L’expression du ‘présent
actuel’ en arabe
(marocain), berbère
(tamazight) et français,
parlés à Orléans
Samira Moukrim
LLL (EA 3850) - Université d’Orléans
1
Face à la diversité d’emplois du présent de l’indicatif, les linguistes proposent des
explications tout aussi variées. Pour les uns (Benveniste 1970/ 1974, Guillaume 1929,
Gosselin (2005), Haillet (2005)), le présent est une forme temporelle déictique, marque de
coïncidence entre le moment d’énonciation et le moment du procès -conception à laquelle
nous souscrivons. Pour d’autres (Damourette et Pichon (1911-1926/1970), Mellet (1980-
2000), Serbat (1980-1988), Chuquet (1994)), le présent est une forme neutre, capable
d’inscrire le procès dans n’importe quelle époque. Une troisième hypothèse est avancée par
Wilmet (1997 : 341) qui dénit le présent comme étant une « forme verbale qui afrme
la concomitance d’un procès au repère de l’actualité ». Avis partagé par Beauzée (1782-
1786/1986), Jaubert (2001), Revaz (2006). De son côté, Abouda (2003 : 21-25) a essayé
d’expliquer la diversité d’emplois du présent en dissociant le point de repère du Locuteur de
celui de l’Enonciateur (distinct de lui) qu’il met en scène en le plaçant « dans le passé, en
pleine action ».
2
Thèse en cours dont l’intitulé est : Morphosyntaxe Et Sémantique Du Présent : Une
Etude Contrastive A Partir De Corpus Oraux (Eslo/Lco), En Arabe (Marocain), Berbère
(Tamazight) Et Français, Sous la direction de Ms. Gabriel Bergounioux et Lot Abouda, à
l’Université d’Orléans
244 Samira Moukrim
3
Nous avons travaillé sur un corpus oral de l’arabe marocain (dialecte arabe que les
habitants du Maroc ont l’habitude d’employer pour leur intercommunication, par opposition à
l’arabe classique, qui est employé exclusivement dans l’expression écrite, l’enseignement…)
et du berbère tamazight (dialecte berbère employé au centre du Maroc, par opposition à ceux
employés au Nord (tarite) et au Sud (tachelhite)). C’est un corpus (16 heures de son) que
nous avons constitué auprès de locuteurs marocains arabophones et berbérophones résidant
à Orléans, dans le cadre du programme Langues en Contact à Orléans (module ESLO :
Enquêtes Sociolinguistiques à Orléans) cf. le site ESLO pour plus de détails : http://www.
univ-orleans.fr/eslo/spip.php?rubrique1
4
Une étude basée sur des données empiriques orales va nous permettre non seulement
d’observer les emplois de la forme du présent qui sont en rapport direct avec le moment de la
parole mais aussi de déterminer les paramètres qui font que cette même forme énoncée dans
l’actuel puissent renvoyer au non actuel.
5
Dans la description du système verbal de l’arabe, nous avons noté trois types de
terminologies : temporelle (‘madi’ (passé) – ‘mudari3’ (présent-futur)), aspectuelle
(accompli-inaccompli /parfait-imparfait /perfectif-imperfectif) et morphologique (forme
préxée – forme sufxée). Ce foisonnement terminologique a pour origine les différentes
conceptions du système verbal de l’arabe :
- La conception temporelle soutenue par les anciens grammairiens arabes ;
- la thèse aspectuelle soutenue par les sémitisants ;
- et enn celle de certains linguistes modernes qui ont préférés employer des termes qui
ne renvoient ni au temps ni à l’aspect, mais à l’opposition morphologique du système
verbal de l’arabe.
En ce qui nous concerne, nous souscrivons à la conception aspectuelle, qui est, à notre
avis, basée sur une observation réelle du fonctionnement des formes verbales de l’arabe. Ce
qui explique l’utilisation des termes ‘accompli’ et ‘inaccompli’ dans ce travail.
6
La quasi-totalité des linguistes qui ont travaillé sur le berbère s’accordent sur la nature
purement aspectuelle de son système verbal. Mais la terminologie utilisée est loin d’être
commune :
Thème I, Thème II, Thème III (Cadi 1987)
Aoriste, Aoriste intensif, Prétérit (Basset 1929)
Aoriste, inaccompli, Accompli (Galand 1977)
Aoriste, extensif, Prétérit (Hebaz 1979)
Imparfait, imparfait intensif, Parfait (Prasse 1972-74)
Dans ce travail, nous allons utiliser les termes aoriste, accompli et inaccompli pour le
berbère.
7
C’est du reste la méthode proposée par Lazard (2006) pour comparer les langues dans
une perspective typologique et qui se présente en deux étapes :
- Le linguiste choisit au départ une notion (ou un ensemble de notions) - en rapport avec
la question (ou les questions) grammaticale qui l’intéresse - qui constitue le cadre conceptuel
servant d’instrument à sa recherche.
- La seconde étape consiste à voir comment cet ensemble conceptuel est exprimé dans
les langues.
8
Notre choix est purement méthodologique ; toutes les langues expriment d’une
manière ou d’une autre le ‘présent actuel’. A cette étape du travail, nous ne prétendons
nullement que le ‘présent actuel’ est la valeur première de la forme du présent de l’indicatif,
c’est l’une des notions exprimées par cette forme.
9
(Gosselin 1996 : 26)
10
Nous adoptons, à la suite de Gosselin (1996 : 180), le principe de la compositionnalité
holiste (non atomiste) selon lequel : « l’ensemble des marqueurs de l’énoncé, et plus générale-
ment du texte, interagissent les uns avec les autres pour déterminer leurs effets de sens ».
11
Abréviation : inac : inaccompli ; acc : accompli ; part.act. : participe actif ; prv :
préverbe (particule préverbale) ; V-Mouv. : Verbes de mouvement.
– En arabe marocain :
(1) ka y-kteb l-bra (daba)
prv il-écrire-inaccompli la/une lettre (en ce moment)
« Il écrit une lettre (en ce moment)» / « il est en train d’écrire une lettre »
(2) Moha jaay (daba) !
Moha il-venir-part. actif (en ce moment)
« Moha est en route (en ce moment)! »
(3) wsel ! (daba)
Il-arriver-acc. (en ce moment)
« il est arrivé ! (en ce moment)»
– En berbère tamazight :
(4) la y-ttaru tabratt (dRi)
prv il-écrire-inaccompli la/une lettre (en ce moment)
« Il écrit une lettre (en ce moment)» / « il est en train d’écrire une lettre »
(5) i-wh.el Moha (dRi)
il-être fatigué-acc. Moha (en ce moment)
«Moha est fatigué (en ce moment) »
L’examen des données montre que, contrairement au français où le présent
actuel est exprimé par une seule forme – celle du présent de l’indicatif– l’arabe
marocain et le berbère tamazight disposent de plusieurs formes pour le faire :
(Tableau 2 : Résultats)
Présent actuel exemples
la+V-inaccompli 4
Berbère tamazight
V-accompli 5
ka+V-inaccompli 1
Arabe marocain Participe actif 2
V-accompli 3
Ainsi, le présent actuel peut apparaître sous une, deux ou trois formes selon
les langues :
• Il est rendu en français par une seule forme, celle du présent de l’indicatif ;
• par deux formes en berbère tamazight ([la+V-inac] et [V-acc] ; et
• par trois en arabe marocain ([ka+V-inac], [V-acc] et [Part. act])12.
12
Les formes verbales du présent actuel de l’arabe marocain et du berbère tamazight
se présentent comme suit : [la+V-inac] : c’est la combinaison de la forme de l’inaccompli
et du préverbe la, en berbère. L’inaccompli est employé pour dénoter une action (ou état)
habituelle, durative, itérative ou modale. Le préverbe la exprime une valeur de concomitance.
Il peut aussi véhiculer un aspect duratif, itératif ou progressif. L’association du préverbe la et
de l’inaccompli donne à la forme verbale la valeur de déroulement concomitant, coïncidant,
Pour ces deux langues qui disposent de plusieurs formes pour exprimer le
présent actuel, nous nous demandons :
– quels sont les paramètres qui interviennent dans le choix de telle ou telle
forme ?
Nous posons l’hypothèse suivante : C’est le type du procès (aspect lexical)
qui détermine la forme du présent actuel en arabe marocain et en berbère
tamazight. Mais avant de tester la validité de cette hypothèse, nous proposons
de passer en revue les types de procès retenus et le modèle sur lequel se fonde
notre analyse.
synchrone (= « être en train de ») (Chaker, 1984 : 170). Chaker (1997 : 195) afrme que
le préverbe la peut avoir pour origine le verbe ili « être » dont elle pourrait être une forme
réduite (y-lla « il est/existe » (y-lla > lla > la > a ( ?)) et qu’il se serait agi au départ d’un usage
du verbe ili « être » en tant qu’auxiliaire d’actualité/concomitance, spéciant l’existence
actuelle et effective du procès.
[ka+V-inac] : c’est l’association de la forme de l’inaccompli et du préverbe ka en arabe
marocain. L’inaccompli exprime l’inachèvement du procès. Celui-ci peut être duratif, itératif,
habituel ou modale. La forme [ka+V-inac] exprime un procès inachevé au présent (duratif
ou itératif) ou une vérité générale. Elle marque deux valeurs aspectuelles : la concomitance
ou la généralité (D. Caubet (1978, 1983), M. Cohen (1924), D. Cohen (1975), entre autres).
M. Cohen avance que le préverbe ka pourrait avoir pour origine, une forme abrégée du verbe
kan- (être/exister-acc) ou kain- (être/exister-participe). Le préverbe ka a pour variante le
préverbe ta qui est employé dans certains parlers.
[V-acc] : la forme verbale de l’accompli est employée surtout pour désigner une action
achevée dans le passé, en arabe et en berbère.
[part.act] : La forme du participe actif est une forme d’origine nominale qui ne se
conjugue pas mais qui varie en genre et en nombre. Elle se caractérise par la présence d’un
‘a’ dans la première syllabe du mot (jay ‘masc. sg’ ; jaya ‘fem. sg’ ; jayin, ‘plur.’).
13
Le type du procès est désigné sous différentes dénominations : aktionsart, mode
d’action, modalité d’action, aspect lexical des verbes, typologie de procès.
à un même continuum qui conduit des états aux achèvements en passant par
les activités et les accomplissements et sur lequel se laissent construire des
catégories intermédiaires qui viennent brouiller les oppositions entre classes.
Pour identier les types du procès, un certain nombre de tests14 ont été mis
en œuvre :
• La compatibilité du prédicat avec la structure [être en train de Vinf]
conjuguée au présent ou à l’imparfait, permet de mettre en évidence le
trait [+dynamique] du procès exprimé par le prédicat.
• Le caractère non-borné (atélique) d’un procès est testé au moyen du
circonstanciel [pendant+durée].
• Le caractère borné (télique) du procès est indiqué par la compatibilité du
prédicat, conjugué au passé composé avec [en+durée].
• La ponctualité du procès est évaluée au moyen du test de compatibilité
avec un circonstanciel ponctuel (Il atteignit le sommet à midi pile).
• La locution [mettre n temps à/pour Vinf], fondée sur la relation de
paraphrase sert à distinguer entre accomplissements et achèvements :
avec les accomplissements, la structure indique la durée du procès,
tandis qu’avec les achèvements, c’est la durée précédent la culmination
qui est exprimée.
Dans ce travail, nous avons adopté le modèle d’analyse de Gosselin
(1996)15 qui part de la classication de Vendler (1967) et analyse les quatre
types de procès comme une succession de situations et de changements :
14
Cf. Gosselin (1996 : 41-72) pour plus de détails.
15
Gosselin (1996 : 41) dénit le type de procès comme « les représentations sémantiques
associées aux prédicats verbaux » et souligne que l’expression des procès peut être associée
aussi bien aux verbes qu’aux prédicats (Gosselin et François 1991) et à leurs arguments (cf.
Martin 1988, cité dans Gosselin (1996 : 41)).
16
Ces quatre classes du procès ont été caractérisées en termes de traits, à la suite de J.
François (1989) et R. Martin (1988) (cité dans Gosselin 1996) :
- Les états sont [-dynamique], [-borné], [-ponctuel] ;
- les activités sont [+dynamique], [-borné], [-ponctuel] ;
- les accomplissements sont [+dynamique], [+borné], [-ponctuel] ;
- les achèvements sont [+dynamique], [+borné], [+ponctuel] ;
252
Types
17
de
procès
(1) ka y-kteb l-bra (daba) (4) la y-ttaru tabratt (dRi)
prv il-écrire-inaccompli la/une lettre (en ce moment) prv il-écrire-inaccompl la/une lettre (en ce moment)
« Il écrit une lettre (en ce moment)» / « il est en « Il écrit une lettre (en ce moment)» / « il est en train
traind’écrire une lettre » d’écrire une lettre »
(2) kteb l-bra (5) y-aru tabratt
il-écrire-acc la/une lettre Il-écrire-acc la/une lettre
(Tableau 5 : exemples17)
« Il a écrit la lettre » « Il a écrit la lettre »
(3) kan kateb l-bra
Samira Moukrim
il-être-acc Il-écrire-part. actif la/une lette
Accomplissements
------------------------------------------- -------------------------------------------
(19) la d i-teddu Moha
(16) ka y-ji Moha
Prv vers ici Il-venir-inac. Moha
prv il-venir-inac. Moha
« Moha vient souvent »
« Moha vient souvent »
(20) i-dda d Moha g ubrid (dRi)!
(17) ja m3a-hum Moha
Il-venir-acc. vers ici Moha dans la route (en ce
il-venir-acc. avec eux Moha
moment)
« Moha les a accompagnés »
« Moha est en route (en ce moment) !»
RSP • 2009 • n° 25-26
253
RSP • 2009 • n° 25-26
254
Types
de Arabe marocain Berbère tamazight
procès
(21) ka y-wsel l 3end-hum s-sba (24) la Rur-sen i-ttawd. tifawt
Prv il-arriver-inac. à chez-eux le matin Prv chez-eux il-arriver-inac. le matin
« Il arrive (souvent) chez eux le matin » « Il arrive (souvent) chez eux le matin »
(22) wsel ! (daba) (25) y-iwd. ! (dRi)
Il-arriver-acc. (en ce moment) Il-arriver-acc. (en ce moment)
« il est arrivé ! (en ce moment)» « il est arrivé ! (en ce moment)»
Samira Moukrim
(23) wasel hum l-xbar
Il-arriver-part. actif eux l’information
Achèvements
255
256 Samira Moukrim
18
La forme verbale du présent actuel [prv+V-inac], qui est équivalente à l’expression
[être en train de Vinf] du français, est compatible, en arabe marocain et en berbère tamazight,
avec les quatre types du procès (accomplissements, activités, achèvements et états). Ce qui
les différencie du français où la locution [être en train de Vinf], n’est compatible qu’avec les
activités et les accomplissements. Elle ne peut pas se combiner avec les états et ne l’est avec
les achèvements que si le procès est déformé.
19
Ce fait a été signalé, pour l’arabe, par M. Cohen (1924), D. Cohen (1975), D. Caubet
(1978,1983), et Kouloughli (1994), entre autres, pour les verbes qui indiquent des états, des
sentiments ou des sensations: «l’accompli coïncide avec le présent, soit parce que le simple
énoncé de l’action présente équivaut à un accomplissement, soit parce que l’action n’est
énoncée qu’au moment même où elle est déjà accomplie. » (Cohen, M. 1924: 211-212).
Kouloughli (1994: 176-177) explique qu’un arabophone emploie l’accompli du verbe se
fatiguer, par exemple, pour dire: (ça y est) je suis fatigué. Et précise que : «Ce qui est
accompli (…) c’est le passage d’une frontière entre non fatigue et fatigue ».
Le présent actuel est exprimé par trois formes en arabe marocain: deux
formes verbales (l’accompli et l’inaccompli) et une forme nominale (le participe
actif). Ayant pour objet de travailler sur la forme verbale, comme moyen
morphosyntaxique exprimant le présent actuel, nous allons mettre de côté la
forme du participe actif20, qui n’est pas une forme purement verbale, et nous
ne retiendrons que les deux formes d’accompli et d’inaccompli pour l’arabe
marocain. Toutefois, il est à signaler que le présent actuel de certains verbes
de mouvement peut être rendu par la forme du participe actif (cf. section 4.4.).
20
Le participe actif est une forme nominale qui ne se conjugue pas mais qui varie en
genre et en nombre. Il fonctionne comme un adjectif et peut constituer le prédicat d’une
phrase nominale (Cohen, D. (1989:188)). Cohen, M (1924: 219) indiquait que: « la phrase
participiale, indifférente au temps par elle-même, peut exprimer le présent, entre autres
temps… ». Pour Caubet, D. (1993: 222), le participe actif peut prendre «une ou plusieurs des
trois valeurs suivantes: le présent actuel, parfait du présent et prospectif ».
21
Galand, L. (1955: 2), qui a étudié les verbes de qualité [verbes d’état] en berbère
avance que « leur prétérit [accompli] semble exprimer un état: cet état est présenté comme
actuel, à moins que le contexte ne le rejette dans le passé ». De son côté, Hebaz, B. (1979:
210) afrme que « l’accompli du berbère exprime aussi le passé-présent et pas seulement
l’aspect de l’accompli ».
accomplissements oui - 4, 9
activités oui - 14
22
En arabe et en berbère, les activités et les accomplissements expriment le
présent actuel par la forme [prv +V-inac]. Or, la forme [prv+V-inac] n’exprime pas
toujours le présent actuel : Lorsque le procès présente une série de changements
(activités et accomplissements), elle exprime soit le présent actuel soit l’itération
(habituel, générique…), selon le contexte ; Lorsque le procès ne présente pas une
série de changements (états ou achèvements), la forme [prv+V-inac] n’exprime que
l’itération… La forme [prv+V-inac] exprime le présent actuel, avec les activités et
les accomplissements, lorsque le procès coïncide avec le moment de l’énonciation.
23
C’est du reste ce que Desclés & Guentcheva (1997) appelle ‘statif d’activité’
(ex : l’avion est en vol). Associé intrinsèquement à un processus dynamique
(l’avion vole), le ‘statif d’activité’ est à distinguer du ‘statif d’état’ (ex : cet avion
est confortable).
changements internes, nous considérons que ce qui est accompli, dans les
exemples de type (32) et (35), c’est la borne initiale (borne extrinsèque) du
procès, i.e. le changement initial, qui correspond à l’entrée dans l’état. Quant
aux achèvements, présentant un changement atomique (momentané), c’est la
borne nale qui est accomplie (ou les deux bornes puisqu’ils sont inniment
proches). Et on se retrouve donc dans l’état résultant (l’accompli du présent).
L’accompli du présent se rencontre également en français. C’est l’une des
valeurs du passé composé24 (qui est à l’origine un présent accompli). Rappelons
notre principe de départ: seuls les énoncés exprimant un procès en contact
avec le moment de l’énonciation nous intéressent. C’est le cas de la traduction
des exemples 22, 25, 27 et 30. Le passé composé des achèvements peut donc
coïncider avec le présent actuel, et ce lorsque la borne nale du procès coïncide
avec le moment de l’énonciation.
Nous pouvons dire qu’en français, les achèvements expriment le présent
actuel soit par la forme du présent de l’indicatif, soit par celle du passé composé
(accompli du présent) selon que l’on envisage la phase préparant la culmination
(41) ou l’état résultant (42). Ce qui est représenté dans la (g.2) :
(41) Regarde! Il arrive !
(42) Regarde! Il est arrivé !
(Fig. 2)
Présent de l’indicatif T0
Passé composé
24
L’accompli du présent est l’une des valeurs du passé composé (Desclès & Guentcheva
2003 : 49) :
«Le passé composé a deux valeurs fondamentales (…) d’un côté la valeur aspectuelle
d’état résultant d’un événement antérieur auquel il est contigu et, de l’autre, la valeur
aspectuelle d’événement qui engendre un état résultant que le contexte peut ou ne peut pas
mettre en évidence». Pour Gosselin (1996 : 205), Le passé composé peut prendre deux effets
de sens typiques selon que l’un ou l’autre des procès marqués par le participe passé ou
l’auxiliaire l’emporte. Lorsque ce dernier acquiert une saillance prépondérante : « le procès
est vu comme accompli, car on en considère essentiellement l’état résultant ; et cet état
résultant est considéré comme présent, sous un aspect inaccompli»
Inaccompli Accompli
[prv+V-inac] [V-acc]
Inaccompli Accompli
Présent de l’indicatif Passé composé
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