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SOLOVIEV LECTEUR DE COMTE
Rambert Nicolas
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Critique et annexion de la doctrine positiviste
Soloviev lecteur de Comte
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R A M B E RT N I C O LA S
Professeur de philosophie au lycée international de Dubai
par les sciences positives – il avait fait une première année de biologie sous
l’influence du positivisme –, décida-t-il de « commencer [sa] carrière
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publique par une attaque virulente 4 » contre ce dernier ?
Quel que soit le philosophe étudié, écrit Thomas Nemeth, les idées qui lui sont
expressément opposées apparaissent souvent plus éclairantes qu’une investi-
gation sur les influences positives qui le formèrent. Dans le cas de Soloviev,
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4. Ibid.
5. Thomas NEMETH, The Early Solov’ëv and His Quest for Metaphysics, New York,
Springer, 2014, p. 229.
6. Samuel JANKÉLÉVITCH, « Quelques tendances de la pensée philosophique russe ;
W. Solovieff, philosophe spiritualiste et mystique », Revue de synthèse historique, t. 24, fév.-
juin 1912, p. 190.
Soloviev lecteur de Comte 235
mative. D’une part, il est en effet curieux de ranger Soloviev au seul rang des
métaphysiciens, lui qui critique la métaphysique occidentale (d’une manière
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par ailleurs proche, de son propre aveu, de Comte 7) comme une pensée for-
melle et ratiocinante personnifiant ou hypostasiant des entités abstraites ;
d’autre part, il est étonnant d’accoler constamment ensemble les mots
« matérialisme » et « positivisme », quand on sait que celui-ci s’oppose à de
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nombreux égards à celui-là, et pire encore de déclarer que « la science natu-
relle » (au singulier) est le paradigme de la connaissance humaine, alors que
ce qui pourrait faire office de paradigme de la connaissance humaine (l’ex-
pression est déjà insolite) dans le positivisme, c’est plutôt la « sériation » et
l’organisation, par la philosophie, des six domaines scientifiques d’explica-
tion des phénomènes selon leur esprit et avec des outils spécifiquement phi-
losophiques. Il semble donc que cette interprétation ne mette pas Soloviev
face à Comte, mais plutôt qu’elle mette, au pire, une vulgate positivisto-
matérialiste russe face à un slavophilisme véhément. On se trouve ici aussi
éloigné de la doctrine comtienne qu’on l’est de la doctrine soloviévienne.
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d’utiliser cette arme cartésienne contre Descartes lui-même et tentera, avec
assez de succès, de saper le cogito 10) ou dans sa jeunesse, en la dirigeant
contre Comte, et en cherchant à atteindre le « positivisme » en sa racine par
la « loi des trois états ».
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D’après Soloviev, cette loi ne vise qu’à assurer le triomphe exclusif des
sciences et la méthode positiviste n’est avant tout qu’une méthode empirique
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d’observation des phénomènes matériels, cherchant à organiser ces derniers
sous la forme de lois invariables selon six grands domaines : mathématique,
astronomique, physique, chimique, biologique et sociologique.
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1re leçon, p. 2-4. Les « oublis » de Soloviev sont notés entre crochets droits, les ajouts entre che-
vrons (<>) ; quant aux formules françaises dans le texte, elles sont en italiques suivies d’un
astérisque.
15. Il faut noter que Soloviev confond délibérément dans ses premières critiques contre
Comte la théologie (comme méthode d’appréhension des phénomènes) et la religion.
16. Ibid., S.R., I, 156 (souligné par nous).
17. S.R., I, 154 ; voir A. COMTE, op. cit., p. 4-5.
238 Rambert Nicolas
Il faut ici constater que Soloviev, d’une part ajoute le verbe pronominal
« otkazyvat’sja », « se refuser », comme si c’était l’esprit humain spontané-
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ment qui se refusait les connaissances absolues (et non la suite d’un long pro-
cessus d’échecs et de transitions) et, d’autre part, substitue insensiblement
à l’adverbe français « uniquement », celui russe beaucoup plus fort – et qui
prendra une importance considérable dans sa philosophie comme erreur à
combattre – d’« exclusivement » (isključitel’no). Car c’est bien comme un
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Si Comte voyait lui aussi l’esprit positif comme le résultat d’une longue
maturation historique, il ne l’entendait certainement pas de la même manière
que le philosophe moscovite. Aussi, à « la loi des trois états » de Comte,
Soloviev substitue une « loi du développement » présentée symboliquement
comme le premier chapitre de son ouvrage de jeunesse – ouvrage inachevé –,
Principes philosophiques de la connaissance intégrale. Il donnait ainsi à sa
philosophie d’inspiration slavophile – fortement marquée par l’empreinte de
Kiréïevski – un fondement qui, volens nolens, ressemblait fort au fondement
comtien de « la loi des trois états ». En ce sens, on peut fortement soupçon-
ner celui-là de vouloir concurrencer celui-ci. En effet, de façon similaire à la
loi comtienne, la loi soloviévienne était organisée selon un schéma trine, com-
prenait le développement de l’esprit humain et était pensée comme le fonde-
ment sur lequel allaient s’établir la nouvelle philosophie et la réorganisation
sociale tant souhaitée. Ce n’est donc pas un hasard si, chez Soloviev comme
chez Comte, une loi du progrès (loi des trois états, loi du développement)
inaugurait une philosophie que l’un et l’autre voulaient totale : l’un dans ses
Cours, l’autre dans ses Principes philosophiques. Toutefois ce que doit sur-
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un système plus vaste ou, pour réemployer la formule de Balthasar, d’en sup-
primer le poison de la négation et de l’exclusivisme.
Ce processus d’inversion de la loi comtienne, et presque d’emmaillote-
ment du positivisme, est d’abord réalisé par une prétention soloviévienne
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plus grande. Certes, Comte affirme dans la seconde partie de son œuvre que
« la vraie philosophie se propose de systématiser, autant que possible, toute
l’existence humaine, individuelle et surtout collective 19 » ; néanmoins force
est de reconnaître que sa « loi des trois états » touche initialement et essen-
tiellement ce qu’on peut appeler selon un vocabulaire soloviévien « la sphère
de la connaissance ». Autrement dit, elle énonce avant tout les évolutions de
la méthode philosophique ou des méthodes de penser et d’expliquer le
monde, allant de la théologie au positivisme. À l’inverse, concernant
Soloviev, il faut entendre sous sa « loi du développement », une loi valant à
la fois pour l’ensemble de l’humanité et surtout pour l’ensemble de ses
sphères, en ayant soin de constamment les mettre en interactions par des fac-
teurs communs. On peut voir dans le tableau ci-dessous, tiré des Principes
philosophiques de la connaissance intégrale, la compréhension solovié-
vienne de « l’humanité » où la science positive n’est plus qu’une case parmi
d’autres et certainement pas le sommet de la sphère de la connaissance ou –
pire – le sommet de l’humanité.
I II III
La sphère La sphère La sphère
de la créativité de la connaissance de l’activité pratique
Fondement La faculté La faculté La volonté
subjectif de sentir de penser
Le principe La beauté La vérité (Istina) Le bien général
objectif
1er niveau Le mysticisme La théologie La société spirituelle
absolu (l’Église)
2e niveau Les Beaux‐Arts La philosophie La société politique
formel abstraite (l’État)
3e niveau L’artisanat La science positive La société économique
matériel (Zemstvo 20)
19. Auguste COMTE, Discours sur l’ensemble du positivisme (1848), Paris, GF, 1998, p. 49
(repris dans le Système de politique positive, t. I, Paris, Carilian-Goeury, 1851, « Discours pré-
liminaire », p. 8).
20. Le tableau doit se lire non de façon diachronique (ce serait une erreur d’interprétation,
car on tomberait dans l’exclusivisme dénoncé par Soloviev) mais de façon synchronique. Le
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saper la « loi des trois états », Soloviev va lui opposer un autre concept de
progrès, lequel aura pour effet de montrer que cette prétendue loi qui, dans
les faits historiques et pour l’instant, peut paraître fonctionner, se résorbera
néanmoins peu à peu dans un développement plus large. Comte voyait dans
le positivisme l’état définitif de l’esprit humain, qui, après un long proces-
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niveaux se trouvent dans l’indistinction et la confusion, de sorte qu’aucun ne
possède une nature autonome, c’est-à-dire isolée et effective. Ils existent ainsi
seulement en puissance. […] Cette indistinction consiste en cela : le niveau
supérieur ou absolu enveloppe en lui-même les autres en ne les admettant pas
comme phénomènes autonomes. Au deuxième moment, les niveaux inférieurs
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Le cercle des trois états
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Il ne faut pas pour autant penser, suite à ces formules incisives, que
Soloviev exclurait le positivisme de son système. Ce serait tomber dans la
même erreur que Comte, ou retomber au premier stade du développement
de l’humanité : celui de l’indistinction. Au contraire, le système soloviévien
se veut supérieur au positivisme et cherche à l’envelopper, tout comme il
tentera plus tard de reprendre la loi des trois états elle-même, laquelle
deviendra sous sa plume : « le cercle des trois états ». En effet, à l’époque où
Soloviev ne surnomme déjà plus Comte le « quasi-philosophe », mais le tient
pour un des « penseurs les plus importants et les plus originaux du XIXe siè-
cle 24 », à cette époque où Soloviev a quelque peu abandonné sa loi compli-
quée du développement de l’humanité, il repense à nouveaux frais « la loi
des trois états » sans pour autant se résoudre à l’accepter telle quelle. S’il
ne tente plus de la supprimer radicalement comme autrefois, il s’efforce
néanmoins de l’inverser. Il cherche à prouver que Comte serait allé, dans sa
propre carrière philosophique, à rebours de sa propre loi : l’idée
d’Humanité du dernier Comte aurait alors cristallisé chez lui l’étape méta-
physique assurant la métamorphose d’un Comte positiviste en un Comte
quasi théologien 25.
C’est alors non sans une certaine désinvolture que Soloviev s’amuse à
faire subir une véritable torsion à la loi des trois états, en lui substituant pure-
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ment et simplement un « cercle des trois stades 26 ».
Allant encore plus loin, Soloviev adaptera ce « cercle des trois stades » aux
trois fondements de sa Philosophie théorétique 27. Ainsi, en présentant com-
ment Soloviev tenta de saper la « loi des trois états », nous avons également
tenté de montrer pourquoi. C’est qu’en dernière instance, Soloviev ne pou-
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26. « L’état d’esprit d’un nourrisson ressemble davantage au positivisme, du moins si on défi-
nit ce dernier à la façon de Comte comme limitation de toute connaissance par le domaine des
faits physiques. Puis, avec l’éveil de la conscience et la découverte du don de la parole, s’ensuit
la période métaphysique de l’enfance, quand la pensée de l’enfant se définit surtout par les caté-
gories de substance, de cause et de fin (correspondant aux questions : à partir de quoi telle chose
a été faite ? d’où vient-elle ? Pour quelle raison ? Pour quoi faire ?). Une religiosité de jeunesse
commence souvent après cette prime curiosité, coïncidant (comme il convient aussi d’après la
périodisation de Comte) avec l’époque de jeux belliqueux et de combat. Les années d’adoles-
cence se distinguent indubitablement par la prédominance d’un vaste idéalisme, des pensées et
des intentions abstraites (c’est-à-dire d’un caractère métaphysique selon la terminologie de
Comte), puis s’ensuit le « positivisme » d’un âge plus assuré, ayant du reste chez la plupart des
gens (en dehors des savants spécialisés) plus un caractère pratique que théorique. Mais (comme
Comte pouvait s’en convaincre à partir de sa propre expérience) l’affaire ne se termine pas là :
avec l’arrivée de la pleine maturité et avec l’approche de la vieillesse, les questions métaphysiques
et, en particulier, les questions mystiques et religieuses reçoivent à nouveau pour l’homme une
importance prédominante. Par conséquent, le cercle des trois stades est éprouvé par l’homme
non pas une fois, mais au moins deux fois et dans un ordre différent. En outre, l’ensemble du
processus n’a pas le point de départ et n’a pas la fin qu’exige la « loi » de Comte. Ce schéma trine,
par lequel l’homme se trouverait théologien dans son enfance, métaphysicien dans sa jeunesse,
et positiviste dans sa vieillesse, n’est exact que lors du moment intermédiaire et transitoire ;
pris dans son intégralité, ce schéma est directement contredit par la réalité. » (S.R., X, 399).
27. On peut en effet voir dans sa dernière théorie de la connaissance des liens avec ces trois
états : matériel (l’objet sensible), métaphysique (forme) et spirituel (la fin). Rappelons en ce
sens la conclusion de son dernier article sur la théorie de la connaissance : « Premièrement, sont
certains les états subjectifs de la conscience en tant que tels, ils sont la matière psychique de
toute philosophie. Deuxièmement, est certaine la forme logique générale de la réflexion en tant
que telle (indépendamment de son contenu). Troisièmement, est certain le dessein philoso-
phique ou la résolution de concevoir la vérité elle-même », in « La Forme de la rationalité et la
raison de la vérité » (1899), S.R., IX, 160.
28. Soloviev avait emprunté ce principe à Leibniz : « Ainsi que l’a fait remarquer Leibniz il
y a bien longtemps, toute doctrine est vraie dans ce qu’elle affirme et fausse dans ce qu’elle nie
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devenue dans sa doctrine « le cercle des trois stades ». En ce sens, le traite-
ment que fait subir Soloviev à la loi d’Auguste Comte peut presque être consi-
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déré comme un modèle de sa méthode critique et philosophique. Il ne se sera
pas, en effet, contenté d’en saper les bases, d’en montrer les limites, de met-
tre au jour son exclusivisme et son étroitesse, il l’aura aussi tour à tour inver-
sée puis intégrée dans un système plus vaste. Il se sera également lancé dans
un pari audacieux en faisant de cette loi non pas uniquement la description
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d’une réalité déjà jouée mais en y plaçant une foi nouvelle pour une concep-
tion nouvelle : le cercle des trois stades – lequel aurait encore quelque chose
à nous dire de l’avenir. Notons enfin que Soloviev applique tant et si bien
cette méthode à la philosophie comtienne que nombreux sont les concepts
du Français que l’on trouve annexés à son système et par là même profon-
dément modifiés et réorientés (pour n’en citer pêle-mêle que quelques-uns,
mentionnons : l’humanité, l’incorporation, la loi des trois états, la personni-
fication qui deviennent sous la plume russe : la Sophia, la résurrection des
morts, le cercle des trois stades et le fait d’hypostasier).
Sans conteste, il vaut la peine d’écouter les dialogues entre philosophies
et entre cultures ; il vaut la peine d’écouter le dialogue entre Comte et
Soloviev, entre le Français et le Russe, du moins si l’on veut voir le nouvel
éclairage donné aux concepts du comtisme et si l’on veut trouver une voie
d’entrée à la philosophie soloviévienne à bien des égards déconcertante pour
un occidental peu familier des concepts de la philosophie religieuse russe de
la fin du XIXe.
Résumé : Quel rapport Soloviev entretient-il avec Comte ? Comment interprète-t-il la « loi des
trois états » et comment tente-t-il de l’intégrer dans son propre système ? Dans cet article,
nous tentons de montrer que l’opposition de Soloviev à Comte n’est pas aussi tranchée
qu’on a l’habitude de la présenter. À travers l’intégration de la « loi des trois états » com-
tienne, on voit la méthode propre à Soloviev d’annexion des contenus propres aux philo-
sophies qui le précèdent et dont le positivisme fait partie.
Mots-clés : Soloviev. Comte. Loi des trois états. Loi du développement. Positivisme. Méthode
soloviévienne. La crise de la philosophie occidentale. Philosophie russe. Slavophilisme.
Abstract : What link does Solovyov maintain with Comte ? How does he interpret the « law of
the three stages » and how does he attempt to include it in his own system ? In this article
we will try to prove that the opposition between Solovyov and Comte isn’t always as mar-
ked as we’re used to presenting it. Through the integration of Comte’s « law of the three
stages », we will try to outline Solovyov’s specific annexation method of philosophical
contents, that precede him and of which positivism is a part.
Key-words : Solovyov. Comte. Law of the three stages. Law of development. Positivism.
Solovyov’s method. The Crisis of Western Philosophy. Russian philosophy. Slavophilia.
ou exclut » (V. SOLOVIEV, Leçons sur la divino-humanité, trad. B. Marchadier, Paris, Cerf, 1991,
p. 33 (S. R., III, 22).