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Réalisé par :
Abdessamad Ouazente
Ayoub Dou-tayeb
Année universitaire
2019-2020
SOMMAIRE
La bonne foi est une notion très ancienne. Datant manifestement du droit
romain. Si l’on remonte aux origines, la bonne foi apparaît avant tout comme une
notion d’inspiration religieuse. La bona fides1, source de la bonne foi, implique
alors la nécessité de respecter la parole donnée. Avec le temps, elle a évolué et
recouvre à l’heure actuelle une conception beaucoup plus large, mais beaucoup
plus difficile à appréhender.
1
J. BENZACAR, De la bonne foi. Ses effets sur les contrats du Ier au VIe siècle de l’Empire en droit romain, Th.
Bordeaux, 1890, p. 11 et s.
beaucoup plus accusé ; tantôt, enfin, une pure notion juridique, le produit d’une
technique très particulière »2.
2
R. VOUIN, La bonne foi. Notion et rôle actuels en droit privé français, LGDJ, 1939, n°19, p. 29.
3
Professeur, Droit privé et sciences criminelles, École de Droit de la Sorbonne
4
B. FRELETEAU, Devoir et incombance en matière contractuelle, Th. Bordeaux, 2015, p. 120.
les parties contractantes. Elle exige en outre que chaque partie tienne compte des
intérêts de l’autre.
- Devoir de loyauté :
Dès sa conclusion, le contrat est par hypothèse source de comportements,
c’est-à-dire une attitude consistant à promettre de donner, faire ou ne pas faire
quelque chose, selon un ordre déterminé.
L’exécution de l’obligation contractuelle consiste donc en l’accomplissement
de ladite attitude, conformément au but fixé par les parties. Mais le contrat n’est
pas un simple point d’équilibre entre des contractants aux intérêts divergents, car
au-delà des intérêts propres, la recherche d’un intérêt commun doit les animer.
C’est pour cette raison qu’il existe un devoir de loyauté dans l’exécution du
contrat, avalisé par le législateur et sanctionné par les tribunaux. La loyauté
s’apprécie en fonction d’un comportement "raisonnable" d’un contractant.
La loyauté contractuelle traduit, par le biais de la transparence, la nécessité de
dire la vérité à son partenaire contractuel sans chercher à la transformer.
- Devoir de persévérance :
5
CA Aix-en-Provence, 9 juillet 1961, D. 1961, p. 593.
6
Cass. civ. 1ère, 9 octobre 1985, Bull. civ. I, n°251, D. 1986, p. 417, note J. PENNEAU ; Gaz. Pal. 1986, 1, p. 150,
note Ph. BERTIN (dentiste) ; Cass. civ. 1ère, 21 mars 1995, RCA 1995, n°214.
7
Cass. civ. 3ème, 28 octobre 2003, RDC 2004/2, p. 231, note A. BÉNABENT.
- Un comportement honnête et raisonnable :
- Devoir de coopération :
La bonne foi implique également un certain devoir de coopération entre les
contractants, qui peut être plus ou moins marqué selon la nature du contrat. Ce
devoir de coopération peut même devenir l’essence du contrat9.
Dans les contrats où le lien de confiance entre les parties est essentiel, le
devoir de coopération est fort. C’est le cas du contrat de mandat10 et surtout du
contrat de travail ou du contrat d’édition qui ne peuvent se maintenir que s’il
existe entre les parties de véritables rapports de confiance.
Le devoir de coopération s’est également développé dans des contrats créés
par la pratique commerciale qui reposent sur une sorte « d’affectio contractus »11,
8
A. BÉNABENT, « Rapport français », in La bonne foi (Journées lousianaises), H. CAPITANT (Asso.), Litec,
tome XLIII, 1994, p. 293.
9
Y. PICOD, « L’obligation de coopération dans l’exécution du contrat », JCP 1988, I, p. 3318.
10
Cass. com., 24 novembre 1998, Bull. civ. IV, n°277, D. 1999, IR, p. 9 ; JCP 1999, II, p. 10210, note Y. PICOD ;
JCP 1999, I, p. 143, n°6 et s., obs. Ch. JAMIN ; Rép. Déf. 1999, p. 371, obs. D. MAZEAUD ; RTD civ. 1999, p. 98,
obs. J. MESTRE. – L’article L. 134-4, alinéa 2, du Code de commerce dispose d’ailleurs que : « Les rapports entre
l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ».
11
J. MESTRE, « L'évolution du contrat en droit privé français », art. préc., spéc. p. 51 ; J.-M. LELOUP, « La
création de contrats par la pratique commerciale », in L'évolution contemporaine du droit des contrats, PUF,
Journées René SAVATIER, 1986, p. 167 et s.
en vertu duquel les parties doivent collaborer dans le but d’atteindre un objectif
commun.
Dans un certain nombre de contrats, le devoir de coopération implique
également une obligation de faciliter l’exécution du contrat. De nombreux
exemples illustrent cette obligation. Ainsi, un expéditeur est tenu de faciliter le
transport international en remettant aux entreprises du chemin de fer, les
documents nécessaires à la douane12, le voyageur doit veiller à l’identification de
ses bagages, ou bien encore, l'auteur lié par un contrat d'édition doit corriger les
épreuves et donner le bon à tirer…etc.
- Devoir de fidélité :
Le devoir de fidélité impose aux contractants de ne rien faire qui porterait
préjudice à la bonne exécution du contrat. Il s’agit d’exécuter le contrat en étant
fidèle au but fixé par les parties et aux obligations essentielles du contrat,
c’est-à-dire celles qui étaient déterminantes du consentement13.
12
Civ., 10 avril 1929, DP 1930, 1, p.28 ; CA Paris, 19 mai 1977, D. 1977, IR, p. 91.
13
J. ROCHFELD, Cause et type de contrat, op. cit., n°332.
PARTIE II : LA PORTEE DE LA BONNE FOI DANS LES
RELATIONS CONTRACTUELLES
À la lecture de l’article 231 DOC, il est évident que la règle selon laquelle
l’engagement doit être exécuté de bonne foi est une règle impérative. La même
disposition légale ne détermine pas les différentes sanctions au cas où l’un des
deux cocontractants est de mauvaise foi, les grandes sanctions posées sont prévues
dans des cas bien précis et dans des contrats réglementés par le Dahir sur les
obligations et contrats14. Les règles impératives ont des caractères bien définis et
entrainent des conséquences assez précises.
Tout d’abord, ces règles relèvent de l’ordre public, ensuite, elles peuvent
s’imposer même si elles ne sont pas expressément stipulées dans le contrat, enfin,
leur violation peut être soulevée à tout moment de la procédure et même d’office
par le juge. Il y a une certaine relation à établir entre l’obligation de l’exécution du
contrat de bonne foi et le renvoi à la loi, à l’usage et à l’équité pour déterminer
l’étendue des obligations des parties contractantes. Il y a lieu de remarquer que les
rédacteurs du code civil marocain donnent à la loi une valeur prépondérante au
détriment de l’usage et de l’équité.
Cette place donnée à la loi reflète ce penchant pour le positivisme juridique ; il
n’y a pas de système juridique que celui qui découle des lois positives. Il y a une
certaine relation à établir entre l’obligation de l’exécution du contrat de bonne foi
14
Exemple de sanctions prévues dans le DOC, les dispositions de l’article 574 DOC
et le renvoi à la loi, à l’usage et à l’équité pour déterminer l’étendue des
obligations des parties contractantes.
Il y a lieu de remarquer que les rédacteurs du code civil marocain donnent à la
loi une valeur prépondérante au détriment de l’usage et de l’équité. Cette place
donnée à la loi reflète ce penchant pour le positivisme juridique ; il n’y a pas de
système juridique que celui qui découle des lois positives.
Une relecture de l’article 231 DOC peut renverser l’ordre proposé par cette
disposition légale ; en effet, l’éthique dans la relation contractuelle est déterminée à
travers l’équité et l’usage mais exprimée dans la loi ; cette dernière serait
l’expression d’un ordre de conduite préexistent au contrat. Un ordre de conduite
s’imposant de facto et impose aux parties contractantes de se comporter
“convenablement” de telle façon à réaliser l’équité dans la relation contractuelle ;
c’est dire que les parties liées par le contrat doivent collaborer positivement pour
réaliser la finalité et l’objet de la convention. Cette idée est nettement présentée par
le professeur Pascal ANCEL dans son article intitulé « les sanctions du
manquement à la bonne foi contractuelle en droit français à la lumière du droit
québécois15; il est dit dans cet article : « La montée du rôle de la bonne foi dans le
droit français des contrats a en effet suscité, au sein de la doctrine française, de
multiples controverses, qui ont principalement opposé les tenants de la doctrine
solidariste, lesquels –bien qu’avec de multiples nuances – voient dans le contrat,
dans la lignée de Demogue, cette « petite société » où les partenaires sont censés se
comporter « fraternellement », et les auteurs, toujours très nombreux, attachés à
une conception libérale du contrat, qui craignent que la consécration d’un tel
principe n’aboutisse à renforcer l’interventionnisme judiciaire et à compromettre la
sécurité de l’outil contractuel.
Ces controverses, qui gagneraient sans doute à être davantage nourries de droit
comparé, ont cependant contribué à concentrer l’attention de la plupart des auteurs
sur le domaine et le contenu de l’exigence de bonne foi, l’essentiel de la littérature
consistant à dérouler – plus ou moins loin – le tapis des très nombreux devoirs ou «
obligations » auxquels sont tenus les parties : loyauté, coopération, tolérance,
cohérence, patience, sincérité, honnêteté, persévérance, entre autres16.
15
Mélanges en hommage à Daniel Tricot, Paris, Dalloz-Sirey/Litec, 2011, p. 61 et suiv. V° aussi, conférence
prononcée le 121 mars 2010 dans le cadre des activités de la Chaire Jean-Louis Baudouin en droit civil de
l’Université de Montréal.
Ces dernières valeurs sont censées être présentes à la formation et à l’exécution
du contrat ; mais si on considère que ce sont seulement des valeurs morales, il est
très pertinent de se poser la question sur leur valeur juridique, sur leur caractère
contraignant. La doctrine et la jurisprudence se doivent de trouver la justification
au caractère impératif du code de bonne conduite à l’occasion de la conclusion
d’un contrat ; il serait intéressant de développer ce code qui donnera plus de
crédibilité à la relation contractuelle
17
Article 553 DOC.
La même règle est retrouvée dans le cadre des articles 573 et 574 DOC et cette
fois-ci, c’est par rapport aux délais pour agir et ester en justice en cas de
revendication par l’acheteur du droit de garantie de la chose vendue « Toute
action résultant des vices rédhibitoires, ou du défaut des qualités promises, doit
être intentée, à peine de déchéance :
Pour les choses immobilières, dans les 365 jours après la délivrance ;
Pour les choses mobilières et les animaux, dans les 30 jours après la
délivrance, pourvu qu'il ait été donné au vendeur l'avis dont il est parlé à
l'article 553.
Ces délais peuvent être prolongés ou réduits d'un commun accord par les parties.
Des articles 371 à 377 s'appliquent à la déchéance en matière d'action
rédhibitoire » ; la sanction de la mauvaise foi est retrouvée dans l’article 574 DOC
: « Le vendeur de mauvaise foi ne peut opposer les moyens de prescription établis
en l'article précédent, ni toute autre clause limitant sa garantie. Est de mauvaise foi
tout vendeur qui aurait employé des manœuvres dolosives pour créer ou dissimuler
les vices de la chose vendue ».
Après avoir privé le vendeur du bénéfice des déchéances que devait subir
l’acquéreur, le code des obligations et contrats sanctionne encore le
cocontractant de mauvaise foi, l’article 264 DOC commence déjà par déterminer
les composantes de la réparation en précisant que :
« Les dommages sont la perte effective que le créancier a éprouvée et le gain
dont il a été privé, et qui sont la conséquence directe de l'inexécution de
l'obligation »
Dans le même article, il est indiqué que « l'appréciation des circonstances
spéciales de chaque espèce est remise à la prudence du tribunal : il doit évaluer
différemment la mesure des dommages-intérêts, selon qu'il s'agit de la faute du
débiteur ou de son dol18.
L’article 264 DOC permet au juge de sanctionner non seulement l’inexécution
contractuelle mais également la mauvaise conduite et le mauvais comportement du
cocontractant ; à notre sens, le tribunal doit en plus de la condamnation de l’auteur
de la faute à la réparation de la perte effective et du manque à gagner qui sont des
18
Article 553 DOC
éléments quantifiables, doit aussi allouer des dommages intérêts à la victime pour
réparer le dommage moral en cas d’établissement d’une faute dolosive commise
par l’un des cocontractants.
Le code civil marocain est très rigoureux vis-à-vis des parties au contrat
agissant de mauvaise foi ; l’article 232 ne leur permet pas de stipuler dans le
contrat qu’elles ne seront pas tenues de leur faute lourde ou de leur dol.
La pratique judiciaire révèle malheureusement que le recours aux règles
d’équité dans les relations contractuelles est quasiment absent et par conséquent
même les dispositions de l’article 264 DOC prévoyant que « l'appréciation des
circonstances spéciales de chaque espèce est remise à la prudence du tribunal qui
doit évaluer différemment la mesure des dommages-intérêts, selon qu'il s'agit de la
faute du débiteur ou de son dol » ne sont pratiquement jamais appliquées, alors que
les dispositions légales actuelles permettent aux juges d’imposer une véritable
éthique dans les relations contractuelles et de mettre sur pied aussi un véritable
code de conduite et de comportement pour moraliser et valoriser les relations
contractuelles.
BIBLIOGRAPHIE
LES OUVRAGES :
- Marie Annik GRÉGOIRE, Liberté, responsabilité et utilité ; la bonne foi
comme instrument de justice, coll. « Minerve », Cowansville, Éditions Yvon
Blais, 2010.
- Jean PINEAU, Danielle BURMAN et Serge GAUDET, Théorie des
obligations, 3° éd., Montréal, Thémis, 1996.
- Yves PICOD, Le devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, LGDJ, 1989
- Isabelle Alvarez, Essai sur la notion d’exécution contractuelle, L'Harmattan,
2017