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Coline Piot
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l’espace pré-fictionnel des petites comédies
(1660-1670)
1. On pense notamment au projet ANR « Les idées du théâtre », dirigé par Marc Vuillermoz,
qui mène une réflexion sur la construction et la circulation des idées relatives au fait théâtral, et qui
s’
accompagne d’une vaste entreprise d’édition des paratextes dramatiques des xvie et xviie siècles
français, espagnol et italien.
2. Sont ici considérées comme « paratexte théâtral » toutes les pièces liminaires précédant la publi-
cation d’une comédie : préface, avis au lecteur, épître, dédicace, argument, avertissement, examen.
3. Sur la question des dédicaces, voir les travaux de Wolgang Leiner. Sur les stratégies de relation
mécénique de l’épître dédicatoire, voir Alain Viala, Naissance de l’écrivain : sociologie de la littérature à
l’âge classique, Paris, Éd. de Minuit, 1992.
4. La publication des œuvres complètes de Corneille en 1660 assorties de ses « Examens » apparaît
en ce sens comme la consécration d’un mouvement amorcé dès les années 1630.
5. Voir Anne Cayuela, Françoise Decroisette, Bénédicte Louvat-Molozay et Marc Vuillermoz (dir.),
Préface et critique. Le paratexte théâtral en France, en Italie et en Espagne (xvie-xviie siècles), Littératures
classiques, Paris, Colin, 2014/1 n° 83.
6. Voir Giovanni Dotoli, Temps de préfaces : le débat théâtral en France de Hardy à la querelle du
« Cid », Paris, Klincksiek, « Bibliothèque française et romane », Série C, Études littéraires, 1997.
7. Voir Wolgang Leiner « Lieux communs et discours encomiastique », Cahiers de l’Association
Internationale des Études Françaises, 1997, n° 49. pp. 75-93.
XVIIe siècle, n° 275, 69e année, n° 2-2017
léger, décalé, parfois même très familier, voire cavalier. Une telle évolution dans
la pratique du paratexte, ou plus exactement l’insertion si rapide, dans le paysage
éditorial, d’une nouvelle forme paratextuelle – car les formes antérieures ne dispa-
raissent pas pour autant – est révélatrice de nouveaux enjeux liés à la publication
théâtrale. Elle est en réalité étroitement liée à un phénomène clairement identifiable :
les petites c omédies, pièces comiques comprenant un à trois actes, conçues jusque-là
comme des compléments de spectacles uniquement destinés à la scène, deviennent
à cette date des objets de publication. C’est bel et bien pour les accompagner que
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se forgent ces formes paratextuelles spécifiques, qui par la suite contamineront les
autres. On peut dater des Précieuses ridicules de Molière, et des circonstances très
particulières qui accompagnent la publication de la pièce8, le début du phénomène.
Le discours sérieux des paratextes précédant la publication de comédies en cinq
actes ne convient ni au genre profondément ludique de la petite comédie, ni au statut
de ces nouveaux auteurs, majoritairement comédiens de formation9. Ils se réappro-
prient alors cet espace pour y faire ce qu’ils savent le mieux faire : divertir le lecteur.
Leur pratique d’acteur explique peut-être l’oralité qui colore ces paratextes, comme
une réminiscence de prise de contact avec le public à la manière du compliment ou
du prologue. Comme ces derniers, le paratexte de petite comédie cherche à capter
l’attention du récepteur et à établir un lien de continuité avec la comédie. Malgré la
diversité formelle – préface, dédicace, épître, argument, avis au lecteur, etc. – de ces
pièces liminaires, un même enjeu semble les animer : le paratexte est mobilisé non
plus – ou plus seulement – comme discours de circonstance accompagnant la comé-
die qui suit, mais comme un sas d’entrée dans la fiction théâtrale, en tant qu’il dispose
le lecteur à la réception comique de la pièce. Une certaine unité de ton rapproche
des textes très hétérogènes : sur une note badine, les auteurs jouent avec le lecteur, et
endossent l’ethos de serviteurs dévoués à son pur divertissement. D’un point de vue
énonciatif, ce ton badin privilégie la désinvolture, le préfacier n’accordant d’impor-
tance ni à son œuvre, ni même au discours qu’il est en train de tenir. D’un point
de vue pragmatique, il instaure un rapport de connivence avec le lecteur et le but
de l’échange semble ne répondre qu’à l’exigence du rire partagé. D’un point de vue
stratégique, enfin, il vise à faciliter l’intégration du lecteur dans le monde fictionnel.
8. Voir sur cette question la notice de la pièce in Molière, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll.
« Bibliothèque de la Pléiade », éd. G. Forestier et Cl. Bourqui, t. i, pp. 1193-1213.
9. On peut distinguer deux catégories d’auteurs de petites comédies, les comédiens-auteurs, prati-
ciens qui avaient l’habitude de composer des pièces pour la troupe sans penser à les publier, et les auteurs
polygraphes ou amateurs, qui écrivent des petites comédies de façon ponctuelle. Sur les 23 auteurs
étudiés dans cet article, 11 sont des comédiens-auteurs : Brécourt, Montfleury (bien qu’il ne soit pas
comédien, il partage la vie d’une troupe de théâtre spécifique), Chevalier, Dorimond, Poisson, Villiers,
Chérier, Rosimond, Nanteuil, Hauteroche, et avec un statut particulier, Molière. La plupart des petites
comédies sont composées par ces auteurs. L’autre ensemble correspondrait à des auteurs qui ont éprouvé
à l’occasion ce genre à la mode en exploitant un ton badin : Donneau de Visé, Boursault, Desaci,
Somaize, Subligny, Chappuzeau, Boucher, La Forge, Pascal, Du Perche. Enfin, les plus grands auteurs
comme Molière, encore, et Racine, s’essayent au genre de la petite comédie et emploient un ton spé-
cifique dans ces paratextes. Nous formons donc l’hypothèse que les comédiens-auteurs, du fait de leur
double statut, donnent un ton spécifique au paratexte et que ce ton est partiellement repris par d’autres
auteurs qui ne sont pas comédiens.
On se propose de considérer dans ce corpus peu connu10 les éléments qui témoignent
d’une évolution de la fonction du paratexte. On montrera qu’en facilitant l’entrée
du lecteur dans un univers fictionnel conçu uniquement pour la scène, le paratexte
badin se veut en réalité une réponse originale à la difficulté de pallier les manques
inévitables de la lecture de ces petites pièces comiques par rapport à la représentation.
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Le ton ajusté au genre de la petite comédie
C’est en 1660, dans la préface des Précieuses ridicules, que Molière donne le ton du
paratexte de petite comédie, en rejetant explicitement deux traditions :
Encore si l’on m’avait donné du temps, j’aurais pu mieux songer à moi, et j’aurais pris
toutes les précautions que Messieurs les auteurs, à présent mes confrères, ont coutume
de prendre en semblables occasions. Outre quelque grand seigneur que j’aurais été
prendre malgré lui pour protecteur de mon ouvrage, et dont j’aurais tenté la libéralité
par une épître dédicatoire bien fleurie, j’aurais tâché de faire une belle et docte préface11.
Mais enfin, comme je l’ai dit, on ne me laisse pas le temps de respirer, et M. de Luynes
veut m’aller relier de ce pas : à la bonne heure, puisque Dieu l’a voulu !
Avec cette préface, et celles qui suivront sous la plume de Molière12, un ton nou-
veau s’impose : celui de l’« auteur sans autorité13 » qui s’adresse au lecteur dans un
esprit de connivence.
Pour introduire une « bagatelle » en un acte qui a pour principal objectif de faire
rire le lecteur, les préfaciers des années 1660 ont par la suite volontiers recours à ce ton
qui renonce explicitement à toute prétention sérieuse. Sur ce point, le paratexte
accompagne l’évolution du genre qui semble se renouveler en délaissant les comédies
10. Une bibliographie en fin d’article recense toutes les pièces liminaires précédant la publication de
petites comédies de un à trois actes, en vers ou en prose, de 1660 à 1670 compris.
11. Molière, Les Précieuses ridicules, « Préface », Paris, Luynes, 1660.
12. Le paratexte des Fâcheux (Paris, Luyne, 1662), l’épître « À la Reine mère » dans la Critique de
l’École des Femmes (Paris, Luyne, 1663) et l’adresse « Au lecteur » de l’Amour Médecin (Paris, T. Girard,
1666) ont en commun d’être énoncés sur un mode désinvolte.
13. On doit l’expression et le concept à Delphine Denis, Le Parnasse galant : Institution d’une caté-
gorie littéraire au xviie siècle, Paris, Champion, 2001.
Peut-être me direz-vous que ce que je dis est ridicule, j’en demeurerai d’accord, et
comme ma pièce se nomme les Galants ridicules, je prétends que tout s’ensuive, et que
l’épître ne déroge point à l’ouvrage14.
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Le principe de cohérence entre les personnages, la nature de la comédie et le
registre adopté par le préfacier sont exploités à l’extrême avec humour.
Le ton des paratextes de petites comédies se fait même volontiers familier pour
aider le lecteur à entrer dans l’univers faussement populaire de la petite comédie.
Pour plaire aux mondains se délectant des traits de la farce qu’ils s’« encanaillent15 » à
aller voir sur scène lorsqu’ils sont repris au second degré, les auteurs de petites comé-
dies mettent en scène des personnages de petits bourgeois ou de valets au ton relâché.
Le discours paratextuel s’en ressent directement : pour ne pas briser l’illusion de la
« farce », les dramaturges s’adressent aux lecteurs sur un ton aux allures populaires16
dans une logique de « contamination17 » du texte sur le paratexte. Par exemple, dans
la petite comédie La Feinte Mort de Jodelet de Brécourt, qui met en scène un Jodelet
ridicule feignant la maladie pour éviter le mariage, le comique est délibérément gros-
sier : exploitation des plaisanteries sur le cocuage et fantaisies verbales18 des person-
nages en sont le matériau privilégié. Pour introduire ce genre de comique, Brécourt
n’hésite pas à employer dans son épître des expressions joyeusement imagées :
Comme les comédiens servent d’âme à la comédie, je l’ai animée en la faisant représen-
ter, et sa réussite m’a fait regagner ma pudeur poétique et principalement quand j’ai vu
qu’elle vous faisait épanouir la rate19.
14. Jean Chevalier, Les Galants ridicules ou les amours de Guillot et de Ragotin, épître « À Mademoiselle
M. M. », Paris, Bienfaict, 1662.
15. Nous empruntons le verbe à la précieuse Climène dans la Critique de l’Ecole des femmes, qui
regrette « que le goût des gens [soit] étrangement gâté là-dessus, et que le siècle s’encanaille furieuse-
ment » (Molière, Œuvres complètes, op. cit., t. i, p. 504).
16. Le ton badin se veut ainsi « pseudo-populaire » à l’instar du ton « pseudo-facétieux » présent
dans la littérature mondaine analysé par Lise Michel : voir « Discours misogynes et plaisanteries sur
le cocuage dans la littérature mondaine autour de 1660 », in Jean-Christophe Abramovici, Carine
Barbafieri (dir.), L’Invention du mauvais goût à l’âge classique (xviie-xviiie), Peeters, coll. « La République
des lettres 51 », 2013, pp. 301-314.
17. Nous empruntons ce terme à Marcella Trambaioli et Christophe Couderc qui l’utilisent pour
décrire les rapports entre les dédicaces et les comédies de Lope de Vega : voir « Rapports de contamina-
tion entre texte et paratexte dans les Partes de comedias de Lope de Vega », Littératures classiques, 2014/1
n° 83, pp. 253-272.
18. Les personnages de cette petite comédie inventent des néologismes, utilisent des métaphores
burlesques, ont recours à un lexique vulgaire ou pédant dans le but de créer des effets comiques.
19. Brécourt, La Feinte Mort de Jodelet, épître « À Monsieur de ***** », Paris, Guignard, 1660.
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mérites du destinataire pour bénéficier de sa protection et de son soutien financier
sont réinvesties : il s’agit désormais de faire valoir la pièce elle-même à travers le dédi-
cataire, dépeint en illustre spectateur assistant à la représentation. Raymond Poisson
interpelle « Monsieur *** » en ces termes :
Vous souvient-il que dans l’une des plus belles assemblées de France, vous donnâtes tant
d’applaudissements à une petite comédie qui y fut représentée, et qui fut ou assez plai-
sante, ou assez bien jouée pour satisfaire ses illustres auditeurs ? Vous souvient-il aussi,
Monsieur, qu’elle vous mit d’assez belle humeur pour vous obliger à chercher le méchant
auteur de cet heureux ouvrage, et que l’ayant trouvé, pour l’accabler de joie, et pour
l’étouffer de gloire, vous lui fîtes l’honneur de l’embrasser obligeamment, et de lui dire
qu’on ne pouvait plus plaisamment écrire, ni mieux jouer qu’il avait fait21 ?
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La stratégie paradoxale de désinvolture
Le ton humble que l’on retrouve dans tous les paratextes se dote, peut-être, d’une
connotation parodique dans le corpus des paratextes badins. Les auteurs de ces textes
adoptent une stratégie d’autodépréciation maîtrisée qui ressemble à celle des auteurs
galants. L’idée – parfaitement topique – qu’il existe une disproportion entre l’offre
d’une comédie et le dédicataire, se retrouve dans de nombreuses dédicaces badines.
Lorsque Somaize évoque la disproportion qu’il y a entre ses Précieuses ridicules mises
en vers, et l’illustre dédicataire Mademoiselle de Mancini, Boursault celle entre son
Jaloux endormi et Monsieur de Saux, Molière celle entre L’École des maris et le duc
d’Orléans, ou lorsque Dorimond regrette que les Muses lui aient « refusé le présent
qui pourrait être digne25 » de Monsieur de Vaissé, dédicataire de La Comédie de la
comédie ou les Amours de Trapolin, les auteurs de petites comédies s’inscrivent dans des
logiques de désinvolture bien connues. Même lorsque le dédicataire est anonymé ou
nettement fictionnel, l’usage demeure, comme dans cette dédicace à Iris où Chevalier
précise que « l’offrir [à Iris] c’est faire un présent burlesque à la personne du monde
la plus sérieuse26 ». À cette date, de nombreux textes contemporains attestent une
lassitude vis-à-vis de ce type de procédés de dépréciation27, si bien que ces postures
d’humilité peuvent se lire comme des parodies potentielles, à visée critique. Elles
placent en tout cas ces minores dans l’esthétique du « petit genre » et les haussent au
rang des auteurs galants.
Mais à la différence des dédicaces des décennies précédentes, le topos est peut-
être à prendre plus au sérieux : effectivement, avant les années 1660, on ne dédi-
cace pas une pochade en un acte à un grand Seigneur. C’est peut-être justement
cette gêne plausible des dramaturges qui justifie le recours fréquents à des dédi-
cataires fictionnels. Ils ne dédicacent d’ailleurs pas des « comédies » – même si
c’est bien l’intitulé des pièces sur les pages de titre – mais évoquent leur œuvre
dans les textes liminaires avec des expressions comme « coup d’essai28 », « petite
comédie29 », « petite pièce burlesque30 », « pièce facétieuse31 », « pièce médiocre32 »
et surtout, « bagatelle33 ». Ces pièces, d’abord conçues, on l’a dit, comme des
compléments de spectacle étaient le plus souvent composées par l’un des comé-
diens de la troupe. La petite comédie n’avait jusqu’ici qu’une existence éphémère
et événementielle sans prétention « littéraire », au sens que nous donnerions
aujourd’hui au terme. C’est à partir de la publication des Précieuses ridicules de
Molière que l’on donne une seconde vie aux petites comédies en les imprimant
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et en les vendant comme lecture d’agrément34. Propulsant les comédiens au rang
d’auteurs appelés à la postérité, l’impression occasionne peut-être parfois une gêne
réelle, sensible dans les préfaces. Molière s’amuse sans doute de cette évolution
lorsqu’il évoque avec ironie « Messieurs les auteurs, à présent [s]es confrères35 ».
Poisson s’appelle quant à lui « méchant auteur » dans la dédicace de Lubin ou le
sot vengé, et Chevalier rappelle qu’il « étai[t] comédien » et qu’il « a voulu faire
l’auteur » dans la dédicace du Soldat poltron36. L’épître à Mademoiselle de ***
précédant Le Cartel de Guillot est entièrement structurée sur un parallèle entre
Guillot, valet bouffon de la comédie, et l’auteur, Chevalier : « Je m’imagine que
vous ne serez pas moins surprise de me voir imprimé que Guillot semble l’être
quand il trouve […] ». Il souligne explicitement le caractère inédit de la publi-
28. Brécourt, La Feinte Mort de Jodelet, op. cit. ; Adrien-Thomas Perdou de Subligny, La Folle
Querelle ou la critique d’Andromaque, épître « À Madame la Maréchale de l’Hospital », Paris, T. Jolly,
1668.
29. Jean Chevalier, Le Cartel de Guillot, épître « À Mademoiselle de ***** », Paris, Ribou, 1661 ;
Raymond Poisson, Lubin, op. cit. ; Jean Chevalier, La Disgrâce des domestiques, épître à la « Belle Iris
C. D. B. », Paris, P. Bienfaict, 1662 ; Nanteuil, Le Docteur extravagant, épître « À Monsieur de Nassau »,
Bruxelles, 1669.
30. Antoine Baudeau de Somaize, Le Procès des Précieuses, « Préface », Paris, Ribou, 1660 ;
Villiers, L’Apothicaire dévalisé, « Préface », Paris, Sercy, 1660 ; E. Boursault, Le Médecin volant, Lyon,
Ch. Mathevet, 1666.
31. Samuel Chappuzeau, Le Colin Maillard, épître « À Madame l’Escot », Paris, Loyson, 1662.
32. Villiers, L’Apothicaire dévalisé, op. cit.
33. Antoine Baudeau de Somaize, Le Procès des Précieuses, op. cit. ; Dorimond, L’Amant de sa femme,
épître « À Monsieur le comte de Bury », Paris, Quinet, 1661 ; Molière, L’École des maris, épître « À
Monseigneur le Duc d’Orléans », Paris, Luyne, 1661 ; Jean Chevalier, Les Amours de Calotin, « Dédicace
à Très haut et très puissant Prince Christian Louis », Paris, T. Jolly, 1664 ; Brécourt, La Noce de village,
op. cit. ; Jean Chevalier, Le Soldat poltron, op. cit.
34. Le phénomène vient peut-être aussi de l’influence italienne. Comme l’explique Claude
Bourqui, les auteurs de commedia dell’arte commencent, dans la première partie du xviie siècle, à
imprimer pour la lecture certaines comédies, auparavant réduites à des canevas utiles pour la scène
sans prétention littéraire, voir La Commedia dell’arte, Paris, Armand Colin, coll. « Lettres sup », 2001,
p. 119.
35. Molière, Les Précieuses ridicules, op. cit.
36. Le même Chevalier utilise cette gêne à des fins galantes dans sa dédicace à Mademoiselle :
« Lorsque j’eus l’honneur de paraître devant votre Altesse en qualité d’acteur, je n’espérais pas avoir
un jour le glorieux avantage de m’y voir en celle d’auteur, et véritablement, Mademoiselle, j’en aurais
une surprise sans égale, n’était que toute la Terre sait bien que quiconque a le bonheur d’être regardé
par votre Royale Personne, fût-il le plus stupide du monde, ne peut manquer d’avoir quelque étincelle
d’esprit, quand la splendeur du vôtre a réfléchi sur le sien. » Jean Chevalier, Le Pédagogue amoureux,
épître « À son Altesse royale Mademoiselle », Paris, Baudoin, 1665.
cation pour un homme comme lui : « Aussi qui croirait qu’un homme qui n’a
jamais su qu’à peine son A, B, C, pût faire paraître un livre au jour37. » S’ils ren-
contrent à merveille la posture de modestie feinte propre aux auteurs galants, ces
propos illustrent aussi un changement réel dans l’histoire éditoriale de la comédie
et témoignent de la promotion du statut des comédiens-auteurs. Dans tous les cas,
sur le plan énonciatif, ces textes ont pour originalité d’instaurer un échange d’égal
à égal dans une c ommunauté de rire partagé.
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Divertir le destinataire
L’échange entre le préfacier et son lecteur est ainsi placé sous le signe du divertis-
sement. Partant, des éléments habituels du paratexte théâtral peuvent être exploités
à des fins comiques. C’est le cas par exemple de la justification du titre, qui devient
souvent dans ce corpus l’occasion d’une plaisanterie destinée à amuser le lecteur. Le
principe est toujours le même : l’auteur recourt aux possibilités polysémiques du titre
de sa comédie pour faire une pirouette rhétorique. Ainsi, Montfleury offre un « rien »
à Charles Testu, dédicataire du Mariage de rien38. Le « rien » réfère au sens propre au
titre de la pièce, mais il est aussi synonyme de « bagatelle ». Pour qui connaît la pièce,
« Rien » renvoie aussi au nom que se donne Lisandre pour tromper le Docteur qui
refuse tous les prétendants de sa fille. À l’en croire, en effet, « On ne peut dire que
du bien / D’un homme qui dit qu’il n’est rien ». La fin de la dédicace joue avec tous
les sens du mot :
J’estimerai mon bonheur sans pareil si vous êtes assez prodigue d’estime pour en don-
ner à RIEN, et si ce RIEN que je vous offre avec toute sorte de respect, me peut faire
obtenir la grâce de me dire, monsieur, votre très humble39 […]
De la même façon, Brécourt joue sur la polysémie du terme « noce » dans la dédi-
cace de La Noce de village au duc d’Enghien :
La voici [la comédie] qui vient à Votre Altesse Sérénissime en villageoise, c’est-à-dire
parée de ses beaux habits comme au jour d’une grande fête ; la fête est grande pour elle,
et je puis dire que cette Noce de village, ne se trouva jamais à telle noce40.
La « noce » renvoie à la fois au mariage villageois dont il est question dans la pièce
et à la fête donnée à son Altesse. La pratique du jeu de mots parcourt les préfaces
même quand elle ne s’appuie pas explicitement sur le titre de la pièce : dans la dédi-
cace de La Feinte Mort de Jodelet41, quand Brécourt écrit à Monsieur de Guise : « très
assurément si vous l’aviez lue avant que de l’avoir vu jouer, vous l’eussiez jouée vous-
même », en jouant sur le double sens du verbe « jouer », il évoque des inquiétudes
convenues vis-à-vis de la lecture de théâtre par rapport à la représentation42.
La coloration comique apportée à la dédicace traditionnelle dans les versions badines
peut être portée jusqu’à la satire, ou plus exactement elle peut réactiver des traditions
satiriques anciennes dont les comédies elles-mêmes font leur profit. Le dédicataire
est alors le plus souvent fictif. En dédicaçant son Médecin volant43 à « Monsieur C…
Médecin de [s]on pays » qui a la caractéristique de tuer ses malades, Boursault fait
immédiatement entrer le lecteur dans la satire traditionnelle des médecins. Le but est
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déjà de le faire rire : les trois pages de la dédicace ne font qu’exploiter les lieux communs
attachés à « ces Messieurs qui ne sont Médecins que par la soutane ». De même, dans
L’École des jaloux ou le cocu volontaire44, Montfleury adresse sa dédicace à « Messieurs
les Cocus », remotivant le topos comique du cocuage bien connu des lecteurs. Or
Montfleury se promet de rendre riche le libraire si chaque cocu achète un exemplaire
et imagine avec une cruauté savoureuse le dilemme de ses dédicataires, partagés entre
la vanité de se voir dédié un ouvrage et la honte de reconnaître par là leur cocuage. Le
lecteur rit d’emblée d’un motif satirique familier qu’il s’attend à voir développer dans la
comédie ainsi introduite.
On l’a vu, parce que le genre de la petite comédie cherche en tout premier lieu
à faire rire, les paratextes qui accompagnent ces pièces adoptent une dimension
ludique jusque-là inédite. Tout en reprenant certains codes du genre de la
préface et de la dédicace, les dramaturges empruntent un ton nouveau qui crée
la possibilité d’un échange badin et complice avec le lecteur. Le paratexte n’est plus
conçu comme un espace de communication rhétorique avec le dédicataire ou le
lecteur, mais bien comme un sas d’entrée dans l’univers du comique caractérisant
la tonalité de la pièce qui suit. La logique d’introduction à la fiction est parfois
tellement poussée que le paratexte en perd presque son lien nécessaire avec la fable
théâtrale qu’il précède pour devenir un texte, sinon autonome, du moins conçu
selon une logique interne.
42. On peut encore signaler un jeu de mot sur le terme « précaution » dans l’épître « À
Monsieur le Marquis de Vauvant » de l’Inconstance punie ou la précaution inutile de Dorimond
(Paris, Quinet, 1661) ou un jeu de mot sur « railleur » dans la préface aux Galants ridicules de Jean
Chevalier, op. cit.
43. Edme Boursault, Le Médecin volant, op. cit.
44. Jacob Antoine de Montfleury, L’École des jaloux, épître « Aux cocus », Paris, Compagnie des
Libraires, 1761.
Mais aussi chez Somaize dans Les Précieuses ridicules mises en vers :
Cette préface aurait à peu près la longueur qu’elle devrait avoir, et je la finirais volon-
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tiers en cet endroit s’il ne me restait encore un peu de papier qu’il faut remplir de quoi
que ce puisse être quand ce ne serait que pour grossir le Livre46.
Or le paragraphe qui suit n’apporte rien de nouveau par rapport à tout ce qui pré-
cède dans la préface : son caractère superfétatoire amène ainsi à prendre au sérieux,
au-delà de l’évidente badinerie, le besoin des auteurs de petites comédies d’augmen-
ter la quantité des pages du livre pour accroître sa valeur marchande. Alors qu’une
pièce en cinq actes compte en moyenne une centaine de pages, les petites comédies
contiennent dans le meilleur des cas une cinquantaine de pages. Cela peut aussi
justifier le soin tout particulier accordé au paratexte, et expliquer en partie pour-
quoi certaines préfaces excèdent en longueur les bornes habituelles du genre, non
pour tenir un discours théorique, mais pour proposer une autre forme de divertis-
sement47. Le paratexte des Précieuses ridicules nouvellement mises en vers de Somaize
se composant d’une épître, d’une préface, d’une élégie en vers à Mademoiselle de
Mancini et d’un avis au lecteur est ainsi long d’une trentaine de pages. Avant la
comédie des Fâcheux de Molière, le lecteur peut lire sur 22 pages la dédicace au
roi, l’avertissement au lecteur et le prologue. Plus probant encore est le traitement
réservé aux pièces jumelles de Boursault parues en 1665. Dans la version en cinq
actes, intitulée Les Deux Frères gémeaux, ou les menteurs qui ne mentent point, la pièce
est publiée sans paratexte et compte 120 pages. En revanche, dans la version en
trois actes, publiée la même année et intitulée Les Nicandres, ou les menteurs qui ne
mentent point, la petite comédie est précédée d’une dédicace à Monsieur d’Hervart,
Seigneur de Lanzert, et surtout d’un long « argument nécessaire48 ». L’ensemble
du paratexte contient 24 pages, pour les 60 pages de la petite comédie en trois
actes. Sans être une règle absolue, car certaines petites comédies sont aussi publiées
sans paratexte ou avec des paratextes d’envergure modérée, on note une tendance à
l’hypertrophie du paratexte dans ce corpus, comme pour compenser la minceur de
la petite comédie imprimée, et ce phénomène s’accompagne d’une diversification
des contenus.
45. Raymond Poisson, Le Poète basque, dédicace « À Monsieur de Ranchain », Paris, Quinet, 1670.
46. Antoine Baudeau de Somaize, Les Précieuses ridicules mises en vers, op. cit.
47. Dans les décennies précédentes on trouve fréquemment des préfaces d’une ampleur importante,
mais dans le cadre de polémiques ou bien pour tenir un discours théorique sur le théâtre. Ce qui étonne
dans ces préfaces, c’est que ces pages ne servent pas à soutenir une position, ni même à faire l’éloge de
la pièce, mais à délayer le divertissement jusque dans les seuils du texte.
48. La Princesse d’Élide (Paris, E. Loyson, 1665) et le Mariage Forcé, (Paris, Ballard, 1664), deux
comédies de Molière, sont également publiées avec des « Arguments ».
Ces ensembles paratextuels sont de fait caractérisés par une très grande variété.
Dans certains cas, le paratexte est composé de pièces distinctes si bien qu’on
pourrait avoir l’impression d’être en présence d’un recueil mondain composé
d’éléments hétéroclites49. Le paratexte de la petite comédie Le Baron de la Crasse50
est étonnant : après une dédicace conventionnelle au duc de Créqui, le volume
comporte une succession d’épîtres en vers signées de Villiers à propos de la pièce et
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pourtant désolidarisées de celle-ci. Villiers commence en effet par annoncer qu’il n’a
« point vu Le Baron de la Crasse » : la comédie n’est qu’un prétexte pour s’essayer
à la création poétique. Dans L’Inconstance punie de Dorimond, le lecteur prend
plaisir à lire d’abord un éloge en prose du marquis de Vauvant puis un autre, en
vers, de Madame de la Basinière, en un diptyque explorant plusieurs possibilités
du genre de l’épître. La diversité générique du paratexte se retrouve également dans
les arguments qui précèdent parfois les comédies et qui empruntent le ton de la
nouvelle comme si le texte jouissait d’une autonomie quasi complète par rapport à
la comédie qu’il précède. Dans Les Nicandres ou les Menteurs qui ne mentent point,
Boursault rédige l’argument à la manière d’une courte nouvelle autonome comme
en témoigne ce passage :
Dans une ville de France, que je ne nomme pas, à cause de la qualité des personnes
dont je parle, il naquit d’une dame moins recommandable par sa naissance que
par ses vertus, deux garçons, d’un seul accouchement, mais qui se ressemblaient si
parfaitement, qu’on les prenait continuellement l’un pour l’autre51.
Le temps passé des verbes, la présentation des personnages et le ton narratif appa-
rentent ce texte à l’incipit d’une fiction qui suit ses propres codes génériques sans
égards à sa situation paratextuelle. Boursault développe sur plusieurs pages l’histoire
de ces frères jumeaux et des quiproquos engendrés par leur gémellité auprès des
jeunes filles que chacun d’eux courtise. Les péripéties successives sont narrées sans
que rien n’indique qu’il s’agit là de l’intrigue d’une pièce de théâtre. Il faut attendre
onze pages pour que ce récit indépendant se rattache à la comédie qui suit, lorsque,
dans une adresse directe au lecteur, Boursault justifie son recours à l’argument :
Je sais, lecteur, que ce n’est plus la coutume de faire des arguments aux pièces de théâtre,
et qu’elles ne valent guère si elles ne s’expliquent d’elles-mêmes ; aussi ne fais-je pas
celui-ci pour ceux qui ont vu, ni pour ceux qui verront représenter Les Menteurs qui ne
mentent point, mais seulement pour ceux qui font scrupules d’aller aux comédies, et qui
sont pourtant bien aises de les lire52.
49. C’est aussi la diversité des contenus qui permet à Christophe Schuwey de rapprocher le Mercure
galant de Jean Donneau de Visé du recueil collectif mondain, voir « Le Mercure galant : un recueil
interactif », Portail du 17e siècle, volume xvi, 1, 2015.
50. Raymond Poisson, Le Baron de la Crasse, op. cit.
51. Edme Boursault, Les Nicandres ou les Menteurs qui ne mentent point, « Argument nécessaire »,
Paris, Perpingué, 1665.
52. Edme Boursault, Les Nicandres [...], op. cit.
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exemple de la dédicace du Poète basque de Poisson. Reproduisant à l’échelle du texte
le principe même du recueil galant, la préface intègre de courts « contes à rire ». Dans
sa dédicace à Monsieur de Ranchain, longue de dix pages, Poisson se met en scène
comme auteur pitoyable : il évoque la générosité des libraires qui acceptent de vendre
ses pièces à perte, son sentiment de vanité à entendre crier son nom au Palais, et
introduit enfin une véritable saynète, « Je me souviens pourtant qu’un matin […] »,
dans laquelle un gentilhomme le flatte si bien qu’il finit par lui offrir sa comédie –
un autre exemplaire, donc, qui ne rapportera rien. Un peu plus loin, il raconte les
louanges qu’il a reçues à la sortie d’une représentation de sa pièce en justifiant cet
ajout par la demande du libraire qui, comme on l’a mentionné plus haut, voudrait
« grossir le livre ». Enfin, Poisson dresse de lui, sur le mode comique de l’autodéri-
sion, un portrait de poète sensible à la flatterie et finalement mauvais commerçant,
avant de conclure : « Puisque je vois toutefois qu’elles [ses pièces] donnent à rire aux
habiles gens comme aux autres, je n’en veux pas demeurer là ; ils se divertissent à les
voir, je me veux divertir à les faire53. » La dédicace des Barons fléchois de Chérier54
(1667) n’est pas moins surprenante. Elle commence par replacer la comédie qui va
suivre dans la chaîne de « farces » à succès, et par la mention désinvolte des « règles
austères du théâtre » que l’auteur s’est refusé à suivre. Commence alors une longue
métaphore filée entièrement écrite sur un ton badin dans laquelle le dramaturge
compare sa farce à un « potage » qu’il offre aux lecteurs, assimilés aux barons de sa
pièce attablés pour un festin55. Il renouvelle la dimension publicitaire du paratexte
par cette métaphore, en annonçant la publication prochaine d’un « plat », un roman
qu’il est en train d’écrire, et d’un « dessert », une comédie plus longue. Il développe
ensuite une attaque contre un poète ridicule qui deviendra le type comique de sa
prochaine comédie. Enfin, il raconte l’anecdote fantaisiste d’une lettre authentique
qu’on lui aurait apportée et qui aurait fourni la matière de la scène 2 de la comédie
qui suit.
Qu’elles procèdent par succession de textes au sein du paratexe ou par succession
de séquences composites au sein d’un texte assez long, ces pièces liminaires semblent
en tout cas ancrer le genre de la petite comédie dans l’univers galant en cultivant la
variété fondamentale de l’esthétique galante à la manière des recueils mondains en
plein essor à la même période. Afin d’honorer encore l’idéal de l’enjouement, les pré-
faces adoptent un ton et se construisent sur un mode qui s’apparente déjà au mode
dramatique propre à divertir le lecteur.
Le déplacement du théâtral
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S’opère ainsi une forme de déplacement du théâtral en amont de la pièce. Les
paratextes de petites comédies réinvestissent à des fins comiques le lieu commun des
épîtres dédicatoires qui consiste à mêler en un même niveau de réalité le destina-
taire de la pièce et les personnages : les « campagnards tout bouffis de gloire » de
Poisson envahissent ainsi la dédicace au prince de Rohan précédant L’Après-souper des
auberges56 tout comme le docteur extravagant se « prépare à faire rire » le dédicataire
Monsieur de Nassau dans Le Comte de Rocquefouilles57 de Nanteuil. Mais les drama-
turges de cette décennie vont plus loin en brouillant volontairement les frontières
entre le fictionnel et le non-fictionnel d’une autre façon : l’écriture du paratexte est
contaminée par la fable. Chérier évoque ainsi les barons fléchois comme s’il les avait
rencontrés en chair et en os et cherche à faire croire qu’une lettre authentique lui a été
fournie pour composer une de ses scènes. On reconnaît ici un procédé qui fera notam-
ment florès dans les paratextes de fiction narrative. Quoi qu’il en soit, cela permet ici
au lecteur une entrée progressive dans l’univers fictionnel proposé par le dramaturge.
Parallèlement, l’ethos des auteurs tend à se fictionnaliser quand ils donnent d’eux-
mêmes une image pitoyable qui doit amuser le spectateur par son caractère ridicule,
comme lorsque l’auteur de L’Apothicaire dévalisé appelle d’abord à l’indulgence du
lecteur « pour l’amour du libraire » avant de convoquer sa charité chrétienne :
Si par bonheur cette petite comédie te plaît, je serais trop payé du peu de peine qu’elle
m’a coûté à faire. Si par malheur elle ne te plaît pas, oblige-moi de n’en rien dire, pour
l’amour du libraire, qui n’en vendra pas tant de la moitié, si tu lui refuses ton approba-
tion. Cela se doit, ce me semble, à la charité que l’on doit avoir pour son prochain, et
tu le dois encore à la manière dont je parle de ce qui vient de moi. Que si ma prière est
incivile, ou peu raisonnable, je remets le tout à ton choix, et je me soumets entièrement
à ce que tu en diras, parce que tu t’y connais.
Tout auteur de notre calibre
Doit laisser le suffrage libre
Aucuns n’en usent pas ainsi
Qui devraient bien le faire aussi58.
Il en va de même pour la préface du Poète basque qui joue avec les limites du
dramatique. Poisson imbrique avec soin le plan de la fiction et celui de la réalité ;
les lieux évoqués (la galerie du Palais, l’hôtel de Bourgogne, le cimetière des Saint-
Innocents) renvoient à des référents réels qui doivent permettre au lecteur de
reconnaître le cadre d’énonciation. Mais les acteurs de la vie théâtrale représen-
tés, l’auteur, le libraire, le client, le spectateur sont déjà des personnages tant leurs
portraits ressemblent à des types comiques. L’auteur même se présente sous les traits
dégradés d’un auteur sans succès, narcissique et imbu de lui-même à la manière du
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personnage éponyme de sa comédie. Le sourire qui parcourt le texte rend toutefois
compte de sa pratique fine de l’autodérision et le ton enjoué qui caractérise la préface
laisse entrevoir, derrière la figure parodique du poète ridicule, le portrait réussi d’un
poète galant arborant une posture désinvolte. La publicité que fait Robinet à propos
de l’« épître » du Poète basque de Poisson dans la gazette du 4 mai 1669, sans même
mentionner la pièce, est significative de la perception par les contemporains de la
singulière autonomie de ce texte : « À propos, de gaie façon, / J’ai lu les deux du sieur
Poisson, / Pour les auteurs un peu piquantes, / Au reste fort divertissantes, / Et, pour
l’Épître seulement, / Qu’il remplit de tant d’enjouement59 » : par le choix du dernier
terme, le gazetier promet au lecteur de ce paratexte un plaisir tout galant.
Ces paratextes divertissants font l’objet d’un soin tout particulier de la part des
dramaturges. Le travail d’écriture des préfaces, qui vise à provoquer le rire du lecteur
dès les premières lignes, peut se concevoir comme une forme de réponse à la crainte
récurrente que le théâtre lu perde toute sa force par rapport à la représentation60.
Comme pour compenser la perte inévitable de l’écrit par rapport aux effets comiques
des jeux de scène de ces petites comédies, les dramaturges soignent le paratexte pour
faire entrer le lecteur progressivement dans l’esprit de la pièce en le faisant rire dès
les premières lignes. La préface change alors de nature pour devenir un embrayeur
de fiction théâtrale.
L’étude d’un corpus secondaire, les pièces liminaires, au sein d’un répertoire lui-
même peu connu, les petites comédies des années 1660, se révèle d’un intérêt majeur.
L’unité de ton dans ces paratextes, la structure composite de certains d’entre eux, les
postures qui cadrent leur énonciation et l’enjeu stratégique d’intégration progres-
sive du lecteur dans l’univers du rire badin permettent d’identifier à cette période
une évolution significative pour l’histoire des genres paratextuels comme pour l’his-
toire éditoriale des comédies. Les dramaturges concernés par ce nouveau rapport
au théâtre imprimé laissent non seulement voir leur malaise – ou leur étonnement
fécond – vis-à-vis de l’impression inédite de pochades jusqu’ici vouées seulement à
la scène mais aussi les stratégies qu’ils ont parallèlement mises en place pour justifier
ce geste inhabituel d’une part, pour pallier le manque inévitable de la lecture de la
pièce par rapport à sa représentation d’autre part. Le ton badin et la grande variété
59. Robinet, Lettre du 4 mai (texte saisi par David Chataignier à partir du tome ii [juillet 1666-
décembre 1667]) de l’édition du Baron Nathan-James-Edouard de Rotschild et d’Émile Picot, 1881-
1883, Paris, D. Morgand et C. Fatout éditeurs, site Molière21.
60. Voir sur cette question : Véronique Lochert, L’Écriture du spectacle. Les didascalies dans le théâtre
européen aux xvie et xviie siècles, Genève, Droz, « Travaux du Grand Siècle », 2009, pp. 267 sq.
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celle que jouaient les prologues dramatiques issus de la comédie latine. Réinvestis au
xvie siècle, en particulier en Italie mais aussi en France, les prologues avaient disparu
dès le début du xviie siècle français, ou s’étaient transformés en premier acte dans
le cas du théâtre dans le théâtre. Un siècle plus tard, à la toute fin du xviie siècle,
les prologues dramatiques ayant pour but d’introduire spectateurs et lecteurs dans
la fiction théâtrale ressurgissent massivement62. Dans l’intervalle, les paratextes de
petites comédies semblent jouer un rôle similaire aux prologues. Comme eux, ils
exploitent sur un mode léger voire caricatural un certain nombre de lieux communs
sur la réception des comédies et sur les postures d’auteurs. De la même manière
que le prologue dramatique introduit le spectateur dans la comédie qu’il précède,
le paratexte de petite comédie sert volontiers de sas pré-fictionnel au lecteur. Ils ont
donc sans doute contribué, directement ou indirectement, à la réhabilitation des
prologues dramatiques à la fin du xviie siècle si bien qu’on peut leur reconnaître un
rôle de précurseur.
Coline Piot
Université de Lausanne
Bibliographie
Cette liste recense les paratextes précédant des petites comédies classées par
ordre chronologique de 1660 à 1670 (par achevé d’imprimé). On trouve entre cro-
chets la date et le lieu de création lorsqu’ils sont connus et la description du contenu.
1660
Molière, Jean-Baptiste Poquelin dit, Les Précieuses ridicules, « Préface », Paris, Luynes,
1660 [1659, Paris, Petit-Bourbon, comédie en prose, un acte].
Desaci le Jeune, Les Travaux amoureux du marquis de la Rotonde, Gentilhomme de
la nouvelle fabrique, « À très discrète personne, Monsieur de Channouveau,
comédien de son Altesse Royale, Mademoiselle d’Orléans », quatrain dédié
61. Les « attendus » du genre de la préface sont rappelés par Véronique Lochert : voir « Prologhi,
préfaces, prologos : des lieux de théorisation alternatifs dans le théâtre européen des xvie et xviie siècles »,
Littératures classiques, 2014/1 n° 83, pp. 17-34.
62. Les prologues dramatiques sont analysés dans la thèse de Jeanne-Marie Hostiou, Les Miroirs
de Thalie. Le théâtre sur le théâtre et la Comédie Française (1680-1762), thèse de doctorat sous la direc-
tion du professeur Alain Viala, soutenue le 9 décembre 2009 (jury composé de Christian Biet, Gilles
Declercq, Pierre Frantz, Françoise Rubellin).
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Montfleury Antoine Jacob de, Le Mariage de rien, « À Charles Testu », Paris, Luyne,
1660, [1660, Paris, hôtel de Bourgogne, comédie en vers, un acte].
Somaize, Antoine Baudeau de, Le Procès des Précieuses, en vers burlesques, « Dédicace
à la Marquise de Monlouet », « Avis au lecteur », Paris, Loyson, 1660 [s. l.
n. d., comédie en vers, un acte].
Molière, Jean-Baptiste Poquelin dit, Sganarelle ou le cocu imaginaire, « À Monsieur
de Molière, chef de la troupe des comédiens », « À un ami », Paris, Ribou, 1660
[1660, Paris, Petit-Bourbon, comédie en vers, un acte].
Donneau de Visé, Jean, Les Amours d’Alcippe et de Céphise ou la Cocue imaginaire,
« À Mademoiselle Henriette », « Au lecteur », Paris, Ribou, 1660 [s. l. n. d.,
comédie en vers, un acte].
Villiers, Claude Deschamps dit, L’Apothicaire dévalisé, « Au Public » Paris, Sercy,
1660 [1658, Paris, hôtel de Bourgogne, comédie en vers, un acte].
Brecourt Guillaume de Marcoureau de, La Feinte Mort de Jodelet, « À Monsieur
de *** », Paris, Ribou, Guignard, 1660 [1659, Paris, théâtre du Marais, comé-
die en vers, un acte].
1661
Chevalier Jean, Le Cartel de Guillot ou le combat ridicule, « À Mademoiselle de *** »,
Paris, Ribou, 1661 [1660] Paris, théâtre du Marais, comédie en vers, un acte].
Dorimond, Nicolas Drouin dit, La Femme industrieuse, « À M. Danglure », Paris,
Ribou, 1661 [1661, Paris, comédie en vers, un acte].
Poisson Raymond, Lubin ou le sot vengé, « À Monsieur *** », Paris, Luyne, 1661
[1661, Paris, hôtel de Bourgogne, comédie en vers, un acte].
Dorimond, Nicolas Drouin dit, L’Inconstance punie, « Au Marquis de Vauvant »,
« Épître en vers à Madame de La Basinière », Paris, Quinet, 1661 [1659, Paris,
jeu de paume d’Orléans, comédie en vers, un acte].
Montfleury Jacob Antoine de, Les Bêtes raisonnables, « À très puissant seigneur
François de Rostaing », Paris, Luynes, 1661 [1661, Paris, hôtel de Bourgogne,
comédie en vers, un acte].
Dorimond, Nicolas Drouin dit, L’Amant de sa femme, « épître au comte de Bury »,
« Épître à la Comtesse de Bury », Paris, Quinet, 1661 [1660, Paris, comédie en
vers, un acte].
Molière Jean-Baptiste Poquelin dit, L’École des maris, « Au duc d’Orléans », Paris,
Sercy, Barbin, Luynes, Guignard, Quinet, 1661 [1661, Paris, théâtre du Palais
Royal, comédie en vers, trois actes].
Chappuzeau Samuel, L’Académie des femmes, « À Monsieur du Pertuy », Paris,
Courbé, 1661 [1661, Paris, théâtre du Marais, comédie en vers, trois actes].
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sieur Poisson sur sa comédie », « Au Baron de la Crasse », « À Catin », Paris,
Luynes, 1662 [1662, Paris, hôtel de Bourgogne, comédie en vers, deux actes].
Villiers, Les Ramoneurs, « Au mieux intentionné », Paris, Sercy, 1662 [1662, Paris,
Hôtel de Bourgogne, comédie en vers, un acte].
Boursault Edme, Le Mort vivant, « Au Duc de Guise », Paris, Guignard, Perpingué,
Loyson, 1662 [1662, Paris, hôtel de Bourgogne, comédie en vers, un acte].
Boursault Edme, Le Jaloux endormi, « Au comte de Saux », Paris, Guignard,
Perpingué, Loyson, 1662 [1662, Paris, théâtre du Marais, comédie en vers, un
acte].
Chappuzeau Samuel, Le Colin Maillard, « À Madame Lescot », Paris, Loyson, Ribou,
1662 [1662, Paris, hôtel de Bourgogne, comédie en vers, un acte].
Chappuzeau Samuel, Le Riche mécontent ou le noble imaginaire, « À Mademoiselle »,
Paris, Loyson, Ribou, 1662 [1662, Paris, hôtel de Bourgogne, comédie en vers,
trois actes].
Chevalier Jean, Les Galants ridicules ou les Amours de Guillot et Ragotin, « À Made-
moiselle M. M. » Paris, Bienfaict, 166, [1661, Paris, théâtre du Marais, comé-
die en vers, un acte].
Chevalier Jean, La Désolation des filoux sur la défense des armes ou les malades qui
se portent bien, « À Mademoiselle C. M. », Paris, Bienfaict, 1662 [s. l. n. d.,
comédie en vers, un acte].
Chevalier Jean, La Disgrâce des domestiques, « À Iris », « À Iris », Paris, Bienfaict, 1662
[1662, Paris, théâtre du Marais, comédie en vers, un acte].
Chevalier Jean, Les Barbons amoureux, et rivaux de leurs fils, « À Monsieur de La Mar-
lière », « Sonnet à Monsieur de La Marlière », Paris, Luynes, Quinet, 1662 [s. l.
n. d., comédie en vers, trois actes].
1663
Boucher, Champagne le coiffeur, « Au baron de Gentilly », Paris, Sercy, 1662, [1662,
Paris, théâtre du Marais, comédie en vers, un acte].
La Forge Jean de, Le Cercle des femmes savantes, « À la comtesse de Fiesque », « Avis
aux lectrices », ensemble de pièces poétiques, Paris, Trabouillet, Loyson, 1663
[1663, Paris, comédie en vers, un acte].
Chevalier Jean, L’Intrigue des carrosses à cinq sous, « À Madame de la Châtaigneraie »,
« avis du libraire au lecteur » ; Paris, Baudouin, 1663 [1662, Paris, théâtre du
Marais, comédie en vers, un acte].
Molière, Jean-Baptiste Poquelin dit, La Critique de l’École des Femmes, « À la Reine
mère », Paris, Sercy, Barbin, Luynes, Guignard, Loyson, 1663 [1663, Paris,
théâtre du Palais Royal, comédie en prose, un acte].
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disputes].
1664
La Forge Jean de, La Joueuse dupée ou l’intrigue des académies, « Au Marquis du Bois
de la Musse », Paris, Sommaville, 1664 [s. l. n. d., comédie en vers, un acte].
Pascal Françoise, Le Vieillard amoureux ou l’heureuse feinte, « À Monsieur Grollier »,
Lyon, Antoine Offray, 1664 [1662, Lyon, comédie en vers, un acte].
Montfleury, Antoine Jacob dit, L’École des jaloux ou le cocu volontaire, « Aux cocus »,
Paris, Perpingué, 1664 [1664, Paris, hôtel de Bourgogne, comédie en vers,
trois actes].
Chevalier Jean, Les Amours de Calotin, « Au Prince Christian Louis », Paris, Sercy,
Luynes, Guignard, Loyson, Quinet, Jolly, Bienfaict, Trabouillet, 1664 [1664,
Paris, théâtre du Marais, comédie en vers, deux actes].
Poisson Raymond, Le Fou raisonnable, « Au marquis d’Angely », Paris, Quinet,
Luyne, Guignard, Loyson, Bienfaict, 1664 [1664, Paris, hôtel de Bourgogne,
comédie en vers, un acte].
Boursault Edme, Les Nicandres ou les menteurs qui ne mentent point, « À Monseigneur
d’Hervart, Seigneur de Lanzert », « Argument », Paris, Perpingué, Jolly, 1664
[1664, Paris, hôtel de Bourgogne, comédie en vers, trois actes].
Boursault Edme, Le Médecin volant, « Dédicace à Monsieur C*** », « Avis au lec-
teur », Paris, Perpingué, 1664 [s. l. n. d., comédie en prose, un acte].
Poisson Raymond, L’Après-souper des auberges, « Au Prince de Rohan », Paris, Quinet,
Loyson, Barbin, 1665 [s. l. n. d., comédie en vers, un acte].
1665
Donneau de Visé, Jean, Les Costeaux ou les Marquis friands, « Au libraire », Paris,
Quinet, Loyson, Jolly, 1665 [1665, Paris, hôtel de Bourgogne, comédie en vers,
un acte].
1666
Donneau de Visé Jean, La Mère coquette ou les amants brouillés, « Préface », Paris,
Trabouillet, Girard,
Bobin, Le Moyne, 1666 [1665, Paris, théâtre du Palais royal, comédie en vers, trois
actes].
Du Perche, L’Ambassadeur d’Afrique, « À Madame de Ris », Moulins, Vernoy, 1666
[s. l. n. d.]
Molière, Jean-Baptiste Poquelin dit, L’Amour médecin, « Avis au lecteur », Paris, Tra-
bouillet, Le Gras, Girard, 1666 [1665, Paris, théâtre du Palais Royal, comédie
en prose, un acte].
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Chérier, Les Barons fléchois, « À Gabriel du Puy du Fou », « Avertissement », Paris,
Blageart, 1667 [s. l. n. d., comédie en vers, un acte].
1668
Chevalier Jean, Le Soldat poltron, « À Polyxème », « Au lecteur », Paris, Ribou, 1668
[1668, Paris, théâtre du Marais, comédie en vers, un acte].
Rosimond, Claude de la Rose dit, Le Duel fantasque ou les valets rivaux, « À Sébastien
de Lionne », Grenoble, Frémon, 1668 [1668, Paris, théâtre du Marais, comédie
en vers, un acte].
Donneau de Visé Jean, L’Embarras de Godard ou l’accouchée, « Au lecteur », Paris,
Ribou, 1668 [1667, Fontainebleau, comédie en vers, un acte].
Subligny Adrien-Thomas Perdou de, La Folle Querelle ou la critique d’Andromaque,
« À la Maréchale de l’Hôpital », « Préface », Paris, Jolly, 1668 [1668, Paris,
hôtel de Bourgogne, comédie en prose, un acte].
1669
Racine Jean, Les Plaideurs, « Au lecteur », Paris, Barbin, Quinet, 1669 [1668, Paris,
hôtel de Bourgogne, comédie en vers, trois actes].
Poisson Raymond, Les Faux Moscovites, Paris, Quinet, 1669.
[anonyme], La Critique du Tartuffe, « Lettre satirique sur le Tartuffe », Paris, Quinet,
1669 [s. l. n. d, comédie en vers, un acte].
Nanteuil, Denis Clerselier dit, Le Comte de Rocquefoeilles ou le docteur extravagant,
« À Monsieur de Nassau », La Haye, 1669 [s. l. n. d., comédie en vers, un acte].
Nanteuil, Denis Clerselier dit, L’Amour sentinelle ou le cadenas forcé, « Au Prince
d’Orange », La Haye, 1669 [s. l. n. d, comédie en vers, un acte].
Boursault, Edme, La Satire des satires, « Au prince de Soubise », « Au lecteur », Paris,
Ribou, 1669 [s. l. n. d., comédie en vers, un acte].
1670
Hauteroche, Noël Le Breton dit, Le Souper mal apprêté, « Au lecteur », Paris, Bla-
geard, 1670 [1670, Paris, hôtel de Bourgogne, comédie en vers, un acte].
Poisson Raymond, Le Poète basque, « À Monsieur de Ranchain », Paris, Quinet, 1670
[s. l. n. d. comédie en vers, deux actes].
Donneau de Visé Jean, Les Intrigues de la loterie, « Préface », Paris, Jolly, 1670 [1670,
Paris, théâtre du Marais, comédie en vers, un acte].
Hauteroche, Noël Le Breton dit, Crispin médecin, « À Madame le Camus », Paris,
Barbin, 1670 [s. l. n. d., comédie en prose, trois actes].
Donneau de Visé Jean, Le Gentilhomme Guespin, « Préface », Paris, Jolly, 1670 [s. d.,
Paris, théâtre du Marais, comédie en vers, un acte].
Résumé
Cet article interroge la rupture de ton manifeste dans un ensemble de paratextes théâtraux
à partir des années 1660, pour en déterminer les contours et les fonctions. Une nouvelle
forme paratextuelle introduit en effet les petites comédies dont l’impression est inédite. Une
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certaine unité de ton caractérise ces discours d’auteurs qui instaurent un rapport de conni-
vence ludique avec le lecteur. L’espace intermédiaire du paratexte, marqué par une forme
spécifique de légèreté, favorise l’entrée du lecteur dans un univers fictionnel conçu à l’origine
pour la scène uniquement. Il semble ainsi être une réponse originale à la crainte que le papier
ne puisse transmettre à la lecture toute la saveur comique de la représentation scénique.
Mots-clés : Paratexte, petite comédie, ton badin, ethos d’auteur, théâtre imprimé, comé-
diens-auteurs, stratégies éditoriales, théâtre comique.
Abstract
When Laughter Spreads to the Paratext: The Prefictional Space of Short Comedies (1660-1670)
This article scrutinizes the clear, marked change in tone found in a set of theatrical para-
texts beginning in the 1660s in order to identify their main features and functions. Indeed,
a new paratextual form is used to introduce these previously unpublished short comedies.
A certain unity in tone characterizes the discourse of these authors, which creates a playful
relationship of complicity with the reader. The intermediary space of the paratext, with its
distinctive form of lightness, supports the reader’s entry into a fictional universe originally
conceived for the stage alone. It therefore seems to be an original response to the fear that
reading from paper might not be able to convey all the comic flavor of stage representation.
Keywords: paratext, short comedy, playful tone, authorial ethos, theater in print, come-
dian-authors, editorial strategies, comic theater.