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Titre IV : Les infractions contre les biens

Le code pénal consacre aux infractions contre les biens le chapitre IX du livre III, parmi
toutes ces infractions, on n’en verra que quelques unes en distinguant entre les appropriations
frauduleuses (chapitre1) et les autres atteintes aux biens (chapitre 2)

Chapitre I : Les appropriations frauduleuses


Elles se regroupent aujourd’hui autour de trois pôles principaux qui sont le vol (S1),
l’escroquerie (S2) et l’abus de confiance (S3).

Section 1- Le vol
C’est de très loin l’infraction la plus fréquemment commise contre les biens, même
parmi l’ensemble des crimes et délits. L’article 505 définit le vol comme étant « la
soustraction frauduleuse de la chose appartenant à autrui » et punit le coupable d’un à cinq
ans d’emprisonnement et d’une amende de 120 à 500 dirhams. De cette définition il résulte
que les composantes du vol sont au nombre de trois : une condition préalable, un élément
matériel et un élément moral qui est une intention coupable. A cela s’ajoutent les
circonstances aggravantes et immunités familiales.

§1- Les composantes :


1-La condition préalable : l’existence d’une chose qui n’appartient pas au coupable
La chose n’est pas définie dans le code pénal marocain ni dans le code pénal français.
Toutefois la jurisprudence française exige que la chose soit une chose mobilière et
corporelle. Une chose n’est susceptible de vol que si elle appartient à quelqu’un. Il existe des
choses qui n’appartiennent à personne et dont l’appropriation ne constituerait pas un vol,
exemple : air –poisson de rivières et mers… Peu importe la valeur de la chose. Toutefois,
l’article 506, par dérogation aux dispositions de l’article 505, punit d’un mois à deux ans et
d’une amende de 120 à 250 dirhams « la soustraction frauduleuse d’une chose de faible
valeur appartenant à autrui ». C’est le larcin = vol d’une chose de faible valeur.

2-L’élément matériel : L’élément matériel est la soustraction frauduleuse : la soustraction


suppose que la chose passe de la possession du légitime détenteur dans la possession de
l’auteur du délit, et à l’insu ou contre le gré du premier. Il faut donc qu’il y ait ce
déplacement de la chose. Pour soustraire, il faut prendre, enlever ravir la chose.
La soustraction est « la prise de possession à l’insu ou contre le gré du propriétaire ou
possesseur » Doctrine française : Emile Garçon.

3- L’élément moral : c’est une intention coupable qui consiste dans le fait de s’emparer du
bien d’autrui, par force, c’est une action volontaire qui consiste à soustraire frauduleusement
le bien d’autrui.

§2- Circonstances aggravantes et immunités familiales :


1- Les circonstances aggravantes :
-vol commis avec violences : il s’agit de violences commises contre les personnes, à
l’exclusion des choses. Il s’agit du vol commis avec violences, ou menaces de violences, ou
port illégal d’uniforme, ou usurpation d’une fonction d’autorité (art 510- al 2 = peine 5 à 10
ans). Le vol commis avec usage d’arme est puni de la réclusion perpétuelle (art 507)

-Vol commis dans le chemin public : c’est un acte criminel particulièrement grave, car il
présente un danger non prévu pour les passants qui se trouvent sans secours pour repousser
l’agression. Le vol commis dans les lieux publics avec ou sans armes crée en effet un état
d’insécurité générale. Puni de 20 à 30 ans (art 508).

-Vol commis la nuit : Espace de temps qui s’écoule depuis le coucher jusqu’au lever du
soleil. Si le vol a été commis la nuit le coupable encourt la peine de réclusion 5 à 10 ans (art
510- al 3).

-Réunion, escalade, effraction… : L’article 510 prévoit la même peine, si le vol a été commis
en réunion par deux ou plusieurs personnes, et si le vol a été commis à l’aide d’escalade,
d’effraction extérieure ou intérieure, d’ouverture souterraine, de fausses clés…
Les peines sont doublées dans le cas où le vol est commis avec deux au moins des
circonstances aggravantes visées au dessus (art 509).

§2- Immunité familiale et responsabilité :


L’article 534 du code pénal marocain prévoit des excuses absolutoires (exemption de
peine) aux maris, femmes (épouses) et ascendants. Aux termes de cet article :
N’est pas punissable et ne peut donner lieu qu’à des réparations civiles,
➢ Le vol commis par des maris au préjudice de leurs femmes, par des femmes au
préjudice de leurs maris.
➢ Le vol commis par les ascendants au préjudice de leurs enfants ou autres descendants.
➢ Les vols commis par des descendants au préjudice de leurs ascendants, ou autres
parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclusivement, ne peuvent être poursuivis
que sur plainte de la personne lésée (victime), le retrait de la plainte met fin aux
poursuites (art 535).
➢ Toutefois, les personnes autres que celles désignées au dessus qui ont agi comme
coauteurs ou complices du vol ou qui en ont recelé le produit, ne peuvent bénéficier
des dispositions précitées (art 536).

Section 2- L’escroquerie
Contrairement au vol, qui se réalise contre le gré du propriétaire, L’escroquerie est
une infraction de ruse ; c’est un dol, une tromperie. L’article Article 540 du Code pénal la
définit comme l’action de se procurer ou de procurer à un tiers, un profit, pécuniaire
illégitime en usant l’un des moyens énumérés par le texte: affirmations fallatieuses, ou par
la dissimulation des faits vrais, exploitation astusieuse de l’erreur de la victime. Cette
infraction suppose des éléments constitutifs (§1) et sa répression varie en fonction de la
gravité des manoeuvres utilisées par l’agent (§2).

§1- Les éléments constitutifs de l’escroquerie


Il s’agit de l’élément matériel (1), l’élément moral (2).
1. L’élément matériel :
L’escroquerie est une infraction complexe, qui suppose réunir quatre éléments
constitutifs : des moyens frauduleux, une remise de la chose convoitée par la victime et un
préjudice subi par celle-ci.

a) Les moyens frauduleux :

Il s’agit de l’emploi de tout moyen frauduleux ou manœuvre pouvant induire en erreur


une personne par des affirmations fallacieuses, soit par la dissimulation de faits vrais, soit
enfin l’exploit astucieusement de l'erreur d’une personne. Les manoeuvres frauduleuses
peuvent être définies comme des éléments extérieurs qui crédibilisent le mensonge dolosif.
Elles s’ajoutent au mensonge et permettent la caractérisation de l’infraction.
L’équation est la suivante : mensonge + manoeuvres = escroquerie. Et ces manoeuvres
doivent être à la fois antérieures à la remise opérée par la victime, et déterminantes de celle-ci.
Par conséquent, un mensonge seul ne peut jamais caractériser le délit.
Le caractère des manœuvres s’appuie d’une part sur un acte positif « l’affirmation
fallacieuse » qui suppose que l’acte doit être une action. D’autre part, il peut être constitué
d'une simple « dissimulation de faits vrais ». Ex. une personne vend un bien en gage sans
avertir l’acheteur, une personne dissimule ses revenus pour bénéficier des subventions de
l’Etat ou d’une aide judiciaire. Contrairement au droit français, l’omission en droit marocain
peut être constitutive d’escroquerie. Il est constitutif également d’une escroquerie
l’exploitation astucieuse de l’erreur d’une personne. C’est le cas de la victime qui se trompe
sur le nom ou la qualité d’une personne lors de la remise d’un bien, et celle-ci profite de cette
erreur.

b)- La remise de la chose :

L’utilisation des moyens frauduleux a pour but de provoquer la procuration par la


victime entre les mains de l’escroc ou d’une tierce personne la chose convoitée. Il s’agit donc
selon l’article 540 du Code pénal de tout « profit pécuniaire illégitime» qu’il peut s’agir de
numéraire, de valeur mobilière, d’un bien corporel (meuble ou immeuble) ou incorporel,
d’une subvention, aide financière ou d’un service. L’article 540 désigne toute sorte de
« titres » : ex. un contrat de prêt, une police d’assurance, une promesse d’achat ou de vente,
une quittance. À condition que la procuration ait lieu à son préjudice ou à celui d’un tiers. Il
importe dans ce cas de démontrer l’existence du préjudice qui consiste à une remise du bien
non librement consentie. Une différence avec le texte français (art 313-1), l’article 540 du CP
est applicable aux biens mobiliers et immobiliers.

c)- Le préjudice :

L’article 540 du Code pénal fait référence au préjudice de la victime ou au préjudice d’un
tiers. Il importe donc de démontrer l’existence du préjudice : « la détermine à des actes
préjudiciables à ces intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers ».
La remise est la conséquence obligée des manœuvres frauduleuses, la remise donc de la
chose et le préjudice constaté suffit à apporter la preuve du délit d'escroquerie, sauf à prouver
aussi le lien de causalité entre les manœuvres frauduleuses et le préjudice subi par la victime.
2- L’élément moral :
L’escroquerie est un délit intentionnel qui suppose donc, chez l’agent, la volonté d’obtenir
la remise de la chose convoitée par l’emploi des moyens qu’on sait frauduleux. L’intention
coupable se déduit des manœuvres frauduleuses employées. Son appréciation relève du
pouvoir souverain des juges du fond. Peu importe le mobile, escroquer pour aider une
association charitable ou pour se faire rembourser un crédit demeure une escroquerie.

§2. La répression
• En vertu de l’article 540 du Code pénal, l’auteur de l’escroquerie encourt une peine
d’emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 500 à 5 000 dirhams (5000 à
50 000 DH selon le PCP). Cette peine peut être aggravée est portée au double, et le
maximum de l'amende à 100.000 dirhams si le coupable est une personne ayant fait
appel au public en vue de l'émission d'actions, obligations, bons, parts ou titres
quelconques, soit d'une société, soit d'une entreprise commerciale ou
industrielle (Droit pénal des affaires : la distribution des dividendes fictifs- la création
de société fictives- la publication de faux bilans).

• En plus des sanctions précitées, le coupable de délit d’escroquerie peut se voir frappé
pour cinq ans au moins et dix ans au plus de l'interdiction d’un ou plusieurs des droits
civiques, civils ou de famille visés à l’article 26 du Code pénal. Les juridictions
peuvent également prononcer à son encontre une interdiction de séjour. La tentative
de délit d’escroquerie est punie des mêmes peines que l'infraction consommée.

• L’immunité familiale prévue pour le vol (art 534 à 536 du CP) est étendue à
l’escroquerie par l’article 541. Il s’agit de toute escroquerie commise par des maris au
préjudice de leurs femmes, par des femmes au préjudice de leurs maris. Ainsi que,
l'escroquerie commise par des ascendants au préjudice de leurs enfants ou autres
descendants. Aussi, il ne peut donner lieu à une poursuite pénale, l'escroquerie
commise par des descendants au préjudice de leurs ascendants ou entre parents ou
alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement, ne peut être poursuivi que sur plainte
de la personne lésée; le retrait de la plainte met fin aux poursuites. Toutefois, les
personnes autres que celles désignées aux ci-dessus, qui ont agi comme coauteurs ou
complices de ces infractions ou qui en ont recelé le produit, ne peuvent bénéficier de
cette immunité.

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