than by microeconomic policies (which in any case are of very doubtful
efficacy) », JOHNSON, « The Efficiency and Welfare Implications of the International Corporation »,
in KINDLEBERGER (ed.), op. cit. (1970), pp. 53-4 ; dans le même sens, cf. OECD, Reuber (et al.), op. cit.
(1973), pp. 31-2.
43. La conclusion de R. Vernon est significative : « So even here, one is reduced to equivocal
statements about the long-run balance of payments effects of foreign direct investment », op. cit.
( 1 9 7 1 ), p. 178.
161

44. Supra, n. 42 ; cf. aussi FAWCETT, op. cit. (1968), pp. 283-4 ; SHUSTER, op. cit. (1973), pp. 21-3.
45. Infra, pp. 151-2.
46. IMF, « Report on Exchange » (1982), p. 7. Pour une étude intéressante des choix de change
possibles pour les PVD, cf. DIAZ-ALEJANDRO , « Less Developed Countries in the post-1971
International Financial System », Princeton, Essays in International Finance, N° 108 (1975).
47. Cf. not. l’étude approfondie de BHAGWATI, « Anatomy... », op. cit. (1978), et sur les « fuites » de
capitaux, id., Chap. 4, « Illegal Transactions and Exchange Control », pp. 65-81.
48. « Exchange control is introduced exclusively in the national interest ; prevention of
payments by local debtors to foreign creditors without license, and other measures detrimental
to foreign creditors, form an essential feature of the system. Clearly, one country’s policy of
exchange control is opposed to the interest of the other countries », NUSSBAUM , op. cit. (1950), pp.
461-2.
49. Cf. les travaux cités supra, n. 38.
50. « The most significant costs of foreign investment tend to be those associated with problems
of balance of payments adjustment », MEIER, « Legal-Economic Problems... », loc. cit. (1966), p. 475.
Synthétisant des études empiriques menées pour la CNUCED, S. Lall et P. Streeten résumaient
ainsi les effets directs d’investissements étrangers et de sociétés transnationales sur les balances
des paiements : « It appears from the table that one-third of the total number of firms with
foreign equity capital have positive and two-thirds have negative effects » ; mais ils ajoutaient :
« On the whole, the sample foreign firms do seem to be “taking out more than they are putting
in” during the period studied, and TNCs may be “taking out” somewhat more than non-TNCs ;
however, this finding, which merely confirms trends observed in aggregate balance-of-payments
figures, does not tell us much by itself », « Foreign Investment... », op. cit. (1977), pp. 141-2.
51. Les critiques en ce sens abondent chez les théoriciens de la dépendance, et des rapports
économiques « centre-périphérie », cf. p.ex. AMIN, op. cit. (1973), pp. 214-51 ; cf. aussi MYRDAL, op.
cit. (1970), p. 322 et s. ; GRIFFIN, « The Role of Foreign Capital » in Griffin (ed.), Financing
Development in Latin America, London, Macmillan (1971), pp. 225-43 ; adde VERNON, op. cit. (1971), p.
172.
52. L’analogie peut être retenue, en tenant compte du fait que le service de la dette extérieure
d’un pays devra provenir, en fin de compte, d’un surplus des exportations sur les importations ;
sur les effets du service des investissements étrangers sur les termes de l’échange, cf. not. OECD,
REUBER (et al.), op. cit. (1973), pp. 32-4.
53. Du point de vue juridique, cf. not. les délibérations de l’ILA sur le sujet, in Report of the 54th
Conference (1970), p. 444 et s. ; et HIRSCHMAN , op. cit. (1969), p. 20 ; GRIFFIN (ed.), op. cit. (1971), pp.
237-8 ; MEIER, op. cit. (1976), pp. 370-80.
54. Cf. p.ex. EZE, op. cit. (1975), p. 212 ; et les travaux de l’ILA, supra, n. 53 ; adde IJALAYE, op. cit.
(1981) p. 21.
55. LALL and STREETEN, op. cit. (1977), p. 181 et s. ; MEIER, op. cit. (1976), p. 370 et s.
56. Supra, n. 21.
57. Ainsi, lors des débats du FMI sur la réforme du système monétaire international, « the
representatives of developing members had drawn attention to the tendency of capital to flow
from developing to developed countries in the absence of control by the former », GOLD,
« International Capital Movements... », op. cit. (1977), p. 42. L’évaluation de l’importance des flux
de capitaux (domestiques ou étrangers) hors de PVD est souvent rendue aléatoire par les lacunes
statistiques et par les mouvements clandestins, cf. p.ex. BHAGWATI, « Anatomy... », op. cit. (1978),
pp. 71-6.
58. « Ces échanges compensés représentent aujourd’hui 30 % des échanges des pays
industrialisés avec le tiers-monde et représenteront 40 % à 50 % environ dans dix ans. Ils
162

s’expliquent par le désir de l’Etat importateur d’équilibrer sa balance commerciale ou de limiter


son endettement, (...) », VELLAS, « Droit de propriété... », loc. cit. (1979), p. 24.
59. CPJI, Série A, Nos 20/21 (1929), p. 44. Pour une confirmation récente de sa validité, cf. US Digest
(1978) pp. 1217-9.
60. En ce sens, cf. FAWCETT, « Trade... », op. cit. (1968), p. 244. Sur la souveraineté monétaire, et ses
limites, cf. not. MANN, op. cit. (1971), pp. 485-504 ; CARREAU , op. cit. (1970), pp. 51-127 ; O’Connell,
International Law, v. 11, pp. 1011-25.
61. « Public international law is no bar to exchange restrictions », NUSSBAUM , op. cit. (1950), p. 475.
Sur la pratique diplomatique, cf. Répertoire suisse, v. II, p. 686 et s. ; KISS, Répertoire, v. IV, not. pp.
188-90 ; HACKWORTH , Digest, v. II, p. 68 et s. En doctrine, cf. Restatement (2d), par. 198, pp. 594-5 ;
METZOER, loc. cit. (1959), pp. 313-8 ; SHUSTER, op. cit. (1973), pp. 73-91.
62. Sur la notion d’expropriation « de facto », cf. infra, pp. T64-72. Sur le caractère confiscatoire
de certaines restrictions de change, cf. MANN, op. cit. (1971), pp. 495-7 ; FAWCETT, op. cit. (1968), pp.
289-91 ; SHUSTER, id., pp. 76-85 ; O’CONNELL, International Law, v. II, p. 1016.
63. Cf. not. British Digest, v. VI, p. 351 (cas d’un décret colombien de 1905 ayant rendu sans valeur
des titres (« bales de extranjeros ») utilisés pour le paiement de créanciers étrangers) ;
HACKWORTH , Digest, v. V, p. 616 (cas de restrictions équatoriennes, en 1921, ayant altéré la
substance de dettes contractuelles envers des créanciers non-résidents).
64. « Tabar Claim », ILR, v. 20 (1953), p. 211, 215, 242 ; cf. aussi « Chobady Claim », ILR, v. 26 (1958),
p. 292 ; « Muresan Claim », id., p. 294 ; « Evanoff Claim », id., p. 301 ; adde MANN, op. cit. (1971), p.
492 et s. ; SHUSTER, op. cit. (1973), pp. 78-85.
65. « In the matter of the Claim of John Stipkala », FCSC, Seventeenth Semiannual Report (1962-2), p.
191 ; adde SHUSTER, id., pp. 80-1.
66. Cf. not « Tanglefoot Company Claim », ILR, v. 30 (1966), p. 120 ; « Guaranty Trust Company of
New York Claim », id., p. 134.
67. En matière de restrictions de change, le recours à la notion de l’abus de droit a été développé
par MANN, op. cit. (1971), pp. 497-504 ; Id., op. cit. (1959), pp. 92-8 ; cf. aussi CARREAU, op. cit. (1970),
pp. 119-27. Sur les incertitudes de la notion, cf. not. AGO, « Deuxième rapport sur la responsabilité
des Etats », CDI Annuaire (1970-II), pp. 206-7, et les délibérations correspondantes de la
Commission in id. (1973-I), p. 20 et s.
68. Cf. not. KISS, Répertoire, v. IV, p. 265 et s. ; HACKWORTH , Digest, v. II, p. 68 et s. Dans 1’« Affaire
relative à certains emprunts norvégiens », le Gouvernement français avait invoqué une
discrimination à l’encontre de ses ressortissants porteurs d’obligations, du fait que des porteurs
suédois et danois avaient été payés dans leur monnaie nationale, cf. KISS, Répertoire, v. IV, pp.
278-81. La CIJ a décliné sa compétence en l’affaire, « Arrêt du 6 juillet 1957 », CIJ Recueil 1951, p. 9.
Selon Mann, la discrimination invoquée n’avait pas un caractère illicite, car elle était justifiée par
des accords monétaires interscandinaves, op. cit. (1971), p. 500.
69. Sur le droit de libre sortie de l’étranger, cf. Répertoire suisse, v. II, p. 701 et s. ; OPPENHEIM ,
International Law, v. I, p. 690 ; VERZIJL, International Law, v. V, p. 410.
70. GUGGENHEIM , Traité, v. I (1953), p. 338, avec ref. n. 2. Lors de la Conférence internationale sur le
traitement des étrangers (1929), la question des obstacles que les systèmes de contrôle des
changes pouvaient mettre à la sortie des biens d’un étranger avait été débattue, cf. VERDROSS,
« Les règles internationales... », op. cit. (1931), p. 396.
71. Sur le droit du FMI, cf. supra, n. 3 ; pour ne pas alourdir l’exposé, la situation de la Suisse ne
sera pas examinée dans cette rubrique.
72. Conv. Pays-Bas-Tanzanie, art. VIII : « 1. The Contracting Parties recognise the principle of
freedom of transfer of payments for current transactions and accordingly agree not to restrict
such payments except to the extent that such restriction is permitted under the Articles of
Agreement of the International Monetary Fund. 2. For the purpose of this Article “payment of
163

current transactions” has the meaning attached to it in Article XIX(i) of the Articles of
Agreement of the International Monetary Fund. 3. The Contracting Parties further agree to
permit the transfer of the proceeds of the total or partial liquidation of any investment by the
nationals of the other Contracting Party to which this Agreement applies ».
73. FMI, Statuts, p. 31.
74. L’Article VIII(2) (b) a donné lieu à une abondante jurisprudence nationale, et à de nombreux
commentaires, cf. not. GOLD, The Fund Agreement in the Courts, Washington, IMF (1962-) ; MANN, op.
cit. (1971), pp. 431-50 ; NUSSBAUM , op. cit. (1950), pp. 541-5 ; DELAUME, op. cit. (1967), pp. 290-301.
75. FMI, Statuts, pp. 28-9.
76. Decision N° 541-(56/39) in IMF, « Selected Decisions » (1976), p. 97. Sur cette question, cf. aussi
GOLD, « International Capital... », op. cit. (1977), pp. 1-3, 13-8 ; Id., op. cit. (1965), pp. 13-4 ; LAZAR,
« Transnational... », op. cit., v. III, Chap. 14, pp. 49-72.
77. GOLD, id. (1977), p. 30.
78. IMF, « Report on Exchange » (1984), pp. 549-55.
79. FMI, Statuts, art. I (iv), p. 2.
80. Cette opinion était particulièrement présente dans le Plan Keynes, cf. HORSEFIELD (ed.), op. cit.,
v. I, p. 3 et s. Et Keynes lui-même, sur le projet de « Clearing Union » : « In my view the whole
management of the domestic economy depends upon being free to have the appropriate rate of
interest without reference to the rates prevailing in the world. Capital control is a corollary to
this », « Letter to Roy F. Harrod, 19 April 1942 » in The Collected Writings of John Maynard Keynes,
London, Macmillan (ed. 1980), v. 25, p. 147 ; cf. aussi « Address to the House of Lords, 18 May
1943 », id., pp. 275-6.
81. « Most opinions about capital controls are expressions of the slogan that they are necessary
evils in some circumstances, with some experts stressing the word “necessary” and others the
word “evil” », GOLD, op. cit. (1977), p. 1.
82. FMI, Statuts, pp. 84-5. L’actuel Article XXX correspond à l’Article XIX des Statuts précédant
l’adoption du deuxième amendement.
83. « It will be obvious that “current transactions” has a special — even arbitrary — meaning for
the purposes of the Articles (...). It will also be noted that there is considerable emphasis on the
encouragement or protection of foreign investment », GOLD, op. cit. (1965), p. 12. Cf. aussi Id., op.
cit. (1977), p. 20 ; EVANS, « Current... », loc. cit. (1968), pp. 30-1 ; AUFRICHT, « Exchange... », loc. cit.
(1968), pp. 307-8.
84. Supra, p. 124, et n. 20.
85. Cf. GOLD, op. cit. (1965), pp. 9-12 ; FAWCETT, « Trade... », op. cit. (1968), p. 282.
86. Cf. p.ex. France, « Loi N° 66-1008 du 28 décembre 1966, relative aux relations financières avec
l’étranger », art. 3 : « Le Gouvernement peut (...) (2) Prescrire le rapatriement des créances sur
l’étranger nées de l’exportation de marchandises, de la rémunération de services et d’une
manière générale, de tous revenus ou produits à l’étranger », JORF, 29 déc. 1966. Cf. aussi EVANS,
loc. cit. (1968), p. 32 ; GOLD, ibid. ; FAWCETT, ibid.
87. Sur ce point, cf. not. MANN, op. cit. (1971), pp. 544-5 ; GOLD, id., pp. 11-2.
88. En ce sens, cf. MANN, id., p. 542 ; NUSSBAUM , op. cit. (1950), p. 540 ; et les conclusions de J.
Bhagwati, fondées sur des études de cas, « Anatomy... », op. cit. (1978), p. 40.
89. IMF, « Report on Exchange », (1984), p. 7. Sur l’art. XIV, cf. GOLD, op. cit. (1965), pp. 16-20 ;
SHUSTER, op. cit. (1973), pp. 152-4.
90. Cf. GOLD, « International Capital... », op. cit. (1977), pp. 46-51.
91. Conférence des Nations Unies sur le droit des traités, Documents officiels, Nations Unies, New
York (1971) ; le texte adopté de l’art. 30 apparaît in Doc. A/CONF.39/27, p. 315 ; le projet, avec les
commentaires de la CDI, in Doc. A/CONF.39/11/add.2, pp. 36-40.
164

92. Cf. les interrogations de PREISWERK, « La protection... », op. cit. (1963), p. 152 ; et de PETERS in
ILA, Report of the 57th Conference (1976), pp. 210-1. Rappelons que lors des débats sur l’art. 30 de la
Convention de Vienne, un amendement donnant la prééminence aux traités multilatéraux a été
retiré, et que le texte définitif a été adopté par 90 voix pour, 0 contre, et 14 abstentions, cf. ref.
supra, n. 91, p. 258 et s.
93. Decision N° 541-(56/39) in IMF, « Selected Decisions » (1976), p. 97 ; adde GOLD, op. cit., (1977), p.
18.
94. Pour une analyse des projets de réforme en la matière, cf. GOLD, id., pp. 35-43 ; LAZAR,
« Transnational... », op. cit., v. III, Chap. 14, p. 60 et s.
95. Resolution N° 29-9 of the Board of Governors (1974) in IMF, « Selected Decisions » (1976), p. 212.
96. Conv. Suisse-Singapour, art. 8(d) : « le terme “revenus” signifie les montants qu’un
investissement rapporte durant une période déterminée sous forme de bénéfices nets ».
97. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Corée, art. 4(1) ; France-Singapour, art. 5(a) ; Japon-Egypte, art. 1(2) ;
Royaume-Uni-Thaïlande, art. 2(4).
98. Conv. France-Yougoslavie, art. 6, al. 2 : « Le Gouvernement français prend acte de la
réglementation yougoslave qui autorise le libre transfert des revenus produits par les
investissements étrangers » ; sur le contenu actuel de la réglementation yougoslave, cf. IMF «
Report on Exchange » (1982), p. 478.
99. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Maroc, art. 2 ; Pays-Bas-Cameroun, art. 5 ; Suisse-Indonésie, art. 5(3)
(a) ; sur les législations nationales, cf. p.ex. Kenya, « Foreign Investments Protection Act », art. 7
(a), ILW, v. 4 (1979), 11 :2A-5.1 ; Soudan, « The Development and Encouragement of Industrial
Investment Act, 1974 », art. 18, ILW, v. 8 (1978), 46 :2A-5.8.
100. La limite fixée par le Code andin des investissements étrangers était de 20 % par an, avec des
dérogations possibles, cf. « Andean Foreign Investment Code », art. 37, ILM, v. 16 (1977), p. 150 ;
elle était de 14 % à l’origine. La loi argentine N° 20.557 (1973), sans doute l’une des plus
restrictives, autorisait les transferts de profits dans une limite de 12,5 % l’an, cf. « Foreign
Investment Law », art. 13, ILM, v. 12 (1973), p. 1497. Adde les cas cités par IMPERIALI, loc. cit. (1978),
pp. 684-95 ; et EZE, « The Legal Status... », op. cit. (1975), pp. 208-11.
101. La législation du Brésil en est un exemple classique ; les bénéfices versés à l’étranger sont
soumis à un impôt sur le revenu, retenu à la source, de 25 %, réduit s’il existe une convention de
double imposition ; mais si la moyenne triennale de transfert dépasse 12 % du capital enregistré,
un impôt complémentaire est perçu, variant de 40 à 60 % selon le montant des transferts en sus
des 12 % ; cf. « Law N° 4.131 relating to the Expatriation of Profits Earned by Foreign Investors, as
amended », art. 43, ILM, v. 3 (1964), p. 1057 ; et Texeira PINTO, « Investir au Brésil », DPCI, v. 2
(1976), p. 160.
102. Supra, n. 29.
103. Selon les études menées pour la CNUCED, le coût des transferts de bénéfices et d’intérêts
d’investissements directs étrangers situés dans des PVD était en moyenne inférieur à 10 % du
chiffre d’affaires, cf. LALL & STREETEN, op. cit. (1977), p. 150 ; selon les études de l’OCDE, il
atteindrait 11,3 %, et 14,1 % si l’on inclut les redevances et les honoraires, cf. REUBER (et al.), op.
cit. (1973), p. 141 et s.
104. La pratique des sous-, ou surfacturations, appelée « prix de transfert » entre sociétés liées,
ainsi que de paiements difficilement évaluables pour certains services, est relevée par diverses
études, cf. p.ex. OECD, Reuber (et al.), id., pp. 145-8 ; LALL & STREETEN, id., p. 145 et s. ; BHAGWATI, op.
cit. (1978), pp. 71-6. Sur les difficultés d’évaluation et de contrôle du phénomène, cf. en général
OCDE, Prix de transfert et entreprises multinationales, Paris, OCDE (1979).
105. En ce sens, cf. les conclusions de LALL et STREETEN, « Foreign Investment... », op. cit. (1977) p.
182. L’Affaire Klöckner est, à cet égard, riche d’enseignements, in Clunet, v. 111 (1984) not. pp.
437-9. Toutefois, les critiques formulées à l’encontre des restrictions sur les transferts de revenus
165

ne préjugent pas de la justification d’exercer une certaine surveillance sur les paiements
d’intérêt ou de redevances au sein d’entreprises multinationales, afin précisement de préserver
les conditions du marché, cf. supra n. 104.
106. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Egypte, art. 4 ; France-Malte, art. (7) (1) (c) ; Pays-Bas-Indonésie, art.
6(1) ; Suisse-Malaisie, art. 4(1) (b). Contra, excluant les emprunts d’Etat, cf. Conv. Pays-Bas-
Malaisie, art. IX(1) (c).
107. Cf. DELAUME, « Legal Aspects... », op. cit. (1967), pp. 290-312 ; VAN HECKE, « Problèmes
juridiques... », op. cit. (1964), p. 300 et s.
108. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Indonésie, art. 4 ; France-Singapour, art. 5(b) ; Suisse-Malaisie, art. 4
(1) (b).
109. Sur l’intérêt de la soumission du contrat à une « lex contractus » autre que celle de l’Etat
importateur de capital, cf. VAN HECKE, op. cit. (1964), p. 301 ; DELAUME, op. cit. (1967), pp. 303-4. Les
contrats bancaires sont souvent soumis à la loi de l’Etat du siège de la banque, cf. FREYMOND,
« Questions de droit bancaire international », RC, v. 131 (1970-III), p. 8 et s.
110. « The best solution, therefore, is to obtain specific undertakings from the appropriate
exchange control authorities before a loan is made, that (i) they will make foreign exchange
available to the borrower as and when needed for the servicing of the loan, and that (ii) they will
not restrict transfert of such foreign exchange for purposes of the loan. This is the object of the
so-called “transfer clauses”, commonly found in contemporary international loans », DELAUME,
op. cit. (1967), p. 305.
111. En ce sens, cf. VAN HECKE : « Les restrictions de transfert représentent le type même du
risque contre lequel les prêteurs ne peuvent se prémunir que par un engagement international
de l’Etat débiteur », op. cit. (1964), p. 314.
112. Zaïre, « Ordonnance-loi N° 79-027 du 28 septembre 1979, portant Code des
investissements », art. 31, ILW, v. 10 (1981), pp. 12-3.
113. Corée, « Foreign Capital Inducement Law, N° 1802 of 1966 », art. 22-33, ILW, v. 4 (1978),
12 :2A-5.6 et s.
114. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Egypte, art. 4 ; France-Roumanie, art. 7(d) ; Pays-Bas-Indonésie, art.
6(1) ; Suisse-Equateur, art. 2(f).
115. Conv. Royaume-Uni-Egypte, art. 6 : « (1) Each Contracting Party shall in respect of
investments guarantee to nationals or companies of the other Contracting Party the free transfer
of the returns from their investments, subject to the right of each Contracting Party in
exceptional financial or economic circumstances to exercise equitably and in good faith powers
conferred by its laws. (2) In the case of transfer of capital this shall be effected in accordance
with the relevant laws of the two Contracting Parties ». Cf. aussi Conv. Pays-Bas-Tanzanie, art.
VIII (supra, n. 72) ; France-lie Maurice, art. 4(2).
116. Supra, n. 114.
117. Tunisie, « Loi N° 74-74 du 3 août 1974, relative aux investissements dans les industries
manufacturières », art. 19 : « La garantie de transfert du capital investi en devises porte sur le
produit réel net de la cession de la liquidation même si ce montant est supérieur au capital
initialement investi en devises », ILW, v. 10 (1981), p. 26.
118. Soudan, « The Development and Encouragement of Industrial Investment Act, 1974 », art.
17, ILW, v. 8 (1978) 46 :2A-5.8.
119. Les Conventions conclues par le Soudan avec l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse ne
mentionnent pas le libre-transfert ; mais la Conv. Suisse-Soudan, art. 5(6) prend soin d’inclure les
plus-values dans la garantie de transfert.
120. Conv. Allemagne-Zaïre, art. 4(1) : « Chaque Partie Contractante garantit aux ressortissants
ou sociétés de l’autre Partie Contractante le transfert du capital investi, du revenu de ce capital
et, en cas d’expropriation, le transfert du montant de l’indemnité. En cas de liquidation, seul est
garanti le transfert du capital investi, les revenus réinvestis compris, à l’exclusion des plus-values
166

éventuelles ». Cf. aussi Conv. Belgique-Maroc, art. 2. Le système consistant à permettre le


rapatriement du capital importé et des réinvestissements, mais en soumettant à restriction les
plus-values éventuelles, se retrouve p.ex. dans le Code andin, cf. « Andean Foreign Investment
Code », art. 7-9, ILM, v. 16 (1977), p. 144.
121. Conv. Pays-Bas-Ouganda, art. VIII(l) (b).
122. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Corée, Protocol (6) ; France-Egypte, Echange de lettres N° 1 ;
Suisse-Malaisie, art. 4(2) ; Etats-Unis-Egypte, Protocol (6).
123. Egypte, « Law N° 43 of 1974, concerning Arab and Foreign Capital Investment and Free
Zones, as amended », art. 21, ILM, v. 16 (1977), p. 1481 ; Corée, « Foreign Capital Inducement Law,
N° 1802 of 1966 », art. 11, ILW, v. 4 (1978), 12 :2A-5.3.
124. Conv. Allemagne-Corée, Protocol (6) ; Italie-Gabon, art. 3.
125. Conv. France-Egypte, Echange de lettres N° 1 ; cf. aussi supra, n. 16, 33.
126. FMI, Statuts, art. XXX(d) (4), p. 85 ; et cf. les commentaires de EVANS, « Current... », loc. cit.
(1968), p. 33.
127. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Corée, art. 4(1) ; Danemark-Indonésie, art. 7 ; France-Roumanie, art.
7 ; Pays-Bas-Côte d’Ivoire, art. 4 ; Suisse-Tunisie, art. 2.
128. Conv. France-Syrie, art. 6.
129. La Conv. Suisse-Indonésie, art. 5(3) (d), accorde le libre transfert pour : « Les dépenses
relatives au personnel de nationalité étrangère et à la gestion de l’investissement ». Dans d’autres
textes, les dépenses de gestion sont seules mentionnées, cf. p.ex. Conv. Suisse-Jordanie, art. 3(c).
130. Conv. Suisse-Egypte, art. 5(4) ; Suisse-Soudan, art. 5(3).
131. Conv. Suisse-Egypte, Echange de lettres N° III : « (...) les montants dépensés par les
investisseurs en Suisse ou dans un Etat tiers pour la gestion de leur investissement dans la
République Arabe d’Egypte ne sont pas compensables, à moins que l’investissement ne produise
des bénéfices nets au terme de l’exercice annuel à la mesure de ces dépenses » ; cette lettre ne
fait pas partie intégrante de la Convention, id., art. 12.
132. Supra, pp. 119-21.
133. Supra, p. 147.
134. Cf. p.ex. supra, n. 11, 14. La Conv. France-Yougoslavie demande, art. 6 : « (...) l’obtention, par
l’investisseur français d’une garantie bancaire assurant le transfert libre et sans délai du produit
de la liquidation éventuelle de son investissement ».
135. Cf. le nouvel article IV des Statuts, pp. 6-10 ; et GOLD, « The Second Amendement of the
Fund’s Articles of Agreement », Washington, IMF, Pamphlet Series N° 21 (1978).
136. IMF, « Report on Exchange » (1984), p. 37 ; id., (1982), p. 29 ; le rapport signalait une
« increased reliance on multiple currency practices ». Sur leurs nouvelles formes, et la politique
du Fonds à leur égard, cf. « Report on Exchange » (1980), p. 17 ; id. (1981), pp. 22-3 ; id. (1982), pp.
29-31 ; et Decision of the Executive Directors N° 6790-(81/43), id. (1981), p. 36.
137. Cf., pour la Belgique et le Luxembourg, id. (1984), p. 90 ; et GOLD, op. cit. (1977), p. 17.
138. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Philippines, art. 6 ; Pays-Bas-Malaisie, art. IX.
139. Conv. Belgique-Corée, art. 6(1) ; cf. aussi Conv. Belgique-Indonésie, art. 7(1) ; Belgique-
Egypte, art. 6(1).
140. Cf., IMF « Report on Exchange » (1982), p. 30, 363.
141. En ce sens, cf. MANN, « British Treaties... », loc. cit. (1981) p. 245.
142. Cf. Conv. France-Singapour, art. 5 (application du taux du marché, ou à défaut du taux
officiel) ; France-Syrie, art. 6 (taux appliqué par les banques agréées).
143. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Ile Maurice, art. 6 ; Pays-Bas-Malaisie, art. IX (4).
144. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Philippines, art. 6(1) ; France-Zaïre, art. 6 ; Pays-Bas-Malaisie, art.
IX(2).
167

145. La convertibilité d’une monnaie est une notion des plus relatives, cf. p.ex. GOLD, « The Fund’s
Concepts of Convertibility », Washington, IMF, Pamphlet Series N° 14 (1971). Sur le concept
nouveau de « monnaie librement utilisable », cf. FMI, Statuts, art. V(3), pp. 12-3.
146. Cf. p.ex. Conv. France-Roumanie, art. 7 ; Pays-Bas-Maroc, art. X ; Royaume-Uni-Roumanie,
art. 7. D’autres Conventions disposent que la monnaie de paiement sera celle de l’autre Etat-
partie, cf. p.ex. Conv. Belgique-Corée, art. 4(1) ; Pays-Bas-Singapour, art. VIII.
147. Cf. p.ex. Conv. Suède-Chine, supra, n. 4 ; Pays-Bas-Malaisie, art. IX(1).
148. KISS, Répertoire, v. I, p. 42 ; Répertoire suisse, v. II, p. 693. Dans la doctrine, cf. MANN, op. cit.
(1971), p. 487 et s. ; FAWCETT, op. cit. (1968), pp. 246-8 ; CARREAU, op. cit. (1970), pp. 73-81 ; O’CONNELL,
International Law, v. II, pp. 1013-5.
149. Supra p. 128-35.
150. Sur les coûts des emprunts internationaux, cf. p.ex. ADEDE, op. cit. (1983) p. 74 et s.
151. Sur les clauses de maintien de la valeur, cf. not. MANN, op. cit. (1971), pp. 124-63 ; MALAURIE,
« Le droit monétaire dans les relations privées internationales », RC, v. 160 (1978-II), pp. 293-329.
Dans les emprunts internationaux, cf. DELAUME, op. cit. (1967), pp. 257-89 ; van HECKE, op. cit. (1964),
p. 151 et s.
168

Chapitre V. L’expropriation et la
nationalisation

1 Depuis la fin de la première guerre mondiale, le domaine de l’expropriation est passé au


premier plan des préoccupations juridiques et diplomatiques relatives à la protection des
biens étrangers. Il est étroitement lié, en effet, aux bouleversements politiques et
économiques que la communauté internationale a connus depuis plus d’un demi-siècle.
Parmi ceux-ci, l’arrivée de nombreux nouveaux Etats sur la scène internationale, dotés de
régimes économiques divers, marque une étape d’une importance décisive.
2 Il n’est guère surprenant que ces évènements se soient accompagnés d’une évolution des
principes juridiques applicables en la matière. Depuis la fin des années 1950, cette
évolution a été rapide, et souvent mouvementée1. A la notion du respect des droits acquis,
dégagée au début du siècle par la jurisprudence internationale, les Etats importateurs de
capitaux ont opposé le principe de la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles. Il en a résulté d’âpres controverses, dont les débats de 1962 et de 1974 aux
Nations Unies sont une manifestation, et une absence de consensus juridique sur divers
aspects majeurs des règles de droit international applicables.
3 Dans une telle situation, le recours au droit des traités représente une solution nécessaire
aux difficultés rencontrées dans le cadre du droit international général. En matière
d’expropriation, le recours au droit conventionnel a été considéré comme essentiel
depuis les nationalisations ayant suivi la fin de la seconde guerre mondiale 2 ; il ne fait
guère de doute qu’il l’est demeuré au cours des trois dernières décennies.
4 L’un des principaux buts des Conventions d’investissement est d’établir les règles
applicables à des mesures d’expropriation et de nationalisation prises par un Etat-partie.
Les clauses d’expropriation occupent une place centrale dans la structure des
Conventions bilatérales. Fort peu d’exceptions et de réserves ont été rencontrées,
contrairement à d’autres clauses. D’une manière générale, il s’agit de clauses directes.
Toutefois, dans certains textes, les engagements convenus sont complétés soit par le
traitement de la nation la plus favorisée, soit par une référence au droit international
général3. Il est à noter que le principe du traitement national paraît systématiquement
écarté des clauses d’expropriation4.
169

5 Nous aurons à examiner si les règles des Conventions confirment des principes en vigueur
du droit général, ou si elles y dérogent. De prime abord, on remarquera que les concepts
utilisés dans les Conventions correspondent à ceux qui ont été reconnus par la
jurisprudence internationale et par la pratique diplomatique en ce domaine. Pour les
interpréter, il est indispensable d’avoir recours à ces sources. Comme corollaire, la
distinction entre « investissements » et « biens » étrangers sera estompée dans ce
chapitre. Le droit international général, en effet, ne la reconnaît pas. Mais on gardera à
l’esprit que le domaine d’application des Conventions est circonscrit aux seuls
investissements, tels que précédemment définis.

Section I. Définitions
6 Les termes « expropriation », « nationalisation », « dépossession directe ou indirecte »,
sont employés de façon juxtaposée dans des Conventions. A titre préliminaire, une
définition des mesures visées s’impose. Au-delà de questions de terminologie, ce sont des
questions de fond qui se trouvent posées par l’utilisation de ces différentes notions.

49. Expropriation ou nationalisation

7 De nombreuses clauses se réfèrent indifféremment à l’expropriation ou à la


nationalisation5. Quelques textes, toutefois, omettent ces deux termes, et les englobent
sous le concept plus large de la « privation » de droits de propriété6.

a) La notion d’expropriation

8 Le droit international ne contient pas de définition établie des termes tels que
l’expropriation, la confiscation ou la nationalisation. La pratique et la doctrine anglo-
américaine préfèrent employer le terme taking of property, considéré comme étant plus
neutre. Le concept de base demeure celui d’expropriation, qui comporte deux éléments :
il doit s’agir d’un acte attribuable aux organes de l’Etat, que ce soit les pouvoirs législatif,
exécutif, ou judiciaire ; il faut, en outre, que l’acte en cause opère le transfert d’un droit
de propriété7. Il n’est pas nécessaire que le transfert se fasse en faveur de l’Etat ; ainsi, les
redistributions de terres effectuées dans le cadre d’une réforme agraire n’en sont pas
moins des formes d’expropriation.
9 Une condition supplémentaire s’y ajoute ; en droit international général, le terme
d’expropriation est réservé aux transferts de droits de propriété opérés par un Etat en
contrepartie d’une indemnisation. Une expropriation sans paiement d’une indemnité est
généralement qualifiée de confiscation, au sens d’une expropriation confiscatoire8.
L’obligation d’indemniser est un élément intrinsèque à la définition de l’expropriation. Ce
point était très largement admis jusqu’à une date récente ; nous verrons si, au cours de la
dernière décennie, le droit international a maintenu cette exigence.
10 La confiscation, comme expropriation confiscatoire, est un acte internationalement
illicite. Il convient de rappeler, cependant, que toute confiscation n’est pas illicite en droit
international ; il en va ainsi, par exemple, de la confiscation des biens appartenant à un
criminel reconnu coupable, ou de celle de produits introduits en contrebande sur le
territoire d’un Etat9. En ce sens, la Convention Pays-Bas-Sénégal excepte des règles
170

d’expropriation les saisies pour infraction à la législation fiscale, douanière ou


économique, dûment jugées par les tribunaux nationaux10.

b) La notion de nationalisation

11 La définition d’une nationalisation demeure incertaine, en dépit des nombreuses


tentatives effectuées par une partie de la doctrine pour distinguer ce type de mesure de
l’expropriation proprement dite11. Il est admis qu’une nationalisation possède, en général,
une ampleur et un objet qui la différencie d’une expropriation ; on se réfère au terme de
nationalisation dans le cas de réformes de structure économique de grande envergure,
tandis que le terme d’expropriation s’applique, de prime abord, à des mesures
individuelles. Le but d’une nationalisation serait donc directement lié au « droit souverain
et inaliénable de choisir son système économique », pour reprendre les termes de l’article
premier de la Charte des droits et des devoirs économiques des Etats. Rien de tel n’est en jeu
lorsqu’un étranger est exproprié d’une parcelle de terrain pour permettre la construction
d’une route. Son ampleur, d’autre part, rendrait inapplicables les critères
d’indemnisation définis par la jurisprudence internationale dans des cas d’expropriations
individuelles. Selon un courant d’opinion, il y aurait ainsi une différence substantielle
entre la nationalisation et l’expropriation, justifiant une différence de traitement
juridique. Selon l’opinion opposée, la distinction est essentiellement descriptive et
fonctionnelle, les mêmes principes demeurant applicables, de la même manière, aux deux
types de mesures.
12 Depuis 1945, la pratique suivie par de nombreux Etats semble confirmer la spécificité des
nationalisations. Alors que dans les cas ordinaires d’expropriation l’indemnisation s’est
opérée sur la base du préjudice subi par le particulier étranger, dans une relation directe
entre l’Etat expropriant et lui, le règlement des nationalisations s’est effectué, dans une
majorité de cas, par la voie d’accords inter-gouvernementaux d’indemnisation globale et
forfaitaire (lump sum agreements)12. Leurs caractéristiques ont été, entre autres, les
suivantes : l’indemnisation a été payée directement d’Etat à Etat ; une somme de
liquidation a été versée, les réclamations postérieures étant annulées ; le montant payé a
représenté une fraction seulement de la valeur des biens en cause ; il a été tenu compte de
la situation économique de l’Etat nationalisant, et de ses ressources en devises, au même
titre que de la valeur des biens ; des délais de versement ont été accordés, et de
complexes arrangements financiers entre Etats ont été fréquemment conclus.
13 En conséquence, dès les années 1940 et 1950, une importante minorité de la doctrine,
parmi laquelle figuraient des autorités telles que H. Lauterpacht, P. Guggenheim et Ch. de
Visscher, avait considéré que les principes applicables aux expropriations individuelles ne
pouvaient être transposés en l’état à des réformes économiques de grande envergure,
telles que des réformes agraires ou des nationalisations13. Dans de telles situations, le
principe d’une indemnisation partielle devait être inévitablement retenu, sous peine de
mettre de nombreux Etats dans l’impossibilité matérielle de procéder à des réformes de
structure. La solution préconisée était de compromis, afin de concilier deux principes
contradictoires : le droit de nationalisation du souverain territorial, et le respect de la
propriété privée étrangère. D’autres auteurs, à partir de la pratique des accords
d’indemnisation forfaitaire, ont franchi une étape supplémentaire en alléguant que le
droit lui-même avait changé14. Des règles séparées seraient applicables à deux concepts
distincts, la nationalisation et l’expropriation.
171

14 Ce n’est pas en soi l’exercice de la souveraineté de l’Etat territorial qui est en question,
mais plutôt sa relation avec des facteurs économiques, dont sa capacité financière vis-à-
vis de l’étranger. Il s’agit là d’un élément de fait qui, dans l’abstrait, ne modifie pas la
règle de droit ; son impact sur les principes juridiques en présence ne saurait toutefois
être minimisé. En cas de nationalisation de grands services publics, ou de secteurs-clés de
la production et des exportations nationales, il ne fait guère de doute que le paiement
d’indemnités représentant la pleine valeur commerciale d’investissements étrangers,
sans délai, et en devises convertibles outrepasserait les possibilités de nombreux Etats 15.
Pratiquement, la dissociation des règles applicables aux nationalisations et aux
expropriations répondrait donc à une nécessité. A défaut, cela reviendrait à dire que
l’Etat territorial devrait renoncer à exercer sa souveraineté sur ses ressources dans
certains cas ; ou inversement, que l’exercice de sa souveraineté ne pourrait qu’entraîner
un acte internationalement illicite.

c) L’identité des règles applicables aux mesures d’expropriation et de nationalisation

15 Tout en différenciant, sans les définir, les termes d’expropriation et de nationalisation,


les Conventions d’investissement ne distinguent aucunement les règles applicables à l’un
ou à l’autre type de mesures. Nous examinerons si une telle assimilation correspond au
droit commun, ou si elle y déroge.
16 L’expression la plus largement reconnue du droit contemporain de l’expropriation est à
rechercher, en premier lieu, dans la Résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale des
Nations Unies. Dans son paragraphe (4), la Résolution mentionne « la nationalisation,
l’expropriation ou la réquisition », sur le même pied, sans qu’une distinction soit faite entre
ces concepts, ou entre les règles qui leur sont applicables16. En second lieu, la Résolution
3281 (XXIX), intitulée Charte des droits et des devoirs économiques des Etats affirmait, dans
l’article (2) (2) : « Chaque Etat a le droit : (...) (c) De nationaliser, d’exproprier, ou de transférer la
propriété des biens étrangers... »17. Dans aucun de ces textes, une différence de traitement
juridique n’existe donc entre l’expropriation et la nationalisation.
17 L’une des difficultés, souvent relevée, dans l’établissement du droit international de la
nationalisation tenait à l’absence de décisions judiciaires ou arbitrales internationales
contemporaines sur le sujet. Les sentences arbitrales rendues depuis 1973, notamment
dans les Affaires BP, Texaco et Liamco revêtent, dans ce contexte, une importance
majeure18. Toutes les trois ont eu à statuer sur diverses mesures de nationalisation
décidées par le Gouvernement libyen à partir de 1971. Dans les Affaires BP et Texaco, le
terme de nationalisation est fréquemment mentionné ; mais aucune distinction n’est faite
pour différencier ce concept de celui d’expropriation.
18 Il n’en va pas de même dans la Sentence Liamco, qui a distingué l’expropriation, fondée sur
le droit administratif et la nécessité publique, de la nationalisation. Celle-ci prend, en
général, le caractère d’une mesure collective et législative, motivée par la politique
sociale de l’Etat19. Il s’agit d’un acte souverain, hors de portée du contrôle judiciaire, et
soumis au droit international dès lors que des éléments étrangers sont en cause. Parmi les
conséquences qui s’y attachent, la sentence a jugé que les principes d’indemnisation
applicables aux cas de nationalisation ont évolué20. Une indemnisation « pleine et
préalable » n’est plus impérative ; seule une indemnisation équitable est requise21. « Cette
tendance a été justifiée par la nécessité de prendre en considération non seulement l’intérêt du
172

propriétaire du bien nationalisé, mais aussi ceux de la Société (Communauté) et de l’Etat


nationalisant »22.
19 A l’encontre de ces tendances, de nombreux auteurs ont constamment récusé l’existence
d’une différence de nature juridique entre l’expropriation et la nationalisation, ainsi que
des règles applicables dans l’un et l’autre cas23. La pratique des accords d’indemnisation
forfaitaire, aussi fréquente soit-elle, a été qualifiée de compromis politique, non de nature
à modifier les principes coutumiers antérieurement établis. Il est allégué que
l’acceptation par un créancier d’un paiement partiel de la part d’un débiteur n’entache en
rien la validité de la règle de droit, selon laquelle le créancier possède un droit au
recouvrement intégral de la somme due. En ce sens, la pratique des Etats exportateurs de
capitaux montre qu’ils ont constamment revendiqué l’application des règles définies en
matière d’expropriation. Ces règles ne sont pas moins valides pour les nationalisations.
Enfin, des considérations d’opportunité ne sont pas absentes de certaines positions ; il est
argumenté, notamment, que la reconnaissance du principe de l’indemnisation partielle
pour les mesures de nationalisation constituerait un encouragement indirect à les mettre
en oeuvre24.
20 L’examen de la pratique des Etats, de la jurisprudence internationale et de la doctrine ne
permet donc pas de dégager une opinion uniforme. L’opinion dominante, cependant,
confirme l’assimilation effectuée dans les Conventions d’investissement entre
l’expropriation et la nationalisation. L’absence de différenciation est justifiée, avant tout,
par l’identité de la nature juridique de l’acte25 ; dans les deux cas, il s’agir d’un transfert
de droits de propriété effectué par des organes de l’Etat. Le fait que l’autorité y procédant
soit, en général, l’administration dans les cas d’expropriation, et le législateur dans les cas
de nationalisation, est indifférent au regard du droit international.
21 Le critère relatif à l’ampleur des mesures n’est guère plus probant. Une délimitation
quantitative séparant l’expropriation de la nationalisation comprendrait à l’évidence une
dose d’arbitraire non-négligeable, et serait d’une application aléatoire. Surtout, le
qualificatif de nationalisation a été donné, de plus en plus souvent, à des mesures
concernant quelques entreprises, voire une entreprise-clé26. Il est alors impossible de
différencier par son ampleur une mesure d’expropriation d’une mesure de
nationalisation.
22 Reste le but des mesures en cause. Un critère aussi subjectif ne suffirait sans doute pas, à
lui seul, à différencier les deux concepts. En outre, la distinction des buts poursuivis dans
l’un et l’autre cas apparaît des plus relatives. Une nationalisation est généralement
fondée sur une décision politique de la communauté, représentée par l’Etat, de modifier
le mode de fonctionnement et la destination d’activités économiques, et elle est justifiée
par l’intérêt général. Mais la mesure la plus anodine d’expropriation est également
fondée sur l’intérêt public, ne serait-ce que pour la construction d’une route ou d’un
aéroport.
23 En résumé, il apparaît que la distinction des concepts d’expropriation et de
nationalisation est essentiellement fonctionnelle, et qu’elle ne suffit pas pour justifier
l’élaboration de règles juridiques séparées. L’évolution récente du droit international,
précédemment mentionnée, se prononce en ce sens ; le droit conventionnel analysé n’y
déroge pas.
173

50. Les mesures de dépossession, directes ou indirectes

24 Les formes juridiques définies en droit interne ne sont pas déterminantes sur le plan du
droit international. Il se peut qu’une mesure, ou un ensemble de mesures, soit assimilée
en droit international à une expropriation de jure, quelles que soient les définitions qui en
sont données dans l’ordre juridique national ; on est alors en présence d’expropriations de
facto27. En ce sens, les clauses d’expropriation de nombreuses Conventions
d’investissement répertorient, à côté des mesures d’expropriation ou de nationalisation
proprement dites, « d’autres mesures de dépossession, directes ou indirectes », qui se trouvent
soumises au même régime juridique28 Il se pose une question de définition des mesures
visées.
25 Le droit international, hormis le transfert d’un titre de propriété, ne contient pas de
règles reconnues permettant d’assimiler d’autres mesures étatiques à des expropriations
29
. A part quelques éléments qui seront mentionnés, les Conventions d’investissement ne
sont pas plus explicites. L’examen de diverses situations, l’analyse de cas, constituent la
seule approche possible. Car la dépossession, ou l’expropriation de facto, est d’abord un
fait, que l’on constate dans une situation donnée. Une dépossession peut être plus ou
moins complète, ou plus ou moins partielle ; elle peut être ponctuelle, à durée limitée ou
indéterminée ; la référence à des formes indirectes de dépossession introduit une
incertitude supplémentaire. Une nouvelle mesure fiscale, un nouveau règlement
d’urbanisme limitant le droit de construction ne sont-ils pas des mesures indirectes de
dépossession, dès lors qu’ils réduisent le revenu d’un propriétaire ou restreignent ses
droits d’utilisation et de jouissance ? La notion d’expropriation de fait comporte donc un
risque élevé d’imprécision, sinon de confusion. Au cours des dernières années, une
certaine partie de la doctrine, et parfois la pratique diplomatique, ont fait une utilisation
abondante de termes tels que l’expropriation « rampante » (creeping expropriation),
« larvée », « indirecte », ou de la « dépossession de richesse » (wealth deprivation) 30. Ces
termes sont essentiellement descriptifs ; leur contenu et leur portée restent à déterminer.
26 Il est admis qu’une distinction de base doit être faite entre le pouvoir étatique
d’acquisition et celui de réglementation. La différenciation consacrée par le droit
américain entre le power of eminent domain et le police power est ici d’un intérêt particulier
31
. Le pouvoir de domaine éminent se réfère au droit de la puissance publique d’acquérir
des biens moyennant l’obligation d’indemniser le propriétaire. Le pouvoir de police de
l’Etat, par contre, est celui de réglementer, ou de limiter des droits individuels dans
l’intérêt public ; pour sérieuses que soient les limitations imposées, elles ne confèrent pas
de droit à indemnisation. Les mesures fiscales, de contrôle des changes, d’hygiène et de
sécurité, entre autres, entrent a priori dans la catégorie des mesures de police ; mais elles
peuvent être telles, dans certaines circonstances, qu’elles aboutissent à une dépossession
ou à une expropriation de fait. Mutatis mutandis, d’autres droits nationaux et le droit
international reconnaissent cette distinction32. Le point principal à élucider est donc de
déterminer dans quelles circonstances, et selon quels critères, des mesures de
réglementation peuvent se transformer en des mesures de dépossession entraînant un
droit à indemnisation.
27 Deux critères sont généralement reconnus. En premier lieu, les effets des mesures en
cause doivent être équivalents à ceux d’une expropriation. Ainsi, la Convention France-
Malte précise : « les termes “mesures de dépossession, directes ou indirectes” s’entendent d’actes
174

de la puissance publique dont les effets sont équivalents à l’expropriation ou la nationalisation » 33.
Le critère des effets est d’ordre objectif ; il constitue une condition nécessaire, et
suffisante, pour définir une expropriation de fait34.
28 Le second critère réside dans le but des mesures prises, qui peut être de parvenir au
même résultat qu’une expropriation, tout en évitant sous couvert de réglementation
l’obligation d’indemniser35. Les motivations de l’Etat, critère subjectif, n’interviennent
qu’à titre complémentaire ; dans la jurisprudence internationale et la pratique des Etats,
elles semblent n’être ni une condition nécessaire ni une condition suffisante pour
qualifier des mesures d’expropriatrices.
29 Certaines mesures, résultant en une dépossession directe, complète et fréquemment
définitive du propriétaire présentent peu d’ambiguïtés. Il en est ainsi de la réquisition, de
la liquidation et de la mise sous séquestre de biens appartenant à des étrangers, hors des
circonstances admises par le droit international. Dans l’Affaire Goldenberg, l’Arbitre avait
défini la réquisition en ces termes : « La réquisition est une forme “sui generis” de
l’expropriation pour cause d’utilité publique »36. Et il avait considéré qu’elle était reconnue
par le droit international « à la condition “sine qua non” » que les biens réquisitionnés
soient équitablement indemnisés le plus rapidement possible. Cette règle représente
l’expression du droit international général en la matière37. Elle se retrouve dans
l’arbitrage des Norwegian Shipowners’ Claims38. On a mentionné précédemment que la
Résolution 1803 (XVII) traitait sur le même pied de l’expropriation et de la réquisition39.
30 Comme l’a jugé la CPJI dans l’Affaire relative à l’Usine de Chorzow, la liquidation de biens
décrétée par l’Etat territorial, à l’exception des liquidations judiciaires régulières,
représente une forme de dépossession directe exigeant une indemnisation. Dans son
Arrêt № 8, interprétant le titre III de la Convention de Genève (1922), la Cour a considéré
que « si l’expropriation moyennant indemnité est prohibée par ledit titre, à plus forte raison en
est-il ainsi d’une prise de possession sans compensation aux intéressés »40.
31 D’autres situations présentent des aspects moins tranchés. Il est admis que le droit sans
doute le plus fondamental de l’investisseur étranger concerne son pouvoir de direction
dans une entreprise, et de participation aux décisions. Ce droit peut être fortement
limité, ou annihilé en fait si l’Etat nomme des agents gouvernementaux chargés d’en
prendre la direction. S’agit-il d’une dépossession directe justifiant une indemnisation ?
Une réponse affirmative a été donnée dans l’Affaire Benvenuti 41. L’examen de la pratique
diplomatique montre aussi qu’en diverses occasions, des Etats ont considéré que des
ingérences dans la direction d’entreprises équivalaient à des expropriations. Ce fut le cas
pour des intervenciones pratiquées en Espagne dans les années 1930, et à Cuba en 1960 42 ;
ce fut également le cas lors de prises de contrôle d’entreprises étrangères effectuées en
Indonésie entre 1957 et 196543.
32 La relation d’équivalence devient cependant plus délicate à déterminer lorsque des agents
de l’Etat ont un rôle en principe limité de contrôle et de veto, ou lorsque des motifs
légitimes, de sécurité par exemple, fondent un droit d’ingérence dans la direction de
l’entreprise. D’après les sources disponibles, il semble que les Etats, hors des cas flagrants
de dépossession directe, se soient abstenus d’invoquer une dépossession justifiant une
indemnisation44. En ce domaine, tout dépend de la situation de fait ; les pouvoirs formels
conférés aux agents de l’Etat ne constituent pas un critère déterminant, non plus que les
motifs allégués ; il importe avant tout d’apprécier si les effets concrets des décisions
prises équivalent à ceux d’une expropriation.
175

33 Les mesures indirectes de dépossession sont généralement plus difficiles à définir. Un


premier cas concerne les ventes dites forcées. Depuis les années 1960, des cas de
coercition étatique dans des cessions totales ou partielles d’entreprises étrangères, ou de
renégociations de contrats sous la contrainte ont été assez fréquemment mentionnés,
sans donner lieu à une jurisprudence ou à une pratique diplomatique connue45. Des
auteurs estiment qu’une expropriation de fait et un droit à indemnisation peuvent être
reconnus lorsqu’un investisseur étranger est contraint de céder son investissement à un
prix sans rapport avec sa valeur46. Une vente forcée constitue sans aucun doute une
mesure indirecte de dépossession. La principale difficulté réside dans l’application de la
notion de coercition, qu’elle soit exercée par un Etat envers un particulier étranger, ou
dans des relations entre Etats ; elle est d’un maniement délicat.
34 La création d’un monopole et ses effets sur des entreprises étrangères déjà en place ont
donné lieu à une jurisprudence et à une pratique diplomatique substantielles. Dans
quelques affaires du XIXe siècle, une indemnisation a été accordée à des étrangers
indirectement dépossédés47. Dans l’Affaire du monopole des assurances sur la vie en Italie, un
droit à indemnité fut dénié par le Gouvernement italien, mais des aménagements furent
introduits dans la loi pour permettre aux sociétés étrangères d’assurances de liquider
leurs biens dans un délai de dix ans.
35 L’Affaire Oscar Chinn, jugée par la CPJI en 1934, est parfois considérée comme faisant
autorité à l’encontre d’une obligation d’indemniser des investisseurs étrangers
indirectement lésés par l’instauration d’un monopole. Les paiements effectués par le
Gouvernement belge à d’autres entreprises l’ont été, selon la Cour, « sur le plan des
concessions à titre gracieux », non d’« une obligation juridique »48. Une conjoncture
économique favorable, les conditions du marché sont des circonstances changeantes ; il
entre dans la compétence de l’Etat territorial de réglementer ces conditions, sans qu’une
quelconque atteinte à des droits acquis puisse être invoquée. L’Arrêt fait autorité à
rencontre d’une certaine conception du principe du respect des droits acquis. Mais on
rappellera que le différend avait porté sur l’instauration d’un monopole « de fait » au
regard de règles d’égalité de traitement ; la question d’un monopole de droit n’avait pas
été abordée, ni invoquée par le Gouvernement demandeur49.
36 En règle générale, la création d’un monopole n’est pas considérée comme une mesure
indirecte de dépossession, équivalant à une expropriation et entraînant un droit à
indemnisation. On ne saurait affirmer, toutefois, que la règle soit valide sans prendre en
considération les effets de la mesure en cause et les buts poursuivis par l’Etat territorial 50.
La création de la Ceylon Petroleum Corporation et les mesures connexes prises par le
Gouvernement de Ceylan (Sri-Lanka) en 1961-1963 confirment cette exception51. Il
s’agissait de mesures de nationalisation des importations et de la distribution des
produits pétroliers sur le territoire ceylanais, attribuant un monopole à la société
nommée. Des actifs des sociétés étrangères distributrices n’avaient pas été nationalisés ;
mais la création d’un monopole de distribution rendait sans aucune valeur certaines
installations. L’effet des mesures a été considéré comme équivalent à une expropriation,
et des accords d’indemnisation ont finalement été conclus.
37 Dans la période contemporaine, le terme d’expropriation rampante a surtout été appliqué
à des mesures de police, fiscales, monétaires, douanières et autres qui, seules ou
conjointement, aboutiraient à déposséder indirectement un investisseur étranger.
176

38 Il a été mentionné que des mesures fiscales ou de contrôle des changes pouvaient revêtir
dans certaines circonstances un caractère confiscatoire52. Cette qualification n’a été
reconnue par la pratique des Etats que dans des cas où les effets des mesures équivalaient
à ceux d’une expropriation confiscatoire, et lorsque les objectifs poursuivis étaient de
déposséder un étranger sans l’indemniser. En ce sens, nombreuses sont les mesures qui
pourraient être détournées de leur but originel pour aboutir à un tel résultat. La pratique
suivie par la Suisse, notamment à l’égard des Etats d’Europe orientale après 1945,
confirme que le caractère expropriateur de mesures de police a été invoqué et reconnu
dans des accords inter-gouvernementaux où une indemnisation a été dans certains cas
accordée53. Sous couvert de délits économiques, des ressortissants suisses avaient été
dépossédés de leurs biens ; dans d’autres cas, des taxes extrêmement élevées avaient été
prélevées pour des profits prétendument illicites obtenus pendant ou après la guerre ;
dans d’autres encore, la fixation administrative des montants de loyers avait conduit
indirectement à une dépossession des intéressés. Le caractère d’expropriation de fait
résultant de certaines de ces mesures a été admis lorsqu’il s’est avéré que les motifs
pénaux ou fiscaux invoqués n’étaient pas justifiés, et qu’ils avaient servi de prétexte à une
dépossession.
39 En résumé, la notion des « mesures de dépossession, directes ou indirectes » repose, dans
les Conventions d’investissement comme en droit international général, sur une
équivalence des effets avec une expropriation de jure. Lorsque la dépossession est
complète et définitive, l’élément d’intention importe peu ; il se peut que l’effet non-
intentionnel de certaines mesures résulte en une expropriation de fait, qui sera reconnue
comme telle. L’arbitrage des Norwegian Shipowners’ Claims et l’Affaire relative à l’Usine de
Chorzow ne permettent pas de doute sur ce point54. Dans des cas litigieux, lorsque le seul
critère des effets s’est avéré moins probant, une expropriation de fait a été reconnue en
considérant, à titre complémentaire, les buts poursuivis par les organes de l’Etat en cause
55
.
40 Ces principes étant admis, il nous faut revenir sur le risque d’imprécision, voire de
confusion, que la notion d’expropriation de fait peut comporter. L’Affaire Revere Copper
and Brass, Inc. v. Overseas Private Investment Corporation en offre un exemple56. Bien qu’il
s’agît d’une décision soumise aux règles d’arbitrage des Etats-Unis, le Tribunal a jugé
nécessaire de statuer, inter alia, sur la base des « principes du droit international public qui
régissent la responsabilité des Etats pour les dommages causés aux étrangers »57. Rappelons
qu’un accord avait été conclu entre le Gouvernement de la Jamaïque et la société Revere,
enregistrée au Maryland, en 1967, pour la construction et l’exploitation par Revere d’une
usine de production d’alumine en Jamaïque. En 1974, le Parlement jamaïcain avait adopté
une loi imposant une taxe sur le prix moyen d’aluminium primaire produit à partir de la
bauxite extraite en Jamaïque, son taux initial étant de 7,5 pour cent. En 1975, Revere
ferma son usine, et en 1976 la société réclama une indemnisation pour expropriation à
TOPIC, sur la base d’un contrat de garantie passé en 1970 entre TOPIC et Revere. Dans une
tentative pour couvrir les cas d’expropriation rampante, ce contrat définissait comme
une « action expropriatrice » (Expropriatory Action) toute action gouvernementale qui,
pendant un an, avait pour résultat direct d’empêcher (Section 1.15.(d)) : « (...) l’entreprise
étrangère d’exercer une direction effective sur l’usage ou la disposition d’une portion substantielle
de ses avoirs ou de construire le Projet ou de l’exploiter »58. La question posée était de
déterminer si les mesures prises par la Jamaïque en 1974, essentiellement l’imposition de
la taxe sur la bauxite, avaient entraîné une action expropriatrice au sens précité.
177

41 Le Tribunal arbitral, dans sa majorité, a conclu à l’existence d’une action expropriatrice


de la part du Gouvernement jamaïcain, et en faveur du droit de la société Revere à
indemnisation59. Selon le Tribunal, les mesures étatiques de 1974 avaient eu pour résultat
d’abroger l’Accord Jamaïque-Revere de 1967, et cette abrogation avait entraîné la perte de
« l’exercice de la direction effective sur l’usage ou la disposition des avoirs » de la part de
Revere. Pour parvenir à cette conclusion, le tribunal a considéré que l’essence de la
« direction effective » résidait dans la continuité du « processus de prise de décision » (
decision making process). La gestion rationnelle de l’entreprise était devenue aléatoire du
fait des mesures de 1974 et de l’abrogation consécutive de l’accord de 1967 60. Nous ne
saurions commenter la valeur juridique de la décision au regard du droit américain. Mais,
puisque la sentence s’est placée sur le plan du droit international, il convient de relever
qu’une conception aussi extensive de l’expropriation de fait ne correspond à aucune règle
reconnue, et qu’elle ne s’est appuyée sur aucune autorité. Le critère de la continuité du
processus de prise de décision est sans contexte trop vague pour servir de base à une
définition de l’expropriation de fait.
42 Pour une part, le problème provenait aussi de la formulation utilisée dans le contrat de
l’OPIC, afin d’englober des situations d’expropriation dite rampante, comme l’a noté
l’opinion minoritaire du Tribunal61. Il n’a été contesté par personne que la société Revere
avait conservé ses droits de propriété ; aucune ingérence étatique dans la direction de
l’entreprise n’avait eu lieu ; aucune mesure indirecte de dépossession sur la production,
les exportations ou les approvisionnements de l’entreprise n’était intervenue ; la taxe
prélevée n’a été jugée confiscatoire par aucun arbitre, puisqu’elle représentait en
moyenne 20 pour cent des revenus bruts obtenus par Revere dans la production
d’alumine62. Cependant, le texte du contrat de garantie a entraîné une interprétation
qualifiant d’action expropriatrice l’imposition d’une taxe non-confiscatoire, mais jugée
contraire à un accord passé entre l’Etat et l’investisseur étranger. Le risque d’imprécision,
voire de confusion, associé à l’expropriation rampante est alors manifeste.
43 Quelques clauses d’expropriation des Conventions d’investissement n’échappent pas à ce
risque, en allant au-delà de la notion de dépossession. Ainsi, la Convention Japon-Egypte
stipule que les investissements concernés « ne seront pas soumis à expropriation,
nationalisation, restriction », sauf conditions définies63. D’autres textes prévoient que les
ressortissants « ne peuvent être privés, directement ou indirectement, de la propriété ou de la
jouissance de leurs investissements »64 ; ou encore cette définition : « on entend par
"expropriation" le retrait ou la limitation de tout droit de propriété qui, seul ou conjointement avec
d’autres droits, constitue un investissement de capital »65. Ce qu’il convient d’entendre en droit
international par une « restriction », par une « limitation » du droit de propriété, ou par
une privation indirecte de jouissance, en relation avec l’expropriation, relève pour une
bonne part de la conjecture.
44 Il reste à examiner si, sous le terme de mesures indirectes de dépossession, il ne faut pas
comprendre des actes de particuliers, outre des mesures prises par l’Etat. La situation
visée est celle qui a prévalu en Indonésie à diverses reprises de 1957 à 1965 66. Des actions
d’occupation d’établissements, menées par des militants politiques et syndicaux, ont
abouti à la dépossession d’investisseurs étrangers. Le caractère d’expropriations de fait
résultant de telles actions a été invoqué par les Gouvernements néerlandais et
britannique notamment, ainsi que par une partie de la doctrine. Dans quelques
Conventions d’investissement, les mesures indirectes de dépossession envisagées sont
explicitement limitées à des mesures étatiques67 ; la plupart des textes, cependant, ne se
178

prononcent pas. L’exclusion des actes de particuliers est conforme aux principes régissant
la responsabilité de l’Etat territorial : celle-ci ne peut être engagée que si un fait est
attribuable à ses organes68. Il en irait ainsi si des particuliers avaient en réalité agi pour le
compte de l’Etat, ce qui était le cas selon toute probabilité en Indonésie, lors des
événements cités ; ou si, par omission et négligence, l’Etat s’abstenait de prévenir un
événement donné, qu’il était en son pouvoir d’empêcher ; ou enfin, s’il se rendait
coupable d’un déni de justice envers des investisseurs étrangers demandant le
rétablissement de leurs droits.

Section II. Les conditions de l’expropriation


45 Aucune Convention d’investissement examinée ne cherche à restreindre le droit d’un
Etat-partie de prendre des mesures d’expropriation ou de nationalisation à l’encontre
d’investissements de l’autre Partie. Mais toutes posent des conditions. Au minimum, il est
prévu qu’une indemnité sera versée à l’investisseur dépossédé. Au maximum, quatre
conditions supplémentaires sont stipulées : la non-discrimination, la cause d’utilité
publique, le respect des prescriptions légales, et celui d’engagements spécifiques 69.
46 En outre, nombre de clauses d’expropriation des Conventions contiennent une référence
au droit international général. Le renvoi au droit des gens et les quatre conditions
mentionnées seront examinés dans cette section. De par son importance, l’indemnisation
sera traitée à part, dans la prochaine section.

51. Les références au droit international général

47 Selon un nombre substantiel de Conventions bilatérales, les investissements couverts


bénéficieront sur le territoire de l’Etat d’accueil d’une protection et d’une sécurité
qualifiées d’intégrales, entières, pleines, ou complètes70. Les termes employés sont
identiques à ceux rencontrés dans le cadre des clauses de traitement. La protection et la
sécurité auxquelles il est fait référence sont celles accordées par le droit international.
Leur première fonction est d’établir que le traitement national ne représente pas le
principe fondamental applicable aux conditions d’une expropriation.
48 D’autres Conventions stipulent plus brièvement que des mesures d’expropriation devront
être conformes au droit international. Parfois, le renvoi au droit des gens couvre une
clause d’expropriation dans son ensemble71 ; plus fréquemment, il est accolé aux
conditions d’indemnisation72.
49 Le renvoi au droit général est d’une importance majeure. Il nous oblige à préciser quels
sont les principes de droit international applicables aux conditions de l’expropriation.

a) Le contenu des règles de droit international général

50 Sitôt la question posée, nous nous trouvons confrontés à un double problème, l’un de
source du droit, l’autre de contenu. Car il existe actuellement trois expressions au moins
du droit international général de l’expropriation. Par souci de simplification on les
dénommera : la position des Etats exportateurs de capitaux, la Résolution 1803 (XVII), et
la Charte de 1974. On les résumera ; la démarche suivie correspond à celle qui a été
consacrée par la jurisprudence internationale dans les Affaires Texaco et Liamco, et qui est
reprise par des auteurs contemporains73.
179

51 La position des Etats exportateurs de capitaux, qu’ils considèrent comme étant


l’expression du droit général en la matière, reconnaît sans ambages le droit
d’expropriation et de nationalisation d’un Etat. Mais ce droit est soumis aux conditions
suivantes : une expropriation ne doit pas être discriminatoire ; elle doit être motivée par
l’utilité publique ; elle doit être accompagnée du paiement d’une juste indemnité. Pour
certains Etats, notamment de droit anglo-américain, une juste indemnité signifie une
indemnité adéquate, prompte et effective74. Une expropriation ou une nationalisation qui
contreviendrait à l’une de ces conditions serait illicite en droit international.
52 La Résolution 1803 (XVII), dans son paragraphe (4), réaffirme le droit d’un Etat de prendre
des mesures d’expropriation75. Mais, élément nouveau, la notion de souveraineté a été
qualifiée de « permanente » sur les ressources naturelles. La permanence du droit
d’expropriation ou de nationalisation signifie qu’un Etat ne peut en aucun cas aliéner sa
capacité juridique de choisir son système économique, et de modifier éventuellement les
méthodes d’exploitation de ses ressources76. Le principe de non-discrimination est omis
dans la Résolution, mais la condition d’utilité publique y figure. De plus, la Résolution
affirme le droit à une indemnisation appropriée77 ; celle-ci doit être déterminée
conformément au droit de l’Etat expropriant, et conformément au droit international. La
référence au droit international constitue un rejet du principe du traitement national en
matière d’indemnisation. Quelques Etats l’ont interprété comme une identification du
qualificatif « appropriée » avec les termes traditionnels « adéquate, prompte et
effective ». Dans son paragraphe (8), distinct des règles d’expropriation, la Résolution
affirme que « Les accords relatifs aux investissements étrangers librement conclus par des Etats
souverains ou entre de tels Etats seront respectés de bonne foi ». Les accords « conclus par » des
Etats se réfèrent à des accords conclus entre des Etats et des investisseurs étrangers.
53 La Charte de 1974, dans son article 2(2) (c) confirme le droit souverain d’un Etat en matière
d’expropriation ou de nationalisation78. Mais, autre élément nouveau, la notion de
souveraineté permanente s’étend à l’ensemble des activités économiques (art. 2(1)). Les
conditions de non-discrimination et d’utilité publique ont disparu. La condition
d’indemnisation est formulée de manière ambiguë : une indemnité « devrait » être
versée ; l’indemnité est qualifiée d’« appropriée » ; elle est déterminée « compte tenu »
des lois de l’Etat expropriant et des circonstances qu’il juge pertinentes. Toute référence
au droit international a aussi disparu, ainsi que toute mention relative aux accords
d’investissement entre Etats et investisseurs étrangers. En ce qui concerne le montant et
les modalités d’une indemnisation, la Charte consacre le principe du traitement national.
54 Face à une telle disparité, on ne peut que s’interroger : quelle est l’expression du droit
général ? Et d’abord, où est-il ? Il existe aujourd’hui un problème fondamental de
détermination des sources du droit international de l’expropriation79. L’examen détaillé
de la jurisprudence internationale, de la pratique diplomatique et de la valeur juridique
des résolutions des Nations Unies débordent largement le cadre de l’étude. On ne peut
éviter, cependant, de relever quelques aspects essentiels pour l’analyse des clauses des
Conventions d’investissement.
55 La position des Etats exportateurs de capitaux s’appuie sur une jurisprudence
internationale abondante, mais souvent antérieure à 193980. Elle se fonde également sur
une pratique diplomatique constamment invoquée, pratique qui s’est généralement
concrétisée dans les relations de ces Etats entre eux, mais rarement dans leurs relations
avec des pays dotés de systèmes économiques différents, à planification centrale ou en
180

développement. Elle est confirmée dans un certain nombre de traités bilatéraux, et


soutenue par une partie de la doctrine.
56 Toutefois, la grande majorité des Etats importateurs de capitaux ont à plusieurs reprises
objecté que la position mentionnée soit de droit coutumier. Selon les termes classiques de
l’Article 38(1) (b) du Statut de la CIJ, une règle coutumière repose sur « une pratique
générale acceptée comme étant le droit ». Dans les Affaires du Plateau continental de la Mer du
Nord, la Cour a jugé que les deux conditions étaient également nécessaires : il doit exister
une pratique constante des Etats, et « la conviction que cette pratique est rendue obligatoire
par l’existence d’une règle de droit »81. La condition subjective, l’opinio juris n’est pas moins
indispensable : « Les Etats intéressés doivent donc avoir le sentiment de se conformer à ce qui
équivaut à une obligation juridique. Ni la fréquence ni même le caractère habituel des actes ne
suffisent »82.
57 Les objections essentielles formulées par les Etats importateurs de capitaux se rapportent
aux conditions de l’indemnisation. D’une part, il est relevé que l’existence d’une pratique
constante est sujette à caution, comme l’atteste la pratique des accords d’indemnisation
forfaitaire83. D’autre part, la règle d’une indemnisation adéquate, prompte et effective est
contraire à l’opinio juris de la majorité des Etats. En prévoyant une indemnité appropriée,
sans plus la définir, la Résolution 1803 (XVII) avait laissé la question en suspens. Mais le
rejet majoritaire de la règle alléguée par les Etats exportateurs de capitaux résulte
clairement des travaux préparatoires et de l’adoption de la Charte de 1974 84. En
conséquence, selon un courant d’opinion, elle serait tombée en désuétude. Stipulée dans
un traité, tel qu’une Convention d’investissement, elle serait dérogatoire du droit
international général.
58 La Résolution 1803 (XVII), de par ses conditions de vote (87 Etats pour, 2 contre, 12
abstentions) a donné lieu à un consensus juridique d’autant plus remarquable qu’il ne
s’est pas reproduit depuis lors. Elle a été adoptée par des Etats de différents bords, tant
importateurs qu’exportateurs de capitaux. De par son contenu, elle a été considérée
comme l’expression du droit général au moment de son adoption85. Cette reconnaissance
a été confirmée par la jurisprudence internationale, notamment dans l’Affaire Texaco : « En
fonction des conditions de vote précédemment évoquées et traduisant une “opinio juris communis”,
la résolution 1803 (XVII) paraît au Tribunal de céans refléter l’état du droit coutumier en la
matière »86. De même, pour la majorité de la doctrine, la Résolution a été déclaratoire de
principes existants87.
59 On ne peut certes pas en dire autant de la Charte de 1974. L’Article 2(2) (c) a été adopté par
104 Etats ; mais 16 autres se sont prononcés contre, et 6 se sont abstenus. Parmi les votes
négatifs et les abstentions figuraient l’ensemble des Etats exportateurs de capitaux, ainsi
que certains Etats importateurs. De par leur contenu, les dispositions de la Charte relative
à l’indemnisation ont été considérées comme étant contra legem par une importante
minorité d’Etats88 ; leurs objections impliquent qu’ils ne s’estiment pas liés par ces
dispositions. Les oppositions qui se sont manifestées se rapportent en premier lieu à
l’adoption du principe du traitement national pour la détermination d’une indemnité, et à
l’absence de toute référence au droit international. D’autre part, la mention relative aux
accords d’investissement, figurant dans le paragraphe (8) de la Résolution 1803 (XVII), a
disparu de la Charte de 1974. La majorité des Etats s’est opposée à son insertion89.
60 Le problème de source du droit général de l’expropriation revient à déterminer si c’est la
Résolution 1803 (XVII), en tant que telle, qui représente actuellement l’expression du droit ;
ou bien si la Résolution doit être complétée par des règles préexistantes d’indemnisation,
181

qu’elle incorpore indirectement ; ou encore, si l’évolution ultérieure a rendu caduques


certaines dispositions de la Résolution90. Sur cette question de source, deux courants
doctrinaux apparaissent en présence. Selon le premier, des règles coutumières
demeurent valides et se perpétuent aussi longtemps que de nouvelles règles ne les ont pas
remplacées ; il est allégué, en outre, que la charge de la preuve que la coutume a changé
revient à ceux qui invoquent un tel changement91. Le droit général en vigueur serait donc
exprimé par la Résolution 1803 (XVII), complétée par les règles antérieures auxquelles elle
se réfère.
61 Selon une seconde doctrine, une règle coutumière peut tomber en désuétude, dès lors que
les conditions de son maintien en vigueur font défaut, et ce avant même que d’autres
règles n’aient été reconnues. Ce serait spécifiquement le cas pour l’obligation d’une
indemnisation adéquate, prompte et effective92.
62 Il ne nous semble pas que ce problème de source puisse être actuellement résolu dans
l’abstrait, indépendamment du contenu des règles en cause. La question ne concerne pas
seulement, en effet, la théorie de l’évolution de la coutume ; dans le domaine de
l’expropriation et de la nationalisation, c’est la substance même des règles applicables qui
demeure, pour une part, incertaine.
63 L’objet des Conventions d’investissement est dans ce contexte de confirmer la validité des
conditions d’une expropriation conforme au droit international général, sur une base
bilatérale. Mais, par divers aspects, il est manifeste que la sécurité juridique entre les
Etats-parties sera mieux assurée par les dispositions directes des clauses d’expropriation
que par une référence générale au droit des gens, quels qu’aient été les voeux originels de
certains auteurs des Conventions.
64 En résumé, pour déterminer la portée du renvoi au droit général, la seule voie praticable
paraît être de dresser un bref inventaire des points sur lesquels la validité d’une règle est
reconnue, et de ceux où les éléments d’incertitude dominent :
• Le droit d’expropriation et de nationalisation. Ce droit est clairement reconnu par
l’ensemble de la communauté internationale. La récente jurisprudence internationale l’a
unaniment réaffirmé93. Le principe n’est donc pas en litige.
• La souveraineté permanente sur les ressources naturelles. La validité et le caractère
fondamental de ce principe ne font pas de doute. Mais il existe diverses incertitudes quant à
sa portée, notamment quant à son extension à l’ensemble des activités économiques 94.
• Le principe de non-discrimination et la cause d’utilité publique. Ces conditions ont disparu
de la Charte de 1974. Nombre de Conventions bilatérales les réaffirment. On aura à examiner
si elles dérogent par là à l’évolution du droit95.
• L’existence d’une obligation internationale d’indemniser. Ce principe a été reconnu de
longue date par le droit des gens, indépendamment des règles définies par les droits
nationaux. Il est réaffirmé par la Résolution 1803 (XVII). La Charte de 1974 déclare que l’Etat
expropriant « devrait verser une indemnité ». La question de savoir si ces termes ont en eux-
mêmes un contenu objectif a été abordée par divers auteurs. L’un des principaux architectes
de la Charte a ainsi affirmé : « Le texte définitif de la Charte reconnaît catégoriquement l’obligation
internationale d’indemniser »96. La validité contemporaine de cette obligation internationale a
été confirmée avec force par la jurisprudence internationale postérieure à 1974, notamment
par la Sentence Liamco97. Il n’en est pas moins vrai qu’une obligation d’indemnisation a été
déniée dans quelques récentes affaires98. Ces cas marginaux mis à part, la validité du
principe reste reconnue ; il demeure de droit coutumier.
182

• Le montant et les modalités d’indemnisation. C’est sur ce point crucial que les incertitudes
du droit sont les plus importantes99. Certains Etats considèrent que le droit des gens contient
des critères autonomes quant au montant et aux modalités d’indemnisation. D’autres Etats
estiment que cette question ressortit au droit national.
• Le règlement des différends et l’engagement de la responsabilité de l’Etat expropriant. La
validité du principe de l’épuisement des voies de recours internes est unanimement
reconnue ; le principe de la solution pacifique des différends l’est également. Toutefois, une
divergence substantielle existe sur l’engagement de la responsabilité internationale de l’Etat
expropriant. Une autorité non moindre qu’un Président de la CIJ affirmait en 1978 : «
Aujourd’hui toute mesure de nationalisation ou d’expropriation constitue l’exercice d’un droit
souverain de l’Etat et est par conséquent entièrement licite » 100. Cette opinion possède un
caractère novateur ; elle tend à exclure le domaine de l’expropriation du champ de la
responsabilité internationale. Elle se fonde sur une conception extrême de la notion de
souveraineté permanente, qui est loin d’être admise. En termes classiques, la responsabilité
d’un Etat pour fait internationalement illicite est engagée si des mesures d’expropriation
violent l’une des obligations internationales reconnues en la matière 101.

b) Le fondement des obligations internationales relatives à l’expropriation et à la


nationalisation

65 Nous avons tenté de délimiter ce que le renvoi au droit des gens stipulé dans des
Conventions d’investissement impliquait. Par delà, il faut s’interroger sur la relation
juridique qui est à la base des obligations mentionnées. La question peut être formulée
ainsi : la relation juridique résultant d’une mesure d’expropriation est-elle une relation
entre deux Etats, un Etat expropriant devenant redevable envers un autre Etat du
transfert de ressources qu’il opère à son profit ? Ou s’agit-il d’une relation de protection
de ressortissants à l’étranger, relation triangulaire où un Etat national peut prendre fait
et cause pour l’un de ses ressortissants à raison des dommages qu’il a subis à la suite d’un
fait attribuable à un autre Etat ? Les conséquences qui s’y attachent sont de deux ordres.
D’une part, il importe de déterminer si le rapport de droits et d’obligations issu de
mesures d’expropriation se situe directement sur le plan du droit international. D’autre
part, il convient de préciser quel est le fondement de l’obligation d’indemniser, à savoir si
le droit des gens se base sur la perte de ressources subie par un Etat du fait d’actes
d’expropriation pris par un autre Etat, comme une conception contemporaine de
l’enrichissement sans cause voudrait le faire admettre, ou si c’est la valeur du bien dont
un investisseur a été dépossédé qui fournit la mesure de l’indemnisation.
66 D’un point de vue historique, la réponse ne fait pas de doute. Le droit international s’est
développé en prenant pour base une relation de protection de la propriété privée
étrangère. Dans la jurisprudence internationale, le principe fondamental a été
fréquemment exprimé sous la forme du respect des droits acquis.
67 La validité du principe dans l’ordre juridique international a été maintes fois reconnue.
Dans l’Affaire relative à certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (Fond), la CPJI l’a
ainsi affirmé : « c’est ce qui ressort du principe du respect des droits acquis, principe qui, ainsi
que la Cour a eu l’occasion de le constater à maintes reprises, fait partie du droit international
commun (...) »102. Son application n’a pas été limitée au domaine de la succession d’Etats ;
ainsi, la CPJI l’a examiné dans l’Affaire Oscar Chinn dans le cadre de règles stipulant une
égalité de traitement en matière commerciale103.
183

68 On ne saurait alléguer non plus qu’il est tombé en désuétude. Il est mentionné dans des
sentences postérieures à 1945. Dans l’Affaire Saudi Arabia v. Arabian American Oil Company
(Aramco), l’Arbitre a jugé que la concession accordée à l’Aramco avait eu « l’effet de conférer
des droits acquis aux Parties contractantes »104. La Sentence Liamco s’est référée « au principe de
la non-rétroactivité des lois, qui dénie un effet rétroactif à une nouvelle législation et affirme le
respect des droits acquis sous une législation antérieure »105. L’examen de la pratique
diplomatique et d’une partie de la doctrine confirme sa validité106.
69 En revanche, le contenu et la portée du principe n’ont pas été clairement établis. On en
chercherait en vain la définition dans la jurisprudence citée, où les tribunaux se sont
limités à affirmer l’existence de droits dans une situation donnée. Il semble que le
principe possède, ou ait possédé, plusieurs dimensions différentes. L’une est d’englober
des droits dérivés de contrats sous le terme de droits acquis, à côté des droits de propriété
107. Une seconde dimension, à l’origine sans doute la plus importante, est issue de

principes de droit inter-temporel, transposés en droit international public pour régir la


question dite de la non-rétroactivité des lois. Enfin, le respect des droits acquis a
constitué une expression du principe de la protection de la propriété étrangère, face à des
mesures d’expropriation et de dépossession. Cette dernière acception retiendra seule
notre attention ici.
70 Si nous nous trouvons en présence d’une relation de protection des biens étrangers, il
faut encore préciser quelle est l’étendue de la protection accordée par le droit
international. Selon Guggenheim, « Le principe de la protection des droits acquis des étrangers
signifie seulement, d’une part, que ces droits ne doivent pas être l’objet de mesures arbitraires,
discriminatoires, d’autre part que, dans le cas où il y a atteinte à des droits acquis, l’intéressé doit
être indemnisé »108.
71 Une telle définition du principe n’est pas toujours celle qui a prévalu. Ainsi, en
interprétant le Titre III de la Convention de Genève de 1922, l’Arrêt N° 7 de la CPJI a jugé
qu’il « établit en faveur de la Pologne un droit d’expropriation, qui constitue une exception au
principe général du respect des droits acquis »109. Cette formulation nous rappelle que, dans le
contexte des années 1920, l’exercice du droit d’expropriation et de nationalisation
revêtait un caractère exceptionnel.
72 Par extrapolation, une conception lato sensu des droits acquis a été élaborée par une
partie de la doctrine, pour devenir en quelque sorte un principe d’intangibilité du droit
interne au profit des étrangers, par la vertu de la protection qui serait accordée par le
droit des gens110. Un droit patrimonial ayant été obtenu par un étranger sous l’empire
d’une loi nationale, le législateur territorial ne pourrait plus le restreindre ou l’abroger
par une loi subséquente sans engager la responsabilité de l’Etat, le droit en cause ayant
pris le caractère d’un droit acquis qui serait directement protégé par le droit
international. Selon une conception extrême, le fondement d’une telle transmutation
d’un droit résiderait dans le fait que les droits patrimoniaux ne sont pas créés par les
organes d’un Etat, mais seulement protégés par lui111. Ils sont en quelque sorte
immanents, et hors d’atteinte des modifications de la loi nationale. On retrouve là
certaines théories de droit naturel, transposées en droit international public via la notion
des droits acquis112.
73 Il est à noter que les effets d’une conception extensive des droits acquis ont été de faire
peser une présomption d’illicéité, plus ou moins forte, vis-à-vis de toute mesure
184

d’expropriation ou de nationalisation prise par un Etat à l’encontre des biens d’un


étranger113.
74 L’évolution contemporaine du droit international n’a pas retenu une conception aussi
extensive de la notion des droits acquis. Il est même probable que les ambiguïtés
évoquées ont contribué à sérieusement l’affaiblir. La notion des droits acquis semble avoir
été éclipsée dans la jurisprudence récente de la CIJ ; elle n’est pas mentionnée dans les
Sentences BP, Texaco, Aminoil et Agip. Dans l’Affaire Liamco, elle sert seulement de support à
la protection accordée par le droit international à la propriété privée114. Du point de vue
de la pratique des Etats, rappelons que le Comité préparatoire de la Conférence pour la
Codification du droit international (1930) avait déjà écarté la notion comme base de
discussion distincte, au vu des divergences de positions exprimées par les Etats à son
égard115. De même, elle a été nettement rejetée lors des travaux de la CDI sur la
responsabilité des Etats, et lors des délibérations correspondantes de la sixième
Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies116.
75 Enfin, contrairement à certains traités de commerce conclus après 1945, aucune
Convention d’investissement examinée ne fait référence au principe du respect des droits
acquis.
76 Dans ces conditions, on peut se demander quels sont le contenu et la portée actuels de la
notion. Sans pouvoir y apporter de réponse péremptoire, on admettra que son noyau
central, tel qu’exprimé par Guggenheim, demeure valide117. L’interdiction de la
discrimination, de l’arbitraire, et de la dépossession sans indemnité à l’égard des biens
étrangers constitue l’essence de la protection accordée par le droit des gens. Les
Conventions d’investissement tendent à confirmer la validité contemporaine de ces
principes.
77 En conséquence, il paraît difficile d’admettre que la relation juridique en cause se situe
d’emblée sur le plan inter-étatique, c’est-à-dire sur le plan de la perte de ressources
économiques encourues par un Etat du fait de mesures d’expropriation prises par un
autre Etat. Ceci ne signifie pas que la relation directe entre deux Etats soit dénuée
d’importance. Mais on doit constater que le droit international a établi au premier chef
une relation de protection des biens étrangers, et rien n’indique que cette protection ait
été évincée au profit d’un principe alternatif. Il en résulte divers corollaires en matière
d’indemnisation, comme on le verra118.

52. Le principe de non-discrimination

78 Un nombre substantiel de Conventions d’investissement stipulent que les mesures


d’expropriation ou de nationalisation prises ne seront pas discriminatoires119. D’autres
textes cependant, omettent cette condition, et ne mentionnent que la cause d’utilité
publique120.
79 Le principe de non-discrimination à l’égard des étrangers, et des biens étrangers, est
fermement établi en droit international général121. Il s’est imposé dans tous les domaines
de la condition des étrangers, et il s’est appliqué aux questions d’expropriation. Les
premières autorités reconnues en ce domaine sont l’arbitrage des Norwegian Shipowners’
Claims et celui relatif à l’Affaire des biens britanniques au Maroc espagnol 122. Il a constamment
été affirmé par une majorité de la doctrine123. On a mentionné, toutefois, qu’il
n’apparaissait ni dans la Résolution 1803 (XVII), ni dans la Charte de 1974. La question se pose,
185

dans ces conditions, de savoir si les Conventions d’investissement maintenant la


condition de non-discrimination se réfèrent à un principe passé, voire dépassé, ou à une
obligation dont la validité contemporaine demeure. Les sentences arbitrales postérieures
à 1970 laissent peu de doute à ce sujet. La Sentence Liamco s’est prononcée en ces termes :
« Il est clair et incontesté que la non-discrimination est une condition requise pour la validité d’une
nationalisation licite. Cette règle est bien établie dans la théorie et la pratique juridiques
internationales. Par conséquent, une nationalisation purement discriminatoire est illégale » (illégal
and wrongful)124. L’interdiction de la discrimination a été, de même, affirmée dans l’Affaire
BP125. Le principe conserve toute sa validité.
80 En ce qui concerne son contenu, nous avons précédemment mis en évidence l’importance
de l’élément subjectif, de l’intention dolosive, et, a contrario, de la prise en considération
de la légitimité des mesures en cause. Le second élément concerne les effets
dommageables que des mesures entraînent à l’égard d’un étranger, ou d’une catégorie
d’étrangers de nationalité déterminée. Le poids respectif des deux éléments varie selon
les domaines considérés ; lorsque des avoirs sont directement enlevés à leur propriétaire,
ce qui est le cas présent, il est probable que les effets des mesures en cause pèseront plus
lourdement, par rapport au but poursuivi, que dans d’autres situations. On rappellera, en
ce sens, que l’arbitrage des Norwegian Shipowners’ Claims avait écarté l’élément d’intention
pour ne retenir que les effets discriminatoires de la réquisition126.
81 Dans le cas d’une expropriation individuelle, le caractère discriminatoire d’une mesure ne
peut s’apprécier que par rapport à ses motivations, et au traitement particulièrement
injuste qui serait réservé à un étranger. Dans un Etat de droit, une telle situation sera
ordinairement redressée par les tribunaux nationaux. Si une expropriation individuelle
s’inscrit dans un programme collectif, par exemple en matière d’urbanisation, il s’y ajoute
une possibilité de comparaison avec le sort réservé aux nationaux se trouvant dans une
situation analogue. La protection accordée par la loi nationale ne saurait être moindre, en
matière d’expropriation, pour les biens étrangers que pour les nationaux127.
82 Dans le cas d’une nationalisation, décidée par le législateur, la question se présente
souvent différemment, les voies de recours internes étant inexistantes, ou des plus
limitées. Si des mesures de portée générale sont prises, là où des intérêts aussi bien
nationaux qu’étrangers sont en cause, une discrimination illicite aurait lieu si seuls des
biens étrangers étaient en réalité affectés128 ; ou encore, si des biens des ressortissants de
l’Etat A se trouvaient affectés plus durement que ceux de l’Etat B129. En ce sens, la
Convention France-Roumanie spécifie qu’une nationalisation, ou une expropriation, devra se
faire « de manière non-discriminatoire par rapport aux investissements de tout pays tiers » 130.
83 Des difficultés particulières surgissent lorsque seuls des biens étrangers sont concernés
par des mesures de nationalisation. En droit international contemporain, deux types de
situation ont surtout retenu l’attention : les cas d’entreprise étrangère unique et ce que
nous appellerons la nationalisation-rétorsion.
84 Dans l’Affaire de l’Anglo-Iranian Oil Company, le Gouvernement britannique avait plaidé
devant la CIJ le caractère discriminatoire de la nationalisation de l’industrie pétrolière
décidée en 1951 par le Gouvernement iranien, au motif qu’elle était dirigée en fait contre
une société étrangère particulière131. La Cour ne s’est pas prononcée, ayant décliné sa
compétence. Lors de la nationalisation de la Compagnie universelle du canal maritime de
Suez par l’Egypte (1956), une entreprise unique par excellence, le grief de discrimination
ne paraît pas ressortir des protestations diplomatiques faites par les Gouvernements
britannique, français et américain132. Il semble qu’une discrimination illicite ne saurait
186

être admise du seul fait de la nationalisation d’une entreprise étrangère unique133. D’une
part, le critère de base de la discrimination étant celui de la nationalité, les éléments de
comparaison avec la situation d’entreprises nationales, ou d’autres entreprises étrangères
font dans ce cas défaut ; par rapport à quoi jugera-t-on de l’existence d’une
discrimination ? D’autre part, si l’on admet l’identité des règles applicables aux cas
d’expropriation et de nationalisation, la spécificité d’une nationalisation, comme mesure
en principe générale, devient un critère d’une importance toute relative. La
discrimination, si elle existe, résultera, comme dans le cas d’une expropriation
individuelle, d’une appréciation de l’élément intentionnel et des effets qu’il aura
entraînés ; ainsi dans l’Affaire Aminoil134.
85 Le caractère discriminatoire d’une nationalisation, comme mesure de rétorsion prise à
l’égard d’entreprises d’un pays donné, et dirigée contre la politique suivie par leur Etat
national, a été invoqué en diverses occasions depuis les années 1950 : en Egypte (1957), à
l’encontre d’entreprises britanniques et françaises ; en Indonésie (1957-58), à l’encontre
d’entreprises néerlandaises ; à Cuba (1960-61), à l’encontre d’entreprises américaines ; en
Lybie (1971-74), à l’encontre d’entreprises britanniques et américaines, pour ne citer que
les cas les plus notables. Les mesures libyennes retiendront seules notre attention.
86 Dans l’Affaire BP, la loi de nationalisation adoptée le 7 décembre 1971 par le
Gouvernement libyen ne concernait que les avoirs de BP (Libya) dans la Concession 65135.
Il a été revendiqué par la Libye, et amplement démontré, que la nationalisation avait été
motivée par l’occupation par l’Iran de trois îles du Golfe persique, vis-à-vis desquelles le
Royaume-Uni avait contracté des obligations de protection. Le Royaume-Uni, selon la
Libye, n’avait pas respecté ses engagements, et le Gouvernement libyen avait « répliqué de
la seule manière comprise par les impérialistes », en nationalisant notamment les avoirs de BP
(Libya)136. Le Gouvernement britannique a fait valoir le caractère discriminatoire et
arbitraire de la nationalisation, la rendant illicite en droit international ; la société BP fit
de même auprès du Tribunal arbitral. La Sentence s’est prononcée en ces termes : « De
plus, l’expropriation (« taking ») par le Défendeur des biens, droits et intérêts du Demandeur viole
clairement le droit international public car elle a été effectuée pour des raisons politiques purement
étrangères et était de caractère arbitraire et discriminatoire »137. La décision est sans doute
appelée à constituer un précédent faisant autorité à l’encontre de mesures de
nationalisation-rétorsion.
87 Dans l’Affaire Texaco, le caractère discriminatoire et politiquement motivé des mesures de
nationalisation a été de même invoqué par les sociétés demanderesses. En raison du
défaut du Gouvernement libyen, le Tribunal arbitral a refusé de se prononcer sur la
question138.
88 Dans l’Affaire Liamco, le même grief a été porté devant le Tribunal arbitral 139. Sur le
principe, l’Arbitre a reconnu clairement le caractère illicite d’une nationalisation
purement discriminatoire, décidée en rétorsion contre l’Etat national d’une entreprise140.
Mais les faits, en l’occurence, étaient différents de ceux de l’Affaire BP : d’autres sociétés
avaient été nationalisées avant la société Liamco ; diverses sociétés, américaines et non-
américaines avaient été nationalisées en même temps qu’elle. Le tribunal a conclu, vu les
circonstances, que la motivation politique n’était pas prédominante, et qu’elle ne suffisait
pas à prouver un acte discriminatoire141.
89 En résumé, les Conventions d’investissement, loin de déroger au droit coutumier,
paraissent pleinement en accord avec la confirmation du principe de non-discrimination
en droit contemporain. Ce principe s’est d’ailleurs enrichi depuis l’adoption de la
187

Résolution 1803 (XVII), qui ne le mentionnait pas, notamment de par son application à des
mesures de rétorsion qui ont revêtu la forme de nationalisations.
90 Dans plusieurs Conventions conclues par le Royaume-Uni, telle la Convention Royaume-Uni-
Bangladesh, la condition de non-discrimination n’apparaît pas en matière d’expropriation.
Mais il est mentionné qu’une expropriation doit être effectuée « à une fin publique relative
aux besoins internes » de l’Etat142. Cette disposition interdit les expropriations motivées par
des considérations de politique étrangère, évoquées ci-dessus143. Elle met aussi en
évidence le lien étroit qui existe entre le principe de non-discrimination et la cause
d’utilité publique.

53. La cause d’utilité publique

91 La plupart des clauses d’expropriation des Conventions examinées requièrent que les
mesures éventuelles soient prises « pour cause d’utilité publique », « pour des raisons d’intérêt
public », « dans l’intérêt public » ou à une fin publique (for a public purpose) 144. La condition a
été traditionnellement considérée comme une règle de droit international général ; elle
est reprise dans la Résolution 1803 (XVII), mais non dans la Charte de 1974 145. Les Conventions
semblent donc confirmer une règle bien établie. Il en est sans doute ainsi ; mais il faut
reconnaître que son effectivité, en droit international, est des plus limitées.
92 La cause d’utilité publique représente typiquement une transposition non réussie en droit
international public d’un principe largement reconnu dans les ordres juridiques
nationaux. De nombreuses Constitutions et lois sur les investissements stipulent que les
expropriations ne pourront être effectuées que dans l’intérêt public146. Le juge national
dispose, pour l’apprécier, d’un corpus juridique souvent considérable. En droit
international, jusqu’à présent, il est revenu à un Etat de déterminer ce que l’intérêt public
exige ; et les autres Etats concernés se sont gardés, en règle générale, de contester sur
cette base la légitimité des mesures prises147.
93 C’est pourquoi le seul précédent jurisprudentiel notable demeure l’arbitrage relatif au
Walter Fletcher Smith Claim148. Et même dans ce cas, il est contestable que l’Arbitre se soit
placé sur le plan du droit international. Plus récemment, l’absence de cause d’utilité
publique a été invoquée dans l’Affaire Liamco ; l’Arbitre a considéré que « le principe d’utilité
publique n’est pas une condition nécessaire pour la légalité d’une nationalisation »149. Cette
opinion exprime l’état du droit en la matière.
94 Toutefois, la mention de l’intérêt public pourrait jouer un rôle dans des cas extrêmes, par
exemple si une expropriation était effectuée pour satisfaire les seuls besoins privés d’un
agent de l’Etat150. De façon plus réaliste, la condition d’utilité publique vient renforcer le
principe de non-discrimination151. En exigeant que des mesures d’expropriation soient
prima facie prises dans l’intérêt de la communauté nationale, elle contribue à interdire
que ces dernières soient motivées par l’intention de nuire, par l’arbitraire ou par la
rétorsion à l’encontre d’un investissement étranger.

54. Les prescriptions légales

95 Un certain nombre de Conventions, telle la Convention Suisse-Mali, soumettent


l’expropriation à la « condition que ces mesures (...) soient conformes aux prescriptions légales »
152
. D’autres mentionnent, à l’instar de la Convention Allemagne-Côte d’Ivoire : « La légalité de
l’expropriation et le montant de l’indemnité devront pouvoir être vérifiés par une procédure
188

judiciaire ordinaire »153. L’une ou l’autre formule ne figure pas, cependant, dans de
nombreux autres textes154. Il est admis que cette condition correspond à la notion de due
process of law.
96 Elle paraît reprise, dans bien des cas, de l’article (3) du projet de Convention de l’OCDE sur
la protection de la propriété étrangère155. Dans le présent contexte, sa signification
demeure incertaine156. Si elle consiste à dire que les voies de recours internes devront être
épuisées, et à interdire un déni de justice, il s’agit là d’un principe général de droit
international, unanimement reconnu, et qui n’est pas propre au domaine de
l’expropriation. Encore faut-il qu’il existe des recours internes à épuiser157. Si le respect
des prescriptions légales inclut le droit international, la condition équivaut à un renvoi au
droit des gens, et elle est fréquemment superfétatoire. Enfin, elle peut signifier que les
conditions de forme définies par le droit interne devront être respectées. Mais il est
constant que la régularité de la forme d’une mesure, au regard du droit interne, n’est pas
une condition déterminante sur le plan du droit international158 ; tout au plus la condition
posée pourrait-elle requérir qu’une expropriation soit effectuée de jure en droit interne.

55. La non-violation d’engagements spécifiques

97 Certaines clauses d’expropriation précisent que d’éventuelles mesures d’expropriation ne


devront pas être « contraires à un engagement spécifique »159. La condition posée, qui
apparaît dans une minorité de textes160, doit être analysée en conjonction avec d’autres
dispositions, relatives aux accords conclus entre Etats et investisseurs étrangers. Son
contenu et sa portée dépendent, en effet, de la définition à donner au terme
d’« engagement spécifique », du statut de ces accords par rapport au droit international,
et du rôle joué par les Conventions d’investissement en ce domaine. Ces questions seront
examinées au Chapitre VII.

Section III. L’indemnisation


98 La détermination des conditions d’indemnisation d’un investissement exproprié constitue
à l’évidence le noeud gordien du droit international en la matière. Comme on l’a vu, on ne
peut pas considérer que le droit général actuel brille par sa clarté et par sa précision sur
la question de l’indemnisation. Dans ce contexte, le rôle des Conventions est de préciser
par voie d’accord entre deux Etats selon quels critères une indemnisation sera
déterminée. Ces dispositions permettent de résoudre certaines difficultés, mais elles en
laissent d’autres subsister. Les Conventions, en effet, mentionnent nombre de termes qui
sont issus du droit coutumier ; ainsi l’exigence d’une « juste indemnité ». Pour les
interpréter, il importe de se référer aux critères établis par le droit des gens.
99 A titre préliminaire, deux points seront admis. En premier lieu, le droit international
contient une obligation coutumière d’indemniser un étranger exproprié. En second lieu,
le fondement des règles d’indemnisation réside dans une relation de protection ; il s’en
suit que le droit international a déterminé la mesure d’une indemnisation en prenant
d’abord en compte la valeur des biens expropriés. Nous aurons à examiner si cette
relation de protection demeure inchangée, ou si elle doit être combinée avec d’autres
principes. Mais, en première analyse, les clauses d’expropriation des Conventions
bilatérales confirment la validité de ces deux aspects : toutes les Conventions examinées
189

prévoient une indemnisation en cas d’expropriation ; et, d’une manière générale, elles
définissent l’indemnisation à partir de la valeur des investissements en cause 161.

56. La nature juridique de l’indemnisation

100 Un investisseur d’un Etat-partie étant exproprié de certains biens par l’autre Etat-partie à
une Convention, il doit être indemnisé. Une première question se pose : quelle est la
nature juridique de cette indemnisation ? Comme le Tribunal arbitral l’a relevé dans l’
Affaire Aminoil162, il règne une certaine confusion sur ce point, notamment parce que
l’indemnisation due pour acte illicite (la réparation) a souvent été assimilée à celle qui est
due en cas d’expropriation licite. Nous entreprendrons de distinguer ces deux types
d’indemnisation, dont la nature est fondamentalement différente.

a) La réparation

101 Toute violation d’une obligation internationale entraîne l’obligation de réparer. Le


principe unanimement reconnu est celui de la réparation intégrale ; il n’a pas à être défini
dans un traité. Selon les termes de la CPJI dans son Arrêt N° 8 : « C’est un principe de droit
international que la violation d’un engagement entraîne l’obligation de réparer dans une forme
adéquate. La réparation est donc le complément indispensable d’un manquement à l’application
d’une convention, sans qu’il soit nécessaire que cela soit inscrit dans la convention même »163.
102 Quant à sa nature, la réparation résulte toujours d’une relation entre Etats, soit entre
sujets de droit international. Dans le domaine de la condition des étrangers, le fait qu’un
acte illicite soit ainsi qualifié parce qu’un dommage a été causé à un particulier ne change
pas la nature de la réparation, qui se situe sur le plan des rapports entre Etats. La règle a
été exprimée par la CPJI dans son Arrêt N° 13, en des termes qui conservent toute leur
actualité164.
103 Quant à son montant et à ses modalités, la réparation repose sur le principe de la remise
en l’état, ou de la restitutio in integrum. Ici encore, l’Arrêt N° 13 de la CPJI en a donné une
expression classique165.
104 La réparation prend trois formes : la restitutio in integrum, ou une indemnisation
équivalente, ou encore la satisfaction, qui est la forme la plus usuelle dans le cas de
dommages non-matériels causés à un Etat par un autre166. Il est clair, cependant, que le
choix opéré entre ces diverses formes dépend de l’acte illicite en cause : si un Etat s’est
illicitement approprié une portion de territoire du voisin, une indemnisation en termes
monétaires serait un non-sens. Dans l’Affaire du Temple de Preah Vihear, la CIJ a ainsi décidé
de la restitution au Cambodge du territoire occupé par la Thaïlande, et des objets de
valeur qui en avaient été enlevés167. Dans les cas de délits de nature économique,
notamment causés sur les biens d’un étranger, la forme prise par la réparation a été, en
règle générale, une indemnisation168. Il en a été ainsi dans l’Affaire de l’Usine de Chorzow et
dans divers autres cas. L’indemnisation a alors été déterminée sur la base d’une
équivalence avec la restitutio in integrum.
105 Lorsqu’une expropriation ou une dépossession illicite a lieu, l’indemnisation, comme
forme de réparation, se fonde sur la valeur totale des biens en cause. La règle applicable,
et généralement reconnue, a de nouveau été définie par la CPJI dans l’Affaire de l’Usine de
Chorzow169. Elle est d’exclure, en premier lieu, les dommages causés aux tiers par l’acte
illicite, et de prendre en considération la valeur des biens, sans déduction des dettes à la
190

charge du lésé. La valeur des biens, en ce sens, comprend la perte subie (damnum emergens
), et la privation de gain (lucrum cessans)170.
106 Il a parfois été soutenu, sur la base de quelques précédents jurisprudentiels, que la
réparation pouvait revêtir un caractère « punitif », c’est-à-dire inclure l’allocation de
dommages-intérêts à titre de sanction, en sus de la restitution en nature ou de son
équivalent. Actuellement, le seul principe reconnu est celui de la réparation intégrale ; la
réparation punitive demeure un concept de lege ferenda171.

b) L’indemnisation

107 L’indemnité allouée par un Etat à un étranger, en contrepartie de l’expropriation ou de la


nationalisation de ses biens, se situe sur un plan différent de la réparation, quant à sa
nature juridique, à son montant et à ses modalités de paiement. Le principe fondamental
en la matière, dont la validité demeure reconnue, a ainsi été exprimé par la CPJI dans son
Arrêt N° 13 : « Les droits ou intérêts dont la violation cause un dommage à un particulier se
trouvent toujours sur un autre plan que les droits de l’Etat auxquels le même acte peut également
porter atteinte. Le dommage subi par le particulier n’est donc jamais identique en substance avec
celui que l’Etat subira ; il ne peut que fournir une mesure convenable à la réparation due à l’Etat »
172
.
108 L’indemnisation pour expropriation internationalement licite n’est donc pas directement
une prestation entre Etats ; elle est d’abord une relation entre l’Etat expropriant et le
particulier étranger dépossédé de certains biens. Cette relation se situe en premier lieu
sur le plan du droit interne ; mais elle ne s’y limite pas. Comme la CIJ l’a énoncé dans l’
Affaire Barcelona Traction, en admettant des investissements étrangers sur son territoire,
un Etat « assume certaines obligations quant à leur traitement »173. Dans sa nature juridique,
l’indemnisation considérée est un rapport de droit interne, vis-à-vis duquel le droit
international pose « certaines obligations ».
109 Il est clair que les conditions d’indemnisation définies dans les Conventions
d’investissement se réfèrent à ces obligations. Il ne s’agit pas de l’indemnisation pour
réparation, qui n’a pas à être stipulée dans un traité. Il ne s’agit pas non plus pour une
Convention de se substituer à la loi nationale, qui prévoit en règle générale certains
critères d’indemnisation. Les normes conventionnelles sont des obligations
d’indemnisation de droit international, posées comme condition d’une expropriation ou
d’une nationalisation licite. On réservera donc le terme d’indemnisation, sans autre
qualificatif, aux obligations de cette nature.
110 En ce qui concerne le montant et les modalités de paiement de l’indemnisation, le droit
international, dans son évolution historique, a traditionnellement été divisé en deux
courants d’ampleur inégale. Le premier, minoritaire, a considéré que le montant et les
modalités de l’indemnité devaient être déterminés par la seule loi nationale de l’Etat
expropriant. Du projet de la Conférence internationale sur le traitement des étrangers
(1929) à la Charte de 1974, l’application du traitement national à ce domaine particulier
ne manque pas de précédents, et elle dépasse largement le cadre des Etats d’Amérique
latine partisans de la doctrine Calvo174. Cependant, le traitement national n’est pas stipulé
dans les Conventions, comme on l’a mentionné ; et les objections à sa reconnaissance sont
ici du même ordre que dans les autres domaines de la condition des étrangers175. Nous n’y
reviendrons pas.
191

111 Selon l’opinion nettement majoritaire dans la jurisprudence internationale, la pratique


diplomatique et la doctrine, le droit international contient des critères autonomes
d’indemnisation. Mais ceux-ci ne sont pas fixés avec une grande précision, comme en
témoigne la variété des termes utilisés pour les définir. Dans la jurisprudence
internationale, la condition mentionnée en premier lieu a été que l’indemnité doit être
« équitable » (Affaire de l’Usine de Chorzow176, Affaire Goldenberg177, Affaire Liamco178) ; ou
encore, qu’elle doit être « juste » (Affaire des biens britanniques au Maroc espagnol 179,
Norwegian Shipowners’ Claims180). Dans la pratique américaine et britannique, le terme de
juste indemnité (just compensation) se retrouve, mais il est généralement précisé sous la
forme d’une indemnité « prompte, adéquate et effective » (prompt, adequate and effective) 181
. Dans la pratique française, il est mentionné que l’indemnité doit être « juste », comme le
définit l’article 545 du Code civil, « équitable » ou « juste et équitable »182.
112 Les Conventions d’investissement reprennent, dans des proportions variables, ces divers
termes183. Un nombre substantiel d’entre elles, cependant, omettent ces qualifications
générales. Il est stipulé que toute expropriation sera effectuée sous condition
d’indemnisation ; les caractéristiques de l’indemnité sont précisées, selon des formules
diverses, dans des mentions annexes184. Il est à noter que le terme d’indemnité appropriée
(appropriate compensation), mentionné dans la Résolution 1803 (XVII) et dans la Charte de 1974,
n’a été trouvé dans aucune Convention examinée185. Enfin, il n’est pas certain que dans le
choix des termes utilisés, des auteurs de Conventions aient été mus par la conscience
qu’ils impliquaient éventuellement de substantielles différences entre eux. Ainsi, la
Convention Pays-Bas-Malaisie cumule divers qualificatifs : « Dans tout cas d’expropriation une
indemnisation prompte, adéquate et effective aura lieu qui devra représenter la valeur juste et
équitable de l’investissement »186.

c) La portée de la distinction

113 La distinction entre l’indemnisation pour réparation et l’indemnisation pour


expropriation licite a-t-elle un caractère fondamental ? Pour ce qui est de sa nature
juridique, une réponse positive ne fait pas de doute ; ce caractère fondamental a
constamment, et presque unanimement été réaffirmé187. En ce qui concerne la
détermination du montant et des modalités de paiement d’une indemnité, la réponse est
beaucoup plus délicate.
114 Le principe selon lequel les effets financiers de la réparation sont distincts de ceux de
l’indemnisation a été affirmé par la CPJI dans l’Affaire relative à l’Usine de Chorzow. Après
avoir défini l’indemnité pour expropriation licite d’« équitable », la Cour a considéré que
l’indemnité pour réparation ne saurait être identique : « Une pareille conséquence serait non
seulement inique, (...) car elle équivaudrait à identifier la liquidation licite et la dépossession illicite
en ce qui concerne leurs effets financiers »188.
115 Pourtant, force est de reconnaître que, fréquemment, il n’a pas été tenu compte de cette
distinction, reconnue in abstracto comme fondamentale. Un bref examen des différentes
significations données au terme de « juste indemnité » permet d’élucider ce point. Dans
un premier sens, une juste indemnité a été définie comme une restitutio in integrum 189 dans
un deuxième sens, comme une indemnité adéquate, prompte et effective190 ; dans un
troisième sens, comme une indemnité équitable191. Il est manifeste que, suivant que l’on
prend pour base l’équité ou la réparation intégrale, les effets financiers d’une
indemnisation pourront être sensiblement différents. En doctrine, une tendance à
192

l’assimilation des deux types d’indemnité a été, de même, parfois exprimée192. Lorsqu’une
Convention stipule qu’une juste indemnité sera accordée, quel contenu, en termes
financiers, convient-il donc de mettre sous cette notion ?
116 Diverses raisons, juridiques et non-juridiques, permettent d’expliquer pourquoi le droit
international n’a pas établi de distinction nette entre le montant dû pour une
expropriation illicite et celui défini pour une expropriation licite193. Si l’on s’en tient au
plan strictement juridique, on doit constater que la distinction a souvent revêtu un aspect
fragile.
117 Dans son fondement, la distinction entre les mesures licites d’expropriation et celles qui
ne l’étaient pas a fréquemment été occultée par des notions telles que le respect des
droits acquis ou le standard minimum de droit international194. Actuellement, la tendance
inverse, revendiquant « toute » expropriation comme licite au nom du principe de la
souveraineté permanente sur les ressources naturelles ne paraît pas plus propice à
renforcer cette délimitation195. En dépit de la jurisprudence et de la pratique
mentionnées, les notions d’expropriation licite et illicite en droit international n’ont pas
revêtu le caractère tranché que, sur le plan des principes, on leur a attribué.
118 En second lieu, la distinction possède un caractère paradoxal au niveau de ses effets
financiers ; elle repose en effet sur un élément quantitatif, complexe à déterminer, qui est
le montant de l’indemnité allouée. Si, comme on l’a admis, une indemnisation est une
condition intrinsèque de la licéité d’une expropriation, deux cas de figure sont
concevables. Soit un Etat national est satisfait que l’indemnité allouée à l’un de ses
ressortissants est « juste », « adéquate », « équitable », et il ne met pas en cause la licéité
d’une mesure. Soit il n’en est pas satisfait et, en exerçant son droit de protection
diplomatique sur la base de l’illicéité alléguée des conditions d’indemnisation, il peut
revendiquer un droit à la réparation intégrale. Les revendications respectives des Etats
seraient circonscrites si le droit international avait défini avec précision ce qu’il convient
d’entendre par une indemnité « juste » ou « adéquate » ; mais, on l’a vu, tel n’est pas le
cas.
119 La logique du processus juridique conduit à une confusion entre les sommes dues en cas
d’expropriation licite et illicite ; et il tend à hisser vers la réparation intégrale la
détermination du montant d’une indemnité. A juste titre, on l’a qualifié de cercle vicieux
196
. Pour le rompre, on a proposé que le montant de l’indemnité ne soit pas considéré
comme une condition de la licéité d’une expropriation197. Aussi habile soit-elle, cette
manière de résoudre le problème ne peut pas être retenue. Le droit international a fait
dépendre la licéité d’une expropriation de l’allocation d’une certaine indemnité ; sans
indemnité, ou avec une indemnité fictive, une expropriation change de nature et devient
une confiscation198. Ce principe a été amplement confirmé par la jurisprudence
internationale récente199.
120 En résumé, on doit admettre, aussi regrettable que soit cette situation, que la distinction
entre l’indemnisation due en cas d’acte illicite, et celle à allouer en cas d’acte licite,
demeure des plus fragiles en droit international. En précisant ce que les notions de juste
indemnité et autres recouvrent dans les Conventions d’investissement, c’est-à-dire pour
des mesures de prime abord licites, on gardera à l’esprit à la fois le caractère fondamental
de cette distinction, qui est unanimement reconnu, et les difficultés qui viennent d’être
analysées.
193

57. Le montant de l’indemnisation

121 La détermination du montant d’une indemnité est une question d’une grande complexité
technique ; tout juge national chargé de résoudre des questions d’expropriation en fait
régulièrement l’expérience. Mais, sur la scène internationale, elle est devenue le centre
d’affrontements entre Etats où les débats juridiques sont obscurcis par des divergences
d’intérêts politiques et économiques, outre la complexité technique propre à la matière.
122 Dans les Conventions d’investissement, les termes utilisés sont ceux d’indemnité « juste »,
« adéquate », « juste et équitable », ou encore des références à la valeur d’un
investissement sous forme d’« équivalence » ou de « correspondance ». Chaque clause
demande à être interprétée selon sa spécificité. Pour simplifier l’analyse, on se limitera à
l’examen de deux notions, les plus répandues : l’indemnité adéquate et l’indemnité juste
et équitable.

a) L’indemnisation adéquate

123 La condition selon laquelle une indemnité devra être adéquate figure dans de nombreuses
Conventions200. L’interprétation de ce concept exige que l’on se réfère au contenu qui lui a
été conféré en droit international général. Un principe de base paraît établi : le concept
requiert de prendre en compte la valeur des biens expropriés, et seulement celle-ci. Au-
delà, deux opinions sont en présence. Selon la première, le qualificatif adéquate serait
synonyme d’intégrale ; par une indemnité adéquate, il faudrait donc entendre une somme
égale à la « valeur intégrale » (full value) d’un investissement201. Selon une autre opinion,
le terme « adéquate » signifierait que le montant d’une indemnité pourra être inférieur à
la valeur intégrale d’un investissement, l’adjectif autorisant une certaine souplesse
d’évaluation. D’après White, est adéquate une indemnité qui possède « une relation
raisonnable avec la valeur du bien transféré »202. Il est à noter que certaines Conventions
d’investissement se réfèrent à la valeur intégrale, ou full value203 ; la plupart, cependant, ne
le font pas.
124 Cela étant, que signifie ce terme « valeur intégrale » ? Il paraît admis, notamment dans les
pays de Common Law, que la valeur d’une entreprise se définit sur la base de sa valeur
commerciale (market value, ou fair market value)204. En ce sens, diverses Conventions
mentionnent qu’une indemnité devra équivaloir à la valeur commerciale d’un
investissement205. Par contre, d’autres Conventions se réfèrent à la « valeur réelle » d’un
investissement, à la « valeur actuelle », à la genuine value, ou à la valeur tout court 206. Doit-
on considérer que chaque terme correspond à une subtile distinction dans l’évaluation
d’un investissement, et qu’il existe une gradation entre eux ? Il serait difficile de
l’affirmer ; en réalité, on entre à ce niveau dans le champ des règles d’évaluation, en
termes comptables, de biens. Dans le cas de l’évaluation d’une entreprise, plusieurs
techniques sont couramment utilisées : la valeur comptable (book value), la capitalisation
des bénéfices, le coût de remplacement, la valeur marchande par analogie, la valeur de
capitalisation en bourse lorsqu’il y a cotation, voire la valeur initiale d’investissement
actualisée. Ces différentes techniques comptables sont employées en fonction de la
situation concrète d’une entreprise, et elles le sont souvent de manière alternative,
complémentaire, ou mixte. Toutes servent à évaluer ce qui constitue la valeur
commerciale ou réelle d’une entreprise207.
194

125 On est donc conduit à se demander si la question du montant d’une indemnisation, qui a
si profondément divisé la communauté internationale depuis trois décennies au moins,
n’est pas essentiellement une affaire de technique comptable. Sans minimiser cet aspect,
on remarquera que les débats ont porté, et continuent de porter, sur des questions
juridiques de fond qui le dépassent largement. Pour déterminer ce que recouvre le
concept d’indemnité adéquate, le centre du problème paraît résider dans l’évaluation de
la perte subie (damnum emergens) et dans l’inclusion ou non de la privation de gain (lucrum
cessans). Les difficultés à le résoudre proviennent du fait qu’il comprend plusieurs
facettes. En premier lieu, on l’a vu, l’indemnisation en cas d’expropriation illicite inclut à
la fois le damnum emergens et le lucrum cessans ; il reste à déterminer si une indemnisation
en cas d’expropriation licite inclut le même quantum. En second lieu, même en cas
d’expropriation licite, le mode d’évaluation n’est pas identique s’il s’agit de
l’expropriation de droits de propriété sur des biens, ou de l’expropriation de droits
contractuels, par exemple d’un contrat de concession portant sur l’exploitation de
ressources naturelles. Enfin, si l’on s’en tient à l’expropriation d’avoirs d’une entreprise
étrangère, le droit international paraît être partagé entre deux conceptions de la valeur,
l’une que l’on qualifiera d’objectiviste, l’autre de subjectiviste. Dans les développements
qui suivent, ce dernier aspect retiendra seul notre attention.
126 La valeur objective d’une entreprise peut être déterminée selon des critères quantitatifs
neutres et impartiaux. Lorsque sa forme juridique est celle d’une société cotée en bourse,
il paraît largement admis que la valeur boursière du capital donne une image assez fidèle
de la valeur de l’entreprise, à condition d’exclure les fluctuations du marché consécutives
à la décision d’expropriation, et même à son annonce officieuse208. Dans d’autres cas, la
valeur comptable, la valeur de remplacement ou le coût d’investissement actualisé
permettront de définir le montant d’une indemnisation adéquate. La valeur comptable
des avoirs mesure le damnum emergens, mais exclut le lucrum cessans. En droit général, les
éléments incorporels de la valeur comptable, tels que la clientèle ou le goodwill, n’ont été
pris en compte que dans la mesure où ils étaient certains et quantifiables, et non-
spéculatifs.
127 Les sources contemporaines de droit international permettent de considérer qu’une
indemnité adéquate correspond à ces méthodes objectives d’évaluation, qui déterminent
la valeur commerciale ou réelle d’une entreprise. La première autorité en ce sens est la
décision rendue dans l’Affaire Liamco209. Ayant à déterminer la valeur des biens meubles et
immeubles investis dans le cadre d’une nationalisation jugée licite, le Tribunal s’est basé
sur les livres de comptes de la société Liamco, établis par des experts-comptables et par la
société elle-même. Il a jugé que l’indemnité à allouer devait équivaloir à la valeur
commerciale des avoirs nationalisés, représentant le damnum emergens 210.
128 Dans l’Affaire Aminoil, le Tribunal a choisi, vu les circonstances, de recourir à une
combinaison de méthodes d’évaluation211. S’agissant des actifs de l’entreprise, il s’est
fondé sur la valeur de remplacement, objectivement déterminée, et en tenant compte de
l’inflation.
129 Dans de nombreux accords inter-étatiques d’indemnisation, la base des réclamations
d’Etats exportateurs de capitaux a été déterminée par des mesures objectives de la valeur
des biens expropriés ; ces réclamations se sont fondées sur le concept d’une indemnité
adéquate même si, en fin de compte, les sommes versées ont été souvent inférieures à ce
qui était réclamé212. Les décisions de la Commission américaine pour le règlement des
réclamations à l’étranger (FCSC) ont été fondées de même sur des critères objectifs. La
195

valeur commerciale, définie par elle, semble avoir été calculée sur la base de la valeur
comptable, le lucrum cessans en étant exclu213.
130 Sur la base de ces précédents, on admettra qu’une indemnité adéquate correspond en
droit international à la valeur commerciale ou réelle d’un investissement, elle-même
déterminée par des méthodes suffisamment objectives. Suivant la situation concrète
d’une entreprise, la valeur de remplacement, la valeur comptable, la capitalisation
boursière, voire le coût d’investissement actualisé ont servi de base d’évaluation, en
employant parfois une combinaison de méthodes. D’une manière générale, ces différentes
méthodes ont permis de prendre pleinement en compte la perte subie, le damnum
emergens, mais non les anticipations de profits, ou lucrum cessans 214. Ce clivage
constituerait donc la différence d’indemnisation entre des mesures licites et illicites
d’expropriation.
131 Dans les développements précédents, nous nous sommes référés à l’expropriation licite
de biens, ou des actifs d’une entreprise. Toute autre serait sans doute la situation si des
droits contractuels étaient considérés ; dans de tels cas, la privation de gain, issue de la
rupture d’un contrat, occupe une place prépondérante par rapport à la perte encourue215.
Mais nous n’avons pas trouvé d’autorités suffisantes, en droit contemporain, pour établir
ce qu’une indemnité adéquate impliquait en matière de droits contractuels.
132 A contrario, il existe peu d’autorités pour que soient reconnues des méthodes plus
subjectives d’évaluation, qui ont parfois été préconisées216. S’agissant d’entreprises, un
courant d’opinion a privilégié la méthode de la capitalisation des bénéfices (ou valeur de
rendement) comme base d’évaluation. Selon celle-ci, les bénéfices obtenus pendant la
période précédant l’expropriation sont multipliés par un certain quotient. D’après
l’expérience de la Commission américaine pour le règlement des réclamations à
l’étranger, qui y a parfois recouru depuis 1969, le multiple choisi a été de dix en moyenne,
parfois de quinze217. On obtiendrait ainsi la mesure d’une indemnité adéquate.
133 Il nous paraît difficile d’accepter cette opinion. Si l’on prend pour base d’évaluation, et a
fortiori comme base unique, la méthode de la capitalisation des bénéfices, on est amené à
prendre en compte le seul lucrum cessans ; il serait hasardeux de prétendre qu’une telle
norme soit conforme à l’état actuel du droit international.
134 En outre, la capitalisation des bénéfices pose un problème de preuve. Elle se fonde sur
l’hypothèse que les bénéfices obtenus pendant les dix ou quinze années suivant
l’expropriation auraient été du même montant qu’au jour où elle a eu lieu. A l’évidence, il
y a une part importante d’aléas dans une telle hypothèse218. De plus, elle postule qu’un
investisseur aurait droit à une indemnité correspondant au maintien des conditions du
marché antérieures à l’expropriation. Mais, ainsi que la CPJI l’a jugé dans l’Affaire Oscar
Chinn, une entreprise étrangère ne possède pas de droits acquis, indemnisables, à la
perpétuation d’une situation économique219. En fait, l’évaluation d’actifs sur la base du
lucrum cessans équivaudrait à revendiquer de tels droits acquis.
135 Sciemment ou non, la préférence accordée à certaines techniques d’évaluation, que l’on a
qualifiée de tendance subjectiviste, aboutit à favoriser la confusion déjà relevée entre la
réparation pour acte illicite et l’indemnisation pour mesure licite. Il importe, nous
semble-t-il, de s’en départir, d’une part parce qu’elle n’est pas fondée en droit, et d’autre
part parce qu’elle ne peut que contribuer à attiser les controverses et les passions
politiques en la matière220. Par là, on considérera qu’est adéquate une indemnisation qui
est seulement calculée selon des méthodes dont l’objectivité ne peut être contestée.
196

b) L’indemnisation juste et équitable

136 Un nombre important de Conventions prévoient qu’il sera alloué une indemnité « juste »,
« équitable », « juste et équitable », ou se réfèrent simplement à un principe
d’équivalence par rapport à la valeur d’un investissement221.
137 En règle générale, une indemnisation juste et équitable paraît être fondée, comme une
indemnité adéquate, sur le damnum emergens calculé selon des méthodes objectives. Ainsi,
dans l’Affaire Liamco, le Tribunal a jugé qu’une indemnité juste et équitable devait être
allouée à la société, correspondant à la valeur commerciale des avoirs investis222. Cette
décision s’inscrit dans la continuité de l’Arrêt N° 13 de la CPJI qui, au titre d’une
indemnité équitable, mentionnait une indemnité correspondant « à la valeur qu’avait
l’entreprise au moment de la dépossession »223.
138 Dans certaines situations, la détermination de la valeur d’une entreprise peut cependant
se prêter à des évaluations sensiblement différentes. Il en va notamment ainsi lorsque des
réformes de structure économique sont effectuées, ou dans le cas de la nationalisation de
concessions d’exploitation de ressources naturelles. La question qui se pose est alors de
déterminer si l’équité demande de ne prendre en compte que la valeur des biens et
intérêts d’un investisseur, ou s’il faut également tenir compte des intérêts de la
communauté nationale procédant à de telles réformes. En ce sens, l’Article 14(3) de la Loi
constitutionnelle de la République fédérale d’Allemagne doit être rappelé : il stipule
qu’une indemnité pour expropriation doit être déterminée en établissant un « équilibre
équitable » entre l’intérêt public et les intérêts particuliers affectés224.
139 Pour déterminer ce qu’une indemnisation équitable implique dans le cadre de
nationalisations de grande envergure, trop peu de précédents sont, sans conteste,
disponibles en droit international. La Sentence Liamco, toutefois, est à mentionner dans ce
contexte225. Rappelons qu’il s’agissait d’évaluer l’indemnité à allouer à la société Liamco
pour la nationalisation, jugée licite, de deux concessions pétrolières, abrogeant
prématurément deux contrats qui auraient dû venir à expiration à la fin de 1988. La
question posée au Tribunal était de déterminer dans quelle mesure l’indemnité devait
inclure le lucrum cessans perdu du fait de la rupture prématurée des contrats de
concession. Le Tribunal a examiné plusieurs précédents invoqués par le demandeur. La
plupart d’entre eux se rapportaient à des décisions anciennes ayant jugé des ruptures de
contrats de concession comme des actes internationalement illicites ; ils étaient dénués
de pertinence dans le cas d’espèce226. En cas d’expropriation ou de nationalisation licite, le
Tribunal a constaté que les autorités internationales étaient minimes et peu concordantes
227
. Il a conclu « un état confus du droit international » en la matière, et décidé de prendre
pour base le principe d’une indemnité équitable, conçu apparemment comme un principe
général de droit228.
140 La société Liamco réclamait une indemnité de US $ 1,3 millions au titre du damnum
emergens, qui fut allouée, et respectivement 186 millions et 7,5 millions au titre du lucrum
cessans, soit pour le manque à gagner résultant de la rupture prématurée des deux
contrats de concession229. L’indemnisation du lucrum cessans était calculée sur la base des
réserves de pétrole découvertes par la société, et compte tenu d’une exploitation normale
de ces réserves jusqu’à la fin prévue des contrats de concession. Dans des déclarations
faites hors du Tribunal, le Gouvernement libyen reconnut devoir le damnum emergens,
mais refusa d’indemniser une part quelconque du lucrum cessans. Il fit valoir que, selon la
197

loi libyenne, les ressources brutes du sous-sol étaient la propriété de l’Etat, et qu’il n’avait
pas à indemniser la valeur d’un pétrole qui lui appartenait230.
141 En se fondant sur la notion d’indemnité équitable, le Tribunal a jugé que la société avait
un droit à être indemnisée pour le lucrum cessans. Il lui a paru équitable que les dépenses
encourues à perte pour la prospection et la mise en valeur des champs pétroliers soient
compensées, car elles auraient dû l’être en l’absence de nationalisation par les bénéfices
obtenus jusqu’à la fin des contrats231. De son côté, l’Etat nationalisant bénéficiait des
recherches et des travaux effectués.
142 Selon quels critères, toutefois, le lucrum cessans indemnisable devait-il être déterminé ? La
société Liamco en réclamait l’intégralité, ce qui aurait abouti à identifier les effets
financiers d’une nationalisation jugée licite avec ceux d’un acte illicite232. Le Tribunal a
pris en compte l’enrichissement sans cause obtenu par l’Etat libyen. Pour la première
concession, les profits obtenus par la Libye entre le moment de la nationalisation et la fin
normale des contrats ont été estimés à US $ 56 millions233. Il existait donc une divergence
entre les 186 millions de pertes réclamés par la société, et les 56 millions de profits
obtenus par l’Etat ; il n’est pas nécessaire, pour notre propos, d’entrer dans les raisons
techniques qui l’expliquaient. En appliquant le principe d’une indemnisation équitable, le
Tribunal a alloué une somme intermédiaire. Quant à la deuxième concession, elle n’avait
jamais été exploitée. En se fondant sur le principe reconnu exigeant que le lucrum cessans
soit certain, et non une simple expectative, le Tribunal a dénié un droit à une indemnité
dans ce cas234.
143 On retiendra de cette décision que, pour procéder à l’évaluation d’une indemnité
équitable, l’Arbitre a eu recours à la notion d’enrichissement sans cause, c’est-à-dire qu’il
a considéré, non seulement la valeur que l’investissement possédait pour l’entreprise
étrangère, mais aussi la valeur dont l’Etat s’était enrichi. Dans le cas d’espèce, les deux
valeurs divergaient sensiblement. La notion d’enrichissement sans cause est actuellement
reconnue comme étant un principe général de droit235. Son rôle, toutefois, demande à être
précisé.
144 Selon un courant d’opinion, l’enrichissement sans cause serait à la base du concept
d’indemnité appropriée mentionné dans la Résolution 1803 (XVII) et dans la Charte de 1974 ;
la notion serait le seul principe juridique applicable en droit contemporain à
l’expropriation ou à la nationalisation d’investissements étrangers236. En conséquence, le
montant de l’indemnisation devrait être fondé sur le quantum dont un Etat expropriant
s’enrichit par rapport à un Etat national, ou sur le montant dont celui-ci s’appauvrit. Pour
évaluer ce montant, il devrait être tenu compte, inter alia, des éléments suivants : la
capacité de paiement de l’Etat expropriant ; la durée d’investissement ; le rapatriement
de fonds vers l’Etat national, par rapport au montant de l’apport initial ; les bénéfices
« excessifs » obtenus ; la contribution de l’investissement au développement économique
du pays ; la politique de réinvestissement pratiquée ; l’enrichissement dit illégal qui
aurait pu avoir lieu du fait d’une situation coloniale. Ces éléments, dérivés de la notion
d’enrichissement sans cause, aboutiraient à l’évaluation d’indemnités qui pourraient être,
suivant les cas, proches de la valeur de l’investissement ou au contraire nulles237.
145 Il ne nous semble pas conforme au droit de considérer l’enrichissement sans cause
comme un principe de base de l’indemnisation, encore moins comme un principe exclusif.
S’il s’agit d’un principe général de droit, le contenu et la portée de la notion ne peuvent
être définis sans se référer aux droits nationaux. En droit français, par exemple, la
jurisprudence a reconnu l’action de in rem verso depuis l’Affaire dite « des engrais » 238. Parmi
198

ses conditions, il faut que l’enrichissement intervenu soit sine causa, c’est-à-dire sans
cause légitime née d’une source juridique régulière, que ce soit la loi, un contrat ou une
coutume239. D’autre part, l’action n’est admise que si le demandeur ne jouit d’aucune
autre action possible pour obtenir ce qui lui est dû ; elle a toujours un caractère
subsidiaire. Signalons enfin que la notion est étrangère au domaine de la responsabilité.
En droit interne, la notion d’enrichissement sans cause joue un rôle limité ; il serait
hasardeux de ne pas tenir compte de ces limites en droit international.
146 Si, comme le préconisent certaines tendances doctrinales, l’enrichissement sans cause
était devenu le principe juridique de base en la matière, il en résulterait notamment deux
conséquences. D’une part, l’enrichissement sans cause a pour effet de déplacer la
question de l’indemnisation sur le seul terrain des relations inter-étatiques. La relation
juridique entre l’Etat expropriant et l’investisseur dépossédé est reléguée à l’arrière-
plan ; il ne semble pas que ce processus aille dans le sens du principe du traitement
national et de l’affirmation de la souveraineté territoriale par ailleurs invoqués dans la
Charte de 1974. D’autre part, le principe de la protection de la propriété étrangère étant
passé sous silence, l’indemnisation ne serait plus fondée sur la valeur des investissements
expropriés. Mais l’enrichissement sans cause, appliqué selon les critères précédemment
évoqués, ne fournit aucune base alternative et solide d’évaluation. Au lieu de conduire à
une plus grande justice et à une sécurité juridique accrue, son application exclusive
risquerait fort d’intensifier les confrontations interétatiques et les incertitudes quant au
montant de l’indemnisation. Dans la doctrine, les ambiguïtés de la notion sont d’ailleurs
telles que, selon certains auteurs, elle confirme le principe du respect des droits acquis,
tandis que pour d’autres elle en représente l’antithèse240.
147 En droit positif, on admettra donc que la notion d’enrichissement sans cause n’est
applicable qu’à titre subsidiaire, ou tout au plus complémentaire, à la détermination
d’une indemnité juste et équitable.
148 Il reste que l’engouement dont cette notion bénéficie est significatif de l’évolution
récente des rapports internationaux sur le problème de l’indemnisation. L’idée de base en
est qu’un Etat qui s’est enrichi, de manière licite, n’est pas tenu de restituer plus que le
montant dont il s’est enrichi. Soit ; mais, dans l’ordre international, l’obligation qui en
résulte se situe par rapport à l’Etat-nation qui s’est appauvri, non par rapport à
l’investisseur privé. Il s’agit d’une relation inter-étatique, qui est sur un autre plan que la
relation de protection de la propriété étrangère. On ne voit pas en quoi cette relation
inter-étatique devrait affecter le montant d’une indemnisation, qui ne peut être
déterminé que par une équivalence avec la valeur des investissements concernés. En
revanche, l’enrichissement d’un Etat-nation vis-à-vis d’un autre met en cause leurs
relations financières, notamment le transfert en devises de l’indemnisation241. Bien qu’ils
l’aient couramment été, ces deux rapports juridiques ne sauraient être amalgamés.

58. Les délais de paiement

149 En matière d’indemnisation, l’élément de temps intervient à plusieurs niveaux. Aussi bien
dans les Conventions d’investissement qu’en droit général, les questions qui ont le plus
retenu l’attention sont les suivantes : le moment de la fixation d’une indemnité ; le
moment de son versement à l’intéressé ; l’allocation d’intérêts pour retard de versement,
s’il y a lieu. En droit anglo-américain, ces questions sont couvertes, pour une part, par la
199

notion d’une indemnisation « prompte », et dans la terminologie française, par celui


d’une indemnisation « préalable »242.
150 Le droit international n’a jamais requis le paiement d’une indemnité immédiate. Il
s’écoule toujours un certain délai entre le moment où la dépossession intervient et celui
où l’intéressé perçoit une indemnité. Le principe de base en la matière paraît être que les
délais de paiement soient raisonnables, sans qu’un laps de temps précis puisse être défini,
et qu’ils n’aient pas pour effet de rendre l’indemnisation fictive.
151 En ce sens, certaines Conventions stipulent que toute mesure d’expropriation sera
accompagnée de dispositions prévoyant les critères de fixation du montant d’une
indemnité et de ses modalités de paiement243. Selon d’autres clauses, le montant et les
modalités de paiement de l’indemnisation devront être déterminés au moment ou à
l’époque de l’expropriation244. En règle générale, de telles dispositions ne requièrent pas
que le montant et les modalités de l’indemnisation soient arrêtés le jour même de
l’expropriation245. Elles exigent que la loi ou la décision d’expropriation mentionnent les
critères et les procédures qui permettront d’évaluer une indemnité ; ainsi, une loi de
nationalisation qui passerait sous silence la manière dont une indemnisation doit être
définie contreviendrait à ces dispositions.
152 En second lieu, de nombreuses clauses prévoient que le versement d’une indemnité se
fera « dans un délai convenable », « sans retard », « sans retard injustifié », ou « dans une
période raisonnable »246. Les termes utilisés sont souvent délibérement imprécis ; il
convient de tenir compte des particularités de chaque législation nationale, des délais
éventuels dus aux recours internes, et de la spécificité de chaque situation.
153 L’expérience historique montre que la promptitude de versement n’a pas été la qualité
première de nombreuses indemnisations, notamment lorsque des nationalisations de
grande envergure ont été entreprises247. Il ne nous semble pas, cependant, que des
questions de fond soient posées à ce niveau. Les dispositions des Conventions bilatérales
correspondent à une exigence de bonne foi. Il n’est pas admissible qu’une mesure de
nationalisation avec effet immédiat soit prise, et que la même mesure dispose qu’une
Commission se réunira dans un délai indéterminé pour évaluer selon des critères
indéterminés une indemnisation d’un montant indéterminé. Dans leurs législations
nationales, les Etats ne tolèrent généralement pas une telle vacuité ; il n’y a guère de
raison pour estimer que le droit international devrait le faire.
154 L’allocation d’intérêts pose une question plus délicate, le problème étant de déterminer à
partir de quel moment un retard de paiement est « injustifié ». La plupart des
Conventions ne font pas état de l’allocation d’intérêts. Mais certaines le font, et parmi
elles quelques-unes vont jusqu’à prévoir la fixation d’intérêts au taux du marché bancaire
248
. De telles mentions apparaissent dérogatoires des critères usuels249.

59. Les modalités de paiement

155 Les modalités selon lesquelles une indemnité est payée à un ayant-droit comportent deux
aspects distincts : l’un concerne le mode d’acquittement de l’obligation d’indemniser ;
l’autre le transfert de l’indemnité en devises, à destination de l’Etat national. De
nombreuses Conventions rendent compte de cette distinction, en mentionnant d’une part
que l’indemnité sera « effectivement réalisable » et d’autre part qu’elle sera
« transférable ». En termes classiques, ces deux aspects ont été couverts par la notion
200

d’une indemnisation « effective », et partiellement par celui de la promptitude du


paiement.

a) Les modalités d’acquittement

156 Par une indemnité effectivement réalisable, on entend généralement un acquittement


sous une forme qui possède une valeur économique réelle, concrète, pour l’intéressé250.
Dans les cas de nationalisations importantes, le paiement en monnaie liquide a constitué
l’exception ; plus fréquemment, il a été effectué sous la forme d’obligations d’Etat, de
Bons du Trésor ou de certificats spéciaux251.
157 Le critère de l’effectivité dépend alors de la durée d’amortissement des obligations, de la
possibilité de les négocier sur le marché, et des taux d’intérêt dont elles sont porteuses.
Aux termes de la loi cubaine de réforme agraire, les propriétaires expropriés étaient
payés en obligations d’Etat, amortissables sur trente années, non-négociables, et portant
un intérêt de 4 pour cent, c’est-à-dire sans commune mesure avec le taux d’inflation
existant252. De telles conditions ne confèrent pas une indemnité effectivement réalisable
aux ayants-droit. Dans le cas des nationalisations françaises des industries du gaz et de
l’électricité, les nationaux reçurent des titres obligataires amortissables sur cinquante
années ; mais des accords spéciaux permirent aux actionnaires étrangers de recevoir des
titres du même montant amortissables sur sept années253. Le paiement en obligations
d’Etat est reconnu par le droit international ; mais le critère de l’effectivité dépend de
chaque cas d’espèce254.

b) Le transfert des indemnités

158 Il est généralement admis que la monnaie de compte, servant de mesure à


l’indemnisation, est la monnaie de l’Etat expropriant. Quant à la monnaie de paiement, le
droit international ne paraît pas avoir établi de critères permettant de distinguer
l’indemnisation pour expropriation illicite de celle correspondant à une mesure licite. En
matière de réparation entre Etats, des tribunaux internationaux ont à plusieurs reprises
adjugé une indemnisation dans la monnaie de l’Etat demandeur255. Dans le cas d’une
indemnisation au sens des Conventions d’investissement, on doit constater le silence du
droit international.
159 Les dispositions des Conventions à ce sujet sont diverses. Certaines sont incluses au sein
des règles de transfert, et elles prévoient que le transfert des indemnisations sera soumis
aux mêmes règles que celui des revenus et du capital investi256. D’autres sont contenues
dans les clauses d’expropriation257. D’une manière générale, les Etats-parties s’engagent à
permettre le transfert des indemnités d’expropriation. La formule la plus engageante
prévoit qu’une indemnité sera « librement transférable », et versée « dans la monnaie du
pays d’origine de l’investissement »258. Selon d’autres clauses, une indemnité sera
transférable « sans retard », « sans retard injustifié », ou « dans un délai raisonnable » 259.
160 La Convention Royaume-Uni-Philippines, entre autres, dispose qu’au cas où d’importants
montants d’indemnités auront été payés, l’Etat concerné « peut requérir que leur transfert
soit effectué en versements échelonnés raisonnables »260.
161 La Convention Pays-Bas-Indonésie stipule qu’une indemnité « devra être transférable dans la
mesure nécessaire pour la rendre effective pour les ressortissants y ayant-droit » 261. Selon une
partie de la pratique diplomatique et de la doctrine, cette dernière disposition correspond
201

le mieux à ce que le droit international général requiert. La monnaie de paiement et le


transfert doivent être définis en fonction du principe demandant qu’une indemnité soit
effectivement réalisable pour l’intéressé. Son application dépend d’éléments de fait,
notamment de la résidence de l’ayant-droit, et des possibilités de ré-utilisation de
l’indemnité dans l’économie nationale262.
162 Ainsi, lorsqu’en 1962 le Gouvernement italien, en nationalisant des entreprises
d’électricité, refusa aux actionnaires suisses le droit d’être payé en monnaie transférable,
au lieu d’obligations libellées en lires, sa position a été reconnue conforme au droit
international263. Mais si un pays X, la Ruritanie, dont l’économie et le marché financier
sont pauvres, suivait l’exemple italien, il violerait le droit international parce que les
possibilités de ré-investissement sur place seraient jugées insuffisantes. Si tel était l’état
du droit, il comprendrait « deux poids, deux mesures », et il serait particulièrement
injuste à l’égard de nombreux Etats.
163 En réalité, cette conception, qui est traduite par le principe d’effectivité de
l’indemnisation, revient à reconnaître qu’il n’existe pas de règle positive déterminant la
monnaie de paiement et les conditions de transfert d’une indemnité. Un investisseur a
seulement un droit à être payé en monnaie locale ; le reste est affaire de circonstances 264.
Comme on l’a constaté dans le cadre des clauses de transfert, il n’existe pas d’obligation
coutumière exigeant d’un Etat qu’il autorise le transfert de fonds à l’étranger, pas plus
qu’un Etat national ne possède de droit à revendiquer le rapatriement des capitaux
investis par ses ressortissants265.
164 Ces questions doivent être réglées par le droit conventionnel. Elles ne sont pas du ressort
du droit international général. En ce qui concerne le transfert de l’indemnisation, comme
pour le domaine du transfert en général, les Conventions accordent donc une protection
qui déroge au droit des gens.
165 Mais le transfert en devises des indemnisations ne peut seulement être analysé en termes
d’une relation juridique de protection, mettant en présence l’Etat territorial et des
investisseurs étrangers. Dès qu’il dépasse un certain montant, ce sont les relations
monétaires, financières, et plus généralement un rapport de ressources économiques
entre deux ou plusieurs pays qui sont mis en cause. Il s’agit là d’une deuxième relation
juridique, distincte de la relation de protection, et qui se situe d’emblée sur le terrain des
rapports inter-étatiques.
166 La relation de protection est la seule qui ait été prise en compte jusqu’à une date récente.
Les notions classiques du droit coutumier ou conventionnel, requérant une indemnisation
« juste », ou encore, « adéquate, prompte et effective », s’adressent exclusivement à cette
relation, et elles occultent la dimension inter-étatique du problème. Or, sur le plan
conceptuel, la seule protection ne suffit plus, et, dans la pratique, son application a
sensiblement divergé des principes établis. Force est de constater que les indemnisations
découlant de nationalisations n’ont été le plus souvent, depuis 1945, ni adéquates, ni
promptes. Mais cela résultait, pour une part, du fait qu’elles ne pouvaient pas,
matériellement, être versées en devises266. Par contre, on ne perçoit pas en quoi la
question des ressources financières, qui est essentiellement un problème interétatique,
devrait affecter la protection à laquelle un investisseur étranger a droit, et le montant de
l’indemnisation, qui ne peut être fondé que sur la valeur de ses avoirs.
167 Depuis trois décennies, les Etats importateurs de capitaux tendent au contraire à
privilégier la dimension inter-étatique des problèmes liés aux nationalisations ; ainsi, en
202

mettant l’accent sur les notions d’indemnisation appropriée et d’enrichissement sans


cause. Par là, les principes de la protection des investissements étrangers sont relégués à
l’arrière-plan ; on peut douter que certaines tendances unilatérales soient conformes au
droit toujours en vigueur, et qu’elles soient dans l’intérêt du développement de la
coopération entre les deux groupes d’Etats. En revanche, les positions exprimées par les
Etats d’accueil ont contribué à faire apparaître cette dimension inter-étatique, dont les
problèmes ne peuvent être résolus que par des accords internationaux ; ainsi le transfert
des indemnisations.
168 Il est suggéré que le progrès du droit, sur ces questions complexes et controversées,
dépendra de la capacité de la communauté internationale à concilier deux types de
rapports juridiques qui sont de nature différente, et à approfondir des solutions viables
pour chacun d’eux.

***

169 En conclusion, il est manifeste que les clauses des Conventions d’investissement qui ont
été examinées dans ce chapitre visent d’abord à confirmer la validité contemporaine de
certaines règles du droit des gens, par ailleurs contestées. De prime abord, elles
ressortissent au domaine de la condition et de la protection des étrangers.
170 Un premier principe y est confirmé : le droit d’un Etat-partie de prendre des mesures
d’expropriation et de nationalisation. Dans les Conventions, ce droit n’est pas restreint, ni
du point de vue quantitatif, ni du point de vue temporel. Aucune référence à certaines
conceptions de la notion du respect des droits acquis ne s’y retrouve. L’existence de la
souveraineté permanente d’un Etat sur ses ressources ne paraît pas mise en question ; en
dépit de certaines tendances doctrinales, elle a d’ailleurs été constamment reconnue par
le droit international depuis Vattel267.
171 En contrepartie, le droit d’expropriation et de nationalisation d’un Etat-partie est soumis
à diverses conditions. Celles-ci varient selon les Conventions, mais deux principes s’y
retrouvent mentionnés en règle générale : le principe de non-discrimination, auquel il
convient de joindre la cause d’utilité publique ; et l’exigence d’une indemnisation qui soit
fondée sur la valeur des investissements expropriés. La référence à ces deux principes
peut être considérée comme confirmative du droit international général.
172 Les incertitudes majeures du droit actuel concernent le montant et les modalités de
l’indemnisation. Les Conventions d’investissement excluent le principe du traitement
national en ce domaine. Elles contiennent des engagements directs en ce qui concerne le
montant de l’indemnisation, souvent qualifiée d’adéquate ou de juste et équitable. Ces
termes s’inscrivent dans la continuité du droit international, plus qu’ils n’y dérogent. Le
concept récent d’indemnisation appropriée n’a pas été rencontré.
173 On ne se hasardera cependant pas à affirmer que ces concepts sont déclaratoires du droit
actuel ; leur validité est en effet limitée au champ du droit conventionnel. En matière
économique, des principes tels que le traitement de la nation la plus favorisée ont été
mentionnés dans d’innombrables traités depuis des siècles, sans être devenus de droit
coutumier. Par contre, il est à noter que des Etats qui ont adopté la Résolution 1803 (XVII) et
la Charte de 1974 ont accepté, dans des relations bilatérales, de souscrire à des
engagements d’indemnisation plus proches du droit dit traditionnel. Il semble donc que le
203

fossé ne soit pas tel qu’un consensus sur le sujet ne puisse être trouvé, aussi sensible soit-
il du point de vue politique.
174 Nous avons constaté que les conditions d’indemnisation n’incluaient pas, en droit
général, une obligation de paiement en monnaie étrangère et de transfert des indemnités
vers l’Etat national. Cet aspect a été pendant longtemps sous-estimé, du fait du manque
d’élaboration du droit des gens en matière monétaire et financière. Depuis 1945, et
surtout depuis 1974, il est apparu au premier plan, dans les accords d’indemnisation
forfaitaire, dans le concept d’indemnité appropriée, dans les doctrines prenant en compte
la capacité financière d’un Etat nationalisant, et dans la notion d’enrichissement sans
cause. Au niveau des Conventions d’investissement, les dispositions relatives au transfert
des indemnités constituent une lex specialis assurant une protection plus étendue aux
investissements concernés.
175 Mais nous avons aussi mentionné que les conditions de transfert des indemnités ne
pouvaient pas seulement être analysées sous l’angle de la protection des investissements,
fût-ce une protection accordée par le droit conventionnel. La question du transfert
s’étend aux intérêts économiques légitimes de chacun des Etats concernés. Il s’agit d’une
relation de droit économique, qui peut être soit de puissance, soit de coopération. Si l’on
cherche à développer une relation de coopération, il ne fait pas de doute qu’un
approfondissement juridique reste à entreprendre.

NOTES
1. Deux étapes importantes dans l’évolution contemporaine du droit international de
l’expropriation sont à noter d’emblée : la Résolution 1803 (XVII) (1962) de l’Assemblée générale
des Nations Unies, intitulée « Souveraineté permanente sur les ressources naturelles » (ci-après
la « Résolution 1803 (XVII) ») ; et la Résolution 3281 (XXIX) (1974) intitulée « Charte des droits et
des devoirs économiques des Etats » (ci-après la « Charte de 1974 »). Pour une partie de la
pratique diplomatique et de la doctrine, le droit aurait changé depuis 1974, en tout cas depuis
1962, et une bonne part de la littérature juridique antérieure aurait perdu sa pertinence ; cf.
DOLZER, « New Foundations of the Law of Expropriation of Alien Property », AJIL, v. 75 (1981), p.
553 ; SORNARAJAH, « Compensation for Expropriation : The Emergence of New Standards », JWTL, v.
13 (1979), pp. 108-31, à la p. 131. Quelle que soit la validité de cette opinion, que l’on testera dans
ce chapitre, nous partirons de l’hypothèse, méthodologiquement, qu’il en est ainsi. Une place
importante sera donc accordée à la jurisprudence, la pratique et la doctrine postérieures à 1974,
notamment aux sentences suivantes : « BP Exploration Company (Libya) Limited v. Government
of the Libyan Arab Republic » (10 octobre 1973, 1er août 1974), ILR, v. 53 (1979), pp. 297-388 (ci-
après « Affaire BP ») ; « Texaco/Calasiatic c. Gouvernement libyen » (19 janvier 1977) Clunet, v.
104 (1977), pp. 350-89 (ci-après « Affaire Texaco ») ; « Libyan American Oil Company (LIAMCO) v.
Government of the Libyan Arab Republic » (12 avril 1977), ILR, v. 62 (1982), pp. 141-219 (ci-après
« Affaire Liamco ») ; « American Independent Oil Company (AMINOIL) v. the Government of the
State of Kuwait » (March 24, 1982), ILM v. 21 (1982) pp. 976-1053, ILR v. 66 (1984) pp. 519-627 (ci-
après « Affaire Aminoil ») ; « Sociétà AG1P s.p.a. c. Repubblica popolare del Congo » (30 novembre
1979), RDI, v. 64 (1981) pp. 862-79 (ci-après « Affaire Agip ») ; « Ltd Benvenuti et Bonfant s.r.l. v.
204

the Government of the People’s Republic of the Congo » (August 8, 1980), ILM, v. 21 (1982) pp.
740-66 (ci-après « Affaire Benvenuti »). En doctrine, sur l’évolution de la jurisprudence, cf. not.
HIGGINS, « The Taking of Property by the State : Recent Developments in International Law », RC,
v. 176 (1982-III), pp. 259-392 ; J-Fl. LALIVE, « Contrats entre Etats ou entreprises étatiques et
personnes privées - Dévelopments récents », RC, v. 181 (1983-III), pp. 9-284 ; Id., « Un grand
arbitrage pétrolier entre un Gouvernement et deux sociétés privées étrangères », Clunet, v. 104
(1977), pp. 319-49 ; von MERHEN and KOURIDES, « International Arbitrations between States and
Foreign Private Parties : The Libyan Nationalization Cases », AJIL, v. 75 (1981), pp. 476-552 ; R.
WHITE, « Expropriation of the Libyan Oil Concessions - Two Conflicting International
Arbitrations » ICLQ, v. 30 (1981), pp. 1-19. Sur l’évolution récente du droit de l’expropriation, cf.
LILLICH (ed. & contr.), The Valuation of Nationalized Property in International Law, Charlottesville,
University Press of Virginia, 3 vol. (1972-1975) ; FRANCIONI, « Compensation for Nationalisation of
Foreign Property : The Borderland between Law and Equity », ICLQ, v. 24 (1975), pp. 255-83 ;
WESTON , « The Charter of Economic Rights and Duties of States and the Deprivation of Foreign-
Owned Wealth », AJIL, v. 75 (1981), p. 438 et s. Cf. aussi JIMENEZ DE ARECHAGA , « International Law in
the Past Third of a Century », RC, v. 159 (1978-1), pp. 1-344. Sur la pratique des Etats antérieure à
1974, ou à 1962, cf. KISS, Répertoire, v. IV, pp. 385-94 ; Répertoire suisse, v. II, pp. 661-98 ; HACKWORTH,
Digest, v. III, pp. 652-89 ; WHITEMAN, Digest, v. 8, pp. 1020-1186 ; Id., Damages, v. II, pp. 1386-1405. Sur
la doctrine, cf. Restatement (2d), pp. 553-75 ; IDI, Annuaire, v. 43 (1950-I), pp. 42-132, v. 44 (1952-II),
pp. 251-323 ; G. WHITE, Nationalisation of Foreign Property, London, Stevens (1961) ; FOIGHEL,
Nationalization, London, Stevens (1957) ; FRIEDMAN , L’expropriation en droit international public, Le
Caire, SOP-Press (1950) ; WORTLEY, Expropriation in Public International Law, Cambridge, The
University Press (1959) ; FOUILLOUX , La nationalisation en droit international public, Paris, LGDJ
(1962) ; BINDSCHEDLER, « La protection de la propriété privée en droit international public », RC, v.
90 (1956-11), pp. 173-304 ; FACHIRI, « Expropriation and International Law », BYIL, v. 6 (1925), pp.
159-71 ; FISCHER-WILLIAMS, « International Law and the Property of Aliens », BYIL, v. 9 (1928), pp.
1-30 ; S. BASDEVANT in LAPRADELLE et NIBOYET (ed.), op. cit. (1930), pp. 48-57 ; HERZ, « Expropriation of
Foreign Property », AJIL, v. 35 (1941), pp. 243-63.
2. Face aux incertitudes du droit général de l’expropriation, l’importance du rôle des traités est
relevée not. in GUGGENHEIM , Traité, v. I (1953), pp. 337-8 ; KELSEN, Principles, pp. 367-8 ; FATOUROS, op.
cit. (1962), pp. 222-8 ; WHITE, op. cit. (1961), pp. 154-61, 244-51.
3. Sur le traitement n.p.f., cf. p.ex. Conv. Allemagne-Sierra Leone, art. 3 ; Belgique-Indonésie, art.
5. Sur le renvoi au droit des gens, cf. infra, pp. 172-82.
4. La Conv. Japon-Egypte fait exception, à l’art. 5(4), en stipulant à la fois les traitements national
et n.p.f. Le traitement national en matière d’expropriation a été fréquemment mentionné dans
des traités de commerce et d’établissement ; sur le traité Allemagne-Suisse de 1909, cf. Répertoire
suisse, v. II, p. 792 ; et cf. p.ex. le traité Etats-Unis-Allemagne de 1954, art. V, RTNU, v. 273 (1957),
pp. 8-9.
5. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Maroc, art. 4 ; France-Jordanie, art. 4(2) ; Pays-Bas-Côte d’Ivoire, art.
5 ; Royaume-Uni-Roumanie, art. 4(1) ; Suisse-Togo, art. 7.
6. Cf. Conv. Pays-Bas-Ouganda, art. IX(1) : « Neither Contracting Party shall take any measures
depriving nationals of the other Contracting Party of their investments... » ; dans le même sens,
cf. p.ex. Conv. Belgique-Corée, art. 5(1).
7. Sur la notion d’expropriation en droit international, cf. BINDSCHEDLER , op. cit. (1956), pp. 211-4 ;
BROWNLIE, Principles, p. 532 ; GUGGENHEIM , Traité, v. I (1953), p. 333 ; SCHWARZENBERGER, op. cit. (1969),
p. 17 ; GARCIA-AMADOR , « Quatrième rapport sur la responsabilité internationale », CDI, Annuaire
(1959-II), pp. 29-35 ; sur la signification de « Taking », cf. Restatement (2d), pp. 572-5.
8. En ce sens, la nationalisation de BP (Libya), non indemnisée deux ans plus tard, a été qualifiée
dans la Sentence BP de « confiscatory », ILR, v. 5 3 (1979), p. 329 ; adde aux réf. supra, n. 7, WORTLEY
205

, op. cit. (1959), p. 3 9 et s. ; KELSEN , Principles, p. 368 ; O’CONNELL, International Law, v. II, p. 776 ;
contra, FRIEDMAN, op. cit. (1950), p. 207 définit l’expropriation « avec ou sans indemnité ».
9. Cf. WHITEMAN, Damages, v. II, p. 929 et s., 1405-13 ; WORTLEY, ibid.
10. Conv. Pays-Bas-Sénégal, art. 5.
11. Cf. la définition donnée in IDI, Annuaire, v. 44 (1952-II), p. 279 ; adde WHITE, op. cit. (1961), pp.
41-50 ; FOIGHEL, op. cit. (1957), p. 19 ; O’CONNELL, International Law, v. II, p. 769.
12. Sur les accords d’indemnisation globale et forfaitaire, cf. not. LILLICH & WESTON , International
Claims : Their Settlement by Lump-sum Agreements, Charlottesville, University Press of Virginia, 2
vol. (1975) ; WHITE, op. cit. (1961), pp. 183-243 ; BINDSCHEDLER, op. cit. (1956), p. 258 et s.
13. Cf. la formulation classique du principe par le rédacteur de la huitième édition du traité d’
OPPENHEIM , International Law, v. I, p. 352 ; et GUGGENEHEIM , Traité, v. I (1953), pp. 334-5 ; Ch. de
VISSCHER, Théories, pp. 219-20 ; la division de la doctrine sur ce point a été particulièrement nette
lors des débats de l’IDI, Annuaire, v. 44 (1952-11), p. 251 et s.
14. Cf. en ce sens FRIEDMAN , op. cit. (1950), p. 406 et s. ; GARCIA-AMADOR , in CDI, Annuaire (1959-11),
pp. 67-9 ; pour une analyse prudente, cf. BROWNLIE, Principles, pp. 537-8 ; AMERASINGHE, « The
Quantum of Compensation for Nationalized Property », in LILLICH (ed.), op. cit., v. III (1975), pp.
91-130.
15. P.ex., dans le cas des nationalisations chiliennes de 1971, le Gouvernement avait fait valoir
que les exportations des sociétés étrangères du cuivre représentaient les 2 / 3 des ressources en
devises du pays, et environ 2 5 % des rentrées budgétaires, cf. CHILI, « Decree concerning Excess
Profits of Copper Companies », ILM, v. 12 (1973), p. 984 ; pour une discussion intéressante de la
question, cf. FATOUROS, op. cit. (1962). p. 326 et s. ; BROWNLIE, ibid.
16. AG Res. 1803 (XVII) (18 décembre 1962) : « L’Assemblée générale, (...) I. Déclare ce qui suit :(...)
4. La nationalisation, l’expropriation ou la réquisition devront se fonder sur des raisons ou des
motifs d’utilité publique, de sécurité ou d’intérêt national, reconnus comme primant les simples
intérêts particuliers ou privés, tant nationaux qu’étrangers. Dans ces cas, le propriétaire recevra
une indemnisation adéquate, conformément aux règles en vigueur dans l’Etat qui prend ces
mesures dans l’exercice de sa souveraineté et en conformité du droit international. Dans tout cas
où la question de l’indemnisation donnerait lieu à une controverse, les voies de recours
nationales de l’Etat qui prend lesdites mesures devront être épuisées. Toutefois, sur accord des
Etats souverains et autres parties intéressées, le différend devrait être soumis à l’arbitrage ou à
un règlement judiciaire international ».
17. AG Res. 3281 (XXIX) (12 décembre 1974) « Charte des droits et des devoirs économiques des
Etats » Article 2(2) : « Chaque Etat a le droit : (...) c) De nationaliser, d’exproprier, ou de transférer
la propriété des biens étrangers, auquel cas il devrait verser une indemnité adéquate, compte
tenu de ses lois et règlements et de toutes les circonstances qu’il juge pertinentes. Dans tous les
cas où la question de l’indemnisation donne lieu à différend, celui-ci sera réglé conformément à
la législation interne de l’Etat qui prend des mesures de nationalisation et par les tribunaux de
cet Etat, à moins que tous les Etats intéressés ne conviennent librement de rechercher d’autres
moyens pacifiques sur la base de l’égalité souveraine des Etats et conformément au principe du
libre choix des moyens ».
18. Supra, n. 1.
19. « As differentiated from individual expropriation acts based on administrative law and public
necessity, nationalization has taken, in general, the feature of a collective legislative measure
motivated by the public social policy of the State. It became thus characterized as a sovereign act,
immune from judicial control and subject to international law whenever foreign elements were
at issue », ILR, v. 62 (1982), p. 185.
206

20. Id., pp. 184-7 ; l’Arbitre a ensuite procédé à une analyse des résolutions 1803 (XVII) et 3281
(XXIX) notamment sur la base du seul concept de nationalisation ; cette distinction, on l’a vu, ne
ressort pas des textes mêmes.
21. Id., pp. 205-8 ; cette évolution a été considérée dans le cadre du « lucrum cessans » ; mais les
principes énoncés le sont sur une base plus générale, et ils découlent directement du concept de
nationalisation dégagé précédemment, cf. supra, n. 19, 20.
22. Id., p. 207.
23. Parmi ceux-ci, cf. BINDSCHEDLER, op. cit. (1956), p. 248 et s. ; SCHWARZENBERGER, op. cit. (1969), pp.
8-9 ; WORTLEY, op. cit. (1959), pp. 23-37 ; adde Restatement (2d), pp. 566-8.
24. Cf. BINDSCHEDLER, id., p. 250.
25. En ce sens, cf. BROWNLIE, Principles, p. 532 ; SCHWARZENBERGER, op. cit. (1969), p. 8 ; BINDSCHEDLER,
id., p. 185 ; WORTLEY, op. cit. (1959), p. 36.
26. Ainsi la loi libyenne du 7 décembre 1971 nationalisait seulement les avoirs de BP (Libya) dans
la Concession 65, ILR, v. 53 (1979), p. 313 ; la seconde loi de nationalisation des avoirs de LIAMCO,
en février 1974, visait cette seule entreprise, ILR, v. 62 (1982), p. 163 ; pour un panorama de
mesures de nationalisation d’ampleur fort variable, cf. « US Deparment of State Report on
Nationalization, Expropriation and Other Takings of US and Certain Foreign Property since
1960 », ILM, v. 11 (1972), pp. 84-118.
27. La Conv. Etat-Unis-Egypte mentionne en détail de telles mesures, art. III(1) : « (...) any other
measure, direct or indirect (including, for example, the levying of taxation, the compulsory sale
of all or part of such an investment, or impairment or deprivation of management, control or
economic value of such an investment by the national or company concerned), if the effect of
such other measure, or a series of such other measures, would be tantamount to expropriation or
nationalization (all expropriations, all nationalizations and all such other measures hereinafter
referred to as « expropriation ») ». Pour un cas récent, incluant la prise de contrôle d’une
entreprise étrangère par des agents de l’Etat, l’occupation des locaux par l’armée et des
ingérences répétées dans la gestion, sans qu’une décision formelle d’expropriation ait été prise,
cf. l’Affaire Benvenuti, ILM, v. 21 (1982) p. 750 et s.
28. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Tunisie, art. 3 ; France-Corée (1979), art. 3(2) ; Pays-Bas-Côte d’Ivoire,
art. 5 ; Suisse-Soudan, art. 6.
29. Cf. HIGGINS, op. cit., (1982), p. 322 et s. ; CHRISTIE, « What Constitutes a Taking of Property under
International Law ? » BYIL, v. 38 (1962), pp. 306-38 ; cf. aussi Restatement (2d), par. 192, p. 572 :
« International law has not established clear criteria for determining what constitutes a taking of
an alien’s property, short of complete transfer of title ».
30. Cf. US Digest (1976), p. 444 ; OECD, Draft Convention, ILM, v. 2 (1963), pp. 249-50 ; sur le
concept de « wealth deprivation », qui connaît une vogue croissante, cf. WESTON, loc. cit. (1981), p.
438.
31. Sur le « power of eminent domain », cf. l’arbitrage des « Norwegian Shipowners’ Claims »
(1922), RSANU, v. I, p. 309, aux pp. 318 et s., 330 et s. ; J.N. HYDE, « Economic Development
Agreements », RC, v. 105 (1962-1), pp. 298-303 ; FATOUROS, op. cit. (1962), p. 270 et s. ; sur le « police
power » spécifiquement, cf. Restatement (2d), par. 197, pp. 592-3.
32. Cf. supra, n. 29, et GUGGENHEIM , Traité, v. I (1953), p. 333 ; BINDSCHEDLER, op. cit. (1956), pp. 216-7.
33. Conv. France-Malte, Protocole III ; de nombreuses Conventions conclues par le Royaume- Uni
omettent le terme de dépossession, mais mentionnent à la place « measures having effecl
équivalent to nationalisation or expropriation », cf. p.ex. Conv. Royaume-Uni-Egypte, art. 5(1). Cf.
aussi Conv. Etats-Unis-Egypte, citée supra n. 27.
34. Infra, n. 54 ; le critère des effets est clairement mis en évidence dans une note du Ministère
français des affaires étrangères de 1936, cf. KISS, Répertoire, v. IV, p. 386 ; cf. aussi OECD, réf. supra,
n. 30.
207

35. OECD, id. ; sur le rôle des motivations de l’Etat, cf. aussi SCHWARZENBERGER , op. cit. (1969), pp.
118-9 ; BINDSCHEDLER, op. cit. (1956), p. 211.
36. « Affaire Goldenberg » (1928), RSANU, v. II, p. 903, à la p. 909.
37. Sur le droit de réquisition sous condition d’indemnisation, cf. WHITEMAN, Damages, v. II, pp.
900-29 ; WORTLEY, op. cit. (1959), pp. 29-32.
38. Supra, n. 31.
39. Supra, p. 162, et n. 16.
40. CPJI, « Affaire relative à l’Usine de Chorzow (Demande en indemnité) (Compétence) », Série A,
N° 9 (1927), p. 3 1 ; sur la liquidation illicite, cf. CHRISTIE, loc. cit. (1962), p. 337 ; sur la mise sous
séquestre de certains biens par l’Egypte en 1961, plus tard transformée en expropriation « de
jure », cf. SCHWARZENBERGER, op. cit. (1969), pp. 100-1.
41. Supra, n. 27.
42. Une « intervencion » apparaît comme un pouvoir attribué à l’exécutif de nommer des agents,
civils ou militaires, à la tête d’une entreprise, pour en prendre la direction ; des Etats d’Amérique
latine y ont eu périodiquement recours. Sur les mesures espagnoles, cf. Répertoire suisse, v. III, p.
1720 ; KISS, Répertoire, v. IV, p. 386 ; sur les mesures cubaines, cf. WHITEMAN, Digest, v. 8, p. 1023 et
s. ; CHRISTIE, loc. cit. (1962), p. 306 ; WHITE, op. cit. (1961), p. 44.
43. Cf. E. LAUTERPACHT, British Practice (1964-II), pp. 194-200 ; WHITEMAN, Digest, v. 8, pp. 1048-50 ;
CHRISTIE, id., p. 307 ; SCHWARZENBERGER , op. cit. (1969), pp. 95-6.
44. « State responsibility for taking of property has not, in general practice, been invoked in
cases of interference with the use or enjoyment of property short of divesture of title »,
Restatement (2d), p. 573, et les exceptions citées p. 574 ; sur la jurisprudence de l’« US Foreign
Claims Settlement Commission » en ce domaine, cf. CHRISTIE, id., p. 313 et s.
45. Cf. HIGGINS, op. cit. (1982) p. 326 ; US Digest (1976), p. 443 et s. ; VAGTS, « Coercion and Foreign
Investment Rearrangements », AJIL, v. 72 (1978), pp. 17-36 ; pour des cas antérieurs de ventes
forcées, notamment en Allemagne dans les années 1930, cf. CHRISTIE, id., p. 324 et s.
46. « Where a State compels an alien to sell his property for less than its true value either to the
State or to a third party, a compensatable claim arises », CHRISTIE, id., p. 338 ; en faveur d’une
invalidation de la vente, cf. VAGTS, id., p. 28.
47. Sur les Affaires du monopole du soufre en Sicile (1836), Savage (1852), du monopole des
assurances en Italie (1911), et en Uruguay (1912), cf. WHITEMAN, Damages, v. II, p. 891 et s. ; FACHIRI,
toc. cit. (1925), p. 164 et s. ; FISCHER-WILLIAMS, loc. cit. (1928), p. 1 et s. ; S. BASDEVANT in LAPRADELLE et
NIBOYET (ed.), op. cit. (1930), pp. 50-2.
48. CPJI, Série A/B, N° 6 3 (1934), p. 88.
49. Id., p. 85.
50. En ce sens, cf. CHRISTIE, loc. cit. (1962), pp. 334-5, 338 ; WHITEMAN, Damages, v. II, p. 891 ; dans
l’Affaire Oscar Chinn, les avantages exceptionnels conférés à la société Unatra ont été justifiés
par les conditions de crise économique sévissant à l’époque.
51. Sur la question ceylanaise, cf. E. LAUTERPACHT, British Practice (1963-II), p. 122 et s. ; le « Ceylon
Petroleum Corporation Act » (1961) apparaît in ILM, v. 1 (1962). p. 126 ; l’amendement de 1963 in
ILM, v. 2 (1963), p. 951 ; les accords d’indemnisation de 1965 in ILM, v. 4 (1965), p. 1074 ; adde
SCHWARZENBERGER , op. cit. (1969), pp. 92-4.
52. Sur le caractère confiscatoire de mesures fiscales, cf. supra, pp. 109-10 ; de restrictions de
change, supra, pp. 136-7.
53. BINDSCHEDLER, op. cit. (1956), p. 211.
54. « The Tribunal is therefore of the opinion : (1) That, whatever the intentions may have been,
the United States took, both in fact and in law, the contracts under which the ships in question
were being or were to be constructed », « Norwegian Shipowners’ Claims », RSANU, v. I, p. 325.
Dans les Arrêts N° 7, 8 et 13 de la CPJI, les deux derniers concernant spécifiquement l’Usine de
208

Chorzow, il a été abondamment fait état, par la Pologne, de la bonne foi de ses intentions ; le
caractère illicite de la dépossession, aux termes de la Convention de Genève de 1922, n’en a pas
moins été admis.
55. Cf. HIGGINS, op. cit. (1982), p. 331 ; et supra, n. 35.
56. « In the matter of : Revere Copper and Brass, Incorporated and Overseas Private Investment
Corporation » (24 août 1978), ILM, v. 17 (1978), pp. 1321-83 (ci-après « Affaire Revere »).
57. « Although the Agreement was silent as to the applicable law, we accept Jamaican law for all
ordinary purposes of the Agreement, but we do not consider that its applicability for some
purposes precludes the application of principles of public international law which govern the
responsibility of States for injuries to aliens », Id., p. 1331.
58. Le contrat de TOPIC définissait ainsi l’expropriation : « 1.15. Expropriatory Action. The term
“Expropriatory Action” means any action which is taken, authorized, ratified or condoned by the
Governement of the Project Country, commencing during the Guaranty Period, with or without
compensation therefore, and which for a period of one year directly results in preventing : (...)
(d) the Foreign Enterprise from exercising effective control over the use or disposition of a
substantial portion of its property or from constructing the Project or operating the same », Id.,
p. 1322.
59. « A majority of this Panel have concluded that the actions taken by the Government of
Jamaica, having effectively put an end to the 1967 Agreement, directly prevented RJA from
exercising effective control over the use or disposition of its property », Id., p. 1330.
60. Id., pp. 1349-53, not. p. 1350.
61. Id., p. 1371.
62. Id., p. 1378 ; il était admis, de même, que la fermeture de l’usine en 1975 était due à des
conditions économiques générales, sans relation directe avec ladite taxe ou d’autres mesures
étatiques, Id., pp. 1380-1.
63. Conv. Japon-Egypte, art. 5(2) : « Investments (...) shall not be subjected to expropriation,
nationalization, restriction (...) unless the following conditions are complied with (...) ».
64. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Corée, art. 5(1) ; Belgique-Indonésie, art. 5.
65. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Côte d’Ivoire, Protocole (3) ; Allemagne-Zaïre, Protocole (3).
66. Cf. les ref. citées supra,, n. 43.
67. Cf. Conv. France-Maroc, art. 4, 5 ; France-Malte, Protocole (III).
68. Sur ce point, cf. not. l’Avis arbitral de M. Huber dans 1’« Affaire des biens britanniques au
Maroc Espagnol » (1925), RSANU, v. II, p. 617, aux pp. 639-50 ; et le Projet d’articles de la CDI sur la
responsabilité des Etats, art. 3, 5, 11, 22, 23, Annuaire (1980-11), pp. 29-31.
69. Les cinq conditions mentionnées figuraient dans l’Article 3 du Projet de Convention de l’OCDE
sur la protection de la propriété étrangère, cf. ILM, v. 2 (1963), p. 248 et les commentaires, pp.
249-52.
70. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Maroc, art. 3 ; France-Jordanie, art. 4(1) ; Italie-Côte d’Ivoire, art. 4 ;
Japon-Egypte, art. 5(1). Sur la protection et la sécurité mentionnées dans des clauses de
traitement, qui ont dans certains cas une portée générale, cf. supra, p. 85.
71. Une double référence au droit des gens apparaît p.ex. dans la Conv. Belgique-Corée ; dans
l’art. 5(3) elle couvre l’ensemble de la clause d’expropriation ; dans l’article 5 (1) (a) elle se réfère
aux conditions d’utilité publique et du respect d’une procédure légale.
72. Cf. p.ex. Conv. Pays-Bas-Thaïlande, art. IX(c) ; Suisse-Mauritanie, art. 6.
73. Affaire Texaco, Clunet, v. 104 (1977), pp. 366-80 ; Affaire Liamco, ILR, v. 62 (1982), pp. 182-96
(les considérations relatives à l’expropriation nous intéressent seules ici ; les aspects
spécifiquement contractuels de ces affaires seront examinés au Chap. VII) ; sur la doctrine, cf.
p.ex. BROWNLIE, Principles, pp. 531-45.
74. Cf. ROBINSON , « Expropriation in the Restatement (Revised) », AJIL, v. 78 (1984), pp. 176-8 ; et
les commentaires critiques de SCHACHTER, « Compensation for Expropriation », in id., pp. 121-30.
209

La validité contemporaine de ces conditions est clairement affirmée in « United States :


Department of State Statement on Foreign Investment and Nationalization (December 30,
1975) » : « Under international law, the United States has a right to expect : — That any taking of
American private property will be nondiscriminatory ; — That it will be for a public purpose ; and
— That its citizens will receive prompt, adequate, and effective compensation from the
expropriating country », ILM, v. 15 (1976), p. 186 ; cf. aussi US Digest (1975), p. 487 et s. La position
des Etats exportateurs de capitaux dans les années 1960 a été exprimée dans l’article 3 du Projet
de l’OCDE cité supra, n. 69 ; rien n’indique qu’elle ait substantiellement changé depuis lors. Sur la
pratique individuelle d’Etats, cf. les ref. citées supra, n. 1. La règle définie ci-dessus, en matière
d’indemnisation, a été formulée pour la première fois, semble-t-il, par le Secrétaire d’Etat
américain Cordell Hull dans des Notes à l’Ambassadeur du Mexique en 1938, cf. HACKWORTH ,
Digest, v. III, p. 655 et s., not. p. 658 : « (...) under every rule of law and equity, no government is
entitled to expropriate private property, for whatever purpose, without provision for prompt,
adequate, and effective payment therefor ».
75. Supra, n. 16.
76. « The description of this sovereignty as permanent signifies that the territorial State can
never lose its legal capacity to change the destination or the method of exploitation of those
resources, whatever arrangements have been made for their exploitation and administration »,
JIMENEZ DE ARECHAGA , op. cit. (1978), p. 297 ; dans le même sens, cf. CASTANEDA , in WALDHEIM (et al.),
« Justice... », op. cit. (1976), p. 90.
77. Il faut signaler ici une divergence, regrettable et généralement passée sous silence, entre les
versions anglaise et française de la Résolution 1803 (XVII). Le texte anglais dit : « appropriate
compensation », ce qui est intentionnellement différent de la formule classique : « prompt,
adequate and effective compensation » (cf. supra, n. 74) ; mais le texte français dit : « une
indemnisation adéquate ». On notera que cette divergence se retrouve dans divers autres textes,
notamment dans l’article 2(2) (c) de la Charte de 1974. Une partie des controverses
contemporaines touchant le point de savoir si une « adequate compensation » ou au contraire
une « appropriate compensation » est requise en droit international, la divergence mentionnée
ne peut qu’accroître la confusion, déjà suffisante sans cela. En attendant que les traducteurs des
Nations Unies parviennent à s’accorder, nous sommes obligés de nous départir du texte français
(bien qu’il fasse également autorité), et de traduire littéralement du texte anglais « adequate
compensation » par « indemnité adéquate », et « appropriate compensation » par « indemnité
appropriée » ; il en ira ainsi dans la suite de l’étude.
78. Supra, n. 17.
79. En ce sens, cf. BAXTER, « Foreword » in LILLICH (ed.), op. cit., v. Il (1973), pp. VIII-X ; DOLZER, loc.
cit. (1981), p. 577.
80. Les décisions pertinentes seront citées dans leur contexte ; il a été souvent relevé que ces
décisions ne traitent que de cas individuels d’expropriation, non de formes de nationalisation
intervenues depuis 1945, cf. p.ex. AMERASINGHE in LILLICH (ed.), op. cit., v. III (1975), p. 120 ; de là
sans aucun doute l’importance des sentences postérieures à 1973 citées supra, n. 1.
81. CIJ, Recueil 1969, p. 44.
82. Ibid.
83. Sur les accords d’indemnisation forfaitaire, cf. supra, n. 12 ; au terme d’une étude détaillée
d’accords postérieurs à 1945, G. White concluait : « The crucial question, which must now be
considered, is the measure of compensation required by the international rule. It must be said at
the outset that the post-war agreements have not complied with the classic formula of prompt,
adequate and effective compensation », op. cit. (1961), p. 235. La contradiction courante entre la
règle invoquée et la pratique suivie amène certains auteurs à s’interroger sur la validité et les
motifs du maintien de l’invocation, cf. p.ex. ORREGO VICUNA , « The International Regulation of
210

Valuation Standards and Processes : a Reexamination of Third World Perspectives » in Lillich


(ed.), op. cit., v. III (1975), pp. 131-48, aux pp. 132, 139.
84. Cf. CASTANEDA, in WALDHEIM (et al.), op. cit. (1976), pp. 89, 103-7 (rappelons que l’auteur était le
Président du groupe de travail chargé de l’élaboration de la Charte) ; JIMENEZ DE ARECHAGA , op. cit.
(1978), p. 301 ; BROWNLIE, Principles, pp. 543-5.
85. Cf. E. LAUTERPACHT, British Practice (1967), p. 121 ; US Digest (1975), pp. 487-8.
86. Clunet, v. 104 (1977), p. 379 ; de même, cf. Affaire Aminoil, ILM, v. 21 (1982) p. 1032.
87. Cf. p.ex. BROWNLIE, « Legal Status of Natural Resources in International Law (Some Aspects) »,
RC, v. 162 (1979-I), p. 261 ; O’CONNELL, International Law, v. II, p. 792 ; contra, SCHWARZENBERGER, « The
Principles and Standards of International Economic Law », op. cit. (1966), pp. 31-2.
88. Cf. Affaire Texaco, Clunet, v. 104 (1977), pp. 376-80 ; WESTON , loc. cit. (1981), p. 455 et s. ;
BROWNLIE, Principles, p. 543.
89. « ... les négociations échouèrent finalement devant l'impossbibilité d’obtenir un consensus
sur ces accords d’investissement (« investment agreements ») », CASTANEDA in WALDHEIM (et al.),
op. cit. (1976), pp. 95-6 ; et JIMENEZ DE ARECHAGA , op. cit. (1978), pp. 305-6.
90. Cf. dans le même sens les conclusions interrogatives de LILLICH , « The Valuation of
Nationalized Property in International Law : Towards a Consensus or More “Rich Chaos” ? » in
LILLICH (ed.), op. cit., v. III (1975), pp. 183-204 ; et DOLZER, toc. cit. (1981), p. 577 et s.
91. SCHWARZENBERGER, op. cit. (1969), p. 8 ; cf. aussi BINDSCHEDLER, op. cit. (1956), p. 208.
92. JIMENEZ DE ARECHAGA , op. cit. (1978), p. 2 1 ; dans le même sens, cf. CASTANEDA in WALDHEIM (et
al.), op. cit. (1976), p. 89, 95.
93. « Cela étant, le droit d’un Etat de procéder à des nationalisations n’est pas contestable. Il
résulte du droit international coutumier, établi à la suite de pratiques concordantes considérées
par la communauté internationale comme étant de droit », Affaire Texaco, Clunet, v. 104 (1977), p.
367 ; cf. aussi Affaire Liamco, ILR, v. 62 (1982), pp. 184-9, not. p. 189.
94. La notion de « souveraineté permanente » ne paraît pas en litige. En 1974, les débats ont
porté principalement sur son extension à l’ensemble des activités économiques nationales. Le
texte finalement adopté déclare, Charte art. 2(1) : « Chaque Etat détient et exerce librement une
souveraineté entière et permanente sur toutes ses richesses, ressources naturelles et activités
économiques, y compris la possession et le droit de les utiliser et d’en disposer ». Le texte
proposé par le Groupe B (pays industrialisés) déclarait : « Chaque Etat détient une souveraineté
permanente sur sa richesse et ses ressources naturelles ainsi que le droit inaliénable d’en
disposer pleinement et librement ». Ce n’est donc pas la permanence de la souveraineté, ni le
droit de nationalisation qui ont été en discussion, mais la notion de « possession » et
d’« utilisation » de toute activité économique. En ce sens, l’art. 2(1) de la Charte outrepasse le
droit des Conventions et le droit général, qui reconnaissent le droit de propriété, le transfert de
ce droit par un Etat constituant l’essence de l’expropriation. La formule va aussi au-delà de ce
que les droits nationaux reconnaissent. Même dans les pays à économie planifiée, l’Etat ne
dispose pas d’un droit direct de possession et d’utilisation sur toutes les activités économiques ;
ainsi la propriété coopérative. Sur les débats de 1974 à ce sujet, cf. not. CASTANEDA in WALDHEIM (et
al.), op. cit. (1976), pp. 89-92.
95. Infra, pp. 182-8.
96. CASTANEDA in WALDHEIM (et al.), op. cit. (1976), p. 101 ; cf. dans le même sens JIMENEZ de
ARECHAGA , op. cit. (1978), p. 301 ; BROWNLIE, Principles, p. 543 ; contra, WESTON , loc. cit. (1981), pp.
448-50.
97. « In this connection, it is relevant to recall that the exercise of the right of nationalization is
subject to compensation », Affaire Liamco, ILR, v. 62 (1982), p. 196 ; adde, id., p. 189, 201 ; cf. aussi
Affaire BP, ILR, v. 53 (1979), p. 329.
211

98. Il suffit de citer l’Ordonnance N° 6 / 7 5 du 12 avril 1975, adoptée par le Gouvernement


congolais envers la société AGIP : « Article premier. Sont transférés à la Société Hydro-Congo, les
actions et biens meubles et immeubles de la Société AGIP Brazzaville S.A. dont le siège est à
Brazzaville. « Article 2. La présente décision ne donne droit à aucune indemnisation. « Article 3.
La présente Ordonnance sera publiée selon la procédure d’urgence et communiquée partout où
besoin sera » ; Affaire Agip, RDI, v. 64 (1981), p. 867 ; il est significatif toutefois que par une
Ordonnance subséquente, N° 5 / 7 8 du 18 janvier 1978, le Gouvernement ait abrogé les
dispositions de l’art. 2, id., p. 868.
99. Infra, pp. 189-211.
100. « Today any measure of nationalization or expropriation constitutes the exercise of a
sovereign right of the State and is consequently entirely lawful », JIMENEZ de ARECHAGA , op. cit.
(1978), p. 297 ; le même auteur considérait qu’une nationalisation pouvait donner lieu à une
« international controversy », mais apparemment sans solution possible, autrement que par un
accord ad hoc entre les Etats concernés, id., pp. 304-5 ; cf. aussi CASTANEDA in WALDHEIM (et al.), op.
cit. (1976), pp. 107-10.
101. Cf. le Projet d’articles de la CDI sur la responsabilité des Etats, art. 1, 2, 3, Annuaire (1980-11),
p. 29 ; toute la question étant de déterminer ce qui constitue la « violation d’une obligation
internationale » en matière d’expropriation.
102. CPJI, Série A, N° 7 (1926), p. 42.
103. CPJI, Série A/B, N° 63 (1934), pp. 37-8.
104. « (...) the Concession has the nature of a constitution which has the effect of conferring
acquired rights on the contracting Parties », « Saudi Arabia v. Arabian American Oil Company
(Aramco) » (23 août 1958), ILR, v. 27 (1963), p. 117, à la p. 168 (ci-après « Affaire Aramco »).
105. « It is likewise consistent with the principle of nonretroactivity of laws which denies
retrospective effects to a new legislation and asserts the respect of vested rights (« droits
acquis ») acquired under a previous legislation », Affaire Liamco, ILR, v. 62 (1982), pp. 170-1.
106. Sur la pratique suisse, cf. not. BINDSCHEDLER , op. cit. (1956), pp. 185-210, p. 215 et s. ; sur la
pratique française, cf. KISS, Répertoire, v. IV, p. 385 et s. ; la pratique américaine a recouru de
préférence à la notion du standard minimum, mais de récents traités de commerce font référence
aux « legally acquired rights », cf. p.ex. Etats-Unis-Allemagne, « Treaty of Friendship, Commerce
and Navigation » (1954), art. V(3), RTNU, v. 273 (1957), p. 8. En doctrine, les études de base
demeurent celles de KAECKENBEECK , « La protection internationale des droits acquis », op. cit.
(1937), pp. 321-419, et de P. LALIVE, « The Doctrine of Acquired Rights », op. cit. (1965), pp.
145-200 ; adde, Ch. de VISSCHER, Théories, pp. 213-20 ; GARCIA-AMADOR , « Quatrième rapport sur la
responsabilité internationale », CDI, Annuaire (1959-II), pp. 7-28.
107. Supra, p. 16, et n. 17.
108. Traité, v. I (1953), p. 331.
109. CPJI, Série A, N° 7 (1926), p. 2 1.
110. En faveur d’une conception extensive des droits acquis, cf. WORTLEY, op. cit. (1959), pp. 12-5,
125 et s. ; GARCIA-AMADOR, op. cit. (1959), p. 7 et s. ; NWOGUGU, op. cit. (1965), pp. 177-9.
111. WORTLEY, id., p. 15, 126.
112. Sur les racines de droit médiéval, et de droit naturel, de la notion des droits acquis, cf. WHITE
, op. cit. (1961), pp. 32-5 ; WORTLEY, « Some Early but Basic Theories of Expropriation », GYIL, v. 20
(1977), pp. 236-45.
113. En ce sens, cf. JIMENEZ de ARECHAGA , op. cit. (1978), p. 298 ; CARREAU (et al.), op. cit. (1978), pp.
439-41 ; pour une critique de la conception « lato sensu » des droits acquis, parce que créant une
situation privilégiée au profit des étrangers, cf. KAECKENBEECK, op. cit. (1937), p. 356 et s.
114. ILR, v. 62 (1982), pp. 183-4.
212

115. Cf. S.d.N. « Conférence pour la codification du droit international — Bases établies par le
Comité préparatoire », v. 111 (1929) ; adde KAECKENBEECK , op. cit. (1937), p. 357 ; FRIEDMAN , op. cit.
(1950), p. 325.
116. Supra, pp. 81-2.
117. Les ambiguïtés de la notion de droits acquis, mais aussi la validité du principe de base, sont
relevées par P. LALIVE, op. cit. (1965), p. 196 ; KAECKENBEECK, op. cit. (1937), p. 323 ; cf. aussi BROWNLIE,
Principtes, p. 534 ; FRANCIONI, loc. cit. (1975), pp. 258-62 ; VERDROSS, op. cit. (1931), pp. 358-60.
118. Infra, p. 189 et s.
119. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Indonésie, art. 5(b) ; Etats-Unis-Egypte, art. V (1) (c) ; France- Syrie,
art. 5 ; Japon-Egypte, art. 5(2) (b) ; Pays-Bas-Singapour, art. IX (b) ; Suède-Malaisie, art. 3(1) (b) ;
Suisse-Gabon, art. 11.
120. C’est le cas de nombreuses Conventions conclues par l’Allemagne et par le Royaume-Uni, cf.
p.ex. Conv. Allemagne-Pakistan, art. 3(2) ; Royaume-Uni-Corée, art. 5(1) ; dans le même sens, cf.
aussi p.ex. Conv. France-Yougoslavie, art. 5 ; Pays-Bas-Soudan, art. XI ; Suisse-Tanzanie, art. 3(2).
121. Supra, pp. 90-2.
122. « Norwegian Shipowners’ Claims », RSANU, v. I, p. 339 ; « Affaire des biens britanniques au
Maroc espagnol », RSANU, v. II, p. 647.
123. Sur la non-discrimination en matière d’expropriation, cf. not. Ch. de VISSCHER, Théories, p.
217. O’CONNELL, International Law, v. II, pp. 779-80 ; FRIEDMAN , op. cit. (1950), p. 390 et s., WHITE, op.
cit. (1961), pp. 5, 119-44 ; WESTON, loc. cit. (1981), p. 441 et s.
124. « It is clear and undisputed that non-discrimination is a requisite for the validity of a lawful
nationalization. This is a rule well established in international legal theory and practice (v, WHITE,
op. cit., p. 119 et s.). Therefore, a purely discriminatory nationalization is illegal and wrongful »,
ILR, v. 62 (1982), p. 194.
125. ILR, v. 53 (1979), p. 329.
126. Supra, n. 54, 122 ; l’existence d’une discrimination a été reconnue parce que la réquisition
avait été maintenue après la signature du Traité de paix de Versailles (1919).
127. « Lorsqu’il s’agit de mesures pouvant avoir comme conséquence de déposséder de leurs
biens certaines catégories de personnes, il ne saurait être admis que les étrangers soient traités
de façon moins favorable que les ressortissants de l’Etat qui prend ces mesures ». KISS, Répertoire
« Note », v. IV, p. 385, et les ref. p. 387 ; la règle paraît bien établie, cf. WHITE, op. cit. (1961), p. 119.
128. WHITE, id., p. 119, 144 ; HERZ, loc. cit. (1941), p. 249.
129. WHITE, id., pp. 121-30 ; l’auteur analysait des mesures générales de nationalisation prises
après 1945 en Europe orientale, certaines ayant pénalisé des intérêts allemands par rapport à
d’autres, tandis que diverses mesures exemptèrent les seuls intérêts de l’URSS.
130. Conv. France-Roumanie, art. 6(1).
131. « Affaire de l’Anglo-Iranian Oil Company (Compétence) », CIJ, Mémoires, 1952, pp. 93-8.
132. Cf. WHITE, op. cit. (1961), p. 136.
133. Id., p. 144 : « There is as yet no rule of international law which provides that a State is guilty
of illegal discrimination if it nationalises alien property in a field where there are no national
interests capable of being affected ».
134. Bien qu’il ne s’agissait pas d’une entreprise unique, le cas peut être retenu ici. La
nationalisation d’Aminoil, tout en s’inscrivant dans le cadre d’une politique générale du Koweït,
n’a affecté que cette entreprise ; le grief de discrimination a été invoqué, à ce titre, par la société.
Pour l’écarter, le Tribunal a retenu le seul élément intentionnel, fondé sur la nationalité : « (...) it
has never for a single moment been suggested that it was because of the American nationality of
the Company that the Decree Law was applied to Aminoil’s Concession », ILM, v. 21 (1982), p.
1019. Dans le même sens, cf. aussi CHARPENTIER, « De la non-discrimination dans les
investissements », loc. cit. (1963), p. 50 et s. ; BROWNLIE, Principles, p. 359, note 5, et les réf. citées.
213

135. Sur les faits, cf. ILR, v. 53 (1979), pp. 313-8 ; adde von MERHEN and KOURIDES, loc. cit. (1981), p.
484 et s.
136. Cf. la déclaration du représentant libyen auprès du Conseil de Sécurité de l’ONU : « My
Government, an Arab Government, replied in the only way understood by the imperialists - by
nationalizing the oil interests of Great Britain (...) », citée in ILR, id., p. 316.
137. « Further, the taking by the Respondent of the property, rights and interests of the Claimant
clearly violates public international law as it was made for purely extraneous political reasons
and was arbitrary and discriminatory in character », ILR, id., p. 329.
138. Affaire Texaco, Clunet, v. 104 (1977), p. 372 ; adde, J-Fl. LALIVE, loc. cit. (1977), pp. 341-2.
139. Sur les faits, cf. ILR, v. 62 (1982), pp. 160-8 ; en droit, la question est examinée par l’Arbitre in
id., pp. 194-5 ; adde, sur la position du Gouvernement américain dans l’affaire connexe « Nelson
Bunker Hunt Oil Co. », US Digest (1973), p. 334 et s.
140. Supra, n. 124.
141. « Thus, it may be concluded from the above that the political motive was not the
predominant motive for nationalization, and that such motive “per se” does not constitute a
sufficient proof of a purely discriminatory measure », ILR, id., p. 195.
142. Conv. Royaume-Uni-Bangladesh, art. 5(1) : « Investments of nationals or companies of either
Contracting Party shall not be nationalised, expropriated (...) except for a public purpose related
to the internal needs of that Party (...) ».
143. Supra, p. 185.
144. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Cameroun, art. 3 ; Belgique-Egypte, art. 5(1) (a) ; France-
Singapour, art. 4(1) ; Japon-Egypte, art. 5(2) (a) ; Royaume-Uni-Lesotho, art. 5(1) ; Suède-Malaisie,
art. 3(1) (a) ; Suisse-Equateur, art. 3 ; contra, ne mentionnant pas l’utilité publique, cf. p.ex. Conv.
France-Malaisie, art. 3 ; Pays-Bas-Kenya, art. IX ; Suisse-Corée, art. 4. La Conv. Royaume-Uni-
Philippines précise, art. V(l) : « (...) for public use, in the public interest, or in the interest of
national defence » ; le concept d’usage public va au-delà de la cause généralement énoncée, et
pourrait entraîner des difficultés en cas de réforme agraire. Cf. aussi la formule de la Conv.
Suisse-Singapour, art. 4.
145. Supra, p. 174.
146. Cf. p.ex. Egypte, « Constitution » (1971), art. 34 : « (...) Property may not be expropriated
except for public welfare, and its owners are to be compensated according to the law », ILW, v. I
(1978), 14 :1-2.3.
147. Le Restatement (2d), par. 185, p. 553 rend compte d’une opinion pratiquement unanime en
commentant : « (...) there is little authority in international law establishing any useful criteria
by which a state’s own determination of public purpose can be questioned » ; dans le même sens,
cf. BINDSCHEDLER , op. cit. (1956), p. 186 ; WHITE, op. cit. (1961), pp. 5-8, 145-50 ; O’CONNELL,
International Law, v. II, pp. 778-9 ; FRIEDMAN , op. cit. (1950), p. 344 et s. ; GARCIA-AMADOR , op. cit.
(1959), pp. 42-3 ; WESTON, loc. cit. (1981), pp. 439-40.
148. « The expropriation proceedings were not, in good faith, for the purpose of public utility.
While the proceedings were municipal in form, the properties seized were turned over
immediately to the defendant company, to be used by the defendant for purposes of amusement
and private profit, without any reference to public utility », RSANU, v. II, p. 915 ; adde, WHITEMAN,
Damages, v. II, pp. 1408-12 ; G. White notait que, d’après le contexte, l’Arbitre se référait aux lois
de Cuba, plutôt qu’à une règle de droit international, op. cit. (1961), p. 6.
149. « As to the contention that the said measures were politically motivated and not in
pursuance of a legitimate public purpose, it is the general opinion in international theory that
the public utility principle is not a necessary requisite for the legality of a nationalization », ILR,
v. 62 (1982), p. 194 ; de même, dans l’Affaire BP, l’arbitre n’a retenu que l’aspect discriminatoire
des mesures, ILR, v. 53 (1979), p. 329.
214

150. Cf. supra, n. 148, mais il ne s’agissait pas d’un agent de l’Etat ; sur l’Affaire Finlay (1846), cf.
British Digest, v. VI, pp. 341-2 ; cf. aussi SCHWARZENBERGER, op. cit. (1969), p. 118.
151. Les deux arbitrages cités supra, n. 149, expriment clairement la primauté de la non-
discrimination ; en ce sens, cf. aussi WHITE, op. cit. (1961), pp. 149-50.
152. Conv. Suisse-Mali, art. 5 ; de même, cf. p.ex. Conv. France-Corée (1979), art. 3(2) (a) ; Pays-
Bas-Maroc, art. XI(a) ; Suède-Malaisie, art. 3(1) (a). La Conv. Belgique-Corée spécifie, art. 5(1) (a) :
« les mesures sont prises (...) par une procédure légale conforme au Droit International ».
153. Conv. Allemagne-Côte d’Ivoire, art. 3 ; et Conv. Royaume-Uni-Bangladesh, art. 5(1) : « The
legality of an expropriation and the amount of compensation shall be subject to review by due
process of law » ; de même, cf. p.ex. Conv. Italie-Côte d’Ivoire, art. 4 ; Norvège-Indonésie, art. 4.
154. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Maroc, art. 4 ; France-Singapour, art. 4 ; Italie-Gabon, art. 4 ; Pays-
Bas-Sénégal, art. 5 ; Suisse-Mauritanie, art. 6.
155. Art. 3(i) : « The measures are taken in the public interest and under due process of law »,
ILM, v. 2 (1963), p. 248.
156. Il y a lieu de douter que le contenu de cette condition ait jamais été clairement défini ; cf. le
commentaire de l’OCDE sous : « 5. The Notion of Due Process of Law (a) (...) Used in an
international agreement, the content of this notion is not exhausted by a reference to the
national law of the Parties concerned. The « due process of law » of each of them must correspond
to the principles of international law. (b) In view of the variety of national rules that give
expression to the notion, its precise definition in terms of international law is difficult », id., p.
250.
157. Ce n’est pas toujours le cas lors de nationalisations, décidées par voie législative, cf. WHITE,
op. cit. (1961), pp. 257-60 ; WORTLEY, op. cit. (1959), pp. 141-2.
158. Dans l’Affaire Texaco, l’Arbitre s’est ainsi prononcé : « 11 ne semble pas non plus nécessaire
de vérifier si les nationalisations intervenues à l’égard des sociétés demanderesses ont été prises
dans des conditions de forme régulière, et notamment si elles l’ont été en la forme législative. (...)
C’est, en effet, un principe bien connu qu’au regard du droit international la loi interne a la
valeur d’un simple fait... » ; Clunet, v. 104 (1977), pp. 372-3. L’intérêt de la condition posée serait
de permettre à un arbitre ou un juge d’examiner la validité d’une expropriation au regard du
droit interne ; pour un tel examen, cf. la Sentence Agip, RDI, v. 64 (1981), p. 873.
159. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Tunisie, art. 3 ; France-Syrie, art. 5 ; Pays-Bas-Cameroun, art. 6 ;
Suisse-Zaïre, art. 4.
160. Les clauses d’expropriation de Conventions conclues par l’Allemagne et par le Royaume- Uni
ne contiennent pas, en règle générale, une telle mention ; elle n’apparaît pas, non plus, in p.ex.
Conv. France-Yougoslavie, art. 5 ; Japon-Egypte, art. 5 ; Pays-Bas-Thaïlande, art. IX ; Suède-
Malaisie, art. 3 ; Suisse-Indonésie, art. 6. Mais dans certains cas d’autres clauses couvrent la
question des accords d’investissement, cf. infra, p. 241 et s.
161. Un doute sur la prise en compte de la valeur d’un investissement comme base d’évaluation
d’une indemnité existe parfois ; ainsi, dans la Conv. France-Malaisie, art. 3 : « En cas
d’expropriation (...) la Partie contractante qui y procède doit prévoir, au moment où cette
mesure est mise en oeuvre, le versement prompt d’une indemnité effective et transférable sans
retard injustifié ».
162. « There are, indeed, several tendencies, all appealing to the same principle, one of which
however reduces compensation almost to the status of a symbol, and the other of which
assimilates the compensation due for a legitimate take-over to that due in respect of an
illegitimate one », ILM, v. 21 (1982), p. 1033.
163. CPJI, « Affaire relative à l’Usine de Chorzow (Demande en indemnité) (Compétence) », Série
A, N° 9 (1927), p. 21 ; sur la réparation, cf. not. KISS, Répertoire, v. III, pp. 644-61 ; GARCIA-AMADOR ,
« Sixième Rapport Sur La Responsabilité internationale », CDI, Annuaire (1961-11), pp. 2-48 ; AGO,
215

« Cinquième rapport sur la responsabilité des Etats », id. (1976-11), p. 28 ; JIMENEZ de ARECHAGA, op.
cit. (1978), p. 267 et s. ; CHENG, « General Principles of Law », op. cit. (1953), pp. 233-40.
164. CPJI, « Affaire relative à l’Usine de Chorzow (Demande en indemnité) (Fond) », Série A, N° 17
(1928), p. 28 : « Mais la réparation due à un Etat par un autre Etat ne change pas de nature par le
fait qu’elle prend la forme d’une indemnité pour le montant de laquelle le dommage subi par le
particulier fournira la mesure. Les règles de droit qui déterminent la réparation sont les règles de
droit international en vigueur entre les deux Etats en question, et non pas le droit qui régit les
rapports entre l’Etat qui aurait commis un tort et le particulier qui aurait subi le dommage ».
165. CPJI, Série A, N° 17 (1928), p. 47 : « Le principe essentiel, qui découle de la notion même d’acte
illicite et qui semble se dégager de la pratique internationale, notamment de la jurisprudence des
tribunaux arbitraux, est que la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les
conséquences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte
n’avait pas été commis. Restitution en nature, ou, si elle n’est pas possible, paiement d’une
somme correspondant à la valeur qu’aurait la restitution en nature ; allocation, s’il y a lieu, de
dommages-intérêts pour les pertes subies et qui ne seraient pas couvertes par la restitution en
nature ou le paiement qui en prend la place ; tels sont les principes desquels doit s’inspirer la
détermination du montant de l’indemnité due à cause d’un fait contraire au droit international ».
166. Cf. KISS, Répertoire, v. III, p. 644 et s. ; JIMENEZ de ARECHAGA, op. cit. (1978), pp. 285-6 ; CHENG, op.
cit. (1953), p. 233 et s.
167. CIJ, Recueil 1962, pp. 36-7.
168. Les précédents et autorités en faveur ou à l’encontre de la « restitutio in integrum » ont été
examinés en détail dans l’Affaire BP, ILR, v. 53 (1979), pp. 334-48 ; dans l’Affaire Texaco, Clunet, v.
104 (1977), pp. 382-7 ; et, dans une moindre mesure, dans l’Affaire Liamco, ILR, v. 62 (1982), pp.
197-9. Dans l’Affaire BP, le Tribunal a conclu à l’absence de précédents pour la « restitutio » en
cas de délit économique, et que : « The case analysis also demonstrates (...) that the concept of
“restitutio in integrum” has been employed merely as a vehicle for establishing the amount of
damages » ; ILR, v. 53 (1979), p. 347 ; dans l’Affaire Liamco, l’Arbitre a conclu de même que si la
« restitutio » était de règle, l’exécution en nature était généralement inapplicable, cf. ILR, v. 62
(1982), p. 198. Dans l’Affaire Texaco, « le Tribunal de céans est amené à statuer que la “restitutio
in integrum” constitue, tant selon les principes de la loi libyenne que selon ceux du droit
international, la sanction normale de l’inexécution d’obligations contractuelles et qu’elle ne
pourrait être écartée que dans la mesure où le rétablissement du “statu quo ante” se heurterait à
une impossibilité absolue », Clunet, v. 104 (1977), p. 387 ; pour arriver à cette conclusion, l’Arbitre
s’est appuyé principalement sur l’Arrêt N° 13 de la CPJI, sur son Arrêt N° 5 (Concessions
Mavrommatis en Palestine), sur l’Affaire du Temple de Preah-Vihear, et sur l’Affaire Martini (
RSANU, v. II, p. 975) ; en réalité, la « restitutio » n’a été ordonnée dans ces affaires que dans le cas
du Temple de Preah-Vihear, où il s’agissait d’une restitution de territoire ; pour les affaires de
nature économique, la « restitutio » a constitué la mesure de l’indemnisation. Ce principe a de
nouveau été confirmé dans l’Affaire Aminoli, ILM, v. 21 (1982), p. 1031.
169. CPJI, Série A, N° 17 (1928), p. 3 1.
170. Id., p. 47 ; adde KISS, Répertoire, v. III, pp. 654-5 ; JIMENEZ de ARECHAGA, op. cit. (1978), p. 286.
171. Cf. JIMENEZ de ARECHAGA , ibid. ; CHENG, op. cit. (1953), pp. 234-8 ; GARCIA-AMADOR , op. cit. (1961),
pp. 37-9. Toutefois, si la distinction entre crimes et délits internationaux, admise par la CDI,
entrait dans le droit positif, elle pourrait entraîner la définition de sanctions pour les actes
criminels, cf. JIMENEZ de ARECHAGA, id., p. 2 8 5.
172. CPJI, Série A, N° 17 (1928), p. 28. Sur la différence de nature juridique, et d’effets financiers,
entre l’indemnisation pour expropriation licite et la réparation, cf. aussi AGO, « Sixième
rapport... », CDI, Annuaire (1977-11), p. 34 ; GARCIA-AMADOR , « Quatrième rapport... », id. (1959-11),
216

p. 47 ; FATOUROS, op. cit. (1962), p. 307 et s. ; BINDSCHEDLER , op. cit. (1956), p. 245 et s. ;
SCHWARZENBERGER , op. cit. (1969), p. 10.
173. CIJ, Recueil 1970, p. 32.
174. Sur la Charte de 1974, cf. supra, pp. 174-5 ; sur la Conférence de 1929, cf. not. S. BASDEVANT in
LAPRADELLE et NIBOYET (ed.), op. cit. (1930), pp. 9-11, 49 ; en 1961, le Comité juridique consultatif
afro-asien avait aussi adopté le traitement national, cf. le Projet, art. 12 in GARCIA-AMADOR (et al.)
« Recent codification... », op. cit. (1974), pp. 374-5 ; il figure aussi dans divers traités de commerce,
supra, n. 4.
175. Supra, pp. 89-90. « D’autre part, toute expropriation de biens appartenant à des étrangers
doit comporter une juste indemnité. Le fait que les nationaux n’ont pas été indemnisés ou, du
moins, pas d’une manière suffisante, importe peu à cet égard », KISS, Répertoire, « Note », v. IV, p.
385, et les réf. pp. 390-2 ; à l’encontre du traitement national pour la mesure de l’indemnité, cf.
not. BROWNLIE, Principles, pp. 356-7 ; FRIEDMAN, op. cit. (1950), pp. 332-3 ; WORTLEY, op. cit. (1959), pp.
120-1 ; en faveur, cf. ORREGO VICUNA in LILLICH (ed.), op. cit., v. III (1975), p. 138 ; FISCHER-WILLIAMS,
toc. cit. (1928), p. 1 et s.
176. CPJI, Série A, N° 17 (1928), p. 46.
177. RSANU, v. II, p. 909.
178. ILR, v. 62 (1982), pp. 207, 209-10.
179. RSANU, v. II, p. 647.
180. RSANU, v. I, p. 338.
181. Sur la pratique des Etats-Unis, cf. supra, n. 74 ; adde Restatement (2d), par. 187, p. 563 ; sur la
pratique britannique, cf. SCHWARZENBERGER , op. cit. (1969), pp. 21-105 ; E. LAUTERPACHT, British
Practice (1963-11), p. 123 ; id. (1967), pp. 118-9.
182. Cf. KISS, Répertoire, v. IV, pp. 385-92 ; et Code civil, art. 545 : « Nul ne peut être contraint de
céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable
indemnité ».
183. Pour l’utilisation du terme « juste indemnité », cf. p.ex. Conv. Belgique-Zaïre, art. 3 ; France-
Yougoslavie, art. 5 ; Pays-Bas-Maroc, art. XI (c) ; pour « just compensation », cf. p.ex. Conv.
Belgique-Corée, art. 5(1) (c) ; Pays-Bas-Singapour, art. IX (c) ; Royaume-Uni-Philippines, art. V(l) ;
pour une « indemnité adéquate », ou « prompte, adéquate et effective » (« prompt, adequate and
effective compensation »), cf. p.ex. Conv. France-Indonésie, art. 6(1) ; Pays-Bas-Ouganda, art. IX
(1) (c) ; Royaume-Uni-Sri Lanka, art. 5(1) ; Suisse-Corée, art. 4 ; pour une indemnité « équitable »,
ou « juste et équitable » (« fair and equitable »), cf. p.ex. Conv. Allemagne-Inde, par. 1(d) ; France-
Maroc, art. 5 ; Suisse-Zaïre, art. 4. Certaines formules sont peu courantes ; ainsi la Conv. Pays-Bas-
Soudan stipule, art. XI : « Such compensation shall represent the equivalent to the depreciated
value of the investment affected... ».
184. C’est le cas de nombreuses Conventions conclues par l’Allemagne, cf. p.ex. Conv. Allemagne-
Pakistan, art. 3(2) ; Allemagne-Zaïre, art. 3(2) : « (...) contre indemnisation. L’indemnité devra
correspondre à la valeur de l’investissement exproprié, être effectivement réalisable et versée
sans délai ». Dans le même sens, cf. p.ex. Conv. France-Singapour, art. 4 ; Italie-Côte-d’Ivoire, art.
4 ; Royaume-Uni-Roumanie, art. 4(1).
185. Supra, p. 174.
186. Conv. Pays-Bas-Malaisie, art. X : « In any case of expropriation there shall be prompt,
adequate and effective compensation which shall represent the fair and equitable value of the
investment ».
187. Supra, n. 172.
188. CPJI, Série A, N° 17 (1928), p. 47 ; sur la différence d’effets financiers, cf. aussi FATOUROS, op. cit.
(1962), p. 307 et s. ; SCHWARZENBERGER, op. cit. (1969), p. 10.
217

189. « Just compensation implies a complete restitution of the status quo ante, based, not upon
future gains of the United States or other powers, but upon the loss of profits of Norwegian
owners as compared with other owners of similar property », « Norwegian Shipowners’ Claims »,
RSANU, v. 1, p. 338.
190. Supra, n. 74 et 181.
191. Dans son Arrêt N° 13, Série A, N° 17 (1928), la CPJI, après avoir qualifié d’« équitable »
l’indemnité pour expropriation licite, parlait du « juste prix des choses expropriées »,
correspondant à « la valeur qu’avait l’entreprise au moment de la dépossession », pp. 46-7.
192. « Unless a State is bound to do so by treaty, it will not usually recognize an expropriation of
its subject as valid in public international law if it considers that due restitution, or at least full
compensation, has not been secured », WORTLEY, op. cit. (1959), p. 3.
193. Dans la jurisprudence internationale contemporaine, les cas d’évaluation d’indemnités pour
expropriation licite sont rares ; les Sentences Liamco (1977) et Aminoil (1982) constituent en ce
sens des précédents importants. Il faut rappeler que l’indemnisation a le plus souvent été l’objet
depuis 1945 de négociations diplomatiques, et économiques. Les Etats, en définissant leurs
positions, se sont livrés à des exercices d’offres et de surenchères ; les termes utilisés ne sont pas
indépendants de l’aspect mercantile de la négociation. Cf. la conclusion significative de G. White :
« The traditional formula of prompt, adequate and effective compensation retains some value as
a convenient expression of these desired aims, but it must not be regarded as a technical rule for
the assessment of compensation. It may be doubted whether more detailed rules on this complex
subject will ever emerge from the practice of States who have shown a marked preference for
settling the question of compensation by special agreement in each case », op. cit. (1961), p. 243.
194. Supra, pp. 88, 180-2.
195. Supra, p. 179.
196. FATOUROS, op. cit. (1962), p. 315.
197. Id., pp. 314-5.
198. Sur le concept d’expropriation, opposé à celui de confiscation, cf. supra, pp. 159-60 ; adde
Restatement (2d), p. 554 ; BAXTER in LILLICH (ed.), op. cit., v. III (1975), p. VII ; HYDE, op. cit. (1962), pp.
325-6.
199. Supra, n. 8, 97.
200. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Tunisie, art. 3 ; Danemark-Indonésie, art. 4 ; France-Malte, art. 4 ;
Japon-Egypte, art. 5(2) (c) ; Pays-Bas-Sénégal, art. 5 ; Royaume-Uni-Singapour, art. 5(1) ; Suède-
Malaisie, art. 3(c) ; Suisse-Equateur, art. 3 ; Etats-Unis-Egypte, art. III (1)(d).
201. « The difference between the terms “full” and “adequate” compensation is merely one
between synonyms », SCHWARZENBERGER, op. cit. (1969), p. 10 ; cf. aussi Restatement (2d), par. 188,
pp. 563-8 ; BAXTER in LILLICH (ed.), op. cit., v. II (1973), p. VIII.
202. « Adequate. This is a vague term capable of varying interpretations when it has to be
expressed in terms of money. The implication behind it is that, while compensation for
expropriated property need not amount to the full value (...) it must bear a reasonable relation to
the value of the property transferred », G. WHITE, op. cit. (1961), p. 13 ; dans le même sens, cf.
PREISWERK, « New Developments... », loc. cit. (1967), pp. 190-1.
203. Cf. p.ex. Conv. Royaume-Uni-Bangladesh, art. 5(1) : « Such compensation shall be equivalent
to the full value of the investment expropriated... » ; Conv. France-Corée (1979), art. 3(2) (c)
(« indemnisation intégrale »).
204. Cf. « United States, Department of State Statement on Foreign Investment and
Nationalization » (1975) : « With regard to current or future expropriation of property or
contractual interests of US nationals, or arrangements for “participation” in those interests by
foreign governements, the Department of State wishes to place on record its view that foreign
investors are entitled to the fair market value of their interests. Acceptance by US nationals of
less than fair market value does not constitute acceptance of any other standard by the United
218

States Government », ILM, v. 15 (1976), p. 186 ; US Digest (1975), p. 489 ; cf. aussi E. LAUTERPACHT,
British Practice (1966), p. 108 ; OECD, Draft Convention, ILM, v. 2 (1963), p. 252 ; Restatement (2d), p.
565.
205. Cf. p.ex. Conv. France-Indonésie, art. 6(2) (« valeur commerciale ») ; Japon-Egypte, art. 5(3)
(« normal market value ») ; Royaume-Uni-Corée, art. 5(1) (« market value »).
206. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Zaïre, art. 3(2) (« valeur ») ; Belgique-Corée, art. 5(2) (« valeur
actuelle ») ; France-Jordanie, art. 4(2) (« valeur réelle ») ; Pays-Bas-Indonésie, art. 7(c) (« genuine
value ») ; Royaume-Uni-Sri Lanka, art. 5(1) (« value »). Les Conventions conclues par la Suisse
omettent, en règle générale, de se référer à la valeur de l’investissement.
207. Sur les techniques d’évaluation, cf. l’excellent recueil d’études publiées par LILLICH , (ed. and
contr.), « The Valuation of Nationalized Property in International Law », op. cit., 3 vol. (1972-75),
not. G. WHITE, « The Problems of Valuation in the Barcelona Traction Case », v. I (1972), pp, 43-63 ;
MCCOSKER , « Book Values in Nationalization Settlements », v. II (1973), pp. 36-51 ; AMERASINGHE,
« The Quantum of Compensation for Nationalized Property », v. III (1975), pp. 91-130.
208. En ce sens, cf. p.ex. SIR JAMES HENRY , « The Valuation of Nationalized Property in Great
Britain » in LILLICH (ed.) id., v. I (1972), p. 92 ; WORTLEY, op. cit. (1959), p. 132.
209. ILR, v. 62 (1982), pp. 211-2.
210. « (...) the Arbitral Tribunal has reached the conclusion that the “damnum emergens” should
represent the market value which the nationalized assets have at the said premature expiration
of the concession, namely the actual present evaluation as proved by Claimant’s said evidence »,
ibid.
211. « (...) the Tribunal considers that in effecting a general evaluation, it is preferable to employ
a combination of methods, according to the different factors that have to be taken into account »,
ILM, v. 21 (1982) p. 1035. Il s’est ensuite livré à une critique de la valeur comptable nette (« net
book value ») comme base unique d’évaluation, la considérant insuffisante, id. pp. 1036-7. Pour
l’évaluation des actifs, il a principalement retenu la valeur de remplacement, id. pp. 1038-9.
212. Analysant les réclamations suisses d’indemnisation adéquate auprès d’Etats d’Europe
orientale, R. Bindschedler affirmait : « En ce qui concerne les entreprises, le mieux sera de partir
des actifs. (...) D’une façon générale, c’est la valeur réelle de l’entreprise qui sera déterminante, et
non la valeur commerciale ; ainsi le « goodwill » ne pourra être pris en considération : dans une
économie socialiste, il n’existe plus. Ces valeurs immatérielles ne sont pas protégées par le droit
international », op. cit. (1956), p. 268. Concluant sur les accords d’indemnisation forfaitaire, G.
White : « The conclusion to be drawn is that payment of a sum approximating to the net value of
the nationalized assets at the moment of transfert from the former owner to the State or its
organ represents the maximum amount that a claimant State may seek to obtain », op. cit. (1961),
p. 238. L’expérience des années 1960-80 a confirmé le critère de la valeur comptable ; cf. p.ex.
AMERASINGHE in LILLICH (ed.), op. cit., v. III (1975), p. 126. Rappelons, toutefois, que le « goodwill »
est fréquemment protégé par des Conventions.
213. « In the absence of other evidence, the Commission concludes that the book value is the
most appropriate basis of valuation », US.FCSC, « Claim of F.G. Horst » (1968), cité in LILLICH, « The
Valuation of Nationalized Property by the Foreign Claims Settlement Commission », LILLICH (ed. &
contr.), op. cit., v. I (1972), p. 95, à la p. 105 ; l’auteur concluait ainsi son étude : « Fair market
value, in turn, originally was derived almost exclusively from book value, less such speculative
items as goodwill », id., p. 116 ; mais un changement d’approche de la Commission est intervenu
en 1968, id., p. 112.
214. On notera que, dans l’Affaire Benvenuti, le Tribunal a exceptionnellement inclus une
indemnité au titre du « lucrum cessans », ILM, v. 21 (1982) p. 758 et s. ; mais celle-ci a été fondée
sur les statuts de la société en cause, qui garantissaient une distribution des bénéfices, à hauteur
219

de 5 pourcent, pendant cinq ans. Le Tribunal ne l’a admise que pour la période où l’obtention de
bénéfices aurait été suffisamment certaine dans des conditions normales d’exploitation.
215. Dans les Affaires Liamco et Aminoil, mettant en cause des contrats de concession, les
principaux montants d’indemnisation ont été alloués au titre du « lucrum cessans », cf. infra, pp.
202-4.
216. Cf. p.ex. WEIGEL and WESTON , « Valuation upon the Deprivation of Foreign Enterprise : A
Policy-Oriented Approach to the Problem of Compensation under International Law » in Lillich,
id., v. I (1972), pp. 19-26.
217. Cf. l’étude de Lillich, supra n. 213, aux pp. 112-6. La capitalisation des bénéfices, parfois la
vente par analogie, se retrouvent dans la notion de « going concern value », qui n’apparaît pas
dans les Conv. d’investissement.
218. « Anglo-American judicial reluctance to employ capitalized earnings stems from difficulties
in assigning and comparing probabilities and risks of achieving particular rates of returns based
upon correlations of past earnings and future opportunities », WESLEY in LILLICH, id., v. III (1975), p.
18 ; cf. aussi AMERASINGHE, id., p. 94.
219. « Aucune entreprise, surtout une entreprise de commerce ou de transport, dont le succès est
lié au cours changeant des prix et des tarifs, ne peut échapper aux éventualités et aux risques qui
sont le résultat des conditions économiques générales. Certaines industries peuvent faire de
grands profits dans une époque de prospérité générale ou bien en profitant d’un traité de
commerce ou d’une modification des droits de douane ; mais elles sont aussi exposées à se ruiner
et à s’éteindre à cause d’une situation différente. Aucun droit acquis n’est violé dans des cas
semblables par l’Etat ». CPJI, Série A/B, N° 63 (1934), p. 88.
220. En ce sens, le repli des Etats importateurs de capitaux sur la doctrine du traitement national
a été justifié comme étant une réaction vis-à-vis des positions maximalistes, et subjectives,
adoptées en certaines occasions par des Etats exportateurs de capitaux, cf. ORREGO VICUNA in
LILLICH , op. cit., v. III (1975) p. 139 ; et, pour une critique radicale, GIRVAN, in id., pp. 149-79. Sur ce
qu’il a dénommé « the legal strategy of maximum protection », cf. aussi ABI-SAAB, « The
International Law of Multinational Corporations : A Critique of American Legal Doctrines », Loc.
cit., (1971), p. 97, not. pp. 100-1. Il n’est guère douteux que de telles positions maximalistes
demeurent du domaine de la « lex ferenda » ; on rappellera que la CIJ, dans l’Affaire Barcelona
Traction, a jugé qu’en admettant des investissements étrangers, un Etat « ne devient pas
l’assureur des ressources d’un autre Etat que ces investissements représentent », CIJ, Recueil 1970,
p. 46.
221. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Pakistan, art. 3(2) : « (...) compensation, which shall represent the
equivalent of the investments affected » ; Allemagne-Inde, par. (1) (d) (« fair and equitable
compensation ») ; Belgique-Indonésie, art. 5 : « (...) juste indemnité. Le montant de cette
indemnité correspondra à la valeur des biens en cause à la date où la mesure a été prise » ;
France-Maroc, art. 5 (« juste et équitable ») ; France-Zaïre, art. 3 : « (...) juste indemnité, dont le
montant devra correspondre à la valeur des actifs expropriés... » ; Royaume-Uni-Roumanie, art. 4
(1) : « (...) against compensation. Such compensation shall amount to the value of the capital on
the date of expropriation » ; Suisse-Zaïre, art. 4 : « (...) indemnité effective et équitable
conformément au droit des gens ».
222. « ... the Arbitral Tribunal deems that the claimed sum (...) should be awarded to LIAMCO as
just and equitable compensation for nationalizing its interest in said physical plant and
equipment », ILR, v. 62 (1982), p. 212.
223. CPJI, Série A, N° 17 (1928), p. 47.
224. Federal Republic of Germany, « Basic Law » (1949), art. 14(3) : « Expropriation shall be
permitted only in the public weal. It may be effected only by pursuant to a law which shall
provide for the nature and extent of the compensation. Such compensation shall be determined
by establishing an equitable balance between the public interest and the interests of those
220

affected », in BLAUESTEIN and FLANZ ed. Constitutions of the Countries of the World, Dobbs Ferry,
Oceana, v. 5 (1981).
225. ILR, v. 62 (1982), pp. 200-16.
226. Id., pp. 202-4.
227. Id., pp. 204-8 ; le principal précédent invoqué par le demandeur en cas d’expropriation licite
a été l’arbitrage relatif aux « Norwegian Shipowners’ Claims » (1922) ; mais cette décision a
qualifié la réquisition d’illicite pour discrimination, même si ensuite elle a utilisé pour
l’évaluation du dommage la notion de « just compensation ».
228. Id., p. 209 : « In such confused state of international law... » ; « Taking Equity into
consideration, it would be reasonable and just to adopt a formula of “equitable compensation” as
a measure of the estimation of damages in the present dispute », id., pp. 209-10.
229. Id., p. 210 ; pour la méthode de calcul adoptée, cf. id., pp. 212-3.
230. Id., p. 208.
231. Id., p. 213.
232. « LIAMCO seeks to be placed in the same net monetary position it would have been in if
Libya had honoured its obligations rather than violating them... » Memorandum de LIAMCO, cité
in id., p. 210. La société avait demandé au Tribunal, (a) de juger la nationalisation illicite, (b) en
conséquence, de décider la « restitutio in integrum », (c) alternativement, des dommages-
intérêts équivalents à la « restitutio », (d) de décider, même si l’acte était jugé licite, d’attribuer
l’intégralité du « lucrum cessans » qui était dû, selon elle, en cas de rupture même licite d’un
contrat de concession, id., pp. 181-2, 197, 204-5. Par ailleurs, il était reconnu par toutes les parties
que, d’après le droit applicable, « All petroleum in Libya in its natural state is the property of the
Libyan State », id., p. 185. L’Etat refusait à ce titre d’indemniser ne fût-ce qu’une part des
dépenses encourues pour la découverte des ressources restées à l’état brut. Selon les termes de
l’Arbitre, « It is hardly necessary to record that these two viewpoints constitute two
irreconciliable unacceptable extremes », id., p. 208.
233. Id., p, 213 ; le montant de l’enrichissement sans cause avait été évalué par LIAMCO et par des
experts extérieurs à la société. Il est à noter que la notion d’enrichissement sans cause avait été
invoquée par la société pour décider du caractère illicite de la nationalisation ; l’Arbitre a
considéré que la notion avait seulement une valeur subsidiaire dans ce contexte, id., p. 196 ; mais
il l’a retenue pour évaluer l’indemnisation équitable du « lucrum cessans », et à titre
complémentaire, id., pp. 213-4.
234. Id., pp. 214-5. Cette règle paraît bien établie, cf. « Shufeldt Claim » (1929) : « The “damnum
emergens” is always recoverable, but the “lucrum cessans” must be the direct fruit of the
contract and not too remote or speculative », RSANU, v. II, p. 1081, à la p. 1099.
235. La notion a été abstraite, en matière d’expropriation, par CHENG, « General Principles of
Law », op. cit. (1953), pp. 47-9. Elle a connu un succès remarquable dans la doctrine ; cf. not.
JIMENEZ de ARECHAGA, op. cit. (1978), pp. 299-300 ; AMERASINGHE in LILLICH (ed.), op. cit., v. III (1975), p.
96 et s. ; FRANCIONI, toc. cit. (1975), pp. 272-82 ; O’CONNELL, International Law, v. II, pp. 780-1 ;
FATOUROS, op. cit. (1962), p. 308 et s. ; WORTLEY, op. cit. (1959), pp. 95-102 ; GARCIA-AMADOR in CDI,
Annuaire (1959-11), p. 12.
236. « The doctrine which constitutes the legal foundation of the conduct actually followed by
States is the principle of unjust enrichment », JIMENEZ de ARECHAGA , id., p. 299 ; pour son
application au concept d’« indemnité appropriée » de la Charte de 1974, cf. id., pp. 300-2 ; adde,
dans le même sens, CASTANEDA in WALDHEIM (et al.), op. cit. (1976), pp. 105-6.
237. JIMENEZ de ARECHAGA, id., pp. 301-2 ; CASTANEDA, ibid.
238. Cour de Cassation Ch. des Requêtes (15 juin 1892), Dalloz (1892), 1.596.
239. Sur la notion en droit français, cf. not. MAZEAUD, Leçons de droit civil, Paris, Montchrestien (5e
ed. par de Juglart, 1974), pp. 731-46 ; en droit libanais, cf. Affaire Liamco, ILR, v. 62 (1982), p. 196.
221

240. « The juridical justification for the obligation to pay compensation is to be found in the
concept of unjust enrichment, which lies at the basis of the doctrine of acquired rights... »,
O’CONNELL, International Law, v. II, p. 780 ; dans le même sens, cf. WORTLEY, op. cit. (1959), p. 95 et s. ;
GARCIA-AMADOR , op. cit. (1959), p. 12. Contra, la concevant comme un principe alternatif à la
protection de la propriété étrangère, cf. JIMENEZ de ARECHAGA , op. cit. (1978), pp. 298-300 ; CHENG,
op. cit. (1953), pp. 47-8 ; pour une discussion intéressante de la notion, cf. FRANCIONI, loc. cit. (1975),
pp. 272-82.
241. Infra, pp.209-11.
242. Sur le concept de « prompt compensation », cf. Restatement (2d), par. 189, pp. 568-9 ; WHITE,
op. cit. (1961), pp. 12-3 ; SCHWARZENBERGER , op. cit. (1969), p. 11. En droit français, le caractère
préalable de l’indemnité ressort not. de l’art. 545 du Code civil ; mais il ne semble pas avoir été
invoqué fréquemment dans la pratique diplomatique, cf. KISS, Répertoire, v. IV, pp. 385-94.
243. Conv. Belgique-Corée, art. 5(1) : « Les mesures (...) (c) elles seront assorties de dispositions
prévoyant le paiement d’une juste indemnité » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Allemagne-
Pakistan, art. 3(2) ; France-Roumanie, art. 6(3) ; Pays-Bas-Ouganda, art. IX ; Royaume-Uni-
Indonésie, art. 5(1) ; Suisse-Tanzanie, art. 3(4).
244. Conv. Pays-Bas-Cameroun, art. 6 : « Le montant de cette indemnité, qui devra être fixé à
l’époque de l’expropriation... » ; dans le même sens, cf. p.ex. Conv. Belgique-Maroc, art. 4 ;
France-Syrie, art. 5 ; Suisse-Malaisie, art. 5. Contra, ne contenant pas de dispositions sur le
moment de fixation de l’indemnité, cf. p.ex. Conv. France-Corée (1979), art. 3 ; Pays-Bas-Maroc,
art. XI ; Royaume-Uni-Egypte, art. 5(1) ; Suisse-Singapour, art. 4.
245. Cf. l’interprétation de « prompt compensation » donnée par la Conv. Etats-Unis-Egypte,
Protocol (5) : « With regard to Article III, Paragraph 1 (d) the term “prompt” does not necessarily
mean instantaneous. The intent is that the Party diligently and expeditiously carry out any
necessary formalities ».
246. Cf. p.ex. Conv. Belgique-Corée, art. 5(2) (« délai convenable ») ; France-Malte, art. 4 (« sans
retard ») ; Pays-Bas-Sénégal, art. 5 (« sans retard injustifié ») ; Royaume-Uni-Philippines, art. 5(1)
(« without undue delay ») ; Suisse-Ouganda, art. 6(3) (« dans une période raisonnable »).
247. Sur les délais de conclusion d’accords d’indemnisation forfaitaire, cf. p.ex. WHITE, op. cit.
(1961), pp. 235-7. Dans l’Affaire BP, l’Arbitre a considéré la nationalisation comme confiscatoire
car aucune « offre d’indemnisation » (« offer of compensation ») n’avait été faite deux ans après
la dépossession ; mais les délais de versement ont souvent été plus longs.
248. L’allocation d’intérêts figure dans quelques Conventions conclues (à ce jour) par le
Royaume-Uni et par la Suisse ; cf. p.ex. Conv. Royaume-Uni-Roumanie, art. 4(1) : « The
compensation once finally established shall incur interest from the period of any undue delay in
making payment » ; la Conv. Suisse-Mali mentionne, art. 5 : « (...) des intérêts calculés selon les
usages bancaires » ; et la Conv. Royaume-Uni-Sri Lanka, art. 5(1) : « (...) interest at a normal
commercial rate ».
249. Les intérêts éventuels alloués sont généralement les taux légaux, au lieu des taux bancaires,
cf. not. Affaire Liamco, ILR, v. 62 (1982), pp. 215-6. Si des intérêts devaient être prévus, la
disposition conforme au droit commun est plutôt celle de la Conv. Royaume-Uni-Singapour, art. 5
(1) : « (...) shall include interest at such rate as may be prescribed by law until the date of
payment ».
250. Mentionnant que l’indemnité devra être « effectivement réalisable », cf. p.ex. Conv.
Allemagne-Zaïre, art. 3(2) ; France-Egypte, art. 4 ; Italie-Côte d’Ivoire, art. 4 ; Pays-Bas-Soudan,
art. XI ; Royaume-Uni-Indonésie, art. 5(1) ; Suisse-Mali, art. 5. Sur le concept d’effectivité, cf. not.
OECD, Draft Convention : « Compensation must be paid in a form which is of real practical use to
the person entitled thereto, having regard to his particular situation (for example his occupation,
residence etc.) —that is to say, it must be “effective” for him. In some cases, compensation in
222

non-transferable form may be effective in this sense — », ILM, v. 2 (1963), p. 252 ; cf. aussi
Restatement (2d), par. 190, pp. 569-71 ; WHITE, op. cit. (1961), pp. 15-7 ; SCHWARZENBERGER , op. cit.
(1969), p. 11.
251. De nombreuses lots de nationalisation sont analysées par AMERASINGHE in LILLICH (ed.), op. cit.,
v. III (1975), pp. 97-105 ; et WHITE, id., pp. 184-92. Le paiement en obligations d’Etat a été chose
courante ; dans le Restatement (2d), ce point est inclus sous le concept de promptitude, mais celui
d’effectivité paraît s’y appliquer également.
252. Cf. WHITE, id., p. 187.
253. KISS, Répertoire, v. IV, pp. 393-4.
254. Supra, n. 250 et 251 ; pour une discussion de critères possibles, cf. WESLEY in LILLICH (ed.), op.
cit., v. III (1975), pp. 40-1.
255. Dans l’Affaire de l’Usine de Chorzow, l’indemnité a été allouée en Reichsmarks (la monnaie
de l’Etat demandeur), CPJI, Série A, N° 17 (1928), p. 51 ; cf. aussi FRIEDMAN , op. cit. (1950), p. 417 ;
WHITE, op. cit. (1961), p. 16 ; MANN, op. cit. (1971), p. 553 et s.
256. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Zaïre, art. 4(1) ; France-Singapour, art. 5(d) ; Royaume-Uni-
Thaïlande, art. 7(2). Certains textes mentionnent les conditions de transfert de l’indemnité à la
fois sous les règles de transfert et sous celles de l’expropriation, cf. p.ex. la Conv. citée Royaume-
Uni-Thaïlande, art. 6(1) (expropriation) et art. 7(2) (transfert).
257. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Philippines, art. 3(2) ; Belgique-Tunisie, art. 3 ; France-Corée
(1979), art. 3(3) ; Pays-Bas-Malaisie, art. X ; Royaume-Uni-Sri Lanka, art. 5(1) ; Suisse-Tanzanie,
art. 3(4).
258. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Philippines, art. 3(2) (« freely transferable ») ; France-Jordanie,
art. 4(2) (« librement transférable ») ; Italie-Côte d’Ivoire, art. 4 (« immédiatement transférable
en devises convertibles ») ; Pays-Bas-Malaisie, art. X (« freely transferable in a convertible
currency or in the currency of the country of which the claimants are nationals ») ; Royaume-
Uni-Egypte, art. 5(1) (« freely transferable ») ; Suisse-Mali, art. 5 (« librement transférable »).
259. Cf. p.ex. Conv. Allemagne-Pakistan, art. 3(2) (« without undue delay ») ; Belgique-Egypte, art.
5(2) (« sans retard injustifié ») ; Pays-Bas-Sénégal, art. 5 (« sans retard ») ; Suisse-Tunisie, art. 3
(« dans un délau raisonnable »).
260. Conv. Royaume-Uni-Philippines, art. VII(3) : « In cases where large amounts of
compensation have been paid in pursuance of Article V the Contracting Party concerned may
require the transfer thereof to be effected in reasonable instalments » ; en ce sens, adde p.ex.
Conv. Pays-Bas- Thaïlande, art. IX(c).
261. Conv. Pays-Bas-Indonésie, art. 7(c) : « Such compensation (...) shall be transferable to the
extent necessary to make it effective for the nationals entitled thereto ». Cette formule est
identique à celle de l’art. 3 (iii) du Projet de Convention de l’OCDE, cf. ILM, v. 2 (1963), p. 248.
262. En ce sens, cf. OECD, id., p. 252 ; Répertoire suisse, v. II, p. 668 ; GUGGENHEIM , Traité, v. I (1953), p.
336 ; SCHWARZENBERGER, op. cit. (1969), p. 11, 164 ; WHITE, op. cit. (1961), pp. 16-7, 240-2.
263. Cf. ROUSSEAU , « Chronique des faits internationaux », RGDIP, v. 67 (1963), p. 635 ; la décision
est approuvée par CHARPENTIER, loc. cit. (1963), p. 53. Sur le droit de transfert des indemnités
françaises de 1946, cf. Kiss, Répertoire, v. IV, pp. 393-4, et l’analyse quelque peu différente de WHITE
, id., pp. 204-5.
264. « There is no international law rule requiring that any other than the local currency of the
taking State, whether it is convertible into foreign exchange or not, be paid for taken property »,
METZGER, « Property in International Law » in « Law of International Trade », op. cit., v. I (1966), p.
115 ; en ce sens, cf. aussi BINDSCHEDLER, op. cit. (1956), p. 269 ; GARCIA-AMADOR, op. cit. (1959), p. 59 ;
adde SHUSTER, op. cit. (1973), pp. 84-5.
265. Supra, pp. 135-7.
223

266. L’histoire des nationalisations depuis 1945 abonde en indemnisations payées après de long
délais, par versements échelonnés, en charbon ou en pétrole, avec souvent des accords
commerciaux et financiers parallèles ; cf. p.ex. WESLEY in LILLICH (ed.), op. cit., v. 111 (1975), p. 12 :
WHITE, op. cit. (1961), pp. 193-243 ; BINDSCHEDLER, op. cit. (1956), pp. 267, 277 et s. ; ce dernier auteur
affirmait avec pertinence que l’indemnisation est « tout autant une question économique que
juridique », et précisait : « Le montant de l’indemnité et, dans beaucoup de cas (...) la rapidité du
transfert dépendent donc du volume des échanges commerciaux et des paiements », id., p. 283. La
pratique courante des accords d’indemnisation forfaitaire confirme que le problème est
ouvertement devenu un rapport de ressources d’Etat à Etat, autant qu’un rapport de
dépossession, en termes classiques, d’Etat à particulier étranger.
267. Cf. not. « Le droit des gens », op. cit., (ed. 1773) L. I, par. 244, et L. II par. 83.
224

Chapitre VI. La garantie des


investissements en droit
conventionnel

1 Des systèmes de garantie des investissements à l’étranger, principalement mais non


exclusivement dans des pays en développement, ont été institués par la majorité des Etats
exportateurs de capitaux ; pour la plupart, ils remontent à la fin des années 1960 ou aux
années 1970, à l’exception des Etats-Unis, du Japon et de la République fédérale
d’Allemagne, où leur création a été antérieure. La garantie instituée prend la forme d’un
contrat d’assurance passé entre un organisme habilité par l’Etat d’origine et un
investisseur, et destiné à couvrir à long-terme certains risques, dont des risques dits
politiques ou non-commerciaux. Les termes de système de garantie des investissements à
l’étranger, et d’assurance-investissement, sont tous deux employés pour caractériser le
phénomène ; en parlant d’assurance, il faut cependant garder à l’esprit que divers
éléments différencient l’assurance-investissement des régimes courants en la matière1.
2 A la base, l’assurance-investissement est un mécanisme de droit national, qui prend
naissance et se déroule dans l’ordre juridique de l’Etat d’origine. De là, pour l’investisseur,
son intérêt majeur : une relation entre lui et son Etat national vient se substituer, en cas
de sinistre, aux réclamations financières intentées auprès de l’Etat d’accueil, et aux aléas
de la protection diplomatique. Les faits générateurs de sinistre, le montant de son
indemnisation et les délais de remboursement sont précisés par contrat ; ceci représente
un facteur important de diminution de certains risques, et d’incitation à investir à
l’étranger.
3 En tant que relation de droit interne, l’assurance-investissement n’intéresse pas
directement le droit international. Pourtant, elle possède, par définition, une dimension
internationale ; ses effets, ou ses prolongements, concernent l’ordre international,
principalement à deux niveaux. Le premier est la question de la subrogation de l’assureur
lorsqu’il a indemnisé l’assuré ; des clauses spécifiques des Conventions d’investissement y
sont consacrées2. Le second a trait aux conséquences de la garantie nationale des
investissements sur les règles de promotion et de protection étudiées.
225

60. Les systèmes nationaux de garantie des investissements.


Aspects généraux.

4 Une mention spéciale doit être accordée au système des Etats-Unis, qui est de loin le plus
ancien, et qui demeure le plus élaboré3. La première ébauche en remonte au Plan
Marshall de 1948 ; face aux restrictions draconiennes de change existant alors en Europe,
une garantie contre le risque d’inconvertibilité avait été instituée à la suite d’une
proposition de l’American Bar Association. Le système aujourd’hui en vigueur date de la
création, en 1969, de l’Overseas Private Investment Corporation (OPIC), société de droit public
qui en assume la gestion. Les orientations et le fonctionnement en sont définis par une
loi, qui est périodiquement amendée par le Congrès américain4. Il est à noter que le succès
du programme américain est demeuré des plus limités jusqu’au début des années 1960 ;
depuis lors, il s’est substantiellement amplifié. Ainsi, au cours de la décennie 1970-80,
l’OPIC a assuré quelques US $ 10 milliards d’investissements, dans 68 pays en
développement5.
5 D’autres Etats ont progressivement suivi l’exemple américain, en y apportant des
variantes. Le système allemand date d’une loi de 1959 ; il est administré au premier chef
par la Treuarbeit AG, organisme privé agissant pour le compte du Gouvernement fédéral 6.
La Suisse s’est dotée d’un système analogue par une loi de 1970, la gestion en revenant à l’
Office pour la garantie des risques à l’exportation et à l’investissement 7. Le système français
actuel a été autorisé en vertu d’une loi de finances de 1971 ; deux organismes semi-publics
le gèrent : la Banque française du Commerce Extérieur (BFCE) en ce qui concerne le régime
général, et la Compagnie française d’Assurance pour le Commerce Extérieur (COFACE) pour les
investissements dits porteurs d’exportations8. Au Royaume-Uni, la garantie des
investissements à l’étranger a été habilitée par The Overseas Investment and Export
Guarantees Act, 1972 ; le système est administré par le Export Credits Guarantee Department
(ECGD)9. A ce jour, les autres pays ayant un système d’assurance-investissement incluent
l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, le Japon, la Norvège, les Pays-
Bas et la Suède10. Signalons encore l’existence, depuis 1972, de la Compagnie Inter-Arabe
pour la Garantie de l’Investissement, qui est un organisme international, créé par traité, et
qui a pour mission de garantir des investissements de ressortissants d’un Etat-membre
effectués sur le territoire d’un autre Etat-membre11 ; et un projet de la Banque mondiale,
visant à créer une Agence internationale d’assurance-investissement, qui est
périodiquement remis en chantier, sans succès jusqu’à présent12.
6 Il existe des différences notables entre les systèmes nationaux ; certains pratiquent une
liaison étroite entre l’assurance-crédit à l’exportation et l’assurance-investissement,
d’autres non ; quelques programmes couvrent des risques commerciaux, d’autres
uniquement des risques non-commerciaux ; la garantie est parfois couplée à des
programmes de financement du développement ; la couverture géographique et les
conditions d’assurance varient d’un pays à l’autre. Nous nous limiterons à relever
quelques aspects fondamentaux des systèmes nationaux, dans le seul domaine de
l’assurance-investissement contre des risques non-commerciaux.

a) L’assureur

7 Le principal point revient à déterminer si l’assureur est l’Etat, ou un organisme d’Etat. Il a


été argumenté, en effet, que dans ce cas l’assureur ne se trouverait pas dans la même
226

position qu’une société privée d’assurance pour faire valoir sa subrogation dans les droits
de l’assuré. En outre, le déclenchement de la garantie accordée par un Etat mettrait
directement en présence l’Etat exportateur et l’Etat importateur de capital, accroissant
ainsi les risques de conflit13.
8 L’examen des statuts juridiques des organismes de garantie des investissements, d’après
les lois et pratiques nationales, montre qu’il n’existe aucune uniformité en la matière ;
selon les Etats, il s’agit d’un service administratif, d’une entité de droit public, d’une ou de
plusieurs sociétés commerciales à participation d’Etat, ou de sociétés privées d’assurance.
De plus, l’entité contractante n’est pas nécessairement l’ultime garant ; ainsi, un contrat
conclu par la BFCE avec un investisseur français est un acte juridique passé entre un
organisme semi-public et une personne privée ; il n’en est pas moins qualifié de garantie
du Trésor, c’est-à-dire de l’Etat, et il doit être approuvé par un Comité ad hoc du Ministère
des Finances14. Il n’est donc pas sûr que le statut, public ou privé, de l’assureur, soit d’une
importance déterminante. Le jeu de la répartition des risques et des réassurances, propre
à cette branche d’activités, renforce les indéterminations. Ainsi, l’OPIC est une société de
droit public, proche de l’Etat ; mais elle réassure une part de ses engagements auprès de
sociétés d’assurance qui ont un statut de droit privé15. A l’inverse, le système néerlandais
est d’abord fondé sur des contrats d’assurance entre des sociétés privées et des
investisseurs ; mais l’Etat intervient en tant que réassureur16. Dans la plupart des pays, le
système d’assurance-investissement semble être de nature mixte. Le rôle de l’Etat est
généralement important, même s’il n’apparaît pas en première ligne ; l’assurance-
investissement est plus ou moins étroitement contrôlée par le législateur et/ou l’exécutif,
et elle reste liée aux relations extérieures du pays exportateur de capital.
9 La question du désengagement de l’Etat, ou de la privatisation de l’assurance-
investissement, s’est posée notamment lors de la réforme du statut de l’OPIC, en 1974 17.
Suite à un incident diplomatique entre les Etats-Unis et la Jamaïque, lié à un contrat
d’assurance-investissement, le Congrès américain avait enjoint l’OPIC de transférer en
quelques années la majeure partie de ses activités à des sociétés privées. A l’expérience, la
privatisation recherchée s’est révélée peu praticable18. Que ce soit aux Etats-Unis ou
ailleurs, le secteur privé ne semble pas prêt à assurer certains risques, tels que les pertes
occasionnées par une guerre sur terre, ni à s’engager sur une longue période vis-à-vis de
risques dits politiques.
10 Les clauses correspondantes des Conventions d’investissement n’opèrent généralement
pas de distinction en fonction du statut de droit interne de l’assureur ; la garantie y est
réputée accordée par « une Partie contractante »19. Quelques Conventions conclues par les
Pays-Bas mentionnent, toutefois, la possibilité d’une garantie accordée « par l’autre Partie
Contractante ou par un de ses ressortissants »20. Une telle disposition laisse la porte ouverte,
de manière expresse, à des sociétés privées d’assurance.

b) L’assuré

11 Chaque Etat est libre d’assurer, ou de laisser s’assurer, qui il entend dans son ordre
interne. Beaucoup demandent, à l’instar de la loi suisse, qu’il existe une « relation étroite
avec l’économie » nationale21. Mais, la garantie exerçant ses effets à l’échelle internationale,
la question du lien de nationalité entre l’Etat garant et l’assuré ne peut manquer de
ressurgir. En ce qui concerne les personnes physiques, les lois nationales exigent
227

généralement que l’investisseur soit ressortissant de l’Etat en cause, des critères


complémentaires, comme le domicile, s’y ajoutant parfois22.
12 Pour les sociétés, un élément important doit être mentionné : il ne semble pas que les lois
et pratiques nationales se satisfassent, en règle générale, des critères classiques de
rattachement que sont l’enregistrement ou le siège social. Un lien effectif, ou une relation
d’appartenance plus étroite entre la communauté nationale et une société désirant
bénéficier de la garantie des investissements doit être prouvé.
13 Ainsi, la loi américaine requiert des sociétés enregistrées aux Etats-Unis qu’elles soient,
en outre, sous contrôle majoritaire de ressortissants américains ; dans la pratique, cela
signifie que plus de 50 pour cent du capital d’une société doit être entre les mains de
citoyens des Etats-Unis23. Si une société désirant s’assurer est contrôlée par d’autres
sociétés, l’OPIC s’attache à percer le voile de chaque société concernée, et à remonter la
chaîne des contrôles, jusqu’à ce qu’il soit manifeste que le capital social est à plus de 50
pour cent détenu par des ressortissants américains. La loi suisse cumule les critères du
siège social et de l’intérêt prépondérant : les sociétés assurables sont celles « dans
lesquelles des ressortissants suisses ont un intérêt prépondérant et qui ont leur siège en Suisse » 24.
En France, « la nationalité des personnes morales s’apprécie en fonction d’un triple critère : lieu
du siège social, origine du capital, modalité du contrôle »25 ; une grande latitude de décision y
est laissée aux organismes d’assurance.
14 Pour bénéficier d’une assurance-investissement, un rattachement effectif à l’Etat et à
l’économie nationale est donc demandé, plus que dans d’autres domaines du droit. Cela
étant, il importe de savoir si une société enregistrée, ou ayant son siège, dans un Etat tiers
peut être assurée ; sur le plan de la protection diplomatique, les difficultés qui pourraient
surgir sont évidentes. Les lois et pratiques nationales ne permettent pas d’apporter une
réponse précise à cette question26. Selon la loi américaine, une société enregistrée dans
un Etat tiers, mais entièrement contrôlée par une société américaine, peut être
considérée comme un « eligible investor », et donc être assurée par l’OPIC ; en fait, il faut
que 95 pour cent au minimum du capital de la filiale étrangère appartienne en dernier
ressort à une société américaine27. La loi suisse ne prévoit pas expressément une telle
possibilité, mais elle la réserve, « à titre exceptionnel »28. Le régime général français
restreint le bénéfice de la garantie « à des entreprises françaises », sans autre précision 29. Il
paraît difficile de se prononcer, d’autant plus que des garanties successives ou conjointes
ne sont pas à exclure, qui couvriraient à la fois une société-mère et des filiales, nationales
et étrangères, participant à une opération complexe d’investissement.
15 Les Conventions ne précisent pas, dans une majorité de clauses, quelle est la nationalité
du bénéficiaire de la garantie ; il convient de se référer aux critères définis dans les
clauses interprétatives. Dans de nombreux textes, il est seulement fait état d’une garantie
accordée « pour un investissement », ou « in respect of an investment »30 ; d’autres
mentionnent cependant des paiements effectués par une Partie Contractante « à ses
propres ressortissants ou sociétés »31.
16 Enfin, contrairement à ce que l’on pourrait croire, on relèvera que les investisseurs qui
demandent à être assurés ne sont pas des entreprises manquant d’expérience dans les
affaires internationales32.
228

c) L’investissement

17 Les réglementations nationales contiennent fréquemment une définition particulière de


la notion d’investissement, aux fins du système de garantie33. Dans l’ensemble, les
participations, les crédits et prêts, les apports en nature, les contrats de licence et
d’assistance technique, des biens d’équipement peuvent être assurés ; les
réinvestissements sur place et les revenus également.
18 L’élément le plus significatif est sans doute que l’investissement, pour être garanti, doit
être nouveau34. Les extensions d’entreprise répondent à cette condition ; mais les
investissements déjà réalisés ne peuvent pas, en règle générale, bénéficier de l’assurance-
investissement. Le caractère d’incitation à investir, ou d’instrument de promotion des
investissements à l’étranger, que les systèmes nationaux représentent est ici manifeste.

d) Les risques couverts

19 Selon des terminologies variables, tous les systèmes nationaux paraissent couvrir trois
types de risques non-commerciaux : (a) le risque d’inconvertibilité, ou de transfert, qui
s’applique aussi, dans la plupart des pays, mais dans certaines limites, aux revenus de
l’investissement ; (b) le risque d’expropriation, et de mesures analogues de dépossession ;
et (c) les risques dus à une guerre, à une révolution ou à une insurrection35.
20 Il n’a pas été rencontré de système national qui couvre la dépréciation et la dévaluation
monétaires, autrement que pendant le laps de temps s’écoulant entre les faits
générateurs de sinistres, mentionnés précédemment, et l’indemnisation de l’assuré. Par
contre, divers systèmes nationaux assurent des investisseurs contre le risque de défaut de
paiement de l’Etat importateur de capital, et de certaines entités publiques en
ressortissant36. D’autre part, l’OPIC a entrepris d’assurer certains investissements contre
des risques de rupture de contrat conclu entre un Etat d’accueil et un investisseur,
notamment dans les secteurs de la construction et des investissements miniers37.

e) Les conditions et modalités de la garantie

21 D’importantes conditions concernent la nature du projet d’investissement et ses effets


prévisibles tant pour l’économie d’origine que pour celle d’accueil ; elles seront précisées
ultérieurement. Pour l’essentiel, les mécanismes élaborés sont calqués sur les régimes
d’assurance des biens. La valeur indemnisable est précisée, et périodiquement actualisée ;
la base d’évaluation peut être, selon les systèmes, l’apport de capital, la valeur comptable,
ou autre ; il n’est pas exceptionnel qu’un investisseur s’assure pour une part seulement de
la valeur totale de l’investissement ; des plafonds ou des planchers d’indemnisation
semblent exister, mais les organismes d’assurance disposent à ce sujet d’une substantielle
marge d’appréciation.
22 En contrepartie, l’assuré verse une prime annuelle à l’assureur, dont le montant varie
selon les pays de 0,5 pour cent de la valeur assurée, pour l’ensemble des risques non-
commerciaux, à 1,25 pour cent38 La durée de l’assurance est généralement de 15 ou 20
années, non-renouvelable. Sauf exception, on peut considérer que cette durée est
suffisante pour amortir et tirer profit d’un investissement ; les calculs prévisionnels, de
rentabilisation, effectués par des entreprises ne peuvent guère aller au-delà.
229

23 Les conditions d’indemnisation de l’assuré, en cas de sinistre, sont souvent définies avec
force détails. Il est à noter que la quotité garantie, et remboursable, n’est nécessairement
pas équivalente à la valeur de l’investissement. Dans le système suisse, 30 pour cent des
pertes restent à la charge de l’assuré39 ; dans la majorité des systèmes nationaux,
l’indemnisation s’élève à 90 pour cent de la valeur couverte40. Les délais de
remboursement sont courts, comparés à ce qu’un investisseur pourrait attendre de
l’action de tribunaux locaux, ou de la mise en oeuvre de la protection diplomatique. Il
s’agit là d’un des principaux attraits de l’assurance-investissement. Ainsi, dans le régime
général français, les délais constitutifs de sinistre sont de six mois en cas de défaut de
paiement ou de blocage des fonds rapatriables, et de douze mois en cas d’atteinte à la
propriété ; le paiement de l’indemnité intervient dans les quarante-cinq jours suivants41.
24 Enfin, comme dans les régimes ordinaires d’assurance, l’assureur ayant indemnisé un
assuré est subrogé dans les droits et actions de l’investisseur, à concurrence des sommes
versées ; il s’opère un transfert de droits, de la personne privée ayant subi un sinistre à
l’organisme d’assurance qui l’a indemnisée. Sur le plan international, cet aspect de
l’assurance en général, et de l’assurance-investissement en particulier, n’est pas sans
présenter des difficultés42.

f) Le contrat d’assurance

25 Le contrat définissant les droits et obligations de l’assureur et de l’assuré est élaboré en


fonction des règles pertinentes du droit des contrats de l’Etat d’origine. Le droit
applicable en est toujours le droit de cet Etat ; aux Etats-Unis, les contrats conclus par
l’OPIC sont régis par le droit en vigueur dans le District de Columbia43. En cas de différend
portant sur l’interprétation ou l’exécution du contrat d’assurance, les juridictions
compétentes sont, par convention expresse, des instances judiciaires ou arbitrales du
même Etat. Ainsi, les contrats conclus par la BFCE font attribution de juridiction « aux
tribunaux compétents du département de Paris »44 ; les contrats conclus par l’OPIC prévoient
un recours à l’arbitrage, sur la base des règles de l’American Arbitration Association 45. Une
jurisprudence relative à l’assurance-investissement s’est ainsi développée aux Etats-Unis,
où cinq affaires ont jusqu’à présent été portées devant des tribunaux arbitraux ad hoc 46.
26 Finalement, on doit considérer que les systèmes nationaux de garantie des
investissements ont introduit une dimension nouvelle dans la problématique de la
protection des biens étrangers. Selon une Opinion du Conseil de l’Europe, il s’agissait de «
la meilleure approche du problème »47 ; cette opinion est largement répandue. Leurs succès
ont été, dans les faits, variables ; substantiel aux Etats-Unis, ce succès est demeuré
médiocre en Suisse. Mais la plupart des systèmes nationaux sont de création trop récente
pour qu’une évaluation d’ensemble de leurs résultats puisse être entreprise. En première
analyse, ces systèmes de droit interne ne modifient pas les règles pertinentes de droit
international ; il reste à examiner si leur impact n’est pas, en réalité, plus notable qu’il n’y
paraît.

61. Garantie et responsabilité internationale


a) La garantie pour risques politiques : dimensions nationales et internationales

27 L’essence de l’assurance-investissement, on l’a vu, est d’établir une relation nouvelle


entre un investisseur et son propre Etat national, par l’intermédiaire d’organismes
230

d’assurance dont le statut juridique varie, mais qui agissent en fait pour le compte de cet
Etat. 11 subsiste cependant deux autres relations : celle de l’investisseur et de l’Etat
d’accueil d’une part, et d’autre part celle qui existe dans l’ordre international entre les
deux Etats, l’un étant exportateur et l’autre importateur de capital.
28 La situation qui se crée au travers d’un système d’assurance-investissement peut être
résumée ainsi : un organisme d’assurance, agissant pour le compte de l’Etat d’origine,
engage sa responsabilité contractuelle envers des investisseurs, pour des faits commis par
un autre Etat. En supposant qu’il doive indemniser un assuré, sur la base du contract
d’assurance, il s’agit de savoir s’il peut ensuite se retourner contre le sujet qui est à
l’origine du sinistre, selon un principe général de l’assurance, pour recouvrer tout ou
partie des indemnités versées48. Ceci suppose que le sujet à l’origine du sinistre, soit l’Etat
d’accueil, puisse être rendu responsable du préjudice causé, quelle que soit la base de
cette responsabilité.
29 Toute assurance ne repose pas sur un engagement de responsabilité ; ainsi, les calculs de
probabilité et le principe de la répartition des risques permettent d’être assuré contre des
catastrophes naturelles, sans que les dommages indemnisés puissent être attribués à
quiconque. Sans entrer dans les méandres de l’art complexe qu’est l’assurance, on
relèvera que cette situation n’est pas la plus usuelle. Dans des systèmes de droit civil, le
législateur et la jurisprudence ont été amenés de longue date à étendre la notion de
responsabilité civile, fondée sur le risque du fait d’autrui ou du fait des choses, mais en
continuant à rechercher un lien de causalité qui permette d’attribuer un dommage à une
personne responsable. En revenant à l’assurance-investissement, il est clair qu’un Etat
exportateur de capital peut s’engager, envers ses propres ressortissants, à couvrir
n’importe quel risque causé par un Etat étranger ; mais si, en contrepartie, l’Etat auteur
du dommage ne peut en être tenu pour responsable, la situation créée n’est guère
satisfaisante, ni du point de vue juridique, ni du point de vue économique. Car l’assurance
revêtira alors le caractère d’une mise à fonds perdus, les sommes indemnisées
correspondant à des créances irrécouvrables.
30 Il ne fait guère de doute que des Etats exportateurs de capitaux se sont engagés à couvrir
des risques, ou à en couvrir d’une certaine manière, qui ne correspond pas à un
engagement de la responsabilité de l’Etat d’accueil en droit international général. Ceci
vaut particulièrement pour le risque de transfert, et peut être illustré par la demande
d’indemnisation de William H. Atwell envers l’OPIC49. Ce ressortissant américain avait
liquidé une entreprise au Kenya, et demandé à pouvoir rapatrier le prix de la vente, soit
environ un million de shillings kenyens. Selon la loi en vigueur en 1974 au Kenya, la
Banque centrale avait autorisé le transfert en US dollars de la valeur des apports
originels, pour lesquels un Certificate of Approved Enterprise avait été délivré ; mais la plus-
value réalisée au moment de la vente, soit environ 400.000 shillings, n’était légalement
transférable qu’à la discrétion de cette Banque, qui s’y refusait. L’OPIC, selon ses règles
propres, a versé en dollars à l’assuré l’équivalent de 99 pour cent des fonds non-rapatriés,
après trente jours de refus de transfert, et sur la base d’un taux de change dit de
référence50.
31 En agissant ainsi, l’Etat du Kenya n’enfreignait pas d’obligation de droit international
général51. Dans un tel cas, il n’y a donc pas de correspondance entre le risque couvert et
l’engagement de la responsabilité de l’Etat qui cause un préjudice à un investisseur
étranger.
231

32 Bien que la situation en matière d’expropriation soit différente, l’Etat d’accueil étant tenu
à certaines obligations en droit international général, un certain décalage entre les règles
d’assurance-investissement et les normes du droit des gens apparaît également. La
définition d’une mesure d’expropriation, donnée par l’OPIC par exemple, est plus large
que les critères reconnus en droit général ; la valeur de l’investissement est calculée de
manière particulière ; les conditions d’indemnisation ne sont pas les mêmes 52. Il en
résulte qu’un investisseur étranger peut avoir droit, en vertu d’un contrat d’assurance, à
une indemnité plus importante qu’une « juste » indemnisation au sens du droit des gens.
Ainsi, la Northern Indiana Brass Company, dépossédée d’une filiale au Chili en 1973, reçut de
cet Etat US $ 300.000 d’indemnisation ; 110.000 dollars supplémentaires furent versés par
l’OPIC, en fonctio