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l'U.P.C ..

une révolu ion


manquée? ,
- abel eyinga
COPYRIGHT AFRICA - TOUS DROITS RESERVES
I.S.B.N. 2-907768-14-X
I.S.S.N. 1140-2407
ABEL EYINGA

Docteur en droit à l'Université


de Paris, diplômé de la
Chambre de Commerce
britannique de Paris, breveté de
l '&:ole Nationale de la France
d'outre-mer, Abel Eyinga a
travaillé en 1961 au premier
ministère du Gouvernement
Camerounais de Y aouodé en
qualité de chef de service du
contentieux administratif, puis
comme fonctionnaire international au secrétariat général des
Nations Unies, puis dans le journalisme avant d'embrasser
l'enseignement
Abel Eyinga est auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels
on retiendra :
Mandat d'arrêt pour causes d'élections ;
Introduction à la politiaue camerounaise
Démocratie de Yaounde.

7
TABLE DES MATIERES
1 ·

INTRODUCTION Page 11

lère partie :L'UPC, Mouvement


Unitaire Page 13

CHAP l : Création Page 15


CHAP 2 : L'initiative Page 33
CHAP 3 : La dissolution Page 77

2ème partie : La clandestinité


et la cassure
(1955-1990) Page 87

CHAP 4: Jusqu'à la mort de UM Page 89


CHAP 5 : L'UPC légale Page 101
CHAP 6 : L 'UPC de l'extérieur Page 119

3ème partie :La Re-création


ou l'UPC des Héritiers Page 143

CHAP 7: Du 23 Novembre1990
à Juin 1991 Page 145

Annexes Page 160


Chronologie Page 178
Tableau récapitulatif Page 187
Ahréviations Page 188
nihliographie sommaire Page 190

9
INTRODUCTION

C'est un défi au bon sens, à la logique et à l'hisLoire,dc voir


le doyen des partis politiques camerounais solliciter aujour-
d'hui son droit à l'existence auprès d'un partiadm inistratif,de
dix huit ans plus jeune que lui .
Mais il ne s'agit là que del 'un des paradoxes dont est faite
l'histoire tumultueuse de l'Union des Populations du Came-
roun, U.P.C. Une autre singularité veut quel 'aîné des partis
camerounais ait passé !rente quatre de ses quarante trois
années d'existence dans la clandestinité et que, depuis 1958,
l'une des activités principales de l'UPC consiste, pour ce
parti, à s'opposer à lui-même.
Quand J'UPC sort du maquis, l 'UPC condamne les traîtres
ralliés au néocolonialisme. Quand l 'UPC siège au parlement,
l'UPC dénonce les dépuLés fantoches. L'UPC se réunit-elle
en congrès, aussitôtl'UPC fustige l'opération de récupération
au profit du pouvoir il1égitime de Yaoundé. Et depuis 1991,
c'est contre l'UPC que l'UPC défend son sigle, sous l'arbi-

Il
L 'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE

tragc du régime néocolonial dont l'UPC est par vocation


chargée de guérir le Cameroun.
Cc parti a pourtant marqué l'histoire du Cameroun comme
aucune autre organisation ne lavait fait avant lui. Cc fut ainsi
pendant ses dix premières années d'existence (1948-1958),
au cours desquelles il parvint à conserver son unité contre
vents et marées, sous le leadership incontesté des pères
fondateurs, et plus particulièrement du plus illustre d'entre
tous: Ruben Um Nyobé. Sa disparition tragique et prématu-
rée, en 1958, a plongé le Mouvement dans un désarroi dont il
n'est pas encore parvenu à se remettre.
Evoquer l'histoire de I'UPC, c'est en présenter à la fois et
les paradoxes et les réalisations patriotiques. Cette évocation
ne peut se faire en quelques pages, tant la matière est riche et
variée. Il nes'agiradonc ici, tout au plus, que d'un plan à peine
détaillé que le lecteur se chargera de meubler avec les maté-
riaux proposés à cette fin.
Et si des erreurs sont relevées ici ou là dans le texte, elles
ne peuvent avoir élé commises que de bonne foi.L'auteur est
disposé à les corriger dans une seconde édition de l'essai.Un
livre sur I'UPC est un livre que l'on ne finit pas d'écrire.
Un fil conducteur simple, la chronologie, relie les trois
parties de l'ouvrage, lesquelles sont autant de moments im-
portants de notre histoire récente. Les faits sont évoqués dans
l'ordre de leur déroulement dans le temps : de la création de
1' UPC en 1948 à sa recréation à Douala en 1991, en passant
par la sombre période de la clandestinité.

12
IEREPARTIE

L'UPC, MOUVEMENT UNITAIRE


(1948-1958) ,
1

CREATION

Le 10 avril 1948, douze Camerounais se retrouvent discrè-


temeQt dans un café-bar à Bassa, banlieue de Douala. Ils ont
emprunté chacun son propre itinéraire pour se rendre au lieu
de rendez-vous. Au bout de quelques heures de discussion, ils
adoptent les statuts d'un mouvement politique sur le principe
duquel l'unanimité existait depuis près d'un an parmi les
patriotes. Son nom : Union des Populations du Cameroun
(UPC).
L'événement se déroule comme le plus ordinaire des faits
divers. Il n'est annoncé ni par un simple communiqué, ni par
une déclaration publique, et encore moins par une conférence
d · presse. C'est la preuve de l'expérience et de la maturité
1<.:4uises par les douze acteurs en scène, dont la plupart sont
1k<: syndicalistes.
l '1 >urquoi des syndicalistes et pourquoi 1948 ?

15
L'UPC: UNE REVOLtmON MANQUEE?

Pourquoi des syndicJllistes

Ce n'est~ un fait du hasard si, parmi les douze partici-


panls à la réunion nocturne du 10 avril 1948 à Bassa, figu-
rruent, entre autres :
-Jacques NGOM, membre du Bureau directeur del 'Union
des syndicats confédérés du Cameroun (USCC) et Secrétaire
général de l'Union régionale des syndicats de Yaoundé;
-CharlesASA'ALE,secrétairegénéraladjointdel'USCC
et, en cette qualité, membre du Conseil économique et social
à Paris pour le compte de la CGT .
- HONùT Guillaume, secrétaire administratif de l'USCC
- ETOUNDI Joseph-Raymond, Léopold MOUME-ETIA,
YEMI Georges et NGOSSO Théodore, tous membres du
Bureau Directeur de l 'USCC...
Ceue présence en force des syndicalistes s'exptique et se
justifie par un fait tout à fait simple : c'est panni eux que se
recrutaient, à l'époque, les militants les mieux fonnés politi-
quement. Ils avaient reçu cette fonnation en un temps record
et grâce au dévouement de jeunes progressistes français arri-
vés au Cameroun en 1944. L'un d'eux, Gaston Donnat, s'est
particulièrement investi dans cette entreprise désintéressée -
mais pleine de risques -de cornm unication des connaissances
aux «sujets françaiS» que nous étions alors.
De véritables cours privés ont été organisés à cette fin, dans
lecadrede«Cerclesd'étudessocialesetsyndicales~.celuide
Yaoundé, dirigé par Donnat, a fonctionné de juin 1944 à
septembre 1945. Ainsi, lorsque le décret gaulliste du 7 août
1944 étendant la liberté syndicale dans les colonies françaises
est entré en vigueur, un personnel capable de diriger des syn-
dicats était prêt à entrer en scène. Quelques noms des Came-
rounais ainsi fonnés à Yaoundé et à Douala : Ekwalla Ebe-
nerer, Akono Claude, Moumé-Etia, Paul Nyunaï, Ngosso
Théodore, Etoundi Joseph-Raymond, Georges Yémi, Ngo 'o
Mebe Jean, Nkek Eugène, Amu'u Jean, Ebakissé P., Zolo,

16
CREATION

Philémon Salcouma, Ngom Jacques, Medu G~ton, Charles


Asa'ale, Akono David. Ruben Um Nyobé ...
Tous ces cadres n'ont pas fait carrière dans le m ilitantisrne
syndical. Mais pour ceux qui l'ont fait à fond, et sincèrement,
le champ d'action a vite débordé Je terrain purement syndical
pour déboucher sur la politique. Il était donc normal qu'en
cette année 1948, où le lancement d'une organisation politi-
que était à l'ordre du jour, les syndicalistes se retrouvent aux
premières loges.

Pourquoi 1948 ?

L 'UPC n'est pas sortie du néant, et le syndicalisme n'ex-


plique pas tout. Le 10 avril s'inscrit dans le cadre d'un
processus poli tique dont on peut situer l'origine au congrès de
laJEUCAFRAen 1945.
La «Jeunesse Camerounaise Française~ (Jeucafra) était
un · organisation administrative animée par des prête~noms
mdigènes. Son fondateur invisible, mais réel, était le gouver-
ut ur français Richard Brunot, arrivé au Cameroun vers la fin
1h · 1918. C'est lui qui a conçu et organisé la Jeucafra en 1939.
on t>ut: s'opposer à un éventuel retour du Cameroun à l 'Al-
'' lllllJ nc.C'étaitl'époqueoù lerégimenazinecachaitplusses
I'" •• 11t1< n surcequ'ilappelaitsonempirecolonialafricain.
1 v n ment sans précédent, les Camerounais, simples
111c t français», se trouvaient ainsi encouragés par lecolo-
11 11t ur lui même à prendre une position politique, alors
111 1I· Ill' 1< uissaient pas des libertés démocratiques. C'est en
11 t • li Camerounais que revint la tâche de porter à travers
11 1 1 1 111('>." gcanti-hitlériendelaJeucafraetdemobiliser
1 1 n rons6quence.
h1 l tr.1tJit1onncls, pensionnés de l'Administration,
111 111 , 111 1 d'olftc dans le mouvement aux destinées
Ir 111dp1t. tl 11M. PaulSoppoPrisoavec,àscscôlé ,André
• 1 <>i11t h. ( 11 t' 1>rt•;id nt), Louis-Marie Pouka (sccré-

17
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

taire), PauJ Mon thé (conseiller), et bien d'autres encore. Etant


le seul cadre autorisé au sein duquel les Camerounais pou-
vaient discuter et commenter librement l'actualité politique,
la Jeucafra a fini par attirer, pendant les quatre années de
guerre, une grande partie de l'intelligentsia camerounaise de
l'époque. On peut affirmer, sans risque de beaucoup se uom-
per, qu'enl945 la quasi totalité des fonctionnaires en poste à
Douala et à Yaoundé appartenaient à la Jeucafra ou entrete-
naient avec elle des rapports variés. Tout cela, avec la béné-
diction politique et le concours financier du gouverneur.
Mais, au moment où la Jeucafra se réunit en congrès à
Douala, peu après lagrèvesanglantedescptembre 1945,l'una-
nim ité du début pour dénoncer les prétentions allemandes sur
le Cameroun.commence à se désagréger De nouvelles préoc-
cupations mobilisent les esprits, faisant apparaître des cli-
vages au sein de l'organisation du gouverneur. Face aux in-
conditionnels del 'Administration, s'affinnent de plus en plus
ceux qui pensent que la défaite de l'hitlérisme, à laquelle de
courageux volontaires camerounais ont largement contribué
sur différents champs de bataille en Afrique et en Europe, a
changé l'ordre des priorités, et que c'est à l'égard du coloni-
sateur français qu'il fallait désormais fonnulerdes exigences.
Les facilités de tous ordres mises à la disposition des orga-
nisateurs du congrès par l 'Administration n'ont pas réussi à
étouffer le nouveau message véhiculé par les patriotes. Il a
subjugué les congressistes d'un bout à l'autre des travaux, et
c'est par un compromis de circonstance que l'équipeSoppo a
été reconduite à la tête du mouvement qui, lui, changeait de
nom pour devenir l'UNICAFRA: Union Camerounaise Fran-
çaise.
Ce changement d'appellation s'accompagnait en fait d' un
changement d'orientation puisqu'avant de se séparer, le con-
grès a formulé une série de revendicationsallantde la suppres-
sion de l'indigénatàl 'institution d'une Assemblée territoriale
dotée d'un véritable pouvoir législatif, en passant par la

18
CREATION

création de conseils régionawc élus. Devant le risque de voir


le contrôle de l'association lui échapper, J' Administration a
montré les dents et rappelé vertement aux dirigeants de I 'Uni-
cafra, fonctionnaires pour la plupart. leur double subordina-
tion à son autorité. Cela a suffi pour plonger l'organisation
dans une hibernation proche de la mort. Cela, au moment
précis où, en A.O.F., un grand mouvement anticolonialiste
venait de voir le jour à Bamako: il s'agit du Rassemblement
Démocratique Africain (R.D.A.).
N'ayant pu faire adopter leur conception égalitaire et dé-
mocratique de l'Union Française, des députés africains à
l'Assemblée constituante française à Paris se sont retrouvés
au Soudan (Mali actuel), avec des délégués venus de diffé-
rents territoires d' AEF et d' AOF, pour créer un mouvement
capable d'infléchir l'évolution dans un sens favorable à nos
pays. Ce mouvement est né le 21 octobre 1946 sous le nom de
Rassemblement Démocratique Africain.
Cinq délégués venus du Cameroun ont participé au congrès
de Bamako : Djoumessi Mathias, Medou Gaston, Manga
Lobé, Azômbô Nsomôtô et Takala Célestin. Le Cameroun
allait-il rester en dehors de l'évolution politique qui s'annon-
çait en AOF ?.
Ceue préoccupation n'interpellait pas toUL le monde avec
la même intensité. Mais les membres les plus con se ientisés et
les plus engagés del 'Unicafra ne pouvaient continuer à se sa-
tisfaire du grand sommeil dans lequel leur organisation avait
sombré. Certains se mirent donc à réactiver les Cercles d' étu-
des sociales et syndicales qui avaient été les pépinières des
premiers syndicalistes, certains autres à improviser des orga-
nisations politiques de rechange tel, par exemple,le Mouve-
ment Démocratique du Cameroun (MOC) lancé par Léopold
Moumé-Etia et dont il était lui-même le secrétaire général.
Ainsi,malgrél 'interdiction de fait del 'Unicafra, lespatrio-
tt· ·continuaient de se retrouver, de s'interrogeret de réfléchir
\Ur l' avenir national de notre pays, jusqu'au jour où l'idée

19
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE

d'un congrès du mouvement mort-né obtint les suffrages de


tout le monde. Dans quelles conditions ? Un témoin de
l'époque, Um Nyobé, raconte: _
En février 1947, un accord intervint entre M. Soppo Priso,
alors président del' Unicafra et les responsables des mouve-
ments progressistes en présence (Mouvement Démocratique
du Cameroun, Cercles d'études sociales, Front inter-colo-
nial, etc), pour la convocation d'un congrès dit «Congrès du
Bloc Camerounais» au sein duquel unefusion de tous les mou-
vements précités devait être réalisée en vue de la constitution
d'un mouvement unique.
Les convocations furent lancées dans ce sens. Le congrès
ouvrit ses travaux à Douala le 30 mars Mais, peu avant l' ou-
verture du congrès, M. Soppo Priso fit connaître aux respon-
sables des autres mouvements que le congrès demeurait un
congrès del' Unicafra. Celte astuce fut vite comprise; le 31
mars, tous les orateurs qui se succédèrent à la tribune con-
damnèrent la politique opportuniste et la démagogie del' Uni-
cafra et réclamèrent la dissolution de ce parti et de tous les
mouvements existants et la constitution d'un nouveau Mouve-
ment Camerounais. Malgré les tentatives de sabotage et de
provocation multipliées par les hommes des colonialistes,
l'action de masse imposera la dissolution del' Unicafra au
sein de son propre congrès et fera aboutir les travaux à la
création du Rassemblement Camerounais (RA CAM)( 1)...
Si le congrès de l'Unicafra a commencé par dissoudre
toutes les organisations politiques antérieures, c'était pour
leur substituer un mouvement unique, regroupant toutes les
énergies. Une sorte de front unique à l'échelle territoriale et à
l'imageduRDAqui,lui,canalisaittoutes les forcesdeprogrès
au niveau de I' AEF et de I' AOF. .

1) Rapport présenté par U m Nyobé au premier congrès de l'UPC à Dschang,


le 10 avril 1950. Cité dans l'ouvrage de J.A. Mbembe "Ruben Um Ny~:
Ecrits sous maquis"; Edition l'Harmauan, Paris, 1989,page49.

20
CREATION

Le but du nouveau mouvement ainsi créé, le RA CAM (Ras-


semblement Camerounais), est clairement défini à l'article 3
de sa «Charte des populations autochtones du Cameroun»:
-Affermir la volonté de participer à !'oeuvre d'émancipation
des populations autochtones dans le cadre des lois internatio-
nales;
- Etre l'unique trait d'union entre le territoire et ses représen-
tants aux Assemblées métropolitaines et locales;
Travailler par tous les moyens et dans tous les domaines au
r Jèvement politique, économique, moral et social desautoch_-
tooes.
Deux organes sont chargés de réaliser ce but sur le terrain
une Assemblée de cent membres, élue au suffrage universel et
: u sein de laquelle «la répartition des sièges se fait suivant
l '1mportance de la population de chaque région ou groupe de
11 gions». Exemple:
Unmiléké 13 sièges ; Ntem 9 sièges; Haut-Nyong 5 sièges;
ouri 10 sièges ; Nord-Cameroun, Bénoué, Adamaoùa 15
11 CS ••.
Deuxième organe institué: un Comitéexécutif. Les moyens
< H"ssources») mis à la disposition de 1' Assemblée et du
< 'u11itésontqéfinisavec an luxe de détails dans les articles 16
18 de la Charte. Celle-ci prévoit son entrée en vigueur dès la
1 lnrurcducongrès,c'est-à-dire le6avril 1947; elle précise, en

' 11lrt'. qu'elle sera «communiquée au Gouvernement (fran-


1 ) c t à tous les représentants du pays au Parlement fran-

1 111 u .11tsc sans peine que sil' Administration coloniales' était


11 ' "' ( mal à l'aise avec les timides revendications de l'Uni:
111 1, rslllansunecolèresansnomqu'allaientla plonger les
11 ni •<Hl 1111ïniment plus audacieuses du Racam.
11 ' • .t pourtant pas du gouverneur qu •allaient venir les
1 1 1111• 1 1 .1 lions hostiles au Racam, mais des incondition-
1 111w1owia1sdc l' Administration, effrayés par uncévolu-
1 1 111 ' il rw parv naicnt plus ni à contenir, ni à contrôler. Il

21
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

se sont retirés d'ewc-mêmes du Rassemblement Nombre


d'entre eux allaient devenir les meilleurs auxilliaires du gou-
verneur dans sa campagne contre le Racam. Dans une lettre
datée du 12 avril 1947. L.M. Pouka dénonce, par exemple,
Monthé Paul qui «monte une propagande subversive contre le
RassemblemenlCamerounais. Monthéauraitrassemblé, dans
le Quartier Etranger, plus de deux cents Bamiléké et leur
aurait suggéré l'idée de rédiger des lettres par lesqaelles ces
Africains doivent déclarer ne point adhérer au Rassemble-
ment Camerounais».
Pouka était le responsable à l'infonnation du Racam.
Autres membres du Bureau: Kingué Jong. président (ancien
vice-président de l'Unicafra); Massouké Daniel, secrétaire
(c'est lui qui avait présidé le congrès de 1947) ; Ekwalla
Essaka, trésorier ; Etoundi Joseph, Um Nyobé, Faemgem
Pierre ...
L'hostilité irréductible de I' Administration a rendu impos-
sible toute ·tentative de fonctionnement du Racam. Résultat:
jusqu'à la fin de 1947, il n'existait toujours pas au Cameroun
d'organisation politique digne de ce nom. Pourtant, la néces-
sité d'un tel groupement était ressentie par tous les patriotes.
Pour eux, seul un parti bien structuré pouvait contribuer effi-
cacement à mettre fin à la série de revers politiques qu'ils
subissaient depuis 1945.
En matière d'élection, par exemple, ils n'avaient encore
réussi à faire élire aucun des leurs. Aux dernières élections du
10 décembre 1946 à lAssemblée nationale française, leurs
deux candidats, Kingué Jong et Asa'ale, ont sévèrement
mordu la poussière: le premier nommé contre Jules Ninine
(SFIO) dans la circonscription Nord: 2.424 suffrages contre
2.684; et le second contre le prince Alexandre Douala Manga
Bell (MRP),dans la circonscription Sud : 715 suffrages con-
tre 7.659.
A Paris aussi. où Asa'ale venait de rejoindre son poste au
Conseil Economique et Social, la situation inconfortable des

22
CREATION

nationalistescamerounaispréoccupaitnon seulement les par-


lementaires du RDA, mais aussi la C.G.T. et le Parù Commu-
niste Français.
C'est dans ces circonstances qu •Asa' ale débarque à Doua-
la dans les premiers jours d'avril 1948avec,danssaserviette,
un projet de statuts du mouvement polilique à créer. C'est ce
texte que les douze pionniers du café-bar de Bassa ont eu à
étudier dans la nuit du JO avril 1948

Les douze de chez "SIERRA"

Qui a participé à la réunion du 10 avril 1948 ? Cest une


gageure, aujourd' hui, d'établir la liste exacte des douze pères
fondateurs de l'UPC.
Leur réunion n'a fait l'objet d'aucun procès-verbal, pas
même de la part des services officiels de renseignements dont
1' agent, induit en erreur par une fausse information, s'était re-
trouvé ce jour-là del' autrecôté du fleuve, à Bonabéri,pendant
que les Douz.e conféraient tranquillement à Bassa, dans le
çafé-bar dit «Chez Sierra», du nom de son propriétaire espa-
•1101, ou portugais. Il ne reste donc que le témoignage des in-
u r ssés.Or.auboutdequaranteans,quellcmémoirehumaine
1w pr6senterait pas des défaillances?
Deux faits peuvent cependant être considérés comme éta-
it le • ilsétaicntbienau nombrededouz.eet Um Nyobé,qui ne
1 uouvait pas à Douala ce jour-là, n'a pas assisté à la réunion

111 10 avril 1948.


Nous croyons exacte à 75 ou 80 % la liste publiée ci-après,
11mus avons marquéd 'unecroix les noms de ceux dont il est
1 11 près certain qu 'ils se trouvaient chez Sierra ce soir-là. Le
1 11 ur pourra comparer notre liste à celle établie par l'histo-
1 11 Arl.albert Owona, qui a effectué le même travail de
111 .111ut1on.(2)
'ALE Charles * MOUME-ETIA Léopold
c1AI , Guillaume * NGOM Jacques
23
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

* BOULI Léonard * NGOSSO Théodore


* ETOUNDI Josepb-R BIBOUM Jacques-René
* HONDT Guillaume *Y AP Emmanuel
MANGA MADO H-R YEMI Georges
Le véritable problème, aujourd'hui, n'est pas de savoir qui
était chez Sierra. Certes il est important de participer à la
création d'un parti politique, mais il est encore beaucoup pl us
utile - et sans doute aussi plus difficile - de l'organiser sur le
terrain, de lui donner une âme et des moyens concrets d'ac-
tion. L'itinéraire politique des douze pères fondateurs de
l'UPC, après 1948, confirme le bien-fondé de cette observa-
tion car celui qui, par son action irremplaçable, a fini par
incarner l' UPC et le nationalisme camerounais n'assistait pas
à la réunion historique du 10 avril.
Avant de se séparer, les Douze ont doté le Mouvement d'un
Bureau provisoire, complété le lendemain dimanche. Sa
composition était dictée par le souci de ne pas éveiller I' atten-
tion des autorités. Il a ainsi été décidé, d'un commun accord,
de ne pas y faire figurer les grands ténors du mouvement syn-
dical qui étaient tous fichés et faisaient l'objet d'une sur-
veillance policière de tous les instants.N'ont donc été retenus
que les"camarades pas encore trop en vue", à savoir:
Secrétaire général : BOULI Léonard, commis des Services
civils et financiers, Domaine, Douala ;
SG-adjoint: BAGAL Guillaume, convoyeur aux Chemins de
fer du Centre ;
Trésorier général : YAP Emmanuel, agent de la Maison PZ;

2) Liste publiée par M. Adalbert Owona, dans une étude intitulée "L'UPC et
le RDA (1946-1955)", et présentée au colloque d'Abidjan eo 1986 :
Charles Assale Jacques Essomba Ebengue
Léonard Bouli - Ernest Owona
J-REtoundi GuillaumeBagal
H-RMangaMado J-RBiboum
Pie Wulstan &lyegue Emmanuel Yap
PaulMenyem'Anjembe MamaNjoya.

24
CREATION

Trésorier-adjoint: BIBOUM J-R, élève comptable de Mme


Crognier, à Douala.
Il est assez surprenant que, pour la rédaction des statuts, les
Douze se soient départis de l'altitude de prudence qui sem-
blait inspirer chacun de leurs actes. Car, le moins que l'on
puisse dire est quel' articJe premier dcsdits statuts ne pouvait
que faire sursauter le gouverneur René Hoffherr: Il est cré.é au
Cameroun un mouvement dénommé «Union des populations
du Cameroun» qui a pour but de grouper et d'unir les habitants
de ce territoire en vue de penneure l'accession des peuples du
Cameroun à la fonnation d'une fédération par la réalisation
d'un programme poli tique de démocratisation rapide, d 'éman-
cipation des populations exploitées par les trusts coloniaux et
d'élevation de leur standard de vie.
Les statuts de I'UPC ont été déposés à la mairie de Doual:t
le lundi 12 avril, à 10h50 minutes.
Le lendemain, mardi 13 avril, un «Appel aux Camerou-
nais» annonçait à la population la création du mouvement
llont«leprogrammed'action se résume en un seul mot d'or-
dre: Union de tous les Camerounais quelles que soient leurs
t onceptions philosophiques ou religieuses, pour la lutte con-
tre le colonialisme.
Tous les textes organiques ayant été mis au point, y
compris le réglemcnt intérieur, l 'UPC pouvait faire son entrée
1tans le monde.

l.es premiers pas

La première sortie de l 'UPc dans le monde a pris la fonne


1l' unc réunion publique à Douala, dans la salle des fêtes
.1' kwa. Mais que de péripéties, d'épreuves et de tractations
1 ;mt ce jour béni de jui11 1948 !
t 1h1t•nir l'enregistrement des statulS de l'UPC n'a pas été un
11 1vail de tout repos. Sachant que le mouvement ne pouvait
1 romrnenceràfonctionnerpleinementavantl'obtentiondu

25
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

récépissé officiel attestant que les autorités avaient bien pris


connaissance des statuts et les avaient enregistrés, les services
du gouverneur n'ont pas hésité à tirer avantage de leur position
pour tenter de faire plier le jeune parti naissant La situation
pouvait ainsi se résumer: le récépissé contre certaines modi-
fications des textes organiques, et même du- Bureau provi-
soire.
Juridiquement, l 'Administration était tenue de délivrer le
récépissé en question, sauf si elleparvenaità établir que l'UPC
poursuivait un but contraire à la loi, ou attentatoire aux bonnes
moeurs, ou si une association existante portait déjà le nom
UPC.
La différence avec la situation actuelle est considérable.
Aujourd'hui, le ministre RDPC del' Administration Territo-
riale peut refuser le récépissé non seulement pour les motifs
qui viennent j'être évoqués, mais également- et surtout - sur
la base de l'appréciation politique, ou de simple opportunité,
qu'il porte sur le parti en cours de formation. Et c'est l'auto-
risation accordée par lui qui fonde, en réalité, le parti ; sans
elle, Je parti est censé n'avoir jamais été créé. Elle est consti-
tutivede l'organisation. Telleestlasituationenrégimedenon
liberté de création des partis politiques, telle qu'elle se ttouve
aujourd'hui chez nous!
Dans l'autre situation où prévaut la liberté de création des
associations et partis politiques, comme au Cameroun en
1948, I' Administration se borne à prendre acte, par l'opéra-
tion matérielle de l'enregistrement, de l'existence d ' un parti
déjà créé.Elle ne délivre pas d'autorisation pour que le parti
puisse voir le jour. Ellen 'apporte pas d'appréciation, politique
ou autre, sur ledit parti. Son rôle est comparable à celui de
l'officier d'étal civil à qui l'on vient annoncer la naissance
d'un enfant Ce t agent public n'estpour rien dans la venue au
monde du nouveau-né, à la «création»duquel il est totalement
étranger. Tout cc qu'il a à faire, c'est de constater, de déclarer
officiellementqu ' un enfant est néà tel endroit, de tels parents,

26
CREATION

tel jour, el de délivrer aux intéressés une attestation officielle


appropriée. Mais même sans cette attestation (acte de nais-
sance, récépissé) l'enfantcontinuera d'exister, mais il n'aura
pas d'acte de naissance.
Un officier d'étal civil véreux peut mettre des conditions
pour délivrer un acte. Un tel comportement est illégal el con-
damnable. Il ne peut pas durer indéfiniment, mais il est
susceptible d'entraîner des retards préjudiciables pour ceux
qui ont intérêt à obtenir tout de suite l'acte dont ils ont besoin.
Les fondateurs del 'UPC se trouvaient dans cette position in-
confortable en 1948.
Les services du gouverneur pouvaient jouer sur des len-
teurs administratives calculées, et parfois même provoquées,
pour faire pression sur les patriotes ; ils n'ont pas hésité à
utiliser ce moyen. Mais le gouverneur disposait aussi d'autres
anneslui pennettantdepassercarrémentàl 'offensive. En tant
que supérieur hiérarchique des fonctionnaires da la colonie, i1
pouvait agir directement sur les individus.L'une des grandes
faiblesses de 1'UPC naissante était de compterpanni ses prin-
cipaux responsables une grande majorité de fonctionnaires.
Le secrétaire général du Mouvement, Léonard Bou li, allait
être la première victime de l'offensive déclenchée par René
Hoffherr. Subitement, il est affecté à Abong-Mbang, dans
l'Est Est-ce dans l'intérêt du service public ? Non. A la
demande de l'intéressé? Non plus. Simplement pour séparer
Bouli de ses camarades et, ce faisant, désorganiser la direction
de l' UPC.
Les Douze, devenus treize depuis que Um les a rejoints (3),
1 ·agissent aussiiôt en remaniant le Bureau provisoire. Il faut
faire appel à des personnages dont le nom pourrait atténuer
l' hostilité del' Administration. Soppo Priso, membre de I' Ar-
'' IJéjà le 15 avril, on le vit à Doualaen compagnie de Baga! Guillaume; et
1 l<ldu même mois, un rapport de police signalait sa présence à une réunion
•h• ou moins secrète de l'UPC au quattier Bamvele, sous la pré~idence de
!.t11l1.

27
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

cam et conseiller de l'Union Française, leur prodigue des


conseils dans ce sens. Finalement, le 6 mai, on se retrouve au
domicile de Bagal Guillaume à Douala et un nouveau Bureau
provisoire de l'UPC est formé. En voici la composition:
Secrétaire général : Etienne Libâi, fontionnaire Météo,
Douala;
SG- adjoint : Bouli Léonard ;
Secrétaire-adjoint : Guillaume Baga! ;
Trésorier Général : Emmanuel Yap ;
Trésorier adjoint: Jacques Biboum;
Membres : Nkoudou Raphaêl, secrétaire permanent ; Owona
Ernest-Marie, clerc à la Chambre de Commerce de Douala.
L"'Appel aux Camerounais" ainsi que les statuts, onl été
revus et corrigés. L'article premier des nouveaux statuts re-
Lrouvait ainsi une formulation beaucoup plus anodine :
Il est créé au Cameroun un mouvement dénommé «Union
des Populations du Cameroun» (abréviation U.P.C.) qui a
pour but de grouper et d'unir les habitants de ce territoire en
vue de permettre l'évolution plus rapide des populations et
l'élevation de leur standard de vie.
Cette nouvelle version des statuts a été déposée à la mairie
de Douala le 14 mai 1948. Deux semaines plus tôt, l 'Adminis-
trateur-maire de la ville adressait la note suivante au Haut-
Commissaire à Yaoundé :
"Je serais enclin à interdire cette association, mais encore
ne faudrait-il pas que cette mesure soit interprétée ou habile-
ment exploitée en invoquant les articles de la nouvelle cons-
titution.
Si lautorisation était accordée, il devrait être formelle-
ment précisé que la moindre agitation de nature à troubler
l'ordre public, à nuire à la Puissance tutélaire où à porter
atteinte à la vie des personnes, entraînerait immédiatement
la dissolution de cette association".
A Paris aussi, l'on se préoccupait du sort réservé à Doua
la aux statuts del' UPC, notamment dans les milieux du RDA

28
CREATION

et du Parti Communiste. Dans une lettre du 3 juin adressée à


Um, le secrétaire général du RDA, Gabriel d' Arboussier, lui
annonce qu'une délégation de son mouvement avait eu une
entrevue avec le ministre de la France d'outre-mer à Paris et
que la question del' approbation des statuts de l' UPC avait été
soulevée à cette occasion. Le même d' Arboussier s'était lui-
même entretenu du même problème avec le gouverneur Hoff-
herr, de passage à Paris.
Ce chassé-croisé d'actions et d'interventions a conduit au
9 juin 1948, date à laquelle l' Administration a finalement
consenti à accuser officiellement réception des statuts de
l' UPC,endélivrantlefameux récépissé.Le bref communiqué
publié à ceue occasion par le Bureau provisoire ne cachait pas
la joie de ses auteurs:
«Nous avons la joie de vous annoncer la création et l 'appro-
bation d'un mouvementdénommé «Union des populations du
Cameroun»...
Réaction immédiate du gouverneur, télégraphiée à Bagal
Guillaume : •
«Vous invite rapporter votre affirmation entièrement
inexacte, selon laquelle gouvernement aurait approuvé cons-
titution U.P.C. Avons simplement accusé réception des sta-
tuts,cequi nesignifiepasapprobation. Agissements ultérieurs
de cette association restent pleinement responsables devant
tribunaux».
L'avertissement était clair. brutal et sans nuance. Loin de se
terminer, la guerre avec I' Administration coloniale ne faisait
ciue commencer. Mais iln'endemeuraitpasmoins que l'UPC
venait de remporter la première manche. Elle entendait profi-
l! r de la trève pour achever de se structurer.
Le 17 juin 1948, l'UPC ajoute à son nom la mention
5ection Camerounaise du RDA». Cette affiliation a reçu sa
unsécration au mois de janvier 1949 à Abidjan. lors du
on grès du grand mouvement panafricain. Les mêmes assises
1111tportéRuben Um Nyobéau poste de vice-président du Ras-

29
L'UPC: UNE REVOLlITION MANQUEE?

semblement démocratique africain.


La réunion du 17 juin avait aussi décidé de la tenue sans
retard d'un rassemblement populaire au cours duquel l 'UPC
se présenterait au peuple de Douala. Le rassemblement a pris
la fonne d'un meeting à la Salle des Fêtes d' Akwa le 22juin
Près de cinq cents personnes ont répondu à l'invitation du
Mouvement. Un franc succès pour l'époque. L'ascension
réalisée en l'espace de deux mois (10 avril - 22 juin 1948)
relevait du vertige ! SeuJs Bouli et Libaï ont eu à prendre la
parole au cours de cette première grande sortie dans le monde,
bien que tous les autres membres du Bureau provisoire fussent
présents.ainsi que UmetAsa'ale. Ducôtédupublic,on notait
la présence des chefs traditionnels Ekwalla Essaka et Lobé-
Bell; celle aussi des représentants du Ngondo.
Ceue réunion publique a incontestablement lancé l'action
de propagande de l'UPC. L'accession de Um Nyobéau sécré-
tariat général du Mouvement, cinq mois plus tard, allait la
faire monter encore de plusieurs crans.
C'est en effet au mois de novembre 1948 que Ruben Um
Nyobé a été plébiscité par ses pairs, au cours d'une réunion à
Douala du Comité Directeur élargi, pour prendre la direction
de l'UPC. Le nom de Moumé-Etia avait d'abord été avancé,
mais l'intéressé a décliné l'offre pour des raisons personnel-
les; puis il a proposé le camarade qui lui semblait être
l'homme de la situation: Um Nyobé.Depuis 1946 qu'il se
trouvait à la tête de la centrale syndicale USCC (Union des
syndicats confédérés du Cameroun), Um avait administré la
preuve de ses talents d'organisateur, d'animateur et de con-
ducteur d'hommes. Le fait de quitter la fonction publique
coloniale lui a permis de retrouver sa pleine indépendance
personnelle et de meure fin à toute subordination hiérarchique
à l'égard du gouverneur. Sur le plan extérieur aussi, Um était
l'un des rares patriotes, peut-être avec Asa'ale, à avoir à
l'époque noué des reJations utiles avec les hommes, Jes
organisations et les pays sur Jesquels les nationalistes pou-

30
CREATION

vaienl compter en cette période difficile de démarrage de la


guerre froide. Et que dire de ses qualités personnelles : sa
simplicité, son honnêteté, son sens de la justice, son courage et,
par dessus touî, son amour désintéressé et sans 1irn ite pour le
ameroun.
Um parlait et écrivait couramment sa langue maternelle ;le
hassa : il a même traduit les statuts del 'UPC dans ceue langue.
Il comprenait et parlait aussi bulu et duala.
L'accession de Um Nyobé au poste de Secrétaire général de
l' UPCaincontestablementapportéàcetteorganisationunedi-
111ension nouvelle. Un plus. Età partir de ce moment, l'initia-
11veallaitchangerdecamp: elle allait passer aux nationalistes.

31
Il

L'INITIATIVE

La reconnaissance officielle de I'UPC a entraîné un c~an­


gemenL radical des données du problème opposant l' Adminis-
rration coloniale aux nationalistes camerounais. Pour la pre-
mière fois, l'initiative a changé de camp: elle est passée du
côté des patriotes. C'était l'aboutissement du long processus
de conquête entamé depuis le congrès de la Jcucafra en 1945.
Désormais, le mouvement nationalisteaIJait pouvoir appli-
quer son programme d'union des Camerounais en vue de la
réunification et de l'indépendance de notre pays. C'est la
période glorieuse del' histoire del' UPC . La période construc-
tive et de réalisations.

L' Union des Camerounais


La politique de l'UPC, en matière d'union, répond aux
d ux questions suivantes: l'union pourquoi ? l'union com-
ment?

33
L'UPC : UNE REVOLUTION MANQUEE?

a) L'union pourquoi ?

Pourl'UPC, l 'Wlion n'estpasunefin en soi, mais un simple


moyen indispensable et nécessaire qui permet d'atteindre le
but défini à l'article premier des statuts, à savoir «1 'évolution
plus rapide des populations et l'élévation de leur standard de
vie ...»
C'est une évidence qu'en rangs dispersés, les populations
du Cameroun n'atteindront jamais, ou alors très difficilement,
le but proposé. Si par contre elles parviennent à se regrouper,
à conjuguer leurs efforts en mettant ensemble Jeurs énergies,
leur intelligence et leur savoir-faire, le succès ne fait aucun
doute, l'union faisant la force. Chacune de nos langues .pos-
sède une formulation imagée de cette sagesse populaire . Il
n'est donc pas besoin de grandes démonstrations pour con-
clure quel 'union est une nécessité, puisqu'elle est la condition
du succès, c'est-à-dire de l'évolution plus rapide des popula-
tions et de lélévation de leur standani de vie. Mais il ne suffit
pas de constater la nécessité d'une chose pour que cette chose
se réalise; encore faut-il s'organiser et agir de manière à en
provoquer la réalisation. Alors, comment et sur quelles bases
réaliser l'union des Camerounais?

b) L'union comment?

L 'UPC exclut toute union fondée sur une idéologie, laïque


ou religieuse. Plus d'une fois le Secrétaire général du Mouve-
ment a eu à réfuter la malveillante accusation portée à l' UPC
d' ê&re communiste Les autorités coloniales françaises et leurs
alliés, de 1'intérieuret de l'extérieur, brandissaient invariable-
ment la même accusation contre tout mouvement de libératio
nationale en activité dans la colonie.
Le 10 avril 1950 à Dschang, Um Nyobé s' exprimaitainsi au
sujet de cette malveillance :
"On nous traite de communiste. Or, toutle monde sait que nous

34
L'INITIATIVE

ne sommes pas une organisation communiste. Nous ne disons


pas cela parce que nous détestons les communistes ou que nous
avons peur d'être communistes, mais parce que nous considé-
rons que la lutte pour notre libération nationale n'a pas à tenir
compte de telle ou telle idéologie.
L'accusation d'anti-français que l'on nous porte est égale-
mcntdénuéedetoutfondemenL Noussommessimplementan-
licolonialistes et antiracistes ... »
L'autre formed'unionqu'exclutl'UPCestcelle fondée sur
une classe, une catégorie sociale ou un quelconque groupe
d'intérêts. L'histoire montre que toute union réalisée sur de
telles bases finit toujours par devenir hégémonique, en ce sens
a
que les intérêts de la catégorie privilégiée tendent prendre le
pas sur ceux des groupes non privilégiés.
L'appel à 1' union del 'UPC s'adresse donc indistinctement
à tous les Camerounais de toutes les catégories, comme l'af-
firme son Secrétaire général :
«Pour grouper el unir les populations, nous faisons appel
aux Camerounais, hommes el femmes, sans considération de
lasse ni de religion, sans considération même d'opinion poli-
tique, mais à la seule condition d'accepter notre programme,
qui est anticolonialiste».
L 'UPC se définissait en effet, à!' époque, comme un Mou-
vement, un Rassemblement, el non comme un parti polilique
l lassique avec ce que cela implique de considération idéologi-
4uc ou d'appartenance sociale. Et selon le Secrétaire général
du Mouvement, il suffisaitd'êtreanlicolonialistepoursesentir
11 ut à fait à l'aise au sein de l' UPC.
Mais le fait d'être anticolonialiste conslitue-t-il une quali-
1 , une donnée pouvant garantir les intérêts de Lous les Came-
rounais?
1, réponse de l'UPC est oui. Si l'unionnedoitsefonderni sur
urrc idéologie, ni sur une fraction de la population, sa véritable
hase ne peut et ne doit être que les intérêts communs des
1 'amerounais de toutes les classes sociales, de toutes les tribus,

35
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

de toutes les religions, de tous les partis politiques.Le princi-


pal de ces intérêts communs à long tenne, est le développe-
ment (pour employer un tenne à la mode aujourd'hui), que les
statuts de l' UPC appellent modestement l'élévation du stan-
dard de vie des populations. Pour le moyen terme, et même
pour tout de suite, l'UPC propose deux autres intérêts com-
muns: la réunification et l'indépendance du pays. Mais tout le
monde réaJise-t-il, en 1948, l'importance et la portée de ces
deux intérêts communs? La question se pose avec d'autant
plus de pertinence quel' Administration et ses alliés de! 'inté-
rieur et de l'extérieur entretenaient une intense propagande
hostile à ces deux objectifs.
C'est ici qu'apparaît un autre facteur essentiel dans! 'action
del 'UPC: la formation des Camerounais. En somme, l'union
par la fonnation des citoyens.
La formation est entendue ici dans son sens le plus large :
- Formation civique qui vise à faire prendre conscience aux
Camerounais de leur existence en tant que communautépatio-
nale ;-
Fonnation politique générale indispensable pour exercer le
métier de citoyen et qui, dans le cas des Camerounais de 1948,
doit amener tout le monde à réaliser la nécessité de la réuni-
fication et de l'indépendance de notre pays;
-Formationgénéraledanslesétablissementsd'enseignement,
à tous les niveaux, et dont J'UPC a toujours réclamé l'exten-
sion quantitativeetqualitativeL 'un des principaux thèmes de
débat proposés au premier congrès de l'UPC, en 1950, était
ainsi formulé par le Secrétaire général:
- "Formation des militants et éducation de la masse, car l'UPC
n'est pas une sorte d'état-major où l'on discute ; c'est un
mouvement de masse où les larges couches de la population
doivent prendre conscience de leur rôle dans la lutte de li-
bération nationale, dans la lutte pour la démocratie et la paix".
L'UPC s'est dotée d'une panoplie infinie de moyens lui
pennettant de transmettre son enseignement. La presse écrite

36
L'INITIA1lVE

en constituait l'armature principale. Pas moins de quatre


titres, dont le plus important et le plus régulier dans sa parution
demeure sans conteste «La Voix du Cameroun». Dans son
rapport au congrès de l'UPC de 1950, Um rappelle à ses
camarades que leur Mouvement est la première section
territoriale du RDA à avoir lancé un organe de presse par ses
propres moyens. li s'agit précisément de La Voix du Came-
roun, dont il dit qu'elle connaît quelques difficultés passagè-
res, maisjouitdéjàd 'une grande sympathie de Lous les milieux
africains et de quelques milieux non autochtones. Les cinq
procès intentés contre elle témoignent de son rayonnement
Certaines séries d'articles parues dans La Voix du Came-
roun sont restées gravées dans la mémoire des Camerounais.
C'est le cas, par exemple, de la sécie intitulre «Le procès de
lincompréhension» publiée dans les numéros 6,7,9 el 10 du
journal; lccasaussidelasérieayanleu pour titre «Danger Au-
jouJat» ...
A côté de La Voix du Cameroun, il y a lieu de citer les au-
tres publications périodiques du Mouvement qu'étaient
Lumière, Etoile, Vérité.
Signalons aussi les nombreuses brochures et fascicules di-
vers qui conl.ribuaient à compléter l'action de la presse pério-
dique. Quant aux rapports du Secrétaire général du Mouve-
mentetà ses interventions aux Nations Unies, ils constituaient
de véritables documents de référence aussi bien pour les
membres de l'UPC quepourLOus les Camerounais qui s'inté-
ressaient à l'évolution de leur pays. Jusqu'aujourd'hui, ils
demeurent des travaux à consulter pour quiconque désire
comprendre celte période de notre histoire.
La formation se donnait aussi dans les meetings, les confé-
rences publiques et par le procédé des débats contradicLoires
rides polémiques. La formation, tellequelaconcevaitl 'UPC,
11 'est pas quelque chose de passif, un endoctrinement ou un
rlogme que lon acquiert par la foi. La vériiable formation est
clynamiqueetc'estauxmembresdu Mouvementqu'incombe

37
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

le devoir de la donner.
Acetégard.une«Recommandationn°l»duComitéDirecteur
invite les dirigeants des comités de base à se comporter comme
des «catéchistes devillage ou des quartiers dans lesquels ils
assument des responsabilités politiques».
Ils sont invités à rendre périodiquement visite aux membres
et sympathisants de leur secteur, à s'intéresser au vécu quoti-
dien de leurs voisins afin de les aider à résoudre les problèmes
qui les confrontent L'union des Camerounais suppose une
grande solidarité, qu'il appartient à chaque membre del' UPC
de cultiver autour de lui, où qu'il se trouve. Ce comportement
constitue, en outre, un moyen efficace et sûr pour attirer les Ca-
merounais vers leur mouvement national.
«Le programme de l'UPC comprend deux parties : les re-
vendications particulières intéressant toutes les catégories de
la population, d'une part, et la grosse question de notre marche
vers l'indépendance, d'autre part.»(4)
LerapportdeUmaucongrèsdeDschangfourmilled'exem-
ples d'interventions de la direction du Mouvement en faveur
des catégories aussi variées que les cultivateurs, les éleveurs,
les victimes des Sociétés indigènes de prévoyance (SIP), les
prisonniers, les anciens combattants, les victimes du premier
examen du baccalauréat au Cameroun.
Posons-nous maintenant la question de savoir comment
1'UPC vivait t•union en son sein. Est-ce que. par sa structure
et son fonctionnement. l'UPC répondait bien à l'impératif de
t•union?
Laissons la parole au Secrétaire général pour nous présen-
ter cet aspect de son Mouvement :
«L 'UPC est dirigée par un Comité Directeur composé des
membres élus qui représentent eux-mêmes de~ mganismes de
base du mouvement. Viennent immédiatementles Comités ré-
gionaux et centraux qui groupent des comités de base dans
4) Um Nyobé à Kumba,Jes 14-17 décembre 1951 .

38
L'INITIATIVE

certaines contrées ou divisions administratives. Enfin vien-


nent les comités de base (comités de village, comités de
quartier,comitésd'entreprise)quiconstituentlesorganismes
essentiels du mouvement Leur rôle consiste à populariser les
mots d'ordre de l'UPC, à dénoncer tout ce qui est contraire à
l'intérêt des populations du Cameroun. à aider les masses à
s'organiser pour la réalisation des objectifs poursuivis par
l'UPC. La plus haute instance du mouvement est le congrès.
au sein duquelsontélusle Bureau et le Comil.é Directcur» ....Et
comment accè.de+on aux postes de responsabilité au sein de
l' UPC ? Um Nyobé répond:
«Pour grouper et unir les habitants du Territoire. nous
pensons que le premier pas consiste à engager une lutte
résolue contre le tribalisme et le clanisme, contre tout ce qui
peut animer les haines tribales et les divisions de clan. Liant
les ac les aux paroles, nous avons donné lexemple par la façon
de distribuer les postes dirigeants de l'UPC qui ne tient
compte que de l'action militante de leurs titulaires, sans autre
considération. Une note sera publiée incessamment pades
soins de l'UPC sur la question tribale et le tribalisme. Cette
note montre comment notre Mouvement entend apporter une
solution à cc problème que nul ne saurait m6conn?ître. mais
que nous considérons à juste titre comme ne constituant pas un
obstacle à la réalisation de l'indépendance» ...
Le premier congrès de J'UPC s'est réuni à Dschang le 10
avril 1950, date anniversaire de la création du Mouvement Il
s'agissait, au départ, d'une simple réunion du Comité Direc-
teur, élargie aux représentants des divers organes de base.
Mais compte tenu du nombre de délégués accourus de diffé-
rents coins du pays, tout ce monde rassemblé a décidé, à
I 'unarùmité, de transfonner la réunion en premier congrès de
l'UPC. Ce congrès a élu le premier Comil.é Directeur de
l'UPC conformémentallJ( statuts, ainsi que le premier Bureau
du Comité Directeur, ainsi composé:
Président: DJOUMESSI Mathias, Chef traditionnel, pré-

39
L 'UPC : UNE REVOLUTION MANQUEE?

sidcnt du Kumzse ;
V-présidents : - BAGAL Guillaume, planteur, ancien chemi-
not;
- ESSI Essama Philippe, planteur;
- MOUMIE Félix-Roland, médecin africain;
- NOUMOUWE Samuel, secrétaire de police ;
Secrétaire général : UM NYOBE Ruben ;
Trésorier général : YAP Emmanuel, comptable.
La présidence de l'UPC n'était pas un poste prévu par les
statuts du Mouvement. Il a été conçu sur place dans le but de
consolider les relations del 'UPC avec l'association tradition-
nelle bamiléké, le Kumzse, conformément à la politique
inaugurée parle mouvement nationaliste et qui déplaisait par-
ticulièrement à l' Administration coloniale. Des approches de
même nature, effectuées auprès del' association traditionnel le
du peuple douala, le Ngondo, commençaient à produire de
bons résultats, l'assemblée générale du groupement douala
ayant acceptéd 'appuyer l'UPC dans ses revendications natio-
nales. La chose surprit à tel point les autorités coloniales
qu'elles ne purent s'empêcher d'exprimer leur étonnement
dans le Rapport annuel aux Nations Unies sur le Cameroun:
«Ilestsignificatif qu'uneAssemblée traditionnelle comme
le Ngondo de Douala, conservatricepar essence et par intérêt,
ait ouvert ses portes à la présence et à l'influence des diri-
geants de l'UPC. C'est un de ces curieux avatars de la
politique camerounaise en voie de rapide et continuel le trans-
formation, et qui recherche encore les normes dG sa personna-
lité».
Il va sans dire que le gouverneur français seul connaissait
cette «pcrsonnalité»etces«normes», etqu 'il entendait les im-
poser aux Camerounais. C'est pourquoi, une fois la surprise
passée, I' Administration entreprit de faire revenir le Ngondo
sur sa décision. Elle a su trouver les arguments qu ' il fallait
pour cela, et le chef Lobé Bell semble avoir joué un rôle
détenninanl dans Je revirement spectaculaire du groupement

40
L'INITIATIVE

Le Kumzse, ou plus exactement son président Djoumessi,


allait se voir appliquer le même traitement Et comme ils'était
déjà compromis gravement avec un organe de l'UPC, cet
organe aussi allait subir le déplaisir des colon.ialistes. Les mal-
heurs survenus au Comité Directeur élu à Dschang ont été
soigneusement rapportés par Um aux congressistes d'Eséka
·n 1952:
«AulendemaindesassisesdeDschang,lescolonialistesat-
r.aquèrent au vif en procédant à l'arrestation massive et arbi-
traire de la majorité des membres du Comité Directeur de
l' UPC,Président et Secrétaire général du Mouvement com-
pris.C'était là le premier acte du gouvernement de M. Souca-
daux qui venait de prendre ses fonctions de Haut-Commis:.
saire en remplacement de M. Hoflberr, autre adversaire de
notre organisation qui essaya de liquider celle-ci dès sa nais-
sance. Le complot judiciaire ayant échoué, inti~idations et
corruptions entrèrent en jeu et l'on assista à des démissions
spectaculaires ayant pour but d'impressionner les militants
sincères pour les décourager dans la lutte anticolonialiste.
Mais cela avait surtout pour but d'affaiblir le Mouvement
national pour à la fois laisser libre cours à l'exploitation
éhontée du pays et alimenter la propagande gouvernementale
uuprès de l 'Organisation des Nations Unies».
Le Comité Directeur du 13 avril 1950, choisi beaucoup
plus pour des raisons de conciliation ethnique qu'en fonction
de l'action militante des membres, ne pouvait résister aux ten-
t.ttives du colonialisme. C'est ainsi qu'au moment où se réunit
le deuxième congrès del 'UPC, pl us de la moitié des membres
du Comité Directeur élu par le congrès de Dschang avaient
1oandonné la lutte.
Un de perdu, dix de retrouvés: c'est la maxime qu'ont faite
k ur les congressistes d'&éka en 1952. En effet, ils ont prcs-·
que doublé l'effectif tant des membres du nouveau Comité
Directeur en le portant à trente huit personnes, que celui du
Bureau. C'était le signe qu'en dépit du démantèlement du

41
L 'UPC : UNE REVOLUTION MANQUEE?

précédent Comité, le Mouvement avait continué à prendre


régulièrement de l'extension, grâce au petit nombre de Direc
teurs aguerris qui ont vaillamment résisté aux assauts des
colonialistes, et parmi lesquels le Secrétaire général Um
Nyobé occupait une place à part. Grâce aussi à la base du
Mouvement,c'cst-à-direauxdifTérentscomitésdcbaseenac-
tivité dans les villages, les quartiers des villes, les entreprises
et jusque parmi les étudiants camerounais en France. Utn a
signalé ce fait à ses auditeurs:
.«Mais pendant que ceux-là se courbaient sous le poids de
la corruption ou de l'incompréhension, une anné.e de mili-
tants de bases' est levée pour se mettre à la tête du Mouvement
de libération nationale, ce qui a non seulement contribué au ré-
sultat éloquent que vous connaissez, mais aussi pennis le
fonctionnement plus démocratique du Mouvement. C'est là
une preuve que nul ne doit se considérer comme indispensa-
ble dans nos rangs, quel que soit le rang occupé et quelle que
soit l'activité menée...»
Quel était l'effectif des membres de l'UPC? Ce chiffre a
beaucoup varié entre 1948 el la dissolution du Mouvement en
1955 par les autorités coloniales. Le Secrétaire général éva-
luait à 7.000 le nombre d'adhérents inscrits à la date d'avril
1950, en même temps qu'il faisait état de l'exist.enceeffective
de l'UPC dans sept régions du pays. En 1955, la presse fran-
çaise («Combat» du 30 mai) avançait le chiffre de 80.000
adhérents. Chiffre fabuleux dont aucun autre parti, à l'époque,
n'avait atteint le dixième.
La trame de ces 80 .000 mailles fonnait le grand fi let propre
à maintenir la cohésion entre les différents étages de la pyra-
mide sLructurale de l'UPC. Ce filet de la solidarité recouvrait
également les non-membres du Mouvement, et l' ultime
ambition de Um et de ses camarades était de l 'étcndre jus-
qu'aux frontières du grand Cameroun réunifié.

42
L'JNmATIVE

La Réunir.cation

"11 est donc clair que sans l 'UPC, notre peuple serait resté
· ns la complète ignorance de son statut et par cela même de
n avenir. Sans l'UPC, le problème kamerunais n•aurait
J.tmais été soulevé devant les Naùons Unies. Sans l'UPC, le
1 ·uplekamerunaisn'auraitjarnaisacquislamaturitépolitique
qu i lui permet de lutter efficacement aujourd'hui pourl'Unité
rt l'Indépendance immédiate de son pays"
Ainsi s'exprimait Um Nyobé le28décembre 1955,du fond
il son maquis, dans le cadre de 1'"Année de! 'Unité Nationale
1 ur l'avènementd'unEtatkamerunaisindépendantetsouve-
1. m (1956)"
Le problème de l'unification (Réunifïcaùon) du Cameroun
r~t né le jour où, pendant la première guerre mondiale, en
11) 16, les Anglais et les Français qui ont envahi notre pays
1 mr en chasser les AUemands, décidèrent de se partager leCa-
u1croun au gré de leurs intérêts, chacun des deux pays s'en
1uribuant un morceau. Entériné par la Société des Nations
ON), ce partage ne fut remis en quesùon par aucune organi-
~ u i n,jusqu'aujouroù l'UPC naissante inscrivit le problème
.1111s son programme de 1948 en ces tennes :
Nous voulons la suppression immédiate de la lignededémar-
' .111on qui partage le Cameroun en deux wnes, anglaise et
h inçaise. Il s'agitlà d'unefrontièreartificielle,quiséparedes
1 'I ulations appartenant aux mêmes races, ayant les mêmes
mI• rêts économiques, un passé commun, les mêmes moeurs et
1 mêmes traditions".Fidèle à sa stratégie qui consistait à
l 111 en sorte d'amener les populations à poser et à s'occuper
11 hord elles-mêmes de leurs problèmes, l'UPC entreprit de
1. c nscientiser et de les orgar;iiser à cette fin, à propos de la
r 11111fication.
1 ns un premier temps, cette organisation visait à resserrer
11 ns entre les populations de part et d'autre de la frontière
u•d>-britannique, avant de les inviter à passer à l'action.

43
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

Deux rencontres historiques à Kumba (côté britannique), en


août et en décembre 1951, furent les premières étapes de la
mise en condition des masses. A celle du mois de décembre,
où la délégation de l'UPC comptait vingt six membres, les
participants ont eu à examiner un projet présenté par Um et ses
amis de constitution d'un Comité exécutif de! 'Unité Came-
rounaise chargé de coordonner les revendications des popula-
tions des deux côtés de la frontière.
Un élément suspect s'était fait inviter à cette deuxième ren-
contre de Kumba : il s'agit des envoyés camerounais du
gouverneur français, tous membres du parti administratif
ESOCAM. Démasqués et dénoncés publiquement, ils ne
parvinrent pas à accomplirleur mission qui était de troubler le
bon déroulementdela réunion. Ils ont dû quitter les lieux avant
la fin des travaux.
C'est au congrès d'Eséka, en 1952, qu'il fut décidé que le
problème de 1'unification du Cameroun serait l'un de ceux que
le Secrétaire général exposerait à New York devant la Qua-
trième Commission de J' Assemblée Générale des Nations
Unies. Il devait, à cette occasion, déclarer en substance :
... "La réunification est la seule voie par laquelle le Cameroun
doit passer pour accéder à son indépendance. Si on ne l'ac-
cepte pas ainsi, c'est qu'on est partisan de l'indépendance
d'une partie du Cameroun au sein du Nigéria ou du Common-
wealth britannique et de l'indépendance de lautre partie du
Cameroun au sein de l'Union française. De ce fait, le peuple
camerounais ne pourra jamais réaliser son unité...
"Aujourd'hui, la réunification du Cameroun est parfaite-
ment réalisable pacifiquement Et le peuple camerounais, dans
sa grande majorité, réclame la réunification de son pays" ...
Au titre des propositions concrètes, le Secrétaire général de
l'UPC a avancé la suivante, en vue de l'unification immédiate
du Cameroun :
"Formation d'un Conseil de gouvernement avec une majo-
rité de Camerounais et institution d'une Assemblée dotée de

44
L'lNITIA TIVE

pouvoirs législatifs et élue au collège unique et au suffrage


universel".
L'insistance particulière du Secrétaire Général de l'UPC
urle problème de la réunification s'expliquait par le fait que
l 1première Mission de visite des Nations Unies au Cameroun,
en 1949, avait affinné dans son rapport que l'unification ne
onstituait pas un véritable problème pour les habitants des
lieux Cameroun.
On peut dire qu'à la date de 1952-53, laquasi majorité des
Camerounais avaient épousé la cause de la réunification. En
tous cas plus personne, pas même les Camerounais enrôlés
<tans les partis administratifs, ne se permettait de remettre
ouvertement en question la nécessité de cet objectif qui ne
visait rien moins qu'à redonner à notre espace territorial et à
notre histoire leur véritable dimension.
Dans son Manifeste politique "L'heure du choix a sonné"
publié en 1955, le parti administratif le plus important et le
plus irréductiblement hostile à toute idée d'indépendance, le
Bloc Démocratique Camerounais (BOC), tenait sur la réuni-
fication un discours digne de Ruben Um Nyobé :
"..Rien ne peut s'opposer à ce qu'un pays qui a été entier,
1I y a 40 ans, ne puisse l'être aujourd'hui même. La réunifica-
tion est donc à revendiquer tout de suite. Le seul problème
valable est celui de savoir quelle sera la puissance tutrice du
ameroun une fois réunifié. A cela nous répondons qu'il ap-
partiendra aux Camerounais eux-mêmes de se déterminer.
Quant aux moyens pratiques à mettre en oeuvre pour obtenir
eue réunification, ils sont de deux ordres :
a) S'adresser directement aux puissances tutrices pour leur
1lcmander la révision des accords de tutelle sur ce point ;
b) Saisir l'Organisation internationale à ce sujet. par les
moyens réglementaires que prévoient les accords de tutelle.
"Les Camerounais pensent volontiers que ce problème de
l'unification se situe au premier plan du cadre de la procédure
. suivre pour aboutir tôt ou tard au self-government, c'est-à-

45
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

dire à l 'autonom1e, étape sans laquelle le Cameroun ne pour-


rait valablemenlcontracterd 'engagement librement consenti.
"L'unification apparai"t donc à beaucoup nécessaire dans la
mesure où elle peul consolider la posi lion future du Cameroun
vis-à-vis des autres territoires africains d'abord, vis-à-vis de
l'Union Française ensuite.
"L'unification apparaît également nécessaire parce que le
morcellemen tarbitraire du territoire camerounais soulève une
question ethnique qui ne peul être négligée. La frontière
d'entre les deux Cameroun, pour naturelle qu'elle soit (mon-
tagnes ou cours d'eau), ne constitue pas moins un sérieux
handicap pour les populations Bamiléké, Bamoun, Balong,
Bakouéri et Soukou qui se sont vues scindées en groupes d 'ad-
ministrés français el britanniques au détriment de leur organi-
sation tribale et ancestrale. Du reste, il faut constater que ce
sonttOujc;mrs les mêmes tribus qui peuplenllesdeux rives d'un
fleuve o~ les versants d'une montagne, et qu'en définitive, il
n'y a guère au monde de frontières véritablement naturelles.
"Du point de vue économique, l'unification rendrait à un
Cameroun total ses riches provinces de l'Ouest où croissent
les bananiers, les hévéas et tant d'autrés cultures riches bien
connues dans la région du Mungo. La partie Sud du Cameroun
anglais est-elle autre chose que la continuation de la région du
Mungo? Par ailleurs, les ports de Tiko et Victoria ajouteraient
à l'activité économique du territoire avec leur trafic bananier
et leurs services de cabotage.
"L'unification du Cameroun est également un facteur de
sécurité que nous devons considérer à sa juste valeur.
"Carl' espace crée, par définition, un plus grand périmètre
de sécurité: d'autre part, l'acquisition des deux versants de
notre chaîne de montagnes de l'Ouest nous rendrait les som-
mets du Mont Cameroun, du Koupé et du Nlonako, qui sont
des observatoires précieux.
Une autre raison, non moins importante, est que si nous
renonçons à cette jonction du Cameroun britannique et du Ca-

46
L'INITIATIVE

m •roun français, les Nigérians auront tôt fait des' en emparer.


"Enfin nous devons revendiquer l'unification du Came-
roun pour une question de principe. Une terre morcelée à la
u1Le d'une guerre a le droit de prétendre à sa réunification.
1 près la guerre de 1914-1918. nous pensions qu'il n'existerait
qu'une simple ligne de démarcation entre les troupes anglai-
. .s venues de l'Ouest el les troupes françaises venues de l'Est
1du Sud. Nous n'avions jamais conçu que notre pays. délirai-
t par les explorateurs allemands, soit définitivement scindé
t•n deux, sans aucune consultation des populations intéres-
{ "

L'indépendance

Il n'y a pas d'exemple dans l'histoire de pays dominés qui


ont réussi leur développement, ou dont le.plein épanouisse-
ment naùonal a été l'oeuvre d'un autre pays. ç·cst grâce au
1 uvoir d'auto-détennination conféré par l'indépendance
qu'un peuple retrouve la libre disposition de lui-même et peut
.dors s'organiserdemanièreà.bâtiruneéconomie, uoecuhure,
11ne nation à son service. Revendiquer l'indépendance, c'est
vouloir l 'avènementd 'une nation camerounaise moderne. Les
hvmmes de 1948 ont fait de cette revendication le troisième
volet du programme del 'UPC.
Comment l'UPC entendait-elle parvenir à l'auto-détenni-
11.1tiôn?
Née dans la légalité et disposée à mener son combat dans le
dre du droit national (français) et international, compte tenu
llu statut particulier de notre pays, l'UPC s'est dotée d'un
programme indépendantiste en trois points, conforme à la loi
h ançaise et au droit des gens.Ce programme n'a pas été défi-
111 uvement mis au point le IO avril 1948, bien qu'on en trouve
1, premiers balbutiements dans le document dit "programme
11·· l'UPC", publié cette année-là:
"Nous voulons préparer la fin du régime de dépendance

47
L 'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

dans lequel est maintenu notre pays. Nous ne reconnaissons


pas la position prise par le député Douala Manga Bell à l'ONU,
à New York, sur une question sur laquelle il n'était pas
mandaté.
"Nous demandons que les accords de tutelle signés à New
York soient portés à la connaissance des peuples camerounais,
avec la possibilité de les accepter ou de les refuser, ou simple-
ment de demander leur révision.
"Nous demandons que les Camerounaisenvoicntdcs repré-
sentants accrédités auprèsdu Conseil de tutelle pour faire con-
naître leur point de vue ...
"Nous travaillons pour une autonomie chaque jour plus
grande de notre terri Loire ... "
C'estprogressivementquel'organisationnationalisteamis
au poinL son programme pour l'indépendance des deux
Cameroun, français et britannique. Résumons-en l'économie:

a) Le programme de l'UPC pour l'indépendance

Ceprogrammecomportaituncertainnombred'étapcsetdcsi-
tuations nouvelles à générer, aussi bien dans les rapports
France-Cameroun qu'au niveau des Nations Unies. La révi-
sion des accords de tutelle constituait la première de ces situa-
tions juridiques nouvelles.

1° Revision des accords de tutelle:

Après avoir été placé sous le système du mandat par la


volonté des Anglo-français et de la Société des Nations, le Ca-
meroun est devenu, dans le cadre des Nations Unies, un pays
sous tutelle administré en vertu d'un accord intervenu le 13
décembre 1946 entre les Anglo-français et! 'Organisation des
Nations Unies. A aucun moment les Camerounais n'ont été
associés,deprèsoudeloin,àl'élaborationdecctteconvention
qui disposait d'eux. Le Secrétaire général de 1' UPC a évoqué

48
L'INITIATIVE

cette anomalie devant ses camarades le 29 septembre 1952 ea


œs tennes:
«Pour le Cameroun, les grands responsables de la situatio1
sont Aujoui.al et Douala Manga Bell. Les deux hommes, l'u
député des colons du Cameroun, l'autre élu des autochtones,
furent envoyés à l'ONU par le Gouvernement français. Le
peuple camerounais n'avait mandaté aucun d'eux pour allCll
discuter des accords de tutelle. Mais Aujoulat devait déclarcc
dans son exposé devant l'Assemblée Générale des Nations
Unies que les accords de tutelle avaient été discutés en réunion
publiqueetapprouvésparlcsautochtones ;quec'estpourceue
raison que ladite population autochtone avait élu Douala
Manga Bell pour aller soutenir les projets d'accords devant
l'ONU (voir brochure"Togo-Cameroun Trustecship" page
18). Mais dans une intervention du Dr Aujoulat, publiée par la
SEREP(Sociélé d'Editions Républicaines Populaires) sous le
titre "La vie et l'avenir de l'Union Française", nous relevons
cette déclaration faite par Douala Manga Bell à New Yorle lors
de la discussion des accords de tutelle:
"Mes compatriotes ont eu connaissance du texte d'accords
préparé par la France ; ils le lrüuvenL à leur goût ; je vous
demande donc de l'adopter sans modification".
"C'estainsi que des escroqueries politiques furent commi-
ses.à notre endroit par deux hommes entièrement acquis au
Gouvernement français et, aujourd'hui, l'on voit la récom-
pense respecuvement obtenue par chacun d'eux. Aujoulat
partage les responsabilités du Gouvernement comme Secré-
taire d' Etat au Ministère des Colonies. Douala Manga Bell,
près avoir été soutenu scandaleusement aux élections législa·
tives de 1951, a été nommé Chef Supérieur de Bali avec
l'arrière-pensée de devenir un jour ...roi du Cameroun. Il se
trouve donc ainsi que les débats de 1946 sur les accords de
tutelle n'engagent nullement le peuple camerounais. puisque
çc peuple n'a pas été appelé à se prononcer sur le texte des ac-
' ords, cons ultation préalable qui é tait pourtant indispensable.

49
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

étant donné que les deux diplomates du Gouvernement ont eu


recours à des déclarations mensongères pour faire aboutir les
projets. Cela nous donne en soi ledroitderevendiqueraujour-
d'hui la modification d'un texte qu'on nous avait imposé par
tricherie ... ~
Mais l'UPC ne remettait pas en cause l'ensemble du te~te
des accords de tutelle. L'essentiel de sa revendication à leur
sujet portait sur une disposition que les patriotes camerounais
estimaient, àjusteraison-;"dangereuse pour! 'évolution de notre
pays vers l'indépendance. Il s'agit de la clause assimilation-
niste de l'article 4 desdits accords qui autorisait la France à
"administrer le Cameroun comme partie intégrante du terri-
toire français" c'est-à-dire comme une composante de la
République française: une colonie pure et simple- le Sénégal,
!'Oubangui ou le Dahomey -ou un département métropolitain
- l'Auvergne, le Morbihan ou l'Isère. La constitution française
ne prévoyait pas, pour les colonies et les départements, une
évolution pouvant conduire à leur autonomie ou à leur indé-
pendance. Non seulement elle ne la prévoyait pas, mais elle
écartait expressément toute évolution de ce type au nom de
l 'unicilé de la République. Tombait donc sous le coup de la loi
quiconque s'avisait à répandre une propagande sécessionniste
parmi les composantes de la République française "une et
indivisible"
Or, l'une des fins du régime de tutelle est, selon la Charte
des Nations Unies (article 76,alinéa b),de "favoriser l'évolu-
tion progressive des pays sous tutelle vers la capacité à s'ad-
ministrer eux-mêmes ou l'indépendance"
Comment meure f m à la contradiction qui apparait ici entre
la loi internationale et le droit interne français? La solution de
l'UPC consistait à supprimer purement et simplement la
clause litigieuse de l'article 4 des accords de tutelle. Um
Nyobés'estexpliquéàcesujetle 14décembre 1951 à Kumba:
"Dans les accords concernant le Cameroun sous administra-
tion française, il est prévu à l'article 4 que la France adminis-

50
L'INITIA1TVE

trcra le Cameroun "comme partie intégrante du territoire


français". Nous demandons à ce que soit abrogée cette clause
qui est d'ailleurs en opposition avec l'article 60 de la propre
onstitutionfrançaise.Cetarticlen'incorporedanslaRépubli-
que française que les territoires et départements d'outre-mer.
:1lors que le Cameroun, pays sous tutelle, esl admis comme
membre de l'Union française en qualitéde<territoire associé>
"En dehors de ces réformes fondamentales, nous devons
lutter pour l'application de tout ce qui est progressif dans les
accords de tutelle, par exemple le développement del' ensei-
~ment, la participation des autochton~ dans l'administra-
tion de leur pays, non pas comme de simples commis, mais
omme de véritables membres de la fonction publique, à des
postes de responsabilité; Je respect de la primauté des intérêts
des populations autochtones ... "

2° Fixation d'un délai pour l'indépendance:

L'UPC préconisait la réunification immédiate du Came-


roun et elle la croyait réalisable dans l'intérêt du pays. Pour
! 'indépendance, en revanche, 1'UPC avait toujours préconisé
une marche progressive impliquant, d'une part la fixation
d' unedate,d'autrepartl'organisaliond'uncpériodcdeprépa-
ration effective du pays aux responsabilités internes et exter-
nes de l'indépendance, conformément aux indications conte-
nues dans un Rapport du 17 septembre 1954 du Secrétaire
énéral au Comité Directeur du Mouvement:
"Notre programme pour l'indépendance est wi programme-
cole. En effet, 1'article5 des Accords de Tu tel le sur le Came-
roun prévoit la participation des autochtones à 1' administra-
tion de leur pays par le développement d'organes démocrali-
qucs, représentatifs, etc. Notre demande tendant à obtenir la
l réation d' une assemblée dotée de pouvoirs nécessaires pour
1l <Jibérersurlesproblèmeséconomiques,sociauxetculturcls,
intéressant la subdivision, a pour but de fournir aux Camerou-

51
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

nais un champ d'apprentissage pour la participation à la


gestion des affaires de leur pays. L'autre demande qui tend à
obtenir l'institution d'une assemblée législative camerou-
naise n'a d'autre ambition que de procurer aux Camerounais
le moyen d'apprendre à faire les lois de leur propre pays ...
"Ce que nous voulons, ce n'est pas l'augmentation du
nombre des représentants camerounais au parlemem français.
Ce que nous voulons, c'est l'institution de notre propre parle-
ment, d'un parlement camerounais.L'Assemblée législative
du Cameroun serait donc, nous le répétons, une école au sein
de laquelle les Camerounais apprendront à faire les lois de leur
pays. Enfin,quand nous demandons! 'institution d'un Conseil
Exécutif,c'estpourpermeureauxcitoycnsdenotrepaysd'ap-
prcndre, pendant un laps de temps, à diriger, sous l'égide d'un
Haut-Commissaire del 'ONU, le gouvernement de leur pays.
Voilà les raisons pour lesquelles nous considérons notre
progr~mme concernant la solution du problème de l'indépen-
dancecomme un programme-école,c 'est-à-dircun programme
dont lexécution permettrait aux Camerounais de recevoirune
fonnation adéquate pour pouvoir assumer les charges d'Etat
découlant du recouvrement de notre souveraineté... "
S'agissant du délai proprement dit, l'UPC avait proposé,
dès 1949, une période de préparation de dix ans, à courir à
partir de la date de conclusion des accords de tutelle en 1946.
Selon cette proposition, le Cameroun devait accéder à! 'indé-
pendance en 1956. Le mouvement nationaliste est cependant
resté ouvert à toute autre proposition raisonnable - qui n'est
jamais venue - ainsi que cela ressort du discours de Uro à
l'ONU le 17 décembre 1952:
"Ici, je serais particulièrement bref puisque l'Assemblée
Génémle des Nations Unies avait adopté une importante réso-
lution à ce sujet au cours de la sixième session, en invitant les
autorités administrant.es à proposer les délais après lesquels les
territoires sous tutelle pourront accéder à leur autonomie ou à
leur indépendance. Ce que nous pouvons demander à votre

52
L'INITIATIVE

ornmission, c'est une recommandation invitant les Gouver-


nements français et anglais à faire ces propositions lors même
de l'élaboration des rapports annuels sur l'administration du
arneroun pour l'anné.e 1952 et recommander expressément
·omme il est fait dans la résolution du 18 janvier 1952 à
laquelle j'ai fait allusion, que ce délai doit représenter un laps
de temps le plus court possible. Je dois indiquer, pour tcrmi- .
ncr sur ce point et pour tenn iner mon exposé, que l'article 77
de la Charte place le Cameroun dans la catégorie (a) en tant que
tcqi toire précédemment sous mandat, dans l'énumération des
territoires ou de catégories de territoires pouvant bénéficier du
1 gime international de tutelle. Le même article classe dans la
tatégorie {b) les territoires qui devaient être détachés d'Etats
mnemis, comme par exemple le cas des anciennes colonies
italiennes. Etant donné que lAssemblée Générale avait. au
tours de sa Quatrième sessionJ fixé des délais pour l'octroi de
1' indépendance aux ex-colonies italiennes, on ne saurait refu-
rce droit au Cameroun qui d01t bénéficier d'un droit de prio-·
111.é en cette matière en tant que territoire sous tutelle classé
dans la catégorie (a) par la Charte des Nations Unies... "

3° Organisation institutionnelle de la période pré-indé-


fl< ndance:

L' UPC ne faisait pas confiance à la «mission civilisatrice»


1lontJaFrancecolonialeseréclamail,pourconduirelesCame-
' ntmais à l'indépendance en les y préparant méthodiquement.
u un signe concret ne témoignait d ' une telle préparation
1lrpuis 1916. Aucun précédent, dans les autres colonies, ne
l rmcttait d'y croire. En revanche, des initiatives tendant à
1111t grernotre paysdansl'empirecolonialfrançaisjaillissaient
1. tous côtés, périodiquement Et la conférence coloniale de
1\1 :1.zaville venait encore de réaffirmer avec force, en 1944, la
t 1l1tique assimilationniste de la France en écartant toute
olution possible des colonies vers l'autonomie. Tout cc que

53
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

pouvaient espérer les indigènes ("sujets français") des colo-


nies était de se voir accorder la faveur d •être associés -corn me
agents subalternes - à la gestion des affaires de leurs propres
pays:
"Les fins de l'oeuvre de civilisation accomplie par la
France dans les colonies écartent toute idée d'autonomie.
toutepossibililéd'évolution hors du bloc français de l'Empire;
la constitution éventuelle, même lointaine, de self-govern-
ments dans les colonies est à écarter.
"On veut que le pouvoir politique de la France s'exerce
avec précision et rigueur sur toutes les terres de son Empire.
On veut aussi que les colonies jouissent d'une grande liberté
administrative et économique. On veut également que les
peuples coloniaux éprouvent par eux-mêmes cette liberté et
que leur responsabilité soit peu à peu formée et élevée afin
qu'ils se trouvent associés à la gestion de la chose publique
dans leur pays"
La méfiance de l'UPC à l'égard des autorités coloniales
françaises, en ce qui concerne 1'indépendance du Cameroun,
était donc parfaitement justifiée. Elle n'avait d'égale que la
confiance de Um et de ses camarades envers J'Organisation
des Na lions Unies. Ils s'en remettaient à celle-ci pour qu'elle
entreprenne ce que l'on ne pouvait pas attendre del 'autorité
administrante.
S'agissant plus précisément de la période de dix ans prépa-
ratoire à l'indépendance - et qui devait commencer à courir à
partir del' entrée en vigueur des accords de tutelle, ou de toute
autre date raisonnable dont l'UPC a toujours demandé sans
succès la fixation - les nationalistes en concevaient I'organi-
sation d'une manière qui préservait les responsabilités des
trois parties intéressées, à savoir :
- les Camerounais, qui s'initieraient au fonctionnement des
institutions démocratiques et à la gestion directe de leurs
affaires dans le cadre d'un Conseil de gouvernement (à majo-
rité camerounaise) et d'une Assemblée législative élue au

54
L'INITIATIVE

1111.1 e universel et au collège unique;


l'autorité chargée de l'administration (France et Grande
tt i.1gne)qui,parsesreprésentantssurplace, veilleraitaubon
1 '" lJonnement des institutions mises en place ;
l'ONU, chargée de superviser le tout sous son autorité,
, ..11lonnémenl à l'article 75 de la Charte de San Francisco.
li csl bien évident qu'un Cameroun aceédant à l'indépen-
11.111 c à la suite de dix ans de fonctionnement d'un tel système.
urailétéun paysmodèle,capabledefaire face à Loutcssesres-
111u1i;abililés, nationales et internationales. Mais les adversai-
re ' de 1' indépendance, saboteurs conscients et inconscients de
11otre avenir, ne l'entendaient pas ainsi.

b) Les adversaires de l'indépendance

- Qui étaient-ils ?
Le grand chef d'orchestre, celui de qui tout partait et qui
11 citait, finançait et organisait l'opposition contre J' indépen-
cbnce et les indépendantistes, c'était l'Administration colo-
111ale. Son action multiformedanscedomaine pourrait faire la
matière de plusieurs ouvrages.
Elle ne saurait donc être évoquée ici dans le détail de sa
vfotable dimension.On se bornera tout simplement à rappeler
11ue les initiatives anti-indépcndantistcs et anti-upécistes de
I'Administration se déployaient dans deux directions privilé--
••iées : vers les Camerounais et vers !'Organisation des Na-
11ons Unies.
La question continue de se poser aujourd'hui de savoir
comment et pourquoi un Camerounais sain d'esprit, et cadre
tic surcroît, pouvait-il s'opposer à l'émancipation de son
propre pays ? Un problème de même nature se pose depuis
l'indépendance, celui de savoir pourquoi des gens qui disent
onst.ituer l'élite d'un pays, peuvent-ils condamner celui-ci,
pendant près de trois décennies, au syslème réttograde, des-
tructeur et anti-progrès du parti unique ?

55
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

Un élément de réponse à ce double questionnement est


chercher dans le fait qu'aujourd'hui, les tenants de l'uni
risme partisan se recrutent généralement parmi les anti-ind
pendantistes d'hier, ou de leurs héritiers spirituels. Il y a là un
réflexion à mener et à approfondir.
A qui l' Administration s'adressait-elle, parmi les Cam
rounais, pour recruter les anti-indépendantistes ? Par préfi
rence à I'"élite", aux "intellectuels" et aux chefs traditionnel
Les deux premières catégories désignaient, par priorité, 1
fonctionnaires indigènes, et plus généralement tous ceux q
savaient lire, écrire et parler le français. Les services d
gouverneur les embrigadaient pour former, sous leur contrôl
et avec leur appui, des partis et des associations hostiles
l'UPC el à l'indépendance du Cameroun. Le premier p
administratif du genre a vu le jour en 1949, le 20 juin, sous 1
nom d'ESOCAM: Evolution sociale camerounaise.
C'est le che( de subdivision d'Eséka lui-même qui en
rédigé les statuts, le lancement sur le terrain ayant été con fi
à un transfuge de l'UPC: Pierre Dimala. L'Esocam poursu
vait un triple objectif : mener l'opposition au Secrétai
général de l'UPC dans sa région natale, le pays bassa
combattre le programme d'indépendance de l'UPC; enfi
militer pour l'intégration du Cameroun dans l'empire fr
çais, devenu l'Union Française depuis 1946.
Mais malgré le vigilant soutien des autorités coloniales,
groupement de Pierre Dimala n'est jamais parvenu à deven ·
un parti politique au sens moderne du terme et encore moi
un rival dangereux pour le mouvement nationaliste. U
Nyobé a sévèrement condamné les manoeuvres de l'Esoca
et de ses maîtres le 10 avril 1950 à Dschang :
"Sous l'instigation des colonialistes, un mouvement d
"Evolution Sociale Camerounaise" esLcrééà Yaoundéenju·
1949. L'ESOCAM s ·assigne comme rôle non pas de promo
voir l'évolution, mais de combattre I' UPC. Le Comité di
teur de ce parti fantomatique se compose de 17 membres do

56
L 1NITIATIVE
.
14 originaires de la Sanaga Maritime. On veut ainsi fonner
l'opposition dans Je cercle ethnique du Secrétaire général de
I' UPC, et le centre d'activité de l'ESOCAM s'est installé à
b;éka, avec le concours actif du chef de subdivision, M. Joud,
11ui accorde toutl' appui de son autorité au parti des prébendes.
l .cs colonialistes n'ont rien compris. ns croient quel 'UPC est
l'affaire personnelle d'un militant ou d'un responsable, pour
qu'ils puissent mener une politique de sape, dans la base
·l.hnique de tel ou tel responsable de notre Mouvement.
"Or, nous mettons au défi quiconque de nous apportera la
111oindre preuve que l'avènement de l'ESOCAM a diminué en
l(UOi que ce soit la sympathie que les populations de la Sanaga
Maritime, comme du reste celle que d'autres régions du
fcrritoire manifestent à l'égard de notre Mouvement.
"Si l'ESOCAM a servi à quelque chose, c'est de nous
rmettre une épuration que nous eûmes été embarrassés de
ire nous mêmes. En effet, tous les éléments pourris, tous les
.ugris, tous les voleurs et les escrocs sont passés del' autre côté,
.1u côté des colonialistes qui protègent leurs crimes et délits,
•pendant qu'ils jettent des innocents en prison. Aujourd'hui
l'ESOCAM est connue sous son vrai jour.
"Personne n'y attache plus aucune importance. Il ne reste à
1 c parù qu'unedireclion fragile au sein de laquelle on discute

.1 longueur des temps le partage du fruit de la corruption et des


mmes volées à certaines personnes crédules, auxquelles on
promet fusils, patentes, camions, etc. Dans un coin de la sub-
1ltvision d'Eséka, le montant de la cotisation de l'ESOCAM
1 >tdirectement proportionnel à l'importance de la faveur que
l'on veut obtenir en adhérant au parti ad..'llinistratif. Ainsi, pour
l'obtention d'un fusil, on paye plus cher que pour l'obtention
11' une patente, et pour une promotion au rang de chef de canton
111 paye plus cher que pour l'obtention d'un fusil, et ainsi de
11ite •.. "
L'inconsistance de l'ESOCAM n'a pas découragé I' Admi-
111stration coloniale. Bien au contraire. Avant l'expiration de

57
L 'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

son premier bâtard, elle s'était déjà mise à lui trouver des
héritiers : l'INDECAM (Coordination des Indépendants du
Cameroun) en pays ba.c;sa, à Edéa ceue fois, et la RENAICAM
(Renaissance Camerounaise) chez les Ewondo. Le trait com-
mun de ces deux nouveaux partis administratifs était leur anti
upécisme, on dira plus tard leur anti-communisme. Ils n'on
pas eu plus de succès que leur prédécesseur.
Puis ce fut une véritable inflation des partis administratifs
sur le modèle lancé par le colonisateur, souvent limités aux
quatre mcm bres du comité directeur, et parfois même au seul
papier à en-lête. Leurs formal.CurS savaient désormais qu'en
lançant un parti dont le program me affichai Lun anti-upécism
débridé, ils obtiendraientdes avantages auprès de l'occupant
Contentons-nous de nommerquelques-unes de ces formations
de circonstance :
MEDIAFRANCAM: Médiation franco-camerounaise;
RAPECA : Rassemblement du peuple camerounais; UAFC.
Union d'action France-Cameroun, dans la région de Ngaoun-
déré; le Front National Camerounais, dans I' Adamaoua; le
Modérés progressistes du NLem, en pays bulu, à Ebolowa; 1
Ligue progressiste de défense des intérêts des populations du
Nord-Cameroun, etc. Une mention spéciale doit être faite au
BDC (Bloc démocratique camerounais) du Dr Aujoulat{l951
1956)età l'USC (Union sociale camerounaise) d'Okala, dcu
formations qui ont, mieux que les autres partis administratif
théorisé l'opposition à l'indépendance et à l'UPC.

Le cas Asa'ale

Après avoir figuré, dès 1944, parmi les patriotes d'avan


garde, M. Asa' ale a brusquement changé de bord en se con ver
tissant au colonialisme. Pourquoi et dans quelles circons
ces?
Un jour de 1950, M. Asa'alearriveà Douala, enprovenan
de Paris, la mine étrange, presque méconnaissable par

58
L'INITIATIVE

unarades auxquels il ose à peine adresser la parole. Rensei-


n ment pris, on apprend qu'il est chargé par le président du
DA, M. Houphouêt-Boigny. de venir provoquer la rupture
ntre l'Union des Syndicats confédérés du Cameroun (USCC)
1 la CGT française. Une opération semblable venait de se
11oduireà Paris: sur la pression, les menaces et même les for-
1tures du gouvernement français (les événements de Côte
' Ivoire), une partie de la direction du RDA, le président
l l >uphouêt-Boigny en tête, a renoncé à l'alliance avec le Par-
r ommuniste français au Parlement Allant plus loin encore,
lie.a abandonné l'anticolonialisme. Le Secrétaire général
1,:1brield' Arboussier,quiarefuséderenoncersans contrepar-
ti. à l'alliance avec ceux qui ont aidé et soutenu jusque là le
I' DA, s 'est vu classer panni les ennemis à neutraliser et à
11 duire. M . Asa'alea naturellement pris le parti d 'Houphoufü,
.l ' ù la mission qui lui a été confiée auprès de la grande cen-
11 ,1le synrucale camerounaise et, par ricochet sur l'UPC.
Après des contacts et des apartés plus ou moins houleux
1 l'C quelques membres de la direcùon de l'USCC, dont
11 ques Ngom, M.Asa'ale accepte J'idr.e d'un congrès extra-
·•1 linaire de la centrale syndicale, à i 'occasion duquel tout le
wmde pourrait écouter le messager d'Houphouël-Boigny et
· prononcer en connaissance de cause.
l~econgrès se réunit au mois d'avril à New Bell (Douala) et
t proposition de M. Asa' ale est rejetée par une écrasante
11 J rité de participants. Les gens ne voient pas ce qu'ils

•ocraient en abandonnant des amis qui les ont formés et qui


· utiennent de façon tout à fait désintéressée dans leurs
'" ll~S revendications. Il n'empêche que, deux jours plus tard,
• 11 1pprend que M. Asa'ale est en train de lancer ce qu 'il
• •1 lledes "syndicats autonomes" . Et de fait, une " Union des
nllicats autonomes du Cameroun" (USAC) naît le 23 mai
1 ' 1, sous l'impulsion du Conseiller économique et des quel-
" personnes qu'il a réussi à convaincre, comme Mandeng
t ' rr , Samuel Moudourou, Akono Claude, etc.

59
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

A peine née, l'USAC s'installe dans des conflits et d


dissensions internes. Ce qui n'augure pas d'un avenir brill
et prometteur. Il se trouve que c'est au cours de la même ann
1951 que le mandat de M. Asa'ale au Conseil Economique
SocialàParisvenaitàexpiration. On saitqu'il tcnaitcemand
del 'USCC et de la CGT, qui ne le lui renouvellent pas.Etpo
cause. Ngom le remplacera à ce poste à Paris.
Il se trouve qu'à ce moment, I 'Administration et le patron
colonial avaient besoin d'un homme d'expérience capable
relancer un syndicat qui leur donnait toute satisfaction, m ·
que les Camerounais avaient surnommé "le syndicat d
blancs". Il s'agit du syndicat Force Ouvrière (CGT-FO).
proposition est faite à M. Asa'ale d'être ce grand magicic
Proposition acceptée.
M. Asa'ale abandonne donc l 'USAC. II est envoyé à Pa ·
pour aller assister au congrès de la CGT-FO et s'initier a
méthodes de travail et à la doctrine de son nouvel employe
Il loge à grands frais à l'hôtel Lutétia, l'un deS grands hôtel
parisiens de la rive gauche. Lorsqu'il revient au Camerou
son alliance avec I 'Administraùon est définitivement scel 1
Définitivement consommée aussi la rupture avec ses ancic
camarades demeurés anticolonialistes.
Les portes de l'Assemblée locale lui étaient désormais o
vertes. Il y entre en 1952, année où il signera, au mo
d'octobre, avec les autres membres de I' ATCAM, la moti
de protestation contre l'audition de Um Nyobé à l'ONU
contre l'indépendance du Cameroun.

Que préeonisaient-ils ?

Les adversaires de l'indépendance développaient de


ordres d'arguments pour justifier leur refus de l'indé
dance: l'impréparation du pays et la crainte de voir le Cam
roun se détacher de la France. Le"Manifeste du BDC'' co
tient, à ce sujet, des passages d'une éblouissante clarté:

60
L'INITIATIVE

... "Les démagogues - ceux qui ne s'embarrassent pas de


1roblèmes concrets ni del 'intérêt bien compris des citoyens,
111 surtout de leur bonheur - pensent qu'il suffit de proposer
'mdépendance pure et simple, moyennant quoi un grand
nombre de nos compatriotes s'embarqueront dans cette voie
• n pen,sam qu'au bout de l'indépendance, il y a le bonheur
1ssuré pour tous : prospérité et progrès social, évolutiou cul-
111rclle, et tout ... el tout
"Considérant l'évolution du monde d'aujourd'hui, etl'évo-
lu1ion du continent africain en particulier, ceux qui réfléchis-
.ri L sont obligés, au contraire, de constater qu'il n'y a, à
1 heure qu'il est, indépendance complète ni totale pour aucun
I' ys. Pour être totalement indépendant, selon le souhait de
• ~·rtains, il faut être un grand pays peuplé de _dizaines de
11111lions d 'habitantsetavec des richesses considérables. Quels
1111 aujourd'hui.à cet égard, les pays véritablement indépen-
1l.1hts ? En fait, même parmi les pays souverains, beaucoup
u1t ou deviennent des pays assistés, les uns par l'Amérique,
1. autres par la Russie.
"Di.µis ces conditions, pouvons-nous considérer comme
1nccres ceux qui nous promettent l'indépendance du Came-
111un pour demain ? Pouvons-nous croire sincères ceux quf
111111sdisenLqu'avec si peu d'hommes, si peud'argentetsi peu
·I 1·4uipement, nous pourrions du jour au lendemain nous
111° lamer indépendants, et être plus heureux qu 'avant?
"Le prétendre actuellement ne constitue pas seulement une
H» lie, c'est entretenir dans l'âme des Camerounais des illu-
11111s certaines. Que deviendrons-nous si, demain, à l'insliga-
11, 111 t.le l'ONU et d'accord avec elle, Ja puissance tutrice déci-
' Hl de nous abandonner à nous-mêmes et de nous laisser, au
1 • 111 où nous en sommes, avec ce que nous avons comme
1 hniciens, comme cadres et comme équipement, comme

• 1bilitéséconomiques. L 'indépendanœdans la médiocrité


t pas un idéal ... "
li ne faut pas perdre de vue que c'est le pouvoir colonial qui

61
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

parlait par la bouche du BDC, en dépit des fanfaronnades d


prétendus "élites" et "intellectuels" camerounais qui se p
sentaient comme étant les auteurs du Manifeste:
"Lors des réunions diverses qui se sont tenues sous I'égi
du Bloc démocratique camerounais, tant à Paris qu'à Yaoun
dé, un groupe d'intellectuels camerounais a cru l'occasio
favorable pour faire le point sur les grands courants d'idées q
semblent entraîner, à l'heure actuelle, l'élite camerounaise.
présent Manifeste a pour objet de présenter la synthèse d
toutes les indications qui ont été fournies au cours de
réunions" ...
Qui étaient-ils, ces intellectuels-élites? Quelques noms,
titre simplement indîcaùf: Ahmadou Ahidjo, Bindzi Beno1
Jacques Kuoh Moukouri, Onana Awana, Enoch Kwaye
Boulou Louis, Kamé Samuel, etc ...
Et que proposait le BDC - ou plus exactement I'Admini
tralion coloniale - à la place de l'indépendance ? L 'autonom ·
dans l'interdépendance :
"Est-ce à dire que le nationalisme doive pour autant ê
interdît à nos compatriotes ? Est-ce à dire que seront étouffi
d"avance les aspirations légitimes que doit nourrir tout hom
dans le fond de son coeur vers une libération et une émanci
lion de son pays ?
"Ce nationalisme est non seulement pennis, mais il est sai
Il nous conduit à souhaiter, non pas cette indépendance tro
peuse parce qu'elle risque d'être vide, mais une indépenda
plus sûre: l'autonomie.qui est une situation politiquepréci
dans laquelle un pays a la possibifüé de s'administrer 1
m&ne avec son parlement, avec son gouvernement, avec
administration, mais aussi avec le maintien d'un lien et d'u
association à des pays plus développés, plus riches, qui pui
sent continuer à lui venir en aide. C'est là ce qu'on appel
l'interdépendance.."
En 1952, lorsqu'il est allé porter la contradiction à Um
l'ONU, Charles Okala avait repris à peu près la même ar

62
L'INITIATIVE

mentation.
Les Naùons Unies elles-mêmes ont répondu, mais, en
1960, aux anù-indépendantistes qui se fondaient sur le man-
que de cadres, l'insuffisance de la population et le peu de
11chesses économiques, pour s'opposer à l'autodétermination
iles Camerounais:
L'Assemblée Générale,
Convaincue que le maintien du colonialisme empêche le
développement de la coopératwn économique internationale.
11trave le développement social, culturel et économique des
/ WJles dépendants et va à l'encontre de l'idéal de paix uni-
1• rselle des Nations Unies;

· Déclare ce qui suit :


1. La sujétion des peuples à une subjugation. à une domi-
11ation et à une exploitation étrangères constitue un déni des
droits fondamentaux del' homme, est contraire à la Charte des
Nations Unies et compromet la cause de la paix et de la
1 oopération mondiales.

2. Tous les peuples ont le droit de libre détermination; en


111·rtu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politi-
'/lle et poursuivent librement leur développem;ent économi-
-1ue. social et culturel.
3. Le manque de préparation dans les domaines politique,
, , cjnomique et social, ou dans celui del' enseignement, ne doit
.unais être pris comme pretexte pour retarder J' indépendance
')
i une telle résolution avait exisléen 1952, l'UPC n'aurait
rtt.ainemenl pas éprouvé le besoin d'envoyer son Secrétaire
·• néral comme pétiùonnaire à l'ONU.

<') Le Secrétaire général de l'UPC à l'ONU.

• Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples


~'"'taux" . Résolution 1514 de l'Assemblée générale des Nations Unies,
1·1~<'esle14décembre1960 (XVe session).

63
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

Ce voyage à l'ONU de Um Nyobé en 1952 est une illustra


tion, grandeur nature, des méthodes qu'utilisait l' Adminis
tion coloniale pour faire obstruction aux nationalistes cam
rounais. C'est essentiellement à cette fin que ce voyage
évoqué ici
Jusqu'en 1952, aucun Camerounais ne s'était présen
devant les Nations Unies en qualité de pétitionnaire. Aue
n'avait demandé à le faire. Sans doute parce que les Camero
nais ignoraient qu 'ils avaient ce droit. Personne ne les avai
instruits à ce sujet, pas même l'autorité chargée de les adm
nistrer et de les préparer à l'autonomie ou à I' indépendan
C'est dans ce contexte que, le 4 octobre 1952, le Comi
directeur de l'UPC adresse au Se.crétaire général des Natio
Unies une requête aux fins d'aller présenter une péti Lion
devant lAssemblée générale. A peine cette correspondance
t-elle été rendue publique à New York que la Représentati
officielle de la France à l'ONU s'est lancée dans des man
vres de toutes sortes pour faire échouer la demande de l'
Mais, ni la pratique en vigueur aux Nations Unies, ni les
positions pertinentes de la Charte ne pouvaient lui fa
espérer un succès. La réponse favorable du Se.crétaire gén
del'ONU n'adoncsurprispersonneàManhattan.A Yaou
par contre, sa diffusion a provoqué une véritable levée
boucliers de la part du gouverneur Soucadaux et de
services, pour lesquels un représentant de la "pègre" n'a
pas qualité pour aller prendre la parole à New York.
Mais que pouvait faire le Haut-Commissaire? Obtenir
!'Organisation internationale qu'elle revienne sur sa décisi
Impossible. Provoquer au moins l'ajournement de l'audi
fixée au mois de novembre? Cela aussi semblait peu pro
Retarder le départ du porte-parole des nationalistes
discréditer auprès des Nations Unies? Cela était à la po
gouverneur Soucadaux. Décision fut donc prise de
cette dernière solution en pratique.
Première action dans ce sens : la réunion en toute hl

64
L'INITIATIVE

l'Assemblée du gouverneur (ATCAM, précédemment appe-


1, ARCAM), fraîchement sortie des urnes et présidée par le
"' dateur du BDC, le Dr Aujoulat, ministre à Paris. FJle
tlopte, le 24 octobre, une motion de protestation destinée au
l'' sident de l'Assemblée générale des Nations Unies (8).
cconde initiative: le gouverneur ameute ses partisans ca-
1111 unais (partis administratifs, "élites" el "intellectuels" àla
111odc du BDC, chefs traditionnels, candidats aux faveurs de
1 dministration, etc) pour qu'ils imitent l'exemple de I' AT
• , Men envoyant directement des protestations à New Yorle
, 1111 trc l'audition del' UPC, ou en les remettant à la Mission de
' .1 tt· des Nations Unies (la deuxième depuis celle de 1949)
"' v ·nait d'arriver au Cameroun.
1 . responsables de l'UPC ne se sont pas laissés impres-
u1ncr par toute cette agitation. Réunis à Douala le 26 octo-
1 '.1lsontdésignéleurSecrétairegénéral Um Nyobécomme
,_-,,h parole du Mouvement à l'ONU, et défini les points
miels sur lesqu~ls porterait son exposé ; puis le Comité
l 1111 ( 1 ur a adopté le texte d'une résolution invitant les Na-
"''' lJniesà "considérercommenulJeetnonavenue lalettre-
t11e111 des membres de I' ATCAM".
1 1· 1 ndemain 27 octobre, une requête par laquelle l'UPC
lh1 11, ituneautarisationdesortiepoursonporte-paroleétait
· au Haut-Commissaire de la République française au
111 111un. Cette demande était signée par Ouanclié Ernest
président), et Nyobé André (membre du Comité
1 tt ur).Puisce futl'entréeenscènedesmilitants,dessym-
111s et autres Camerounais acquis aux mots d'ordre na-
111 1i:s. C'est une véritable avalanche de télégrammes, de
t de motions qui s'abattit sur le bureau du Secrétaire
• 11 s Nations Unies, en provenance de la quasi-totalité
' unis du pays. L'objet de ces messages? Convaincre
'11 1 représentativité de Um Nyobé dont ils ont pris à
n°3 en contient le texte intégral.

65
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

leur charge (souscription) les frais de voyage et de séjour


Amérique.
Le lendemain de la remise à Um de l'autorisation de
du terrilOire (29 octobre), trois nouvelles demandes d'audit'
étaient postées à Douala sous forme de câblogrammes. El
émanaient du chefBetoté Akwa pour le Ngondo, du séna
Okala Charles pour son parti l'USC (parti socialiste), et
sultans Seidou et Alcaly Mohamed pour "les groupem
musulmans du Cameroun". De ces trois contradicteurs ad
nistratifs déclarés, un seul allait effectuer le voyage de N
York : Charles Okala. Mais le Ngondo du chef Betoté
a tout de même fait parvenir à l'ONU le texte (daté du
décembre) de l'allocution qu'il aurait prononcée devant I'
semblée générale. La première partie de ce texte constitu
chef d'oeuvre d'extravagance.
Le document débute en effet par "un brefrappcl histori
du peuple douala, qui a été et qui restera longtemps enco
pivot de la politique camerounaise.. ".(9)
"Bien avant l'arrivée des Européens, la suprématie
Douala dans les régions du centre, du sud et de I 'oues
Cameroun étaitévidente,et leur domination s'étendaitde
en plus ... Le Ngondo traduit les idées et les convictio
toutes les populations auxquelles il faut joindre la gr
masse des Camerounais de l'Est, da centre, de l'ouest co
du Nord qui est restée fidèle à notre politique. Notre organ
tion ne puise pas sa force dans le nombre des membres
crits ... Notre assemblée générale a proclamé à maintes re
son désir de collaborer loyalement avec l'administration
çaise" ...
9) A Kumba, en 1951, Um avait déjàév~u~ "la sale politique de di
gu'entretiennenl tes colonialistes p<!Urmieux exploiler et asservirnos
Ils dressent tribu contre tribu en faisant croire aux uns qu'ils sont
inlelligenls et aux aulres qu'ils sont très riches el vont dommer le M
dressent chefs contreinteDectuelsen faisamcroireaux uns qu'ils sont
teun; de la tradition el que le pouvoir leur revient, aux autres qu'il
'comme les blancs" elquec'est àeuxque revient le pnvilège de laciVili
moderne. Mais les colonialistes ne croient ni au pouvoir du chel
l'inlelligence de l'homme dit "évolué".
L'INITIATIVE

Il ne suffisait pas au représentant du nationalisme camerou-


11 is de sortir du pays, encore lui fallait-il pouvoir entrer aux
1 tatsUnis,eJlefranchissementdecesecondécueilpassaitpar
l'obtention d'un visa à l'ambassade des Etats Unis à Paris. Une
nouvelle épreuve y attendait Ruben Um Nyobé.
Ami et allié de la France dans le cadre du bloc occidental,
1 gouvernement américain n'a pas facilité les choses à celui
qu ' il a choisi de considérer comme un "communiste", donc
\ 1 mme un ennemi des Etats Unis. Um dut passer plus d'un

n1ois à Paris en démarches et interventions diverses pour


nhtenir le précieux visa. Mais l'homme s'était déjà habitué à
1 1 genre de situations depuis l'affaire des statuts de l'UPC en
1'>48. SeuIS les députés comm unistcs français lui sont venus
• 11 aide, allant jusqu'à évoquer son cas à la Chambre des dé-
p1116s. Pourt;ant l'accord de siège intervenu entre les Nations
1r11i •set le gouvernement de Washington faisait obligation à
' 1 dernier de faciliter l'entrée aux Etats Uni.s des invités de
I 'c )rganisation in temationale. .
1e porte-parole de l'UPC a finalement réussi à entrer aux
l t ts-Unis, après une fouille de plusieurs heures à l'aéroport
11! NcwYork,commes'ils'étaitagi d'undangereux trafiquant
111h ·mational.
l·n prenant place devant les membres de la Quatrième
1 ••lllmission ,le 17 décembre 1952 à l0h30, c'est-à-dire avec
1111 mois de rejard sur ce qui avait été décidé en octobre, Um
nbé croyait qu'il allait pouvoir, enfin, entrer directement
1l 11 1s. 1 vif du sujet. Erreur, car un autre ami et allié occidental
1 France, le délégué de la Belgique, avait déjà affûté
1ult 1111e obstruction destinée non pas à empêcher laudition du
1 11 kr camerounais, cela ne pouvait plus se faire, mais simple-
11 111 à réduire son temps de parole. Le débat de procédure
111k vé parce singulier personnage n'a pas contribué à gran-
111 l 1 Aclgique aux yeux des témoins de la scène.
t • ·xposé de Um a porté sur des thèmes que nous connais-
,,, i1éjà : la réunification du Cameroun, la révision des

67
L 'UPC : UNE REVOLtrTION MANQUEE?

accords de tutelJe, la fixation d'un délai pour l'octroi


l'indépendance.
Deux Camerounais attendaient dans la salle pour lui po
la contradiction : Douala Manga Bell, en tant que membre
la délégation officielle de la France à l'Assemblée générale;
Charles Okala, en qualité de responsable d'un parti admini
tratif, ruse.
Il faut préciser davantage le rôle de Douala Manga Bell
cette occasion. Il parlait doublement au nom de la France
comme citoyen (naturalisé) français d'abord, ensuite en qu
lité de membre de la délégation du gouvernement français
l'ONU. D'autres Africains recrutés dans d'autres coloni
faisaient partie de ta même délégation :
-Cadi Abdelkader (Algérie)
- Belkodja Abdelkader (député algérien)
- Robert Ajavon (sénateur d' AOF)
- Lamine Guèye (Sénégal, maire de Dakar)
La tradition s'était établie, à partir de 1950, d'inclure s
tématiquement chaque année, dans la délégation française
l'Assembléegénéraledel'ONU,cequel'onappelaitalors
"interlocuteurs valables", c'est-à-dire des Africains acquis
colonisateur et généralement promus par ce dernier. C'
dans le cadre de cette pratique que M. Léopold Senghor é
allé faire à l'ONU ce que Um a appelé "une fausse déclarati
du Gouvernement français devant l 'Organisation des Nati
Unies".
"En octobre 1950, M. Senghor, au nom du Gouvemem
français, déclarait qu'il n'existait plus de discrimination
ciale au Cameroun, et que plus de la moitié des magistrats
composait des autochtones. Or, il est clair que la discrimi
lion raciale se produit dans tous les actes des colons et fi
tionnaires français du Cameroun et qu'aucun Camerou
n'occupe une fonction de magistrat au Territoire. L'Union
Syndicats CGT et le Comité Directeur del 'UPC ont élevé
protestation indignée contre les déclarations de M. Sen

68
LTNITIATIVE

L' incorporation dans la délégation officielle des "interlo-


1 ul.Curs valables" chargés d'aller défendre le colonialisme
lrmçais à l'ONU était une pratique exclusivement française.
t autres puissances impérialistes n'y recouraient pas. On
r ut étBblir comme suit la liste des" interlocuteurs valables"
yant fait partie de la délégation française à l'ONU enlre 1950
11960 :
1950
- Musrapha Kaal (député algérien)
· Cadi Abdelkader (député algérien)
. - Léopold Sédar Senghor (député sénégalais)
- Fily Dabo Sissoko (député du Soudan)
1951
- Pinto (sénateur du Dahomey)
- Fily Dabo Sissoko
1953
- Cadi Abdelkadcr
Sourou-Mighan Apilhy (député du Dahomey)
Robert Ajavon
Lamine Guèye
1954
Cadi Abdelkader
Sourou-Mighan Apilhy
Daniel Kémajou (Cameroun, conseiller del 'UF)
1955
aïd Mohamed Cheikh (député algérien)
1956
Houphoul;lt-Boigny (Côte d'ivoire, ministre français)
Robert Ajavon
Georges Apedo-Arnah
Ali C heikhal (député algé rien)
! .amine Guèye
1<)57
l louphou~t- Boigny

69
L 'UPC : UNE REVOLUTION MANQUEE?

-Sid Cara (Algérienne, Secrétaire d'Etat à Paris)


- Robert Aja von
- Mamadi Fousseni
-Apedo-Amah
1958
- Ahmadou Ahidjo (Cameroun)
- Okala Charles (Cameroun)
1959
- Philibert Tsiranana (Madagascar)
- Houphouët-Boigny
- Léopold Sédar Senghor
1960
- Slimane Belahed (député algérien)
- Saïd Mohamed Cheikh.
Revenons à ce qu'a dit Douala Manga Bell, bien que
puisse facilementscdcviner,euégard àla mission dont il é
chargé. Le Prince "français" de Bali s' esttout d'abord prés
té à ses auditeurs
"Je parle non seulement en quai ité de membre de la dél
tion française, mais aussi au nom des groupes importants d
population du Cameroun qui m'ont adressé un grand nom
de télégrammes et de lettres me chargeant d'exposer 1
vues. On ne peut douter que je puisse valablement parler
nom de la population du Cameroun car, depuis 1945,j'ai
élu quaLrc fois représentant du Cameroun au Parlement fi
çais" ...
Et voici quelques extraits de la suite de ses propos, tels
les ont résumés les spécialistes des Nations Unies :
"M. Douala Manga Bell a la conviction que M. Um N
est un homme loyal et sincère ; toutefois, son argumen
est faussée par son excès de zèle ou son idéologie. L'
libéral du gouvernement et de la délégation de la Fra
suffisamment prouvé par le fait qu'on n'a rien fait
empêcher M. Um Nyobé de se présenter devant la Co
sion .. ."M. Douala Manga Bell réitère l'assurance que M.

70
L'INITIATIVE

11 m a donnée à une séance précédente : le Gouvernement


1 n ais se conformera scrupuleusemcn t à l' cspri t et à la Jeure
!. Charte et, en particulier. aux dispositions du chapitre
Il ..
"Les grandes lignes du destin qu'il est pennis de prévoir
1111 le Cameroun sont déjà inscrites dans les progrès actuels.
1111 ·onque connaît le Territoire ne saurai tattacher la moindre
111 ntion aux déclarations tendancieuses de M. Um Nyobé ...
M. Douala Manga Bell a la conviclion qu'à un moment
'I"' 1 onque dans l'avenir-que nul n'est encore en mesure de
1 l r le Cameroun passera du statutdeTerritoireassociédans
1 .1 tredel'Union Française, à celui d'Etat associé dans cette
1 n 1on ou, s'il le désire, à celui d 'Erat indépendant.L'opinion
1•11hl1que commence déjà à se former dans le Territoire et el le
11nnera non pas d'après'les principes périmés d'un natio-
1 111 me étroit, mais par la tendance moderne des· pays à se
'" .11tuer en groupes et en associations. L'avenir d u aime-
' 11111 · raplussûrementgarantisilepaysdécidederes.t erdans
f 1111 n Française que s'il s'engage dans la voie d'unç indé-
11111l.111ce illusoire et dangereuse qui n'.àboutiraitqu'àl'j;fuJe-
11111 •• '
l '11ur le moment, la question de la réunification ne se pose
1· lle sera résolue en temps voulu et l'on serait mal avisé
l 11h'iCuter au stade actuel de l'évolution du Cameroun. Pour
11 11114 les problèmes auxquels doit faire face le Cameroun

1 1 tministration française à l'iotérieur de son propre terri-


r 1111 suffisent Il lui faut se développer dans tous les
1411 llll ·s et le Gouvernement français fera tout ce qui est en
11 u1voirpour favorisercedéveloppemcnL Le Territoire a
1 • 11n urgent de dispensaires, d'hôpitaux et d'écoles de
11 lrtCS. Plus tard, il faudra créer une uni versilé et prendre
11 ures en vue d'organiser l'enseignement des adultes.
1 111 l' intérêt du développement économique et social, il
11 d maintenir le calme et l'ordre public, et la popula-
.lllleroundoitêtreprêteàsesoumcttredeson plein gré

71
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?
à une certaine discipline... "
AlorsqueDoualaMangaBell n'estintervenuqu 'au morne
du débat général qui a suivi l'exposé de Um Nyobé, l'au
contradicteur, Charles Okala, a délivré une longue diatri
contre l'indépendance et contre Um aussitôt que celui
tenniné son exposé. Le sénateur socialiste a néanmoins co
mencéparconstaterl'extraordinaireéveilpolitiquedesC
rounais, sans toutefois dire si lui-même, "élite politique
avait contribué de quelque manière que ce fût:
"Depuis 1947, nous avons enregistré avec satisfaction q
la Puissance administrante avait à coeur de mener à bien
mission qu'elle a reçue de votre Organisation. Il n'y a
jusqu'aux aveugles qui ne se soient rendu compte du
changement qui s'opère dans notre pays. Tout va presque
rythme del 'avion. Tout le monde a pris goût à la politique.
gestion des affaires du territoire fait lobjet des commentai
du soir. Tout écrit intéressant notre pays passe de main
main. Même le paisible passant qui déambule là tranquil
ment dans la rue a enroulé dans son pagne un papier qui
tout à l'heure, au bar voisin, l'objet de la conversation a
d'un verre. Personne ne reste indifférent à ce qui se
autour de lui. On peut, sans se tromper, dire qu'une véri
conscience politique est née.
"Cette conscience a suscité auprès de l'habitant des asp
tions nouvelles qui se sont traduites sous di verses formes.
Cameroun sous tutelle française a reçu, peu à peu, les in
tions qui permettent la vie démocratique..."
Puis Okala a évoqué le problème de la réunification
selon lui, se posera peut-être un jour:
"J'enarriveàl'unificationdes deux Cameroun. Pour
est de la réunification des deux Cameroun, on peut dire
n'y a pas de volonté de communauté entre les masses
meroun sous tutelle française et du Cameroun sous tutell
tannique. En doctrine, c'est évidemment un problème q
se poser un jour. Dans les faits, c'est un problème qui

72
L'INITIATIVE

pasactuellementposéetquin'agite,ànotreavis,qu'uncertain
nombre de personnages politiques en quête de thèmes idéolo-
•1ques de propagande ... "
Quant à !'.indépendance, Okala la considère comme un
111nuvais coup porté à notre pays, car ce serait le meilleur
1nnyen de faire regresser le Cameroun deplusieursdécennies:
'crtains partis camerounais posent le problème de I'indépen-
1l.111ce immédiate du territoire. Devant la complexité de la

question, il est tecommandé à tous de beaucoup réfléchir sur


1 conséquences d'une telle décision. Pour notre parti, met-
11111 en avant l'intérêt supérieur du Cameroun et écartant toute
1"" ~i dération des avantages que l'indépendance pourrait per-
11111l'l Jement nous procurer, nous disons qu'il est prématuré
111 p.1.rlcr dans l'immédiat del 'indépendance du Cameroun.
'Fn effet, l'indépendance suppose déjà lajouissancepleine
11t 11.1le des facultés d'Etat libre avec sa cohorte d'avantages
1 il ' 111<:onvénients. Elle suppose déjà une majorité politique,
1lt t .1drcs assurés, une technique à toute épreuve, un équipe-
lfll 1111' onomique, industriel et agricole moderne, une consti-
ul11 •11t111hlie, une monnaie reconnue, une armée, etc. Parler de
1Jill!• t ndance maintenant, avant que nous ayons complète-
'" 11 u .1Jisél'unitédu Cameroun,avantque nous ayons fait du
11..-1 1110 une nation, un peuple, serait de la pure utopie. Une
11.-11 p<' mlancc dans ces conditions, ne reposant sur aucune ner-
1< hl ·fTective, ne serait qu'une façade pour l'extérieur,
1 1 11111c affaire pour quelques uns, un recul pour les masses
111h11 !'esprit tribal et privées de cadres indispensables, et,
11 11111 dire, un danger évident pour la paix intérieure et un
•11 1l '.u1el dans l'évolution où le pays, abandonné à lui-
11ur1, it à la plus dangereuse des aventures poUtiques.
1 1 111111ons qu'au stade actuel de nos relations entre Ca-
' ''' ,, , -;1 l'indépendance nous était octroyée dans J'im-
1 .1·1 ait mettre entre des mains inconscientes 1'arme
111 notre propre suicide... "
11111. ·corn plie à l'ONU, le porte-parole du naLiona-

73
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

lisme camerounais est revenu directement au pays pour con


tinuer le travail de formation et d'infonnation des Camerou
nais. Aussitôt débarqué, il a entrepris à travers !e pays u
tournée de conférences d'information sur son voyage à Ne
York. Dans le Bamoun, fief du sultan Njoya, cela faillit 1
coûter la vie. Un complot ourdi contre sa personne échoua d
justesse grâce à la présence d'esprit de ses auditeurs qui se je
tèrent sur lui, faisant de Jeurs corps un bouclier humain l
mettant à l'abri des coups de couteau que ses agresseu
s'apprêtaient à lui porter. Um s'en est tiré avec une blessure
la tête.La nouvelle de sa mort a tout de même fait le tour d
pays etestparvenueà l' Associationdesétudiantscameroun ·
en France. Chaque section académique de ce groupements'
fait un devoir d'adresser des télégrammes de protestation
Haut-Commissaire de la République française à Yaoundé.
Ruben Um Nyobé a repris le chemin des Nations Unies
1953 eten 1954. Bisseck Guillaume, nommé chef de file
l'ESOCAM après le renvoi de Dimala, a été dépêché à Ne
York en 1953 pour aller lui porter la contradiclion au titre d
partis administratifs ; mais pas de Camerounais, ceue ann
là, dans la délégation officielle de la France à I'Assemb
générale. En raison de l'insuccès de sa mission à New Y
Bisseck aussi a élédém is de ses fonctions, peu après son reto
au Cameroun.
En 1954, le gouverneur a pris conscience du résultat dé
treux des missions successives des chefs de file des p
administratifs à l'ONU. Leurs discours et leur comportem
ont abouti à un résultat diamétralement opposé au but rech
ché: loin de porter ombrage au Secrétaire général de l'
ils ont plutôt contribué à le rendre plus crédible auprès de I'
ganisation internationale et à rehausser d'autant son presti
Iln'adoncétéenvoyéà l'ONU,en 1954,qu'unseul contra
teurcamerounais, celui qui faisait partie de la délégation o
cielle de la France à 1'Assemblée générale: Kémajou Dan
Conseiller de l'Union Française.

74
L'INITIATIVE

L'impossibilité, pour l'autorité coloniale, d'arrêter ou


amplement d'endiguer l'ascension des nationalistes à l'ONU
n'élait que le reflet de la situation dans le Territoire. Le travail
1 ·ompli,ensixans,parlespatriotesetdanslesconditionsque
1 on sait, commençait à porter ses fruits et à faire en sorte,
• mnme le reconnaissait publiquement Okala en 1952, que "la
f' ' "lion des affaires du Territoire faisait l'objet des commen-
t.ures du soir". Pourquoi? Parce qu •"une véritable conscience
1 1litique était née"
onscience politique ou conscience nationale ? Le distin-
f' llll n'est pas de mise, car il s'agit de deux réalités qui se

111 urrissent l'une l'autre. La seule chose importante à souli-


•11' r ici est le mérite du petit groupe de pionniers à qui revient
11 paternité de cette réalisation grandiose : les hommes de
I' 18.

Les hommes de 48

~·in s mandat de personne. sans compte en banque, sans


1t1n· · universitaires et sans perspective de récompense, un
1 111 roupe d'hommes sortis des mêmes milieux que leurs
1111cmporains, et que rien ne prédisposait à la notoriété, a
h 11"1 la voie difficile de l'honneur et du patriotisme, à un
•1 •111 ·nt où il était plus commode, plus sécurisant et plus
111.1hlc de se ranger derrière le plus fort.
11 wnnaissaieot le danger auquel ils s 'exposaient en osant
1 mhr l'étendardde la liberté devant l'occupant; en invitant
UJCts français" que nous étions à affirmer leur identité et
11 f>< 1sonnalité particulières; enfin en revendiquant le droit,
111 Il " Camerounais, à être maîtres chez eux comme les
11 1s le sont en France, les Anglais en Angleterrc,lesAmé-
111 en Amérique.
le courage indomptable des pionniers et armés de la
111rccde leur conviction, ils sont parvenus à réveiller des
i.: nliers, à mobiliser des villes et à transmettre leur

75
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

id&il à des populaûons il lettrées et analphabètes ne parlant p


une même langue. Par leur exemple cl leur enseignement,
conscience nationale s'est progressivement substituée à
conscience tribale, de sorte que léclosion finale d'une nati
camerounaise moderne se trouvait à portée de la main.
Pour fixer les fondations d'un édifice capable de résister
l'usure du temps, les hommes de 48 ont choisi d'investir da
l'intelligence, la volonté et le courage des Camerounais. Et
faut y ajouter la constance dans ses convictions et la sincéri
avec soi-même et avec les autres. C'estccuc constance et ce
sincérité que les Camerounais ont apprécié le plus chez:
pères fondateurs qui les firent vibrer pendant les six ann
glorieuses du nationalisme triomphant.
Um était le même homme dans son village, à Eséka,
Douala, à Kumba, à Paris, à New York.dans le "maquis",
somme, partout et en tout temps. D'où son incontestable
pularité. D'où son auth~tique leadership et le respect qu
inspirait même à ses adversaires. On ne se dévoue pas pour
chef dont on sait que, dès la première épreuve, il va baisser!
bras, se rendre à l'ennemi ou changer de personnage.
C'est une évidence que l'UPC d'aujourd'hui, l'UPC
héritiers, a besoin d'hommeset de femmes de cette trempe.
au-delà del 'UPC, le Cameroun tout entier.

76
III

LA DISSOLUTION

li est bien évident que si l'UPC avait échoué dàns son


11u·prise de conscientisation des Camerounais, I 'Adminis-
1110n coloniale n'auraitjamais focalisé sa haine sur le mou-
ntl'nl nationaliste et sur les hommes qui l'incarnaient, con-
111 '- ment à une constance de la politique coloniale de la
1111.:c.
h1 eà une force qu'il n'était pas parvenu àendigucrpardcs
movms "légaux", l'occupant ne pouvait plus compter que sur
1 ·1nlcnce, terrain sur lequel sa supériorité ne souffrait pas de
1111paraison avec les organisations patriotiques, créées non
t 1 mr faire la guerre ,mais pour transmettre leur idéal par
111oyens pacifiques, démocratiques et légaux.
Nous n'entrerons donc pas ici dans le labyr"inlhe des provo-
hflllS et contre-provocations qui ont caractérisé la période
1 '· du retour des Nations Unies de Um le 5 mars 1955 au
• 1f r.inçais du 13 juillet 1955 prononçant la dissolution de
1 t • l·t de toutes les autres organisations nationalistes. Tout

77
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

cela rentrait dans le plan arrêté à Paris, et dont l'exécution s


le terrain avait été confiée à un spécialiste de ce genre
besogne : le gouverneur Roland Pré.
L'histoire quel' on enseigne à Paris et dans les néocolon ·
rend les patriotes camerounais responsables des "événemen
de 1955, comme elle rend responsable des provocations et
répressions colonialistes les patriotes indochinois, malgac
tunisiens, marocains, algériens, etc. Mais peu de gens, aujo
d'hui, font foi à cette histoire-là, qui a besoin d'êtredécol
sée.
L'affectation de Roland Pré au Cameroun était un a
délibéré du gouvernement français, alors présidé par Pie
Mendes-France et au sein duquel le Dr Aujoulat, dép
français du Cameroun et fondateur du BDC détenait le po
feuille du Travail et des Affaires Sociales (1). Il étai
l'origine del 'envoi de Roland Pré chez nous et del 'affecta ·
du gouverneur Soucadauxà Madagascar. C'est lui, en tout
qui en a convaincu le ministre MRP de la France d' outre-
Robert Buron. On se souvient de sa pressante mise en g
présentée à la Chambre des députés en juin 1954, et qui c
mençait ainsi "...Le mot magique d'indépendance est dé
mais prononcé. Si l'on n'y prend garde, la France, en Afri
commeailleurs,finiraparêtreprisedecourL Ilyacertes
que et Afrique, mais les Camerounais, au moins dans le S
ont généralement CQnscience d'appartenir à un territoire
statut parùculie.c, sous contrôle international. Le nombre
pétitions adressées à l'ONU est là pour le montrer.
pétitions suivent aujourd'h!li le canal d'un parti de fonna
récente, l'Union des Populations du Cameroun (UPC),
serait d'obédience communiste. Son leader, Um Nyobé,s
lui-même, à New York, devant le Conseil de Tutelle (2),
1) Le gouvernement Mendes-France est tombt le 5 Février 1955.
2) Um Ny~ ne s'est jamais présenté devant Je Conseil de Tutelle, et
Aujoulat le savait mieux que personne, mais toujours devant la Quatri
Commission de l'Assemblée générale des Na1ions Unies.

78
LA DISSOLUTION
le champion de l'indépendance pure et simple de son pays.
C'est sur ce slogan que se fondent le programme (si l'on peut
dire) et l'action de son parti.
"llestdifficiledepréciserexoctementquelleestl'audience
de l'Union. C'est un fait en tout cas qu'elle inquiète les
autorités, et nul observateur ne m'a assuré qu'il faille la con-
<>idérer à la légère. Son influence est grande à Douala et sur
l'autrerivedu Wouri; elle affleure la région de Yaoundé, mais
~ ' étend largement au Sud. On estime que les fonctionnaires
fricains, même s'ils se gardent de l'affinner ouvertement,
sont dans leur ensemble acquis à l'Union des Populations du
ameroun. Les moyens dont on use pour faire obstacle à ce
parti ne sont peut-êcre pas toujours des plus efficaces: inter-
diction des réunions, brimades ... produisent souvent un effet
1out différent de celui qu'on escomptait ; ressusciter des per-
.onnages déconsidérés apparaît tout aussi dérisoire".
Ce que les autorités françaises attendaient du nouveau gou-
verneur, à savoir une action plus musclée pour" faire obstacle"
l'UPC, est à peine dissimulé dans cet exposé. Et en arrivant
.m Cameroun le 29 décembre 1954, Roland Pré ne faisait pas
mystère de ses intentions, qui étaient d'"écraser les activités
~ mmunistes pour défendre la civilisation". On saitcequeces
111ots veulent dire lorsqu'ils sortent de la bouched 'un gouver-
11 ur colonial français.
L'ennemi était clairement identifié: l'UPC,c'cst-à-dire le
11,11ionalisme camerounais. C'est lui qu'il fallait abattre pour
l 11rc échec au communisme athée, car c'est lui qui meuait la
11vilisation en danger. Ainsi du moins en a décidé le gouver-
llt ment français, qui l'explique lui-même dans le livre-blanc
•111 'il a publié sur "les émeutes de mai 1955":
"Il était difficile, pour ne pas dire impossible, de combattre
t 1JPC sur le plan des idées ; or le nationalisme extrémiste et
11·tratiste <le ce parti présentait un réel danger non seulement
1 111r notre présence mais également pour l'avenir même des
lt 1h11.ants de ce pays entièrement acquis à notrecivilisation oc-

79
L'UPC : UNE REVOLUTION MANQUEE?

cidentale. Et ce nationalisme était d'autant plus inquié


qu'il recevait des encouragements de l'ex té.rieur: encourag
ments venus de France par le canal du Parti Communiste et
nombreusesassociationsetjoumaux qui en sonll'expressi
mais encouragements venus aussi de certains Etats memb
de l'ONU. Les leaders upécisrcs devaient d'ailleurs, dès 1
retour au territoire, exploiter à fond, sur le plan de la pro
gande, l'appui reçu de ces nations étrangères"
Trois mesures sont donc arrêtées pour éradiquer le dan
communiste inventé à Paris. La première porte sur des réfi
mes visant les fonctionnaires, le monde rural, les forces
sécurité et les travailleurs d'une manière générale. Mais il
faut pas s'y tromper, car le but de ces réformes n'est pas
bien-être des catégories concernées ou le développement
pays ; elles sont pl ulÔt une manoeuvre destinée à détacher
Camerounais de l'UPC par la suppression des causes de
contentement Les nationalistes se fondaient en effet sur
causes de mécontentementpourexpliquer aux masses qu'a
l'indépendance, les Camerounais eux-mêmes trouverai
des solutions appropriées à ces problèmes qui n'intércs
pas les colonialistes. Le livre-blanc du gouvernement fran
"sur les émeutes de mai 1955" est aussi très éloquent à cèsu
"La lutte étant donc pratiquement impossible à entrep
dre sur le plan idéologique, le gouvernement local,
réalisté,décida de la mener sur le plan des réalisations. Il
décidéd'aborddes'auaqueraux principales causes de m
tentement et, ensuite, d'agir directement sur la masse et
l'opinion publique. Il ne s'agissait pas d'essayer de conv
cre une poignée d'intellectuels marxistes suivis de leur
de "sand'sand boys", mais au contraire d'établir un b
une marée upéciste et d'arrêter la gangrène avant qu'ell
gagne les populations saines des villages et des campagnes.
particulier, il ne fallait à aucun prix que ce parti, qui
rencontrait jusqu'alors aucune opposition concertée, c
nuât à faire tache d'huile, à intensifier le recrutement de

80
LA DISSOLUTION

dhérents, à développer la mise en place de ses organismes de


b se, à discréditer par une propagande très orientée, I'ensem-
1le de !'oeuvre française au Camermm et n'arrivât ainsi, à
111 ve échéance, à nous placer devant une situation de fait
1 ntraire à l 'inlérêt supérieur du Territoire.

"La solution du problème revêtait d'ailleurs un caractère


11' une urgence extrême : d'abord étant donné l'importante
· 111ganisation del'UPCqui,comme nous l'avons déjà vu, était
11;trvenue à implanter plus de 450 comités de base et de quar-
1 r, ce qui laissait présager la possibilité d'une rapide exten-
100 dans les mois qui allaient suivre ; mais aussi à cause de
l'inertie des autres partis qui s'usaient à s'entredéchirerpour
11 s questions de simples rivalités de personnes. Cette.lutte
1 rile laissait le champ libre aux partis extrémistes ~i:'Ùç>ur
1111 ux comprendre le danger qui en résultait, signalcmS' que
1ll jà, dans les quartiers de Douala et même · dans éihains
11lages plus particulièrement soumis à ta pression ~iste,
h , cadres adm inistrati fsavaient été remplacés par dcs.otganes
1 >liliques ; dans une atmosphère de terreur, la poP,J!lation
11 •o5ait pas se plaindre à l'administration par crainte,d.e,4-èlJ'ré-
11 llcs et le mythe de l'invincibilité de l'UPC comiilençait
1111 i à s'enraciner. ~·\..
Mais cette urgence prenait le caractère d'une véritable
11111 c de vitesse, si l'on songe que l'UPC. exploitant à fond
1. particularisme camerounais qui repose principalement sur
l position politique particulière du Territoire dans l'Union
l 1. nçaise, voulait convaincre la masse que l'indépendance du
l 1 111toire ne dépendait que d'une décision de l'ONU. Ceci
1.1111 admis, la Mission de visite de l'ONU allait füre présen-
la population comme une véritable commission d'en-
1" rc qui devait décider le maintien ou le départ des Fran-
• "(2) ...

81
L'UPC: UNE REVOLUfION MANQUEE?

La seconde mesure arrêtée par le croisé anticommuniste


venu de Paris a consisLé à regrouper à Douala tous les respo
sables de l'UPC qui étaient encore des fonctionnaires. Da
quel but? Mieux les surveiller, sans doute; mais aussi pouvo
facilement LOus les prendre le jour où il sera décidé de les ne
traJiser physiquement. Ainsi, Moumié (médecin) arrivant
Maroua, et Ouandié (instituteur) de Batouri, ont rejoint
Douala leurs camarades venant d'ailleurs.
Quant à la troisième mesure, son objet était le harcèlem
sans répit des patriotes par des arrestations, des perquisition
des citations à comparaiùe n'épargnant personne, et surto
pas les membres du Comité Directeur del' UPC. Lorsqu'il n'
avait pas de motif valable pour inquiéter celui que l'on voul
traîner devant le juge d'instruction, on montait une prov
tion, ou alors on ressuscitait de vieux contentieux classés
oubliés. C'est ce dernier procédé qu'un administrateur d
coloniesnommédeGelisachoisid'utilisercontre Um Nyo
à peine rentré le 5 mars 1955 de sa troisième mission à I'O
(3)
Roland Pré "le civilisateur" n'a pas supporté qu'en dépit
la croisade en cours contre eux, les nationalistes camero
se soient permis d'ouvrir une Ecole des cadres à Douala le
mars 1955,et surtout qu'ils aient osé, le 22 avril, toutes or
nisations patriotiques confondues, adopt.ér et diffuser
Proclamation Commune (4) dans laquelle ils réaffirmai
avec plus de force que jamais, leurs revendications habit
les. Ce fut là, sans doute, la goutte d'eau qui a fait débord
vase.
Moinsd'unmoisplus tard,c'étaitle "blitz": la semaine
glante de Douala (22-30 mai 1955)
Le siège de l'UPC à New Bell est saccagé et réduit
3) Détails dans mon ouvrage "Introduction à la politique camerou
éditions 11-larmat!Bn, Paris 1984, chapitre Il : "Le complot coloniali
1955".
4) Le texle intégral dans "Dossiers Camerounais". n°1 , 1971, Présence
caine, Paris.

82
LA DISSOLUTION

encires. Tous les responsables nationalistes qui ont commis


l'imprudence de rester chez eux sont arrêtés et jetés en prison.
l ..a chasse aux patriotes s'étend jusque dans des régions
loignées comme le Dja et Lobo où le chef de Région prend et
ûiffuse la note suivante:

Haut Commissariat au Cameroun


Région du Dja et Lobo

Note à tous les chefs supérieurs, chefs de groupement ,chefs


r/1• village, chefs étrangers de la région du Dja et Lobo.
Je porte à la connaissance de toute la population le fait
qu'à la suite des troubles graves provoqués par l' UPC, no-
ltlmment à Douala et à Yaoundé, les principaux dirigeants de
r parti ont pris la fuite et sont recherchés par la justice.
Toutepersonnequirecevraitdanssacaseouaiderait<f une
manière quelconque l'un des chefs de/' UPC en fuite, doit être
munédiatement arrêtée pour complicité de recel de màlfaiteur •
1·1 présentée à la justice.
Tous les chefs qui auraient omis de signaler le passage d'un
t1f.:Ïtateur en fuite ou une réunion clandestine, dans les 24
ht'Ures, peuvent être également arrêtés et poursuivis.Je rap-
/'l'lie que toute réunion publique ou privée del' UPC est for-
1111'/lement interdite pour des raisons d'ordre public.
Tout citoyen peut appréhender une personne contre la-
' lie est décerné un mandat d'arrêt.
Ont notamment fait l'objet d'un mandat d'arrêt :
1 Moumié Felix 11. Eboule Etienne
. Kohn Emile 12. Mouthe Roland
MmeNgapeth 13.Mbongfoseph
1 ~ende Jean-Paul 14. Me/wu Samuel
/1indop Gabriel 15. Kamai
· l'melie Pierre 16. Ngapeth
<;oueth Michel 17. Ekabe
l\ingue Abel 18. Yacoubou

83
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

9. Ouandié Ernest 19. Malwp Pierre


10. Fozo'oEkabe 20. YetnaPierre
Tout étranger suspect doit être immédiatement conduit à/
subdivision ou au poste administrai if, ou gardé dans une case,
le chef de subdivision étant immédiatement prévenu.
Le Chef de Région,
Signé : HU BER

Le 13juillet1955 à Paris, le gouvernement français- dirig


par Edgar Faure - approuve l'action de son représentant a
Cameroun en prenanl, en conseil des ministres, un déc
portant dissolution del 'UPC et des autres organisations naLi
nalistes, la JDC (Jeunesse Démocratique du Cameroun)
l 'UDEFEC (Union Démocratique des Femmes Camerounai
ses).
Plustard,lorsqueMoumié,MpayeetNgomintroduirontu
recours à Paris pour obtenir 1'annulation dudit décret po
excès de pouvoir, le Conseil d'Etat français rejettera 1
requête au motif que "les requérants ne sont pas fondés à sou
tenir que le décret attaqué est entaché d'excès de pouvoir"(
Ainsi, la boucle était bouclée. La présence française é
sauve et la civilisation mise hors de danger. Quant à 1'
désormais interdite de se déployer au grand jour dans son p
pre pays, elle allait entrer dans la clandestinité. Mais quel en
seigncmenl tirer de cette aventure ?

La "Présence Française" et l'intérêt du Cameroun

C'est au nom de la présence française au Cameroun qu'


organisation camerounaise créée pour réaliser lunité des
merounais dans l'indépendance, a été combattue, dissou
déclarée hors-la-loi et acculée à la clandestinité dans
5) Texte de l'arrêt du Conseil d'Elal et des conclusions du Commissaire
gouvernement M. Heumarm dans la "Revue juridique et politi quedel'Urû
Française",n° 4 d'octobre-décembre 1956; page 809 à818.

84
LA DISSOLUTION

propre pays. Cela veut dire plusieurs choses.


D'abord que la présence française ne s'accommode pas de
1. ouverainetécamerounaise. Elle ne supporte pas que les Ca-
111 rounais puissent être seuls maîtres chez eux. Ensuite la
présence française ne tolère ni autonomie de volonté, de civi-
l1..ation, d'identité culturelle, ni affirmation d'une personna-
lit é camerounaise indépendante, de la part des anciens "sujets
11ançais" que nous sommes. Enfin la présence française rejette
1 mme un non sens, sinon comme une dangereuse absurdité,

1uute disposi lion d'esprit tendant à accrédiler l'idée que les


1 '.unerounais puissent, tout seuls, avoir une claire conscience
, leurs propres intérêts et que ceux-ci puissent ne pas être
• eux que la France a conçus et définis pour eux.
Si l'UPC des pères fondateurs a représenté un danger, cc
fui celui de ne pas se satisfaire de cette conception et de cette
1 11 me de présence française.
Il ne semble pas que grand-chose ait changé, depuis la
ch4'solution del 'UPC en 1955,quantà la conception età lasi-
r111fication réelles de la présence française au Cameroun.
Un journal de Douala, "LE COURRIER" (n°4 du 24 avril
11/<> I) reprochait dernièrement à l'opposition sa "mauvaise
nrnpréhension des relations France-Afrique" parce qu'elle
imagine quel' on peul vouloir, et obtenir au Cameroun, une
hnsc qui n'a pas été décidée, ou autorisée, à Paris. Le journal
111 ail allusion à la Conférence nationale que réclame la
1 •pulation dans sa grande majorité, mais à laquelle s'oppose
I• •ouvemement parce que, selon "LE COURRIER", les
nll rêts français au Cameroun ne veulent pas en entendre
1 11l0r, craignant qu'elle n'entraîne une remise en cause des
utoritéscamerounaises en place, avec lesquelles ils se sentent
urité. Or, pour Paris, la défense des intérêts français au
1 11ncroun constitue une priorité de sa politique africaine.
msi. trente ans après la proclamation de l' indépendance,
1 1meroun n'a toujours pas recouvré la souveraineté que les
1· urnes de 1948 présentaient, à juste raison, comme la con-
1111111 par laquellepassentl'unitédesCamerounais et l'tléva-
1 11 d leur standard de vie.

85
2EMEPARTIE

LA CLANDESTINITE ET LA
CASSURE (1955 - 1990)

l 11dissolution de l'UPC par le pouvoir colonial a entraîné


t 11 cons&}uences majeures dans la vie du Mouvement: son
1111 l cdans la clandestinité suivie de la création des" maquis",
1 l.1 scission de fait de l'UPC en deux tendances: l'une
1111 111c, l'autre en exil.
1 11 raison des conditions particulières de la vie à J'étranger,
us doute aussi à cause des rivalités de personnes et des
t li gics, l'UPC de l'extérieur s'estalomisée à son Louren
1111• infinité de sous-tendances ou clans, entretenus par une
111p11oyable guerre des factions, véritable poison dont les
1. 1 dévastateurs ont pollué jusqu'aux initiatives construc-
1 l'nvisagées par d'autres patriotes camerounais en exil.
0

t 1lnlrairement à la décennie précédente des pères fonda-


111 , l ue période de trente années(l958-1990) s'estsoldée
11 1111 bilan largement négatif.

87
IV

JUSQU'A LA MORT DEUM

Le Secrétaire général de l 'UPC est entré dans la clandesti-


'" bien avant les "événements" de mai, à la suite d'un
111ivais procès ressuscité contre lui sur l'ordre de Roland Pré.
l 'affaire remontait au 7 février 1953, où il avait été
·~ ,1ion d'une réunion del 'UPC organisée à Songmbengue
111 hvisiondeBabimbi)etàlaquelleUmavaitéléinvitédans
1 .ufredescompte-rendus de sa mission à l'ONU. L'admi-

1 ti.1tcur français de Gélis est arrivé en force eta dispersé les


1111upants à la réunion. Um a protesté et l'a prévenu que
l '1 · s·en plaindrait en justice pour abus d'autorité et viola-
i! 11 tl'une concession privée par un agent public chargé de
1 1111 r 'iUr la sécurité et la tranquillité des citoyens.

1·11 nant les devants, de Gélis a introduit une plainte contre


' r~taire général pour "violence contre agent public dans
l 1 • Il t c de ses fonctions". De son côté, Um ·a déposé une
11 111< rnntre l'administrateur irrascible pour "voies de fait
'I 11fr sur un citoyen par un agent public". Au vu de ces

89
L'UPC: UNE REVOLUTION·MANQUEE?

deux requêtes et sur le conseil du gouverneur Soucadaux,


juge d' inslruCtion a rendu une ordonnance de non-lieu, et 1
choses en sont restées là.
ArrivcRolandPréqui,sansautrefonnedeprocès,ordon
la réouverture de l'instruction clans la seule affaire"de Gel
contre Um", omettant délibérément de réactualiser I'affa'
jumelle "Um contredeGélis". Le procureur de la Républiq
M. Marinelli, un Antillais, le fait remarquer au gouvem
qui il rappelle également le classement régulier des d
dossiers. deux ans plus tôt. Puis le procureur Marinelli s'i
quiète de savoir si des faits nouveaux, justifiant la réouve
des dossiers, étaient intervenus. On lui répond en haut lieu
"l'intérêt del 'Etat français" suffisaità justifier l'opération.
se passe donc des services du procureur réticent et 1'ordre
directementdonnéaujuged'instruction, un bon Françaisd
métropole, de prendre en mains l'affaire "de Gélis co
Um".
Convoqué à l'audition à Yaoundé, Um se présente
opposer la moindre résistance. Mais des milliers de mili
et de curieux ét.ant venus envahir les abords du palais de ju
pour voir ce qui allait advenir au Secrétaire général, le j
d'instruction se contenta de renvoyer à huitaine l 'auditio
Um Nyobé. Puis un second renvoi intervient à peu près
les mêmes conditions. Pendant qu'il attendait la troisi
convocation, Umestprévenupardesinfonnatcurssûrset
que le mécanisme de son enlèvement ~enait d'être mi
point et que ce mécanisme entrerait en mouvement
prochaine apparition à Yaoundé. La direction del 'UPC
alors que le Secrétaire général ne se présenterait plus à la
de la justice colonialiste, et Um disparaît de la circula
Certains ont préféré dire qu'il avait gagné le "maquis".
Il est resté clandestinement à Douala pendant deux ou
mois, sans prendre part aux manifestations publiques,
tout en continuant à avoir des séances de travail avec
membres du Bureau du Comité Directeur, en particulier

90
JUSQU'A LA MORT DEUM

1oumié et les deux vice-présidents Kingué et Ouandié. Il


1nble qu'ils auraient décidé, d'un commun accord, que
h un d'eux, à l'exception de Moumié qui devait demeurer
l 111s la région de Douala,irailorganisec.etanimcrun "maquis"
l 111 sa région natale. Militant discipliné, Um a gagné les
•· ·• · lS de Boumnyebel et s'est mis au travail.
Lorsqu'on parle des "maquis" de l'UPC des pères fonda-
i• 111 <;, il ne faut jamais perdre de vue deux évidences :la
t • rn ière, c'est que la clandestinité et le "maquis" sont une
111:1tion que l'UPC n'avait ni choisie, ni recherchée.et à
111 ·lie elle ne s'était pas préparée; ce sont les colonialistes
111 I· lui ont imposée. La seconde évidence découle de la
• 111ière : l'idée de remporter une victoire militaire sur
l 111née française, à partir du "maquis", n'a jamais effleuré
1 prit de Um Nyobé ; pour lui, la solution du problème
11l·rounais était politique, el c'est à la recherche de cette
111110 0 politique qu'il s'est consacré,dans le "maquis", jus-
1 11 ~on dernier souffle.

landestinité: une situation imposée aux nationalis-

111 c rappelle tout le mal que l'UPC s'est donnépournaître


1.11t<galité. A aucun moment Um et ses compagnons n'ont
• par la suite à se départir de cette attitude ; à aucun
"' 111 ils n'ontdonnél'impressionde vouloir atteindre leur
1. 11 utilisantautrechosequedesprocéduresetdesmoyens
11 1démocratiques. Le faireauraitd'ailleursété incom-
hl. vec l'idéal proposé aux Camerounais. On n'ajamais
1 1l. 1blement les gens par la violence. Et si la population
1 r • l'enseignement de l'UPC, c'est parce que celui-ci
' ' 1 ié ni par des incompatibilités de ce genre, ni par des
11 1hdi nsentrelathéorieproclaméeetlapratiquesociale
u "' lt nne des patriotes.
111 p;irùr du moment où, pour l' Administration colo-

91
L 'UPC : UNE REVOLUTION MANQUEE?

niale, l'objectif était devenu la destruction du Mouvem


nationaliste faute de n'avoir pu le contrer avec succès
terrain politique légal, rout a changé. Elle a délibérém
fau~ le jeu en entraînant I' UPC sur le terrain de la viole
où le gouverneur possédait tous les atouts.
Ainsi acculé, le Mouvement nationaliste n'avait pl
choixqu'entrecesserd'existerenseconvertissantaucol
lisme, ou tenter de résister. La résistance allait de soi, é
seule attitude dictée par l'honneur, la dignité et l'intérêt
Cameroun.quel' UPC faisait passer avant toute autre consi
ration.
On ne pouvait imaginer Um Nyobéen train d'adhérer
parti administratif, à l'ESOCAM par exemple, simplem
pour faire plaisir aux colonialistes, ou parce qu'il aurait
peur d'eux. Ce geste aurait voulu dire que l'idéal d'unité
souveraineté qu'il avaitproposéetenseignéà ses compa
tes était une mauvaise chose. Or, quelle personne de bon
peut prétendre cela ?
Il est bon que, dans un pays où les gens ont une cl
conscience de leurs intérêts et de leur dignité, on pu'
accepter de mourir pour un idéal. Il est bon aussi qu'il ex
des hommes de parole qui ne changent pas de bord
commande ou par intérêt personnel. Un pays qui m
d'hommes et de femmes dont le comportement tient li
référence aux autres, et dont chacun peut prévoir la réac
devant n'importe quelle difficulté de la vie, surtout si
difficulté se rapporte à l'intérêt général, ne pourra j
devenir un pays qui compte.
Les hommes de 48 étaient totalement convaincus du
fondé de l'idéal qu'ils proposaient aux Camerounais
n'étaient pas de la race de ceux qui changent de conviction
font semblant d'en changer, parce que la conjoncture
accable. Le problème ne s'est même pas posé à eux, un
instant, de rallier le camp adverse pour garantir leur
personnelle. La déclaration de guerre des colonialisLes

92
JUSQU'A LA MORT DEUM

''solution arbilraire de leur Mouvement les ont plutôtrenfor-


( dans l'idé.e qu'ils étaient sur la bonne voie et qu'il fallait
1utsimplement tenirjusqu'auretourdes tempsmeilleurs,qui
·rmeuraient la recherche d'une solution politique.

Um à la recherche d'une solution politique dans le


maquis"

Lorsqu'Achille Mbembe ditde Um Nyobéqu'il était un


1iquisard armé d'un stylo, il a tout à fait raison. Car le
•frétairc général del 'UPC a passé beaucoup plus de temps,
1 ns ce quel' on a bien voulu appeler son <maquis>, à essayer
~ proposcrunesolutionpolitiqueàlacrisedéclenchéeparlcs
1lonia1istes qu'à élaborer des sLratégies militaires.
Certes, on lui attribue la paternité d'un Comité national
l'Organisation (CNO), branche anné.e de l'UPC clandestine,
t 1lu SABL (Secrétariat administratif et Bureau de liaison),
11tcd'état-majorcivil auserviceduSecrétairegénéral. Mais,
l •ursurvivredans un milieu dontl' Administration entretenait
l lll';écurit.é, il fallait non seulement défendre sa tête contre les
1l1kokôn", les chasseurs de primes et autres délateurs de
1vice, mais aussi continuer d'occuper les militants et les
vmpathisants, même s'il n'était pas toujours possible de
'urerquelesconsignesétaientàchaquefois,correctement
" uté.es.
l ·s bavures et quelques erreurs graves ont certainement
rommisesdansle "maquis" deUm. Il faut les regretter, tout
n, yantà l'esprit que le Secrétaire général n'élaitpas un chef
•uerrecommeHissèneHabréouldrissDeby,parexemple,
l •1u ' il n'a, à aucun moment, envisagé de résoudre le pro-
11 me du Cameroun par un affrontement militaire.
Dans le cadre de la solution qui est restée la sienne jusqu'au
111 de son assassinat, nombreuses sont les initiatives politi-
111• · qui attestent de sa bonne foi, face à un adversaire qui, lui,
1 ut enfermé dans la logique de guerre el ne voulait entendre

93
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

aucun autre langage. Il suffira ici d'énumérer tout sim


ment quelques-unes des solutions politiques proposées p
maquisard anné d'un stylo :
- la levée de l'interdiction injuste dont l'UPC avait
frappé.e, suivie du re~ur à la vie politique légale du Mou
ment;
- une amnistie générale en faveur de tous les condam
politiques à la suite des événements de 1955;
-des négociations avec les autorités françaises pour trou
une solution à la crise. Mgr Thomas Mongo, que Um ace
de recevoir dans son <maquis>, était revenu de l'entre
porteur de propositions précises dans ce sens;
-les nombreuses lettres-propositions du Secrétaire gén
au Premier ministre Mbida, premier chefdu gouvememen
I' "Etat sous tulelle du Cameroun" ;
- note-mémoire à l'attention du gouvernement
pour le dénouement de la crise kamerunaise ("Maquis" l
juillet 1957) ;
- l'engagement de l'UPC dans l'aventure du
(Mouvement d' Action Nationale du Cameroun) visant à
mettre aux nationalistes de se présenter aux élections de 1
de la loi-cadre. Mais les autorités françaises n'ayant rien v
entendre au sujet de l'amnistie, le MANC se tenn ina
confusion du "Groupe des huit", avant léclatement
dernier en 1958. éclatement provoqué par un habitué
genre de manoeuvres : M. Charles Asa'ale. Un pos
ministre lui était proposé dans le gouvernement Ahidjo

Na~ance de l'"Etat sous tutelle du Cameroun"

Ce paragraphe aurait tout aussi bien pu s'intituler:"


ment on casse et dénature l'évolution d'un pays : le
Cameroun". En effet. une fois les nationalistes chassés
scènepolitique"légale", plusriennes'opposaitàlaréali
de toutes les visées de 1•occupant sur le Cameroun. c· est

94
JUSQU'A LA MORT DEUM

que les interlocuteursadministratifspromus par ses soins vont


Ire hissés aux postes de responsabilité el qu •il va leur être
1 troyé, aux conditions de l'étranger, tout ce qui avait été

rl'fusé aux patriotes.


On peut dire de lannée 1955 qu'elle a été celle où l' évolu-
uon nonnale de notre pays fut cassée et orientée dans une
1hrcction diamétralement opposée, que nous ne sommes pas
rncore parvenus à redresser..
1956: le parlement français adopte une loi dite loi-cadre
1 ·fferreautorisantlc gouvernement à procéderàdenombreu-
..,. réformes en Afrique noire française. Ces réformes ont
1 onsisté, d'une part à démantelerlesdeux fédérations d 'AOF

rt d' AEF (balkanisation), d'autre part à transformer les Terri-


t•urcs d'autre-mer et associés en Etats autonomes dotés d'un
1 onseil de gouvernement' présidé par le gouverneur français

1111 territoire. Au Cameroun, un décret français n° 501 du 16


vril 1957, pris dans le cadre de ces réformes, a cré4 l"'Etat
ms tutelle du Cameroun", avatar du grand Etat unitaire et
111verain revendiqué par les nationalistes dans leur "Procla-
111.1Lion commune" en 1955.
La gestion de l"'Etatsous tutelle" est naturellement confiée
11 interlocuteurs administratifs, sous le contrôle du gouver-
'" ur Messmer qui venait de remplacer Roland Pré. André-
f.ir1c Mbida, investi par 56 voix contre 10, en devient le
1'11 mierministre,chefdugouvernementle IO mai 1957,etce
~ ·111 est lui-même proclamé fête nationale de !'"Etat sous
11 h lle". Au poste de vice-premier ministre, ministre de l 'In-
' ' ur: Ahmadou Ahidjo, que Daniel Kémajou remplace à la
l'" 1dcncedel'ATCAM.
r ux événements importants interviennent sous le gouver-
11 111 nt Mbida. Le premier concerne le renforcement de la

• I" ·ssionqui s'abatsurla Sanaga Marilime, à la demande du


1·..-111icr ministre. Au départ, six compagnies d'infanterie et
pt pelotons de la Garde camerounaise, sous les ordres du
• ''' 111 ·J de Villeneuve, avaient été envoyés en pays bassa,

95
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

mais d'autres renforts n'avaient cessé d'affluer depuis


début de 1957.
Le se.cond événement se rapportait au plan français
à Paris sur l'avenir de notre pays. Ce plan recommandait
particulier de ne plus s'opposer à l'indépendance du C
roun, mais plutôt la précipiter, après l'avoir vidée de l'e
tielpardesaccordsréservantàlaFrancelepouvoirdedécisi
dans les domaines majeurs. Ces accords devaient naturel
ment se conclure avec le Premier ministre, premier pe
nage de l'Etat inédit Mais lorsque Mbida est invité à ap
sa signature au bas du document, il se rebiffe, estimant que
traités qu'on veut lui faire signer sont contraires au
international ; qu'aucun accord valable ne peut interv
entre un ELatsous tutelle et unELatqui, lui,jouitde la pléni
de sa souveraineté et se trouve être, au surplus, le colonisa
de son partenaire. Seul un Cameroun indépendant et souve
comme la France pourra conclure des traités valables a
ParisEt pour ce qui est del' indépendance elle-même,
ne la prévoit pas avant une dizaine d'années. Raison de pl
ne pas signer les accords qui lui sont proposés et qui p11
sent une indépendance immédiate.
L'entêtement de Mbida entraîne sa chute. Décisi
prise de le remplacer au premier ministère de l'"Etat
tutelle" par un interlocuteur plus accommodant et plus
qui ne soulèvera pas tant de problèmes. Un nouveau g
neur,Jean Ramadier, estaffecléà Yaoundé spécialement
aller déloger Mbida qui terrorisait tout le monde.
mène l'opération tambour battant et, le 18 février
Ahmadou Ahidjo est investi Premier ministre de l'"E
tutelle" par 49 voix et 15 abstentions. li signera les f:
accords le 30 décembre 1958. Mais, avant cela, le S
général del 'UPC aura été assassiné dans le "maquis" s
ordre.

L'~inat du Secrétaire général de l'UPC.

96
JUSQU'A LA MORT DEUM

f a vraiemission,nonécrite,del'"Etatsous bJtelle" était de


•llllnuer la politique antinationale du colonisateur, avec
l 1 et l'assistance de ce dernier.
Dans ce contexte, le gouvernement camerounais sorti de la
11111 hedel'occupantnepouvaitavoir,prioritairement.qu'un
11111 répressif, étant par nature et par vocation l'agent destruc-
•· 111 de la nation camerounaise que les nationalistes voulaient
1111\truire.Les nations se construisant autour d'une cons-
" 11 ·c nationale clairement dégagée et affermie, c'est par la
1 truction de cette même conscience que l'on peut, soit
1111 her l'émergence d'une nation corn me cela se faitactuel -
111 ·nt avec la recrudescence de la conscience tribale, soit
M .111tir les ambitions d'une nation qui existe déjà. Chez nous,

,., nt destructeur de la nation a commencé son oeuvre par


1 lunination physique des forces et des hommes qui incar-
11 nt la conscience nationale et le patriotisme camerounais.
ut n Um Nyobé était la plus parfaite de ces incarnations.
t 111 connaît maintenant, de façon à peu près certaine, les
1n<>tances de la mort de Um, le 13 septembre 1958, dans
1111 ts de Boumnyebel, en pays bassa
·r 1ut un acte programmé.décidé en haut lieu par le Premier
11 11 e camerounais et approuvé par l'autorité de tutelle, qui
11 pu l'empêcher. Cetactea réjoui et enrichi des chasseurs
1 11 11 s des environs, en même temps qu'il a arrangé les
1 11 1 de certains politiciens véreux. Mais si la disparition
1 1, de Um Nyobé a fait danser de joie le clan de l'indica-
.1kon ma Bikat à Makaï, elle a au contraire endeuillé
11111! ment les étudiants camerounais en France. et finale-
' I' nsemble des étudiants africains en Europe et dans le
1
11 f usceau de facteurs objectifs - dont l'efficacité des
111 t"' de contre-guérilla utilisées par le colonel français
111 ton (ancien d'Indochine), la délation au sein del'UPC,
1111 k et la terreur ressenties par des populations soumi-
11 • r .pression sauvage depuis trois longues années, et

97
L 'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

enfin la cupidité des chasseurs de primes - a conduit à


localisation précise du "maquis"de Um par l •armée colonia
plusieurs mois avant le 13 septembre, et le Secrétaire génér
aurait pu être abattu une centaine de fois avant le mois
septembre. Les militaires n 'avaientordrealorsque de le sui
et de ne pas perdre son "maquis" de vue. Jusqu•au jour
1'ordre a été donné de le supprimer.
La confession d'Okala Charles, alors ministre d' Ahid.
révèle qu'avant de prendre sa décision, le Premier minis
avait consulté trois ministres de son équipe: lui-même Okal
Asa'ale et un troisième personnage dont il n'a pas vou
dévoiler l'identité. Ceci se passe dans une villa sur les bo
de la Sanaga, à Nachtigal.
Une fois prise la décision d'éliminer physiquement
Secrétaire général de l'UPC, ordre en a été donné à la trou
et. ce matin du 13 septembre, une petite unité composée
soldats armés jusqu'aux dents et guidé.<; par Luc Makon
Bikat a fait feu, en toute connaissance de cause, sur des ge
non armés, tuant froidement à bout portant Um Nyobé, sa bel
mère Ruth, Pierre Yem Mback et Jean-Marc Poha, les au
compagnonsayantréussi à se cacher et à fuir. Makon ma Bi
s'est vanté, devant témoin, d'avoir lui-même désigné Um
son exécuteur qui ne connaissait pas le Secrétaire général.
Le clan de l'indicateur au grand complet s'est mis en
à Makaï et a salué le carnage par des danses, des rasades
bière et de mimbo. La prime y était pour quelque chose. S
doute a-t-elle délié aussi Makon ma Bi kat de la promesse fa·
deux ans auparavant de ne se raser que le jour del' enterrem
de Um Nyobé. Ce jour était arrivé.
Ce n'est ni par une explosion de joie, ni par des danses
des chants d 'allégresse que, à plus de six mille kilomètres
Makaï, les étudiants camerounais en France ont appris
nouvelle tragique, le 15 septembre au matin. Tout le mon
travailleursetétudiants,s'estretrouvéspontanémentlesoir
Foyer des étudiants (Boulevard Monunartre) pour une veill

98
JUSQU'A LA MORT DEUM

111 bre. A l'unanimité, il fut décidé d'organiser à Paris un


1.md meeting d'information sur le Cameroun et sur Um
y bé. Le meeting se déroula le 19 septembre à l'hôtel
111 Lia, sous la responsabilité de l'UNEC et de la FEANF
1nlération des étudiants d'Afrique noire en France).
Une rumeur ayant circulé, au cours du meeting, que le
" mier ministre Ahidjo se trouvait à Paris, les responsables
deux fédérations d'étudiants se retrouvèrent le soir au
nycr pour arrêter l'attitude à tenir. Il fut alors décidé d'aller
11.111ifester le surlendemain, dans le calme, à la Délégation du
. meroun à Paris (rue Murillo) pour:
exprimer l'indignation de la jeunesse d'Afrique noire;
demander des explications claires concernant les circons-
t 1m es exactes dans lesquelles Um est mort, s'il est vraiment
11111rt ;
exiger qu'il lui soit fait des obsèques nationales.
l .a manifestation a eu lieu le Ier octobre. Une véritable
r•111nécdesdupes,aucoursde laquelle les étudiants d'Afrique
1t111 rc, auxquels s'étaient joints leurs camarades d'Afrique du
11rd et des étudiants français,ontpluseuaffaireavec la police
h 111çaise qu'avec des interlocuteurs camerounais, liu.érale-
1111·111 barricadés dans leur citadelle assiégée. De guerre lasse,
1 11dans l'après-midi, la police se résigna à laisser passer
1.11x délégués chargés d'aller remettre au Premier ministre
111crounais le message des étudiants. Une demi-heure plus
1 11, les deux messagers sont revenus sans avoir été reçus par
ludjo qui leur a fait dire qu'il était absent. Les quotidiens
111 icnsdu lendemain ontnéanmoins relaté, en bonne place,
péripéties de cette journée inoubliable.
Inoubliable aussi, et surtout inattendu, l'hommage rendu à
1 111 Nyobé par l' ATCAM, à! 'ouverture de sa session de fin
·I 11mée le 14 octobre. C'est le doyen d'âge, le chef Beloté
~ wa. qui en a pris l'initiative. Après avoir fait observer une
111111te desilenceàlamémoiredesdeux membres del' Assem-
t 1.' morts quelques semaines auparavant, Yaya Dahirou,

99
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

lamido de Maroua, et Adarna Haman, ministre de la Foncti


publique, le doyen Betoté Akwa a ajouté ceci :
"Mais aussi, Mesdames, Messieurs, votre Doyen d'
voudrait se faire le devoir d'appelt:r votre attention sur
autre perte d'une valeur nationale incontestable, celle
! 'homme qui, quels qu'aient été les moyens qu'il a emplo
pour arriver au but et qui, hélas ont été contre notre idéal
non-violence, s'est intitulé comme le Premier Cameroun ·
avoir, sans ambages, posé le problème de l'indépendance et
la réunification du pays: j'ai nommé Ruben UM NYOB
"Le Doyen de votre Assemblée voudrait se placer
dessus de toute doctrine ou tendance pour dire que la perte
ce compatriote crée un vide qu'il nous sera difficile
combler, et je vous remercierais de le regrcucr avec moi.
reste, pour notre part, il s'avère impossible d'imaginer
même la nation tutrice (France), dont nul n' lgnore à traver
monde entier l'esprit magnanime et généreux, cette ch
pionne des libertés, l'apôtre du respect de la personne
mai ne, le défen seuruni verse! des droits de l'homme, puis
seul instant ne pas nous laisser pleurer nos fùs, quels qu
fussent..."
L'A TCAM était une assemblée où le Secrétaire généra
l'UPC n'avait jamais et n'auraitjamais pu meure les pi
Son hommage poslhume à Um n'en était donc que p
émouvant
La première et principale conséquence de la mort de
au niveau de l'UPC, a été la fin du "maquis" en pays ba
Tout le monde, ou pïesque, est sorti de la forêt en l'espa
quelques semaines pour se rendre aux autorités. M. Théod
Mayi Matip, bref compagnon de "maquis" de Um Nyo
miraculé de la tuerie du 13 septembre, esl devenu le chef de
des ra11iés. JI est entré à I' ATCAM l'année suivante, co
leader de fait de l'"UPC légale", que ne reconnaîtra ja
l'UPC en exil.

100
V
..
....
, ··~ ·

L'UPC "LEGALE"
. ._· ..
. ..
)

.. . --:..-:-:...
Qui estàl'originedel'épithète "légale~· accolée au nam du
M11uvement nationaliste : le gouvernement sous tutelle d 'Ah-
nu lou Ahidjo? Ses tuteurs? Ou les ralliés.dti "maquis" ? Un
oblème à résoudre. ·
Quoiqu'il en soit cependant, Je fait demeure qu'en se
1•11 lamantlégale, l'UPCdes ralliésprenaitsesdistancesavec
•.cule UPC connue jusque là et annonçait, peut-être incons-
11·mment,peut-être contrainte, qu'elle ne serait pas tout à fait
1Mnme l 'UPC des pères fondateurs, sans pourtantdireen quoi
onsisterait sa spécificité. Mais celle-ci n'a pas tardé à poindre
riusque, l'année suivante, l'UPC légale entrait à 1' ATCAM.
A cause de la situation troublée déjà évoquée, les élections
11.'1décembre1956à I' ATCAM n'avaient pas pu se dérouler
11 pays bassa où deux candidats (colistiers), Charles Delan-
"' ·t Mpouma Samuel, ont trouvé la mort dans des condi-
l1• 111s a1roccs dans la nuitdu 18 au 19décembre,àquatrejours
111 ~rutin. Les quatre sièges de la Sanaga Maritime à l' As-

IOI
L 'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

sembléesontdoncrestésvacants,jusqu'au 12avril 1959,da


à laquelle le Premier minislre de l'Etat sous tutelle a déci
d'organiser une élection partielle pour y pourvoir.
Mais comment obtenir que l'UPC, toujours légaleme
dissoute et interdite, participe à ces élections partielles da
une région où sa non participation enlèverait toute signifi
tion à la consultation ?
On avait réfléchi à Paris, bien longtemps à l'avance,
toutes ces complications secondaires et l'amnistie partiel
avait été retenue comme la solution la plus appropriée d
moment Elle présentait l'avantage de maintenir l'UPC ho
la-loi, tout en laissant la possibilité à ceux. des upécistes q
seraient disposés à jouer le jeu de se présent.cr.
Le 14 février 1959, l'Assemblée du gouverneur (A
CAM) adopta donc, par 31 voix contre 7 (Démocrates ca
rounais de Mbida), une loi d'amnistie en faveur des con
nés politiques à moins de vingt ans. Et le 12 avril, la liste
quatre candidats conduite par Mayi Matipraffla pratiquem
toutes les voix. L 'UPC légale franchissait ainsi le seuil d 'u
Assemblée que n'avaient jamais approché les hommes de
Désonnais, elle allait être associée, officiel lemenl, aux pré
ratifs de l'accession à l'indépendance aux conditions arrê
à Paris.

L'indépendance aux conditions du colonisateur

Lorsque Paris a décidé de précipiter l'indépendance


Cameroun.aucune protestation ne s'est élevée parmi
ceux qui avaient combauu la proposition d'une indépendan
programmée défendue par l'UPC. Non seulment ils se so
tous ioclinés, mais on les vit devenir, du jour au lendem
des partisans acharnés del' indépendance immédiate, souv
plus zélés et plus intransigeants que les patriotes. Corn
toujours dans ces cas-là, des situations surréalistes d'
grande cocasserie n'ont pas tardé à venir alimenter le spec

10'2
L'UPC "LEGALE"

' t . Les membres de I' A TCAM en ont vécu une le 18 février


l'J58, jour de l'investiture d'Ahmadou Ahidjo au poste de
l 'r mier ministre de l'Etat sous tutelle.
Depuis son entrée dans le club des "intellectuels du BOC"
111 1952, Ahidjo était connu comme l'un des adversaires les
plus résolus de l'indépendance. Sa participaùon au gouveme-
111 ·nt Mbida n'a fait que le renforcer dans cette position. Or,
11 18 février 1958, Ahidjo annonce dans sa déclaration d'in-
\' stiturequ'ilcstdécidéàoeuvrerpourl'accessionsansretard
1h1 Cameroun à sa pleine souveraineté. Les membres de
l'Assemblée, éberlués, n'en croient pas leurs oreilles. Cer-
i.uns commençaient à penser à un miracle IOisque, de son
1:uic,Mbidas'estlevéetaapostrophéviolcmmentsonex-vice ·
l '1 cmier ministre, le sommant presque de dire clairement aux
clflégués comment les choses allaient se dérouler en fait, au
h< u de se borner à ânoner un texte. Provocation, ont rétorqué
k amis d'Ahidjo qui, lui-même, s'est mis en colère, étant
111capable d'improviser pour apporter de plus artlples ex pl ica-
11ons à certains passages de son discours écriL Mbida savait
que la déclaration d'investiture do~t Ahidjo venait de donner
h · ture à l'Assemblée av ai tété rédigée, d'un bout à l'autre, par
Ir gouverneur Ramadier et qu'Ahidjo ne pouvait y apporter
1ucune précision supplémentaire, ne sachant pas encore lui-
même comment les choses allaient se passer en fait C'est Je
ouvemeur qu'il aurait fallu questionner pour le savoir. Ahid-
f!l a quand même été investi sur la base de cette déclaration.
Le premier acte était ainsi posé, d'un régime pour lequel
tout allait se ramener aux apparences, aux titres dont les gens
décorent et pour lesquels ils sont rémunérés, logés, nourris
l't reçus en grande pompe comme s' ils assumaient la·réalité
11 s fonctions découlant du titre. On aura ainsi des premiers
111inistres chefs de gouvernement dont le véritable rôle se
l11nite à écouter et à reproduire comme des perroquets la voix
11• leur maître. Quant aux chefs d'Etat, d'eux- m~mcs ils
1voueront n'être que des"élèves" dociles de J'Elysée. C'est

103
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

cela le néocolonialisme, inauguré à grand spectacle le 1


février 1958.
Les autres conditions posées par le colonisateur se son
réalisées sans le moindre accroc, à commencer par la conclu
sion de~ accords inégaux, ou néocoloniaux.

1° Les accords néocoloniaux :


Ces traités "illégaux" (comme disait le Premier minis
Mbida) étaient une réponse à la question que se posait I'occu
pant de savoir comment maintenir le Cameroun "indépen
dant" sous la domination et la subordination de la Franc
Réponse: en contractualisant la dépendance, c'est-à-dire e
amenant les Camerounais eux-mêmes à renoncer, par d
contrats ou accords ou traités, à leur pouvoir de décision et
s'en remettre à la France pour des matières essentielles tell
que la culture, la monnaie, l'ordre public, les transpo
maritimes, la défense, etc.
La défense constitue un exemple particulièrement révéla
teur de l'abandon de souveraineté consenti par les interlocu
teurs administratifs placés à la tête de l'Etat sous tutelle d
Cameroun.Lestraitésinégauxfranco-Ahidjodu30décemb
1958 en ont posé le principe, secrètement puisque I' aecord s
ladéfenseestdemeurésecret;ensuitelesconventionsde 1960
ont partiellement réglementé le droit de la France à interven ·
militairement au Cameroun pour venir défendre et protéger le
gouvernement sous tutelle contre son propre peuple. Voici
qu'on nous apprend aujourd'hui que le système a encore été
peaufiné. En effet, pour éviter à l'avenir que la base légale des
interventions militaires françaises en Afrique puisse êtrO
contestée, il a été suggéré aux "amis de la France", ainsi qu'à
ses "élèves", de préparer et de signer à l'avance des demandes
d'intervention où seule la date Sera laissée en blanc. Ces
demandes seront ensuite déposées en lieu sûr, dans des coffres
à Paris ou clans les ambassades de France bénéficiant d'une
solide protection. Parmi les quatre pays qui y ont déjà souscrit

104
L'UPC "LEGALE"

t 1 '.1meroun.
<'c qui est vrai pour la défense l'est aussi pour la monnaie,
1 111llustrie, Je commerce extérieur et toutes les autres matières
1• ·rvées", y compris les relations des gérants del 'Etat sous

111..Jlc avec les autres Camerounais, et plus particulièrement


1 patriotes. Cest par la volonté du colonisateur que toute
111 ertation entre Camerounais a été rendue impossible avant
1 111oclamation de !'"indépendance" liée.
0
Refus de Loute concertation entre Camerounais :
1 fait, pour le gouvernement RDPC aujourd'hui, de reje-
" r r ute idé.e d'une concertation avec les Camerounais qui ne
1• usent pas comme lui est une habitude qui vient de loin, mais
•1111 répond parfaitement à sa nature. Souvenons-nous des
1 11nbreuseslettres-propositionsde Um Nyobédans le "maquis"
111 Premier ministre Mbida ; aucune de ces correspondances
11 ·• eu la suite qu'elle méritait.
Souvenons-nous du représentant de la France à ! 'ONU, M.
M rizet, déclarant arrogamment le 28 octobre 1958 devant
1Organisation internationale :
"Ni M. Ahidjo, ni les autres membres de la délégation
h.tnçaise n'engageront aucune discussion avec les pétition-
11.ures camerounais".
Qui ét.aient les pétitionnaires camerounais en question ?
Félix Moumié: Président de l'UPC
Ndeh Ntumauh: Leader du "One Kamerun"
Jean Nguenga : Représentant de l 'UNEC
Michel Dooh Kingué: Représentant de l'UNEC
Ces Camerounais se trouvaient à New York en même
rnn ps que le Premier ministre Ahidjo et cherchaient à rencon-
IH'r ce demier pour qu'entre Camerounais, ils essayent de voir
, sur quoi ils pouvaiem se mettre d'accord. Mais le colonisa-
1cur a interdit au Premier ministre sous tutelle d'accepter tout
1 on tact de ce genre, à même de conduire à une solution qui ne

~·rait pas la sienne, ou qu'il ne contrôlerait pas.

105
L1JPC: UNE REVOLUTION .MANQUEE?

Souvenons-nous enfin de la proposition d'une table-


de tous les partis, lancée par Ahmadou Ahidjo le 11 nove
1961, el finalement sabotf.e par Ahidjo lui-même, après
toutes les forces politiques du pays aient accepté sans r
de participer à la table-ronde,
On peut dire que depuis sa création par le coloni
jusqu'aujourd'hui, l'Etat sous tutelle n'a pas failli une
fois à sa mission qui était et demeure la division des Came
nais par des moyens adaptés à chaque situation. A la veill
l"'indépendance", le moyen retenu par le colonisateur
même avait été le refus de toute consultation desCamerou
avant la proclamation de l"'indépendance" liée.

3° Pas de consultation générale des Camerounais av.


!'"indépendance" :
Le problèmes' est en effet posé aux Nations Unies d'
niser au Cameroun, conformément à la Charte et à
pratique bien établie, des élections générales sous contrôl
l'ONU avant la proclamation de l'indépendance. Toutes
forces patriotiques camerounaises ont accueilli ccue pro
tion·avec enthousia<;me. Mais les autorités franco-Ahidjo
sont opposées avec succès grâce au soutien des amis et all
occidentaux de la France à l'ONU. Ainsi, les Camerou
sont entrés dans l'indépendance divisés, comme le vou
l'occupant qui, dans un tel contexte, allait pouvoir con tin
à souffler sur le feu en soutenant un camp contre l 'aul.re
une guerre coloniale qu'il avait lui-même déclenchée et q
causait le plus grand tort à notre pays.
C'est dans le cadre de cette politique du pire que l'
d'exception a fait son apparition comme élément de
politique, et qu'il s'est imposé pendant plus de trente
comme règle de gouvernement.

4° L'état d'exception :
Il y avait un lien direct entre l'état d'exception, le refus

106
L'UPC "LE.GALE"

1 onsultation régulière et préalable des Camerounais


111 1 indépendance et la nature de lindépendance elle-

1 1 es élections générales et régulières avaient eu lieu


1.11 la proclamation de l'indépendance, les patriotes les
11 111 nt largement gagnées el cette victoire aurait eu un effet
111111 ment positif surnotre pays.D'abord elle aurait ramené
1 I '·" civile, parce que les troupes coloniales auraient cessé
l .111 e la guerre aux nationalistes qui. de leur côté, auraient
11lu toute justification de leur résistance. Second effet béné-
f 1111 : le gouvernement patriotique sorti des urnes aurait
.11 ni les relations franco-camerounaises en les débarrassant
1 ut relent de néocolonialisme. Ainsi, le Cameroun aurait
• dé à une indépendance véritable: une indépendance-sou-
11;11neté.
En empêchant l'organisation des élections générales, le
111lonisateur s'est opposé àla paix et à l'indépendance vérita-
lil1 du Cameroun. En revanche, il a favorisé et encouragé la
1 111rsuite de la guerre coloniale afin que ses interlocuteurs au
1 111voir puissent en prendre prétexte pour institutionnaliser
1•r tat d'exception.
Jusqu'en 1959, l'état d'exception a prévalu comme une
rtuationde fait,encesensqu'il n'étaitpas réglementé par des
lor ·ou des réglements; d'autre part, son champ d'application
limitait aux seules régions où sévissait la répression colo-
111aJe.
C'est après que les Nations Unies aient fonnellement
il · 'idé (Résolution 1349. XIII du 13 mars 1959) que des
1 tians générales n'auraient pas lieu au Cameroun sous leur
t 1 ntiôle avant la levée de la tutelle et la proclamation de
l' indépendance que les premières lois et les premiers décrets
mstitutionnalisant l'état d'exception ont commencé à faire
kur apparition dans le journal officiel, par exemple dans celui
du 27 mai 1959.
Après avoir connu une aggravation et une extension sauva-

107
L 'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

gespendant trente ans et plus, l'étatd'exception vient sirop


mentd'êtreatténué danssarigueur-et non pas supprimé-
la loi RDPC n° 47 du 19 décembre 1990. Trente quatre
aprèssacréation par le colonisateur, l'Etatsous tutelle ne
toujours pas se passer de l'état d'exception.
Une fois levés les obstacles extérieurs qui auraient
empêcher l'application intégrale du plan français sur l 'év
tion du Cameroun, les gérants de l'Etat sous tutelle, assurés
se maintenir au pouvoir, ont mené rondement les ch
jusqu'au l cr janvier 1%0, et même au-delà.
Dans sa résolution du 24 octobre 1958, l 'ATCAM avait
effet "proclamé solennelJement la volonté du peuple c
rounais de voir l'Etat du Cameroun accéder à la pie·
indépendance nationale le Ier janvier 1960". Dans la mê
résolution, l'Assemblée du gouverneur s'élevait égalem
contrecequ 'elle appelait "IOute tentative qui pourrait
l'accession du peuple camerounais à sa totale souveraine
Par ce terme, l' ATCAM désignait les élections général
dont la simple perspective donnait des sueurs froides à I'
sous tutelle.
C'est le scénario conçu à Paris qui a prévalu. Aussi le
octobre 1959, l 'ATCAM (devenue ALCAM) a-t-elle acco
les pleins pouvoirs au gouvernement Ahidjo, l'habili
d'une part à préparer la future constitution du Came
"indépendant", d'autre part à légiférer jusqu'à l'installati
des institutions issues de la constitution. Tout allait donc
passer selon la volonté des seuls interlocuteurs admini
au pouvoir, ou plus exactement selon celle du vrai meneur
jeu, sans tenir le moindre compte du point de vue de tous
aulres Camerounais, délibérément exclus de la partie.
Il est essentiel, pour un Camerounais qui veut compren
la situation de notre pays aujourd'hui, de bien réaliser
c'estau coursdesannées50/60,à laveillede l'"indépendanaj
que le cours de notre histoire a été profondément déform6.
Depuis cette date, tout marche à l'envers au Cameroun, lot

108
L 'UPC "LEGALE"

111rrlocuteurs administratifs s'étant succédés entre eux, tout


11 formant une nouvelle génération d'héritiers aussi disposés
111'( ux-mêmesàn'êtrechezeuxquededocilesexécutants,de

1111 1 stes <élèves> du grand protecteur étranger. C'est au


' 111r • de ces années décisives que la conception même du
1 111 voir a été dénaturéce puisque, pour les interlocuteurs admi-
11 .1 rotifs auxquels il a été remis, le pouvoir représentait
• ·ntiellement, sinon exclusivement, un instrument de ré-
l'll' ion, le moyen d'empêcher toute expression du nationa-
la rneetdetuerdansl'oeuftoutrisqaed'arrivéeaupouvoirdes
I' uriotes.Ceue croisade d'auto-destruction allait se donner le
cj(1tn de "lutte contre la subversion". On en connaît la suite.

l 11mons donc cette parenthèse pour revenir à 1960.


Le 1er janvier 1960, la tutelle intemalionaleest levée sur le
t '.1meroun français et !"'indépendance" proclamée. Le pays
11! vient la République du Cameroun.
Le 21 février, la constitution préparée par le gouvememen t
hidjo est adoptée à !'issue d'un referendum populaire. Deux
111ois'p lus tard, le IO avril, des élections législatives organisées
ius l'état d'exception et l'occupation militaire étrangère
1onsacrent la victoire du parti d' Ahidjo, l'Union
c .1merounaise,créée après son installation au premier minis-
11rt.: cn1958.Le5maienfin,AhmadouAhidjoestéluprésident
cil la République suivant une procédure spéciale et exception-
udle, par l'Assemblée Nationale. Le lendemain, i 1nom me M.
sa'ale au poste de Premier ministre, chef du gouvernement
La réunification interviendra un an plus tard, le 1er octobre
1961, dans les conditions désavantageuses prédi les par Um le
11décembre1952à l'ONU. On se souvient qu'à cette occa-
~1on, le Secrétaire général del 'UPC avait mis la communauté
111tcmationale en garde en disant ceci : "La réunification est
. l.1 seu_le voie par laquelle Je Cameroun doit passer pour
• ccéder à son indépendance. Si on ne l'accepte pas ainsi, c'est
•!u 'on est partisan de l'indépendance d'une partie du Came-
wun au sein du Nigériaou du Commonwealth britannique, et

1()<)
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

de l'indépendance de l'autre partie du Cameroun au sein


l'Union française ... "La réunification intervenue le 1eroc
1961 n'a regroupé, en effet. que la République du Came
et la partie méridionale du Cameroun briaannique, la
septentrionale ayant été intégrée au Nigéria.
Les interlocuteurs administratifs se sont vantés, par lasui
d'avoir obtenu et réalisé tout ce que voulaient les nationali
Dans leur logique qui se satisfait des apparences, l'o
lion ne manque pas de pectinence. Mais pour un patriote
recherche toujours la réalité des choses, une iodépendance
goût amer et une réunification partielle ne sauraieotconsti
un bulletin de victoire, surtout lorsque, au surplus, tout
intervient dans un climat de division des Camerounais.
Dans l'esprit des patriotes, d'hieret d'aujourd'hui, l'un·
des Camerounais demeure la base sur laquelle doit se réali
toute véritable politique d'intérêtnational. Qui peut se ré"
aujourd'hui du tragique bilan detrenteansd'unepolitique
apparences qui a consisté à construire une indépen
bâtarde sur la division des Camerounais ? Les miasmes
cette forfaiture n'ont pas épargné l'UPC légale.

Structuration de l'UPC "légale"

En quoi a consisté cette structuration ? Essentiellemen


dans la mise sur pied d'un organe appelé Bureau National
Provisoire,chargéd'organiserletroisièmecongrèsdel'UPC.
Le deuxième congrès remontait à 1952, et il s'était réuni à
Eséka.
Avant d'en arriver à la création d'une structure légale, il a
fallu d'abord quel 'UPC obtienne la levée de son interdiction;
maisavantd'obtenircette levée, 1'UPC a participé légalement
aux préparatifs de l'indépendance et à la mise en place des
nouvelles institutions.
Par ses quatre représentants élus le 12 avril 1959 à I'As-
semblée du gouverneur, l'UPC a pris part à lélaboration de la

110
L'UPC "LEGALE"

ccordé les pleins pouvoirs à Ahidjo le 31 octobre

l 11 • de ses membres, les délégués à l'Assemblée Mayi


''I' 11 lnack Njocki, et le syndicaliste Jacques Ngom, ont
1 I' 11 tie des organes consultatifs créés pour examiner le
"J' 111 ·constitution sous le contrôle dugouvernementAhid-
11 t n ont démissionné pour marquer leur désaccord. Et lors
1 11 krcndum constitutionnel du 21février1960, l'UPC a fait
'" r NON,particulièrcmentdansleDjaetLobo,à Kribi,dans
••. 111uga Maritime, le Wouri, le Mungo, Je Nyong et Kellé,

1e25 février1960, l'UPCestré1.abtiedanssesdroi1.s parun


.~ H'ldu Premier ministreAhidjoabrogeantledécretfrançais
11t J955 qui avait interdit le Mouvement. Ainsi, l 'UPC a pu se
I'' <;enter officiellement, en lant "que telle, aux élections légi-
l.111ves du IO avril 1960. Son groupe parlementaire de huit
nll'mbres à la Chambre aurait -pu cômpter davantage de
1h putés si tous les upécistes élus le 10 avrils 'y étaient inscrits,
c rnnme par exemple les cinq é~Ûs de la liste conduite par
l\itmdem Ninyim à Bafoussam, et Chamba Jean élu à Ban-
1•1111gté, etc.
Al' occasion de son élection (le 5 mai) à la présidence de la
République, Ahmadou Ahidjo a pris, le 8 mai, une ordonnance
1>0rtant "amnistie générale, totale et inconditionnelle pour
lous les crimes, délits et contraventions à caractère politique
1m en rapport direct avec les incidents d'origine politique"
untérieurs à la publication de lordonnance. Ce geste a surtout
hénéficié aux ralliés du "maquis", dont bon nombre venaient
de périr à Douala dans un gigantesque incendie criminel. De
quoi s'agit-il?
Dans une lettre au Premier ministre Ahidjo, le lieutenant-
cotonel Lamberton, qui commandait les troupes coloniales en
guerre dans la Sanaga Maritime, avait infonné le chef du
gouvernement néocolonial de la sortie du "maquis" d' un cer-
tain nombre de partisans et de leur regroupement à Douala,

Ill
L 'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE'!

précisément dans le quartier Kongo qui allait s'em


dimanche 24 avril 1960. L •officier français terminait sa
en conseillant au Premier minislre d'adopter, à 1'égard de
ralliés (ou supposés tels), ainsi que des populations
d'une manière générale, une attitude souple de corn
sion susceptible de les amener petit à petit, à se rapprocher
régime,etpeut-êtreàs'y intégrer plus tard. Maisdemêm
Je conseil du gouverneur Ramadier à Ahidjo pour une en
avec Um Nyobé - encore vivant au <maquiS> - en vue
formation d'un gouvernement d'union nationale a t
l'assassinat de Um, la réponse du gouvernement néocolo
aux suggestions du lieutenant-colonel Lamberton a pris
fonne d'un gigantesque incendie, qui en rappelait d'au
dans le processus d'installation des régimes fascisies.
thOOriciens du régime néocolonial devaient d 'ailJcurs déci
publiquement, peu de temps après à Yaoundé, à l'occa
d'un séminaire de fonnation des cadres du parti gouv
mental qll'il ne fallait "pas hésiter à recourir aux m
fascistes dans le combat politique contre ses adversa·
(Cours professé par Kamé Samuel, philosophe-doctrinaire
parti gouvemementald'Ahmadou Ahidjo).
Le lraitement infligé au groupe parlementaire de I'
procédait du même état d'esprit. Signalons tout simplemen
cet égard que, parti de huit membres en 1960, ce groupe a
cessé d'exister en 1962, à la suite des malheurs qui se
abauus sur ses députés : invalidation (Ngué Ngué Elie
condamnation à la détention à vie (Owono Mirnbo),
tion et coodamnation à de lourdes peines de prison ~
(Mayi Matip), etc.
De son affectation au poste de Premier ministre en ma
1960 à son renvoi en 1%5, M. Asa'aleCharles, transfuge
l 'UPC, fut l'un des plus grands organisateurs de la répressi
contre les patriotes, et plusparticulièrementcontre sesancie
"camarades" de parti.
Mais tout ceci n'a pas empêché J'UPC légale, après le

112
L'UPC "LEGALE"

., t du 25février1960et une fois tenninée la mise en place


mslitutions du Cameroun "indépendant", d'envisager son
wI! 111sation en tant que parti politique.
1 11 effet, il ne suffisait pas d'un décret de rétablissement
••111 que l'UPC retrouve la structure normale d'un parti
1 1huque. EtleMouvementavaitd'aµtantplus besoin desere-
1111 ·turer que le paysage politique avait beaucoup changé, au
111 ·t·au des partis, et que ses propres structures d'autrefois
v.ucntquasimentdisparu dans le cataclysme des cinq ans que
lt Mouvement venait de vivre.
"est à Libamba, du 21 au 23 décembre 1960, que les
l.11nbeaux de ce qui avait survécu des structures de 1955 se
ml retrouvés, aux côtés du groupe parlementaire, pour déci-
1!1 r de l'attitude à tenir. · · . '•
Les participants à la'rencontre se..sont mis d'~cÔrd pour
111ctlre sur pied, tout de suite, un B~tr&Jtional j>to\.isoirede
1louze membres, chargé de deux tâches Pt~~~ :: ·
- diriger toute l'activité du Moûvemèntjusqu 'au prochain
(troisième) congrès, qui re-structurel'a'le parti ; •
-préparer et convoquer le troisième congrès de liUPC dans
1·s meilleurs délais.
Statutairement, seul le Comité Direèteur est qualifié pour
ronvoquer un congrès de l'UPC (article 19 des statuts). Mais
le Comité Directeur n'existant plus, il a fallu trouver une
· lution acceptable penneuant de sortir de l'impasse. Les
personnes présentes ont approuvé la solution retenue. Voici la
liste des douze membres du Bureau National Provisoire(B NP):

EMAOTIU ENDANGTE Edouard


NGOM Jacques NTOULE Albert
KOHN Joseph Emile ZIBI Ibrahim
FA YEP Pierre TONYE NKO Paul
CHAMBA Jean DZUKAM Chrétien
NONGA Yomb Jean MAYIMATIP

113
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE? .

Porté à la tête du BNP en qualité de Premier Secrétai


provisoire, Erna Ottu et ses camarades se sonl mis aussitôt
travail. Après avoir obtenu tou~ les autorisations admin·
tratives requises, ils onl convoqué le troisième congrès
l'UPC à Yaoundé pour le mois de janvier 1962. L'auteur
ces lignes a assisté en personne à la séance d'ouverture dud
congrès, au cinéma<Les PoniqueS>. Ce fut un événem
politique de première grandeur, en ceue période d 'incerti lu
el de grand désordre. Cette impressionnante manifestation
force (politique) a certainement été pour quelque chose da
la décision prise par les autorités néocoloniales d'interromp
par la force militaire, le déroulement jusqu'au bout des tra
vaux de ces assises.

La dis.wJution du congrès de l'UPC "légale"

Après avoir accordé à l' UPC légale toutes les autorisa ·


exigées par la réglementation en vigueur, le gouvemem
néocolonial a choisi de violer sa propre légalité en fai
disperser les congressistes par la troupe, le 22 janvier 196
alors que le congrès se trouvait sur le point de tcrmin
pacifiquement ses travaux à Nkolbison.
Pour justifier son intervention militaire, le Pouvoir a
tendu que les congressistes menaçaient de troubler l'o
public. Or, cela faisait presque une semaine que ces ge
menaient pacifiquement leurs délibérations dans la capita
sans déranger ou menacer qui que ce soit De plus, l'armée
procédé à une fouille systématique de tous les congressistes
elle n'a trouvé ni arme, ni gourdin sur aucun d'eux. Le po
de vue du gouvernement néocolonial relevait donc de l'afli
bulation et de la mauvaise foi.
L'explication la plus vraisemblable semble être celle fo
nie par certains organisateurs de la manifestation. Scion eu
certains responsables upécistes s'étaient engagés aup
d' Ahidjo à faire élire, à la tête du Mouvement, un Comi16

114
L'UPC "LEGALE"

, 1 ur composé de comparses favorables au projet néoco-


11 lt\te de création d'un parti unique au Came.roun, ou plus
11·ment de la transfonnation du parti d' Ahidjo en parti
1 111 Le plan était qu'une fois ce Comité Directeur installé,
11 r 111 toutpouramener leMouvementàsesaborderauprofit
J Union Camerounaise, parti du gouvernement. Mais au fur
utl'Sure des travaux du congrès, les responsables upécistes
1111m· Lion ne cessaient de perdre le contrôle de la situation.
t informateurs d 'Ahidjo le mirent au courant de cette
tlution désastreuse et c'est sans doute pour empêcher
k 'liond'unComitéDirecteurqu'ilnepouvaitpasmanipu-
1111 leprésidentdel'Union Camerounaise a fait dissoudre
11111 a.irementlecongrès, alors que celui~ci s'apprêtaità doter
1ouvementdcsorgancsqui lui auraient permis de fonction-
' 11 nnalementetefficacement ·
< rrtains observateurs ont assimilé cet acte arbitraire du
111voir à une nouvelle dissolution de l'UPC. En tout cas le
NI' ne s'est pas relevé de ce.mauvais coup.

I: fin de l'UPC "légale" ·

A la proposition faite le 11 novembre 1961, par le président


hulJO, d'une table-ronde de toutes les forces politiques pour,
11 ·mble, étudier la mise sur pied d'un grand parti national
11111 , l'UPC légale avait répondu favorablement, comme
1111 •s les autres formations politiques. Le 17 novembre ce-
1 11dant, le BNP apportait une nuance de taille à son accepta-
t •n en déclarant que l'Union Camerounaise d' Ahidjo ne
1 111vllit,enaucuncas,servirdecentrederegroupementenvue
h p ut.i national unifié à promouvoir.
<' ·ue prise de position était-elle sincère ? Trad11isait-elle
11p111ion du BNP en tant que tel, ou celle de quelques-uns de
111cmbrcs seulement?
1 question a lieu de se pose.r car, après que l'Union
1 1111 ·rounaiseeûtjustementdéclaréqu 'elle était le creuset de

115
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

l'unité, au sein duquel les autres partis étaient invités à a


se saborder et que, de ce fait, la rable-ronde annoncée
devenue sans objet, Erna Otu a rendu publique, le 26
1%2, une déclaration de l'UPC légale dans laquelle ce
disait "cesser toute opposilion à l'action nationale du gou\'i
nement". Dans une conférence de presse tenue le 5 mai
Premier Secrétaire provisoire réaffirmait à peu près la m
prise de position.Puis, le ISjuin,c'est l'annonce que"!'
accepte, comme un seul homme, la constitution du
national unifié dans le cadre provisoirement choisi et exigé
le président de la République".
HuitjourspJustardcependant, le23 juin 1962, Mayi Mat
membre fondateur du BNP et président du groupe
l'Assemblée, apposait curieusement sa signature au bas d'
document intitulé "Manifeste du Front national unifié"
fcctionné avec Lrois autres parlementaires chefs de p
(Mbida, Okala et le Dr Bebey Eyidi) et dans lequel
dénonçaient et condamnaient l'idée même de parti unique,
unifié.
Ils seront arrêtés tous les quatre et condamnés à de lourd
peines de prison ferme.Quant à Erna Otu, il ira jusqu'au bo
de sa logique en démissionnant de l' UPC et en adhérant publ
quement au parti unique néocolonial pour, précise-t-il dans
lettre de démission, "respecter une fois de plus Ja volon
populaire qui s'est manifestée à moi à travers correspondan
ces et contacts individuels, libérer la conscience de m
camarades, et enfin pour permettre au pays de parfaire
unité".
A sa sortie de prison en 1%6,Mayi Matipaussi adhérera a
parti unique et en deviendra un député à l'Assemblée. 1
accédera même à de hautes responsabilités au sein de
direction de cette formation, responsabilités q u'i 1assumera, à:
la satisfaction de tous, jusqu'à sa démission en 1991, età son
retour à l' UPC, en compagnie d'Erna Otu.
Dans sa letlre de démission datée du 21janvier1991, le

116
L'UPC "LE.GALE"

1111pagnon de "maquis" de Um Nyobé prend le soin de


1 ~rquesa démission "répondàlaconstancedcsonaction
1l1114ue menée au sein de l'UPC depuis 43 ans pour une
nu ratie intégrale au Cameroun ••• "
A cet égard, il découle des faits que, sur quarante trois
1111 s d'action politique, Mayi Matip en a passé dix-huit
11 l' UPC, et vingt trois dans le parti unique néocolonial, an-
ijf ht se de l 'UPC.
1ous les militants de l'UPC n'ont pas suivi les dirigeants
n leurs changements successifs d'allégeances. Sans doute
11 mandaient-ils au fond de leur coeur : Qu 'aurait fait Um
Nyobé aujourd'hui ? Aurait-il rejoint les rangs d'un parti
11Udémocratique qui descend en ligne directe du BDC, du
d.mger Aujoulatet du gouverneur colonial français? Chacun
d'1·ux a répondu à sa manière à cette question cruciale et a
ltlpté un comportement conséquenl
Certains de ceux qui ont choisi de rester fidèles à l 'UPC'"'
tk'o; pères fondateurs ont connu la prison, la torture, l'exil;
1·rtains ont même perdu la vie. Mais les sUTVivants ont eu la
tisfaction de s'être comportés, au coqrs de ces années
1r nibles, en continuateurs loyaux des hommes de 48.Ccs
hommes et ces femmes de la baSe demeurent, aujourd'hui,
vcc les autres patriotes qui ont adopté la même attitude
c urageuse, la véritable chance d'un retour de l'UPC à l'esprit
iles temps héroïques, qui faisait dire d'elle, à juste raison,
(1u'elle est "l'âme immortelle du peuple camerounais".
Onnepeutcependantterminerd'évoquer - mêmesomma1·
r ·ment - ceue période sans signaler l'initiative inattendue,
venue précisément de la base, du Dr Joseph Scndé en 1985.
Dans des circonstances qui restent à éclaircir, ce m ilitantavait
intenté un procès sans espoir contre l'Etat néocolonial pour
obtenir la "légalisation" du Mouvement qui, selon le deman·
deur, n'avait plus été dissout depuis son rétablissement légal
par le décretAhidjodu 25février1960. Maisc'étaitdemandcr
aux interlocuteurs administratifs de se désavouer eux-mêmes.

117
L 'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

Non seulement le Dr Sendé a été débouté, mais il a éga


élé arrêté et jeté en prison pendant de longs mois,
jugement ni inculpation précise.
On en était là lorsque la loi du 19 décembre 1990 autori
la création des partis politiques a été prise par le parti un·
sur l'ordre des protecteurs étrangers de !'Etat néocolon ·
Au vu de cette loi, quelle allait être 1'attitude del' UPC?
d'abord de quelle UPC: celle des militants restés fidèles
Mouvement, ou les UPC des dirigeants inconstants ? "L'
des martyrs"ou" l'UPC des trafiquants"?

118
IV
.
L'UPC DE L'EXTEsRŒUR

•..:.· ·
··~ .... ~.
... -··.
~


Aucune décision, au sein de l'UPC, n 'aja~~s ordonné ou
1 • onnu la division du Mouvement en deux brcmches: interne
rt externe. Mais lorsqu'Qn interroge les fait§., leur réponse
11 gage une réalité que l'on est bien obligé~de prendre en
lOns\dération. li

Cette réalité montre que l'UPC de l'extérieur est née,


tamme un fait, en 1955 avec le départ du Cameroun français
<lu président Moumié et d'autres responsables et militants
ordinaires du parti. Déjà à l'époque, de vagues signes de dif-
férences d'appréciation de la situation apparai~aient panni
les principaux dirigeants du Mouvement. La mort du Secré-
Ulire général en 1958, et l'éloignement, ont aggravé des con-
tradictions que, jusque là, les pères fondateurs de l'intérieur et
de l'extérieur avaient réussi à sunnonter, ou du moins à
maintenir dans des limites raisonnables. Mais après l'assassi-
nat du président Moumié en 1960, suivi de la mort du vice-
présidcnt Kingué quatre ans plus tard, le conflit a éclaté au

119
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

grand jour et la rupture entre l'intérieur et l'extérieur a


consommée.
Un autre facteur de division, fort important, est ap
presque au même moment: il s'agit de lentrée en scène
héritiers, c'est-à-dire de jeunes cadres impatients de pren
la relève. Ce facteur n'a pas joué dans le sens de I'apaiseme
ou de la reconstitution de l'unité du Mouvement. Au è
traire...
Mais avant d'en arriver au détail de cette évolution sca
breuse, suivons le président Moumié dans sa longue mar
qui a commencé en 1955, lorsqu'il a traversé le Mungo,
qu'il a terminée en 1960 à Genève, sur son lit de mort.

La randonnée du Président Moumié

Parti du Cameroun français dans des conditions rocam


lcsques (déguisé en femme à l'arrière d'une motocyclette)
Moumié s'est dirigé d'instinct vers le Cameroun brit.anniqu
Après quelques jours passés à Victoria, il s' inslal le à Bamen
da, où le vice-président Ouandié le rejoint, ainsi que d'autre
militants et parents, parmi lesquels :
Mekou Samuel, son père ;
Sendé Je.an-Paul, rédacteur en chef du journal <Lumière>;
Sakeo Kamen, membre du CD ;
Martha Moumié, son épouse ;
Gertrude Omog, responsable de l'UDEFEC ;
François Fosso, secrétaire général de la JOC ;
Ngué Ngué Elie, militant responsable de l'UPC;
Aloys Njock, secrétaire de la JDC;
Ngoye Marguerite, UDEFEC ;
Mantia Victor, militant responsable de l'UPC, etc.
Le séjour de Bamenda se caractérise par quelques faits el
événements importants, parmi lesquels il y a lieu de signaler:

1° Le Comité d'unification:

120
L 'UPC DEL'EXTERIEUR

111 l'installation d'un Bureau Central de l'UPC, la


;11111 mitiativede Moumiéaconsisté dans la création d'un
11 d' unification, en collaboration avec des patriotes
11 nlunais locaux partisans de la réunification. C'est ainsi
k " rétarial général de cet organisme a été confié à John
1 I· ncha et que, parmi les autres membres du Bureau
it·ur, on trouvait, entre autres personnes, Ndch Ntuma-
1, ·t KinguéAbelqui venait de rejoindre le groupe Moumié
l'insistance de Um. Kingué était resté au Cameroun
•\ ·1is pour continuer la résistance surplace, dans la clandes-
111~\. Mais son état de santé de plus en plus précaire a décidé
r rétaire général à intervenir a1;1près de Moumié pour que
1 .unarade sorte de la clandestinité et se rende à Bamenda

ljUi a été fait


appelons que c'est l'époque où le grand débat sur la
un ification des deux Cameroun, lancé par l'UPC dès sa
<Ilion, mobilisait tout le monde: partisans et adversaires de
rhose, Camerounais des deux rives du Mungo, Français,
11 lais, Nigérians. Seuls les partisans de l'unification appré-
hucnt et encourageaient les initiatives de l'UPC. Les Fran-
'"· eux, en élaient les adversaires les pl us acharnés et les plus
1crminéS. ~
· n réalité, les Français en voulaient au groupe Moumié
1 mr une double raison: parce qu'ils étaient contre la réunifi-
1 tion, certes, mais aussi - et surtout - parce que l'écho des

11 "livités de l'UPC au Cameroun occidental se répercutait


11ircctement au Cameroun français. ce qui tendait à réduire
l'impact produit par l'interdiction du Mouvement nationa-
h ·te. Comment empêcher cela ? La réponse des autorités
h ançaises était sans nuance: en tuant Moum ié et ses compa-
•nons.

2° Un commando de tueurs français à Bamenda :


L'organisateur en chef de la répression dans l'Ouest du
Cameroun français (pays bamiléké), l'administrateur des

121
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

colonies Maurice Delauney, se vanted'avoirété le cerv


le maître d'oeuvrede l'opération ayant consisté à dé
des tueurs à Bamenda pour aller as.5a5Siner Moum ié et
am· opération au surplus auentatoire au droitintemati
à tous les Ûsagcs de bon-voisinage (avec les Anglais).
M. Delauney dit avoir réalisé cet exploit en souvenir
cours d'histoire de ses années de préparation à !'Ecole
niale et des enseignements de Lyautey et de Galliéni au
du Tonkin.S'il s'est inspiré des anciens coloniaux, Dela
a consulté directement les grands maîtres encore viv
C'estainsiqu'ilademandéetobtenul'accordctl'autorisa
du gouverneur Pierre Messmer, à la demande expresse de
Dclauney avait été envoyé au Cameroun. puis affecté
l'Ouest pour aller y organiser et mener la répression. C'
danslecadredecesfonctionsqu'il a mis au point uncomm
do de la mort, fonné de tueurs français barboui liés au ch
et de tirailleurs camerounais spécialement entraînés po
besogne qui les attendait.
Un soir, ces individus ont franchi la frontière, déb
dans le plus grand secret à Baménda et, après avoir tout dém
et tout incendié en quelques minutes dans le quartier où
hommes et les femmes de l'UPC étaient censés se trou
regagné en toute hâte leur base, satisfaits et fiers d 'avoirré
leur mission. Réussi seulement en partie car s'ils ont b
détruit et incendié des cases, les tueurs de Delauney n'
égratigné aucun membre du groupe Moumié, et encore m ·
Moumié lui-même. Mais l'alerte fut chaude, et surtout el
permit aux national istcs camerounais de réaliser la profond
de la haine des Français à leur égard.
Lorsqu'un officier de sa Majestés'est rendu chez Delau
pour lui faire part de la surprise du chef britannique de
province de Bamenda et aussi de ses soupçons, le vaill
administrateur a nié tout en bloc. Il n'étaitau courant de rien
C'est le lieu de rappeler que, dans ses premières annéel
africaines, au temps du gouverneur Nicolas, Maurice Delau

122
L 'UPC DEL'EXTERIEUR

ait servi commeadjointaucbef de région à Edéa et qu'il


11 pour greffierun homme instruit et précis qu'il appréciait
<oup. Son nom : R. Um Nyobé.
1orsqu'on prend aujourd'hui la véritable dimension des
m ments, on s'aperçoit que le commando Delauney à
111rnda n'a été qu'un tout petit épisode de l'activité répres-
dc ce fonctionnaire colonial non seulement dans l'ouest
n ·rounais, mais aussi au Gabon où, plus tard, après avoir
1ué sa casquette d'administrateur contre la jaquette des
1pl mates, il deviendra, vers les années 65, la terreur de tous
11 qui, à Libreville, tenteront de montrer des velléités
'mdépendance. C' estl' ambassadeur Delauney, devenu l'une
pièces maiùesses du "système Foccart" en Afrique, qui a
I'• nisé, de main de maître, la succession de Léon Mba, c'cst-
due l'installation de Bongo au pouvoir.
Mais les initiatives meurtrières des Français n'ont ni d6-
''uragé, ni effrayé le petit groupe d 'upécistes de Bamenda.
Il • les ont plutôt convaincus de la nécessité de passer à la
~ tance active. D'où la création del' ALNKetdu maquis de
I'< uest.

3° L' ALNK et le maquis de l'Ouest:


Nous formulons le voeu que les acteurs et les témoins
rncore vivants, de cet épisode de la vie del 'UPC, puissent un
~)Ufprochain, témoigner pour l'histoire, soiten racontantewc-
mernes directement au public ce qu'ils savent. soit en nous
faisant parvenir leurs souvenirs.
Del' Armée de libération nationale du Kamerun (ALNK),
on peutdirequ 'ellefüt, en quelque sorte, l'équivalent à l'ouest
du CNO de la Sanaga Maritime. Mais contrairement à ce
dernier dont on peutdirequ 'il dépendait du Secrétaire général,
I' ALNK était une création de l'UPC de l'extérieur qui était
rcnsée la ravitailler et la contrôler. Mais pour de multiples
raisons, ce contrôles' est révélé plus fictif que réel, de sorte que
le maquis de l'ouest a très rapidement dégénéré en quelque

123
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

chose d'impossible à discipliner. Cette situation a servi


prétexte aux autorités coloniales et néôcoloniales pour dé
lopper et entretenir une répression d'une sauvagerie inédi
ainsi que vient de le rappeler l'hebdomadaire français "L'E
nementduJeudi" (n° 341, du 16au22 mai 1991): "En fai
assassiner les différents leaders del' opposition, en incendi
et en rasant des centaines de villages, en soutenant activem
ensuite la politique de "terre brûlée" de son protégé Ahidjo.
France a participé à l'une des plus sanglantes répressions
continent africain".
Ce qui s'est passé dans le pays bamiléké, dans le silence
plus total puisque le secteur avait été interdit à la presse, ai
que Maurice Delauney lui-même le reconnaît aujourd'hui,
dépassé en horreur, toutes proportions gardées, ce qui
déroulait dans le même temps en Algérie. Max Bardel,
pilotefrançaisd'hélicoptère,quiparticipaàlarépression
le Bamiléké de 1962 à 1964, n'hésite pas à dire que "1'
a complètement ravagé le pays. Ils ont massacré de 300 000
400 000 personnes. Un vrai génocide. Les villages ont
rasés, un peu comme Attila. La presse n'en a pas parlé.
faisait plaisir au président Ahidjo parce qu'il fallait quel
Cameroun garde ses liens avec la France ... "Un bel exemp
de !'oeuvre civilisatrice, accomplie ici avec des person
telles que Maurice Delauney, Maitrier, Conan, le capi ·
Leroy, le colonel du Crest de Villeneuve, le général Bri
Pierre Messmer,Foccart,son "système" et tousses "réseaux•.
Les moyens? Ils en avaient en surnombre: au bas mot ci
bataillons d'infanterie, un escadron blindé, un escadron d' ap.
pui de chasseurs bombardiers rodés en Algérie... Un batailloo
anglais bouclait la frontière du Cameroun britannique, préve-.
nant ainsi la formation d'un sanctuaire derrière la ligne do
démarcation. -
L'entente franco-anglaise pour exterminer les indépendan-
tistes camerounais allait produire son effet sur un autre terrain,
celui du groupe Moumié, qui venait d'échapper par miracle au

124
L'UPC DE L'EXTERIEUR

111111nando Delauney. Il n'allait pas, cette fois-ci, échapper à


1 111dicte des Anglais etd 'Emmanuel Endeley, qui venait de
h.111~ rde bord une nouvelle fois.

Moumié et les siens en résidence surveillée :


1a proximité des élections au Cameroun britannique a
•• 11.1inement contribué à énerver les autorités locales. La
ptllpiigande de l'UPC en faveur de la réunification leur était
111 venue de plus en plus insupportable. Elles ont donc fermé
Ir bureau de l'UPC et assigné à résidence surveillée, dans un
lu t 1à Victoria, Moumié et ses principaux collaborateurs.
Ntumar,ah aussi a ét.é arrêté dans la foulée et enfermé, lui.
il.ms une prison. Privilège de ressortissant camerounais bri-
1.mnique. Il devait cependant suppléer, peu après, à l'interdic-
11110 de l'UPC en créant un mouvement équivalent au Came-
• mn britannique.

5° Création du "One Kamerun"


Durant la détention de Moumiéetdc Nturnazah, un homme
11 joué un rôle extrêmement utile d'agent de liaison pour
maintenir les contacts entre les uns et les autres. Il s'agit de
Nkamsi Innocent. C'est auprès de lui que Moumié a insisté,
plus d'une fois, pour qu'après la fermeture du Bureau central
del'UPC,quelquechosed'autresecréepourcontinuerlalutte
pour l'unification.
Aussitôt libéré, Ndeh Ntumazah a lancé le "One Kamerun
Movement", branche occidentale de l'UPC. Il l'a fait pendant
que Moumiéetsescompagnonss'apprêtaientàquitter le pays
pour le Soudan, expulsés par les Anglais.

6° Expulsion :
Finalement, le groupe Moumié a été invité à quitter le
Cameroun britannique. Du fond de son "maquis", Um a
protesté contre cette mesure (le 2 juillet 1957) et reproché au
gouvernement britannique de voler au secours des colonialis-

125
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

tes français.
Dix jours ont été accordés aux militants de l'UPC
choisir le pays vers lequel ils aimeraient se rendre. Ils
choisi le Soudan. Cette ancienne colonie britannique
venait d'accéderà l'indépendance (le 1er juillet 1956), a
voulu accorder l'asile diplomatique aux. patriotes expu
La première chose qu'ils ont faite en débarquant
capitale soudanaise a été d'insraller un Bureau de l'
dirigé par Sendé JP et Ngué Ngué Elie.
Le séjour au Soudan ne sera pas très long car des con
fructueux s' érablissen t très vite avec l'ambassade égypti
àKhartoum. Celle-ci effectue les représentations nécessai
et Nasser accepte d'accueillir Moumié et ses camarades
Caire. Le président de l'UPC et les deux vice-présidents
rendent les premiers et s'y insrallent.
Le reste du groupe ne les rejoindra pas au complet,
Sendé et Ngué ont choisi de se rallier. Ils ont pris contacta
l'ambassade de France à Khartoum, et celle-ci a fait le n
saire pour leur retour au Cameroun.

Le Caire

Le séjour du Caire sera surtout marqué par la participati


aux grandes conférences africaines, après l'ouverture
place d'un Bureau de l'UPC.
Mais c'est aux Nations Unies, à New York, qu'à pei
arrivé au Caire, le président Moumié s'est rendu d'a
comme pétitionnaire, pour le compte del 'UPC. Ntumazah
a fait autant, à partir de Bamenda, et les deux hommes ont
la joie de se retrouver sur les bords de l'East River au mê
momenL Ils devaient s'y retrouver dans les mêmes condition
l'année suivante (1958), et c'est à cette occasion qu'ils Ol\l
rencontré Sekou Touré et Diallo Telli. La Guinée venait
proclamer son indépendance (le 2 octobre 1958) à la suite du
"Non" historique que l'on sait Il est décidé alors, entre let

126
L'UPC DEL'EXTERIEUR

t hommes, qu'un Bureau de l'UPC sera ouvert à Cona-

1 <'aire,
Moumié avait obtenu, par l'intermédiaire de
1,que l'UPC participe (comme invité observateur, au
111 11rre que le FLN algérien) à la première Conférence des
f d' ·tat africainsquidevaitseteniràAccraen 1958,ainsi
1. C'onférencedes Peuples africains, prévueégalcmentau
'"' peu de temps après la rencontre des chefs d'Etat. La
11 oastavaitaccédéà l'indépendancele6mars1957 sous
n11111 de Ghana. Moumié a profité de ce double séjour dans
1 p1 Lale ghanéenne pour, d'une part obtenir des autorités
11 l'rture d'un Bureau de l'UPC, d'autre part nouer des
111ons avec les militants des autres mouvements progres-
r ·africains en lutte pour la même cause. Patrice Lumumba
1 111 partie des palriotes africains avec lesquels Moumié eut
1t les échanges les plus prometteurs.

ccra/Conakry

Après l'installation d'un Bureau de l'UPC dans les trois


1 ysamisqu'étaient l'Egypte, le Ghana et là Guinée, Moumié
li.nt séjourner désonnais indifféremment dans l'un ou l'au-
'" .avec cependant une légère préférence p00r Accra, géogra-
1•h1quement plus proche du Cameroun. Il allait partir soit de
1 une, soit de l'autre capitale pour ses nombreux voyages à
u,1vcrs le monde.
C'est d'Accra qu'il est parti en 1960 pour Léopoldville
1Krnshasa) où l'invitait Lumumba, après la proclamation de
1·indépendance du Congo Belge (7.aïre). On connaît la suite de
1 voyage : Moumié a dû quitter précipitamment le pays,

Mobutu - déjà en rébellion contre son Premier ministre


1 umumba - menaçant de l'arrêter et de l'envoyer "cofTIJTle
1 adeau" à Ahidjo au Cameroun.
C'est à Accra que Moumié a accueilli Owono Mimbo,
v nant de Sangmelima, et que la direction du Mouvement a

127
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

chargé celui-ci d'une mission en Chine populaire. 0


Mimbo était alors le président de la puissante section du
etLobo de l'UPC, avec comme secrétaire Samuel ZE
son retour de Pékin, Owono Mimbo était déjà député,
épouse restée au pays ayant présenté sa candidature
élections législatives du IO avril 1960. Bien qu 'absent, i
él11 haut la main.
C'est d'Accra également que Moumié est parti pour
dernier voyage en Suisse, à Genève.

Genève: l'assassinat

Après l'assassinat du Secrétaire général del 'UPC en l


dans les forêts de Boumnyebel, après l'incendie crimi
quartier Kongoà Douala le 24 avril 1960, après Je bouclag
l'ouest pour un génocide en silence. la <présence françai
Cameroun> restait toujours assoiffée de sang. Il lui fat
d'autres victimes, d'autres meurtres, et le choix cette
porta sur le président de l'UPC. Son élimination fut
soigneusement programmée et ordonnée.
Nous savons maintenant que c'est le Premier mini
français, Michel Debré, qui,à l'automne 1960 et sur le con
de Poccart, donnai' ordre aux services secrets français (S
d'éliminer physiquement Félix Moumié. Le<Service
lion>, branche du SDECE spécialisée dans les exécuti
confia l'ignoble besogne à l'un de ses spécialistes: Willi
Bechtel.
Mais de quel crime était coupable l'homme que l'on ail
ainsi abattre? Du seul crime de vouloir l'autodétermina ·
des Camerounais aux conditions fixées par les Camerou
eux-mêmes.
On conmu"t la suite.des événements : dans un premi
temps, Bech tel parvient à gagner la confiance de Moumié à
Accra en se faisant passer pour un journaliste. Ensuite il lul
conseille d'aller soigner son foie à Genève, chez de grands

128
L'UPC DEL'EXTERIEUR

1 listes qu'il pourrait lui recommander. Les deux hom-


retrouvent donc en Suisse. Le samedi 15 octobre 1960,
1111 nt dans un restaurant du vieux Genève : le <Plat
Jtl'flt>. Mais un troisième homme est avec eux : Tchapt-
Njinga Jean-Martin, président de la section de France de
l 11 • Sa mission était précisément d'aller veiller sur le
'" "dent du Mouvement
tln des garçons du restaurant se présente à leur table et
f" vient Moumié qu'un correspondant le ré:elame au télé-
" ne. Surpris que quelqu'un de ses connaissances fût au
ourant qu'il dînait là ce soir, Moumié est quand même allé
v rifler. A son retour, une autre surprise : son vin a changé de
•>Il, il est devenu un peu amer. Dès son retour à l'hôtel, la
11<aralysie des organes vitaux commence à le gagner. Médecin,
11 1dentifle le thallium, un poison violent, et accuse la Main
K uge et Je SDECE. Il mourra le 3 novembre 1960 dans la
dinique genèvoise où on l'avait transporté. Bechtel sera
poursuivi. acquitté et blanchi par lajust:ice helvétique.
Et Tchaptchet , dans tout cela ? Il semble que toutes les
11uestions qui viennent à l'esprit, quant à son comportement
dans cette affaire, lui aient déjà été posées plusieurs fois par
· s camarades, et que sur aucune d'elles l'intéressé n'ait
jusqu'ici apporté les précisions que l'on attend d'un militant
responsable, témoin d'un événement aussi important Affaire
à verser au dossier des mystères de J'UPC ...
Le corps de Moumiéa été transféré en Guinée, à la demande
de Sekou Touré, et il repose dans un caveau à Conakry, en
attendant que le Cameroun redevienne le<berceaU> de tous
les Camerounais pour retourner y reposer pour l'éternité.

Du Secrétariat administratif à la débandade finale

La mort de Moumié a été saluée comme une vicloire à


YaoundéparAhmadouAhidjoetsessemblables.AAccra,par
contre, elle a causé un grand désarroi au sein de l' UPC en ex il

129
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

dont la direction venait ainsi d'êtreampulée de son prin


animateûr.
La première ~tion de cette direction en deuil a été. d
part de se réorganiser en renforçant son secrétariat
tratif, d'autre part de revigorer le front intérieur en y dé
le vice-président Ouandié.

l 0 Le Secrétariat administratif:
A la suite d'une conférence des cadres tenue à Ace
décembre 1960, la direction de l'UPC au Ghana s'est
d'un organisme administratif -Secrétariatadm in istratif-
gé de l'assister dans son travail politique et diplomatique
jeunes étudiants, membres de la section de France de I'
venaient d'arriver à Accra, expulsés de France à cause de
appartenance au Mouvement nationaliste. Parmi eux : Wi
gly Massaga, Ndoh Michel, TchaptchetNjinga Jean-
NjiawéNicanor,OsendéAfana,etc.Laplupartd'cntree
été affectés au Secrétariat administratif, dont voici la co
sition:
EKWALA Robert: chef du Secrétariat
WOUNGL Y MASSA GA : chargé des liaisons avec I'
rieur
NDOH Michel: sécurité et juridiction
TCHAPTCHET : information
NJIA WE Nicanor : relations extérieures
FOSSO François : jeunesse
NDOOH Isaac : affaires syndicales
Quantàladirectiondel'UPCenexil,ellecomprenait,
les deux vice-présidents KinguéetOuandié, le leader du<
Kamerun> Ndeh Ntumazah et les anciens responsables
organismes annexes de l'UPC : la JDC (Fosso Françoi
l'UDEFEC (Marthe Moumié) et les syndicats (Ekwala R
bert).
La tête du Mouvement étant ainsi réorganisée, le v ·
président Ouandié pouvait rejoindre le maquis de l'ouest.

130
L 'UPC DEL'EXTERIEUR

départ de Ouandié au maquis


, cl part se justifiait par l'ét.at d'anarchie. déjà évoqué
, h.1ut, du maquis de l'ouesL La mission de Ouandié
111 1 .1.1it à le réorganiser et à lui donner une discipline et une

'1>ungly Massaga, chargé des relations avec !'Intérieur, a


11111pagné le vice-président jusqu'au Nigéria où Ouandié a
1•11 lui faire connaître les différents réseaux par lesquels
.111 ·tuaient les contacts avec le Cameroun.
son arrivée dans l'ouest. Ouandié a été accueilli par
ri111111azah qui, peu de temps après, a regagné définitivement
~ t lhana.
1 vice-président Ouandié a-t-il réussi dans sa mission ?La
1111 ·lion reste posée. Elle trouvera une réponse valable lors-
1jt1 ' 1l sera possible de dresser, en toute objectivité, un bilan
•lobai des activités del 'UPC prenant en oompte aussi bien les
1ions positives que les initiatives discutables du genre du
t 'omité Révolutionnaire".

~0 Le coup du Comité Révolutionnaire (CR) :


Par une curieuse évolution des choses, la structure mise en
ptace par la direction de l'UPC a fini par se tourner contre
1die-ci. Comment et pourquoi ?
Il est impossible, aujourd'hui, de rentrer dans le détai 1de ce
tjllÎ s'estexactementpasséàAccraaucoursdesannées60/63,
,tans les relations entre le Secrétariat administratif et la direc-
11 n de l'UPC. Nous fonnulons cependant le voeu que les
1cteurs et les témoins, encore en vie, de ces événements,
veuillent bien témoigner pour l'histoire.
Déjà un témoignage existe sur les circonstances de la
naissanceduCRtellesquelesontvécuesKinguéAbeletNdch
Ntumazah. Ce témoignage porte le titre de <Vérité sur le
om ité Révolutionnaire>. Il a été reproduit dans son intégra-
lité dans la revue qu 'a fondée et que dirige Mongo Beti :
"Peuples noirs peuples africains", numéro 25 de janvier-fé-

131
L'UPC: UNE REVOLlmON MANQUEE?

vrier 1982. LesCamerounaisattendentdeconnaître lave


des organisateurs eux-mêmes du coup de force du CR, l
semble être à l'origine de la débâcle sans gloire de l'
l'extérieur.
Le témoignage de Kingué et de Ntumazah présente
les faits:
Pour différentes raisons, la direction del 'UPC a comm
à ne plus faire confiance à certains ét~ments suspects
Secrétariat administratif, notamment à certains anciens
diants panni ceux arrivés de France. Elle envisageait de
exclure : aussi ne les invitail-eUe plus à certaines réuni
comme, par exemple, celle organisée le 5 septembre 196
domicile de Ntumaz.ah à Accra.
Sentant venir ie danger, les camarades concernés ont
les devants en émettant l'idée de la création d'un
communiste kamerunais, seul capable, selon eux, de hât
victoire de la révolution. La direction s'est natureUem
opposée avec force à ce projet aventuriste.
Sur ces entrefaits arrive à Accra un nommé Fan
Emmanuel.connu sous le pseudonyme de "Fermeté".
foisauparavantilétaitsortidu "maquis" avec des messages
vice-président Ouandié. Dès son arrivée, Woungly, Teh
chet, Ndoh Michel et Njiawé ont rompu tout contact avec
Direction et se sontenfennés avec "Fenneté". Fin octobre,
sortent de leur retraite et remettent aux autorités ghanéen
la liste des membres d'une.prétendue nouvelle direction
l'UPC appelée "Comité Révolutionnaire" et composée
sept personnes suivantes :
Ouandié Ernest Njiawé Nicanor
KinguéAbel Osendé Afana
NdohMichel Woungly Massaga
Ndongo Ndiye
Que!ques jours pl us tard, le Secrétaire chargé de l'lnforma
tion, TchaptchetJean-Martin, publie un communiqué de pre
annonçant que le vice-président Ouandié, sous "maquis"

132
L 'UPC DEL'EXTERIEUR

1 1 onvoqué et présidé, le 13 septembre 1962, une Assem-


populaire de six cents représentants des organismes de
1' l<e ·et des unités del' ALNK; c'est cette Assemblée qui
1 élu la nouvelle direction de l'UPC appelée Comité
olutionnaire etchargé.e de diriger la révolution jusqu'à la
11111 d u prochain congrès de l'UPC.
, ussitôt connue, cette initiative a suscité de nombreuses
1•1cions et de mulliples interrogations demeurées sans
IMmse. Aucune preuve de la tenue, dans le "maquis", d'une
\l·mblée populaire. Si une tel1emanifestation avait effecti-
"' nt eu lieu, le vice-président Kin gué aurait été la première
r mneàenêtreinfonnéeparsoncollègueOuandié,présen-
lOmme étant l'organisateur de ladite Assemblée ; or,
111gué n'avait rien reçu de tel en prov~cè dtl "maquis".
··l·stparlecommuniquédepressepublié parTcl\a'.j>tchet qu ·il
11p1>ris qu' il faisait partie du Comité Révolutionnaire. Osen-
Afana aussi, qui, à ce moment-là, ne SC} trQU.11ait pas au
'hana ; il s'est d'ailleurs désolidarisé des otgaÏiisateurs de
Uc aventure, après n'avoirpas pu obtenir d'e1Ï~ ~dcs répon-
~ précises et satisfaisantes à ses questions. · ..._~
Mais le ver de la division était introduit daris te fruit et la
composition al1ait poursuivre son oeuyre, Jiresque toute
a·ule, avec un prcm ier coup d'accélérateur el\ .1964 (mort du
vice-président Kingué), et un second en 1966 :·le coup d'Etat
1111 litaire contre Kwamé Nkrumah, suivi de la fermeture du
llureau de l'UPC au Ghana.
Kingué et Ntumazah demeurent convaincus que les princ i-
lt;IUX organisateurs du coup de forc.e d'Accra contre la direc-
11on légitime del 'UPC, à savoir Woungly Massaga, Tchapt-
' het et Ndoh Michel, ont toujours été des agents au service
"desennemis de la révolution kamerunaise", ainsi quel' attes-
1 nt leurs anté.cédents. Leur "expulsion" de France n'aurait
rlé, de ce fait, qu'une manoeuvre des impérialistes visant à
Lro mper la vigilance de l' UPC et à faciliter leur entrée au
Uhana et leur admission au sein de l'état-major de l'UPC en

133
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

exil, afin de le mieux surveiller et torpiller de l'inléri


Dans ce contexte, les questions que l'on pouvait se po
sujet du rôle de Tchaptchet à Genève lors de l'empoi
ment du président Moumié, trouvent une réponse
ment logique. Mais comment ne pas s'interroger aussi.
lors, surlacrédibilitéetle véritable rôle de la section deF
de l'UPC dont ces camarades étaient issus?
En regardant les choses aujourd'hui avec un certain
on est frappé par l'opportunisme et le manque de convi
réelle de la plupart des membres de cette fameuse secti
l'UPC de France. Aucun, ou presque aucun d'eux, n'aeu,
fois rentré au Cameroun, un comportement conforme à
qu'ils affichaient en France.Les doigts d'une seule
seraient encore trop nombreux pour compter les upécis
la section de France du Mouvement qui, revenus au
n'ont pas rejoint les rangs des "valets des colonialis
Nationalistes purs el durs à Paris, partisans zélés du n
nialisme au Cameroun, telle pourrait se résumer la trajcc
tortueuse de ces singuliers compatriotes.
Un autre fait autorise às'interrogerà leur sujet: il s'agi
fonctionnement même de leur groupe, notamment durant
années décisives 1954-1958. Il n'y a pas une seule déli
lion, une seule décision, même parmi celles réputées ut
confidentielles, qui n'ait été intégralement rapportée, avec
détails parfois cocasses, aux services spéciaux français
renseignements. La précision et la densité des faits rap
autorise à pensèr que ces fuites organisées ne pouvaient
que le fait des responsables qui préparaient et détenaient 1
régistres et autres documents importants de la section.
Un exemple, parmi des dizaines d'autres, pour illu
celte interrogation : à propos de la scission que connut
comité de base del 'UPCdeParisen 1957, divisé surl'attitu
à avoir vis-à-vis du gouvernement sous tutelle du Cameron
on trouve, dans un rapport intitulé "Les activités de l'UPC
France" des Renseignements généraux français, un récit d6-

134
L'UPC DEL'EXTERIEUR

de l'évolution du conflit au jour le jour, jusqu'à la


p1 >duction intégrale des instructions confidentielles venues
11 maquis" de Um à ce sujet. Qui d'autre, sinon les rnspon-
lok du comité concerné, aurait pu révéler la teneur de tout
1.1 à l'ennemi?
On apprend par exemple, dans ce rapport des services
fl.111çais, que la scission a donné naissance à deux comités de
t •adverses qui s'excluaient mutuellement:
1° LeComitéAbolo-Nguenga, ultra intransigeant, partisan
1k la lutte armée intensifiée et composé d' Abolo Gabriel
fpr sident), de Mouzong, de Nguenga Jean, de Bot ba Njock
1 de Ntone Nkongo Félix;
2° Le Comité Balla-Gwodog-Etoundi, dit "comité des
,. ·Jus" et composé de Benoît Balla Ondoua (président),
1l'Ebene, de Joseph Etoundi, de Gwodog (fondateur de la
lion de France de l'UPC), de Pierre Mahé et d'Alexandre
11 ryidi comme responsable à la propagande...
Le comité Abolo-Nguenga, plus dynamique et entrepre-
nant, a réussi à créer une filiale à Toulouse sous la direction de
Ndoh Michel.
Une circulaire du 10 juillet 1957 de Ruben Um Nyobé dans
I• "maquis", a cependant réussi à mettre d'accord les deux
r mités antagonistes, à la suite d'une assemblée générale des
comités de base qui s'est tenue à la Cité un'iversitaireJcanZay,
Antony, du 8 au 17août1958.
Toutes ces informations, et beaucoup d'autres, sont repro-
duites en détiiil dans le rapport des Renseignemeots généraux
français, y compris le texte du rapport de compte rendu
adressé au Secrétaire général de l'UPC par le président de
l'Assemblée générale des comités de base: Ndoh Michel.
Le rapport des services français se termine par un véritable
fichier des membres de la section de Fraoce (de lépoque) de
l'UPC. On y trouve, pêle-mêle, les noms de Castor Osende
Afana, Bot ba Njock Henri Marcel, Benoît Balla Ondoua,
Etoundi Joseph, Michel Dooh Kingué, Gwodog Jean alias

135
L 'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

nJohny", Happi Henri, Ndoh Michel, NgongoOttou Antol


NgoundaJean dil "Nguengan,NjiawéNicanor,SendéJo
Sengat-Kuo François, Abolo Gabriel ...
La section de France de l'UPC n'aurait-elle donc été qu
nid de rapporteurs au service des colonialistes ? Une
généralisation seraitexcessive, el partant contraire à la
Il ne fail pas de doute que certains upécistes de France
donné l'exemple de palrioles sincères et conséquents.
combien étaient-ils ? Quel pourcentage représenlaien~
dans le groupe ? Sans doute quelque chose de dériso
comme tend à le montrer non seulement le cas de ceux
déjà en France, rapportaient tous les faits el gestes de la sec
aux autorités coloniales, mais aussi celui de leurs collè
renlrés et convertis au néocolonialisme et à l'antidém
tisme du parti unique, c'est-à-direà l'antithèse de l'élhiq
de l'idéal nationaliste.
Après le coup du Comil.é Révolutionnaire, la direction
l'UPC en exil est passée, de fait, entre les mains des anci
membres de la section de France del 'UPC. Qu'allaient-ils
faire?

4° Scission au sein du CR
Les circonstances de la création du Comité Révoluti
naire onl amené celui-ci à connaître très rapidement u
double scission interne:
1° La scission muette de ceux qui, comme le vice-prési
Ouandié (au maquis), ne se sont pas publiquement désor
risés de cette iniliative dans laquelle leur nom avait été m
probablement sans leur accord ;
2° La scission publique de ceux qui ont condamné ex
sémentcetacteetdénoncé le fait que l'on aitassociéleurn
à l'opération CR. Ce fut notamment le cas du vice-présid
Kingué, celui d'Osendé Afana, et le cas de Ndongo Ndi
parmi les upécistesdont les noms figuraient sur la liste publi
par Tchaptchet.

136
L 'UPC DEL'EXTERIEUR

Presque au même moment, un autre facteur allait surgir et


11trâmer d •autres reclassements parmi les upécistes de 1'exté-
11nJI : il s'agit de l'affrontement idéologique entre Pékin et
Mn cou. Le conflit sino-soviétique a eu pour conséquence, au
10 de l'UPC en exil, la fonnation de deux camps rivaux, l'un
111 soviétique, lautre pro-chinois. Un groupe neutre. fidèle à
1· l fPC des origines, a-t-il pu se former autour de Kingué,
Marthe Moumié et Ndeh Ntuma.zah? La question reste posée
ri elle aucnd une réponse de la part des deux derniers survi-
·.mts de l'opération, que nous interpellons ici à ceue fin.
Le groupe prochinois (installé au Caire ?) était animé par
o ·cndé Afana et Fosso François, le prosoviétique par les
1 tivistesdu CR.Ilsvonts'éteindrel 'un après l'autre.à la suite
11• deux tentatives malheureuses d'affrontement militaire
vcc l 'Etat néocolonial, militairement pris en charge par son
pr lecteur et fondateur.

5° La fin tragique d'Osendé Afana:


Convaincus de la nécessité d'une présence militaire et
1 litique de l'UPC dans l'extrême sud-est du Cameroun,
r gion frontalière du Congo, Osendé et ses amis ont entrepris
11'y implanter un maquis. Les conditions dans lesquelles tout
1 la a été décidé et mis en application ne sont pas claires pour
1 >ut le monde, sauf pour les personnes qui ont été étroitement
.1ssociées à l'opération, comme Fosso François, la veuve
<>scndé, Hogbé Nlend, que nous invitons instamment à témoi-
1• ner à ce sujet pour l'histoire de notre pays.
Tout ce que l'on peut dire aujourd'hui, avec les réserves
d'usage, c'est que le groupe prochinois d'Osendé avait pris
<I s contacts avec la Chine, où Hogbé Nlend fut envoyé en
in ission. Après d'autres contacts avec le Congo de Massamba
D6bat/Lissouba, Osendé et ses amis ont franchi la frontière
1 ur s'établir dans les forêts du sud-est.
Les affrontements avec les "fantoches n (troupes venues de
Yaoundé), puissammentarmés,n'ontpas duré longLcmps. Le

137
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

petit groupe venu du Congo a été rapidement neutralisé


décimé. Osendé fut proprement décapité (mars 1966) et sa
ramenée à Yaoundé.
Un an plus tard, les prosovîétiques du CR allaient faire 1
expérience du maquis dans la même région.

6° Le "Deuxième Front" du CR :
En 1967, le Comité Révolutionnaire se ramenait en f ·
deux personnes: Woungly Massaga el Ndoh Michel. Ma'
n'empêchequ'avec l'appui du Parti communiste français,
fête annuelle duquel le CR participait activement à Paris,
concours militant de quelques étudiants et anciens étud·
camerounais en France, ce couple original parvenait à
coup faire parler de lui. '
Est-ce d'un commun accord que les deux hommes
décidé de lancer un "deuxième front" de maquis à partir
Congo, sur les pas d 'Osendé? On le saura le jour où les d
derniers acteurs du CR se seront décidés à éclairer les Ca
rounais à ce sujet.
Autre question, aujourd'hui sans réponse: la mission
deuxième front était-elle de marcher sur Yaoundé, ou d'
se mettre à la disposition du vice-président Ouandié qui a
besoin de tout, en évitant soigneusement tout contact avec
"fantoches" ?
Quoiqu'il en soit, le fait est que de tous les maquis
l'UPC, celui du deuxièmefrontsemblc avoir bénéficié de pl
de moyens en hommes et en armements que tous les
dents. Ce n'est donc pas de ce côté-là que pouvait se situai'
point faible de l'opération, mais plutôt au sein mêm
deuxième front Et comme la principale cause du fonctio
ment défectueux du groupe s'est révélée être le comman
lui-même, les autres officiers ont décidé de lui demander
comptes et, éventuellement de le traduire en jugement.
frayé par cette perspective, le commandant a fui, abandonn
ses hommes en pleine forêt. Rentré le premier à Brazzavill

138
L 'UPC DEL'EXTERIEUR

11 faitsonpaquetageet,sansdemandersooreste,il s'est lancé


111 lcsroutesdumonde.Précisonsque,pendanttoutcetemps,
Nd h Michel, lui, n'avait pas bougé d'Europe où il s'était
t1 ndu après Accra.
Quant au reste du deuxième front, bien que non vaincu
1111litairementparles "fantoches", ilachoisidemettrefinàson
v nture. Revenu à son point de départ, Brazzaville, il a
·sisté, impuissant, à l'arrestation et à l'internement, par le
ouvernement Ngouabi sur la demande semble-t-il d' Ahidjo
t1ui exigeait leur extradition au Cameroun, de ceux de ses
léments que l'on considérait comme étant <les plus dange-
H'UX>. Le général Semengue s 'estd'ailleurs rendu plus d'une
fois en mission au Congo pour tenter d'obtenir qu'on les lui
livre.
Sous la double pression des pays européens de l'Est et des
s<gimes progressistes africains, Ngouabi s'est abstenu de
livrer les maquisards de l'UPC à leur bourreau de Yaoundé. Il
~·est finalement résigné à laisser sortir du pays ceux qui,
1;omme Ze Ze Samuel, demandaient à gagner lEurope. Un
uutre contingenta été accueilli en Algérie, sur l'intervention
de Bouteflika, alors ministre algérien des Affaires étrangères.
Faisaient notamment partie de ce groupe : Ndoumbé Ntoné,
Samson Monjengue, Fosso François.•.
Le commandant Woungly Massaga n'avait cependant pas
dit son dernier mot. Mais le vice-président Ouandié n'a pas eu
le loisir de connaître la nouvelle trouvaille du fondateur - avec
Ndoh Michel - du Comité Révolutionnaire, puisqu'il a été
fusillé le 15 janvier 1971.

7° La fin du "maquis" de l'ouest: arrestation et mort du


vice-président Ouandié :
Depuis son retour en 1961, Ouandié n'a eu de satisfaction
ni dans la façon dont il était approvisionné (ou plus exacte-
ment n'était pas approvisionné) en armements, ni dans le
recrutement sur place des combattants. C'est pour cela qu'il

139
L'UPC: UNE REVOLlITION MANQUEE?

avait placé de grands espoirs dans l'arrivée des hommes et d


matériel du deuxième front
On ne saura jamais sic 'estfautedeceballond'oxygèneq
le vice-président, acculé, s'est résigné à sortir du "maquis11
à se faire arrêter à Mbanga dans les conditions que so
compagnon de BMM à Yaoundé, Albert Mukong, relate
son livre : "Prisoner wilhout a crime".
Toujours est-il qu'après son arrestation, Ouandié a
conduit à Yaoundé où il futenfennéet torturé dans les BM
de Fochivé. La décision de son exécution a été arrêtée b.
avant le simulacre de procès organisé pour la galerie, ainsi q
le raconte Mongo Bcti dans son ouvrage"Main basse sur 1
Cameroun". L'amalgame ayant été fait avec "l'affaire Ndong
mo", Ouandié fut condamné à mort et exécuté en public, à
Bafoussam, le 15 janvier 1971.
Peu de temps après, Woungly Massaga sortit de sa retrai
et recommença à faire parler de lui dans le cadre d'u
nouvelle aventure baptisée MANIDEM.

8° Du MANIDEM à la démission-exclusion de Woungl}':


Massaga:
L'aventure militaire s'étant terminée dans les condition
peu glorieusesévoquéesplus haut,c 'est sur le terrain politiqu
que Woungly Massaga a décidé de situer son retour auJC
affaires. Après plusieurs tâtonnements, il a choisi de ressusci-
ter le CR en l'habillant à la mode du jour. Le "Courant du
Manifeste pour la démocratie au Cameroun" (MANIDEM)
était le nouveau manteau sous lequel se présenterait désor·
mais le vieux projet d'Accra avec, en plus, le marxisme-
léninisme. Car le MANIDEM se proclame, dès le départ,
mouvement marxiste-leniniste dans le cadre d'une associa
tion dont l'effectivité n'est jamais apparue à personne :
l' Alliancerévolutionnairedespeuplesafricains(ARPA). Toul
cet échafaudage compliqué sous le contrôle et la direction de
Woungly Massaga, naturellement.

140
L'UPC DEL 'EXTERIEUR

Jusqu'audébutdesannées80, le MANIDEM se signale par


111 abondante littérature, la diffusion d'innombrables tracts,
1l<'S polémiques et même des ouvrages. Il organise son troi-
•~ me congrès de l'UPC qui porte Woungly Massaga à la
\Il ·cession de Um Nyobé, puisqu'il est fait Secrétaire général
cl l'UPC.
Lorsqu'Ahidjo tombe en disgrâce et q11e M. Paul Biya le
r mplace à la tête de l'Etat néocolonial en 1982, le MANI-
J>EM offre ses services au continuateur d'Ahidjo : il lui
propose de former avec lui un gouvernement d'union, ou de
coalition. L'offren 'ayant pas eu de suite, l'étoile de Woungly
a commencé à pâlir au sein du MANTDEM.
On en était là lorsque, brusquement en 1990, le secrétaire
général de l'UPC-MANIDEM sort de sa retraite (de Luanda,
en Angola) et se met à inonder la colonie camerounaise de
France de directives péremptoires pour la réunion de ce qu •il
appelle"les états généraux de l'opposition camerounaise".
Cette nouvelle trouvaille ne visait ni plus ni moins qu'à
saboter l'initiative en cours du Front Démocratique Camerou-
nais, d'une Assemblée de tous les Camerounais appelée à
examiner le projet qu'il venait de mettre au point d'une
"Charte du Changement". Les états généraux n'ont pas eu lieu,
etle Front Démocratique Camerounais_a faitadopt.er la Charte
du changement le 24 avril 1990.
C'est alors que l'on apprit, contre toute attente, que Woun-
gl y Massaga venait de faire" un choix pour l'avenir" en démis-
sionnant non seulement de ses fonctions de secrétaire général
de l'UPC-MANIDEM, mais aussi du Comité central et du
Bureau politique.Sans en infonner ses camarades, il a adressé
une lettre dans ce sens au chef de l'Etat-RDPC, et s'est mis à
sa disposition pour toutes les questions pratiques relatives à
son rapatriement. Quatre photos d'identité accompagnaient
cette requête, pour l'établissement d'un passeport.
Le 14 octobre, le Comité central de l'UPC-MANIDEM
publiait une déclaration dans laquelle on pouvait lire en

141
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

substance:
"... Mis en minorité au sein de la direction de J'UPC qui 1
reprochait son comportement antidémocratique, ses activi
personnelles anti parti et son indélicatesse sur les questi
financières, Woungly Massaga a évité le débat interne
refusant à deux reprises de participer aux réunions du Comi
central régulièrement convoquées, comportant ces questio
à leursordresdujour. Il aconfinné son penchantautocratiq
en déclarantqu'"avec les mains désormais libres, il se propo
de dialoguer avec tous les Kamerunais ... ", c'est-à-dire
avoir à rendre des comptes.
"Le Comité central a pris acte de cette démission et de
ralliement au Président Biya...
"Le Comité central unanime appelle tous les upécistes
tous les patriotes à rester vigilants... "
Ainsi prenait fin une agitation de plus de trente années
les rangs de l'UPC de l'extérieur.
Nombre d'observateurs voient dans ce dénouement I'abou
tissement logique d'une carrière d'agent saboteur infiltré au
sein de l'UPC pour, de l'intérieur, torpiller la révolution que
voulait réussir le Mouvement nationaliste. II n'y a pas une
seule initiative du "Commandant Kissamba, alias Comman·
dant Gama", don l on peut dire qu'elle a contribué à refaire de
l'UPC "l'âme immortelle du peuple camerounais". Au con-
traire, partout où il est passé, il n'a laissé de l'UPC que des
ruines, avec la mauvaise réputation en plus.
Depuis son retour"triomphal" au Cameroun, le Comman-
dant Gama vitaux frais de celui que ses camarades disent avoir
toujours été son véritable employeur: l'Etat néocolonial.
L'UPC de l'extérieur a-t-elle cessé d'exister pour autant?
Les upécistes répondront bientôt eux-mêmes à cettc question.

142
3EMEPARTIE

. .
LA RE-CREATION
OU L'UPC DES HERITIERS
vn

DU 23 NOVEMBRE 1990
A JUIN 1991

Le 4 janvier 1991, le prince Di.ka Akwa nya Bonarnbela


remet au gouverneur camerounais de la Pro"ince du Littoral,
M. Luc Loe, un volumineux dossier. Il reçoit, en contreQIDtie,
un récépissé dans lequel le gouverneur "aueste qu'il a été
déposé dans ses services par les soins du prince Dikà Akwa ...
un dossier de demande de création d'un parti politique dénom-
mé Union des Populations du Cameroun (U.P.C.), ayant son
siège à Douala, département du Wouri, Province du Littoral.
En foi de quoi la présente décharge est délivrée au déposant
confonnément à la loi, pour valoir ce que de droit".
Un mois plus tard, le 12 février 1991, le ministre RDPC de
l' Administration Territoriale, M. Andze Tsoungui, remet au
prince Dika Akwa une décision gouvernementale ainsi libel-
lée:

Article ter : Est autorisée, pour compter de la date de


signature de la présente décision, l'existence légale du Parti
f"
145
L 'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

Politique dénommé" Union des Populations du Cameroun",


·abrégé "UPC". dont le siège est à Douala, Département
Wowi.
Article 2 : Les responsables actuels chargés de la direc ·
de l 'UPC aels que désignés par ce parti sont :

MM: - LIBAJ Etienne Roger (Fondateur)


- Prince DIKA AKW A (Président)
- OBEN T ARH George (ter Vice-Président) .
- ATEBA YENE Théodore (2e Vice--Président)
- NGUE NGUE Elie (Dél. à l'Organisat)
- SENDE Jean-Paul (DéL Aff. Economiq
- Pasteur NJ AMI NW AND 1 (Dél. Coopé. Inter.
- EPEE Valère (Dél. Infonnation)
- WONYU Eugène (Dél. &lucat. et Cul.)
- KAMENI Joseph (Dél. Jeunes. et Spo)
Mme- NOOME Augustina (Dél. Org. Femmes)
- Dr SENDE Joseph (Dél. Aff. So. et Synd.)
- KODOCK Augustin (SecréL Général)
- TONYE MBOUA Nathanaêl (SecréL Organi
- ZE ZE Samuel (SecréL à la Propagan
- NITCHEU BEN Paul (Trésorier Général).

Article 3: La présente décision sera enregistrée, publiée a


journal officiel en français et en anglais et communiqu
panout où besoin sera.
Le parti polilique appelé Union des Populations du Came-
roun (UPC) vienl ainsi d'être crée et reconnu par le régime
néo-colonial de Yaoundé. Il faut cependant remonter au 23
novembre 1990, dale à laquelle celle aventure avait commen
céàDouala.
Le 23 novembre 1990, en effet. une cinquantaine de per
sonnes se réclamant toutes de l'UPC, se retrouvent au domi..
cileduPrince Dika Akwa àpouala. Après un échange de vues
etavantdc se séparer, les cinquante participants à la rencon~

146
DU 23 NOVEMBRE 1990 A JUIN 1991

se mettent d'accord pour signer une déclaration dans laquelle


1° Ils invitent tous les militants et sympathisants de l'UPC
à relancer l'organisation dans le strict respect de la discipline
2° Se désolidarisent de tous ceux qui seraient tentés d'en-
tretenir des velléités de tendances au sein de 1'UPC ;
3° Décident de constituer immédiatement un Comité de
coordination qui animera la redynamisation des activités du
Parti jusqu'à la tenue du prochain congrès. Premier acte.

Acte 2 : Les métamorphoses internes du Comité de coor-


dination donnent successivement naissance à différents orga-
nes, dont un comité directeur provisoire, un bureau exé.cutif,
un secrétariat administratif...

Acte 3 : Deux "tendances"quittent alors la Cqprdination :

... ..
..
l'UPC-MANIDEM (marxisant) du Comité Rév~·, ulionnaire,
et l'ancienne "UPC légale"du Bureau Nation~· Provisoire,
~l•Q

. .
dont Erna Otu est Je Secrétaire provisoire. · 1: '·'
. -~· .. ;.. . .· .·~.··
Acte 4 : Publication de la loi RDPC. du 19··~m
...
bre 1990
~
fixant les conditions de créatiofl .des ..,paryt~ .~liûques au
Cameroun.C'est en vertu.d~cette loi que le~il'!c,e Dik.a Akwa
avait entrepris les démarches SÏ8Baléës,plus tîaüt, et obtenu la
reconnaissanceofficielledel'uPcparl.egou\t!llemcntRDPC.
'
Acte 5 : Dans une déclaration "A tous les patriotes came-
rounais", le Bureau exécutif de I' UPC du prince Di.ka affirme
que "Son objectif n'est pas de se jeter dans les luttes d'ambi-
tion personnelles, mais de remettre l'UPC en activité afin
qu'elle assume la responsabilité qui lui incombe pour la dé-
fense de notre pays".
Mais, pendant qu'il se consacre à ce travail d'intérêt
national, "des gens sans âme et sans conscience, qui ont déjà
trop fait de mal à notre pays et à notre peuple, sont en cours
pour div isernotre Parti au moment où le destin nous interpelle
..·'
147
L 'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

oous pour sauver l'indépendance et promouvoir la démoc


dans notre pays.
"Ces manoeuvres se manifesrent par l'infiltration au sein
nos militants et sympathisants des agents de la police po1itiq
qui continuent de lutter contre les Camerounais au lieu
protéger le Cameroun ; l'organisation de rencontres insoli
aunomdel'UPC:pardesgensn'ayantjamaismilitédans
Parti pour tromper la vigilance de certains militants de bo
foi: cf. cas de Madame MA TIP née NGO BAKANG Jacq
line et de Monsieur TIANI, tous deux cadres de la BEAC
Yaoundé, sans oublier le Dr MAKANG MA MBOCK, m
cin psychiatre à Yaoundé. Lesdites manoeuvres ne peuv
tromper que leurs inspirareurs...
'C'est dans ce contexte que s'inscrit le retour singuliers
la scène de l'un des plus grands traÎl.res de l'UPC : EM
OITU qui, hier encore, se présentait comme Premier Secr
taire du "Bureau National Provisoire" de 1'UPC, par référen
à Jarencontreinter-sectionde Bogso(Eséka)en 1%1, aujo
d'h11i, trente ans après, se proclame sans vergogne Secréta·
général de l'UPC et ce, sans aucune réf6rence, le 15 janvi
1991, alors qu'il sait pertinemment qu'un Bureau Exécutif
été élu le 21 décembre 1990 à Douala
"En tout état de cause, il n'y aet il n'y aura pas deux UPC,
Dans sa conférence de p~ du 5 mai 1962, voici ce qu'il
déclarait en substance, sabordant l'UPC, contrairement à
l'article 33 des statuts :
"Nous avons rendu public, le 26 avril dernier, un commu-
niquéaux tennes duquell 'UPC s' engageaità ne pl us rien faire
qui puisse gêner l'action nationale du Gouvernement et à
encouragerpar tous les moyens à sa disposition la politique de
désengagement entreprise depuis un certain temps par le Pré-
sident de la République (AHIDJO) ...
"Pour notre part, nous savons qu'en toute sincérité. nous
avons signé u.n chèque en blanc au Président de la République:
noussavonsqu'il ne nous fera pas un abu~deconfiance. Nous

148
DU 23 NOVEMBRE 1990 A JUIN 1991

vons que, malgré toute sa bonne volonté. il avait jusqu ·ici


1, pieds empêtrés dans un bourbier, un peu, sinon beaucoup,
p.1r notre faute ; nous lui avons alors loyalement tendu la
1 rche POUR QUE VIVE LE CAMEROUN.
"A Monsieur le Président nous disons :"Vous avez le vent
111 poupe ; vous pouvez aller de l'avant; n'écoutez pas les
1r nes qui ne cherchent q u ·à vous conduire vers les écueils où
brisera le Navire Cameroun que vous conduisez. Comme
l Jlysse bouchez vos oreilles à la cire et vous continuerez tout
1lroit votre chemin, tandis que de désespoir les sirènes se
11·ueront à la mer".
"Malheureusement le pauvre EMA 01TU ne se rendait pas
rompte que son chèque en blanc à AHMAOOU AHIDJO,
trahison manifeste vis à vis del 'UPC et de la DEMOCRATIE
u CAMEROUN, signait l'arrêt de mort du multipartisme
dans notre pays. De ce fait, il demeure· responsable de la
dictature sanguinaire qui, pendant une trentaine d'années, a
endeuillé notre pays. Ne serait-il pas actuellement en train de
réMiter le même scénario? Au fait, qu'avait-il de si important
b. faire au MlNAT(Ministèredel 'Administration Territoriale)
pendant toute la journée du 16 janvier 1991 ?
"Condamné à des peines afOictives et infilmantes. Mon-
sieur EMA OTTU sait lui-même qu'il n'est pas moralement
qualifié pour représenter un parti politique quelconque, en-
core moins l 'UPC.
"Sa lettre du 15 janvier 1991, qu'il a signée seul et envoyée
aux journaux pour diffusion, prouve qu'il ne représente que
lui-même.
"L'action concrète de l'UPC en faveur du CAMEROUN
dans tous les domaines repose essentiellement sur le nationa-
lisme et le patriotisme. Les hommes et les femmes, militants
et sympathisants de notre Parti, se définissent toujours en
fonction de leur patriotisme actif et authentique. Dès lors. 1<.·s
ambitions personnelles et les luttes de clans ne peuvent qut
nuire au redressement du pays, comme conslaté à l'heur

149
L 'UPC : UNE REVOLUTION MANQUEE?

actuelle.

VIVEL'UPC!
VIVE LE CAMEROUN!
POUR LE BUREAU EXECUTIF

LE PRESIDENT SECRETA IRE GENERAL


DIKA AKWA NY A A.Frédéric KOIX.X:K
BONAMBELA.

IER VICE-PRESIDENT
TCHOUMBA N. Issac

1 OOCTEUR SENDE Joseph 4 Siankam TTENTCHB


2 ZE ZE Samuel 5 Valère EPEE
3 NYAMENyamsi 6 WONYUEugène

Acte 6 :Cinq militants de l'UPC, ayant adhéré dans


temps au parti unique, démissionnent de celui-ci et fi
parvenir leur démission au président du RDPC, M. Paul Bi
Certains d'entre eux ont éprouvé le besoin d'expliquer
geste. Par exemple, M. Erna Ottu, qui écrit ceci :
Monsieur le Président.
"En raison de l'ouverture démocratique concrétisée par la
loi du 19 décembre 90 réinstaurant Je multipartisme dans noue
pays et eu égard à mes responsabilités historiques dans l'
et à mes convictions personnelles, j'ai l'honneur de v
signifier, par la présente, ma démission du RDPC".
M. Théodore Mayi Matip aussi a expliqué au président dn
RDPC les raisons de sa démission :
"... Mon adhésion , le IO août 1968, à l'UNC, parti unique
devenu RDPC, était conjoncturelle et avait pour ultime but de
mettre tous les upécistes à l'abri de la répression et conservt'l'
leur moral intact Mainten3J1L que, dorénavant, la coexistence
et la coopération pacifiques et patriotiques des partis et mou-

150
DU 23NOVEMBRE1990AJUIN1991

vements politiques sont rendues possibles, je compte désor-


mais poursuivre sans relâche, au sein de l'Union des Popula-
tions du Cameroun (UPC)- ma formation politique d'origine
- autant que l 'Etemel Dieu voudra me prêter intelligence et
vie, force el courage, !'oeuvre grandiose de la construction de
la Démocratie intégrale à laquelle Lous les fils el filles de ce
pays sont conviés".
Figuraient aussi, panni les démissionnaires : TONYE
NKO Paul, UM YOMB Raphaël, BIKOY Eugène.

Acte 7 :L' UPC-MANIDEM reçoit du Commissaire spé-


cial de Doualà une correspondance dans laquel le les autorités
RDPCprécisentleurposilion quant àl'existencedcl'UPCau
'Cameroun. Pour elles, seul existe, légalement, l'UPC du
prince Dika Akwa.
Mais les responsables de 1'UPC-MANIDEM répondent au
Commissaire que l'UPC "est un parti légal, qu'en consé-
quence elle continuera sans désemparer, ses activités, qui du
resle n'ont jamais cessé depuis sa création le 10 avril 1948,
date de sa création". Signé

ALBERT KENDI
Secrétaire Général Adjt de l'UPC

ABANDA KPAMA
Membre du Bureau Politique ;

EKANE Anicet
Porte-parole de l'UPC.

Acte 8: Une note du Comité Directeur Provisoire(UPC du


prince Dika) dénonce el fustige les tendances :
"Par la présente note, nous lançons un appel solennel et
patriotique à tous les militants et sympathisants de l'UPC où
qu'ils se trouvent, d'appuyer par tous les moyens à leur

151
L 'UPC : UNE REVOLUTION MANQUEE ?

disposition l'effort entrepris pour reconstituer notre gra


parti.•.
"Nous savons que le peuple camerounais peut compter s
votre courage, votre résolution et votre détermination ...
~A propos des tendances au sein de l'UPC, il est importan
de signaler aux militants que Je travail du Comité de Coordi
nation qui a précédé la mise en place du Comité Direc
Provisoire, a consisté essentiellement à les neutraliser. Ainsi
chaque tendance a pus' expliquer au sein même du Comité
Coordination; d'où les multi pies rencontres avec les mem b
du groupe appelé MANIDEM, intégré dès lors dans les
insrances du Comité de Coordination.
"Si, aujourd'hui, ces éléments s'entêtentà vendre les
de l'UPC en imitant la signature de feu Um Nyobé, notre
regretté Secrétaire général et, en s'appropriant le produit de
la vente de ces cartes, à vouloir inféoder le Bureau exécutif du
C.D.P. démocratiquement élu à une Direction Extérieure
inconnue des militants, c'est qu'en réalité leur but est de
saboter la remise en activité de notre Parti, jouant ainsi Je jeu
des adversaires de l'UPC.
"Quant à) 'attitude de Mbombok MA YI MA TIP, contact6
trois fois par le Comité de Coordination, ce qui a donné lieu
à la rencontre d'Edéa le 19.12.90, el sa participation à I' As-
semblée Constitutive à Douala le 21.12.90, en tant que Con-
seiller du Bureau de séance.
"Nous croyons savoir que Mbombok MA YI MA TIP a
déposélesstatutsd'une UPCrénovée,confirmantparcegeste
son double jeu et son acharnement pour diviser notre Grand
Parti. la rencontre d'une poignée de saboteurs à Obala agit
dans le même sens.
"A ce geste de MA YI MA TIPcorrespond le geste similaire
d'EKANE Anicet (MANIDEM) qui a écrit au Ministère de
l 'Administration Territoriale la lettre n° PP0/34/HF.,-90 du
19/12/90pourannoncerla reprise d'activitéde l'UPC confor-
mément à la nouvelle loi sur les partis politiques.

152
DU23 NOVEMBRE 1990AJUIN1991

"En se référant à la déclaration du Comité de Coordination


du 20/11/90, il usurpe les prérogatives des porte-paroles de
l' UPC. Aujourd'hui, au nom de cette fameuse Direction de
l'UPC à l'étranger, les amis du MANIDEM, section de
!'Alliance Révolutionnaire des Peuples Africains (ARPA)
multiplient des menaces écrites contre les membres de la
nouvelle Direction du Parti, élue le 21 décembre 1990. C'est
du désordre.
"Quant à WOUNGLY MASSA GA. qui a démissionné de
l 'UPC et du groupedu MANIDEM, il se permet, en annonçant
la création de son propre parti (PSP), d'ajouter UPC à son
libellé pour jeter la confusion daps l'esprit des militants et
destabiliser notre Parti.
"L'accueil pompeux dont il a été l'objet de la part des
Autorités en dit long sur la mission qui lui est dévolue. Lès
journaux comme Je PATRIOTE et autres mènent tambour
battant la campagne de dénigrement contre le Parti, allant
jusqu'à déformer la réalité. Ceci souligne la peur que suscite
le retour en force de l'UPC. Notre Parti n'est pas en péri 1de
mort, loin de là ; mais nous devons tous nous unir poil! le
sauver. Seule l'UPC, âme immortelle du peuple camerounais,
peut, pendant cette situation décisive pour notre destin à tous,
rassembler les populations de notre pays pow: barrer la route
à tous les démons de la désunion et à ooutes les trahisons.
"Levons-nous tous comme un seul homme, dans le calme
et la résolution inébranlable. VIVE LE CAMEROUN.
Le Président Le Secrétajre Général
Prince Dika A.kwa nya A. Frédéric KODOCK
Bonambela

Acte 9 :Déclaration d'Ema Ottu, Premier Secrétaire du


Bureau National Provisoire de l'UPC :
"... Je déplore que certains camarades, pour des buts ina-
voués, se soient précipités de façon an li-statutaire, ignorant la
présence active du Bureau National Provisoire, à convoq11er

153
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

irrégulièrement des réunions, à créer des structures et d


dénominations non prévues par les statuts en vigueur et
s 'auto-proclamer awt postes de responsabilité par coopta ·
à créer des postes de responsabilité non prévus par les statu
(Secrétaire général adjoint, Affaires réservées, 23 memb
duBureauExécuLif, 120membresduComitédu21 décemb
90)etc.
'Il s'ensuit que le dossier qu'ils ont déposé est un dossi
de créaLion d'un parti politique tout à fait nouveau, qui ne doi
donc pas utiliser le signe "UPC" qui nous appartient et dont Io
Bureau National provisoire, organe exécutif, est chargé d'as·
surer la sauvegarde.
"Dès lors que le BNP, qui travaille avec méthode, avoo
maturité, dans le cadre des loisetréglementsen vigueur et des
statuts de l' UPC, a déposé un dossier de mise à jour de l' UPC
eta publié ma première déclaration, tous ceux qui se réclamen
de l'UPC devraient rentrer déjà dans les rangs où ils sont
attendus à bras ouverts.
"Les organes de base du mouvement, dans leurs rencontres
de concertation à Edéa, à Nlong, à Pouma et dernièrement à
Boumnyeool, condamnent sans appel l'indiscipline et I'entê-
tement
"Le Bureau National provisoire, chargé de la préparation et
de la convocation du 3eCongrès ordinaire de l'UPC, s'entou-
rera de toutes les compétences potentielles du Mouvement
pour l'accomplissement heureux de sa mission ...
"Et pour conclure, je rappelle qu'un héritage, essentielle-
ment celui de I' UPC, ne s'arrache pas à la hussarde moyennant
subterfuges. il se transmet aux ayants droit que sont tous les
camarades, confonnément aux dispositions des statuts du
Mouvement, et s'agissant d'un pouvoir, je rappelle qu'il se
consolide par INTRONISATION... "

Acte 10: Dépôt du"Dossier de régularisation de l'UPC"


)

154
DU23NOVEi\fBRE1990 A JUIN 1991

par le Bureau National provisoire, entre les mains du gouver-


neur camerounais de la Province du Littoral. Voici la réponse
du ministreRD~del'Administration Territoriale, M. Andze
Tsoungui ; réponse dalre du 5 mars 1991 :
Vous avez déposé dans les bureaux du Gouverneur de la
Province du Littoral un dossier relatif à l'Union des Popula-
tions du Cameroun.
J'ai l'honneur de vous faire connaître que, contrairement à
ce que vous affinnez, pour n'avoir pas souscrit aux formalilés
prescrites à l'article 37 de la loi n° 67/LF/19 du 12 juin 1967
sur la libertéd'association, l'"UPC" n'avait plus d'existence
légale le 19décembre1990, date de la promulgation de la loi
relative aux partis politiques.
En conséquence, pour accéder à nouveau à la légalité,
l 'UPC a déposé dans mes services, confonnément à la nou-
vel le législation, un dossier de reconnaissance. Par décision n°
0049/D/MINAT du 12 février 1991, je viens d'autoriser son
existence légale.
Compte tenu de ce qui précède, votre demande me semble
manifestement sans objet".

Acte 11 : Réaction de la base qui prône l'unité du Mouve-


ment. De nombreuses renconlres inter-se.ctions (à Pouma,
Botmakak, Boumnyebel...) et inter-provinces (à Nlong le 16
février 1991) aboutissent à la formation d'une Commission
Nationale de Réconciliation, composée de représentants, en
nombre égal, de chacune des quatre tendances inventoriées
sur place. Cette Commission siège normalement à Douala, et
elle a pris ses fonctions le 2 mars 1991. Elle s'est déjà réunie
à Douala {le 9 mars), à Eséka (le 16 mars), à Yaoundé (le 23
mars). Mais l'~ du prince Dika, qui détient le récépissé de
léga1isation, n'a participé à aucune de ces réunions.

Acte 12: Le Bureau Exécutif de l'UPC (du prince Dika)


écrit au gouverneur de la Province du Littoral (Douala) :

155
L 'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

"... Nous vous demandons avec insistance de bien voul


donner des instructions aux préfets et sous-prèfets de vo~
province pour veiller à ce que des groupuscules remuants no
continuent pas à y provoquer des désordres au nom del 'UPC.
"Nous avons informé le Ministre del' Administration Ter-
ritoriale des mesures prises à notre niveau pour protéger notre
parti.
"Afin d'éviter la confusion, toute personne ou groupe de
personnes qui veut agir au nom de l'UPC doit présenter aux
autorités un mandat, ou les pouvoirs du Bureau Exécutif
l'habilitant à agit pour le compte du Parti.
Notre préoccupation constante étant de préserver la paix
sociale dans notre pays, nousavonsl 'espoir que vous prendrez
à votre niveau toutes les mesures qu'exige la situation ... "

Acte 13: Les "Upécistcs de France" entrent en scène. Le 3


mars 1991, après avoir salué et rendu hommage au courage
des camarades de l'intérieur et de l'extérieur qui ont résisté à
l'oppression et à la tyrannie du régime Ahidjo-Biya, adoptent
une Déclaration dans laquelle ils répondent favorablement à
la Déclaration des 43 du 23 novembre 1990 à Douala, souli-
gnent la nécessité d'une structure fiable et valable, proposent
la mise sur pied d ' uneConférence nationale de réconciliation
qui fera entre autre le point sur l'histoire du Parti ; enfin les
up&:istes de France souhaitent l'aménagement d ' un climat
propice à la convocation du congrès national du Parti. Selon
eux, rien ne saurait dynamiser et harmoniser le Parti tant que
toutes les composantes des forces dispersées n'ont pas ét.t
contactées et réunies dans la clarté, à savoir : 1° les militants
en exil; 2° les forces clandestines tant à l'intérieur qu'à l'ex-
térieur ; 3° les mouvements de masse relevant des structures
del'UPC (JDC, UDEFEC, CGKT...)etd'autrcs mouvements
et associations humanitaires dont la Ligue camerounaise des
droits de l'homme. Pour réaliser ce voeu, les militants de
France ont mis en place un Comité de liaison qui travaillera à

156
DU23NOVEMBRE 1990AJUIN 1991

la redynamisation du Parti en France.

Acte 14: Interdiction par Je sous-préfet de l'arrondissé-


ment de Yaoundé Ier d' une réunion que la Commission
nationale de réconciliation se proposait de tenir dans la capi-
tale le 23 mars 1991. Motif invoqué: la <non qualification des
organisateurs>, conformément aux interventions del• UPC du
prince Dika auprès des autorités RDPC et plus particulière-
ment du ministre RDPC de I'Administration Territoriale.
Dans la lettre de protestation (datée du 20 mars) q u ·elle a
adressée au ministre à ce sujet, la Commission déplore le fait
que le sous-préfet ait empêché la tenue d'une réunion de
réconciliation des "tendances" existant au sein del 'UPC et, ce
faisant, tende à favoriser une tendance minoritaire au détri-
ment des trois autres, au risque de mécontenter les militants
qui ne comprennent pas que l'autorité administrative, au lieu
de rester neutre, cherche à se mêler des problèmes internes du
Parti.à imposer aux masses une direction qu'elles n'entendent
pas reconnaître.
La base a trouvé la solution provisoire qui peul aider à
résoudre le problème interne auquel est actucJlementconfron-
té le Parti. Cette solutions• appelle la Commission naLionaJcde
réconciliation au sein de laquelle chaque "tendance" devait
avoir des représentants en nombre égal.
Curieusement, le groupe minoritaire n'a jamais assisté à
aucune des réunions de travail, clamant à qui veut l'entendre
qu'il a le soutien du gouvernement Il a même loutrecuidance
d'intimer aux préfets et sous-préfets l'ordre d'interdire toute
réunion de l'UPC (jusqu'aux comités de base)qui n'aurait pas
él.é au préalable autorisée par lui !
Etvoiciqueladécision deM. lesous-préfetde Yaoundé Ier
nous en administre la preuve. Il autorise le meeting du groupe
minoritaire Dika, mais interdit la rencontre de réconciliation
de la Commission nationale de réconciliation. Voilà des
auitudes qui irritent les masses, qui n'acceptent pas qu'on leur

157
L'UPC: UNE REVOLUTION MANQUEE?

impose des dirigeants. Elles y voient une trahison, et n'


tent plus à appeler "l'UPC Di.ka", le "RDPC bis".

Acte 15 : Deux lettres (des 14 et 28 mars 91) du 1er vi


président de l'UPC du princeDikadans lesquelles l'auteur,
Tchoumba Ngouankeu Isaac, reproche différentes choses
prince président :
- de n'être pas informé, lui Tchoumba, de ce qui se
dans le parti (surnommé ici "la cour royale") dont il est le J
vice-président ;
- les "méthodes royales" que fait prévaloir le prince dans
fonctionnement du parti, notamment aux postes de respo
bilit.é où tout se décide non pas par l'élection, mais selon
volonté aristocratique du prince;
- le refus systématique opposé par l'équipe dirigeante
l 'UPC-Dika de démissionner du parti gouvernemental RD
alors que depuis trois mois les militants exigent ceue dém ·
sion;
- les fré,quents voyages du prince à Yaoundé et en EuroJ>O.<
parfois par personne interposée, sans que personne, au sein d
Bureau, en connaisse l'objet ni la raison;
- le culte de la personnalité qui commence à s'installer a
sein du parti, au profit du prince ;
-larumeurselon laquelle, luiTchoumba,auraitétéexcludo
l'UPC par le prince "pour mauvais comportement".
Puis il ajoute :"On m'a également appris que tu devais tenir
une conférence, ou un meeting, à Bangangté d'où je su'
originaire. Je n'ai pas été avisé. Je dois signaler que le" Bureau
Exécutif Provisoire" avait décidé que ces voyages tapageurs
sont absolument inutiles présentement et que les sections
seules sont habilitées à inviter le"Bureau Exécutif provisoire"
aux meetings qu'elles organisent et que le <Bureau Exécutif
provisoire> n'a pas qualité pour le faire à leur place. Les
échecs successifs à Eséka et Kumba devraient L'inciter à éviter
une nouvelle aventure qui ne pourrait que discréditer l' UPC"

158
DU 23 NOVEMBRE 1990 A JUIN 1991

Enfin Je Ier vice-président reproche à ron royal président


l'ingratitude de ce dernier vis-à-vis du parti gouvernemental
RDPC, au sein duquel lem ilitantismedu prince aurait consisté
trahir l'UPC à longueur de journées; or, voici qu'aujour-
d'hui il tourne le dos au RDPC. "Il n'en serait pas différem-
ment demain si l'UPC venait à connaître un mauvais sorL
Ainsi, vous voulez manger à tous les rateliers..."

Acte 16: Au cours d'un déjeuner(mercrecli 17 avril 1991)


ft Paris avec le Pasteur Njami Nwandi, délégué à la Coopéra-
tion internationale del 'UPC-Dika, le généraJ Makanda, qui se
réclame de Um Nyobé et dit être te Commandant supérieur en
chef de la branche année del 'UPC (CNO, ALNK), a formel-
lement condamné "M. Di.ka et son groupe, qui ne sont pas
upécistes et ne peuvent prétendre le devenir. Ils ne peuvent
même pas prétendre être de l'opposition ..."
En conséquence, le général a sommé Je groupe Dika de
changer de nom et de restituer tous les biens del 'UPC qui se
trouveraient en sa possession.
Sur l'état del 'UPC en 1991, un observateur extérieur peut
se pennettre quelques observations.

La situation d'implosion actuelle:

L'expression "implosion" est du Secrétaire provisoire du


BNP. Elle exprime très exactement la situation d'auto-des-
trucùon et d'auto-paralysie dans laquelle l'UPC, toutes ten-
dances confondues, se débat depuis l'entrée en vigueur de la
loi du 19 décembre 1990, et qui finit par faire du régime
néocolonial le suprême et tout puissant arbitre des conflits
internes du Mouvement
Pour détruire l 'UPC, le régime colonial avait eu recours à
la force brutale, sans grand succès. Le régime néo-rolonial
première manière a ajouté à la force, la stratégie de l'élimina-
tion physique des leaders ; mais I'UPC a continué d'exister.

159
L'UPC : UNE REVOLlITION MANQUEE?

Nous en sommes aujourd'hui à une nouvelle expérie


d'extermination du Mouvement. inaugurée par le néocolon ·
lisme de la deuxième génération. Cette nouvelle stratég·
c'est l'implosion, la destruction de l'UPC par clle-mêrn
c'est-à-dire par des personnes se réclamant des mêmes tex
et s'attribuant la légitimité du Mouvement.
Mais qu'est-ce, au juste, que la légitimité?
La légitimité n'est pas une chose qui se transmetdepèree4
fils, ou du plus âgé au plus jeune. Ellen' est pas davantage
legs que l'on reçoit en héritage, autrement se poserait
question de savoir de qui les hommes de 48 tenaient la 1
en supposant qu'ils fussent des dirigeants légitimes. Et qul
pounait leur contester cette qualité ?
La légitimité est une chose qui s'acquiert, et surtout qui st
mérite. C'estla façon dont se comporte un individu qui faitq
les autres se reconnaissent en lui, le considèrent comme celuJ
qui exprime le mieux leurs aspirations, défend le mieux Ieurr
illlérêts et agit comme ils souhaiteraient agir eux-mêmc&i
Dans les moments difficiles, on se reporte à lui parce q
chacun est convaincu que même si la masse vient à défaillk:
lui, résistera et continuera dans la bonne direction.
La légalité, qui est la conformité au droit en vigueur,
confère pas nécessairement la légitimité. Elle peut cependanl
le faire, mais à la condition que les lois elles-mêmes soient.
conformes à la représentation que les gens se font de leW1
intérêts, de leurs désirs et de leurs aspirations, à un moment
donné. Or, ce genre de situation où la loi exprime les désira
réels de la population ne s'est pas presenté chez nous depuia
la création de l'Etat néocolonial par l'étranger.
C'est à la situation inverse, celle des lois illégitimes.
injustes et même contraires à lintérêt national, que les Came-
rounais ont été habitués jusqu'ici. Chez nous, c'est la loi qui
~rvit, divise, excluL Elle ne peut donc pas conférer la
légitimité. Et c'est de cela que les différentes tendances do

l(J()
DU 23 NOVEMBRE 1990 A JUIN 1991

l 'UPC doivent d'abord se convaincre si elles veulent réelle-


ment s'engager dans la voie de !'unité du Mouvement.
Cette conviction entraîne une conséquence pratique, logi-
que et simple : à savoir le relrait volontaire des postes de
responsabilité, au sein de toutes les tendances, des militants
s'étantcompromis,d'unemanièreoud'uneautre,directement
ou indirectement, av~ le parti unique néocolonial.
Il est possible de trouver actuellement, au sein de chaque
tendance, des militants indemnes de ce genre de compromis-
sion et capables d'assumer, provisoirement jusqu'au congrès
de l'unité, la direction des affaires. Av~ ces responsables
provisoires, il devra être possible de préparer, dans les délais
raisonnables, la réunion d'un congrès souverain, conformé-
ment aux statuts en vigueur.
C'est à ce congrès, auquel toutes les tendances devront
participer,qu'ilappartiendraderefairel'uniléduMouvement
et de doter celui-ci d'une dir~tion unique, reconnue par tout
le monde parce que tout Je monde aura participé à sa désigna-
tion.
Un autre schéma d'évolution est possible. n consiste à
s'engager à fond dans la voie de {'implosion tracée par le
néocolonialisme, c'est-à-dire par un pouvoir essentiellement
destructeur. Ce scénario conduit à la cristallisation des diffé-
rences et des positions actuelles, et donc à l'éclatement à
terme de l'UPC.
Ce n'est pas un Mouvement ainsi éclaté qui pourrait re-
prendre le flambeau allumé en 1948 et conduire à son terme la
granderévolutionarnorcéeparUmNyobéetsescompagnons.

161
ANNEXEI

RASSEMBLEMENT CAMEROUNAIS
CHARTE DES POPULATIONS
AUTOCHTONES DU CAMEROUN
Préambule
Devant la diversité des Tribus qui peuplent le territoire du
Cameroun et l'absence d'une représentation officielle locale.
purement autochtone, la nécessité a été reconnue de créer un
organisme politique, seul qualifié pour représenter directe-
ment ou indirectement (par l'intennédiaire des délégués au
Parlement Français et aux Assemblées locales) le peuple
camerounais uni el indivisible.
A cet effet, nous, représentants des populations du Nord-
Cameroun et des régions de I 'Adamaoua et de la Bcnoué, des
populations Yaoundé, Boulou, Bafia, Bassa, Kribi, Douala.
Bamoun, présidents, mandataires des associations diverses à
caractère politique, réunis en Congrès plénier, sur la convoca-
tion du Président de l'UNICAFRA, avons après des débats
multiples et tumultueux adopté el adoptons, à l'unanimité,
pour êLre immédiatement mise en vigueur, la Charte dont la
teneur suit:
Art. 1 : Il est constitué au Cameroun, un organisme repré-
sentatif groupant roules les populations autochtones, sous la
dénomination de "Rassemblement Camerounais" par abré-
viation "RACAM".
Art. 3 (But)
(a) d'affinner la volonté de participer à l'ocuvre de son
émancipation dans le cadre des lois internationales.
(b) d'être l'unique trait d'union entre le territoire et ses re-
présentatives aux Assemblées métropolitaines et locales.
(c) de travailler par tous les moyens et dans tous les
domaines au relèvement politique, économique, moral et
162
social des autochtones.
Art. 4 : Le Rassemblement élit au suffrage universel une
Assemblé.ecomposéede lOOmembresdanslesconditionsqui
seront déterminées par un réglement spécial. La durée du
mandat est de 5 ans. Les membres sortants sont ré-éligibles.
Art. 5: La répartition dessiègesse fait suivantl'importance
et la population de chaque région ou groupe de régions ... :
Nord-Cameroun, Bénoué, Adamaoua 15 sièges
M'Bam 4
Bamiléké . 13
Bamoun 4
Moungo 6
Wouri IO
Sanaga Maritime 9
Kribi 4
N'Tem 9
Nyong et Sanaga 14
Haut- Nyong 5
LometKadei
100 sièges

(Les articles 6 à 14 trattcnt principalement des fonctions


exécutives du RACAM: élection du Président et du bureau
pennanent (art. 6); composition du bureau de dix membres
(art. 7) ;procédured'électionduprésident(art. 8)etdubureau
(art. 9) ; rémunération des membres du bureau (art. 10) ;
procédure de convocation del' Assemblée du Rassemblement
(art. Il) ; comités régionaux du Rassemblement (art. 12) ;
relations entre les comités régionaux, Je bureau permanent et
l'Assemblée (ar.t 13) ; composition de chaque comité régio-
nal).
Art. 15 : Le Comité adresse mensuellement au Bureau
pennancnt del' Assemblée un rapport détaillé sur la situation
politique, économique et sociale de la région. A ce rapport est
obligatoirement annexé le double de la correspondance échan-

163
gée dans le mois tant avec l'administration locale qu'avec l
organismes privés ou les particuliers.
(Les articles 16 à 18 se trouvent sous le sous- titre "Res
sources" et traitent des ressources et souscriptions et de 1
utilisation).
Art. 17 : Le taux de la contribution à percevoir corn
centimesadditionnelsàl'irnpôtetàla taxe à! 'exportation
fixé en session plénière et soumis à l'approbation du gouvef
nemenL
(Sous le titre "Gestion", les articles 19 à 22 visent
responsabilité du budget (art. 19) ; les obligations financières
d'unecharge spéciale appelée l' ordonateur-délégu.e (art. 20)
; la collecte et à la gestion des fonds (art . 21) ; les procédures
d'ulilisation des fonds par le trésorier (art. 22).
(Les articles 23 et 24 traitent des règles de la comptabilité),
(Sous la rubrique "Situation mensuelle", les articles 25 à 30
concernent le rapport de l'ordonnateur-délégué sur la situa·
lion financière (art. 25) ; les dates limites pour l'exercice
budgétaire du Rassemblement (art. 28) ; la ratification des
livres du trésorier et de l'ordonnateur-délégué par le "congrès
pan-Cameroun"; les procédures à appliquer en cas de malver-
sation des deux responsables financiers ; les règles de comp-
tabilité et de contrôle du trésorier par le président et l'assem-
blée (art. 26 et 27).
Art. 31 : Le Congrès du Rassemblement Camerounais se
réunitunefoisparan,enprincipelapremîèresemainedumois
d'avril. La date, l'ordre du jour et le programme du Congrès
sontfüésparl' Assemblée quiesttenucd'en faire la plus large
diffusion.
(L'article 32 stipule comment la Charte peut être modifiée
durant la teneur d'un congrès).
Art. 33 : A partir del' approbation de la présente charte par
les représentants et les délégués des populations et organis-
mes, sont déclarées nulles et d'aucune utilité toutes les asso-
ciations à caractère politique existant actuellement au Came-
164
roun ou dont la création sera envisagée.
Dans un délai d'un mois à partir de la même date le Bureau
permanent provisoire du Rassemblement sera saisi de la
dissociation officielle de ces organismes.
Art. 34 : La présente charte, adoptée à l'unanimité au
Congrès plénier par les représentants des populations et di vers
groupements du Cameroun réunis à Douala, du 30 mars au 6
avril 1947, entrera en vigueur immédiatement et sera commu-
niquée au Gouvernement età tous les représentants du pays au
Parlement français.

Fait à Douala le 6 Avril 194 7

165
ANNEXE2

STATUTSDEL'UPC
Tels que définitivement établis
au Congrès d'Eséka, 1952

BUTETSIEGE

Article premier :
Il est créé au Cameroun un Mouvement dénommé "Union
des Populations du Cameroun" (par abréviation, U.P.C), qui
a pour but de grouper et d'unir les habitants de ce Territoire en
vue de pennettre l'évolution plus rapide des populations et
l'élévation de leur standard de vie.
Article 2:
Le siège du Mouvement est fixé à Douala. Il peut être
modifié sur décision du Comité Directeur.

CONDITIONS D'ADMISSION

Article 3:
Peuvent être membres de l'Union des Populations du
Cameroun, les personnes qui en acceptent les statuts s 'enga-
gent à y militer activement et à acquitter régulièrement leurs
cotisations.
L'admission des membres est prononcée par le Bureau à
chaque échelon de l'organisation.
Article 4 : I' Admission
a) d'une organisation de parti,
b) d'un groupe entier d'une organisation,
c) de dirigeants d'autres partis,
est sownise à la ratification du Comité Directeur.
Article 5:
Chaque adhérent verse une cotisation annuelle dont le

166
montant est fixé par le Congrès.
Il reçoit en échange la carte du Mouvement, signée du
Secrétaire Général et du Trésorier de l'organisation locale
responsable.

STRUCTURE ET ORGANISATION

Article 6:
L'organisation du Mouvement de base est le comité. Le
Comité se constitue sur la base de l'entreprise, du village, du
quartier ou fraction du village ou du quartier. Il a pour but de
populariser les mots d'ordre de l'Union des PWJulations du
Cameroun, de dénoncer tout ceqtii est contrair.e à 1' intérêt des
populations du Camerounpd'aider les masse8 _à s'organiser
pour la réalisation des objectifs poursuivis •piti' l'Union des
Populations du Cameroun. • · • ~· .:
Article 7:
Si les nécessités l'exigent, les Comités de base d'une
subdivision ou d'une localité, peuvent former un Comité cen-
tral chargé de la coordination de leur action.
Article 8:
L'ensemble des organisations de base et des Comités
centraux existant dans une région forme la section de ladite
région. Les sections sont rattachées à la Direction du Mouve-
ment.
La Démocratie est assurée au sein du Mouvement par
l'élection de tous les organes dirigeants, à tous les échelons,
selon les modalités assurant démocratiquement l'expression
de la libre volonté de tous les adhérents : suffrage universel
direct et indirect selon le système des délégués élus, en
nombre proportionnel à celui des adhérents, aux Assemblées
régionales, aux Congrès.
Article 9:
Les décisions de tous les organismes du Mouvement sont
prises à la majorité des membres présents ou représentés. Elles

167
ne sont cependant valables que si la moitié au moins d
membres sont présents ou représentés.
Article JO :
Le Comité de base est dirigé par un bureau de 10 mem bret
au plus, élus en Assemblée générale de tous les adhérents po
une durée qui ne peut être supérieure à un an.L'assemblée du
comité en même temps élit parmi les membres du bureau, un
secrétariat de quatre membres chargés d'assurer, à tous
moments, la continuité de l'action du Comité.
Article 11:
Le Bureau du Comité Central est élu en Assemblée géné-
rale des délégués des Comités de base. Il se compose de deux
délégués par comité de base et d'un secrétariat de quatre à cinq
membres élus parmi les membres du bureau.
Article 12:
La section régionale peut être, selon le degré d ·organisa-
i.ion du Mouvement, soit un simple regroupement de caractère
géographique, soit un organe de transmission intermédiaire
entre les comités de base, les comités centraux et le Comité-
Directeur lorsque la bonne marche l'exige.
Les organes de direction de la région (bureau et secrétariat)
seront alors élus en assemblée régionale selon le principe
exprimé à l'article 9.
Article 13 :
Chaquecomiléde base,chaquecomitécentral et, éventuel-
lement, chaque région, ont la responsabilité du travail d 'orga-
nisation dans la portion du territoire dont ils ont respective-
ment la charge. Cette portion est assignée en cas de besoin par
l'organisme immédiatement supérieur.
Article 14 :
Chaque organe dirigeant prévu aux articles 10, 11 et 12 ci-
dessus est responsable :
a) devant l'organisme qui l'a élu
b) devant l'organisation immédiatement supérieure.
Article 15 :

168
Tout membre de l'Union des Populations du Cameroun
doit suivre la discipline existant au sein du Mouvement et
appliquer les décisions prises par les organes de direction.
Article 16:
Les élus de l'Union des Populations du Cameroun aux
assemblées métropolitaines et locales sont responsables de-
vant les organes directeurs del 'Union. Ils doivent se confor-
mer à la ligne définie par le Congrès et sont astreints à 1a
discipline commune à tous les membres du mouvement. Ils
doivent périodiquement rendre compte de leur mandat à leurs
électetµ"S.
Article 17:
Tout acte d'indiscipline entraîne les sanctions sltivantes:
a) à l'égard de l'organe dirigeant: destitution et remplaee-
ment par une direction provisoire désignée par l'échelon
supérieur jusqu'à la décision de l'assemblée de l'échelon
correspondant •
b) à l'égard d'un membre : ·blâme public, suspension
temporaire, destitution de fonction et exclusion. Ces deux
dernières devant être ratifiées par l'Assemblée de l'échelon
correspondant pour être valables.
Article 18:
En cas de destitution de fonction, d'exclusion, l'intéressé
pourra toujours faire appel de la décision devant le congrès
sans que ce recours soit suspensif de l'application de la
sanction.
Article 19:
La plus haute instance de l'Union des Populations du
Cameroun est le Congrès. Il se réunit, en principe une fois par
an. Il est convoqué par le Comité Directeur. Sa convocation et
son ordre du jour'sont rendus publics au moins un mois à
l'avance.
Article 20:
Le Congrès fixe la ligne de conduite de l'Union des Popu-
lations du Cameroun et les objectifs à aueindrc dans la période

169
directeur sur son initiative ou celle de tout organe de direction
de l'échelon supérieur ou inférieur ;
b) par démission volontaire.
Article 30:
Les présents statuts sont susceptibles de modifications par
le Congrès. Les clauses qu ·ils renferment sont acceptées dans
leur intégralité par tout adhérent du fait même de son adhésion
au Mouvement.
Article 31 :
L'U.P.C. n'est pas un Mouvement qui va à l'encontre de
la Nation française, ni des intérêts del 'Union Française, ni de
la Constitution actuelle.
Article 32:
Un réglement intérieur élaboré par le Bureau est soumis à
la ratification du Congrès. Il fixe les détails sur le fonctionne-
ment de l'U.P.C.
Article 33:
La dissolution du Mouvement ne pourra être prononcée
que par le Congrès et par la majorité des deux tiers des
membres présents.
Article 34:
En cas de dissolution du Mouvement, le Congrès décidera
de l'emploi des fonds disponibles.

Fait à Eséka, le 30 septembre 1952

Pour le Bureau
Signé : Le Secrétaire Général,
Ruben UM NYOBE
Les Vice-Présidents
Abel KINGUE,
OUANDIE.

172

·'
ANNEXE3

COMITEDffiECTEUR DEL"U.P.C.
élu en 1952
(Congrès d 'Eséka)

MOUMIE FELIX KAMZON Lucien


KINGUEAbel KOUANOOUJean
OUANDIEEmest YAPPEmmanuel
UMNYOBE DJONY TIENTCHEU
KAMSI J. Innocent KOHN Joseph Emile
NGOM Jacques NYOBi André-Claude
KAMENSakeo • • BESSA-U Jean
NGUENOM Denis. •• : • TCHQVÈ.·Amos
TCHOUENIB Elie SONGUE Samuel
ND AME Jacques • . MAN:;QoUNG Luc
EMANDJONG Louis· • .., . . ~M YO~B Raphael
ZEDavid • BITJO~G Telesphore
NGOUMA WA Jacwb 0
• NTJA?tf françois
FA YEP Pierre MBIL].:,A Marcus
NGANTSE Lucie .MANI?ENGUE Jona-
than '"
CHEMBO U André ENGPaul
EKAMarket BIKOY Eugène
ECKOMartin TOUK Théophile
DOUMBEJean NTEP Jean Deschanel

173
ANNEXE4

MOTION DU 24 OCTOBRE 1952


(Protestation de I' ATCAM contre
l'audition de Um Nyobé à l'ONU).

SuivantdeuxnouvellesdiffuséesdeNewYorkparl'Agence
France-Presse, le Secrétariat des Nations Unies a rendu publi-
que une requête de M. Um Nyobé Ruben, secrétaire général du
parti politique Union des Populations du Cameroun, UPC, en
vue de l'envoi d'un représentant de l'UPC à l'Assemblée
générale des Nations Unies, et la commission compétente
aurait pris la décision d'inviter ce chef de parti à venir person-
nellement à New York lui exposer les revendications du
Cameroun sous tutelle française.
Les membres de l'Assemblée territoriale du Cameroun
français réunis en session à Yaoundé, sont obligés de souli-
gner avec fermeté que le parti susnommé et son secrétaire
général n 'ontaucunequalité pour représenter les intérêts et les
aspirations des masses camerounaises. Ils rappellent qu'ils
sonteux-mêmeslesreprésentantsdecesmasses,ayantétéélus
le trente mars dernier, et qu'à ces élections générales, sur
cinquante sièges à pourvoir, l'UPC, malgré une activité in-
tensedepropagande,n'en aobtenuaucun.QuenotammentM.
Um Nyobé, candidat dans la Sanaga Maritime, son pays
d'origine où l' UPC a déployé depuis ses débuts une particu-
lière activité, n'a obtenu que 2.736 voix sur 31.317 inscrits;
qu'il serait inadmissible que pendant que les représentants
élus de ce territoire travaillent depuis un mois dans une
concorde totale à établir les bases budgétaires, économiques
et sociales de l'activité et du développement du territoire, un
partipolitiquequi n'a puobtenird'êtrereprésentéà l' Assem-
blée puisse, par une agitation systématique et la multiplication
artificie1le de ses pétitions et interventions, dissimuler la fai-
blesse de sa valeur représentative réelle et retenir seul l'atten-

174
tion de !'Organisation des Nations Unies.
Subsidiairement. et pour le cas où l'invitation susvisée
serait maintenue, demande instamment à l 'Organisation des
Nations Unies deconsidérec M. Um Nyobécomrne représen-
tant seulement un parti politique qui n'a pu parvenir à grouper
qu'un nombre d'adhérents infime habitant une faible partie du
territoire.
Décide que copie de la présente motion sera adressée
également à Messieurs les membres de Ja Mission de visite
actuellement au Cameroun, à qui ils seraient reconnaissants
d'appeler par télégramme l'attention de l'Organisation des
Nations Unies sur ce qui précède.

Fait à Yaoundé le 24 octobre 1952 à l'unanimité des


membres de l'Assemblée territoriale du Cameroun sous tu-
telle française, siégeant en Assembléë"plénière.
Signé le Président de l'Assemblée Territoriale du Came-
roun sous tutelle française: Dr Louis Paul AUJOULAT;
Signé, les membres de!' Assemblée :
Abega Martin MahondéAhmadou
Ahidjo Ahmadou Mari go~ Mboua Marcel
Akassou Je.an Marouf Youssouf
Amaoua Martie Paul
Assale Charles Mbakof Charles
Babale Oumarou Mbida André-Marie
Chedjou Joseph Medou Memvomo Gaston
DissakeAbbé Meloné Antoine
Djoumessi Mathias Mindjos René
Etondé Guillaume Njiné Michel
Fouda Omgba André Njoya Arouna
Hamadou Ousmanou Seidou Njimoluh
Iyawa Adamou Soppo Priso Paul
Ekwabi Ewané Jean Woungly Massaga A.
Kotouo Pierre Ninine Jean
Mabaya Jean-Baptiste

175
ANNEXES

DECLARATION DE LIBAMBA
(22-23 décembre 1960)

DECLARATION SUR LA POLITIQUE GENERALE

La Rencontre Nationale des Organismes de I;UPC, réunie


à Libamba (Makak) les 20,21, 22 et 23 décembre 1960,
rencontre comprenant les membres du Comité Directeur, le
Groupe parlementaire cfe l'UPC à l'Assemblée Nationale, les
délégués des Sections, Secteurs et Comités centraux du
Mouvement et le Directoire national interactions,
Après avoir examiné la situation intérieure de l'UPC, ainsi
que la conjoncture actuelle du Cameroun,
Adopte la Déclaration de politique Générale dont la teneur
suit:

1) POUR L'UNITE.

La Rencontre réaffinne que le renforcement de l 'Unité et


lintensification de l'organisation et de l'éducation dans la
légalité demeurent les problèmes immédiats et impérieux qui
conditionnent actuellement la santé et le développement de
I'UPC.
Elle décide en conséquence l'effacement de toutes les
tendancesquisesontfaitjourdansleMouvementLaRencon-
tre recommande aux militants et organismes du Mouvement
de tout mettre en oeuvre pour sauvegarder cette uni té, gage du
succès de notre lutte, de la dignité et de la grandeur de I' UPC.
Pour matérialiser cette Unité, la Rencontre met en place un
Bureau national provisoire chargé de centraliser le travail des
Organisations de base et de diriger toute l'activité de l'UPC
jusqu'au prochain congrès.

176
Le Bureau National Provisoire del 'UPC comprend doure
membres élus parmi les membres du Comité Directeur, des
délégués du Groupe parlementaire et des Sections.II com-
prend également l'actuel Secrétaire administratif. Il est ad-
joint une section de presse au Bureau national provisoire de
l'UPC.

2) CONVOCATION DU 3ème CONGRES

La rencontre nationale des Organismes del 'UPC préconise


la tenue du 3ème congrès de l' UPC au courant du deuxième
semestre 1961 après une large et sérieuse préparation : le
Bureau national provisoire de l'UPC prendra toute initiative
en conséquence.

3) PROGRAMME D'ACTION

Considérant que l'indépendance du Cameroun ne saurait


être une réalité sans un climat politique sain et une économie
nationale solide et moderne. la ~encontre demande au gouver-
nement:
• d'assainir le climat politique par les mesures suivantes et
cela, le cas échéant, avec le concours de tous ;
- cessation de la politique de force, d'étouffement prati-
quée à la faveur de la confusion volontairement entretenue
contre l'UPC, malgré son retour à la légalité ;
- rétablissement de toutes les libertés démocratiques par la
suppression des lois d'exception ;
- libération des détenus politiques ;
- réalisation d'un programme national et non régional de
développement économique et social rendant profitable à tout
le pays la fonnation et l'utilisation de la jeunesse nationale,
offrant des débouchés bien rémunérés dans le marché de
travail, garantissant l'emploi ét permettant l'écoulement des
produits hors de nombreux intennédiaires qui réalisent leurs

177
bénéfices à la sueur des fronts des Camerounais ;
- indépendance totale et neutralisme absolu du Cameroun
vis-à-vis des deux blocs ;
- formation d'un Gouvernement d'Union nationale tra·
vaillant sur un programme national minimum acceptable par
tous;
- réalisation de la Réunificatio11 du Territoire national du
ôuneroun par la fusion pure et simple ;
- révision de la constitution.
Dans le cadre de la légalité, l'UPC est prête à faire toul ce
qui peut dépendre d'elle pour la réalisation de ces mesures.
La Rencontre s'indigne des conditions d'arrestation et
d' emprisonnement du député Owono Mimbo Simon et de
l'invalidation du député Ngué Elie. Une telle politique prati-
quée par le Gouvernement et sa majorité semble marquer le
débutd'éliminationdesélusdel'UPCduParlementcamerou-
nais et tend à faire au Cameroun un régime à parti unique
réalisé aussi bien par la force que par la corruption et la ruse

La Rencontre invite Je gouvernement à mettre fin à cette


politique dangereuse pour une République qui se veut démo-
cratique.
La Rencontre dem '1de la libération du député Owono
Mimbo et la mise en application de toutes les mesures néces-
saires pour que les prochaines élections partielles dans le
Département de Kribi se passent dans la légalité et sans
ingérence administrative d'aucune sorte

4) SURLEPLANDEL'EDIFTCATIONECONOMIQUE
DU PAYS.

La Rencontre invite le gouvernement à mettre en chantier


le plan quinquenaJ et à ne faire aucune exclusive en matière de
l'aide del' étranger, à la seule condition que soient respectées
la Souveraineté et l' Indépendance du Cameroun.

178
Une action immédiate est indispensable pour le relèvement
économique des Départements troublés, pour la revalorisa-
tion des produits agricoles et des salaires. La Rencontre invite
le Gouvernement de la République et engage le peuple à tout
mettre en oeuvre pour assurer le triomphe du plébiscite qui
aura lieu en février 1961 pour la réunification des deux parties
du Cameroun.L'action du peuple devra se manifester notam-
ment par la collecte des fonds et de tout autre moyen moral et
matériel de solidarité.

POUR LE RETOUR A LA LUTTE POLITIQUE

Considérant que l'UPC est revenue dans la légalité et


entend mener son action dans la Paix, la Rencontre condamne
le Terrorisme actuel dans toutes ses fonnes et d'où qu'il
vienne. En conséquence, la Rencontre recommande à tous les
militants de poursuivre la réalisation·du programme del 'UPC
· par les moyens politiques.

Fait et adopté en séance plénière à Libamba (Makak), le 23


décembre 1960.
Pour la Rencontre nationale des Organjsmes de
l'UPC et pour le Président

Le secrétaire général de séance,


AUGUSTIN NIMGA
Le Président de séance,
lbrahimZIBI

179
TABLEAU RECAPITULA TIF DES TENDANCES
CONNUES DE L'UPC AUJOURD'HUI

-l'UPC ORIGINELLE: incarnée par Ndeh Ntumazah, qui


s'est associé avec d'autres patriotes camerounais pour for-
mer, en 1987, Je Front Démocratique Camerounais (FOC).
Ntumazah n'a jamais eu la moindre compromission avec le
parti unique néocolonial.
· I' UPC LEGALE ou UPC du Bureau National provisoire,
qui remonte aux premiers ralliés des <maquis> en 1958, mais
quis' est véritablement structurée en 1960. Erna Ottu en est le
Premier Secrétaire provisoire. Ceux de ses membres qui ont
quitté le Mouvement pour entrer dans le parti unique néoco-
lonial viennei;tt d'en démissionner.
-1' UPC MANIDEM, créée sous Je nom de UPC du Comité
Révolutionnaire. à l'issue du coup de force perpétré en 1962
à Accra (Ghana) contre la direction régulière de l'UPC de
l'extérieur, par Woungly Massaga, Ndoh Michel et leurs
camarades. Woungly Massaga vient de démissionner (en
1990) de 1'UPC Man idem, qui se dit marxiste, pour se mettre
au service du président du parti unique néocolonial. L'UPC
Manidem possède son propre Comité Central, dont Ndoh
Michel est le Secrétaire Général provisoire depuis le départ de
Woungly Massaga, et elle a déjà tenu son propre troisième
congrès. Anicet Ekane est son porte-parole officiel.
-1 'UPC-COPOC du général André Makanda: 17, Avenue
de Tourville, Paris 7e. Elle se réclame de Um Nyobé et
Makanda n'a jamais eu de compromission avec le parti unique
néocolonial.
· l' UPC DU PRINCE DIKA AKWA, créée le 23 novembre
1990 à Douala et officiellement reconnue par le gouverne-
ment RDPC le 12 févriet 1991 . Plusieurs dirigeants de I' UPC
de celte tendance appartiennent toujours - sur carte - au parti
unique néocolonial et refusent d'en démissionner. L 'UPC du
princeDika s'estdonnée son propreComitéDirecteur(provi-
soire) et son propre Bureau Politique (provisoire).

180
CHRONOLOGIE
1944
- •8 février : Fin de la Conférenée coloniale de Brazzaville
(commencée le 30 janvier).
- IO avril: Arrivée à Douala, venant d'Alger, de M. Gaston
Donnat, Instituteur progressiste français. Le 15, il est nommé
directeur adjoint de l'F.cole Régionale de Yaoundé.
-Juin: Début à Yaoundé de l'expérience des"Cercles d'étu-
des sociales et syndicales", animés par des progressistes
français, dont G. Donnat. Cette expérience s'étendrajusqu 'à
Douala et durera jusqu'en 1946. Les premiers syndicalistes
camerounais sortiront de ces Cercles d'études.
- Décret du 7 août introduisant le droit syndical en Afrique
noire française pour les indigènes («sujets français»).
- 18 décembre: Création de la première centrale syndicale ca-
merounaise: l'Union des Syndicats confédérés du Cameroun
(USCC), affiliée à la CGT française. L' Administration colo-
niale, la hiérarchie catholique et le colonat français se dé-
clarent hostiles à 1'USCC; ·
1945
- 24-25 septembre: Grèves sanglantes de Douala: plusieurs
morts et arrestations.
- 26 septembre : Enlèvement de M. Donnat et de deux autres
progressistes français: Mme Jacquot et M. Ri out. Après avoir
été gardé au secret à Edéa, M. Donnat débarquera un beau
matin à Ebolowa, «affecté» comme directeur du secteur
scolaire du Ntem. Plus tard, il sera expulsé du Cameroun,
après un bref séjour à l'Ecole professionnelle de Douala.
-9 octobre: Création de l'ARCAM par un décret français n°
2317 du 9 octobre 1945.
-Octobre/Novembre: Congrès de la JEUCAFRA à Douala. Il
se termine par la création del 'UNICAFRA.
- 21 octobre: Election de deux députés à l'Assemblée cons-
tituante française. Sont élus : Alexandre Douala Manga Bell
(2e collège) et le Dr. Aujoulat (Ier collège des citoyens
français).

181
1946.
- 21 octobre: Création du RDA à Bamako (orgamsation anli
C-Olonialiste ayant à sa tête Houphouët-Boigny, président et
Gabriel d' Arboussier, secrétaire général).
- 27 octobre: Adoption (referendum) de la constitulion fran-
çaise de la IV République; elle fait du Cameroun un «territoire
associé» de l'Union française.
- 10 décembre: Elections à l'Assemblée nationale française;
les deux candidats présentés par les syndical isces sont sévère-
ment bauus: Kingue Jong et Asa'ale.
-Asa'ale est désigné, pour4 ans.membre du Conseil Econo-
mique et Social à Paris pour le compte de l'USCC/CGT.
-Um Nyobé devient Secrétaire général de l'USCC, après la
défection de Ndounokong et le rapatriement forcé de Donnat
-13 décembre: Le Cameroun entre sous le régime de la tutelle
internationale (Adoption des accords de tutelle par 1'Assem-
blée générale del 'ONU).
1947
-30mars-6 avril: Congrès de l'UNICAFRA à Douala. Scis-
sion. Création du RACAM.Hostilité de 1'Administration
coloniale et de ses satellites.
-Création del' AECF: Association des étudiants camerounais
de France, laquelle deviendra tour à tour AEC et UNEC
(Union Nationale des Etudiants Camerounais).
1948.
- 10 avril : au Café «Chez Sierra» à Bassa: création de 1'UPC
par douze patriotes camerounais, la plupart étant des syndica-
listes.
- 12 avril : Premier dêpot des statuts de 1;UPC à la mairie de
Douala
-6 mai: Fonnation d'un nouveau Bureau del 'UPC à Douala,
au domicile de Baga! Guillaume.
- 14 mai: Dépôt des statuts remaniés del 'UPC à la mairie de
Douala
- 9 juin : L' Administration accuse enfin réception des statuts

182
del'UPCetconsentàlesenregistrer.LeMouvementexistccn
tant qu 'organisation légale contre laquelle l' Administration
ne cache pas son hostilité.
· - 17 juin : L' UPC ajoute à son nom la mention «Section Ca·
merounaisé du RDA»
- 23 juin : A la salle des Fêtes d' Akwa à Douala, première ma-
nifestation publique del 'UPC.
- Novembre: Um Nyobé est porté à la tête de l'UPC en qualité
de Secrétaire général du Mouvement
1949.
- 1-5 janvier à Treichville (banlieued' Abidjan): 2e congrès
interterritorial du RDA: il confirme l'affiliation del 'UPC au
RDA et porte Um Nyobé à la vice-présidence du Rassemble-
ment démocratique africain.
- 20 juin :Création de 1'ESOCAM par l'administrateur fran-
çais d'Eséka ; Bisseck Guillaume, transfuge de l'UPC, est
porté à sa présidence ; il y sera remplacé un an plus tard par
. Pierre Dimala.-
- Première Mission de visite d~ l'ONU au Cameroun.
1950
-LeRDAchanged'orientationàlasuitedesrépressionsayant
entraîné de nombreux morts, notamment en Côte d'ivoire: il
cesse d'être anticoloniaUste el se résigne à collaborer avec
I' Administration coloniale.
- l 0-13 avril : Premier congrès de l 'UPC à Dschang. Le chef
Djoumessi Malhias est porté à la présidence du Mo~vement,
et Um confirmé dans ses fonctions.
- Avri]/mai : Asa' ale abandonne le camp nationaliste et s' al-
lie à l' Administration coloniale; il entrera à l' A TCAM deux
ans plus tard.
1951
- Création du BDC (parti administratif) par le Dr Aujoulat:
ministre français, député, membre de l'ARCAM.
-Jacques NGOMremplace Asa 'aleau Conseil E.conomiquc et
Social à Paris.

183
- 14-17 décembre : Congrès de Kumba, au Cameroun britan-
nique. Première grande rencontre des partisans de la Réunifi-
cation des deux zones.
1952
- 29 septembre : Congrès del 'UPC à Eséka. Moumié est porté
à laprésidencedu Mouvement, en remplacement de Djoumes-
si. Um est confmné dans ses fonctions.
- Création de la JOC et del 'UDEFEC, affiliées à l 'UPC.
- 4 octobre : La direction de l'UPC adresse une demande à
l'ONU pour y envoyer un pétitionnaire. Demande acceptée.
Um est désigné par ses camarades pour effectuer le voyage.
- Protestation du gouverneur et de I' ATCAM, qui dénient à
l'UPC le droit d'aller parler du Cameroun à l'ONU. L' AT-
CAM, alors présidée par le Dr Aujoulat, envoie un long télé-
gramme de protestation dans ce sens à l'ONU.
- l 7décembre: UrnNyobéprendla parole devant la Quatrième
Commission de 1' Assemblée Générale del 'ONU à New York.
L' Administration coloniale y a délégué deux personnes pour
aller lui porter la contradiction : Charles Okala et Alexandre
Douala Manga Bell.
1953.
- Tournées de Um à travers le pays pour rendre compte à tous
les Camerounais de sa mission à l'ONU.
- Novembre/décembre: Seconde intervention de Um Nyobé
à l'ONU, à New York. L'Administration coloniale a envoyé
cette fois, pour lui porter la contradiction, Bisseck Guillaume,
président del 'ESOCAM. ·
1954.
- Tournées de compte rendu du Secrétaire général del ' UPC à
travers le Cameroun.
- Novembre/décembre : Troisième audition de Um à l'ONU.
L'Administration colonialen 'a dépêché personne à New York
pour aller lui porter la contradiction; mais Daniel Kémajou fait
partie de la délégation française à l'ONU (Assemblée géné-
rale).

184
- 29 décembre: Arrivée du gouverneur Roland Pré au Came-
roun : il remplace Soucadaux. Sa mission : casser le Mouve-
ment nationaliste camerounais.
1955
- Mars: Entrée de Um Nyobé dans la clandestinité, à la suite
des provocations juridico-policières organisées par Roland
Pré (Affaire de Gelis).
- Avril : Lettre des Evêques du Cameroun mettant en garde
leurs fidèles contre l'UPC, assimilée au communisme.
- 22 avril: «Proclamation Commune» de l'UPC et des diffé-
rentes organisations nationalistes: JDC et UDEFEC.
- Mai : Le gouverneur Roland Pré prqvoque des émeutes à
Douala, suivies d'une répression .sauvage. Morts, arresta-
tions. Le siège de l'UPC à New Bell ~J,saccagé et réduit en
cendre... .,,. :
- 13 juillet : Décret du gouvernement ffançais prononçant la
dissolution etl'interdictiQn dê l'UPC'ctdcs autres organisa-
tions patriotiques. • ., •
- 8-11 juillet: A Conakry, le Comité dc.Çoordination du RDA
prononce l'exclusion de l'UPC du RDA;
1956 i .
- 23 juin : Loi-cadre autorisant le gou_vemement français à
procéder à toutes sortes de réformes eÎ1 Afrique noire fran-
çaise.
- Juillet: Création du Mouvement d' Action Nationale du Ca-
meroun (MANC).
- Commando Delauney à Bamenda. Sa mission : tuer les di-
rigeants nationalistes- dont le président Moumié - qui y ont
trouvé refuge.
- Création de 1' ALNK.
1957.
- 16 avril: Création de l'<Elat sous tutelle du Cameroun>
(décret français n° 501 du 16 avril 1957).
- IO mai: MBIDA André-Marie est investi Premier ministre
de l'Etat sous tutelle.

185
- Création du «One Kamerun Movement» (branche locale de
l'UPC) par Ndch Ntumazah,à Bamenda
- Expulsion de Moumié et de ses compagnons du Cameroun
britannique. Ils seront accueillis à Khartoum, puis au Caire, à
Accra et à Conakry.
1958
- 18 février : Chute du gouvernement Mbida. Ahmadou
Ahidjo est nommé Premier ministre de l'Etat sous tutelle.
-Mai:LePrcmierministreAhidjo,jusquelàmembreduBDC,
crée son propre parti politique : l'Union Camerounaise.
- 13 mai : Retour du général de Gaulle au pouvoir en France.
- 13 septembre : Assassinat de Ruben Um Nyobé, Secrétaire
général de l'UPC.
- 18 septembre : Grand meeting à J' hôtel Lutétia à Paris à la
mémoire de Um Nyobé.
- 14 octobre: L'ATCAMrendhommageà Um Nyobé.
- Sortie du «maq,uis» de Mayi Matipetde beaucoup d'autres
personnes. Naissance de fait de «1' UPC légale».
- 30décembre :LepremierministreAhidjosigneavec le gou-
vernement français de nombreux accords, dont une conven·
lion militaire demeurée secrète.
-12avril: Electionspartiellesenpays bassa: la liste (de quatre
personnes) conduite par Mayi Matip est plébiscitée. Entrée de
l'UPC légale à l'ATCAM.
- 13 mai: Résolution, 1349 (XIlI) de l'Assemblée générale
des Nations Unies d&:Jarant qu'il n'y aura pas d'élections gé-
nérales au Cameroun français avant la levée de la tutelle et la
proclamation de l'indépendance le Ier janvier 1960.
- Juin: Instauration de l'état d'exception, en vertu de la loi du
27mai1959 instituant l'étatd'alerteet l'étatde mise en garde.
-31 octobre : L' ATCAM,devenueALCAM,accordcdes pou-
voirs spéciaux à Ahidjo pour élaborer les futures institutions
du Cameroun français indépendan~.
1%0
- ler janvier : Proclamation de l'indépendance au Cameroun

186
français.
- 21 février: Referendum constitutionnel: le projet de cons-
titution du Premier ministre Ahidjo est adopté.
- 25 février : Un décret du Premier ministre Ahidjo abroge le
décret français du 13 juillet 1955 prononçant la dissolution de
l'UPC.
- 10 avril: Elections législatives: l'UPC légale fonne un
groupe parlementaire de huit membres à l' Assemblé.e.
- 24 avril : Incendie criminel du quartier Kongo à Douala
- 5 mai : Le Premier ministre Ahidjo devient Président de la
République du Cameroun, élu suivant une procédure spéciale
et exceptionnelle. Asa'ale est nommé Premier ministre.
- Automne: LePremierministre français; Michel Debré-con-
seillé par Foccart-chargele SDECE de supprimer le président
Moumié. .
· - 3 novembre : Moumié meurt à Genève, empoisonné au
thallium par un agent des Services français : William Bech tel.
- 21-23 décembre: A Libamba, l'UPC légale se dote d'un
Bureau National Provisoire chargé de préparer et de convo-
quer le 3e congrès de l'.UPC ,..
- Décembre: A Accra, la direCtion del' UPC en exil se donne
un Secrétariat AdmiJ!Ïstratif chargé ~e l'assister dans l'ac-
complissement de sa tâche. •' ·.
1961
- Mars/avril: Ernest Ouandié rentre au maquis , venant d' Ac-
cra.
- 1er octobre : Réunification partielle des deux Cameroun.
Naissance de la République Fédérale du Cameroun.
- 11 novembre: Ahmadou Ahidjo propose la réunion d'une
table-ronde de tçus les partis. Sa mission : étudier la mise sur
pied d'un grand parti naùonal unifié.
1962
- 22janvier : Dissolution et dispersion, par l'armée, sur l'or-
dre d' Ahidjo, du 3e congrès de l'UPC régulièrement convo-
qué par le BNP.

187
- Ahidjo déclare que son parti, l'UC, est le creuset de l'unité
au sein duquel les autres partis doivent aller se dissoudre. La
table-ronde proposée n'aura pas lieu.
-15 juin: Le Premier Secrétaire Provisoire du BNP,EmaOtu,
démissionne de l'UPC et adhère .à l'UC d'Ahidjo. Il invite
ses camarades à suivre son exemple.
- 23 juin : Arrestation de quatre députés, chefs de partis, qui
s'opposaient à l'idée d'un parti unique. Ils seront condamnés
à de lourdes peines de prison et d'amende.
-Octobre: Création à Accra d'un «Comité Révolutionnke»
parWoungly Massagaetsescompagnons.Son but: s'emparer
de la direction de l'UPC en exil.
1964.
- 16 avril : Mort du vice-président Abel Kingué au Caire.
1966
- 15 mars: Fin tragique d'Osendé Afana et de son maquis.
- Fermeture du Bureau de l 'UPC à Accra, à la suite du coup
d'Etatmilitaire réussi contre Nkrumah.
- 20 septembre : Proclamation officielle du patti unique: le
parti d' Ahidjo, Union Camerounaise, devient parti unique
sous le nom d' <Union Nationale Camerounaise>(UNC).
1969
- 12 juillet : Mort tragique, dans le maquis du «Deuxième
Front», du Dr Mandeng.
- Fin du maquis du Deuxième Front (CR).
1971.
- 15 janvier : Le vice-président Ouandié est fusillé en public
à Bafoussam.
1974
- Création et lancement del 'UPC-MANIDEM par Woungly
Massaga.
1985
- Le Dr Sendé Joseph, au nom de l'UPC, intente un procès
contre l'Etat-RDPC. Il est débouté.

188
1987
-Formation du «Front Démocratique Camerounais», par
l'union de quatre formations politiques: l'UPC «originelle»
de Ntumazah, le Democratic Party, le Parti Socialiste Came-
rounais et l'Organisation Camerounaise de Lutte pour la Dé-
mocratie (OCLD).
1990
- Mars/avril : Affaire Yondo Black.
- 23 novembre : Déclaration des «cinquante» réunis chez le
prince Dika Akwa à Douala. Ils entendent relancer l'UPC.
- 19 décembre: Loi RDPC autorisant la formation des partis
politiques.
1991
- 15 janvier :Résurrection du BNP.
- 12 février : Le gouvernement RDPC reconnaît l'UPC du
prince Dika Akwa.
- Rejet, par le gouvernement RDPC, du dossier de régulari-
sation présenté par le BNP.
- Mars: La base impose la formation d'une «Commission de
réconciliation» de toutes les tendances de 1·~. à laquelle
refuse de participer l 'UPC du prince Dika Akwa.

189
ABRE VIA TIONS

ALCAM : Assemblée législative du Cameroun


AEF : Afrique équatoriale française
ALNK : Année de libération nationale du Kamcrun
AOF : Afrique occidentale française
ARCAM: Assemblée représentative du Cameroun
ATCAM : Assemblée territoriale du Cameroun
BDC : Bloc démocratique du Cameroun
BNP: Bureau national provisoire
CD : Comité directeur
CGT : Confédération général du travail
CGT-FO: Confédération générale du travail Force ouvrière
CNO: Comité national d'organisation
COPOC : Comité de coordination des partis d'opposition du
C81lleroun
CR : Comité révolutionnaire
ESOCAM: Evolution sociale du Cameroun
FEANF: Fédération des étudiants d'Afrique noire en Francê
INDECAM: Indépendants du Cameroun
JOC : Jeunesse démocratique du Cameroun
JEUCAFRA: Jeunesse camerounaise française
MANIDEM : Manifeste pour la démocratie
MEDIAFRANCAM: Médiation franco-camerounaise
ONU : Organisation des Nations Unies
RACAM : Rassemblement camerounais
RDA : Rassemblement démocratique africain
RDPC :Rassemblementdémocratique'du peuple camerounais
SFIO : Section française de l'Internationale ouvrière
UDEFEC: Union démocratique des femmes camerounaises
UNC : Union nationale camerounaise
UNEC : Union nationale des étudiants du Cameroun
USC : Union sociale camerounaise
UNICAFRA: Union camerounaise française
USCC: Union des syndicats confédérés du Cameroun
190
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

. Le problème national kamcrunais (R. Um Nyobé)


Présenté par J.A. Mbembe; l'Hacmattan, Paris, 1984 .
. Ecrits sous maquis (R. Um Nyobé)
Présenté par J.A. Mbembe ; 1'Harmattan, Paris, 1989.
. Le mouvement nationaliste au Cameroun
par Richard Joseph ; Karthala, Paris 1986.
. Les forces politiques au Cameroun réunifié (f. l)
par JM Zang-A:angana; l'Hannauan, Paris 1989.
. L'avènement du parti unique en Afrique noire
par Ahmed Mahiou. LGDJ, Paris 1969.
. Le Cameroun (en3 Tomes) par Philippe Gaillard; l'Har-
mattan, Paris 1989.
. Prisoner without a crime
par Albert Mukong; Nubia Press, Paris 1990.
. Le Cameroun par les ponts et par les routes.
par Stéphane Prévitali ; Karthala, Paris 1988 .
. Afin que nul n'oublie : Itinéraire d'un anticolorrialisLC:
Algérie - Cameroun - Afrique.
par Gaston Donnat; l'Harmattan, Paris 1986.
. Dossier Camerounais n° 4 (Juillet 1975):
<Réponse à un professionnel du mensonge: Woungly
Massaga>.
Présence Africaine, Paris.
A. Eyinga : publications
. Mandat d'arrêt pour cause d'éloctions.
!'Harmattan, Paris 1978 .
. Introduction à la politique camerounaise.
l'Hannattan,Paris 1984 .
. Démocratie de Yaoundé (f.1 : S yndicalismc d'abord)
l' Harmattan, Paris 1985.
. Droits de solidarité droits des peuples (en collal)(ir,1tm11
dans le cadre de l'UNESCO, 1983)
. Cameroun 1960-1990: la fin des élcc1io111;
!'Harmattan, Paris 1990.

191
Cet ouvrage reproduit par procédé photomécanique
a été imprimé sur les presses
de f'lmprimerie Bussi~re à Saint-Amand (Cher)
en novembre 11)91


N° d'impression : 3138.
Dépôt légal : novembre 1991.
Imprimé en Franœ
DEJA PARUS
LE NON DE LA GUINEE A DE GA LLE
par Lansiné KABA
LA MORT DE LUMUMBA ou la Tragédie
ongolaise par Yves BENOT
LE CONGRES DE BAMAKO
ou la Naissance du RDA
par Pierre KIPRE
LES DEPUTES AFRICAINS AU PALAIS
HOUIŒON de 1914 à 1958
p.ir Yves BENOT
LES GRANDES HEURES DE LA FEANF
1• 1r harles DIANE
1 1 S TROIS GLORIEUSES ou la chute de
1 ull><' rt Youlou par Rémy BOUTET
Ill 1 E DIAGNE, premier député africain
p 11 macl y Aly DIENG
1 < llE AUX MILITAIRES AU GA HON
l'>64 par Moïse N'Solé BITEGllE
( 'llUTE DEMODIBO KEITA

1 ,, 1.111i.\la5 A 1 VI
JI.'. N'KRlll\1AIJ cl Il' rn•t· d1• 1'1111111
AfLUIOIJI
CONIDIPOllAll'll

~'U~P.C.
· ~ ~në révo;ution rnanqruée , t
L'U.P.C. (l'union des populations camea·ounaffies ~,.i
l'"lnt. dies partis poltticp1e1 camcroun11is. Il a rilarquè
l'hietoire du Camer01Jtn comme omrune ou~
organi1atioo ne l'avait fcdt avant lui. Pendent ses dt.Y
premières années d'e:Ustence (1948~ 191i8.~ il parvieP.t à ,
oonserwr &Oil unité OOQtre vents ~c marées *°11~ ln
dire~tion de l'incorruptible Ruben Um Nyobé. ~
disp&11ritioo trogiqu'2 de oe chef c>berismaUqµe (lfif*t,
plonr,e le mouvement dans w1 désarroi dont il n'ust ~s
~rv~nu à se remettre. Voilà la tumu!tueu~e hi:rt~"e q«r.
norMt dans oet ouvtag~ Abel Eylnga, juriste cal
polit ogue Cemeroumds. Dans un atyle dépouillé de
tout rtiftœ el de toute grandtloquenoe, avei: dul'J fmts à
1appui, l'out6ltr démontre que depuis 1958 l'une des
activ, tés principeloo consWe pour.ce portlàs~orrPOf1erit
loi· même.
Qu11nd l'U.P.C.sort du maquiiU condamne leH tnûhv'..s
rauié:. au néo~oolonialisme ; q0and l'U.P .c. siège 80
J18rleanent d dénonce les députés fantoches ; qunnd
llU.P.€, se réunit en congn\.s, U fustige aussitN
l'opé etioo de récupération au profit du régfme
«11~égitime• de-Yaoondé. Enfin en 1991, à l'bll!llJ"e da
mulUpu1i11me renaissant, c'est contre l'U.PC. que
l'U.P.C. défend &Gd sigle. Une qpestlon \lfe.11t tout
"8lurellement à l'esprit : La mvolutlon pr6née par
Rn:icm Um Nyobé dans les an...OOs 1950 a~t..eUc &Uelm
&OO ~r.'!atif?

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