INTRODUCTION
CONCLUSION
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Les mouvements dentaires orthodontiques sont provoqués par l’application de forces : ils sont
donc le résultat d’une transformation de forces en déplacements dentaires, c’est à dire la transformation
d’une composante physique en composante histologique et cellulaire. Or ces mouvements dentaires
sont indissociables de la notion d’ancrage, c’est à dire la résistance d’un corps au déplacement. De cet
ancrage, l’orthodontiste doit en connaître les principes mécaniques et biomécaniques tout au long de sa
démarche thérapeutique, car de la bonne gestion de l’ancrage dépend la réussite des traitements. Les
principes du mouvement dentaire permettront d’aborder le concept d’ancrage, puis de traiter la gestion
de celui ci dans la prise en charge thérapeutique des patients.
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I. LES PRINCIPES DU MOUVEMENT DENTAIRE
L’ankylose
C’est la fusion anatomique du cément et de l’os alvéolaire. Elle peut être totale, avec disparition de
l’espace ligamentaire, ou partielle. Elle entraîne l’impossibilité totale de mouvement, spontané ou
provoqué de la dent ankylosée. Lorsqu’elle touche les dents lactéales, l’ankylose provoque la ré-
inclusion de celles ci.
Tout mouvement orthodontique est impossible sur une dent ankylosée, et aboutit à la déformation de
l’arcade d’ancrage si la traction mécanique persiste.
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I.2) Le déplacement provoqué des dents
Il est obtenu par l’application de forces, orthodontiques ou orthopédiques, sur les dents. Le
mouvement orthodontique apparaît comme une réponse biologique aux forces appliquées. Le
processus biologique est le même que celui impliqué dans le mouvement mésial physiologique.
Le facteur clé dans un mouvement dentaire efficace semble être le flux sanguin, qui transporte les
monocytes. Ceux ci se différencient en cellules ostéorésorptives dès que le besoin se fait sentir au
niveau de l’os alvéolaire . Quand le flux sanguin est ralenti, l’activité ostéoclasique ralentit elle aussi, et
les dents ne se déplacent pas : c’est ce phénomène que l’on retrouve quand la force appliquée sur la
dent dépasse le seuil de compression vasculaire.
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I.3.2 Variations individuelles
Les réactions tissulaires seront différentes selon :
la densité de l’os alvéolaire : plus l’os sera dense, et plus la résorption sera lente, et
les mouvements dentaires se feront plus lentement. La densité osseuse varie selon :
L’individu : les femmes auraient une densité osseuse inférieure à celle des hommes ;
Le maxillaire concerné : l’os mandibulaire est plus dense que le maxillaire ;
La localisation intra arcade : l’os vestibulaire et lingual est plus dense que l’os apical ;
L’élasticité du ligament alvéolo dentaire : les fibres marginales, après avoir été
étirées pendant la thérapeutique active, pourront reprendre leur forme initiale, et être
responsables de la récidive.
Les caractéristiques dentaires : la forme, la position initiale, la taille des dents
interviennent également. Ainsi, une dent courte favorisera la hyalinisation et sera retardée
dans son déplacement par rapport à une dent plus longue.
L’âge du patient : chez l’enfant, les tissus sont en perpétuel remaniement, les
cellules conjonctives sont nombreuses dans le desmodonte, la surface interne de l’alvéole est
recouverte d’ostéoïdes : les conditions les plus favorables sont réunies pour obtenir un
déplacement dentaire. Chez l’adulte, l’os alvéolaire est plus dense, les ostéoclastes sont plus
rares : le déplacement dentaire est possible, mais ralenti.
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Trois cas de figures sont alors possibles en ODF :
La RS=RM :
Si FM<RS+RM : pas de déplacement
Si FM>RS+RM : déplacement, égal et symétrique
RS > RM :
Si FM>RS>RM : le déplacement est double et inégal :RM se déplace davantage
Si RS>FM>RM : la RM se déplace seule
RM > RM :
Si RM>RS>FM : pas de déplacement possible
Si RM>FM>RS : RS se déplace seule
En fonction de l’étape thérapeutique, toute dent pourra faire partie de la RM, ou de la RS. C’est le
système de force appliqué qui déterminera le sens de la force, et la situation de chaque dent par
rapport au trinôme de DE NEVREZE.
a) Classification « anatomique :
L’ancrage dentaire :
Des dents larges et longues, aux racines coudées, offriront un meilleur ancrage que des dents petites et
courtes. FREEMAN, en calculant la surface projetée de chaque dent, a établi une moyenne des
surfaces radiculaires de chaque dent en cm2 : plus la surface radiculaire est grande et plus la
résistance offerte sera élevée. JARABAK a attribué des coefficients à chaque dent : la valeur 1 est
donnée à l’incisive mandibulaire, et la valeur 10 à la 1 ère molaire mandibulaire
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Surfaces radiculaires en mm2, d’après FREEMAN valeurs guides d’ancrage d’après JARABAK
L’ancrage musculaire
La typologie, et les muscles jouent un rôle important dans la notion d’ancrage. En effet, la forte
musculature d’un brachy facial résiste davantage aux effets d’ouverture de l’occlusion ; inversement,
celle du dolicho facial résiste mal à l’egression molaire.
De même, la tonicité labiale conditionne le degré de version des incisives : des lèvres hypotoniques
résistent moins à la proversion incisive que des lèvres minces et hypertoniques.
L’ancrage squelettique
Il est fonction de la densité osseuse : le turn over cellulaire est plus élevé dans l’os alvéolaire que dans
l’os spongieux. RICKETTS propose ainsi d’ancrer les molaires mandibulaires dans la corticale dense de
la corticale externe par un torque radiculo vestibulaire. Selon CHATEAU, une même force, chez un
même sujet, produit un déplacement 3 fois plus élevé au maxillaire qu’à la mandibule ; ceci est lié à la
nature de l’os alvéolaire maxillaire, qui est moins dense que l’os alvéolaire mandibulaire.
Depuis quelques années se développent de nouveaux moyens d’ancrage que l’on peut assimiler à un
ancrage squelettique : des implants ont été mis en place dans le cadre de traitement orthodontiques.
L’implant peut être assimilé à une dent ankylosée, et permet la prise en charge orthodontique de patient
qui jusqu’alors ne pouvaient être traités orthodontiquement. C’est le cas des patient présentant
l’absence de une ou plusieurs dents, par agénésies multiples, extractions, expulsion ou inclusion.. Les
implants possèdent ainsi un potentiel d’utilisation en tant qu’ancrage orthodontique ; leur avantage est
qu’après traitement orthodontique, ils peuvent être conservés dans le cadre d’un traitement prothétique.
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A.appui cervical ; B.appui occipital ; C.appui moyen ; D.appui oblique ; E.appui pariétal
a) Ancrage et céphalométrie :
Pour pouvoir prévoir les réactions de l’ancrage aux forces appliquées, la céphalométrie va permettre de
préciser le diagnostic. Ainsi, elle est un outil précieux, bien qu’examen complémentaire de l’examen
clinique, qui va permettre de déterminer la position des dents dans l’espace avant, pendant, et après
traitement, et ce dans les 3 sens de l’espace si un dossier tridimensionnel a été établi. Les analyses
angulaires vont permettre de déterminer la position des dents dans l’espace ; les analyses
architecturales vont préciser les rapports dento- maxillaires et inter maxillaires. En utilisant quelques
mensurations sur les clichés téléradiographiques, la céphalométrie va permettre de poser le diagnostic
des dysmorphoses squelettiques, de DDM, et la situation spatiale de toutes les dents :
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Dans le sens transversal :
Quelques analyses étudient la position des dents dans le sens transversal, en utilisant les clichés
frontal et/ou axial : on peut citer les analyses de RICKETTS, SASSOUNI, BOUVET…
Dans le sens vertical :
une simple observation des clichés en s’aidant des analyses morphologiques peut suffire à préciser la
divergence faciale : les rotations de BJORK, le « Z de croissance faciale » de DANGUY. Ou bien des
mesures peuvent être prises : le FMA apprécie la divergence faciale, la mesure du GoGN/SN, la
mesure de l’angle goniaque, les rapports du F5 de DELAIRE…
Dans le sens sagittal :
De nombreuses mesures peuvent être réalisées : ANB de STEINER, le F1 de DELAIRE, le I/F , le i/m,
L’AOBO, les mesures de DANGUY : ESNp et ES-TM.
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III.2.2) En thérapeutique fixe :
a. l’ancrage en technique EDGEWISE:
Le contrôle de l’ancrage va s’appliquer en utilisant :
un système de forces qui ne déplacera qu’un minimum de dents pour un maximum de
dents d’ancrage : c’est le « Ten-two system ». On mobilise 2 dents alors que le reste de
l’arcade est maintenu par une FEO ;
un ancrage extra oral qui limite les effets parasites des forces sur l’arcade. Mises au
point par TWEED et MERRIFIELD, elles sont de 3 types : traction haute (high pull), traction
horizontal, et traction basse.
Une préparation d’ancrage de l’arcade aux sollicitations des forces orthodontiques,
dont le but est de faire effectuer au préalable un mouvement compensatoire des structures
d’ancrage. Ainsi, après application des forces, ces structures retrouvent leur position
d’origine.
b. L’ancrage en
technique
bioprogressive de
RICKETTS :
Dans cette technique segmentée, plusieurs
moyens sont utilisés pour renforcer l’ancrage
(notamment lors de la phase de rétraction canine, ou de recul incisif) :
Les auxiliaires tels que l’arc de Nance, l’arc transpalatin,la FEO
(voir le III. 3)
Les arcs sectionnels : ce sont des arcs lourds qui solidarisent les
secteurs latéraux.
L’arc de base, sui solidarise les 1ères molaires aux 4 incisives. Il
reçoit les informations de préparation d’ancrage des molaires : tip back, toe-in,
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torque radiculo vestibulaire. L’angulation du tip back détermine le niveau
d’ancrage : 15° pour un ancrage minimal, 15 à 30 ° pour un ancrage moyen, et
30° pour un ancrage maximal. Le torque radiculo vestibulaire a pour but de placer
les racines dans la corticale externe, et est donc facteur de stabilité.
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antérieurs. Cette phase thérapeutique brûle en effet de l’ancrage si quelques précautions ne sont pas
prises dès le début du traitement : selon les auteurs, peuvent être réalisés :
une boucle oméga d’edgewise en butée(mais ce n’est plus de l’arc « droit » !)
un rabattement des arcs en distal de la dernière molaire baguée,pour contrôler le
mouvement des 6 dents antérieures
un contrôle des molaires maxillaires par un arc trans palatin et/ou une FEO, des
molaires mandibulaires par un arc lingual
des ligatures en huit,ou « lacebacks » des canines aux molaires pour contrôler la
version des canines lors du nivellement :
Lacebacks,d’après BENNETT
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De nombreuses techniques d’arc droit existent, chacune tentant à sa manière de suivre les 6 étapes
citées précédemment.
LA TECHNIQUE DE PLANCHE tente « de concilier les avantages du Straight-Wire et les avantages de
la technique de TWEED » [PLANCHE]. PLANCHE a réalisé deux séries de brackets pré informés avec
des angulations différentes : une série d’ « ancrage moyen », et une série d’ « ancrage maximal » :
LE « LEVEL ANCHORAGE SYSTEM », mis au point par le Dr ROOT :celui ci évalue pour chaque cas
l’ancrage nécessaire, l’ancrage disponible, et en déduit son plan de traitement.
a) Auxiliaires intra-oraux :
a.1 l’arc de NANCE :
C’est un arc transpalatin réalisé en fil 9/10, et soudé aux bagues des 1ères molaires
maxillaires. On peut lui ajouter une papille de résine dans sa partie antérieure.il augmente
l’ancrage des molaires, et peut permettre ,comme le quadhellix, des mouvements
d’expansion ou de rotation- dérotation des molaires, par activation de ses branches
postérieures.
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a.2) l’arc trans palatin
Il peut se présenter sous différentes formes :
o Arc de 9/10 soudé aux bagues des 1ères molaires maxillaire, avec ou sans boucles de
compensation.
o Arc amovible, inséré dans des boîtiers soudés aux bagues molaires.
Il augmente l’ancrage molaire et maintient le sens transversal. Les boucles de compensation
peuvent être activées pour provoquer une petite expansion transversale.
a.4) LE QUADHELLIX :
c’est un arc palatin d’expansion à spires, situées aux quatre angles. Il est réalisé au fil 9/10,
peut être soudé ou amovible, et s’active à chaque rendez vous de contrôle. Une fois l’expansion
réalisée, il constitue un excellent moyen d’ancrage.
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a.5) LE PLAN RÉTRO INCISIF SOUDÉ
C’est un plan de morsure incisif, appliqué contre la face palatine des incisives et des canines, et
soudé aux bagues molaires maxillaires. Il peut comprendre des courbures de compensation,
être incliné selon l’angulation du plan d’occlusion. Il permet la désocclusion postérieure, et le
collage des brackets mandibulaires en présence d’une supra clusion. Il constitue un excellent
moyen d’ancrage.
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Schémas d’après LANGLADE
b) Auxiliaires extra-oraux :
b.1 le masque de DELAIRE
Le masque comprend deux points d’ancrage : le front et le menton, qui constituent la Résistance
Stabile. La Résistance Mobile est constituée du maxillaire ou du pré maxillaire. L’indication du masque
est la classe III squelettique, par brachy pré maxillie. L’ancrage est purement extra oral , sans appui
intra oral. Le masque favorise le développement antéro postérieur du maxillaire, et freine la croissance
mandibulaire. Il s’agit de traitement orthopédique et non pas orthodontique. Il n’y a aucune perte
d’ancrage dentaire.
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Fronde mentonnière, d’après LANGLADE
b.3 La force extra orale
Elle est utilisée comme ancrage, lorsque la force employée est inférieure à 400g : il n’y a pas de
mouvement, ni de la part de RS, ni de la part de RM. Elle permet de compenser les mouvements
parasites entraînés par la mécanique.
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CONCLUSION
L’ancrage en thérapeutique ODF est une notion capitale pour la réussite du traitement, car
indissociable de la notion de force. En effet, de la connaissance et de la maîtrise des principes
mécaniques des mouvements orthodontiques va dépendre la gestion clinique de l’ancrage. Car quelle
que soit la technique utilisée, il est toujours plus facile de perdre de l’ancrage que de le maîtriser ou
d’en gagner.
L’ancrage devra être considéré dès la pose du diagnostic et du plan de traitement : dès cette
phase, l’orthodontiste doit connaître les objectifs thérapeutiques du cas, les capacités d’ancrage,
l’ancrage nécessaire, et établir les moyens thérapeutiques pour renforcer cet ancrage.
Ces moyens sont nombreux, se diversifient encore aujourd’hui, et doivent permettre au praticien de
s’adapter à la variété des cas.
BIBLIOGRAPHIE
J.C. BENNETT, R.P. Mc LAUGHLIN : « Les mécaniques de Traitement de l’Appareil Pré informé »
H. DE CLERCK : « L’ancrage squelettique orthodontique », Journées de l’Orthodontie Nov 2003
H. DE VADDER : « Les ancrages implantaires en ODF » mém CECSMO LILLE 1998
R.GARCIA : « Ancrage et thérapeutique Edgewise » rev ODF vol 19n°2 1985
C. KOTWICA : « Ancrage et ODF », mém CECSMO LILLE 1993
M.VAUGEOIS : « Ancrage et céphalométrie en thérapeutique Edgewise » rev ODF 1985 vol.19n°2
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