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Bonnefoy, Celan, Deguy, Kirsten : quatre poètes face à l'héritage religieux du XIX e siècle
Author(s): Stéphane Michaud
Source: L'Année Baudelaire, Vol. 16, Hommage à Max Milner Textes réunis par Paolo
Tortonese (2012), pp. 101-110
Published by: Honoré Champion
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/45073912
Accessed: 15-01-2020 23:40 UTC
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L'Année Baudelaire
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Stéphane Michaud
1 . La présente contribution a d'abord été présentée sous forme orale au colloque « Les
Religions du XIXe siècle», organisé par la Société des études romantiques et dix-
neuviémistes à Paris, en septembre 2009.
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2. Stéphane Michaud, «Lyrik als Verdichtung und Transparenz. Zur Rezeption von
Yves Bonnefoy und Michel Deguy in Deutschland », Arcadia, 46/1, 2011, p. 177-198.
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BONNEFOY, CELAN, DEGUY, KIRSTEN
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4. Pour me limiter aux apports plus récents, je retiendrai pour le présent propos les ou-
vrages suivants : Daniel Lançon, «Bonnefoy et le XIXe siècle. Vocation et filiation», dans
Littérature et nation (Tours), n° 25, 2001 ; Yves bonnefoy. Poésie, recherche et savoirs , op. dt. ; Yves
Bonnefoy. Écrits récents (2000-201 1), textes rassemblés par Patrick Labarthe et Odile Bombarde
avec la collaboration de Jean-Paul Avice, Genève, Slatkine, 2011 (en particulier la contribu-
tion de Jean-Paul Avice : «Théologie et poésie au risque des Peintures noires », p. 107-130) ;
Martin Rueff, Michel Deguy. L'Allégresse pendve , Belin, 2007 ; Le Grand Cahier Michel Deguy ,
Bordeaux, Le Bleu du ciel, 2008 ; Martin Rueff, Difference et identité : Michel Deguy , Hermann,
2009 ; Le Grand Huit, pour fiter les 80 ans de Michel Deguy, sous la direction de Claude Mou-
chard, Martin Rueff et Tiphaine Samoyault, Bordeaux, Le Bleu du ciel, 2010.
5. Pour faire bref, je renvoie sur Paul Celan le lecteur français aux contributions et
traductions régulières dans la revue de Michel Deguy, Po&sie, aux traductions de Jean-
Pierre Lefebvre ( Choix de poèmes , éd. bilingue, coll. Poésie/ Gallimard, 1998 ; Renverse du
souffle, Éditions du Seuil, coll. Points, 2006), et au livre d'Yves Bonnefoy, Ce qui alarma
Paul Celan (Galilée, 2007) qui forme désormais un chapitre de Le Siècle où la parole a été
victime (Mercure de France, 2010, p. 273-288). Il convient de rappeler la déclaration
d'Yves Bonnefoy dans l'entretien qu'il accorde à Pedro B. Rey : Celan y figure avec les
autres rédacteurs de la revue L'Éphémère, au nombre des poètes « aimés » de lui. Et il
ajoute : «Je me sens très proche toujours de ces compagnons d'alors » (Yves Bonnefoy,
Llnachevable. "Entretiens sur la poésie 1990-2010, Albin Michel, 2010, p. 355).
6. Voir Wulf Kirsten, Graviers, présenté et trad, de l'allemand par Stéphane Michaud, Be-
lin, coll. L'Extrême contemporain, 2009, et l'ouvrage que j'ai coordonné : Quatre poètes dans
lEurope monde : Yves Bonnefoy, Michel Deguy, Morton Kalasą Wulf Kirsten, Klincksieck, 2009.
7. Même si la perspective comparatiste que je propose est assez largement neuve, la bi-
bliographie est immense. On se gardera de négliger les travaux fondateurs, les pages par
exemple que Blanchot consacre au Sacré chez Bonnefoy (LEntretien infini, Gallimard, 1961,
p. 51-52). On me permettra de citer encore l'article suivant de ma plume : « L'absence ou le
silence de Dieu dans la poésie contemporaine : Celan, Bonnefoy, Deguy », dans From Ritual
to Romance : littérature comparée et histoire comparative des retirons, colloque de Brème (6-8 août
2008), sous la direction de Manfred Schmeling et Hans-Joachim Backe, préface de Hendrik
Birus, Würzburg, Königshausen & Neumann, 201 1, p. 71-85.
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BONNEFOY, CELAN, DEGUY, KIRSTEN
8. L'adverbe « Mitsammen / ensemble » qui occupe à lui seul l'espace du vers final de
poème. Voir Choix de poèmes, trad. Jean-Pierre Lefebvre, op. dt., p. 200-201.
9. De Nelly Sachs, le lecteur français lira notamment : Éli - Lettres - Énigmes en feu, trad.
Claude Mouchard, Belin, coll. L'Extrême Contemporain, 1989, et Correspondance Nelly
Sachs - Paul Celan, Belin, coll. L'Extrême Contemporain, 1999.
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STÉPHANE MICHAUD
Prie, Seigneur,
adresse-nous ta prière,
nous sommes tout près12.
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14. Yves Bonnefoy, « Rimbaud » [1961], rééd. dans Notre besoin de Rimbaud, Éditions du
Seuil, 2009, p. 139.
15. Ibid., p. 137.
16. Interventions orales d'Yves Bonnefoy dans Yves Bonnefoy. Poésie, recherche, savoirs, op.
dt., p. 603. Yves Bonnefoy, Ne Lieu d'herbes, Galilée, 2010, p. 32-33.
17. Wulf Kirsten, Graviers, op. dt., p. 47.
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A bien des égards, il n'est pas de question plus insistante dans la poé-
sie contemporaine que celle de Dieu. Les œuvres les plus récentes d'Yves
Bonnefoy et de Michel Deguy en convainquent. L'urgence des temps a
balayé comme idolâtries inconsistantes les religions du XIXe siècle. Elles ont
été emportées dans la faillite des idéologies. Subsiste-t-il même une religion
du livre, héritée de Mallarmé ? Si le livre, l'écriture demeurent, c'est au sens
d'une expérience individuelle, menée jusqu'au bout, dépouillée de sa dimen-
sion exemplaire ou absolue, susceptible en revanche de prendre en charge
la responsabilité individuelle au sein d'un vivre ensemble à construire.
Non seulement, il n'est plus besoin de Dieu pour fonder la relation
intersubjective à laquelle travaille la poésie contemporaine, mais encore
celui-ci la menace, en la fondant sur une donnée chimérique ou intéres-
sée, celle de la rétribution dans l'au-delà. Dans le meilleur des cas, Dieu
est à naître. Le plus souvent, c'est un parasite, un voleur, qui envie à
l'homme sa fragilité, la tendresse et l'amour dont l'horizon de la mort,
étranger par nature à Dieu muré dans son éternité, le rend capable. Dé-
sormais vidé de la pacotille dont on l'encombrait en vain, Dieu devient
un signifiant libre, l'absent qui fonde le jeu, la mobilité, la liberté hu-
maine. Ce serait pourtant une erreur de penser qu'il s'identifierait au
Dieu des mystiques, inconnaissable, muet, dont le silence ouvrirait un
espace à la parole. Bonnefoy a dépassé la « théologie négative », la seule
qu'en son temps il s'était dit disposé à accepter.
L'absolu chez Bonnefoy et Deguy ne se nomme plus Dieu. Il est ré-
intégré dans la relation interpersonnelle. «Le fait de l'absolu, la "vraie
vie" », écrit Bonnefoy, sont dans « le rapport de présence à présence qui
pourrait s'établir entre les êtres20 ». L'appeler Dieu, c'est rendre cet avène-
ment conditionnel plus problématique encore. Si cependant nos poètes
sont loin de se désintéresser de la pensée religieuse, et même ajoute Bon-
nefoy « de ses formes théologiques les plus absconses », c'est en raison de
la parenté qu'elle entretient avec le poème21. A condition toutefois d'admettre
que c'est à la poésie seule qu'est remis l'espoir. C'est pourquoi il lui importe
de se dégager de la religion sans ambiguïté ; Deguy précise : sans retour.
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