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3e
sur yon
17 23 octobre 2012
>
festival international du film
www.fif-85.com
partenaires la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
Partenaires institutionnels
Ville de La Roche-sur-Yon
Région Pays de la Loire
DRAC Pays de la Loire
Partenaires officiels
Sita Ouest
Espace Culturel Leclerc Acti sud
Guënant Automobiles
Ciné +
Ouest-France
Capricci
Médiapart
Eurochannel
Bouvet-Ladubay
Partenaires associés
Cinéma Le Concorde
Scène Nationale Le Grand R
SMAC Le Fuzz’Yon
Cinéville
Association Festi’Clap
Stéréolux - Nantes
Bruno Fradin Propreté
Tarifs ESRA
Pôle universitaire yonnais – Université de Nantes
Pass festival plein tarif : 50€ / tarif réduit : 28€
IUT La Roche-sur-Yon - département information-
1 entrée plein tarif : 6.50€ / tarif réduit : 4.50€
5 entrées plein tarif : 28€ / tarif réduit : 17€
communication
Ouverture ou Clôture : 8€ Le Clap Campus
Nuit de l’apocalypse : 10€ SDI - Syndicat des Distributeurs Indépendants
Scolaires : 3€ ACOR - Association des cinémas de l’Ouest pour la recherche
1 entrée C.E. : 4.50€ Hôtel Napoléon
Hôtel Mercure
Le Cinéville Mécène
Rue François-Cevert 85000 La Roche-sur-Yon Axa – Agence Eric Jaquet
..........................................................................................................
www.laroche.cineville.fr
Partenaire médiatique
Pour toutes informations : contact@fif-85.com France Bleu Loire Océan
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la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012 partenaires
pierre regnault
Maire de La Roche-sur-Yon
président de La Roche-sur-Yon Agglomération
Président de l’EPCCCY
Cet automne, La Roche-sur-Yon bat au rythme du cinéma avec une nouvelle édition
du festival international du film. Qualité et audace sont une fois de plus au programme de
notre rendez-vous avec le 7e art. Compétition officielle, sélection d’une centaine de films,
rétrospectives et débats… le festival est un moment partagé de réflexion et de découverte, en
direction des professionnels comme des cinéphiles. La magie du cinéma s’empare à nouveau
de La Roche-sur-Yon qui accueille Nobuhiro Suwa comme invité d’honneur pour une première
rétrospective intégrale en France. Ce festival est aussi l’occasion d’accueillir Jean-Pierre Léaud
pour un hommage particulier. Les imprévisibles Benoît Delépine et Gustave Kervern sont
également de la fête, en compagnie de Miguel Gomes, pour une semaine de programmation.
De nombreuses célébrités arpentent aussi les rues de la ville, et occupent ses cafés, ses
restaurants : Béatrice Dalle, Eric Cantona, Melvil Poupaud,…
La Roche-sur-Yon est fière de soutenir son festival. L’exigence de qualité qu’il porte, ainsi que
son engagement pour l’accès à tous à la culture, l’éducation à l’image et son rayonnement
sur le territoire yonnais et national, font de ce rendez-vous la meilleure illustration des grands
axes de la politique cinématographique – et plus largement culturelle – que la ville mène toute
l’année, notamment grâce au Concorde. Nous sommes convaincus qu’en ces temps difficiles
pour un grand nombre d’habitants, la culture doit prendre toute sa place dans le quotidien des
gens et jouer un rôle primordial dans notre cohésion sociale.
Je remercie toute l’équipe qui travaille avec passion à la préparation et à au déroulement du
festival, et vous souhaite à tous un bon festival 2012 ! P.R.
jacques auxiette
Président du conseil régional des Pays de La Loire
Pour cette édition 2012, le festival international du film de La Roche-sur-Yon propose une
nouvelle fois une programmation enthousiasmante faite de comédies et de films dramatiques,
d’œuvres du patrimoine et de films récents inédits, de réalisateurs des horizons les plus larges.
Autour de ces projections, certaines des personnalités les plus en vue du 7e art seront présentes
à la Roche-sur-Yon, aux côtés du public, pour montrer des films qui leur tiennent à cœur. C’est
l’une des richesses offertes aux spectateurs que de découvrir des films inédits ou des œuvres
restées trop peu longtemps dans les salles de cinéma.
La Région des Pays de la Loire est heureuse de soutenir et de compter sur son territoire des
initiatives comme ce festival qui font vivre la création et les imaginaires, qui donnent à chacun un
peu d’universel, d’ouverture sur un monde en besoin toujours plus prégnant de dialogue.
Que le cinéma nous ouvre encore plus grand l’esprit,
A toutes et à tous, très bon festival. J.A.
Georges POULL
Directeur régional des affaires culturelles des Pays de la Loire
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sommaire
p. 6 Compétition Internationale
prix, jurys, films
p. 14 Jean-Pierre Léaud
panorama en dix films
p. 20 nobuhiro suwa
première rétrospective française
p. 30 L’apocalypse-cinéma
par Peter Szendy
p. 36 miguel gomes
autour de Tabou
p. 40 werner herzog
Dans le couloir de la mort
p. 42 2e rencontres du cinéma indépendant
p. 44 Médiapart
p. 45 courts de danse
par Stéphane Bouquet
p. 46 séances spéciales
p. 48 la Nuit de l’apocalypse
animée par le Clap Campus
p. 50 jour le jour
p. 54 jeune public
de la page à l’écran
directeur de la publication
Yannick Reix
rédacteur en chef
Emmanuel Burdeau
couvertures
© photo Yoshi Omori - Yuki et Nina de
Nobuhiro Suwa - © Visage - Rezo Films
rédaction
Aurélien Bellanger, Stéphane Bouquet,
Fransisco Ferreira, Miguel Gomes,
Domique Laudijois, Thierry Lounas
Christian Oddos, Peter Szendy
correction
Clémence bouche, Christophe François,
Laurence Moulineau
graphisme et mise en page
Valérie Zard
imprimerie
Belz imprimerie - La Roche-sur-Yon
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éditorial
Tokyo Park, de Shinji Aoyama, est sorti en salles à la fin de l’été : c’est à La Roche-sur-Yon que sa distributrice, Frédérique
Rouault (Alfama), l’avait découvert l’année dernière, dans le cadre d’une programmation dite « prospective » consacrée aux
films récents du cinéaste japonais non distribués en France. L’année passée, une programmation similaire réunissait trois
documentaires et une fiction d’Abel Ferrara, le beau et alors inédit Go Go Tales : tourné en 2007, celui-ci est pour sa part sorti en
janvier, grâce à Capricci, compagnon de longue date, à qui nous devons cette année de pouvoir présenter en avant-première le
nouveau long métrage de Ferrara, toujours avec Willem Dafoe et Shanyn Leigh, le superbe 4 : 44 – Last Day on Earth.
Continuons encore un peu : La Vida Util de Frederico Veiroj, Grand Prix 2011, a connu un formidable accueil critique au moment de
sa sortie en avril. Le Jour de la grenouille de Béatrice Pollet est sorti il y a tout juste un mois : sa première mondiale avait eu lieu à
la Roche, où il remporta le Prix du Public. Et Matt Porterfield, Grand Prix en 2010 pour Putty Hill ? Son nouveau long métrage, le
troisième, I Used to Be Darker, qu’on annonce comme une comédie, sera bientôt visible, et il se murmure que Porterfield tient un
rôle dans le nouveau film de Tariq Teguia.
Nous n’aurons bien sûr pas la naïveté de croire que tout cela a eu lieu grâce au festival international du film de La Roche-sur-Yon.
Il n’empêche que ces nouvelles nous ravissent, et qu’elles nous concernent : un festival ne s’arrête pas au soir de sa clôture. Il se
poursuit dans d’autres lieux, d’autres temps. Pour les films, mais aussi pour nous-mêmes et pour toute l’équipe.
Nous avons accueilli en 2011 les premières rencontres du cinéma Indépendant. Nous accueillons les Deuxièmes cette année.
Nous avons commencé par accompagner les films tout au long de l’année, au Concorde et dans d’autres salles. Cela n’est
qu’un début : il faut maintenant aller beaucoup plus loin. C’est précisément ce que nous avons voulu faire avec cette troisième
édition : aller ailleurs, prolonger encore… Le Grand Prix sera ainsi triplement doté : il comprendra un achat et une diffusion
du film par Ciné +, une aide importante à la distribution mais aussi, et cela importe, une aide matérielle à l’accompagnement,
prise en charge par le festival lui-même, afin de rémunérer les déplacements et les interventions en salle.
Il se trouve en outre – ce n’est pas un hasard – que cette troisième édition est entièrement traversée par une même idée.
Une même idée du cinéma ? Bien sûr. Mais à travers le cinéma, c’est aussi quelque chose de plus large qui est visé ici. Qu’ont
en commun, en effet, Jean-Pierre Léaud, Nobuhiro Suwa, Benoît Delépine & Gustave Kervern, Miguel Gomes et Caroline
Champetier ? Disons-le d’une formule célèbre : aucun d’entre eux n’est un professionnel de la profession.
Jean-Pierre Léaud a promené sa mine lunaire devant la caméra des plus grands cinéastes de la seconde moitié du XXe siècle, sans
jamais se sacrifier à aucun canon de ce qui est censé constituer le bien-jouer. Est-ce une star ? Un dieu vivant ? Un génial accident
dans l’histoire du cinéma ? Personne ne saurait dire.
Nobuhiro Suwa a toujours su déléguer son supposé pouvoir de cinéaste aux acteurs et aux techniciens : il a cosigné des films,
tourné plusieurs fois dans une langue – le français – qu’il ne comprend pas, généreusement partagé avec d’autres la paternité de
son œuvre. Aucun de ses films n’est définitif. Aucun même n’est proprement achevé. Cette troisième édition sera l’occasion que
l’un – le mime royal du cinéma français – rencontre l’autre – le plus grand cinéaste japonais en activité.
Benoît Delépine et Gustave Kervern ne sont pas passés de la télévision au cinéma pour courir après le prestige du grand écran.
Selon leurs propres mots, ils ont au contraire voulu par là échapper au travail et à ses contraintes, créer des situations nouvelles,
inouïes. Tournent-ils à deux pour être deux fois plus forts ? Non : pour que ni l’un ni l’autre n’aient à se demander où loge son
talent propre.
Miguel Gomes l’écrit dans le texte qu’il a rédigé pour présenter le programme composé en complément à son Tabou : s’il a repris
le titre du dernier film réalisé par Friedrich Wilhelm Murnau, et cosigné par Robert Flaherty, c’est pour essayer de retrouver la
composition de contrôle et d’improvisation qui en fait le caractère unique dans l’histoire du cinéma.
Caroline Champetier a été à deux reprises la collaboratrice privilégiée du grand cinéaste japonais, comme elle a été celle de tant
de grands cinéastes contemporains, de Jean-Luc Godard à Xavier Beauvois, de Philippe Garrel à Léos Carax : elle aussi sait ne
pas être propriétaire de son travail… Elle a accepté de présider le jury de la compétition internationale, et viendra donner une
conférence sur la manière dont le choix de l’outil influence le travail des cinéastes.
Cette édition est donc à ce jour la plus moderne du festival. Celle où la passion de livrer le cinéma à plus large, plus incertain que
lui, s’exprime avec le plus de force, c’est-à-dire aussi avec le plus d’abandon.
Un festival est toujours un paradoxe. D’un côté il offre en un temps resserré une concentration particulièrement intense de
cinéma. De l’autre sa richesse donne envie que tout se défasse : puissent les films ne pas faire seulement bloc, mais partir aussi
dans toutes les directions, sans rien qui les retienne… C’est ainsi que nous avons pensé ce festival, dans un double mouvement
qui ramène le cinéma à lui-même et, simultanément, l’offre au dehors. Ce fut le cas avec les éditions précédentes. Ce l’est encore
davantage avec celle-ci, où chaque programmation expose une certaine manière de le faire, mais aussi de le défaire. Au gré des
séances et des rencontres, le cinéma rencontrera la danse, la philosophie, le journalisme, la fin du monde… Il ne commence ni ne
finit jamais. Il est à La Roche-sur-Yon. Et il est déjà ailleurs, partout ailleurs.
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la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012 compétition internationale
compétition internationale
Avec Yannick Reix et Rebecca De Pas, nous nous sommes d’emblée donné quelques principes de travail concernant
l’élaboration de la compétition internationale. L’un d’eux fut de la restreindre à huit films, afin que chacun puisse exister
pleinement au sein de la programmation. Huit films, cela permet d’en projeter deux par jour pendant les quatre qui vont du
vendredi, lendemain de l’ouverture, au lundi, veille de la clôture. Et cela laisse assez d’espace pour une seconde projection.
Dès nos premiers contacts avec les cinéastes et les équipes, nous insistons sur l’importance que chaque film soit accompagné
« en personne ». Un festival tel que nous le concevons doit être ce moment choisi où le cinéma sort de l’écran pour venir à la
vie et susciter des échanges. Ce n’est pas une foire aux films mais l’hypothèse provisoire d’un monde. Il ne peut donc s’agir de
n’importe quels échanges : nous les souhaitons animés par le souci du partage et celui de prolonger la projection au-delà de
la projection. C’est pourquoi le moment de la discussion avec le public est dissocié de celui de la présentation en salle : autre
manière d’aider les films à sortir d’eux-mêmes en ménageant un peu de temps et de respiration dans la précipitation festivalière.
L’évidence se précise année après année : une compétition est une découverte et non une consécration. C’est encore plus vrai
pour l’édition 2012 que pour les précédentes. Une compétition est le moment où les spectateurs, dans une disposition d’esprit
qu’il est difficile de retrouver ailleurs, découvrent des films et des cinéastes que pour la plupart ils ne connaissent pas. C’est
le moment où ces mêmes films et ces mêmes cinéastes se découvrent, souvent pour la première fois. C’est un risque et une
promesse. Un don, même – osons le mot. Dans cette perspective, il nous semble plus que jamais naturel de privilégier les oeuvres
en train d’apparaître et les cinéastes non encore installés. Nous nous réjouissons, et nous sommes fiers que près de la moitié
de la compétition 2012 soit composée de premiers films. Ceux-là – et parfois les autres également – n’ont bien souvent pas de
distributeur français quand ils arrivent à la Roche sur Yon. Il nous appartient d’aider à ce qu’ils en trouvent un : le nouveau
partenariat noué avec Ciné + affirme l’engagement renforcé du festival à cet égard. Et la volonté d’accompagner les films bien
après la clôture et la remise du palmarès.
Une compétition est faite pour éclairer, dans tous les sens du mot. Notre place est là, en éclaireurs. Nous y trouvons notre plaisir
et notre excitation. Une telle politique, en vérité, guide la totalité de la programmation du festival : quels que soient leur âge
ou leur date, les films que nous montrons le sont en rapport avec une actualité, une nécessité présente, par exemple celle d’un
programmateur invité désireux de faire connaître le cinéma qui l’a marqué, et le marque encore, l’aide à travailler et à penser.
Comme les membres du jury de la compétition, ces programmateurs sont aussi bien des cinéastes que des philosophes ou des
écrivains, des critiques...
Quelqu’un remarqua un jour que ce qui distingue le festival international du film de la Roche sur Yon pourrait être qu’il est de
part en part éditorialisé. Le mot nous a plu. C’est bien volontiers que nous le reprenons aujourd’hui ! Il pourrait toutefois faire
croire à une ligne éditoriale établie a priori. Pas du tout. Il n’y a pas de critère pour sélectionner un film au sein de la compétition.
Nous ne guettons que la singularité, c’est-à-dire l’invention par chacun de ses propres critères. Que chaque film, tout en étant
unique, nous aide à mieux voir où va le cinéma, voilà qui serait formidable. Qu’il ne nous donne pas des certitudes mais des
indices.
Cette année encore, peut-être davantage même que les précédentes, une bonne proportion de films tiennent à la fois du
documentaire et de la fiction. Comment aurait-il pu en être autrement, puisque c’est tout ce que le cinéma comporte de plus
avancé qui œuvre aujourd’hui à cet endroit ? Ce n’est d’ailleurs même un endroit, mais une direction. D’une compétition, nous
n’attendons au fond que ceci : que chaque film indique un cap, appelle des regards propres à l’aider à s’ouvrir encore, à mieux
devenir ce qu’il est.
E.B.
les prix
Jury international
Marina Déak
a étudié la philosophie, le chinois, lu des scénarios et fait de la
photographie de plateau. Elle a réalisé plusieurs courts métrages
(Le Chemin de traverse, Les Profondeurs, Femme Femme) et
un long-métrage dont elle a interprété le premier rôle, Poursuite,
présenté en compétition à La Roche-sur-Yon en 2010 et sorti en
salles en mars 2011. Elle travaille en ce moment sur le suivant, écrit
pour d’autres, cherche aussi du côté du documentaire. Elle aime à
dire qu’elle fait « ce qu’[elle] peu[t] autour du désir et de la fiction,
pour de vrai et pour de faux, dans la vie et au cinéma – pour l’instant
l’histoire en est là ».
Nathalie Léger
est écrivain. Elle a notamment publié Les Vies silencieuses de Samuel
Beckett (Allia, 2006), L’Exposition (P.O.L., Prix Lavinal Printemps des
lecteurs 2009) et, récemment, Supplément à la vie de Barbara Loden
(P.O.L.), dans lequel elle évoque l’actrice et réalisatrice de l’inoubliable
Wanda (1970). Romanesque, autobiographique et documentaire,
profondément nourri de cinéma, de littérature et d’histoire, sous toutes
leurs formes, construit à la fois comme une fiction et comme un jeu
d’archives, ce récit a été accueilli avec enthousiasme par la critique et
le public. En juin 2012, il a reçu le Prix du Livre Inter. Directrice adjointe
de l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC), Nathalie Léger
a également été commissaire d’expositions : « Le Jeu et la Raison »,
consacrée à Antoine Vitez, « L’Auteur et son éditeur », ainsi que des
expositions Roland Barthes (2002) et Samuel Beckett (2007) au Centre
Pompidou. Elle est l’éditrice scientifique des deux derniers cours de
Roland Barthes au Collège de France, La Préparation du roman (Seuil-
IMEC, 2002) ainsi que du Journal de deuil (Seuil-IMEC, 2008).
Melvil Poupaud
né en 1973, est acteur, cinéaste, musicien et écrivain. Il tient son
premier rôle à l’âge de 10 ans dans La Ville des pirates de Raoul Ruiz,
© Catherine Faux pour lequel il jouera ensuite à huit autres reprises ! Il a également tourné
sous la direction de Jacques Doillon, Benoît Jacquot, Laurence Ferreira-
Barbosa, éric Rohmer, James Ivory, Arnaud Desplechin et même les
présidente du jury frères Wachowski. Acteur aussi discret que précis, il a récemment
Caroline Champetier interprété, dans Laurence Anyways du Québecois Xavier Dolan, le rôle
le plus complexe et complet de sa carrière, celui d’un homme décidé à
a été directrice de la photographie auprès des plus grands cinéastes
devenir la femme qu’il a toujours été. En 2006, il réalise un long métrage
contemporains : Jean-Luc Godard, Jacques Rivette, Claude
autobiographique simplement intitulé Melvil. Il développe parallèlement
Lanzmann, Xavier Beauvois, Arnaud Desplechin, Philippe Garrel,
une activité de musicien aux côtés de son frère Yarol, notamment au
Léos Carax, Nobuhiro Suwa.... Celle qui débuta comme assistante
sein du groupe Black Minou. Melvil Poupaud a publié en 2011 un roman
de William Lubtchansky a toujours été bien davantage qu’une
autobiographique, Quel est Mon noM (éditions Stock), dans lequel il
technicienne ; bien davantage, aussi, qu’une collaboratrice. Le titre
évoque ses différentes rencontres, notamment avec Raoul Ruiz et avec
de « direction artistique », sous lequel elle apparaît au générique
le grand critique de cinéma Serge Daney.
d’Un couple parfait (N. Suwa, 2005), vaudrait pour la majorité
des films auxquels elle a été associée. Bien qu’elle n’ait reçu que
récemment le César de la Meilleure Photographie (en 2011, pour Bettina Steinbrügge
Des hommes et des dieux de X. Beauvois), Caroline Champetier est vit et travaille à Vienne. Après avoir étudié l’histoire de l’art, la philologie
depuis 30 ans l’une des personnalités prépondérantes du cinéma anglaise et la littérature comparée, elle opère dans de nombreux
français. à la fois attentive au style de chaque cinéaste et portée par champs artistiques : curatrice indépendante, conférencière, critique
une exigence propre reconduite de film en film, elle a notamment su d’art et journaliste de presse spécialisée. De 2001 à 2008, elle a dirigé
accompagner au plus précis les évolutions techniques du cinéma, conjointement la Halle für Kunst à Lüneburg et les résidences d’artistes
en particulier le passage de la pellicule au numérique. Elle vient au château Bleckede tout en enseignant l’art théorique et la pratique
d’achever la réalisation d’un téléfilm intitulé Berthe Morisot. curatoriale à l’université de Lüneburg. à partir de 2009, elle a enseigné
à la Haute école d’art et de design de Genève. De 2007 à 2012, elle a
fait partie du comité de sélection pour le Forum Expanded au Festival
international du film de Berlin. Elle est depuis 2012 conseillère pour
le festival du film de Florence. Elle est également commissaire d’art
contemporain à la Kunsthalle Mulhouse - Centre d’art contemporain et
au Belvédère de Vienne. Elle a publié plusieurs monographies et écrit
pour de nombreux catalogues et diverses publications telles que les
magazines Art South Africa, IDEA... Elle s’intéresse particulièrement
au concept de musée au XXIe siècle, aux formes de la critique d’art et
aux rapports d’interface entre art et cinéma.
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la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012 compétition internationale
Jury presse
première française
FRANCINE
L’homme enquête, marche, se perd, redécouvre Macao. Maints fantômes
passent, ceux de son enfance, ceux du passé colonial, ceux des femmes
fatales et des polars, des séries B et des ombres à la fois redoutées et
Brian M. Cassidy, Melanie Shatzky aimées. Comme si la mémoire d’un être, celle d’une ville et celle du grand
état-unis / Canada . 2012 . 1h14 . fichier hd . premier film
cinéma romanesque d’autrefois étaient devenues une seule et même
Avec Melissa Leo, Victoria Charkut, Keith Leonard Scénario BM. Cassidy, M. chose : une seule et même réalité, une seule et même chimère.
Shatzky Image BM. Cassidy Montage BM. Cassidy, Benjamin Gray, M. Shatzky,
Production Washington Square Films, Pigeon Projects present Ventes internationales première internationale
L’Intervallo
The Film Sales Compagny
Francine sort de prison. On ne saura pas ce qui l’y avait conduite. Francine
ne dira pas davantage quelle place elle aimerait trouver ou retrouver, au
sein de quel monde, maintenant qu’elle n’est plus enfermée. Son silence, Leonardo Di Costanzo
la fatigue de son visage, le minimalisme de maintes scènes évoquent de
prime abord une certaine tendance du cinéma d’auteur international : se italie . 2012 . 1h21 . DCP . premier film
Avec Alessio Gallo, Francesca Riso, Salvatore Ruocco, Carmine Paternoster Scénario L.
tenir à l’écart du bruissement du monde et du bavardage commercial.
di Costanzo Image Luca Bigazzi Montage Carlotta Cristiani Production Tempesta Film
Miser sur le retrait, sur la pureté. Il en va différemment avec Brian M. Ventes internationales Bellissima Films
Cassidy et Melanie Shatzky. Francine se laisse emporter par la surprise Veronica et Salvatore passent ensemble une journée dans une grande
d’un concert de heavy metal au milieu d’un champ, au son duquel elle maison désaffectée des abords de Naples. Ils ont entre quatorze et
agite la tête et tout le corps sans retenue, comme si elle avait enfin seize ans. Veronica s’est aventurée à flirter avec un garçon d’un autre
trouvé une langue selon son coeur. Francine se laisse prendre par une quartier, et les voyous de la mafia locale ont jugé nécessaire de la punir
rencontre de passage, la tête collée contre un miroir où nous voyons en la plaçant sur la surveillance de Salvatore, dont l’ordinaire passe à
son reflet : voici sans doute une des rares scènes de sexe réussies vendre de la glace à travers la ville. Elle est effrontée, il est gauche. Elle
du cinéma contemporain, sinon du cinéma tout court. Francine et une le provoque, il se défend comme il peut. Le film s’ouvre au matin et se
amie de hasard s’enlacent. Francine a chez elle une colonie de chats, clôt à la nuit. Unité d’action et de lieu ? Pas tout à fait. Si la relation entre
et bientôt elle trouve une place chez un vétérinaire. Là, la proximité des les deux adolescents va bien de la méfiance à la complicité, elle restera
animaux blessés la bouleverse, les chiens qu’on pique, les chattes qu’on sans terme ni apogée, et peut-être même sans leçon : elle n’aura guère
stérilise, le mutisme de leur souffrance répondant à son propre mutisme. été qu’un intervalle. Que la maison demeure le seul théâtre n’empêche
Francine n’est pas butée. Elle est un être d’abandon et d’amour, auquel pas les chausse-trappes et les dégagements, tantôt réalistes, tantôt
Melissa Léo - actrice dans les séries Treme et Louie, lauréate d’un oscar plus volontiers oniriques. Echappée vers un sous-sol où un lac et une
pour The Fighter - prête sa beauté sans fard. Francine n’est pas un film barque attendent les visiteurs ; vers des recoins où une chienne, tout à
sur la réserve. C’est un film sur la compassion. En sourdine, on peut y coup éclairée comme à la bougie, nourrit ses petits ; vers une chambre
entendre résonner une formule fameuse : « L’homme - la femme - qui où souffle encore l’esprit d’un fantôme ; vers une forêt où ils manquent
souffre est une bête. La bête qui souffre est un homme - une femme. » de se perdre et où Salvatore montre à Veronica comment apprendre
Pas plus contemporain que ce souci-là. des oiseaux s’il va bientôt pleuvoir ; vers un toit – plus belle scène du
film – depuis lequel, dominant et observant les alentours, Veronica et
Salvatore imaginent qui ils souhaiteraient tuer, et qui épargner, si le
pouvoir leur en était magiquement donné. Le lieu aussi, le lieu surtout est
donc rempli d’intervalles et d’interstices, de respirations et d’ouvertures
insoupçonnées. Première fiction d’un cinéaste rompu au documentaire,
L’Intervallo est une méditation délicate sur les contraintes et les délices,
les apories et les libertés de l’emprisonnement provisoire.
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aujourd’hui © Jour2Fête - francine © The Film Sales Compagny - la dernière fois que j’ai vu macao © épicentre Films - L’intervallo © Bellissima Films 11...
compétition internationale la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
première française
Tomorrow
première internationale
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Los mejores temas © Interior13 Cine - pincus © David Fenster - sharqiya © ASC - tomorrow © Andrei Gryazev
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jean-pierre léaud panorama en dix films la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
...14
©
« À la lecture du scénario du
Pornographe, je me suis dit :
“Mais qu’est ce que c’est que
ça ?” J’avais l’impression qu’on
m’invitait dans une partouze,
jean-pierre léaud
dans une Strauss-Kahn… »
Qu’est-ce que Jean-Pierre Léaud ? Un acteur ? N’est-il pas plutôt le plus génial des « non-
acteurs professionnels » ? Il a créé une manière de ne pas jouer, ou de rêver ses rôles, de les
halluciner. Sans emphase, en levant seulement l’index en l’air ou les yeux au ciel. On a parlé de
lui comme de l’invention majeure de la Nouvelle Vague. On l’a comparé aux stars du muet, par
exemple Buster Keaton. On l’a dit « mime et médium ». Léaud est le trésor vivant de ce que le
cinéma français – et pas seulement français – a créé de meilleur depuis cinquante ans. Il a été et est
encore le modèle de tant d’acteurs venus à sa suite, Mathieu Amalric, Louis Garrel… Sa présence
dans les films est toujours inexplicable, elle tient du miracle ou de l’hypothèse pure. C’est dire
combien nous sommes fiers de pouvoir, grâce à Thierry Lounas qui l’a interviewé pour So Film,
l’accueillir pour un panorama de dix films, de Truffaut à Bonello, d’Eustache à Tsai Ming-liang, de
Godard à Garrel, de Skolimowski à Belvaux ou Dubroux…
Peut-on être un mythe et très en forme ? Oui, Jean-Pierre Léaud le prouve. L’acteur fétiche de la Nouvelle Vague – et la plus
belle filmographie d’Europe – est d’abord un cinéphile passionné et un « intellectuel » de combat. À l’occasion de la sortie du
dernier film de Noémie Lvovsky, Camille redouble, où il tient le rôle de l’horloger, Léaud a accepté de se mettre à table dans son
restaurant fétiche de Montparnasse. Accompagné de sa femme, Brigitte Duvivier, car, de son propre aveu, « quand elle est là,
je m’illumine ». Il n’avait pas donné d’entretien depuis plusieurs années. Mais Léaud veut qu’on le sache : il est dans la place.
Veuillez m’excuser si je ne tiens pas la cadence des questions/réponses. Ce n’est pas du tout mon habitude de répondre aux
journalistes. Et je ne suis pas très entraîné non plus. C’est très sportif, un entretien. Vous avez vu le film de Noémie Lvovsky
(Camille redouble, ndlr) ? Oui ? Vous avez donc un avantage sur moi parce que je ne vois pas les films dans lesquels je tourne.
Depuis la mort de François Truffaut, j’ai peur d’être trop critique à mon égard. J’ai peur que l’image très narcissique que j’ai de
moi-même ne corresponde pas à l’objectivité de la pellicule.
Truffaut parlait de vous comme d’un acteur « antidocumentaire », de science-fiction… Vous êtes d’accord avec lui ? Au cinéma
peut-être ; dans la vie, non. Je suis complètement différent dans la vie et au cinéma. Quand je tourne, je suis là. J’ai ma musique.
J’ai mon texte. Il y a la caméra. Il n’y a plus qu’un seul moment : celui où je m’inscris avec mon corps dans le jeu, pour créer le
personnage. Dans la vie : il n’y a pas tout ça. Donc je ne crée pas un personnage dans la vie de tous les jours. J’ai mon costume,
ma cravate, mais il ne se passe rien. La vie n’existe que quand je tourne. Voilà le paradoxe.
Êtes-vous le genre d’acteur à travailler ? Je suis un bûcheur ! J’arrive avec mes repères, j’ai le texte. À ce moment-là, je suis, je
lis, je dis, j’existe. Mais il faut la caméra. Dans la vie, il n’y a pas de caméra et je deviens ennuyeux. La caméra, c’est mon point de
repère. D’ailleurs, je n’ai pas vu le film de Carax (Holy Motors, ndlr), mais il paraît qu’à un moment, Lavant dit : « Sans la caméra,
je n’ai plus de point de repère, je ne sais plus quoi être. » Je dirais exactement la même chose à mon sujet. C’est là le paradoxe :
je suis complètement à l’aise devant une caméra, dix mille fois plus que dans la vie. C’est clair : j’ai commencé à 14 ans. À 14 ans,
j’étais naturel devant la caméra. J’aimais déjà ce moment d’énergie dans lequel vous vous appropriez la densité qui est sur le
plateau, pour créer, pour faire des propositions, une gestuelle, des mimiques… Je n’ai pas ce qu’on appelle « le trac ». Dans la
vie, on peut être timide, ne pas oser dire quelque chose qui nous tient à cœur. Devant la caméra, je m’en fous, je dis tout. J’ai la
même volonté et la même véhémence que j’avais à l’époque des 400 Coups.
Y a-t-il une part d’improvisation dans votre interprétation ? Tout est improvisé, rien n’est improvisé. Je ne change jamais le texte,
j’improvise à l’intérieur du texte. Je répète jusqu’à saturation complète du sens, jusqu’à ce qu’on n’y comprenne plus rien et,
tout à coup, il y a une sorte d’aimant interne qui vient de ma mère et je sens comment je dois retrouver le texte. C’est-à-dire du
signifié au signifiant ! Jusqu’au morphème ! Jusqu’au phonème ! Je vais tout décortiquer jusqu’à l’incompréhensible complet ! De
manière à ce que ça entre… Et je retrouve sur le plateau le naturel et l’invention… J’ai le texte dans la tête toute la journée ; il ne
me reste plus, au moment de la prise, qu’à faire une composition… Et le metteur en scène dit : « Oui, on garde ça ou ça », et voilà.
Vous répétez ? Oui, mais tout seul. Prenez La Maman et la Putain. Le personnage principal, ce n’est pas l’acteur ou l’actrice,
c’est le texte, le texte de Jean Eustache. Bon, là, pour la première fois de ma vie, quand ça m’est tombé entre les mains, je me
suis dit : « J’ai besoin absolument de quelqu’un qui me fasse répéter. » À l’oreille, tous les soirs, j’ai commencé à apprendre
avec quelqu’un qui me soufflait. Il se trouve que c’était la fille avec qui j’étais à l’époque. Heureusement qu’elle était là,
Eustache était tellement intraitable : au mot près, à la virgule près et une seule prise par plan.
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© Samuel Kirszenbaum
jean-pierre léaud panorama en dix films la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
Vous êtes contre les films pornos par principe ? Pas par principe du tout.
François Truffaut, lui, était contre. Un jour, je le croise dans la rue et on
rencontre un producteur que je connaissais bien – qui est mort il n’y a pas
très longtemps, d’ailleurs – et François me dit : « Tu vois ce type là-bas ? S’il
savait que le cinéma porno rapporte du pognon, eh bien il serait producteur
de films pornos. » C’est ce qu’il pouvait dire de pire sur quelqu’un.
Mais Godard aurait très bien pu faire un film porno, non ? Certaines scènes
de ses films s’en approchent. Ah mais Jean-Luc, c’est le seul qui pourrait
se le permettre ! Parce que son regard moral est tel que ce n’est plus du
tout porno. Ce qui fait bander tout le monde, tout d’un coup, ne ferait plus
bander personne ! C’est ça, Jean-Luc. Comme Bonello n’est pas Jean-Luc, j’ai
fait du champ-contrechamp avec lui. Avec Godard j’aurais accepté de tout
faire dans un même plan. C’est tellement scientifique que ce n’est plus porno
pour personne !
Vous avez malgré tout joué dans un film de Pasolini qui s’appelle Porcherie...
Oui, mais le bourgeois gauchiste que je joue se fait quand même bouffer par
les porcs. C’est ça la morale de l’histoire : les porcs sont bouffés par les porcs.
Comment s’est passé le tournage ? Ça s’est mal passé. Pasolini sur un plateau,
c’est la nuit des temps, c’est les abysses. Il vous donne le texte la veille du
tournage, donc pour ma méthode de travail, pour répéter, cela devient
compliqué. Il ne cessait de dire, et je me le répèterai toute ma vie : « Plus
mozartien ». Mais je ne voyais pas trop ce que Mozart venait faire là. Pourtant,
j’étais fou de joie de tourner avec Pier Paolo, car à l’époque on se connaissait
et on s’aimait tous. Ensuite, après le tournage, j’ai eu une petite déprime et
quelqu’un m’a emmené en Grèce pour que j’aille mieux. Il pensait que le soleil,
les vagues, la mer me feraient du bien. La proposition n’était pas méchante,
seulement ça s’est passé au moment où Pier Paolo postsynchronisait le film.
Comme je n’étais pas là, il a mis une autre voix, la voix d’un autre, à la place de
la mienne. Alors bon, ça c’est un grand regret parce que j’aurais préféré que
ce soit ma voix et que j’incarne le personnage à part entière. Je l’ai amèrement
regretté. Je suis allé à Rome, j’ai demandé la copie, j’ai synchronisé ma voix
et j’ai demandé à ce qu’il enlève la voix du type en question. Mais ça n’a pas
marché et donc ce qu’il reste, c’est la voix d’un autre, sur mon corps.
Ce corps sans votre voix, c’est encore vous ? Ça dénature tout. À la limite
un geste sans parole, pourquoi pas. C’est même ma quête. On a besoin des
gestes.
À part Porcherie, un tournage qui se passe spécialement mal, ça vous est déjà
arrivé ? La seule chose qui puisse vraiment m’arriver sur un film, c’est que je
n’arrive pas à appliquer ma méthode de travail. Que je ne sois pas parfait. Et
que je n’arrive pas à créer quelque chose qui serait un film dans le film. Parce
que moi, je réalise toujours un film dans le film. Mais avec Godard, c’est pas
si facile : il voit bien que j’essaye de prendre les choses à mon compte, que
je mets un petit peu en scène. Alors il y a un bras de fer, mais on s’adore. On
s’adore, on s’adore, on s’adore. Par exemple, Noémie Lvovsky m’a dit : « Vous
êtes un grand directeur d’acteurs, vous avez réussi à faire changer ma façon de
jouer pour m’adapter à votre rôle. Vous êtes celui qui donne le la. »
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le départ © Malavida
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jean-pierre léaud panorama en dix films la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
visage
J’ai engagé un tueur Tsai Ming-liang
Aki Kaurismäki
france / chine . 2009 . 2h21 . 35mm
finlande . 1991 . 1h20 . 35mm Avec JJ-P. Léaud, Laetitia Casta, Fanny Ardant, Lee Kang-sheng sénario Tsai Ming-
liang Image Pen-Jung Liao Montage Jacques Comets Production JBA Productions,
Avec J-P. Léaud, Margi Clarke, Serge Reggiani sénario A. Kaurismäki Image Timo
Homegreen films, Tarantula, Arte France Cinéma, Circe Films Distribution Rezo Films
Salminen Montage Timo Salminen Production Pyramide Films, Pandora Filmproduktion
GmbH, Svenska Filminstistutet, Villealfa Filmproductions Distribution Pyramide Distribution Un réalisateur taïwanais est invité à tourner l’histoire de Salomé au
Henri Boulange a décidé de mettre fin à ses jours. Devant les difficultés musée du Louvre. Malgré sa réputation, il tient absolument à confier
qui s’accumulent, grève des agents du gaz et ses maladresses le rôle du roi Hérode à Jean-Pierre Léaud. Pour donner à ce film au
personnelles, il décide d’engager un tueur. budget modeste une chance au box office, la production s’est résolue
à confier le rôle de Salomé à une star de renommée internationale.
Mais dès le début du tournage, les problèmes s’accumulent...
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masculin, féminin © Tamasa Distribution - visage © Rezo Films
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Tourner de préférence à l’étranger, avec
des équipes et dans des pays dont on ne
maîtrise pas la langue. S’en remettre aux
énigmes, celles de la durée qui fait et défait
les choses dans le cadre, celles de l’écart
entre les idiomes, entre les corps, entre
les mémoires, entre les images. Inventer
un cinéma qui vous échappe, un cinéma
que vous-même, tout grand cinéaste que
vous êtes, ne sauriez comprendre.
Nobuhiro Suwa
Un cinéma sans soi, ou le souci de Suwa
Nobuhiro Suwa est l’un des grands modernes du cinéma contemporain. Avec Un couple parfait (2005), il s’est souvenu
d’Ingrid Bergman et de George Sanders, de Roberto Rossellini et de leur Voyage en Italie, en mettant en scène un couple – Bruno
Todeschini et Valeria Bruni-Tedeschi – venu chercher dans une ville devenue étrangère la fin et, peut-être, la renaissance de
son histoire. Avant cela, il a raconté dans H Story (2001) l’échec du tournage d’un remake de Hiroshima mon amour : il a ainsi
superposé deux impossibilités, se remémorer la catastrophe nucléaire et réitérer le chef d’œuvre de Marguerite Duras et d’Alain
Resnais. « Superposé » n’est pas le mot adéquat : H Story traite de la répétition comme effacement ; de la trace, certes, mais aussi
de son brouillage… La reprise ? Non : la déprise. Refaire ? Non : défaire ou laisser faire. Le cinéma de Suwa échappe, il est sans
soi. Il n’appartient à personne, et surtout pas à Suwa.
Le cinéaste japonais s’applique en effet à n’être pas propriétaire de ses images et de ses sons. Dès 2/Duo (1997), il a compris que
les plus forts sont souvent ceux qui savent faire droit à la fébrilité, aux défaillances, aux manques : ceux qui savent être forts
de leur faiblesse. S’effacer devant le monde, mais cela est encore un cliché. S’en remettre à d’autres, techniciens et acteurs, à
leurs compétences ou à leurs caprices : tout film est œuvre collective, nul ne la signe sinon son tournage, les circonstances qui
l’ont vu naître... Ne rien préméditer, réduire les scénarios à quelques feuillets, demander aux comédiens comment ils imaginent
que pourrait finir l’histoire et filmer cette fin. Tourner à l’étranger, avec des équipes et dans des pays dont on ne maîtrise pas la
langue. S’en remettre aux énigmes de la durée, à celles de l’écart entre les idiomes, entre les corps, entre les mémoires, entre les
images. Inventer un cinéma qui échappe. Un cinéma que vous-même, tout grand cinéaste que vous êtes, ne sauriez comprendre.
Après 2 /Duo sont venus M/Other puis H Story. Les titres indiquent assez clairement que pour Suwa, (s’)échapper c’est (se) diviser.
La division est son grand souci, la division comme séparation, trait et retrait, slash ou élision. Dans H Story, par exemple, l’élision
du i de history n’est pas une coquetterie. Elle vient dire, ou plutôt ne pas dire que l’histoire d’Hiroshima, la H Story a séparé
l’Histoire d’elle-même en la privant non seulement d’une lettre, mais de toute marque de propriété. History n’est plus his story,
son histoire. Elle est devenue H Story, l’Histoire d’Hiroshima comme Histoire de personne, Histoire sans sien ni propre. Tout, dès
lors, bée ou bégaie, et les trous de mémoire de l’actrice interprétée par Béatrice Dalle sont la seule manière de retrouver ceux de
la rescapée autrefois interprétée par Emmanuelle Riva.
Il n’y a pas de cinéma seul, pour Suwa. Il n’y a de cinéma de fendu, commençant à deux. Aussi a-t-il toujours veillé à travailler
avec des collaborateurs qui, autant – ou aussi peu – que lui, pourraient revendiquer la paternité des films : Caroline Champetier
pour H Story et Un couple parfait ; Hippolyte Girardot pour son dernier long métrage à ce jour, Yuki & Nina ; le formidable duo de
la maison de production Comme des cinémas, Masa Sawada et Michiko Yoshitake. Etre deux, pour filmer avec deux corps, avec
deux pensées. Jean-Luc Godard eut le même souhait, lorsqu’il forma tandem avec Jean-Pierre Gorin, Jean-Pierre Beauviala ou
Anne-Marie Miéville. Jean Eustache également, lorsqu’il demanda à Jean-Michel Barjol de cofilmer et cosigner Le Cochon. Benoît
Delépine et Gustave Kervern encore, autres invités d’honneur de cette édition, qui n’envisagent pas de filmer autrement qu’en
duo mais refusent entre eux toute attribution réglée des tâches et des talents. Ne pas faire du cinéma une question de label
déposé par un nom propre… Ne plus être auteur, en tout cas ne pas être seulement cela.
Etre par exemple un cinéaste japonais et un acteur français pour mettre en scène une histoire où il n’y a que du deux, l’épopée
de deux jeunes filles de moins de 10 ans, l’une franco-japonaise et l’autre française : Yuki & Nina ; parents & enfants ; France &
Japon ; ville & forêt ; fiction & documentaire. Lors de la présentation à la Quinzaine des Réalisateurs, Suwa affirma même que
Yuki & Nina était le résultat du travail conjoint de quatre personnes : ne pas être un, ni même deux, mais quatre, et peut-être un
jour toute une foule…
Revenons encore aux titres : Un couple parfait puis Yuki & Nina suggèrent une évolution, un apaisement. Avec le temps la division
s’est à la fois multipliée et adoucie. Elle pourrait désormais n’être qu’un mirage ou un petit fantôme, le Casper de l’image : il
semble en effet si facile, dans Yuki & Nina, de quitter la ville pour la campagne, la France pour le Japon, le présent pour le passé. La
division pourrait n’être plus une blessure mais une respiration, un passage. Une nouvelle manière d’accorder les grands couples
du cinéma d’hier et plus encore d’aujourd’hui : la différence des âges et des langues, celle des terres et des régimes d’images,
entre pellicule et vidéo numérique, vertus anciennes de l’enregistrement et sortilèges actuels de l’Internet.
Retenu presque toute l’année à Tokyo, où il dirige une université et accorde beaucoup de son temps et de son attention à ses
étudiants, Suwa est un cinéaste rare et discret. Nous sommes heureux d’accueillir la première rétrospective intégrale française
qui lui est consacrée.
E.B.
Cet article reprend des éléments de la critique de Yuki & Nina publiée sur Médiapart au moment de la présentation du film à la
Quinzaine des Réalisateurs en 2009. Cet article est disponible en intégralité sur www.fif-85.com.
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TERUTERUBOZU
Avec Tomokasu Miura, Makiko Watanabe, Yudai Takahashi Scénario Tomokasu
Miura, N. Suwa, Makiko Watanabe Image Masami Inomoto Montage Shûichi Kakesu
Production Bandai Visual Company, Bitters End, Suncent CinémaWorks, WoWow
Distribution Wowow .inc JAPON . 2012 . 0h25 . fichier hd
Aki, qui travaille dans une compagnie de design, et Tetsuro, qui est Avec Yume Tanaka, Masana Hirabuki, Saori Abe, Sho Ikeda Scénario Ryo Matsutani
Image Yoshihiro Ikeuchi Montage Hisako Suwa, Keiko Okawa Production Tokyo
propriétaire d’un restaurant, vivent ensemble depuis plusieurs années. Polytechnic University Remerciements Naoto Yamkawa
A la suite d’un accident de voiture, la première femme de Tetsuro lui Dans deux pièces d’un appartement, deux couples sont contraints par
confie la garde de leur fils Shun, âgé de huit ans. Aki a du mal à se la pluie à changer leurs plans pour la journée. Ils se mettent à chercher
faire à cette situation, qui lui impose de nouvelles habitudes. une occupation et les querelles de couples émergent. Un couple
fabrique une poupée amulette pour faire venir le soleil. Il la nomme
TERUTERUBOZU, du nom d’une coutume traditionnelle japonaise.
H STORY
YUKI & NINA
Japon . 2001 . 1h52 . 35mm
Avec Béatrice Dalle, Kou Machida, N. Suwa, Caroline Champetier, Hiroaki Umano,
Michiko Yoshitake, Motoko Suhama Scénario N. Suwa, Yuji Shige Image Caroline
Champetier Montage Nobuhiro Suwa et Oshiga Yuji Production Dentsu, Imagica, JAPON, France . 2009 . 1h32 . 35mm
Suncent Cinemaworks, Tokyo Theaters Distribution Wild Bunch Distribution Avec Noë Sampy, Arielle Moutel, Tsuyu Shimizu, Hippolyte Girardot Scénario N. Suwa
N. Suwa a réuni une équipe de tournage dans sa ville natale, Hiroshima, et Hippolyte Girardot Image Josée Deshaies Montage Hyppolyte Girardot, Hisako Suwa,
Laurence Briaud Production Comme des enfants Distribution AD Vitam
pour réaliser un remake de Hiroshima mon amour d’Alain Resnais.
Quand Yuki, une petite franco-japonaise de 9 ans, apprend que ses
Béatrice Dalle et Caroline Champetier, la chef opératrice, sont venues
parents se séparent, elle comprend qu’elle devra suivre sa mère, au
assister Suwa dans cette délicate reconstitution historique.
Japon. Outre la séparation d’avec son père, cet exil l’obligera à quitter
Nina, sa seule amie. Ensemble, elles vont tenter d’empêcher cette
séparation et son départ catastrophique. Finalement, une fugue dans
uN COUPLE PARFAIT la forêt leur semble la seule issue.
JAPON, France . 2006 . 1h44 . 35mm
Avec Valéria Bruni-Tedeschi, Bruno Todeschini, Nathalie Boutefeu, Jacques Doillon,
Louis-Do de Lencquesaing, Alex Descas, Marc Citti Scénario N. Suwa Image Caroline
Champetier Montage Dominique Auvray Production Comme des enfants, Arte France
Friends
Cinéma, Bitters End, CNC Distribution CTV International
Ce journal intime inédit, tourné en super 8 dans la manière de Jonas
Après plusieurs années de vie commune à l’étranger, Nicolas et
Mekas, sera visible pendant toute la durée du festival, dans le hall du
Marie sont sur le point de divorcer. Ils décident pourtant de se rendre
Manège, sur écrans plats.
ensemble à la cérémonie de mariage d’un de leurs amis, en France.
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2/DUO © Capricci films - H story © Wild bunch Distribution
rétrospective - carte blanche - invités la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
benoît delépine
de la télévision, de l’écriture,
pour gagner notre vie. Le cinéma
&
représente le stade d’après. »
Ceux qui sont récemment passés
de la télévision au cinéma sont
gustave kervern
légion. Mais peu ont décrit la
transition en ces termes : non
comme une promotion mais
comme un allègement.
Après le travail
Le dernier mot de Benoît Delépine et de Gustave Kervern, pourrait être l’un des premiers. Le sujet des films qu’ils
coréalisent depuis maintenant huit ans est, confient-ils, « la libération de quelqu’un grâce à l’amitié et à l’art » ; il s’agit d’«
échapper au dur monde du travail par l’amitié et par l’art ». Cette description obéit à un principe énoncé plus tôt par les intéressés
: « faire d’un souci un bonheur ». Car le souci vient en effet d’abord : avant de connaître le bonheur d’une échappée belle, les
héros mis en scène par le duo sont brutalement congédiés, foutus à la porte ou à la retraite.
Le télétravailleur d’Aaltra (2004) est menacé d’un licenciement puis mis hors d’état de nuire à la suite d’une bagarre qui l’oppose
à un voisin ouvrier agricole : les voici tous deux condamnés à aller en fauteuil roulant pour le restant de leurs jours. La fable du
deuxième film, Avida (2006), est plus obscure, mais réduite à sa plus simple expression, elle raconte une histoire comparable, la
balade aux confins de la France et de la Belgique d’un gardien sourd-muet, libéré par la force des choses – la mort de son patron –,
et d’une mannequin devenue obèse afin de se soustraire aux canons de son métier, mais dont le poids est devenu tel qu’elle est à
présent, si l’on peut dire, asservie à son affranchissement.
Les films suivants continueront de creuser ce paradoxe d’un renvoi providentiel ou d’une libération sous contrainte. Fermeture
d’usine sans préavis, pour Louise-Michel (2008), après quoi les ouvrières décident d’employer leurs indemnités à rémunérer
l’assassinat de leur patron par un professionnel. Départ en retraite pour Mammuth (2010), déclencheur d’un autre départ, sur les
routes, où Serge va récolter les justificatifs dont il a besoin pour la toucher, sa retraite. Et maintenant, dans Le Grand Soir (2012),
licenciement du vendeur de matelas joué par Albert Dupontel, qui rejoint sur d’autres chemins son frère, Benoît Poelvoorde, sans
emploi mais non sans titre, puisqu’autoproclamé « plus vieux punk à chien d’Europe ».
Interprétant eux-mêmes les rôles principaux, les deux auteurs s’étaient préparés dès Aaltra à jouer à la fois la servitude et la
libération, le désoeuvrement et l’effort. Les détails du récit de ce premier road-movie indiquent comment : si les voisins décident
de gagner la Finlande, c’est en effet pour obtenir réparation du constructeur de la machine agricole qui leur a brisé le dos au cours
de leur bagarre. Après maintes péripéties, ils finissent par découvrir un atelier au fond d’un hangar. Surprise : le patron a les traits
du cinéaste Aki Kaurismäki. Surprise : lui aussi est en fauteuil, de même que tous ses employés. Sourire amusé : « Apparemment,
vous connaissez bien mon matériel… Vous voulez travailler ici ? » Oui, répondent les compères, moitié ravis, moitié inquiets, ce
dont ni la pluie ni l’alcool ne suffisent à rendre compte.
Leur perplexité se conçoit : à quelle tâche, dans quel ordre cet étrange patron-cinéaste peut-il donc les avoir intronisés ? La
morale d’Aaltra tient du gag chuchoté, elle ne se paie pas de mots. Il faut cependant tenter de la dire, car les films postérieurs
l’ont reconduite peu ou prou. Du travail, nous suggérerait-elle, on ne se sort pas si brutalement, ni facilement, qu’on pourrait
croire. Ce qui nous libère commence par nous écraser, ce qui nous écrase nous libérera. Le mouvement qui, de gré ou de force,
nous soustrait à la terre et à ses labeurs nous y ramène, de force ou de gré. S’arracher au travail c’est aussi revenir au point où
son origine (l’usine) et sa fin (le fauteuil roulant) coïncident et se dérobent à la fois.
C’est une même remontée à la source – impossible, inévitable – que narre Louise-Michel, où les tribulations de Louise et
de Michel aux trousses du patron voyou les conduisent de la Picardie à Bruxelles, puis de Bruxelles à Jersey, autre lieu où le travail a
rencontre son absence. Puis Mammuth, où, son épouse s’étant plainte – d’une formule elle-même non dénuée de
paradoxe : « Première journée de retraite et c’est l’anarchie ! » – , Serge s’évade en moto, mais pour reparcourir en sens inverse
les étapes nombreuses de son curriculum. Et enfin Le Grand Soir, où le message de révolte s’épelle avec les lettres décrochées des
enseignes du mercantilisme.
Tandis que la moto file, les fiches de salaire s’envolent, à l’arrière. Elles s’envolent comme des confettis, comme le souvenir des
« vies antérieures » de Serge, comme l’énergie dont a besoin l’antique machine pour rouler encore : traçons la route, passons à
autre chose, oublions le passé… Soyons légers de cela même dont nous fûmes lourds, comme Gérard Depardieu est plus gracieux
et féminin que jamais, malgré sa masse et sa crinière de catcheur – comme Yolande Moreau et Bouli Lanners étaient gracieux,
déjà, dans Louise-Michel, malgré et grâce à l’incertitude de leur sexe. Les papiers s’envolent au vent mauvais des pesanteurs
salariales, comme au vent meilleur de l’échappée enfin belle, certes, mais au plan suivant la moto est arrêtée sur le bord de la
route et Serge ramasse ces mêmes papiers dans l’herbe, un par un. Après le travail vient toujours le temps d’un autre travail, fût-il
d’un genre nouveau, buissonnier, transformant la paperasse en cueillette.
Une part importante du cinéma de Delépine et Kervern passe dans la succession de ces deux moments de Mammuth. Il y a la
décision de résumer chaque épisode par un seul plan, volontiers fixe, qui dit beaucoup sans pour autant faire de phrases. Il y a la
capacité de passer d’une chose à son contraire sans davantage de phrases, de l’usine au désœuvrement, de la joie au désespoir
distrait… Il y a une absurdité aussi manifeste que benoîtement assumée. Un humour que pour cette raison on nommerait pince-
sans-rire, ou dead pan, s’il ne s’autorisait pas aussi, par endroits, de salutaires énormités. Et il y a l’élan de fuir le travail pour y
revenir, foncer et s’arrêter, moto et fauteuil roulant, ligne droite et retour en arrière, nouvelle vie et coup d’œil dans le rétroviseur.
L’enchaînement de ces deux plans montre aussi qu’« échapper au dur monde du travail » n’est pas qu’un thème, fût-il enroulé sur
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la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012 De Groland au Grand Soir
aaltra © AD Vitam
lui-même, comme il apparaît dès Aaltra. Delépine et Kervern disent en effet encore, au moment de conclure : « Malgré toute sa
joie, Groland était encore le monde du travail, de la télévision, de l’écriture, pour gagner notre vie. Le cinéma représente le stade
d’après. » Mesure-t-on assez l’exceptionnel d’un tel propos ? S’ils sont légion, ceux qui sont récemment passés de la télévision au
cinéma, peu – qui d’autre ? – ont décrit la transition en ces termes, non comme une promotion mais comme un allègement. Non
comme une charge mais comme une décharge.
Une planque ? Ce serait exagérer. Car non seulement le cinéma reste une promotion symbolique, mais il faut beaucoup de
travail, c’est connu, pour arriver à ne pas travailler ou paraître ne plus s’en faire souci. L’essentiel demeure toutefois : échapper
ne concerne pas que le récit, la trajectoire des personnages ; échapper concerne le cinéma lui-même, la manière d’y venir et la
manière d’en faire. Échapper au travail concerne au premier chef le travail du film.
C’est pourquoi ceux de Delépine et Kervern sont tissés autant de refus que d’affirmations : l’avant, le travail – la télévision,
Groland, la logique du sketch, les caméos – y opèrent à la fois comme origine et comme repoussoir. C’est pourquoi leurs histoires
d’évasion s’accordent à une forme alternant elle-même le ferme et le désinvolte. C’est pourquoi l’entre-deux leur convient : entre
la télévision et le cinéma, entre le travail et ce qui lui succède, entre la signature de l’un et la signature de l’autre…
La libération est en cours, mais elle n’est jamais tout à fait accomplie. Ce qui vient après le travail ressemblera longtemps encore
à sa trace, sa mémoire ou son deuil. Mieux : son invisibilité n’est bien souvent que l’une des formes actuelles de sa visibilité. Pas
d’erreur, donc : le seul paradis ici-bas est fiscal, ce n’est qu’une énième chimère du capitalisme. Une telle humilité fixe le prix de ce
que, au terme de cinq films dont chacun a été une nouvelle étape, il n’est pas prématuré d’appeler d’un mot désignant justement
ce qui est plus et moins qu’un travail, tout ensemble son triomphe et sa déroute : une œuvre.
E.B.
Extrait de l’introduction à BENOÎT DELéPINE ET GUSTAVE KERVERN. DE GROLAND AU GRAND SOIR
Entretien avec Benoît Delépine et Gustave Kervern par Hervé Aubron et Emmanuel Burdeau - éd. Capricci
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Grands soirs, par Benoît Delépine et Gustave Kervern la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
louise-michel © AD Vitam
Aaltra mammuth
France, Belgique . 2004 . 1h34 . N&B . 35mm France . 2010 . 1h32 . 35mm
Avec BD, GK, Pierre Carles, Aki Kaurismäki, Benoît Poelvoorde, Noël Godin Scénario BD, Avec Gérard Depardieu, Yolande Moreau, Isabelle Adjani, Benoît Poelvoorde Scénario
GK Image Hugues Poulain, Jackson Elizondo Montage Anne-Laure Guégan Musique BD, GK Image Hugues Poulain Montage Stéphane Elmadjian Production GMT
Les Wampas Production La Parti Production, OF2B Productions Distribution AD Vitam Productions, No Money Productions Distribution AD Vitam
Deux voisins. Ils se dérangent et se détestent. Une violente dispute Serge Pilardosse vient d’avoir 60 ans. Il travaille depuis l’âge de
se termine à l’hôpital à cause d’une benne agricole qui s’est écrasée 16 ans, jamais au chômage, jamais malade. Mais l’heure de la
sur eux pendant leur bagarre. Ils sont paralysés des deux jambes retraite a sonné, et c’est la désillusion : il lui manque des points,
et sortent de l’hôpital en chaises roulantes. Après réflexion, chacun certains employeurs ayant oublié de le déclarer ! Poussé par
renonce au suicide et ils se retrouvent par hasard sur le quai de la Catherine, sa femme, il enfourche sa vieille moto des années 70,
gare. Commence alors pour eux un voyage improbable et atypique. une « Mammut » qui lui vaut son surnom, et part à la recherche
Objectif : aller réclamer des indemnités au constructeur du matériel de ses bulletins de salaire. Durant son périple, il retrouve son
agricole qui se trouve en Finlande. Ces deux paralytiques vont vivre passé et sa quête de documents administratifs devient bientôt
un véritable parcours initiatique : la découverte de son voisin. accessoire...
le grand soir
Entreprise, StudioCanal, No Money Productions Distribution AD Vitam
Un sourd-muet et deux drogués à la kétamine ratent l’enlèvement du
chien d’une milliardaire plantureuse. Elle en profite pour les forcer France . 2012 . 1h32. 35mm
à réaliser ses dernières volontés. La philosophie : « Le train-train Avec Benoît Poelvoorde, Albert Dupontel, Brigitte Fontaine, Areski Belkacem, Bouli
quotidien va bientôt dérailler, qui veut rester dedans n’a qu’à bien Lanners, Yolande Moreau Scénario BD, GK Image Hugues Poulain Montage Stéphane
Elmadjian Musique Brigitte Fontaine et Areski Belkacem Production GMT Productions,
s’accrocher ».
Panache Productions, No Money Productions, Compagnie cinématographique
européenne, Anga Productions Coproduction Arte France Cinéma Distribution AD Vitam
Les Bonzini tiennent le restaurant la Pataterie dans une zone
louise-michel commerciale. Leur fils aîné, Not, est le plus vieux punk à chien
d’Europe. Son frère, Jean-Pierre, est vendeur dans un magasin de
France . 2008 . 1h30 . 35mm literie. Quand Jean-Pierre est licencié, les deux frères se retrouvent.
Avec Yolande Moreau, Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde, Kafka, Mathieu Kassovitz
Scénario BD, GK Image Hugues Poulain Montage Stéphane Elmadjian Production MNP
Le Grand Soir, c’est l’histoire d’une famille qui décide de faire la
Ent., StudioCanal, Arte France Cinéma, No Money Productions Distribution AD Vitam révolution... à sa manière.
Quelque part en Picardie, le patron d’une entreprise de cintres vide
son usine dans la nuit pour la délocaliser. Le lendemain, les ouvrières
se réunissent et mettent le peu d’argent de leurs indemnités dans un
projet commun : faire buter le patron par un professionnel.
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la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012 Grands soirs, par Benoît Delépine et Gustave Kervern
ENTR’ ACTE On est tombés amoureux d’un musée extraordinaire mêlant toiles
anciennes et œuvre d’art contemporain. On y a découvert le film
René Clair surréaliste extraordinaire de René Clair, Entr’acte (1924). Le film
France . 1924 . 0h21 . N&B . 35mm passait en boucle, on est tombés à genoux. Du coup, on a commencé
Avec Marcel Duchamp, Erik Satie, Man Ray Scénario Francis Picabia Image Jimmy Berliet à s’intéresser au surréalisme. C’est là qu’on a vu une toile célèbre
Musique Erik Satie Production Les Ballets Suédois Distribution Gaumont Pathé Archives de Dalí, dont on imaginait qu’elle faisait quatre mètres sur trois alors
une danseuse barbue, un chasseur tyrolien, un corbillard tiré par un qu’elle est minuscule : on dirait presque des pattes de mouche… On
chameau et une course derrière un cercueil. était effarés. Cette toile nous a marqués plus que toutes les autres.
On a eu envie de faire un film comme un tableau. C’est pour cette
raison qu’Avida est en format carré et en noir et blanc : le format carré
UN CHIEN ANDALOU évoque la peinture, et le noir et blanc emmène tout de suite dans
la poésie. Comme on fait confiance au hasard, on a considéré que
Luis Buñuel
c’était un hasard bienheureux, et plutôt que de partir sur Brueghel
France . 1928 . 0h17 . N&B . 35mm et la montagne, La Tour de Babel (1563), comme on l’avait d’abord
Avec L. Buñuel, Pierre Batcheff, Simone Mareuil, Salvador Dalí Scénario L. Buñuel, S.
Dalí Image Albert Duverger Montage L. Buñuel Production L. Buñuel Distribution Les
prévu, on est partis du côté du surréalisme… J’avais flashé une nuit,
Grands Films Classiques à la télé, sur L’Âge d’or (1930), à l’époque de la Sept, je crois. Ce film
Tout commence sur un balcon où un homme aiguise un rasoir... m’a définitivement marqué. Après ça il ne reste plus qu’à arrêter le
La suite est une série de métamorphoses surréalistes. Un homme cinéma, à la limite.
sectionne l’œil d’une jeune fille. Un nuage passe devant la lune. Huit GK J’ai dû découvrir L’Âge d’or et Un chien andalou (1929) après.
ans après. Un cycliste tombe accidenté dans la rue. La jeune fille lui
porte secours et l’embrasse... Le surréalisme et Dalí sont peu aimés, aujourd’hui : on les
considère volontiers, surtout en France, comme des objets
désuets ou des pièces d’antiquité.
BD Le surréalisme a été récupéré, il est devenu un mythe, mais
L’Âge d’or les surréalistes étaient des branques, des mecs qui s’amusaient au
Luis Buñuel café, qui n’avaient pas de pognon, qui faisaient des happenings… Ils
n’étaient pas spécialement reconnus… Ils ont réussi à être à l’origine
France / espagne . 1930 . 1h02 . N&B . 35mm
Avec Gaston Monot, Lya Lys, Max Ernst Scénario L. Buñuel, S. Dalí d’après l’œuvre de choses très intéressantes, à libérer les esprits. C’est aussi pour
du Marquis de Sade Image Albert Duverger Montage L. Buñuel Production Charles de cette raison qu’on se reconnaît en eux, comme on se reconnaît dans
Noailles Distribution BFI les artistes bruts.
Sur un scenario de Buñuel et Dalí des images folles, un film choc GK Au moment d’Avida, j’avais acheté un bouquin énorme sur Dalí. Ça
qui fut longtemps frappé d’interdiction et provoqua la parution du vaut le coup de se replonger dans sa vie, l’explication des tableaux, la
Manifeste surrealiste. bouteille de Coca… Je n’admirais pas tellement sa peinture jusque-là,
je ne connaissais pas le tiers de ses tableaux, mais j’ai changé d’avis
quand j’ai lu tout et tout revu. Il faut retracer sa vie pour comprendre
VIVA LA MUERTE les toiles. Ses tableaux sont magnifiques, son imaginaire visionnaire.
Fernando Arrabal, Hassen Daldoul BD J’ai lu son Journal d’un génie. Hallucinant, fou, extraordinaire. Dalí
était un personnage. Il faut des personnages. Le punk vient aussi de
Tunisie, France . 1971 . 1h30. 35mm
Avec Anouck Ferjac, F. Arrabal, Nuria Espert, Mahdi Chaouch Scénario F. Arrabal, Claudine
là, de la fantaisie dingue d’un producteur, Malcolm McLaren. On sent
Lagrive Image Jean-Marc Ripert Montage Laurence Leininger Production Isabelle Films, que Dalí était à la charnière de ce qu’est devenu l’art contemporain.
S.A.T.P.E.C. Distribution Association Marka Lui, plutôt que Picasso, à la limite. L’art contemporain a succédé à un
La vie d’un adolescent en Espagne à la fin de la guerre civile dont le art figuratif. Tout cela était présent dans les toiles de Dalí. Il était à la
père, un rouge, a été dénoncé par sa mère. charnière, entre le mystère et l’idée, entre le charnel et l’intellectuel.
Ce n’est pas forcément très réussi. Ses tableaux ont souvent formé
Le mystère d’Avida est lié pour une part importante à l’influence les prémices d’un hyperréalisme un peu kitsch. Mais pas seulement.
du surréalisme, depuis la présence au début de Fernando
Arrabal, jusqu’à la celle, à la fin, d’un tableau inspiré de Salvador
Dalí. Entre les deux, les animaux, la logique du cadavre exquis,
l’absence de fil narratif clair, tout cela renvoie encore au PASSE-MONTAGNE
surréalisme. Comment vous est venu cet intérêt ? Jean-François Stévenin
BD Ce n’est pas par la culture, mais par les rencontres, qu’on
France . 1978 . 1h50 . 35mm
acquiert des choses, Gus et moi. Les artistes qu’on aime, on les a Avec Jacques Villeret, J-F Stévenin, Jean-François Balmer Scénario J-F Stévenin
d’abord aimés pour leurs frasques, pour leur être, le fait qu’ils aient et Michel Delahaye Image Jean-Yves Escoffier et Lionel Legros Montage Yan Dedet
l’air différents des autres, délirants, fantaisistes, n’accordant aucune Musique Brigitte Fontaine et Areski Belkacem Production France 3, Les films du
importance au qu’en-dira-t-on. Kaurismäki à la télé, Depardieu à losange Distribution Arcapix
la télé, Brigitte Fontaine à la télé… On a d’abord flashé sur eux en Georges tombe en panne dans le Jura et va faire réparer sa voiture
les voyant comme personnes. On s’est seulement intéressés à leur chez Serge, un garagiste qui travaille dans un hameau isolé. Les
œuvre par la suite. Aaltra était sélectionné à Telluride, un festival deux hommes se lient bientôt d’amitié.
incroyable aux États-Unis, dans une station de sports d’hiver, où des GK J’adore les ambiances, le son, le travail du montage. De tous
types richissimes transforment une salle de jeux en cinéma. Quelques petits plans coupés très vite, parfois assez brutalement.
films de Fernando Arrabal y étaient montrés. On marchait dans la BD Dans chaque plan, il y a un petit élément perturbant, à l’image ou
rue, désœuvrés… On ne comprend pas l’anglais, on est donc allés au son. Ce n’est pas absolument ce qu’on recherche, mais c’est super.
voir les films d’Arrabal. C’est là qu’on a découvert Viva la muerte. On On avait adoré Lune froide (Patrick Bouchitey, 1991). J’avais adoré
était quatre dans la salle. Choc dans la gueule. Puis Fernando Arrabal Double messieurs (J-F. Stévenin, 1986) à sa sortie. Je trouve étonnant
arrive pour répondre aux questions du public… que Stévenin réalise si peu de films. J’adore l’idée du scénario. Est-ce
GK … et Peter Sellars… qu’à la fin son personnage fait décoller son putain d’oiseau ou pas ?
BD Les deux… Pour nous quatre. On a fait connaissance avec La fin est superbe. Elle peut évoquer celle d’Avida, avec le tableau…
Fernando. Il nous a raconté des histoires avec Breton. Avec… J’aime quand on comprend à rebours tout ce qui s’est passé. L’idée
GK … Topor. d’avoir un dernier ami pour couper un arbre, c’est magnifique. Est-ce
BD Topor avait fini par être intronisé chez les surréalistes. Il avait qu’il veut enfin décoller, ou collecter des passages, des moments de
amené Arrabal. Ils étaient tout jeunes tous les deux. Ils ont assisté vie ? Le spectateur reste dans l’expectative.
à une des dernières réunions avec André Breton, qui pontifiait.
Breton a dit : « Attends Fernando, je vais aux toilettes. » Fernando
a attendu, il n’est jamais revenu. Il se trouve aussi qu’Aaltra avait été
sélectionné à Rotterdam. On a connu la ville, on a visité les musées…
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Grands soirs, par Benoît Delépine et Gustave Kervern la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
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MAIS NE NOUS DéLIVREZ PAS DU MAL © Joël Séria - Honor de cavallería © Capricci films
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L’apocalypse-cinéma
par Peter Szendy
Cette programmation préparée par P. Szendy accompagne la publication aux Editions Capricci de son essai intitulé L’Apocalypse-cinéma – 2012
et autres fins du monde.
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cloverfield © Paramount Picture France
L’apocalypse-cinéma la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
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4H44 dernier jour sur terre © capricci Films - le dernier rivage © Park Circus
L’apocalypse-cinéma la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
JE SUIS UNE LéGENDE Vieilles affaires, dira-t-on : les rapports entre filmeur et filmé, l’image et ses
limites logistiques, physiques, morales, etc. Certes. Mais le numérique
THE LAST MAN ON EARTH les bouleverse, ces affaires, et d’autre part l’on commence à savoir
Ubaldo Ragona, Sidney Salkcow qu’il est lui-même une histoire ancienne. Films trouvés à la décharge,
états-unis, italie . 1964 . N&B . 1h26 . dvd pendant ou après la chute. Poèmes d’adieu à ce qui fut. Cinéma de part
Avec Vincent Price, Franca Bettoia, Emma Danieli Scénario William F. Leicester, Richard en part documentaire, direct, archiviste. Incrédible mais cru.
Matheson Image Franco Delli Colli Montage Gene Ruggiero, Franca Silvi Production « Documenting… documenting. » C’est le credo de Hud, le jeune
Produzioni La Régina, Associated Producers (API) Distribution Wildside
garçon requis à la dernière minute pour filmer en mini-DV ses copains
faisant la fête et qui se retrouve à enregistrer la survenue d’un Godzilla
LE SURVIVANT s’apprêtant à raser New York. Hud est innocent, naïf, bien intentionné.
THE OMEGA MAN Rien à voir avec la figure traditionnelle du vidéaste amateur ricanant,
Boris Sagal dont l’objectif est comme un trou de serrure, une lorgnette… Bon
copain : c’est la nouvelle identité du cinéma en caméra subjective. Qui
états-unis . 1971 . 1h38 - DVD en vente dans le hall du Manège
aurait parié que la décennie 2000 verrait le retour et la réévaluation
Avec Charlton Heston, Anthony Zerbe, Rosalind Cash
d’un genre aussi peu prisé, sinon à titre théorique, de La Dame au Lac
(sur lequel Bazin écrivit) au Blair-Witch Project ? Pas moi. Les « films
JE SUIS UNE LéGENDE subjectifs » sont pourtant là, aussi nombreux que divers : Redacted,
I AM LEGEND Diary of the Dead, [REC] et son remake américain Quarantaine,
Francis Lawrence Grizzly Man et les vidéos posthumes de Timothy Treadwell…
Hud enregistre en continu, il veut tout voir. Ses yeux sont plus gros
états-unis . 2007 . 1h40 . 35mm . Avertissements : des scènes, des propos ou des
que le ventre de la bête, et pourtant son appétit n’a aucun rapport
images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs.
Avec Will Smith, Alice Braga, Charlie Tahan, Salli Richardson Scénario Akiva Goldsman, Mark avec la surveillance, le voyeurisme ou la manipulation. Le voyeurisme
Protosevich Image Andrew Lesnie Montage Wayne Wahrman Production Warner Bros., n’est plus un problème – plus le même, en tout cas – dès lors qu’il n’y
Village Roadshow Pictures, Overbrook Entertainment, Weed Road Distribution Warner Bros. a plus une caméra mais des milliers. Filmer n’est plus non-assister
une personne en danger dès lors que la caméra est si légère qu’on
Trois adaptations du même roman de Richard Matheson, Je suis
peut filmer d’une même main et assister de l’autre : les modifications
une légende (1954), trois variations cinématographiques sur le
techniques sont aussi des modifications éthiques… La manipulation
même thème du dernier homme, seul rescapé d’une pandémie qui
n’est plus davantage dans l’œil du voyeur : elle est autour, dans
a fait du monde le royaume nocturne des vampires. Qu’il s’appelle
le ballet de monstres et de soldats, d’immeubles pulvérisés et de
Robert Morgan (dans la version de 1964, incarné par un magnifique
poussières orchestré par le producteur J.J. Abrams et le cinéaste
Vincent Price) ou Robert Neville (dans les deux versions suivantes,
Matt Reeves (camarade de promotion, je le précise au passage, de
respectivement avec Charlton Heston et Will Smith), l’unique être
Judd Apatow à USC). L’œil qui nous menace serait dès lors plutôt
humain immunisé contre l’épidémie générale de vampirisme vit le jour
l’œil du cyclone, celui de la catastrophe elle-même où nous sommes
et se cloître la nuit. Ses errances diurnes dans une New York ou une
emportés. L’œil du monde, si vous voulez. Image inoubliable : la
Los Angeles désertes sont chaque fois hypnotiques : il est à la dérive
décapitation de la Statue de la Liberté, dont la tête roule entre les
parmi les vitrines des magasins et les rayons des supermarchés,
buildings pour s’arrêter à nos pieds et nous fixer encore, de son œil à
il chasse des daims ou des fauves dans les rues de Manhattan
la fois énorme et amorphe.
envahies par la végétation… La nuit, en revanche, est le moment où
Que le cinéma aille à sa perte, c’est le seul cinéma. Nous n’avons
l’on retient son souffle : enfermement, calfeutrage, attente anxieuse
pas oublié les mots que Marguerite Duras prononça il y a plus de
ou ― lorsque le dernier homme finit malgré tout par s’exposer au
trente ans (elle disait d’abord, ce qui est plus connu : que le monde
danger ― fulminantes explosions de violence. Entre le lent décompte
aille à sa perte, c’est la seule politique). Ils nous auront accompagnés
des jours qui passent (toujours les mêmes quand on est seul) et les
pendant les années 2000, davantage que lors des précédentes.
précipitations des agressions nocturnes, ces trois variations proposent
Cloverfield rime avec le cinéma du 11 septembre, mais aussi avec
une expérience singulière de la temporalité filmique. P.S.
The Dark Knight, et même avec Still Life ou à l’Ouest des rails : en
Amérique comme en Asie, les monuments de la décennie furent des
ruines. Ses événements eurent lieu dehors, sous le ciel. Terreur et
CLOVERFIELD désastres, fumée et décombres : c’est ainsi que la tyrannie du vrai a
Matt Reeves progressivement remplacé la litanie du faux.
Ça y est, nous y sommes. La grande rhétorique documentaire du
états-unis . 2008 . 1h21 . 35mm . Avertissements : des scènes, des propos ou des
numérique, ces empires qui s’écroulent sous nos yeux et rien que
images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
Avec Michael Stahl-David, Lizzy Caplan, Jessica Lucas, Mike Vogel Scénario Drew pour nos yeux, ces films enterrés in extremis puis retrouvés dans un
Goddard Image Michael Bonvillain Montage Kevin Stitt Production Bad Robot, J.J. champ, des années après, tout cela nous a fait basculer dans la perte,
Abrams, Paramount Picture Distribution Paramount Picture France plein champ. Mieux : c’est elle, la perte, qui va maintenant au cinéma.
C’est le film qu’il faut avoir vu pour savoir où nous en sommes, Qui le renverse et qui le relève. L’apocalypse c’est maintenant, et
aujourd’hui, en 2010, avec les questions de toujours. Le réalisme, maintenant, et encore maintenant. Elle a eu lieu, elle continue, elle
l’enregistrement, André Bazin et « l’évolution du cinéma d’exploration », se répète. Les films seraient alors le dernier recours. Tout ce qu’il y a,
la beauté spéciale des films détruits, perdus, retrouvés, incomplets à tout ce qui demeure. Le dernier réel. Le dernier souvenir. Recueillir à
jamais – Kon-Tiki et les autres… –, l’équilibre entre le danger qu’on filme l’avance la trace de désastres qui n’existent pas, mais qui existeront
et le danger de filmer, etc. Toutes ces choses que Serge Daney résuma peut-être un jour – la fin de New York, par exemple –, ce pourrait être
d’une formule assassine : « filmer, [c’est] souvent non-assister une au fond cela : sauver la possibilité d’un passé. Voilà un programme
personne en danger. » d’avenir. E.B.
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THE LAST MAN ON EARTH © Wildside. - I AM LEGEND © Warner Bros.
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Contrôler un film, dévoiler
sa structure à la vue de tous.
Et en même temps travailler
pour perdre le contrôle,
autour de tabou
traquer l’imprévu… C’est mon
éléphant africain, ce que je
désire le plus poursuivre sur
le plateau d’un film.
Je crains que pour celui-ci il soit trop tard mais, pour mon prochain film, il faudra que je me souvienne d’effacer de la
biographie envoyée aux catalogues de festivals le fait que j’ai été critique de cinéma. Je le dis car cette précision, a fortiori placée
en tête de ces satanées bios, a conduit un grand nombre de critiques à toujours me poser la même question. De l’Australie au
Canada, on me demande en effet sans arrêt dans quelle mesure mes films ont été influencés par mon expérience de critique. Si
j’avais fait figurer autre chose dans la bio – par exemple, joueur de tennis ou collectionneur numismate –, il me semble que la
question ne se poserait pas.
Perdez donc tout espoir, ô critiques du monde ! Il y a sûrement un rapport entre les films que j’ai vus et ceux que j’ai faits, mais il
ne me semble pas que ce rapport vienne de ce que j’ai vu plus ou moins de films, de ce réalisateur-ci ou de celui-là, encore moins
de ce que j’ai pu, pendant une certaine période de ma vie, être payé pour écrire sur le cinéma que je voyais. Autrement dit : ce qui
constitue mon travail de metteur en scène n’est la conséquence d’aucune activité spécifique précédente.
Je crains que ce choix d’une huitaine de films en rapport avec Tabou prête au même type d’équivoque. Et pourtant je jure qu’aucun
ne m’a guidé en tant que référence consciente pendant la genèse de Tabou – ni même en tant que référence inconsciente,
bien que cela soit évidemment plus épineux à garantir. Je ne sais pas si ces huit films sont les plus importants pour Tabou –
ni, en général, pour moi-même. Ils ne forment pas un statement personnel et je souhaite qu’ils ne dessinent pas non plus un
quelconque manifeste. Il s’agit juste de films qui me sont tombés sur la tête quand j’ai dû les choisir, quelques uns de manière
évidente, d’autres d’une façon plus mystérieuse.
Quand Emmanuel Burdeau m’a demandé de faire un tel choix, je lui ai répondu que sa commande me semblait un peu vague
et même dangereuse. Il a alors proposé (entre autres possibilités) que je travaille autour de quelque chose sur le rapport entre
le cinéma et la musique. Il y a quelque temps, quelqu’un m’avait déjà demandé de choisir un film – un seul, ce qui est encore
plus compliqué – en relation avec mon travail. J’ai donc essayé de me rappeler d’un exemple assez abstrait pour remplir cette
fonction. Comme je n’ai pas pu le montrer à l’époque, et comme en outre il répond aussi, tout compte fait, à la suggestion de
Burdeau, Fantasia m’a semblé un choix inévitable.
Je ne suis pas sûr que Fantasia soit si abstrait que ça. En vérité, je ne l’ai pas revu depuis l’enfance et c’est sans doute cette
mémoire – enfantine et éblouie – qui l’a rendu abstrait. Je me fiche de ce que Walt Disney avait en tête quand il a rassemblé une
collection de hits de la musique classique pour accompagner ses créatures animées (certains disent qu’il y cherchait surtout une
caution culturelle). Je me souviens de Mickey et de ses balais, du ballet des hippopotames et surtout d’une ligne qui vibrait de
façon différente à chaque note de musique. Une collection de numéros musicaux d’animation, autrement dit, sans aucune liaison
claire entre eux. Un spectacle de cirque sophistiqué, ouvertement surréaliste mais sans le côté casse-pieds du surréalisme, où
étaient admis toutes les musiques, toutes les formes, toutes les couleurs, tous les récits et personnages. Et où l’on circulait d’une
chose l’autre car telle était la logique – musicale – du spectacle.
Quelle mouche a pu piquer Godard pour qu’il intitule un film Nouvelle Vague*, plus de trente ans après à Bout de Souffle ? « C’était
le temps où il y avait des riches et des pauvres…», raconte le récitatif (je cite à nouveau de mémoire). Je ne sais quel temps
habite cette voix. Je suppose que c’est un temps d’après Adam et Eve bannis du paradis, un temps d’après la Nouvelle Vague de
Godard et de ses copains, d’après la dissolution de la Confédération suisse, la (les) scène(s) du bateau de L’Aurore de Murnau,
que Godard vampirise explicitement. Un temps d’après beaucoup de choses, donc. Et si dans ce film on sent toujours battre la
pulsation d’un temps d’après, comme une lumière qui nous arriverait d’un soleil éteint, Nouvelle Vague a encore assez d’énergie
pour créer deux temps distincts qui se regardent dans le miroir. C’est un film en deux parties avec deux Alain Delon qui sont sans
doute le même. Entre une noyade et un sauvetage, une mort et une résurrection, jusqu’à ce que la boucle soit bouclée et que le
différent devienne le même, il y a une immensité simplement rendue possible parce qu’il existe le temps, la mémoire et le cinéma.
À côté de la grandeur de Nouvelle Vague, l’univers de Chasseur blanc, cœur noir paraît plus étriqué. Mais tout comme le film de
Godard ne peut plus appartenir à la Nouvelle Vague, le personnage interprété par Clint Eastwood ne peut plus s’appeler John
Huston. Bien qu’il lui ressemble, il ne peut plus être John Huston sur le tournage d’African Queen. C’est un personnage mutant –
comme le second Delon était la mutation de la mémoire du premier –, quelque part entre Eastwood et la mémoire de Huston (et
de Hemingway), entre le cinéma moderne et la mémoire du cinéma classique américain. Bien qu’il ne soit pas considéré comme
un des meilleurs films du cinéaste (qui allait bientôt signer deux monuments : Impitoyable et Un monde parfait), Chasseur blanc,
cœur noir se développe à une échelle plus réduite et avec une absence de gravité qui correspondent à la transition du classique au
postclassique. L’éléphant qui obsède Eastwood n’est pas Moby Dick et son personnage n’a pas la dimension funeste du Capitaine
Achab. Et même si la tragédie se répète, il ne reste au playboy capricieux qu’à retourner sur le plateau et à lancer « action ! » : le
glamour et l’exotisme qu’il cherchait ne sortiront jamais de son film africain.
J’ai comme credo de ne jamais voir d’autres films, ni avant ni pendant mes tournages. Cela s’est confirmé avec Tabou. J’ai
pourtant brisé la règle pour La gueule que tu mérites (2004). J’ai vu à l’époque Silvestre, de João César Monteiro, où j’ai essayé
de retrouver le souffle romantique dont j’avais besoin pour la seconde partie de mon film. Comme d’habitude dans le meilleur
* Fantasia et Nouvelle Vague ne sont hélas pas disponibles pour la projection. Les spectateurs pourront toutefois se les procurer au Manège en DVD
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la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012 autour de Tabou - Miguel Gomes
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Werner Herzog
Dans le couloir de la mort
Werner Herzog ne s’arrête jamais. La mort sera toujours son sujet, son « ennemi intime ». Depuis la sortie
l’an passé de La Grotte des rêves perdus, l’infatigable cinéaste allemand a – notamment – mené à bien deux
projets autour de la peine de mort aux Etats-Unis : on Death Row, quatre portraits de condamnés pour
une chaîne de télévision, et Into the Abyss, qui sort en salle ce mercredi 24 octobre. Nous présentons ces
extraordinaires documents en séance spéciale.
AVANT-première
Into The Abyss Death Row
canada / allemagne . sortie le 24 octobre 2012 . 1h45 . hdcam états-unis . 2012 . 4x52 . digibeta
Avec Jason Burkett, W. Herzog, Michael Perry scénario W. Herzog Image Peter Avec Joseph Garcia, George Rivas, Linda Carty, Hank Skinner, James Barnes, W. Herzog
Zeitlinger Montage Joe Bini Production Creative Differences, Skellig Rock, Investigation scénario W. Herzog Image Peter Zeitlinger Montage Joe Bini Production Creative
Discovery, W. Herzog Filmproduktion Distribution Wild Bunch / Why Not Productions Differences, Skellig Rock Werner Herzog Film GmbH For Channel 4 Distribution Werner
Le 24 octobre 2001, dans la petite ville de Conroe au Texas, Jason Herzog Film GmbH
Burkett et Michael Perry, en quête d’une voiture à voler, abattent de Quatre portraits de condamnés à mort, au Texas et en Floride, à
sang froid Sandra Stotler, son fils Adam et l’ami de ce dernier, Jeremy. travers des entretiens avec eux et les témoignages de leurs proches
Retrouvés puis arrêtés, les jeunes hommes, à peine âgés de 19 ans, et de la police : James Barnes, auteur de deux meurtres ; Joseph
sont condamnés : Burkett à la prison à perpétuité, Perry à la peine Garcia et George Rivas, membres du gang des Texas Seven ; Hank
capitale. Le cinéaste Werner Herzog a eu l’occasion de rencontrer les Skinner, condamné pour le meurtre d’une mère et de ses deux fils ;
familles des victimes, mais également le meurtrier Michael Perry, à Linda Carty, accusée d’avoir tué une mère et volé son bébé de quatre
quelques jours de son exécution... jours.
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la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012 werner herzog dans le couloir de la mort
Vous retournez sans cesse vers des sujets liés à la mort, à la destruction. Comment faites-vous pour tenir ?
Je reste sain. Je suis enraciné dans une culture solide, la culture bavaroise. Très solide : on peut compter dessus. Et je reste
vigilant : suis-je en train de sombrer dans une vie indigne, dénuée de sens ?
Avez-vous pensé mêler en un seul film les différentes affaires auxquelles vous avez été confronté, et qui composent désormais
Into the Abyss d’une part et On Death Row d’autre part ?
J’ai pensé faire un film dans lequel plusieurs intrigues s’entremêleraient… Mais le public aurait eu du mal à suivre. Même si Into
the Abyss ne traite que d’une affaire, c’est déjà très complexe : deux meurtriers, trois victimes, quatre scènes de crime ; deux
procès, deux condamnations : une détention à vie et une peine de mort.
Je ne voyais pas les autres cas traités autrement que comme des portraits. Ils sont pourtant fascinants. Ils reflètent la vie, nos
propres vies : comment entrer en relation, comment éduquer nos enfants, comment regarder un paysage… L’un des détenus
n’avait pas vu le ciel, ni d’arbre depuis dix-sept ans. Il a été transporté vers la mort, à cinq kilomètres de là, et vingt-trois minutes
avant l’exécution, tout a été stoppé. Il parle de la campagne qu’il a vue à travers la fenêtre du véhicule comme si c’était la Terre
promise. J’ai immédiatement voulu voir la Terre promise, moi aussi, et la filmer. Je n’ai rien vu d’autre qu’une station-service et du
bétail dans un champ. Et pourtant, les perspectives changent tout à coup : un paysage banal, une vache, un cheval dans un champ
deviennent grandioses.
Après la présentation d’On Death Row au festival de Berlin, vous avez évoqué assez durement les Américains qui, vivant à New
York ou à Los Angeles, méprisent ceux qui habitent entre les deux, à l’intérieur des terres.
On parle souvent de « fly over » pour désigner toute cette zone, sous-entendu : on la survole, mais on ne voudrait surtout pas
y habiter ! Je déteste cette expression. Contre toute attente, je suis attaché à l’Amérique profonde. Certes, beaucoup de ses
habitants sont des chrétiens fondamentalistes républicains… Mais on trouve dans la campagne profonde des hommes solides
comme des rocs, par exemple l’ancien bourreau de Into the Abyss, Fred Allen. On ne trouve pas une telle solidité à Boston ni à
San Francisco.
Pourquoi y a-t-il tellement de gens de l’Amérique profonde qui ne croient pas au changement, à l’évolution ? On a vraiment
intérêt à regarder cela de plus près et à faire quelque chose : améliorer le système scolaire, encourager les contacts… La perte de
contact avec le centre de l’Amérique fait le lit des désaccords politiques, des divisions et des contradictions. Le désaccord entre
les Démocrates et les Républicains est presque impossible à surmonter. C’est une vraie question, et c’est pourquoi je n’arrête pas
de dire : « Vous devez très sérieusement prendre l’Amérique profonde, le centre du pays, en considération. » Je ne suis pourtant
qu’un invité dans le pays. C’est peut-être la raison pour laquelle, d’ailleurs, je vois ce qui se passe avec un œil plus aiguisé et
préfère les hommes de l’Amérique profonde.
Fred Allen, l’ancien bourreau, résume sa philosophie par une formule à la fois énigmatique et superbe : « Ne pas bouger et
regarder les oiseaux. » (« Hold still and watch the birds »).
J’ai été surpris de l’entendre dire cela. « Maintenant que ma vie a pris un tournant vers la bonne direction, je suis serein. J’ai bien
ordonné mes valeurs… Regardez ce que font les oiseaux… Les oiseaux, les canards, les oiseaux mouches. » Pause. « Pourquoi y
en a-t-il autant ? » Cut. Fin du film. Il a dit d’autres choses ensuite. Mais je savais que je tenais la fin de mon film.
Comment comprenez-vous cette question : « Pourquoi y en a-t-il autant ? » (« Why are there so many of them ? ») ?
Il vaut mieux qu’elle reste en suspens jusqu’à la fin de votre vie ! Elle est de Fred Allen, pas de moi. C’est une question si profonde
que je ne peux que vous laisser y faire face seuls ! J’aimerais insister sur deux choses : il y a beaucoup d’humour dans le film. Et il a
aussi a un côté lumineux. Le sous-titre dit : Une histoire de mort, une histoire de vie. ( A tale of death, a tale of life ). Le dernier chapitre
traite de « l’urgence de la vie ». C’est quelque chose que j’ai découvert. La vie est partout dans le film. Il n’est pas aussi sombre qu’on
pourrait le croire.
Propos recueillis par Hervé Aubron et Emmanuel Burdeau. Retranscrits et traduits de l’anglais par E.B. et Mathilde Trichet.
SO FILM n° 4, octobre 2012.
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2e Rencontres du cinéma indépendant
Après une première édition très encourageante, le festival international du film de La Roche sur Yon, le SDI et l’ACOR (Association des
Cinémas de l’Ouest pour la Recherche) ont décidé de poursuivre en 2012 l’« aventure » des Rencontres du cinéma indépendant, avec la même
ambition : faire découvrir des œuvres d’auteurs inédites, issues des lignes éditoriales des membres du Syndicat des Distributeurs Indépendants
(SDI), qui ne bénéficient pas de la notoriété préalable des films art et essai médiatisés.
Les tensions commerciales sont de plus en plus violentes sur le marché, au détriment des films les plus fragiles. L’accélération de la « rotation » des
films programmés s’effectue au détriment de ces œuvres, qui ne disposent plus du temps nécessaire pour rencontrer leurs spectateurs, risquant
de conduire à leur disparition.
Or dans le secteur cinématographique, contrairement à la règle industrielle habituelle, la fonction « recherche et développement » n’est
pas assurée par les groupes dominants. Le renouvellement de l’offre de films (accompagnement de nouveaux cinéastes, découverte des
cinématographies peu diffusées, réédition des œuvres du patrimoine cinématographique…) repose exclusivement sur les distributeurs
indépendants, qui font office de « têtes chercheuses ». Ils en avancent les « frais d’édition » (promotion et tirage des copies), assumant seuls
les risques d’un éventuel échec. C’est une démarche souvent ingrate puisque, si un auteur ou une cinématographie sont reconnus, leurs films
seront ensuite proposés à des sociétés disposant de moyens financiers supérieurs, sans que ceux qui les ont fait découvrir puissent rivaliser ni
recueillir les bénéfices de ce succès ultérieur.
Afin d’être reconnus et d’avoir une chance de déclencher le « bouche à oreille » favorable qui leur donnera accès à un nombre significatif
d’écrans, ces films doivent pouvoir être vus par le maximum de programmateurs des salles, de journalistes et de spectateurs cinéphiles. Les
festivals à la ligne éditoriale exigeante, comme celui de La Roche sur Yon, sont des plates-formes idéales. Un jury composé de Antoine GLEMAIN
– exploitant du Vox à Mayenne/salle ACOR –, associé à Yannick REIX, Emmanuel BURDEAU et Rebecca De PAS – équipe du festival de La Roche
sur Yon – a accepté de sélectionner quatre films de qualité venant d’horizons géographiques très divers :
Alps de Yorgos LANTHIMOS (Grèce) (distribution : A3 Distribution)
Ini Avan (Him, hereafter) de Asoka HANDAGAMA (Sri Lanka) (distribution : Heliotrope Films)
L’Etudiant de Darezhan OMIRBAEV (Kazakhstan) (distribution : Acacias)
Yossi de Eytan FOX (Israël) (distribution : Bodega Films)
Ils seront présentés au public du festival par leurs distributeurs, en présence de diverses personnalités du cinéma, chaque fois que cela sera
possible.
Vincent PAUL-BONCOUR et Étienne OLLAGNIE - coprésidents du SDI
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la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012 2e rencontres du cinéma indépendant
Alps
Alpeis
Giorgos Lanthimos
GRèCE . sortie prévue le 9 janvier 2013 . 1h33 . blu-ray
Avec Aggeliki Papoulia, Ariane Labed, Aris Servetalis scénario Efthimis Filippou,G.
Lanthimos Image Christos Voudouris Montage Yorgos Mavropsaridis Production Yorgos
Lanthimos, Maria Hatzakou, Thanos Papastergiou, Athina Rachel Tsangari, Aggeliki
Papoulia, Johnny Vekris Distribution A3 distribution
Une société secrète appelée «Alps» propose de remplacer des
personnes décédées par des comédiens.
Ini Avan
HIM, HERE AFTER
Asoka Handagama
Sri Lanka . sortie prévue le 1e semestre 2013 . 1h44 . fichier hd
Avec Dharshen Dharmaraj, Subashini Balasubramaniyam, Niranjani Shanmugaraja,
Raja Ganeshan scénario A. Handagama Image Channa Deshapriya Montage Ajith
Ramanayake Production E-Culture Productions Distribution Heliotrope films
La guerre qui a ravagé le Sri Lanka pendant 30 ans, et causé la
mort de près de 100 000 personnes, s’est achevée par la défaite
du mouvement séparatiste des Tigres Tamouls (LTTE) en mai 2009.
Après deux ans passés dans un centre de réhabilitation, un jeune
ex-combattant tamoul retourne dans son village, dans une région
autrefois sous contrôle du LTTE. Il y retrouve la femme qu’il a aimée,
et entreprend de revenir à une existence normale. Mais les haines du
passé, les trafics louches et les rancœurs sont autant de champs de
l’étudiant © Les Acacias
mines pour celui qui revient.
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séances spéciales - débats - rencontres la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
MéDIAPART
74 (LA RECONSTITUTION D’UNE LUTTE)
Rania et Raed Rafei
Liban . 2012 . 1h35 . dcp ou DigiBeta
Avec Nassim Arabi, Rita Hedrouche,Nizar Sleiman,Yousri El Chami Image Nadim Saoma
Montage Rania Rafei Production & Distribution Orjouane Productions
1974. Le Liban est en pleinne ébullition intellectuelle, culturelle et
politique. De mars à avril, durant 37 jours, une poignée d’étudiants de
l’American University of Beirut occupent les locaux de l’université pour
protester contre l’augmentation des frais de scolarité. 2011 : en pleine
révolutions arabes, Rania et Raed Rafei décident de faire un pas en
arrière et de réinterroger la situation présente à la lumière de cette
période riche d’espoirs, prélude aussi à la guerre civile. Réactiver
le passé ? L’évoquer ? Le reconstituer ? Question cruciale. Ici la
méthode est décisive. D’abord se documenter méticuleusement. Puis
lancer l’expérience, car autant qu’une relecture de ces événements
passés, il s’agit de voir ici leurs résonnances actuelles. Ainsi les
protagonistes d’hier sont incarnés par leurs homologues potentiels
d’aujourd’hui, acteurs politiques engagés dans les luttes présentes.
Qu’est-ce que la démocratie aujourd’hui, comment lutter ? Quelques
indications, quelques accessoires emblématiques comme autant de
signes (une image du Che, un mégaphone) et les voilà lancés dans
cette expérience portée par l’improvisation, où une forme de théâtralité
accentuée par le huis clos dialogue avec le cinéma. Et, dans cette
dialectique du passé et du présent, les mémoires circulent autant que
les paroles au présent, à l’instar des entretiens qui ponctuent le film,
paroles d’hier et d’aujourd’hui indiscernablement mêlées.
Nicolas Feodoroff - catalogue FID Marseille 2012
LA NUIT REMUE
Bijan Anquetil
France . 2012 . 0h45 . blu-ray
Image Paul Costes Montage Alexandra Melot Production G.R.E.C. Distribution agence
74 © Orjouane Productions du court métrage
Des morceaux de vie font irruption dans le cadre, mi-carnet de voyage,
En 2010, Médiapart avait invité des écrivains à venir à La mi-souvenir de vacances. Et puis, non, rien d’anecdotique, La nuit
Roche-sur-Yon présenter des films les aidant à réfléchir et à travailler. remue parle de politique et de trajectoire. On traverse les continents
Cette année, la collaboration se développe, entre le festival et le site et les frontières, celles marquées sur les cartes, et celles, invisibles,
d’information créé il y a bientôt cinq ans à l’initiative, notamment, inscrites dans les corps. Traverser des cols de montagnes enneigés,
s’agripper sous les roues d’un camion, jouer au foot dans un terrain
d’Edwy Plenel.
vague, assister à un défilé de carnaval : le réalisateur Bijan Anquetil
Dans son club, Médiapart a ouvert une édition participative entièrement donne à voir l’expérience d’Afghans rencontrés aux alentours de
dédiée au festival, sur laquelle sont disponibles informations, archives, Paris, en bordure d’un canal ou peut-être dans un parc. Il donne à voir
images et sons extraits des éditions passées et, bientôt, de celle-ci. Dans leur parole qui s’élabore, rapidement auto-réflexive. L’un d’entre eux a
le même temps, la rédaction et le festival ont sélectionné ensemble filmé son périple, quelques haltes au cours des milliers de kilomètres
trois films dont le point commun est de concerner le Proche ou le parcourus. Avec son téléphone portable, depuis son pays d’origine,
Moyen-Orient. Deux d’entre eux, il est capital de le signaler, ont été il a documenté, mise en abyme ce qu’on ne voit jamais, ce qu’en
présentés en première mondiale cette année au FID Marseille. Il ne s’agit général les migrants sont trop occupés à vivre. Cet Afghan, exilé, s’est
pas seulement d’un choix d’occasion, en rapport avec une actualité à mis en scène, comme pour garder une trace. Anquetil, à son tour, le
filme, l’éclaire, lui et ses amis, dans la nuit, et aussitôt leur récit prend
laquelle Médiapart prête une attention toute particulière. Il s’agit aussi
vie, autour d’un feu ou au bout d’une torche.
d’un choix esthétique : au présent ou au passé, à travers le documentaire Carine Fouteau - Médiapart
ou la fiction – voire le recours à des marionnettes ! –, depuis la France ou
Israël, la manière singulière dont il est question du Proche ou du Moyen-
Orient dans ces films nous a semblé pouvoir se prêter à des discussions
mêlant les enjeux du cinéma et ceux de la politique, les enjeux d’un
SHARQIYA
Ami Livne
festival et ceux d’un journal d’information quotidienne.
Les trois films seront présentés à La Roche-sur-Yon par des rédacteurs de Israël . 2012 . 1h22 . DCP
Avec Adnan Abu Wadi, Maysa Abed Alhadi, Adnan Abu Muhareb, Eli Menashe Scénario
Médiapart. Ils circuleront ensuite, toujours accompagnés, dans plusieurs Guy Ofran Image Boaz Yehonathan Ya’acov Montage Zohar Sela Production EZ Films,
salles de l’ouest, à la fin de l’année 2012 et dans les premiers mois de Golden Cinema, Laila Films, Detail Film Distribution ASC
2013. Nous travaillerons ainsi à mieux les faire connaître et partager, à >> voir page 12
susciter l’intérêt de possibles distributeurs. Et nous essaierons de porter
un regard neuf sur les rapports entre journalisme et cinéma, la salle et
l’Internet : ce partenariat, que nous espérons voir se développer encore
à l’avenir, est l’occasion de donner au festival un prolongement, une
dimension de plus.
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la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012 séances spéciales - débats - rencontres
Courts de danse
Walker
« c’est choisir le corps et le mouvement du corps comme champ de
relation avec le monde, comme instrument de savoir, de pensée
et d’expression ». Filmer la danse, c’est être capable de montrer, Tsai Ming-liang
HONG-KONG . 2012 . 0h27 . hdcam
justement, comment un corps touche un monde, habite finalement Avec Lee Kang-Sheng Scénario Tsai Ming-liang Image Tsai Ming-liang Montage Lei
(ou pas) avec les autres corps. Cheng Chin Production Chen Kuan Ying Remerciements La Cinémathèque Tchèque,
The Hong Kong International Film Festival Society
Stéphane Bouquet
Walker est une réflexion sur la beauté d’Hong-Kong. Est-ce que cette
Cette séance spéciale préparée par S. Bouquet accompagne la publication aux
Editions Capricci, en partenariat avec le CND, de l’ouvrage collectif intitulé ville est belle, étrangement belle ou bellement étrange ?
Danse et cinéma.
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séances spéciales - débats - rencontres la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
film d’ouverture
AVANT-première
no
Pablo Larrain
Chili, état-unis . sortie prévue prochainement . 1h55 . 35mm
Avec Gael García Bernal, Alfredo Castro, Antonia Zegers
Scénario Pedro Peirano Image Sergio Armstrong Production
Canana Films, Fabula Productions Distribution Wild Bunch
Distribution
Chili, 1988 : un référendum doit décider de
la prorogation ou non du mandat d’Augusto
Pinochet. Le camp du non met en place une
campagne publicitaire, choisissant d’axer
sa communication sur l’avenir plutôt que sur
les attaques contre le dictateur... Sa victoire
amorcera la fin du régime Pinochet.
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la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012 séances spéciales - débats - rencontres
semaine bleue
camille redouble
Noémie Lvovsky
france . 2012 . 1h55 . dcp
Avec Noémie Lvovsky, Samir Guesmi, Judith Chemla, Jean-
Pierre Léaud Scénario N. Lvovsky, Maud Ameline, Pierre-
Olivier Mattei, Florence Seyvos Production David Kodsi, K’ien
Productions Distribution Gaumont Distribution
Camille a seize ans lorsqu’elle rencontre Eric.
Ils s’aiment passionnément et Camille donne
naissance à une fille…
25 ans plus tard : Eric quitte Camille pour une
femme plus jeune. Le soir du 31 décembre,
Camille se trouve soudain renvoyée dans son
passé. Elle a de nouveau seize ans. Elle retrouve
ses parents, ses amies, son adolescence… et
Eric. Va-t-elle fuir et tenter de changer leur vie
à tous deux ? Va-t-elle l’aimer à nouveau alors
qu’elle connaît la fin de leur histoire ?
camille redouble © Gaumont Distribution
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séances spéciales - débats - rencontres la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
la nuit de l’apocalypse
animée par le Clap Campus
Accreds www.accreds.fr
Internet a finalement été inventé trop tard. Cinquante ou soixante ans trop tard. Pendant des décennies, des festivals ont été créés et ont grandi sans
ce relais pourtant idéal. C’est maintenant que le réseau est là qu’il faut se rendre compte, plus que de sa réactivité – une friandise au regard du reste
–, de la multitude des approches qu’il autorise. Le rubricage n’a plus de valeur. On ne segmente plus en espaces distincts, mais en temps. C’est le
parti-pris de la homepage d’Accréds : en haut le rémanent, puis en-dessous, le persistant, le ponctuel, et enfin l’éphémère avec Twitter. Ces temps
sont ceux des festivals, des rétrospectives, des films naissants et qui s’épanouiront plus tard en salle, de l’anecdote, de la réflexion. C’est aussi le
temps d’une nouvelle liberté pour le cinéphile désormais explorateur, voué à traverser des strates plutôt qu’à tourner des pages. Des maîtres qui
ne nous ont rien demandé les ont traversées à leur manière. André Bazin les a creusées obstinément à la recherche d’une momie qui expliquerait
tout. Serge Daney les a franchies en passe-murailles, alternant terrain de sport et salon où trône le téléviseur, quotidien et trimestriel. Internet rend
translucides toutes ces strates qui auraient toujours dû l’être. Sur le Web, la cinéphilie n’avance pas, elle retourne à des sources qu’il nous appartient
– auteurs, lecteurs, mais la barrière entre les deux n’est-elle pas en train de tomber ? – encore de chercher. Et plus que jamais, nos plus illustres
prédécesseurs, Daney en tête, doivent nous servir d’éclaireurs. Christophe Beney
Ceciditaubasmot www.ceciditaubasmot.blogspot.com
Si j’écris essentiellement pour le net, mon rapport à la critique de cinéma reste secrètement lié aux revues papier. C’est en découvrant Les Cahiers
du cinéma que j’ai compris que l’émotion suscitée par un film pouvait donner matière à une vraie création littéraire. L’écriture sur un film, quel que
soit le support, est l’engagement dans un processus d’interrogation de son propre imaginaire, une négociation de nos propres visions avec celle du
cinéaste, accessible à tous. S’y confondent la restitution par le mot de l’atmosphère spécifique du film et les bifurcations de notre regard. C’est ce qui
me motive à écrire et à m’intéresser encore à ce qui s’écrit un peu partout sur le cinéma.
Serge Daney ? C’est par lui que m’a semblé se dessiner, à la lecture de ses textes, la promesse d’une conversation avec le monde (celui des images,
le nôtre) à la lumière d’une trajectoire intime. « Le travelling de Kapo », texte terminal mais très vivant, par la corrélation qu’il propose entre la place
d’un seul homme dans le monde et les images de ce monde, était comme une bouteille à la mer pour les générations à venir. Vingt ans après, un
retour sur ce dernier message ne me semble pas incongru. Sidy Sakho
Débordements www.debordements.fr
Lorsque nous avons commencé Débordements, l’un des commentaires a été : « C’est un peu élitiste. Connaissent-ils Daney ? » Avant même de
constituer une référence précise pour notre projet, Daney était un horizon pour nos rares lecteurs – et, peut-être aussi, le genre de sésame qui n’a
plus besoin d’être questionné, ou lu. D’autres dans la rédaction le fréquentent plus assidûment que moi. Pourtant, c’est à lui aussi que j’ai songé
pour nos premiers éditos – à la création de Trafic, en particulier. Il nous est en effet apparu qu’une revue en ligne n’a de sens qu’à prendre son
temps - c’est-à-dire répondre à une urgence. Non celle de l’actualité, mais du désir suscité par un film, une série,... Et tant pis / tant mieux si nous
ratons des choses, ou sommes « en retard »... Il nous arrive d’être – momentanément – satisfait d’un texte. Mais cela ne serait rien si nous n’avions
discuté, douté, retravaillé,... Daney, oui, mais aussi tous les autres, aux Cahiers, à Libé, à Trafic, avec lesquels s’est construite sa pensée. Revue en
ligne, et non blog : pour cette drôle d’articulation du je / nous toujours à construire. Avec le cinéma comme horizon, mystère, présence, question...
Raphaël Nieuwjaer
Zinzolin www.revuezinzolin.com
Zinzolin, imaginé de pages et d’encre, s’est vu finalement naître dans la grande toile Internet et ses pixels. Échoué dans ses filets ? Peut-être pas.
On peut entendre parfois, qu’Internet est un espace en lui-même, global, où la critique de cinéma s’échoue et échoue. L’un des premiers arguments
que nous opposons à cette idée est qu’Internet est davantage un territoire qu’un pur espace. On y fonde des sites, on en visite d’autres. On navigue
enfin. Zinzolin s’est donc bâti dans ce tumulte tranquille. Il s’agissait de se réserver un espace pour soi, pour prendre le temps d’écrire entre mille
torrents d’images. Un espace pour se garder de la mémoire avant que les flux tendus d’images ne la recouvrent. En son sein, des rédacteurs qui
écrivent depuis un moment, d’autres pas ; des rédacteurs qui étudient le cinéma, d’autres pas ; des rédacteurs qui ont lu Serge Daney, d’autres pas.
Zinzolin est un nouvel espace et en porte les charmes et contradictions : mi-sauvage, mi-organisé. Daney n’y est certainement pas considéré comme
une idole mais comme un explorateur dont les lignes continuent de tracer à travers le territoire, croisant parfois les nôtres au hasard ou au désir d’une
telle rencontre. Arnaud Hallet et Simon Lefebvre
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séances spéciales - débats - rencontres la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
mercredi 17 octobre
Formation école et cinema réservée aux enseignants L’adaptation littéraire au cinéma : Ernest et
Célestine avec Ivan Rouveure, producteur exécutif du film et Stéphane Malagnac conférencier, journaliste
et spécialiste du cinéma d’animation. Le cinéma le Concorde qui porte la coordination départementale
du dispositif national « école et cinéma » propose aux enseignants une matinée de formation autour de
l’avant-première Ernest et Celestine.
jeudi 18 octobre
conférence de peter szendy : La Fin du [ciné]monde
S’il est vrai que le cinéma travaille toujours à sa propre fin, ou du moins au bord de celle-ci, le genre dit «
apocalyptique » n’est pas un genre parmi d’autres. Les films qui mettent en scène la fin du monde parlent
aussi de la mort, chaque fois unique et singulière, du cinéma. De Los Angeles 2013 (John Carpenter, 1996) à
Melancholia (Lars von Trier, 2011), en passant par A. I. (Steven Spielberg, 2001) et Cloverfield (Matt Reeves,
2008), on auscultera de très près les manières qu’a le cinémonde de finir.
vendredi 19 octobre
Berthe morisot rencontre avec Caroline Champetier
conférence de caroline champetier : Outils et protocoles : au travail avec Suwa, Carax, Beauvois, Mazuy
Caroline Champetier invite à regarder et à commenter quelques films (séquences) récents du point de vue
des outils et des protocoles : le zoom et la surexposition pour H Story (N. Suwa) : le grand angulaire, la sous
exposition et la DVX 100 pour Un couple parfait (N. Suwa) ; la DVX 100 (tenue à bout de bras) pour Merde (L.
Carax) ; la mono-caméra Red Epic et ses injonctions contradictoires pour Holy Motors (L. Carax) ; la Penelope
35 et les rails pour Sport de fille (P. Mazuy) ; la Penelope 35, le plan tableau et le plan rythme pour Des hommes
et des dieux (X. Beauvois). Toutes questions sur d’autres films seront bienvenues.
la nuit de l’apocalypse rencontre avec Peter Szendy, animée par le Clap Campus
samedi 20 octobre
ciné p’tit dèj’ : Le petit gruffalo ciné p’tit dèj’ à partir de 10:15
Honor de cavallería rencontre avec Benoît Delépine, Gustave Kervern et Albert Serra
passe montagne rencontre avec Benoît Delépine, Gustave Kervern et Jean-François Stévenin
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la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012 séances spéciales - débats - rencontres
film en compéttion : la dernière fois que j’ai vu macao rencontre avec J.P. Rodrigues et J.R. Guerra da Mata
mais ne nous délivrez pas du mal rencontre avec Benoît Delépine, Gustave Kervern, Joël Séria, Jeanne Goupil
c’est arrivé près de chez vous rencontre avec Benoît Delépine, Gustave Kervern et André Bonzel
dimanche 21 octobre
ciné p’tit dèj’ : 10, 11, 12 pougne le herisson ciné p’tit dèj’ à partir de 10:15
serge daney, vinght ans après : la critique sur internet rencontres et débats
film en compéttion : Los mejores temas rencontre avec l’actrice Teresa Sánchez
making fuck off rencontre avec Benoît Delepine, Gustave Kervern et Fred Poulet
lundi 22 octobre
into the abyss rencontre avec Emmanuel Burdeau et Hérvé Aubron
Conversation sur le mouvement et autres expériences + courts de danse Loïc Touzé, chorégraphe,
et Stéphane Bouquet, écrivain et scénariste, s’entretiendront de ce que la danse peut concrètement
apprendre du cinéma, et inversement. Un gros plan sur scène, est-ce un rêve inaccessible ?
les mouvements du bassin rencontre avec Rachida Brakni, éric Cantona, HPG
mardi 23 octobre
le fleuve rencontre avec Miguel Gomes
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jeune public la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
Jeune Public
de la page à l’écran
Le festival international du film a choisi cette année de faire plaisir aux cinéphiles en herbe : découvrir quelques héros
de littérature jeunesse, animés et sonorisés.
Quand on est petit et qu’on ne sait pas très bien lire (ou qu’on est un peu paresseux), l’album est nécessairement lu
pour nous par quelqu’un, dont la bonne volonté et la disponibilité conditionnent l’accès à l’histoire. Parfois, l’adaptation
cinématographique « remplace » ce lecteur, truchement salutaire par lequel le jeune enfant accède seul au récit.
Dans un livre, où les personnages sont immobiles, à chacun d’imaginer les dialogues, les voix, les mouvements et l’environnement
sonore. Le merveilleux commence là, au creux de ce vide que le lecteur va lui-même combler. L’adaptation cinématographique
s’installe dans cet espace et donne, d’une certaine façon, plus de vie et de réalité à l’histoire.
Adaptation fidèle reprenant trait pour trait les illustrations (Persépolis de Marjane Satrapi), adaptation avec des acteurs (la série
des Spiderman inspirée des comics) ou adaptation hybride mêlant acteurs et animation numérique (Tintin et le secret de la licorne
de Spielberg), les partis-pris sont multiples. L’essentiel des films de la programmation relève de cette première catégorie, surtout
quand c’est l’auteur de l’œuvre originale qui passe lui-même derrière la caméra (Grégoire Solotareff pour Loulou ou Jung pour
Couleur de peau : Miel).
Pour autant, le passage du livre au film, de la page à l’écran, apporte davantage qu’une simple animation et sonorisation de
l’histoire. Dans Loulou par exemple, le récit se développe et se complexifie, même si la base narrative - l’amitié entre un petit
loup et un lapin - est conservée. De nouveaux personnages apparaissent, comme les trois malicieuses lapines et leur guitare,
instrument prétexte à des numéros chantés et dansés, évidemment absents de l’album.
Dans Couleur de peau : Miel, les dessins originels s’enrichissent d’images d’archives personnelles comme l’arrivée du jeune Jung
dans sa famille belge immortalisée à l’époque en Super 8 par son père adoptif. Le petit coréen déraciné se heurte alors à un
environnement nouveau, à une réalité quotidienne à la fois plus brutale et plus douce que dans ses rêves. Le film accentue notre
proximité avec ce jeune Jung qui nous parle à la première personne. « Le film Couleur de peau : Miel nous emmène parfois plus loin
que mon roman graphique… Le mouvement, les voix, le bruitage, la musique, le rythme de la narration et des plans contribuent
à apporter au film une très forte charge émotionnelle. » (Jung)
D’autres réalisations viennent compléter la programmation jeune public autour de l’adaptation.
Dans Loulou et autres loups, quatre courts métrages d’animation plein d’humour scénarisés par Grégoire Solotareff, déclinent le
thème du loup sous de multiples angles et avec des graphismes très variés (minimaliste, géométrique, manga…)
Le Petit Gruffalo, quant à lui, revient pour de nouvelles aventures en sortie nationale pendant le festival international du film. Une
occasion de retrouver avec bonheur la souris malicieuse transformée en Grande Méchante Souris, le Gruffalo et son fils, adorable
petit monstre qui ravira les plus petits.
Enfin une belle surprise attend petits et grands pour la pré-ouverture du festival avec l’avant-première d’Ernest et Célestine,
adaptation à la fois tendre et pleine d’humour des albums de Gabrielle Vincent, qui a déjà enthousiasmé les chanceux au festival
de Cannes.
Entrer dans les histoires par le cinéma peut éveiller l’envie de prolonger le plaisir dans les pages de l’album. Certains films vous
guident sur le chemin de la lecture comme certains héros de littérature vous mènent aux salles obscures et vous font y retourner
avec délectation en grandissant.
Dominique Laudijois et l’équipe jeune public
bibliographie
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Ernest et Célestine © studio canal
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jeune public la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012
sortie nationale
le petit gruffalo
U.Heidschötter, J.Weiland
d’après l’œuvre de Julia Donaldson
grande Bretagne . 2012 . 0h43 . dcp > à partir de 4 ans
Avec la voix de Zabou Breitman Scénario J. Donaldson, Johanna Stuttmann Montage
Robin Sales Musique René Aubry Production Magic Light Pictures Distribution Les
Films du Préau
Qui fait le plus peur, un monstre ou une souris ? Pour les réalisateurs
du Petit Gruffalo, aucun doute, c’est bien la souris la plus effrayante.
Notre petit Gruffalo, fils du Gruffalo, habite dans une confortable
caverne, à l’orée d’une forêt où il rêve d’aller jouer et se promener.
Son papa l’a pourtant bien averti : dans le bois sombre se cache
la plus épouvantable des créatures, la Grande Méchante Souris,
dont les yeux sont des lacs de feu, la queue couverte d’écailles
incroyablement longue, et les moustaches plus dures que l’acier. Quoi
de plus délicieux que d’avoir un peu peur ? Et voilà notre petit Gruffalo,
profitant du sommeil de son papa, qui quitte la grotte et part à sa
recherche. La trouvera-t-il ?
L’histoire nous est contée par une maman écureuil (voix de Zabou
Breitman), absente du livre, mais qui ajoute à la version filmée
une touche de tendresse et de malice. L’animation numérique est
remarquable, soulignée par des bruitages réalistes et une musique
tout en douceur.
Qui a aimé la première aventure du Gruffalo et a été séduit par la
lecture du livre, ne peut qu’être charmé par cette version très fidèle,
mais enrichie de personnages (les trois écureuils) et d’anecdotes,
et ravi de voir ces créatures touchantes, bien que monstrueuses,
prendre vie sous nos yeux.
Le Petit Gruffalo est précédé de trois courts métrages tous liés par la
thématique du parcours initiatique de petits animaux (lièvres, oiseaux)
et de la menace des prédateurs.
AVANT-première
10, 11, 12, Pougne le hérisson
Pierre-Luc Granjon, Antoine Lanciaux
france . sortie le 24 octobre 2012 . 0h50 . dcp > à partir de 4 ans
Scénario P-L. Granjon et A. Lanciaux Image Samuel Ribeyron Production Folimage
Studio, Subséquence, ONF NFB Canada, Piwi + Distribution Folimage
L’Automne de Pougne Tous les livres du royaume se vident
étrangement de leurs histoires et plongent le bon roi Balthazar et son
peuple tout entier dans un ennui profond. « ça c’est encore de la faute
de Boniface le conteur ! » lance Pougne le hérisson. Aidé de ses amis,
réussira-t-il à faire revenir les histoires au royaume ?
Le quatrième et dernier épisode des aventures de Léon, Mélie,
Boniface et les autres habitants du royaume emmenés cette fois par
le petit hérisson grognon mais terriblement attachant.
Nikita le tanneur Iouri Tcherenkov Stupeur, la princesse du
royaume est entre les griffes du terrifiant dragon Zmey Gorinich.
Connu pour ses prouesses physiques, Nikita le tanneur est
naturellement désigné par les habitants du village pour le combattre.
C’est finalement par la ruse et non par la force qu’il va venir à bout du
monstre et la délivrer. Le graphisme naïf aux couleurs contrastées
nous transporte dans un univers médiéval, dans la grande tradition
des légendes populaires russes.
Tout conte fait Vincent Dromart, Sandy Bienvenut, Nicolas
Quinssac, Alexandra Condoure, Mathieu Ringot Un roi et une reine
se désespèrent de marier leur fille. Aidée de la bonne fée, la princesse
s’enferme dans le château en attendant qu’un prince charmant vienne
la délivrer. Ce très court film d’animation parodie les contes de fée, la
quête du prince charmant et l’image de la princesse douce et délicate
transformée ici en peste à la langue bien pendue.
...56 le petit gruffalo © Les Films du Préau - 10, 11, 12, Pougne le hérisson © Folimage
la Roche-sur-Yon 17 > 23 octobre 2012 jeune public
L’ATELIER ENCHANTé
Hermina Tyrlova
République tchèque . 1970 . 0h39 . 35mm > à partir de 2/3 ans
Scénario Hermina Tyrlova Image Hermina Tyrlova Montage Jaroslav Petrik Musique
originale Milos Vacek Production Kratky Film Distribution KMBO
Des marionnettes, des personnages en papier, en collage et en laine.
Ces objets s’animent comme par enchantement. Un petit chat, un
sapin joyeux, un chien joueur, une boîte à tricot qui prend vie… autant
de personnages qui sèment la zizanie dans le monde merveilleux des
contes de l’Atelier Enchanté.
La boîte à tricot A l’abri des regards, une boîte à couture s’anime.
Pelotes de laine, épingles, dés à coudre et bobines de fils prennent
vie et se mettent à danser.
Un petit chat malicieux Un petit chat joue avec une bille en verre
merveilleuse. Son trésor ne laisse pas indifférents les autres animaux
qui tour à tour veulent lui dérober ! Lion, éléphant, singe, crocodile,
tous veulent récupérer la bille magique.
L’arbre de Noël Une famille se met en quête d’un sapin pour fêter
Noël mais l’arbre, une fois trouvé ne se laisse pas faire et s’échappe.
Le sapin décide plus tard d’offrir son feuillage aux animaux pour les
réchauffer. Il décide finalement de se rendre chez la petite famille pour
qu’ils puissent avoir leur arbre de Noël.
Le chien sans peur Un petit garçon se promenant dérobe une
poussette pour s’amuser. Mais un bébé se trouve à l’intérieur ! Le
sacripant décide plus tard de le cacher dans la niche d’un chien. Le
bébé est retrouvé, mais tous les animaux accusent désormais le petit
chien d’être le voleur.
Le sacripant Un petit garçon déguisé en indien sème le trouble
chez les animaux de la ferme ! Alors que tout le monde se repose
tranquillement, il envoie des flèches dans leurs foyers. Les animaux
s’unissent pour lui donner une bonne leçon.
Hermina Tyrlova est considérée comme la mère de l’animation
tchèque. Il a fallu attendre 41 ans avant la sortie en salle de ces films
produits en 1970. Des aventures qui évoquent le conflit, l’entraide et
le partage. A découvrir, voir et revoir.
Loulou
Serge Elissalde loulou © Gebeka
d’après l’œuvre de Grégoire Solotareff
la programmation est présentée sous réserve d’éventuelles modifications indépendantes de notre volonté et ne pouvant donner lieu à des réclamations
59...
10, 11, 12, Pougne le hérisson p .56 Dernière fois que j’ai vu Macao, La p. 10 Los Mejores Temas p. 12 Pour rire ! p. 18
films
2/Duo p. 22 Entr’acte p. 27 Louise-Michel p. 26 Pourvu qu’on ait l’ivresse p. 45
400 coups, Les p. 18 Ernest et Célestine p. 55 Loulou p. 57 Sharqiya p. 12 - 44
4h44 Dernier jour sur Terre p. 32 Etudiant, L’ p. 43 M/Other p. 22 Silvestre p. 39
74 (la reconstitution d’une lutte) p. 44 Fleuve, Le p. 39 Mais ne nous délivrez pas du mal p. 28 Tabou p. 38
Aaltra p. 26 France qui se lève tôt, La p. 45 Maître des marionnettes, Le p. 39 Tabou p. 39
Âge d’or, L’ p.27 Francine p. 10 Making Fuck Off p. 26 Teruterubozu p. 22
Alps p. 43 Friends p. 22 Mammuth p. 26 The Hole p. 32
Atelier enchanté, L’ p. 57 Grand soir, Le p. 26 Masculin, féminin p. 18 Tomorrow p. 12
Aujourd’hui p. 10 H Story p. 22 Mouvements du bassin, Les p. 46 Un chien andalou p. 27
Avida p. 26 Honor de cavallería p. 28 Naissance de l’amour, La p. 18 Un couple parfait p. 22
Berthe Morisot p. 47 Ini Avan p. 43 No p. 46 Un transport en commun p. 45
Camille redouble p. 51 Intervallo, L’ p. 10 Nuit remue, La p. 44 Vie de bonhème, La p. 28
C’est arrivé près de chez vous p. 28 Into The Abyss p. 40 O Bobo p. 39 Ville des pirates, La p. 47
Chasseur blanc, cœur noir p. 39 J’ai engagé un tueur p. 18 On Death Row p. 40 Visage p. 18
Choc des mondes, Le p. 32 Je suis une légende (1954) p. 34 Passe-montagne p. 27 Viva La Muerte p. 27
Cloverfield p. 34 Je suis une légende (2007) p. 34 Père Noël a les yeux bleus, Le p. 18 Walker p. 45
Couleur de peau : miel p. 57 Journal du séducteur, Le p. 18 Petit gruffalo, Le p. 56 Yossi p. 43
Danger planétaire p. 32 Kurdish Lover p. 47 Pincus p. 12 Yuki et Nina p. 43
Départ, Le p. 18 Letter From Hiroshima p. 22 Place des victoires p. 22
Dernier rivage, Le p. 32 Los Angeles 2013 p. 32 Pornographe, Le p. 18
Anquetil Bijan p. 44 Di Costanzo Leonard p. 10 Hahn Clarisse p. 47 Maté Rudolph p. 32 Ruiz Raoul p. 47
réalisateurs
Arrabal Fernando p. 27 Dubroux Danièle p. 18 Handagama Asoka p. 43 Ming-liang Tsai p. 18-32-45 Salkcow Sidney p. 34
Aubier Stéphane p. 55 Eastwood Clint p. 39 Heidschötter Uwe p. 56 Monteiro Joao César p. 39 Séria Joël p. 28
Belvaux Lucas p. 18 Elissalde Serge p. 57 Herzog Werner p. 40 Morais José Alvaro p. 39 Serra Albert p. 28
Belvaux Rémi p. 28 Eustache Jean p. 18 HPG p. 46 Murnau Friedrich Wilhelm p. 39 Shatzky Melanie p. 10
Boileau Laurent p. 57 Fenster David p. 12 Hsiao-hsien Hou p. 39 Omirbaev Darezhan p. 43 Skolimowski Jerzy p. 18
Bonello Bertrand p. 18 Ferrara Abel p. 32 Jung p. 57 Patar Vincent p. 55 Stévenin Jean-François p. 27
Bonzel André p. 28 Fox Eytan p. 43 Kaurismäki Aki p. 18-28 Pereda Nicolás p. 12 Suwa Nobuhiro p. 22
Buñuel Luis p. 27 Garrel Philippe p. 18 Kervern Gustave p. 26 Poelvoorde Benoît p. 28 Truffaut François p. 18
Carpenter John p. 32 Gaye Dyana p. 45 Kramer Stanley p. 32 Pollet Jean-Daniel p. 45 Tyrlova Hermina p. 57
Cassidy Brian M. p. 10 Godard Jean-Luc p. 18 Lanciaux Antoine p. 56 Rafaei Rania et Raed p. 44 Weiland Johannes p. 56
Champetier Caroline p. 47 Gomes Miguel p. 38 Lanthimos Giorgos p. 43 Ragona Ubaldo p. 34 Yeaworth Irvin p. 32
Chesnard Hugo p. 45 Gomis Alain p. 10 Larrain Pablo p. 46 Reeves Matt p. 34
Clair René p. 27 Granjon Pierre-Luc p. 56 Lawrence Francis p. 34 Renner Benjamin p. 55
Daldoul Hassen p. 27 Gryazev Andrei p. 12 Livne Ami p. 12-44 Renoir Jean p. 39
Delépine Benoît p. 26 Guerra da Mata Joao Rui p. 10 Lvovsky Noémie p. 51 Rodrigues Joao Pedro p. 10