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LES RUMES A cours d'une vie hélas déja longue, nous nous sommes souvent livrés 4 de modestes recherches sur notre habitat rural en Flandre. Comme beaucoup d’esprits curieux nous avons été frappés par la fréquence de signes mystérieux, ésotériques que I’on découvre sur les pignons de briques de nos vieilles demeures et aussi sur les tours des églises Un signe curieux retient particuli¢rement notre attention : c’est un grand X de OmS0 a 1mSO de haut que l'on retrouve par exemple sur le Tour de 'Eglise St Eloi. Beau pignon recouvert de runes Volckerinckhove Nous ne voulons pas tomber dans le cours histoire qui risquerait de vous ennuyer. Nous allons effleurer ce vaste sujet d'une maniére qui ne se veut pas du tout exhaustive encore que la littérature sur le sujet soit peu abondante. En des temps peu anciens nous avons connu et approché J. DEZITTER de Bourbourg et André CAUVIN qui se spécialisérent dans ce sujet. Les runes (le mot est féminin) sont les caractéres avec lesquels furent composées des centaines d’inscriptions qui n’avaient pas de fins utilitaires mais des vertus surnaturelles. On les retrouve soit en noir , soit en jaune se détachant sur les briques rouges et également dans les ancrages en fer forgé des pignons des anciennes maisons. Des auteurs allemands et néerlandais se sont intéressés A cette question mais leurs ouvrages n'ont pas @t€ traduits en frangais, car, il faut le dire nous sommes pour la plupart empreints et marques par la vaste culture méditerranéenne et ignorons souvent les cultures nordiques et germaniques anciennes qui ont aussi leur originalité. D’une maniére impérative nous pouvons dire que ces “Yeux de driques*ou d’ancrages ne sont pas des motifs décoratifs. Leur disposition dissymétrique a un sens rituel profond qui échappe souvent au profane. On les retrouve aussi sur des pees, des objets de culte dits “jefens’’en bois et en os. En Scandinavie on a retrouvé des alphabets ou abécédaires runiques. Les plus anciennes runes datent du Iifeme au Vieme siécle aprés Jésus Christ, On en connait sur le sol de l’ancienne Germanic et les territoires conquis par les germains jusqu’en Bourgogne, Angleterre et méme Ukraine, Cet alphabet est appelé FU-TH-A-R-K du nom des cing premiéres lettres le composant ~16- YSER HOUCK N°18 Le FUTHARK runique de 24 RCXPNES Jetez un oeil a ce Futhark de 24 signes et vous constaterez que le G=X, lel, le B -* P. L leR=Y,leS-4,1eT| F U Bee V 7H NEE =t, le J =$, leL=!, le NG =9, le D =, le o=k, PgR ine bi lov pales Ee eet re NG Diy oi), ABECEDAIRE de 16 De méme dans l'abécédaire de 16 vous reconnaissez le KANN =I, le HOGAL =X, le MANN =Y, le /NPRR CY {ee eer UR THURS OSS REIDKANN HOGAL Naup| Nous reproduisons ci dessous un alphabet anglo- saxon de 24 dont les signes sont souvent employes jar les batisseurs. tht a TERT A ln eRRaCe HH N Be SAYUTBMANSRM G Les vieux parlers scandinaves, saxons assimilent “RUNAR" 0. “RUNA” ou “RUN’ i mystére, initiation ou secret. En norvégien modeme ‘‘una”’signifie “dome aventire”” En finnois le “7uno “est enc6re un chant magique. Disons encore qu’a une époque oui une trés faible minorité de gens, souvent des religieux savaient lire et écrire, le signe, le symbole était plus compréhensible que le texte. Le blason qui est le langage imagé et colorié de 1’écu leur permettait immédiatement de reconnaitre la famille du chevalier ou du bourgeois. Car les armoiries n’étaient pas 'apanage de la noblesse. Ces pays du Nord, ot la culture s'est plus tardivement développée,ne furent peuplés que lorsque les hommes ont appris a se vétir confortablement, se garder du froid et maitriser le feu qui chauffait leurs modestes huttes de pierre. Ajoutons que I’attrait de l'ambre et de l’étain expliquent ces migrations vers des pays inhospitaliers. Ces signes furent repris par les bitisseurs d’églises et de cathédrales dés le Moyen Age. Ils ne tard&rent pas 4 s’organiser en puissantes corporations et confréries qui se transmettaient les secrets des bitisseurs, des régles mathématiques et géométriques pour élever des votites, des ogives, des croisées de transept, des tours et des clochers hardis. el maT N°18 YSER HOUCK Ces secrets se transmettaient de générations en générations mais pour en étre dépositaire il fallait “travailler’’ et mériter le “‘selaire": Les grades apprentis, compagnons, maitres datent des corporations. Ils étaient liés par le secret ils I’étaient aussi par l’ingénieux devoirs d’entraide et d'amour mutuel. Nous sommes au Moyen Age. L’ouvrier, l’artisan, le sculpteur qui se blesse ou se tue en tombant de. V’échafaudage devait faire face au destin. Les magons opératifs avaient en plus des réglements secrets : T'infirme, la veuve ou l'orphelin étaient pris en charge par la corporation, par les autres fréres. Intrigués par les X géants que I’on retrouve si souvent, d’autant qu’il correspond au G magonnique nous nous demandons s'il ne s'agit pas la de la signature du maitre, du symbole par excellence. Mais confessons que nous ne sommes pas artivés a résoudre le pourquoi de la dissymétric, voire de V'anarchie de leur disposition. Sur les flanes de la tour St Eloi a Hazebrouck on en trouve 7 d'inégale dimension, en briques noires et blanches. Nous sommes formels aucun rapport avec les crosses de I’évéque Eloi comme on I’a prétendu quelquefois. Le losange ou “‘ing”’est le signe de la fécondité. IL correspond au vagin, a Ia porte de vie de la femme, en flamand “Zevensdeur”. Parfois ces losanges sont accolés, 5 dans les armes de la famille des Van Hazebroeck, parfois entrelacés, parfois divisés en 4 losanges. Losanges et portes de vie Si vous entever. lee organes wrinaies ©) _ il rene la vraie porte de vie que l'on confond souvent avec le. coeur, 'amour et qui sera plus tard surmonté dune croix latine & . Mais l’origine est runique et non chrétienne. Longtemps aprés Ia disparition des magons opératifs, des Francs Magons, des magons libres, independants et fraternellement unis, les artisans héritérent des secrets anciens, sans en connaitre le sens, continueront 4 utiliser les signes raniques comme éléments décoratifs. Notre pére était un maitre macon, il disposait de toute une collection de signes et de dessins symboliques dont il ne connaissait pas le sens et qui lui venaient de sa famille. Selon lui c’était des signes porte bonheur et pour le ‘magon (afin que la batisse dure) et pour le propriétaire (afin que les récoltes soient fécondes). Le signe solaire en haut des pignons de granges permettait une ventilation du fenil et livrait passage aux chouettes qui débarassaient la ferme des rats et des souris. eUs- YSER HOUCK N°18, Pigon de grange é Millam avec le ‘signe solaire » L’odal que lon retrouve également dans les pignons était le symbole de Yhomme libre. Il pouvait étre simple, accouplé ou losangé. Le fermier disait “Vn ander Gods son"’ Cest & dite ‘Libre sous fe solei! de Dieu”? Dieu est God et symbolise par le G done I’. Nous pourrions développer longue- ment ce sujet et en particulier les signes magiques contre le mauvais sort, les noeuds de sorciéres ou “‘Toover knoopen”’. Mais le mieux serait I"ennemi du bien. Albert DEVEYER 7

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