STAFF PUBLIC
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : alain.sauvanet@bjn.aphp.fr (A. Sauvanet).
1878-786X/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.jchirv.2010.08.002
330 M.-A. Allard, A. Sauvanet
54 g/L à l’admission à 32 g/L. Une fast échographie trou- Docteur Boudjema : « Moi aussi, je refais un scanner,
vait un péricarde sec et une stabilité des épanchements mais pas pour les mêmes raisons car je me méfie des lésions
pleuraux. associées dans ce cadre là et en particulier des arrachements
Que faites-vous face à cette dégradation clinique ? » de l’angle duodénojéjunal à hauteur du muscle de Treitz et
Docteur Vibert : « Je lui referai un scanner pour savoir si un traumatisme grave du pancréas. Il peut y avoir une fistule
le problème n’est pas portal et je réitère ma proposition du grêle qui s’exprime par une première défaillance vascu-
de stent par voie veineuse transiléale et non pas trans- laire, hémodynamique, donc je propose soit un scanner, soit
hépatique. » une laparotomie. »
Docteur Maisonette : « Que pensez-vous de la ponction Docteur Mariette : « La salle a choisi de toute évidence
lavage péritonéal ? » une nouvelle imagerie ou une laparotomie en fonction de
Docteur Allard : « Je n’ai pas d’expérience de cette tech- sa persuasion quant aux deux étiologies hémorragique ou
nique et nous ne l’avons pas évoquée. » septique évoquées précédemment. Vous avez choisi de
Docteur Sauvanet : « Pour rebondir, une équipe de la faire une nouvelle iconographie. »
Pitié-Salpêtrière a fait un travail, il y a quelques années Docteur Allard : « On a effectivement décidé de refaire
sur la ponction lavage, pas tant dans un but de diagnos- une imagerie pour deux raisons : d’une part, pour faire le
tic d’un hémopéritoine que pour faire le diagnostic d’une point sur l’évolution de la lésion veineuse et, d’autre part,
perforation méconnue avec cytologie, comptage du taux parce que l’on ne comprenait pas l’origine de cette dégra-
de polynucléaires et examen direct avec des résultats dation clinique. Sur ce scanner à huit heures d’évolution,
en faveur de cette technique. Donc vous pensez à une on observe une diminution de taille du faux anévrisme
perforation ? » et une légère majoration de l’épanchement intrapérito-
Docteur Brigand : « Le patient a eu un traumatisme néal (Fig. 5). Cependant un élément nouveau est apparu,
grave, il a une défense généralisée, en particulier épigas- lequel ? »
trique, quand il arrive, au scanner on a un traumatisme Docteur Mariette : « Est-ce que vous voyez des élé-
rétropéritonéal et pancréatique majeur, on a un épanche- ments nouveaux sur ce scanner ? »
ment périhépatique qui n’est expliqué par aucun saignement Docteur X : « Le pneumopéritoine ? Sous forme de tri-
et il faut certainement penser à une lésion du tube digestif. angle en arrière des muscles grands droits. »
Compte tenu de l’état clinique du patient, une intervention Docteur Mariette : « Le triangle, c’est de la graisse. »
chirurgicale serait probablement une bonne solution. » Docteur Oberlin : « On a l’impression qu’il y a un contenu
Docteur Arvieux : « Il y a une autre possibilité. La fast hyperdense de la vésicule et donc on s’oriente vers une
échographie ne montre pas d’hémopéritoine massif : on a hémobilie. »
l’impression que tout est rétropéritonéal chez ce patient. Docteur Sauvanet : « C’est peut-être le produit de
Il n’y a pas d’argument pour qu’il se soit mis à sai- contraste injecté le matin. »
gner brutalement dans le ventre. C’est un peu précoce, Docteur Regenet : « Sur le scanner on voit la tête du pan-
mais il y a des syndromes du compartiment abdominal qui créas, qui paraît spontanément hypodense par rapport à la
peuvent se déclencher précocement. S’il s’est aggravé mal- queue du pancréas. De plus existe une petite image hyper-
gré l’embolisation, il se peut qu’il ait une perforation. Je dense qui est latéroportale droite, qui peut certes être une
suis d’accord avec Cécile Brigand : cela justifie une laparo- image des coils de l’embolisation, mais je penche plus pour
tomie. Je ne vois pas ce que le scanner pourrait apporter une nécrose de la tête secondaire à son traumatisme. »
dans le sens d’une non intervention chirurgicale. » Docteur Sauvanet : « Une pancréatite nécrosante trau-
Docteur Mariette : « On est sûr que la laparotomie va matique. »
apporter un bénéfice sans dégrader le malade ? » Docteur Mariette : « Avez-vous d’autres remarques
Docteur Arvieux : « S’il est mis sous noradrénaline, c’est concernant cette iconographie qui parle tout de même
qu’il a déjà un problème. . . » plus ? »
Docteur Mariette : « À ma connaissance, tous les Docteur Sauvanet : « Je vous rassure, on ne l’a pas
malades sous noradrénaline ne justifient pas une inter- trouvé tout de suite. Il a fallu une demi-heure avec le
vention chirurgicale. . . » radiologue pour trouver. »
Docteur Ben Kamoun : « Il peut s’agir d’une throm- Docteur Allard : « La réponse était la bonne mais. . . à un
bose, d’une thrombose portale extensive, dans un tableau autre endroit. Il existe une bulle d’air extradigestif, très
d’ischémie ou d’infarctus veineux mésentérique. Un angios- évocatrice de pneumopéritoine (Fig. 5, flèche). Mais devant
canner ou un Doppler en urgence me paraissent pertinents. » cette suspicion de perforation d’organe creux, on a retenu
Un train peut en cacher deux autres. . . 333
Figure 5. Tomodensitométrie abdominale : comparaison des tomodensitométries (coupes de même niveau) à l’admission et huit heures
après.
l’indication d’une laparotomie en urgence. À l’ouverture La deuxième chose est qu’il faut prévoir que ce malade
on a trouvé 1,5 L d’hémopéritoine et un hématome de la peut nécessiter une nutrition entérale prolongée du fait
paroi du côlon transverse droit qui était compliqué d’une de son traumatisme pancréatique, donc une jéjunostomie
perforation. La tête du pancréas était contuse sans que d’alimentation. Et la dernière chose qui peut se discuter
l’on puisse mettre en évidence une rupture franche de la chez ces patients qui vont avoir des suites prolongées en
capsule pancréatique et, après un court décollement duo- réanimation, c’est la cholécystectomie prophylactique. »
dénopancréatique, on a constaté au niveau du duodénum Docteur Mariette : « Cholécystectomie prophylactique
un hématome minime sans perforation. simple ou vous lui associez un drain biliaire externe. »
Devant ces constatations quel geste recommandez- Docteur Paye : « Dans ces situations, on aime bien exté-
vous ? » rioriser le plus possible, donc on met un drain transcystique.
Docteur Sauvanet : « Il y a un cahier des charges assez Un traumatisme duodénal pourrait être passé inaperçu, mal-
simple, il y a déjà les gestes élémentaires que l’on devine gré le décollement minime, que personnellement je n’aurai
mais il y a peut-être des finesses, et on vous interroge pas fait par crainte de découvrir une microperforation, qui
pour les finesses. » ensuite est difficile à traiter et qui aurait pu guérir toute
Docteur Ben Kamoun : « La perforation colique, il faut la seule par cloisonnement, par crainte d’une fuite biliaire
suturer, la mettre à plat et la suturer ou faire une résection- ultérieure, il vaut mieux l’avoir à l’extérieur. »
anatomose selon l’importance des lésions. » Docteur Mariette : « C’est intéressant, vous nous dites
Docteur Sauvanet : « Pour vous aider, c’était un gros que vous n’auriez pas fait le décollement duodénopan-
hématome contus avec une dilacération et une muqueuse créatique. »
un peu en lambeau. » Docteur Paye : « Non je ne l’aurais pas fait à partir du
Docteur Mariette : « Je crois que pour le côlon ça ne moment où sur le scanner on n’avait pas de rétropneumo-
pose pas de problème particulier. » péritoine à ce niveau et qu’à l’intervention on avait trouvé
Docteur Paye : « Pour le côlon, d’après la description une cause à la péritonite, qui n’était pas la perforation duo-
on peut difficilement ne pas le réséquer. La question est dénale. Et au scanner je n’ai pas eu l’impression qu’il y avait
de savoir s’il faut faire l’anastomose. Dans ce contexte un gros hématome en périduodénal. »
avec une pancréatite qui débute, j’aurai tendance à ne pas Docteur Mariette : « Vous pensez qu’il est plus ris-
faire l’anastomose par crainte d’avoir en postopératoire une qué de décloisonner l’hématome sur une plaie vasculaire
confusion des genres quant aux complications éventuelles. veineuse que d’aller explorer devant une suspicion de
334 M.-A. Allard, A. Sauvanet
Figure 8. Mise en place d’un drain biliaire interne-externe par radiologie interventionnelle : a : par voie trans-hépatique ; b : drain en
place.
Pour documenter ce problème biliaire, on a fait une opa- l’on pense être le trajet de la voie biliaire, qu’il y a les coils
cification par le drain transcystique (Fig. 7) et, au vu de d’embolisation. On peut imaginer qu’il y a une compres-
cette cholangiographie, que proposez-vous pour résoudre sion extrinsèque de la voie biliaire par ces coils ou par un
ce problème biliaire ? » mécanisme inflammatoire dû à ces coils. »
Docteur Mariette : « Vous avez appelé un ami, Reza Docteur Allard : « La réponse est ‘‘non’’. Au vu du scan-
Kianmanesh, qui vous a conseillé à juste titre la prise en ner à six semaines, il n’y a pas de compression par les coils. »
charge, sauf que là vous vous retrouvez avec un drain Docteur Vibert : « Est-ce que l’on peut lui mettre le drain
biliaire qui donne beaucoup. On vous demande ce vous transcystique dans l’iléostomie ? Dans la jéjunostomie pour
proposeriez à ce stade pour avancer dans le diagnostic. améliorer l’alimentation ? »
Le patient va beaucoup mieux je suppose ? » Docteur Sauvanet : « En fait on lui avait mis un drip, on
Docteur Allard : « Il va beaucoup mieux effectivement. peut effectivement brancher le drain transcystique sur le
Mais il est fatigué et dénutri. » bout du drip. »
Docteur Sauvanet : « Il est triste. Il pleure un peu. » Docteur Elias : « Je ne connais pas bien la
Docteur Letoublon : « Vous avez réussi à ne plus avoir traumatologie. . . mais ce patient est fatigué, donc de
qu’une plaie du cholédoque qui maintenant s’est transfor- toute façon il est dénutri et on ne va pas le réopérer avant
mée en sténose du cholédoque, juxta pancréatique ou juxta trois ou quatre mois minimum. D’ici là pourquoi pas mettre
duodénal. Maintenant on n’est plus que devant le traite- un drain trans-hépatique, si on peut passer la sténose,
ment d’une sténose du cholédoque post-traumatique. Bien de calibrage avec des trous au-dessus et au-dessous de la
qu’il soit triste. . . l’idéal serait d’arriver à le faire attendre sténose. Le malade peut repartir avec un drain clampé, qui
encore un bon mois et de réintervenir pour faire une anasto- peut être changé au bout d’un ou deux mois, après il y a
mose hépaticojéjunale sur une anse en Y, en essayant d’être peu de chance que la sténose disparaisse complètement,
le plus loin possible de toute cette zone inflammatoire et mais on gagne du temps. Dernière question : où arrive
catastrophique. J’essaierais d’attendre. » le canal de Wirsung ? Supposons que l’on fasse ce que je
Docteur Sauvanet : « Il a une iléostomie aussi. . . » dis, alors quatre à cinq mois plus tard on peut envisager
Docteur Letoublon : « Si on attend suffisamment on peut le rétablissement de la continuité digestive et, si c’est
tout faire tout en même temps. On aura d’autant plus de nécessaire, une anastomose cholédocoduodénale. »
chances de faire deux gestes qui ne seront pas trop diffi- Docteur Sauvanet : « Pourquoi un drain trans-
ciles. » hépatique ? »
Docteur Regimbeau : « Je suis d’accord, il a une sténose Docteur Elias : « Trans-hépatique, parce que je pense
soit ischémique, soit traumatique de la partie distale de la que c’est plus facile pour faire des manœuvres de
voie biliaire principale. Je ne bouge pas ce d’autant qu’il y clampage—déclampage et vérifier radiologiquement. C’est
a une intervention secondaire. » un drain de calibrage, il doit rester un certain temps, être
Docteur Sauvanet : « Donc vous le laissez avec le trans- changé et donc le trans-hépatique me semble de prise en
cystique déclampé. Il rentre chez lui, où il pleurera moins charge plus simple. »
d’ailleurs car il sera déshydraté. . . C’est un traitement du Docteur Sauvanet : « Vous n’avez pas envie d’essayer
syndrome dépressif, sécher les larmes en déshydratant la l’endoscopie ? »
personne ! » Docteur Elias : « Non, mais là il y a un biais, car nous
Docteur Beaulieu : « J’aurais fait une IRM depuis long- faisons peu d’endoscopie, et nous avons plus l’habitude de
temps pour le bilan biliaire et pancréatique. Je suis sûr qu’à la radiologie interventionnelle. »
Lyon il aurait déjà été confié au docteur Ponchon, qui aurait Docteur Allard : « Comme proposition, vous avez de :
mis une ou deux prothèses. » • laisser le drain biliaire déclampé jusqu’au rétablissement
Docteur Sauvanet : « Donc un traitement endosco- biliaire et digestif ;
pique, dont l’indication serait étayée par une IRM. » • faire un rétablissement biliaire et digestif immédiat ;
Docteur Bourras : « Je referais volontiers un scanner de • faire une anastomose hépatico-jéjunale immédiate et
réactualisation, surtout que l’on a l’impression, sur ce que reporter le rétablissement digestif ;
336 M.-A. Allard, A. Sauvanet
Figure 9. Mise en place d’une endoprothèse par la technique du rendez-vous entre radiologues et endoscopistes : a : endoscope en place ;
b : endoprothèse en place.
Figure 10. Tomodensitométrie abdominale à cinq mois : a : diminution de la taille du faux anévrisme ; b : endoprothèse et drain trans-
cystique en place.
• tenter un geste par voie endoscopique ; le duodénum avait été le siège, et pour diminuer le risque
• tenter un geste par voie transcystique. » de survenue d’angiocholite, sans que cette donnée soit clai-
rement établie. Les suites ont été simples, le patient est
Docteur Sauvanet : « Il y en a quelques-uns qui essayent sorti à j8. Trois mois après il allait bien, son transit était
d’assécher le malade en laissant le drain déclampé ou normal ainsi que son bilan hépatique.
sinon préférentiellement l’endoscopie » En conclusion, même si les séries sont rares et les
Docteur Allard : « On a pris l’option de tenter un geste patients peu nombreux, les lésions traumatiques de la
par voie endoscopique, mais notre endoscopiste n’est pas veine mésentérique supérieure et de la veine porte sont
parvenu à monter son fil guide à travers la papille en associées de façon quasi constante à d’autres lésions intra-
raison d’une désinsertion complète du bas cholédoque. abdominales, avec un nombre médian de lésions associées
C’est par voie trans-hépatique que les radiologues inter- de trois. Ces lésions sont hépatiques, pancréatiques, duo-
ventionnels sont parvenus, après avoir cathétérisé le canal dénales, vasculaires, biliaires. Ivatury et al. rapportaient
biliaire gauche et à forcer un néotrajet jusqu’à la lumière dans leur série de 14 plaies portales, 30 % de désinsertion
duodénale, trajet dans lequel ils ont pu insérer un drain du bas cholédoque associé [3]. D’autre part, les contusions
interne-externe (Fig. 8). Quinze jours plus tard, endosco- pancréatiques sont associées dans 60 % des cas à d’autres
pistes et radiologues se sont donnés rendez-vous. Le drain lésions. A posteriori, notre malade avait donc statistique-
interne-externe a été enlevé après repositionnement du fil ment très peu de chances d’échapper à une prise en charge
guide, que l’endoscopiste a pu utiliser pour monter une chirurgicale. Très rarement chez des patients stables sans
endoprothèse dans le faux trajet (Fig. 9). Du fait de ce faux autre lésion et après avoir éliminé une fistule artériopor-
trajet, on a considéré que cette solution ne pouvait être tale, on peut envisager un traitement conservateur. Enfin
que temporaire et qu’il fallait envisager, après renutrition il faut garder en mémoire qu’un traitement chirurgical en
du patient, une solution chirurgicale définitive. À cinq mois urgence est associé à une mortalité très élevée du fait
du traumatisme, après trois mois de renutrition, on observe d’hémorragies incontrôlables et les deux facteurs pronos-
sur la coupe de gauche que le faux anévrisme s’est quasi- tiques sont le nombre de lésions associées et la présence
ment complètement résorbé (Fig. 10a), à sur celle de droite d’une hémorragie active. »
l’endoprothèse, en place, et également le drain transcys-
tique clampé (Fig. 10b). On a donc profité cinq mois plus
tard pour, dans le même temps, procéder au rétablisse-
ment des continuités biliaires et digestives, en reprenant Conflit d’intérêt
notre incision médiane. On a opté pour une anastomose
hépaticojéjunale sur anse en Y plutôt que pour une cholédo- Marc-Antoine Allard et Alain Sauvanet n’ont pas de conflit
coduodénale en raison des phénomènes inflammatoires dont d’intérêt.
Un train peut en cacher deux autres. . . 337
Références [2] Feliciano DV. Abdominal vascular injuries. Surg Clin North Am.
1988;68:741—55.
[1] Fraga GP, Bansal V, Fortlage D, et al. A 20-year experience with [3] Ivatury RR, Nallathambi M, Lankin DH, et al. Portal vein
portal and superior mesenteric venous injuries: has anything injuries: non invasive follow-up of venorraphy. Ann Surg.
changed? Eur J Vasc Endovasc Surg; 2009;37:87—91. 1987;206:733—7.