Vous êtes sur la page 1sur 6

Réanimation (2007) 16, 612—617

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

journal homepage: http://france.elsevier.com/direct/REAURG/

MISE AU POINT

Prise en charge des hépatites aiguës jusqu’à la


transplantation hépatique
Management of acute hepatitis until liver
transplantation
C. Colin a, C. Trepo a,b, P. Merle a,b,∗

a
Service d’hépatogastroentérologie, hôpital de l’hôtel-Dieu, 1, place de l’Hôpital, 69002 Lyon, France
b
Inserm U871, physiopathologie moléculaire et nouveaux traitements des hépatites virales, 69003 Lyon, France

Disponible sur Internet le 21 septembre 2007

MOTS CLÉS Résumé L’hépatite fulminante est une affection rare, mais de très mauvais pronostic en
Hépatite fulminante ; l’absence de transplantation hépatique. Il est important d’identifier la cause le plus vite possible
Transplantation afin de débuter le traitement étiologique, de conditionner le patient pour être accueilli en ser-
hépatique ; vice de réanimation hépatologique. Le pronostic doit être défini assez tôt afin d’entreprendre
Traitement la transplantation hépatique lorsque cela est nécessaire. Les complications sont fréquentes,
notamment infectieuses, et la prise en charge optimale avec monitoring multi-organe est
primordiale. Malheureusement, de nombreux patients décèdent en attente de transplanta-
tion en raison de la pénurie en greffons. Pour cette raison, de nouvelles approches sont en
cours d’évaluation : la transplantation hépatique par donneur vivant, la greffe d’hépatocytes
cryopréservés et les systèmes de foie bioartificiel.
© 2007 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société de réanimation de langue française.

Summary Fulminant hepatitis is a rare affection with severe outcome without liver trans-
plantation. Identification of the etiologic factors is urgently requested in an aim to apply the
KEYWORDS adequate therapy, and to manage the patient within a specialized hepatology reanimation unit
Fulminant hepatitis; in close contact with a liver transplantation centre. Prognosis factors should be defined as early
Liver transplantation; as possible and liver transplantation performed as necessary. Complications are rather com-
Treatment mon, especially sepsis, and an accurate monitoring is mandatory in a specific ‘‘organ-system’’
approach. Unfortunately fulminant hepatitis frequently leads towards a fatal outcome while
awaiting liver transplantation, mainly due to a critical lack of liver grafts. Innovative approaches
are under development and/or evaluation, such as living donor liver grafts, cryopreserved
hepatocyte transplantation and bioartificial liver systems.
© 2007 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société de réanimation de langue française.

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : phmerle@lyon.inserm.fr (P. Merle).

1624-0693/$ — see front matter © 2007 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société de réanimation de langue française.
doi:10.1016/j.reaurg.2007.08.007
Prise en charge des hépatites aiguës jusqu’à la transplantation hépatique 613

Introduction delta, la protoporphyrie, des maladies métaboliques comme


l’intolérance au fructose ou la tyrosinémie [2].
L’hépatite aiguë, quelle qu’en soit l’étiologie, ne met en
jeu le pronostic vital que si elle prend l’aspect d’une hépa- Signes cliniques
tite fulminante. L’hépatite fulminante est une affection
rare — i.e. environ 2000 nouveaux cas par an aux États- La symptomatologie clinique de l’hépatite fulminante est
Unis — mais extrêmement sévère puisque les chances de différente de celle de l’insuffisance hépatique chronique car
survie ne sont que de 20 % sous traitement médical seul font défauts les angiomes stellaires, l’ascite et la circulation
et bien adapté [1]. Son diagnostic précoce et le traite- veineuse collatérale abdominale qui sont plutôt caractéris-
ment des complications sont essentiels pour une prise en tiques de la cirrhose. Au cours de l’hépatite fulminante,
charge médicale optimale de ces patients et pour pouvoir les patients se présentent classiquement avec une asthé-
poser éventuellement l’indication de transplantation hépa- nie suivie d’un ictère et une détérioration des fonctions
tique en urgence, traitement qui a révolutionné le pronostic supérieures, progressant de façon très rapide. De nombreux
de cette maladie. L’hépatite fulminante a été initiale- tableaux cliniques peuvent se manifester, témoignant d’une
ment définie comme la survenue brutale d’une insuffisance atteinte multiviscérale.
hépatocellulaire sévère à l’origine d’un ictère et d’une
encéphalopathie hépatique chez des patients indemnes Signes neurologiques
d’hépatopathie chronique sous-jacente, mais cette défi-
nition a été par la suite étendue aux patients porteurs Initialement, le stade de l’encéphalopathie doit être
d’hépatopathie chronique préexistante. On distingue plu- soigneusement évalué afin de guider l’indication de trans-
sieurs formes d’hépatites fulminantes qui conditionnent le plantation hépatique. Les troubles peuvent aller de
pronostic de l’affection, définies en fonction du délai entre l’agitation aux délires ou l’hyperkinésie. L’œdème céré-
le début de l’ictère et celui de l’encéphalopathie : hyperai- bral est la principale cause de décès [3]. Il est d’autant
guë si inférieur ou égal à sept jours, aiguë si compris entre plus probable que le degré d’encéphalopathie progresse. Les
huit et 28 jours et subaiguë si compris entre 29 et 60 jours, signes cliniques indicateurs d’hypertension intracrânienne
dont les étiologies peuvent être extrêmement variées. Le sont le reflex de Cushing, la bradycardie, l’hypotension arté-
but de cet article est d’insister sur l’importance du diag- rielle, la dilatation pupillaire et l’apnée posturale, alors que
nostic précoce, de l’identification des facteurs pronostiques l’œdème papillaire est généralement absent [4].
et de la prise en charge des patients ayant développé une
hépatite fulminante. Insuffisance rénale

L’insuffisance rénale oligoanurique se produit chez près de


Étiopathologie la moitié des patients en raison d’un syndrome hépatorénal
fréquemment associé à une nécrose tubulaire aiguë. Celle-
Le processus physiopathologique qui engendre une destruc- ci peut être secondaire aux modifications hémodynamiques
tion massive du parenchyme hépatique peut être divisé en associées avec l’infection et/ou l’hypovolémie, ou bien à
plusieurs catégories : infection virale, hépatites métabo- une toxicité médicamenteuse.
liques et toxiques et les phénomènes d’ischémie/hypoxie
(Tableau 1). Bien que par définition l’hépatite fulminante
survienne sur foie sain, il préexiste parfois des états mor- Troubles de la coagulation
bides hépatiques, comme la maladie de Wilson, l’infiltration
tumorale du foie, le by-pass post-jéjuno-iléal, l’hépatite L’hémorragie est à l’origine du décès du patient dans près
auto-immune, la réactivation d’une hépatite B ou la sur- d’un tiers des cas. Elle est favorisée par la baisse de syn-
infection d’une hépatite B par le virus de l’hépatite thèse des facteurs de coagulation par le foie et par une

Tableau 1 Principales étiologies d’hépatite fulminante.

Infection virale Virus des hépatites A, B, C (rare), D, E, non-A non-G


Cytomégalovirus
Virus d’Epstein-Barr
Virus de l’herpès
Toxique médicamenteuse Paracétamol associé ou non à l’alcool, anti-inflammatoires non stéroïdiens, isoniazide,
valproate de sodium, méthyl-dopa, tétracycline, halothane,
triméthoprime + sulfaméthoxazole, amoxycilline + acide clavulanique
Toxique non médicamenteuse Tétrachlorure de carbone, amanite phalloïde, herbes médicinales
Ischémique Thrombose de l’artère hépatique, syndrome de Budd-Chiari, insuffisance cardiaque
droite, tamponnade péricardique, état de choc cardiocirculatoire
Métabolique Stéatose aiguë de la grossesse, syndrome de Reye
Autres Hyperthermie, HELPP syndrome, auto-immunité, maladie de Wilson
614 C. Colin et al.

coagulation intravasculaire disséminée. La thrombopénie, de contamination virale. Les examens paracliniques seront
due à la coagulation intravasculaire disséminée ou à la prescrits dans un deuxième temps.
myélosuppression, est bien corrélée au risque d’hémorragie
digestive, alors que la déficience en facteurs de coagulation Tests sanguins
l’est moins nettement.
Le bilan étiologique doit être réalisé rapidement :
Complications infectieuses
• hépatites virales : hépatite A (IgM anti-VHA), hépatite B
Les infections bactériennes et fongiques sont des compli- (Ag HBs, IgM anti-HBc et recherche d’ADN du VHB dans le
cations fréquentes, l’hyperthermie et l’hyperleucocytose sang), hépatite C (anti-VHC et ARN-VHC sérique), hépa-
pouvant être absentes dans près d’un tiers des cas [5]. tite delta en cas d’hépatite B connue (ARN-VHD, Ag delta,
Les sites les plus souvent atteints sont les poumons et IgM et IgG anti-VHD), hépatite E (anti-VHE), cytomégalo-
les voies urinaires, principalement par des germes cocci virus (IgG et IgM anti-CMV), virus d’Epstein-Barr (IgG et
Gram+ (staphylocoques et streptocoques). La susceptibilité IgM anti-EBV) et virus de l’herpès (IgG et IgM anti-HSV) ;
à l’infection est certainement multifactorielle, associant • recherche de toxiques dans le sang et les urines (paracé-
un dysfonctionnement des polynucléaires neutrophiles, des tamol) ;
cellules de Kupffer, de l’opsonisation et du déficit en • recherche d’auto-anticorps : anticorps antinu-
complément dû à l’insuffisance hépatique. De plus, le risque cléaires, anti-muscle lisse (anti-actine), anti-LKM,
infectieux est majoré par la prise en charge invasive du anti-mitochondries ;
malade en secteur hospitalier spécialisé et la prescription • bilan du cuivre : cuprémie, cuprurie, céruloplasmine.
de glucocorticoïdes.
En cas d’aggravation des fonctions hépatiques, il est par-
Complications cardiovasculaires fois nécessaire de recourir à la transplantation hépatique.
Dans ce contexte, un bilan pré-transplantation doit être réa-
Les anomalies cardiovasculaires sont fréquentes, se mani- lisé au plus vite et l’équipe de transplantation la plus proche
festant par une hypotension artérielle relative dans un doit être prévenue.
contexte d’hyperdébit cardiaque et de diminution des
résistances vasculaires périphériques. Ce tableau peut Imagerie
s’accompagner de shunts périphériques et d’une oblitéra-
tion des petits vaisseaux par des agrégats plaquettaires. La Un examen échographique hépatique couplé à un doppler
diminution du taux d’extraction de l’oxygène par les tissus des vaisseaux hépatiques (artères hépatiques, veines sus-
mène à l’hypoxie et à la formation d’une acidose lactique, hépatiques et porte) doit être réalisé en urgence. L’intérêt
et est un facteur de mauvais pronostic. De plus, les patients de l’examen tomodensitométrique hépatique doit être bien
nécessitant des transfusions sanguines et des remplissages pesé en raison du risque d’insuffisance rénale après injection
vasculaires importants sont exposés au risque de syndrome de produit de contraste, même lorsque la fonction rénale est
de détresse respiratoire, et ce d’autant plus que préexiste initialement normale chez ce type de patients.
une insuffisance rénale ou une défaillance multiviscérale.
Histologie
Troubles métaboliques
La biopsie hépatique est rarement réalisée en raison des
De multiples troubles métaboliques peuvent apparaître au troubles de la coagulation. De plus, elle ne contribue que
cours de l’hépatite fulminante : rarement au diagnostic étiologique, puisque montrant le
plus souvent une nécrose hépatocytaire massive avec des-
• l’hypoglycémie par altération de la néoglucogenèse ; truction de l’architecture du lobule hépatique. Néanmoins,
• l’hypokaliémie par alcalose respiratoire ou cette biopsie peut s’avérer contributive dans les hépatites
l’hyperkaliémie par insuffisance rénale ; fulminantes subaiguës, permettant de définir le pronos-
• l’hyponatrémie de dilution ; tic de la maladie : une nécrose submassive indique que
• l’hypophosphatémie. les fonctions hépatiques ne s’amélioreront pas et seule la
transplantation permettra de sauver le patient, alors que
Diagnostic positif l’absence de nécrose submassive donne un meilleur pronos-
tic et la transplantation peut être évitée. Néanmoins dans
ces formes d’hépatite fulminante subaiguë, la biopsie hépa-
Le diagnostic d’hépatite fulminante doit être évoqué au plus
tique ne peut être réalisée que par voie transjugulaire dans
vite devant tout patient présentant un ictère, une altération
la plupart des cas.
des fonctions supérieures et des troubles de la coagula-
tion. Le but de ce diagnostic précoce est de traiter la cause
chaque fois que cela est possible, de prévenir ou de trai- Pronostic
ter précocement les complications et de mettre le patient
en condition pour une éventuelle transplantation hépatique. Au cours de l’hépatite fulminante, il est important de
Le diagnostic passe tout d’abord par un interrogatoire bien pouvoir prédire précocement le devenir du patient afin
mené afin de dépister une prise de toxiques ou un contexte d’intervenir au plus vite et de façon pertinente. L’étiologie
Prise en charge des hépatites aiguës jusqu’à la transplantation hépatique 615

Tableau 2 Critères du King’s College pour la transplantation hépatique.

Hépatite fulminante liée au paracétamol Hépatite fulminante non liée au paracétamol

pH < 7,3 INR > 7,7


Ou les 3 critères suivants Ou au moins 3 des critères suivants
encéphalopathie grade III-IV Âge < 10 ans ou > 40 ans
INR > 7,7 Étiologie virale non-A non-B, médicamenteuse ou halothane, Wilson
Créatininémie > 34 mg/L Formes aiguës ou subaiguës
INR > 3,85
Bilirubine > 17 mg/dL

est un facteur pronostique important, la maladie de Wilson, de préférer les antagonistes sérotoninergiques. Néanmoins
les hépatites virales B ou non-A non-B non-C, et les hépatites en cas d’agitation, des benzodiazépines à demi-vie courte
auto-immunes étant de plus mauvais pronostic. À l’opposé, peuvent être prescrites.
les hépatites fulminantes liées au paracétamol, qui sont
les plus fréquentes, ont le meilleur taux de survie sans
transplantation [6]. De plus, le pronostic en l’absence de Œdème cérébral
transplantation hépatique dépend de la forme de l’hépatite Il est à l’origine d’une hypertension intracrânienne qui,
fulminante : 36 % de décès pour les formes hyperaiguës, 14 % lorsqu’elle est prolongée, peut laisser des séquelles irréver-
pour les formes aiguës et 7 % pour les formes subaiguës [7]. sibles après la transplantation hépatique [9]. De nombreux
D’autres méthodes ont été appliquées pour apprécier le pro- centres utilisent un monitoring de la pression intracrânienne
nostic en l’absence de transplantation hépatique, comme par un transducteur épidural ou par doppler transcrânien,
les critères du King’s College (Tableau 2) [8]. De façon géné- permettant d’accélérer le délai à la transplantation ou au
rale, les patients qui guérissent de leur hépatite fulminante contraire la contre-indiquant pour les patients qui n’ont que
sans avoir recours à la transplantation hépatique récupèrent de faibles chances de récupération neurologique. Puisque
ad integrum leurs fonctions hépatiques et neurologiques. les traitements permettant de contrôler l’hyperpression
Pour une faible proportion de patients, lorsque l’hépatite intracrânienne au cours de l’hépatite fulminante sont limi-
est due au paracétamol, l’insuffisance rénale peut se pro- tés, la transplantation hépatique devrait être réalisée avant
longer et nécessiter une période transitoire de dialyse. En ce que n’apparaisse une hypertension intracrânienne prolon-
qui concerne les patients qui ont dû bénéficier de la trans- gée entraînant des lésions neurologiques irréversibles. Dès
plantation hépatique en urgence, les taux de survie à un et le stade III de l’encéphalopathie, les patients doivent être
trois ans sont identiques à ceux enregistrés pour les patients intubés et sédatés prudemment. Les patients ne doivent
transplantés dans le cadre d’indications posées en dehors de pas être stimulés. Les mesures posturales de suréléva-
l’urgence. tion de la tête peuvent être appliquées en association
avec un bon contrôle de la volémie, une hypo- ou une
hypervolémie pouvant être délétères. La mise en hyperven-
Prise en charge thérapeutique tilation peut également apporter un bénéfice transitoire.
Des perfusions intraveineuses de mannitol peuvent être réa-
La prise en charge passe avant tout par un diagnostic lisées chez les patients ayant une fonction rénale normale.
précoce de l’hépatite fulminante, l’identification de son En cas d’échec de ces approches, le pentobarbital peut
étiologie, l’appréciation de son pronostic et l’orientation être administré avec beaucoup de précautions et certaines
du patient vers un service de réanimation hépatologique équipes réalisent un monitoring par électroencéphalogra-
en contact étroit avec une équipe de transplantation hépa- phie. L’administration d’antagonistes de benzodiazépines,
tique. Une approche organe par organe est nécessaire en comme le flumazenil, ont montré des améliorations tran-
raison des complications multiviscérales potentielles. sitoires du coma, tout comme l’hypothermie (32 ◦ C). En
résumé, ces mesures pour réduire l’hypertension intracrâ-
Atteinte neurologique centrale nienne sont le plus souvent inefficaces ou efficaces que
de façon très transitoire. Par conséquent, la transplanta-
Encéphalopathie hépatique tion hépatique ou les techniques de foie artificiel devraient
C’est un des critères diagnostiques de l’hépatite fulminante. être pratiquées en urgence chez les patients présentant une
L’intérêt du lactulose est controversé, pouvant améliorer les aggravation des fonctions neurologiques, avant le dévelop-
encéphalopathies de grade I ou II, mais devant être évité pement de l’hypertension intracrânienne.
pour les grades III ou IV. En plus de son absence d’effet
bénéfique en cas de coma avancé, certains effets secon-
daires peuvent restreindre son utilisation : perturbations Troubles respiratoires
électrolytiques et majoration du météorisme abdominal en
cas d’ileus. Il est important d’éviter de prescrire des séda- L’intubation est nécessaire lorsque l’encéphalopathie
tifs afin de ne pas aggraver artificiellement l’altération des s’aggrave profondément. Les détresses respiratoires dues à
fonctions supérieures. Dans cette optique, il est important une inhalation et de nature infectieuse peuvent être des
d’éviter les antiémétiques ayant des fonctions sédatives et contre-indications à la transplantation hépatique.
616 C. Colin et al.

Défaillance cardiovasculaire été clairement établi dans le cadre de l’hépatite fulmi-


nante. Néanmoins, la lamivudine est utilisée pour le virus
Les patients doivent être absolument maintenus en euvo- de l’hépatite B dans le but de diminuer la réplication virale
lémie puisque l’hyper- ou l’hypovolémie peuvent s’avérer et de diminuer le risque de récidive sur le greffon en cas
extrêmement délétères. Le but de la prise en charge sera de transplantation hépatique. Pour le virus de l’herpès, un
de maintenir un bon débit cardiaque en évitant d’apporter traitement par acyclovir doit être institué.
de grands volumes de remplissage. Les drogues inotropes Glucocorticoïdes. En raison du risque infectieux, les glu-
positives permettent d’augmenter le débit cardiaque, mais cocorticoïdes ne devraient être prescrits qu’en cas de forte
elles réduisent l’extraction de l’oxygène par les tissus. Le suspicion d’hépatite auto-immune et rapidement arrêtés en
monitoring cardiovasculaire doit être prudent et pas trop l’absence d’effet bénéfique net.
invasif en raison du risque de saignement. Généralement, N-acétylcystéine. Elle est efficace en cas d’intoxication
la mesure de la pression veineuse centrale est aussi perti- au paracétamol [10], en débutant de préférence dans les
nente que la pression artérielle pulmonaire et est suffisante huit heures suivant l’ingestion du paracétamol et au maxi-
si le patient ne présente pas d’hypotension artérielle sévère mum dans les 24 heures. Le bénéfice de la N-acétylcystéine
ou d’oligurie. Certains centres ont développé des mesures peut également se manifester pour les hépatites fulmi-
non invasives comme l’échocardiographie transcutanée ou nantes non liées au paracétamol et est actuellement en
transœsophagienne. cours d’évaluation.
Prostaglandine E1. La prostaglandine E1 a montré un
intérêt dans les hépatites fulminantes d’origine virale.
Complications infectieuses Néanmoins, les études contrôlées n’ont pas confirmé les
bons résultats initiaux. Par conséquent, son utilisation n’est
Le risque de complications infectieuses est important chez pas recommandée.
les patients atteints d’hépatite fulminante. Il est important Insuline et glucagon. Bien que bénéfique expérimentale-
de surveiller les poumons, les urines, le sang, les crachats et ment sur la régénération hépatocytaire, l’administration
les effractions cutanées. Chaque geste invasif doit être réa- d’insuline et de glucagon n’est pas recommandée puisque
lisé dans des conditions d’aseptie stricte. Certaines équipes les essais contrôlés n’ont pas été concluants.
réalisent des antibioprophylaxies dès que les patients
atteignent un coma stade III et sont intubés. Il semble
raisonnable de débuter par une association de pénicil- Transplantation hépatique
line (pipéracilline/tazobactame, ampicilline/sulbactame) La transplantation hépatique a révolutionné le pronostic des
ou une fluoroquinolone, et de la vancomycine pour couvrir hépatites fulminantes qui ne régressent pas spontanément,
les cocci Gram+. Un antifongique (fluconazole ou itracona- donnant des taux de survie supérieurs à 90 % à un an [11].
zole) sera ajouté en l’absence d’amélioration au bout de Les contre-indications absolues sont les suivantes : un sep-
24—48 heures. sis non contrôlé, l’acidose métabolique non corrigeable, la
défaillance multiviscérale, l’hypotension réfractaire et une
pression de perfusion cérébrale constamment inférieure à
Défaillance rénale 40 mmHg. Les contre-indications relatives sont la thrombose
de la veine porte ou mésentérique. Une attention parti-
Il est important d’optimiser la volémie et le débit cardiaque culière est à porter pour les patients ayant une hépatite
afin de maintenir la perfusion rénale. Une épuration extra- fulminante liée à la consommation volontaire de produits
rénale peut être nécessaire si le traitement médicamenteux toxiques ou dans le cadre d’une tentative de suicide. Mal-
n’est pas suffisant. heureusement, peu de foies sont disponibles à partir de
donneurs cadavériques et, bien que les hépatites fulmi-
Gastro-intestinale nantes aient un statut prioritaire sur les listes d’attente,
30 % à 50 % des patients décèdent au cours de l’attente de
L’hémorragie digestive haute est fréquente au cours de transplantation. Pour contourner ce problème, la transplan-
l’hépatite fulminante. Pour cette raison, la prescription tation hépatique à partir de donneur vivant a été développée
préventive d’inhibiteurs de pompe à protons devrait être [12]. Néanmoins, elle doit être évaluée dans des essais
instituée. contrôlés.

Troubles de la coagulation Foie bioartificiel


Le concept de dialyse hépatique pour détoxification san-
guine et synthèse biologique spécifique des hépatocytes
Malgré la coagulation intravasculaire disséminée, la perfu-
est attrayant. Des dispositifs biologiques qui contiennent
sion de plasma frais congelé ne devrait être faite qu’en cas
des hépatocytes de porc (bioartificial liver, BAL) ou
de geste invasif ou en cas d’hémorragie active.
humains (extracorporeal liver assist device, ELAD) sont
en cours d’évaluation clinique. En parallèle, des systèmes
Prise en charge spécifique de l’hépatite non biologiques de type molecular absorbent recircula-
tion system (MARS) permettent d’extraire des molécules
Traitements médicamenteux liées aux protéines par un processus de dialyse, bien
Agents antiviraux. L’intérêt de l’emploi d’agents antivi- qu’étant en cours d’évaluation, donnent des résultats pro-
raux ciblant les virus des hépatites B ou C n’a jamais metteurs [13]. Ces systèmes pourraient constituer une
Prise en charge des hépatites aiguës jusqu’à la transplantation hépatique 617

solution d’attente intéressante avant la transplantation acute and chronic liver diseases. Scand J Gastroenterol
hépatique. 1989;24:299—303.
[4] Munoz SJ, Robinson M, Northrup B, Bell R, Moritz M, Jarrell B,
et al. Elevated intracranial pressure and computed tomography
Greffe d’hépatocytes
of the brain in fulminant hepatocellular failure. Hepatology
Cette technique consiste à la transplantation d’hépatocytes
1991;13:209—12.
cryopréservés par injection intrasplénique ou intrahépa- [5] Osawa M, Ito Y, Hirai T, Isozumi R, Takakura S, Fujimoto Y,
tique via les artères splénique ou hépatique, ou bien la veine et al. Risk factors for invasive aspergillosis in living donor liver
porte. Les succès obtenus chez l’animal doivent mener à des transplant recipients. Liver Transpl 2007;13:566—70.
études contrôlées chez l’homme [14]. [6] Schiodt FV, Atillasoy E, Shakil AO, Schiff ER, Caldswell C,
Kowdley KV, et al. Etiology and outcome for 295 patients with
acute liver failure in the United States. Liver Transpl Surg
Conclusion
1999;5:29—34.
[7] O’Grady JG, Schalm SW, Williams R. Acute liver failure: rede-
L’hépatite aiguë, quelle qu’en soit l’étiologie, ne met en jeu fining the syndromes. Lancet 1993;342:273—5.
le pronostic vital que si elle prend l’aspect d’une hépatite [8] O’Grady J, Alexander GJ, Hayllar KM, Williams R. Early indica-
fulminante. Il s’agit alors d’une affection dont le pronos- tors of prognosis in fulminant hepatic failure. Gastroenterology
tic est très mauvais à court terme et, bien souvent, seule 1989;97:439—45.
la transplantation hépatique en urgence permet de sau- [9] Schafer DF, Shaw Jr BW. Fulminant hepatic failure and
ver le patient. Malheureusement, beaucoup de patients ne orthotopic liver transplantation. Semin Liver Dis 1989;9:
189—94.
peuvent pas en bénéficier dans de bonnes conditions et
[10] Smilkstein MJ, Knapp GL, Kulig KW, Rumack BH. Efficacy of
des approches alternatives ou dites « d’attente » sont en
oral N-acetylcysteine in the treatment of acetaminophen over-
cours d’évaluation, notamment les systèmes de foie bioar- dose; analysis of the national multi-center study. N Engl J Med
tificiel ou la transplantation d’hépatocytes cryopréservés. 1988;319:1557—62.
Ces techniques, espérons-le, devraient permettre à l’avenir [11] Ascher NL, Lake JR, Roberts JP. Liver transplantation for ful-
d’améliorer très nettement le pronostic effroyable de cette minant hepatic failure. Arch Surg 1993;128:677—82.
affection, voire d’éviter pour certains patients la transplan- [12] Reding R, de Goyet JV, Delbeke I, Sokal E, Jamart J,
tation hépatique. Janssen M, et al. Pediatric liver transplantation with cadave-
ric or living related donors: comparative results in 90 elective
recipients of primary grafts. J Pedriatr 1999;143:280—6.
Références [13] Novelli G, Rossi M, Pugliese F, Poli I, Ruberto E, Martelli S,
et al. Molecular adsorbents recirculating system treatment in
[1] Reigler JL, Lake J. Fulminant hepatic failure. Med Clin N Am acute-on-chronic hepatitis patients on the transplant waiting
1993;77:1057—83. list improves model for end-stage liver disease scores. Trans-
[2] Fingergote RF, Bain VG. Fulminant hepatic failure. Am J Gas- plant Proc 2007;39:1864—7.
troenterol 1993;88:1000—10. [14] Park SM, Vo K, Lallier M, Cloutier AS, Brochu P, Alvarez F,
[3] Almal T, Schroeder T, Ranek L. Cerebral blood flow and et al. Hepatocyte transplantation in the Long Evans Cinnamon
liver function in patients with encephalopathy due to rat model of Wilson’s disease. Cell Transplant 2006;15:13—22.

Vous aimerez peut-être aussi