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L’évaluation socio-économique

des infrastructures de transport :


Enrichir les approches du développement territorial

Socio-economic evaluation of transport


infrastructures :
Propositions for improving the actual approaches of
territorial development

Pascal BÉRION
Maître de conférences
ThéMA CNRS UMR 6049
Université de Franche-Comté
32, rue Mégevand
F-25030 Besançon cedex France
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pascal.berion@univ-fcomte.fr

GUY JOIGNAUX
Directeur de recherche
INRETS - Centre de Lille Villeneuve-d’Ascq
BP 317
20, rue Elisée Reclus
59666 Villeneuve d’Ascq Cedex
joignaux@terre.inrets.fr

Jean-François LANGUMIER
Chargé de mission
Autoroutes Paris-Rhin-Rhône
163, quai du Docteur Dervaux
92601 Asnières
jf.langumier@aprr.fr

Mots clés : grandes infrastructures de transport, développement des territoires,


méthodes d’évaluation socio économique

Keywords : large transport investment, local development, methods of socio


economical evaluation

Classification JEL : R 420, R 590

2007 - No 4 - pp. 651-676 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 651


L’évaluation socio-économique des infrastructures de transport

Résumé
Dans les années récentes, en France, le processus décisionnel en matière de grands équipements a
sensiblement évolué, débouchant sur des réponses institutionnelles en termes de procédures adaptées.
Ceci a eu pour conséquence d’accroître l’exigence informationnelle destinée à alimenter les débats,
éclairer les problématiques abordées, leur donner un contenu le plus objectivé possible.
L’une des principales thématiques systématiquement abordées dans le cadre de ces procédures
participatives, est celle du développement territorial, dont l’importance en fait un des éléments
essentiels de l’acceptabilité sociale.
Les enseignements des observatoires socio-économiques autoroutiers nous donnent l’occasion d’appro-
fondir la réflexion théorique et méthodologique susceptible d’enrichir l’approche de ces questions.

Summary
In the recent years, in France, the decision process in the field of large investments has appreciably
changed, leading to institutional responses in terms of relevant procedures. The consequence of this
evolution consists in growing expectation of information to fuel the debate, to throw light on the
problematics, more objectively.
One of the main thematics of these participating procedures is local development, the answer to these
expectations is one of the conditions of the social acceptability of projects.
Lessons of the French motorways socio economic observatories give the matter to enlargement of
theoretical and methodological approaches of these questions.

Introduction
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L’évaluation socio-économique des infrastructures de transports est une pratique
aujourd’hui largement répandue, à tous les niveaux de gouvernance des grands
projets : États et organismes internationaux. Elle puise ses origines dans les procé-
dures de rationalisation des choix publics 1 en matière de grands équipements. Son
principal, voire unique objet fut pendant longtemps de mesurer l’utilité écono-
mique et sociale des investissements en mobilisant les méthodes et les outils du
calcul économique. La modélisation proposée a fourni des résultats qui ont large-
ment influencé le choix des priorités en matière d’équipement et de desserte des
territoires. Aujourd’hui, la portée des évaluations socio-économiques n’est plus
limitée aux seuls domaines couverts par l’analyse ex-ante quantifiant les coûts et
avantages des choix modaux et des tracés projetés. La montée en puissance d’une
demande sociale organisée en lobbies ou en groupes de pression et plus largement,
la décentralisation de l’action publique, requièrent de nouvelles formes de gouver-
nance des projets d’infrastructures. L’espace géographique et les territoires qui le
composent deviennent un cadre opérationnel au sein duquel s’inscrivent les amé-
nagements et se préparent les décisions.

Un nouveau cadre d’évaluation socio-économique centré sur les infrastructures


de transport tend à se constituer, de plus en plus fondé sur la négociation territoriale
associant les différents groupes d’acteurs intéressés par l’infrastructure et riche de
questionnements. La conséquence de ces changements est une élévation des exi-
gences informationnelles destinées à alimenter les débats et guider les recherches de
compromis et les prises de décision. Pour autant, peu de méthodes normalisées sont
disponibles ou adaptées et bien souvent, les approches mises en œuvre autour des

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interactions entre infrastructure de transport et territoire sont empreintes d’un


certain empirisme. Les travaux scientifiques relevant de l’économie régionale, de la
géographie et de l’aménagement de l’espace proposent des pistes théoriques et
conceptuelles qui peuvent inspirer des travaux méthodologiques permettant de
cerner les logiques d’appropriation de l’offre de transport par les populations et les
entreprises qui animent les territoires. Pour rendre compte de l’intérêt des évalua-
tions socio-économiques des infrastructures, il convient, d’une part, de discuter du
cadre conceptuel et théorique de la recherche, et, d’autre part, de construire une
réflexion sur les résultats obtenus par les approches territorialisées en s’intéressant
plus particulièrement aux apports des « observatoires ».

-1-
Transport et territoire : retour sur quelques réflexions
conceptuelles
Transport et espace entretiennent des relations riches mais complexes et interac-
tives. Les déplacements, les mobilités traduisent la capacité des sociétés à utiliser, à
exploiter et à valoriser leur territoire. Les infrastructures qu’elles créent et entre-
tiennent ne sont dès lors que des outils dont elles se dotent pour aboutir dans leur
dessein. Cependant, les causalités sont délicates à identifier car, si les infrastructures
viabilisent les territoires, elles modifient les distances euclidiennes, elles déforment
l’espace et renforcent son hétérogénéité.
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1.1. Transport et espace, les ambiguïtés de l’ubiquité
Les rapports entre l’espace (et les territoires qui le composent) et les systèmes de
transport mis en œuvre par les sociétés humaines sont l’objet d’une remarquable
ambiguïté. Un système de transport est incontestablement un instrument indispen-
sable à l’utilisation et à la valorisation des lieux par les hommes. Nul ne peut imager
une société sans déplacements, sans échanges et ce faisant, comme le signalent
R. BRUNET (1990) et P. PINCHEMEL (1988) dans leurs travaux respectifs, « transports
et mobilités » participent à la mise en ordre de l’espace géographique. Faut-il voir
dans cette formulation un certain déterminisme conduisant à l’expression de vertus
structurantes propres à chaque système de transport ? Le « mythe » dénoncé par
J.-M. OFFNER (1993) et la démonstration d’une absence de fondements scientifiques
par F. PLASSARD (1977) dans la relation entre autoroute et développement régional
mettent en évidence que chaque système de transport procède, pour emprunter les
propos de P. MERLIN (1991), « d’une formidable abstraction de l’espace euclidien ».
Comme l’écrit P. PONCET (2003), « les réseaux de transport soulignent, entre-
tiennent et amplifient les anisotropies du territoire, ses lignes de forces ».

Dans sa quête d’ubiquité et d’instantanéité des échanges, l’homme ne cesse de


perfectionner ses outils de communication. Dès lors, il convient de s’interroger sur
les répercussions économiques, sociales, politiques, environnementales et territo-
riales des équipements mis en œuvre et de leur utilisation. Aménageurs, biologistes,
économistes, géographes, sociologues, urbanistes et politiques ne cessent de se

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préoccuper des avantages et des limites, des conséquences et des coûts qui résultent
des choix effectués en matière de transport et de communication (GASSER, VARLET,
BAKALOWICZ et al., 2004). La diversité des champs disciplinaires concernés par ces
questionnements témoigne de la complexité du sujet. L’interaction est-elle le fait de
l’infrastructure ou de son usage ? Le territoire est-il neutre ou actif (réactif) ? Les
phénomènes sont-ils pleinement perceptibles par les instruments et méthodes
d’observation à notre disposition et le cas échéant se prêtent-ils à une formalisation
permettant leur modélisation ?

À ce questionnement foisonnant s’ajoutent depuis une quinzaine d’années deux


nouvelles préoccupations. La première découle de la décentralisation de l’adminis-
tration du territoire engagée en France dès 1982 et que l’on observe de manière plus
générale à l’échelle européenne, selon des modalités propres à chaque situation
nationale. Le local est progressivement passé du statut de « lieu d’application » à
celui de « lieu de décision et d’action ». Ainsi, les acteurs territoriaux sont priés de
s’engager dans l’exercice toujours difficile de prospective territoriale qui les invite à
développer l’attractivité et l’attraction des espaces qu’ils gouvernent. Dans ce des-
sein, chacun comprendra l’intérêt stratégique des questions de transport et de
communication. La deuxième relève de la montée en puissance de la demande
sociale qui à la fois revendique plus de services de transports et s’inquiète d’un
accroissement des nuisances (sociales et environnementales) résultant du dévelop-
pement des pratiques de mobilité. Ce faisant, ces préoccupations contemporaines
présentent un double avantage. D’une part, le débat et les recherches ont dû sortir du
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sérail où s’exprimaient uniquement les experts des administrations centrales. Une
véritable ouverture s’est effectivement produite. Elle a conduit à développer l’action
de la recherche publique (Universités, INRETS 2, CNRS 3...) et les coopérations entre
chercheurs et acteurs du monde du transport et/ou de la décision publique (pro-
grammes européens, PREDIT 4, observatoires des autoroutes et de la grande vitesse
ferroviaire...). Elle contribue sans aucun doute au renouvellement et à la dynamique
du champ scientifique. D’autre part, plusieurs problématiques se trouvent revisi-
tées : la question des échelles et de la complexité des systèmes territoriaux ; celle de
l’avantage collectif, de l’intérêt public face à la montée des tentations « nimbystes 5 » ;
celle de la dévalorisation des espaces intermédiaires, délaissés par les axes à haute
performance ; celle des tensions entre coopérations et concurrences territoriales.

In fine, les transports participent à la différenciation des espaces, donc à l’iden-


tification des territoires dans leurs dynamiques et leurs interactions. Pour reprendre
P. PONCET (op. cit.), « le territoire s’en trouve recomposé à deux niveaux : par l’inégal
accès aux réseaux de transport et par la mise en place progressive d’un espace
non-euclidien brisant la continuité territoriale » 6.

1.2. La mise en question des effets structurants


Les infrastructures sont volontiers envisagées comme des leviers de développe-
ment par les milieux économiques et les élus locaux. Pour F. PLASSARD (1977), cette
perception « incantatoire », s’explique par des considérations strictement « poli-
tiques » et « techniques ». La croyance aux effets positifs systématiques des investis-
sements de transports s’inscrit dans le contexte économique porteur des « Trente

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glorieuses » qui traduit une phase de forte croissance des économies occidentales au
sortir de la Seconde Guerre mondiale. L’époque est marquée par une importante
croissance urbaine dans un contexte d’économie industrielle qui vise l’extension du
travail à la chaîne, la production et la consommation de masse et la réalisation des
économies d’échelle. L’abaissement des coûts de transport présente alors deux
avantages : il permet une réduction des coûts de circulation et, en favorisant les
échanges, il soutient le développement de la production (possibilité de produire et
d’écouler à meilleur coût les marchandises et agrandissement des aires de marchés).
Ces évolutions plaident en faveur d’une adaptation des infrastructures et des réseaux
à la demande croissante en matière de transport. Ainsi le chemin de fer, comme la
voie d’eau, cède graduellement des parts de marché au transport routier jugé plus
flexible, efficace et moins coûteux pour se cantonner aux transports de marchan-
dises pondéreuses de faible valeur unitaire (granulats, houille, minerais, déchets...)
ou de longue distance lorsque les réseaux le permettent.

Cependant, la demande croissante de transport ne saurait suffire à l’émergence


du mythe des effets structurants. Celle-ci est influencée par la perception politique
de l’espace, de l’économie et de l’aménagement du territoire qui a cours dans les
années 1960. La croissance économique n’a pas affecté avec la même intensité les
régions de France et d’Europe. Alors que de grands foyers industriels et urbains
prospèrent, d’autres déclinent et des régions rurales et agricoles stagnent ou se
dévitalisent. Dans un pays tel que la France, doté d’institutions centralisées, le
rééquilibrage du territoire est progressivement érigé au rang de priorité nationale.
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Les grandes entreprises sont invitées à décentraliser leur développement pour
s’implanter dans les régions et villes sous-industrialisées. L’État « entrepreneur »,
appuyé par la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale
(DATAR) 7, s’engage dans une action en faveur des régions les moins favorisées ou
en déclin. Parmi les mesures mises en œuvre, la modernisation des infrastructures
de transport est une constante qui se traduit concrètement par le lancement de
grands travaux routiers. L’action en faveur des régions Bretagne, Languedoc-
Roussillon ou Auvergne illustre cette volonté : elle s’accompagne d’investissements
autoroutiers et de voies rapides. L’accessibilité aux infrastructures est alors perçue
comme une condition initiale de développement par un grand nombre d’acteurs
politiques, signe d’une confusion largement répandue entre « accessibilité » et
« attractivité ». L’amélioration des temps de parcours entre deux régions A et B
génère certes un gain d’accessibilité (il faut moins de temps pour s’y rendre), mais la
baisse des temps de transport n’engendre pas pour autant une variation positive de
l’attractivité. La relation entre gain de temps et d’attrait n’est ni linéaire, ni automa-
tique. L’installation de pôles touristiques sur le littoral languedocien, participe à
l’attractivité de cet espace et rend nécessaire l’aménagement d’autoroutes qui y
conduisent. L’autoroute apporte de l’accessibilité (physique) ; elle rend le déplace-
ment possible, mais elle ne crée pas la cause du déplacement ; celle-ci résulte de la
combinaison d’une offre d’équipements touristiques nouveaux, et d’une accessibi-
lité (sociale ou socio-économique) permise par l’évolution des pouvoirs d’achat et
modes de vie du salariat « fordiste ».

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L’évaluation socio-économique des infrastructures de transport

1.3. Les limites du calcul économique dans l’approche


territoriale
Au discours politique qui entoure et justifie les choix en matière d’investisse-
ments, s’ajoute une instrumentalisation quelque peu « technocratique » du rôle des
infrastructures. F. PLASSARD (1977) mentionne que trois préoccupations principales
guident les choix à effectuer :
− résorber des points « durs » du réseau liés à l’insuffisance (vétusté ou manque de
capacité) des équipements en place ;
− anticiper sur les difficultés à venir en proposant des solutions techniques adaptées ;
− équiper le territoire pour stimuler l’action d’une politique d’aménagement.

Les investissements étant par nature coûteux, on recourt, pour en apprécier


l’utilité (l’opportunité) et le degré d’urgence (la priorité), dans la phase pré-
décisionnelle, à une analyse « socio-économique » des projets. Celle-ci s’appuie sur
une méthode « coûts/avantages » 8 relevant du calcul économique et dont les
procédures s’inspirent de principes méthodologiques reprécisés récemment en
France dans deux rapports effectués sous la direction de M. BOITEUX (1994 et 2001).
Débouchant sur l’expression de résultats monétarisés, cette méthode permet aux
décideurs d’apprécier la rentabilité (sociale et/ou micro économique) attendue des
projets. On peut à son endroit soulever deux observations importantes : d’une part,
elle sous-entend une relation de type cause/conséquence (directe ou condition-
nelle) entre réalisation de l’infrastructure et comportement économique. D’autre
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part, en privilégiant une approche monétaire des effets résultant de l’amélioration
des conditions de transport (valorisation des gains de temps, baisse des coûts de
transport, économie de vie humaines, emplois créés par la construction, l’entretien
et l’exploitation de l’infrastructure...), elle tend à offrir une vision abstraite de
l’infrastructure, exprimée par une rentabilité reposant au demeurant sur un nombre
appréciable de conventions 9 et sans lien avec les mutations induites du territoire
proprement dit. En outre, étant donné la forte corrélation, par construction, entre la
valeur de l’avantage « monétarisé » et l’intensité du trafic attendu (la demande de
transport), les régions plus denses s’en trouvent « mécaniquement » favorisées
puisque les investissements se réalisent prioritairement dans les espaces de forte
densité et les corridors qui les relient, favorisant par là même les « régions qui
gagnent ».

Ainsi, l’usage exclusif du calcul économique dans le processus décisionnel donne


au « technicien » un ascendant sur le « politique » et laisse notoirement pendante la
relation de l’infrastructure au territoire. Or, la formulation d’enjeux et la définition
d’actions relève du rôle du politique. Il est ici clairement question de l’expression
d’une politique de transport intégrée à une vision claire de l’aménagement du
territoire. Y. CROZET, G. JOIGNAUX et G. MARLOT (2003) constatent que la marge de
manœuvre est étroite face aux tendances en vigueur et admettent que « les détermi-
nants des choix modaux ne reposent pas sur des mécanismes purement écono-
miques », ce qu’avait déjà relevé en son temps E-M. HOOVER (1955) rapporté par
F. PLASSARD (1977) en écrivant : « l’amélioration générale des communications et du
trafic (desserte, qualité, tarif) tend à accroître dans le calcul d’ensemble la part des
autres éléments du choix géographique ».

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1.4. Transport, territoires et proximités


La densification des infrastructures de transport aux abords des villes favorise
l’affirmation des nœuds des réseaux. Ces objets sont progressivement devenus des
espaces multifonctionnels qui s’inscrivent durablement dans la géographie locale.
Leur fonctionnalité, leur proximité à la ville et aux infrastructures publiques et
privées (universités, centres de recherche, de formation, autoroutes, aéroports...)
favorisent l’agglomération des activités et du même coup l’apparition de nouvelles
formes de centralités qui appellent et justifient de constantes adaptations des
systèmes de transport. Ainsi, A. BURMEISTER et al. (2003) suggèrent que « la concen-
tration géographique s’expliquerait alors plutôt par la présence d’indivisibilités
(grands équipements de transport, culturels, universitaires) que par l’existence de
systèmes localisés de coordination. (...) La polarisation se renforce, mais également
change de visage, car les nœuds de transport deviennent le support de nouvelles
formes d’agglomération ». Pour ces auteurs, l’efficacité des systèmes productifs ne
résulte pas seulement ni même principalement de « la minimisation des coûts de
transport » et de l’accessibilité mais également de l’établissement de rapports de
« proximité organisée » qui assurent la mise en place de « mécanismes de coordination ».
Cette perception renvoie à des conceptions déjà avancées par les travaux fondateurs
de D. BIELH (1986 et 1991).

En s’intéressant aux relations entre les infrastructures publiques, les coûts de


transport et la croissance, S. CHARLOT et M. LAFOURCADE (2000) suggèrent que « la
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mesure la plus judicieuse de l’impact des infrastructures de transport ne réside
peut-être pas dans le surcroît de richesse induit par l’accroissement du taux d’inves-
tissement public mais dans la réduction du coût des transactions. (...) Le coût de
transport, parce qu’il constitue une composante essentielle des coûts de transaction
(...) incorpore des effets de proximités ». P. KRUGMAN (1991), qui inspire leurs
travaux, avance que « lorsque le coût de transport est élevé, il existe un équilibre
d’équirépartition spatiale des activités industrielles. En revanche, lorsque le coût de
transport devient suffisamment faible, les forces d’agglomération sont renforcées et
les activités industrielles se concentrent dans une seule région ». S’appuyant sur les
travaux de P. KRUGMAN et VENABLES J.-P. (1995), ils démontrent qu’après une phase
d’agglomération un processus de dispersion géographique est de nouveau possible :
« lorsque les coûts de transport sont faibles et n’apparaissent plus comme une
barrière à l’échange, la région périphérique offrant des salaires plus bas que la région
spécialisée dans l’industrie, certaines entreprises sont incitées à se délocaliser pour
réduire leurs coûts salariaux ». Cette perception du rôle du coût de transport est
doublement intéressante. D’une part, le coût de transport est vu comme une variable
d’ajustement de la localisation des activités. Un coût réduit ne suffit pas à modifier
la géographie des productions. Il faut, en effet, disposer d’autres conditions, d’autres
avantages sur lesquels se fondent les différentiations régionales qui pourront
s’observer. Il peut s’agir de ressources territorialisées (système productif localisé) ou
plus simplement de différentiels de réglementations fiscales, environnementales,
sociales... D’autre part, les systèmes de transport étant nécessairement organisés en
réseau, la résonance géographique des ajustements n’est pas linéaire. La baisse du
coût entre deux lieux A et B apporte un changement qui profite en théorie à
l’ensemble du réseau mais qui ne sera utile qu’à ceux qui empruntent l’arc A-B.

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L’évaluation socio-économique des infrastructures de transport

Un enrichissement fondamental du questionnement est apporté par une focali-


sation de la réflexion autour du statut du transport et des infrastructures dans la
dynamique des systèmes économiques et par extension dans celle des territoires
(BURMEISTER et al., 2003). Cette conception retient l’existence « d’adaptations réci-
proques » entre transport et territoire et s’affranchit d’un discours pensé autour des
externalités produites par la présence des infrastructures. Selon A. BURMEISTER
(2000), la proximité géographique est dotée de deux systèmes de dimensions. Le
premier est d’ordre spatial ; il exprime les dimensions de la distance et de l’accessi-
bilité. Il nourrit les approches fondées sur l’analyse gravitaire, l’étude des coûts de
transport et traduit l’espace comme une « friction dans le fonctionnement économique ».
Le second est non spatial ; il comprend les relations dites de proximités, institution-
nelle, caractérisée par la présence d’un cadre rendant les interactions possibles
(règles, normes, institutions formelles...) et organisationnelle, permise par les rela-
tions de « similitude » et « d’appartenance » des acteurs économiques. « Si un niveau
satisfaisant d’accessibilité apparaît comme indispensable pour le fonctionnement
efficace des systèmes de juste à temps, l’explication de l’efficacité du transport de
marchandises se trouve davantage dans l’organisation des flux que dans les proprié-
tés spatiales du système de transport » (BURMEISTER op. cit. 2000). Partageant cette
vision, M. FILIPPI et A. TORRE (2003) démontrent dans leurs travaux que « la
proximité géographique n’est pas suffisante pour amorcer des coopérations entre
acteurs locaux et, donc, un développement économique local (...). La proximité
géographique n’a d’effet que si elle est activée par une action collective, spontanée,
de nature organisationnelle ou institutionnelle ». À leur tour, G. JOIGNAUX et
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J.-F. LANGUMIER (2004) invitent à considérer l’infrastructure comme « support de
service permettant d’accroître l’efficacité de la coordination entre agents dans
l’espace ». Ils étayent leurs propos en reprenant celui de P. MC CANN et D. SHEFER
(2004) : « taking account of the nature and extent of modern transactions costs, and
the interrelationships between firms, the evaluation of infrastructure appears to
depend as much on issues relating to firm organisation, firm mobility, information
spillovers and externalities, as it does on the movements of traffic along the
transportation infrastructure itself ».

A. BURMEISTER et al. (2003 op. cit.) concluent : « la stratégie de développement


territorial, fondée uniquement sur l’offre infrastructurelle, peut n’avoir que des
effets très faibles. (...) Le développement relève davantage d’une dynamique de
transformations d’éléments déjà existants et souvent immatériels que de leur créa-
tion ex nihilo... ». À une échelle un peu différente, ces travaux récents invitent à
penser la recherche autour des articulations entre « le système de transport et
l’organisation de l’espace social et du territoire » (PLASSARD, 2003 op. cit.), une
conception déjà présente dans les travaux du colloque de Lille de 1995 10.

L’introduction du concept de territoire permet de discuter deux principes qui


participent à la dynamique du développement local :
− l’identité, l’appropriation des lieux par un groupe social qui s’organise, fonde
un projet et une stratégie d’avenir qu’il traduit dans ses décisions et par ses actes ;
− la gouvernance des projets et des politiques de développement qui est induite
par la référence à l’échelle territoriale.

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Pascal BÉRION, Guy JOIGNAUX, Jean-François LANGUMIER

1.5. Transport, jeux d’acteurs et gouvernance territoriale


Dans un travail dédié principalement à la section proche de Bordeaux de
l’autoroute A89, G. DI-MÉO (2001) revisite la question des effets structurants sous
un angle géographique. Il confirme que l’équipement constitue « un facteur d’accé-
lération des tendances préexistantes » (PLASSARD, 1977 ; OFFNER, 1993). Son propos
le conduit à s’interroger sur la relation entre autoroute et intégration territoriale (qui
correspond de facto à une interaction transport – territoire). Il met en évidence
comme G. DUPUY (2002) la prégnance « des échelles, du réticulaire, des écarts et du
temporel » et démontre l’hypothèse que l’autoroute A89 est « un révélateur plus
qu’un facteur de nouvelles réalités socio-spatiales ». Il place l’infrastructure « dans le
jeu des interférences du “matériel et de l’idéel” ».

Dans un esprit similaire, M. COHOU (2000) s’est intéressé à l’A68 Albi – Tou-
louse. Il analyse la complexité du jeu d’acteurs et les enjeux qui ont entouré un projet
riche d’une histoire de trente années. Il étudie les formes de mobilisation locale
initiées autour du projet autoroutier et les replace dans leur contexte social, territo-
rial et temporel. Le recul permet au chercheur d’observer la mobilisation et l’appro-
priation du projet par les acteurs. La revendication de l’équipement se construit,
s’enrichit, s’oppose aux décisions « d’en haut », et aboutit à la réalisation d’un
investissement cofinancé par l’État, la Région Midi-Pyrénées et le département du
Tarn. L’engagement financier de la collectivité départementale traduit la matérialité
de l’appropriation du projet. M. COHOU (op. cit.) met en évidence la complexité et les
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retournements de ce jeu d’acteurs, démontrant que le projet et les prises de décision
s’inscrivent dans un double système d’échelle : le spatial (local, régional, national et
européen) et le temporel (du long à l’immédiat) : « la cohabitation de différentes
échelles temporelles, croisées avec les échelles spatiales, ajoute de la complexité à
l’analyse ». L’étude de cas apporte par ailleurs des enseignements de portée plus
générale.
− La mobilisation des acteurs est principalement le fait des politiciens locaux :
« les autres acteurs sociaux – agriculteurs, chefs d’entreprises (...) – ont fait des
apparitions plus brèves » (op. cit.). Il est ici clairement question d’un modèle de
représentation du territoire par les élus pour qui « l’autoroute conditionne la
conversion du bassin d’emploi (...) » ;
− Le jeu politique doit beaucoup à des systèmes d’alliance et aux réseaux relation-
nels qu’ils initient, ce qui permet de dépasser le cadre limité des revendications locales
pour hisser la discussion du projet à l’échelle de la région, du pays et de l’Europe ;
− « Le rôle fondamental joué par les élus territoriaux doit beaucoup aux conditions
nées de la décentralisation ». L’auteur souligne ici la mobilisation des crédits du
contrat de plan État-Région pour assurer le financement de l’ouvrage.

La recomposition territoriale discutée par G. DI-MÉO et al. (2001) et M. COHOU


(op. cit.) puise sa dynamique dans le comportement des acteurs politiques face au
projet autoroutier. Le jeu d’acteurs n’est pas spontané, il est pensé dans une stratégie
d’aménagement du territoire. La mobilisation, puissante dans la phase pré-
décisionnelle du projet, implique une négociation dans laquelle est clairement
exprimée l’appropriation de l’infrastructure. Elle catalyse l’attention et conduit à
référer chaque action d’aménagement à sa probable (ou souhaitable) réalisation.

2007 - No 4 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 659


L’évaluation socio-économique des infrastructures de transport

Encore virtuelle, elle est déjà prise en compte dans les actions de développement
local (projet intercommunal, réserves foncières...). Ce faisant, la réalité territoriale
favorise un emboîtement des interactions :
− En premier lieu, la mobilisation et la négociation engagées par les acteurs se
traduisent par des exigences en matière de tracé mais aussi et surtout en termes de
dessertes (diffuseurs pour l’autoroute, gares pour le Train à Grande Vitesse – TGV –).
La nature des décisions adoptées influencera les recompositions territoriales qui
surviendront.
− En second lieu, il est question de gouvernance locale. La revendication de
l’infrastructure traduit son appropriation par le territoire. Ses acteurs pensent,
représentent et imaginent l’avenir avec elle. Immédiatement intégrée et digérée dans
le projet territorial, elle conduit à superposer les aménagements à proximité des
gares et diffuseurs. En quelque sorte, elle donne à percevoir une « illusion d’effet
structurant » (BÉRION, 2000) puisque les projets de développement ne sont pas
initiés « par » et « pour » l’infrastructure mais plus simplement « près » d’elle.

La gouvernance des projets d’aménagement et de développement inscrits dans le


sillage de l’infrastructure est soumise selon E. FAIVRE (2003a) à « l’action de trois
paramètres prépondérants » :
− La capacité des acteurs à collaborer entre eux. Le chercheur se réfère aux travaux
de P. LIVET (1994) ;
− L’identification de personnages leaders pour soutenir et porter les projets, mais
aussi pour arbitrer en cas de litige ou conflit. E. FAIVRE (op. cit.) s’appuie ici sur
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H. GUMUCHIAN et al. (2003) ;
− L’anticipation, la formulation et la pertinence des projets. Il est ici implicite-
ment question « d’intelligence territoriale ». Un projet doit être formalisé autour
d’objectifs réalistes et non supposés. La mise en commun des ressources et des
expériences semble un moyen permettant d’y parvenir.

L’étude des jeux d’acteurs et des modes de gouvernance associés est utile pour
identifier et évaluer les interactions entre transport et territoire. E. FAIVRE (2003b)
propose de les analyser en identifiant les facteurs de réussite et de blocage dont ils
sont l’objet. Il pose l’hypothèse que la réussite nécessite simultanément une antici-
pation des porteurs de projet, leur coopération (confiance et transparence), le
développement d’une vision prospective sur l’action et la présence d’un acteur-
leader qui peut être une personne physique ou acteur institutionnel.

L’intérêt d’un jeu d’acteurs efficace pour valoriser au mieux des intérêts locaux le
passage d’une infrastructure de transport n’est pas une considération nouvelle.
F. PLASSARD. (1977) y fait clairement allusion lorsqu’il cite le propos tenu par
G. BASSARD (1972) dans le cadre d’un colloque tenu à Besançon sur la future
autoroute A36 : « l’autoroute offrira des avantages, certes, mais présentera aussi des
inconvénients non négligeables. Pour bénéficier au maximum des uns et minimiser
les autres, la Franche-Comté aura besoin que s’affirme la solidarité de toutes ses
forces ».

La recherche des interactions entre transport et territoire s’inscrit dans un


contexte scientifique évolutif dont la construction n’est pas achevée. L’invalidation

660
Pascal BÉRION, Guy JOIGNAUX, Jean-François LANGUMIER

par F. PLASSARD. (op. cit.) du concept d’effets structurants positifs et automatiques


des infrastructures sur le développement économique est fondatrice des recherches
développées depuis, notamment en France, à l’égard des autoroutes et des lignes
ferroviaires à grande vitesse.

L’évolution sémantique est à cet égard démonstrative de la progression de la


pensée scientifique. Ainsi, le terme d’effet structurant fut remplacé successivement
par « effet permissif, effet potentiel, voire conditionnel ». D’autres se sont attachés à
l’identification des contextes dans lesquels surviennent les changements et parlent
de « congruence », « d’externalités positives et négatives », « d’effets territoriaux », de
« recompositions territoriales », « d’interactions ».

Le foisonnement des terminologies employées révèle l’existence d’une recherche


vive sur ce sujet, donnant lieu à la confrontation d’une grande diversité de métho-
des, de pensées, d’expériences et d’observations.

-2-
Apports et limites des approches dédiées aux
interactions « infrastructures et territoire »
Le doute sur l’automaticité des effets positifs des grands ouvrages de transport est
apparu en France au cours des années 1970, soit dix à quinze ans après le démarrage
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de la construction du réseau autoroutier, dans le sillage de recherches conduites par
des universitaires (M. BERNADET, A. BONNAFOUS et F. PLASSARD) du Laboratoire
d’Économie des Transports 11 (LET) de Lyon, fondateurs de toute une génération de
travaux d’observation, d’analyse et de théorisation des relations entre une infrastruc-
ture et le territoire.

Au cours des années 1980, l’effort s’est intensifié sous la pression de deux stimuli.
Le premier est l’adoption le 30 décembre 1982 de la Loi d’Orientation des Trans-
ports Intérieurs (LOTI) dont l’article 14 (mis en application en 1984 et en 1986 12)
institutionnalise l’évaluation ex-ante des grands ouvrages et leur bilan ex-post. La loi
stipule que « les grands projets d’infrastructures, au même titre que les choix
technologiques majeurs en matière de transport, font l’objet, avant l’adoption
définitive des projets concernés, d’une évaluation de leurs effets sur le plan écono-
mique et social et après réalisation, d’un bilan de leurs résultats économiques et
sociaux ». Le second est le lancement progressif d’observatoires autoroutiers par le
Ministère de l’Équipement et son Service d’études techniques des routes et auto-
routes (SETRA) et trois sociétés concessionnaires d’autoroutes, Autoroutes Paris-
Rhin-Rhône (APRR), Autoroutes du sud de la France (ASF), et la Société française du
tunnel routier du Fréjus (SFTRF). Durant le même temps, la Société nationale des
chemins de fer (SNCF) engage plusieurs travaux sur les conséquences économiques
de ses lignes à grande vitesse 13.

Les approches mises en œuvre présentent une grande diversité dans les objectifs
et les méthodes, diversité due aux échelles d’analyses adoptées et aux caractéris-
tiques des espaces étudiés. Avant que d’en rendre compte à l’aide de quelques

2007 - No 4 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 661


L’évaluation socio-économique des infrastructures de transport

exemples, on s’attachera à justifier la pertinence de la territorialisation des


approches.

2.1. L’intérêt d’une approche territorialisée

La prise en compte de la dimension territoriale des infrastructures de transport


témoigne d’un renouvellement des approches qui sont passées « d’une simple
logique d’effets à une logique d’interaction » (VARLET, 2002) dans laquelle se
comprend le modèle de « congruence, d’adaptation réciproque » cher à J.-M. OFFNER
(1993). Pour F. PLASSARD (2003), le territoire est à considérer comme un espace
approprié, doté de « cinq caractéristiques constantes » : il est indexé à un groupe
social, il est le produit de l’identification, de la représentation de ses acteurs, il est
délimité, il se comprend selon des échelles multiples, imbriquées, emboîtées, enfin
sa conception est associée à l’existence de logiques spatiales et temporelles.

Le territoire tire ainsi une grande partie de sa pertinence de ce qu’il est le cadre
d’un jeu d’acteurs inscrit dans l’espace et dans le temps. Doté d’une identité, d’une
histoire (mémoire), d’une organisation et d’une représentation, le territoire n’est pas
qu’une simple enveloppe. Il forme un cadre utile pour l’analyse, mais aussi pour la
programmation des infrastructures. Les inconnues sont encore nombreuses sur les
« adaptations réciproques » qu’il entretient avec les systèmes de transport. Reflet des
structures économiques et sociales, ces adaptations invitent à l’étude du comporte-
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ment des acteurs et des modes de gouvernance qui y sont associés.

2.2. L’apport des « monographies » historiques et des études


de cas

F. PLASSARD (2003) rappelle volontiers la richesse des approches historiques


pour « comprendre comment s’articulent les changements des conditions de trans-
port avec les transformations d’un territoire de taille relativement réduite ».

Dans une recherche intitulée Infrastructures de transport et transformations de


l’espace (PLASSARD, 1985) consacrée au bassin industriel du Creusot et de Montceau-
les-Mines, il explique les rapports entre un foyer de grande industrie et « une
accumulation successive d’infrastructures » (voie fluviale du Canal du Centre, che-
min de fer, route express, maillon de la virtuelle RCEA « Route Centre-Europe –
Atlantique », ligne et gare TGV à Montchanin) et précise « qu’il n’est pas possible de
repérer un lien de causalité directe entre le chemin de fer et le développement
industriel : les sites industriels ont attiré le chemin de fer et suscité son développe-
ment ; et en même temps le réseau ferré a permis un essor des activités industrielles
impossible sans lui ». Nous sommes bel et bien face à une situation « d’adaptation
réciproque » qui ne peut pas s’expliquer sans tenir compte du jeu de deux de ses
acteurs principaux, Eugène et Adolphe SCHNEIDER. Pour autant, les infrastructures
n’ont pas empêché le déclin des industries sidérurgiques du Creusot. Elles ont connu
un développement strictement symétrique à l’industrie ; elles ont prospéré puis
décliné ensemble. Le passage du TGV Sud-Est et sa gare de Montchanin n’ont pas

662
Pascal BÉRION, Guy JOIGNAUX, Jean-François LANGUMIER

empêché l’inéluctable fermeture des hauts-fourneaux dans les années 1980 : « les
infrastructures ont donc suivi le cycle de l’activité industrielle et non l’inverse » (PLASSARD,
op. cit.).

Un travail similaire (rapporté par PLASSARD, op. cit.) est conduit par C. HARMELLE
(1982) sur la région de Saint-Antonin-Noble-Val, petite bourgade située dans le
nord-est du Tarn-et-Garonne dans la vallée de l’Aveyron. Son auteur s’est attaché à
l’identification et à la compréhension des transformations apportées par le passage
en 1858 du chemin de fer, mettant en évidence des effets qui se comprennent dans
l’espace et dans le temps. Trois enseignements géographiques en découlent :
− Le train a réduit les temps de transport et rend possibles des déplacements qui
auparavant ne l’étaient pas ;
− Mais le train permet d’importer les productions élaborées à moindre coût dans
d’autres bassins industriels, provoquant l’affaiblissement des productions « indi-
gènes » ;
− Enfin, un troisième fait, d’ordre spatial et temporel, est mis en évidence,
étroitement lié aux propriétés des réseaux. Les marchandises empruntent le mode le
plus efficace en termes de capacité, de coût, de temps et de fiabilité. L’avènement
d’une liaison plus performante depuis un autre itinéraire conduit au déclin puis à
l’abandon de l’arc initialement emprunté.

C. HARMELLE (in PLASSARD, op. cit.) conclut que : « les moyens de transport ne sont
ni au fondement, ni les moteurs de l’échange et de la bonne fortune mais au
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contraire, sur un espace quelconque, quand préexistent des motifs d’échange, des
pôles de production, un désir du dehors, des agencements de puissance, des
opportunités de contrôle et de capitalisation des flux ou d’assujettissement de
l’espace, alors des routes sont frayées, des techniciens innovent, des moyens de
transport plus ou moins adaptés voient le jour. »

Dans son travail sur l’axe durancien et l’avènement contemporain de l’autoroute


A51, C. GONGUET-MESTRE (2002) étudie très finement et avec un grand souci
d’exhaustivité les recompositions territoriales concomitantes à la venue de l’auto-
route. Ici, il n’est point question d’empilements successifs d’infrastructures. L’axe de
la rivière est un exutoire naturel pour une grande partie des Alpes du Sud.

C. GONGUET-MESTRE (op. cit.) met en évidence que « l’évolution spatiale témoi-


gne de l’importance des phénomènes de concentration et de diffusion des hommes
et des activités sur le territoire, et de l’émergence de centralités et de territorialités
nouvelles, renforcées par une meilleure accessibilité qui rapproche les différents
secteurs de la vallée ». Elle relativise la contribution de l’infrastructure en indiquant
que « se dessinent de nouvelles possibilités de développement pour l’espace duran-
cien, dans lesquelles l’aménagement de l’axe de transport, comme pour son évolu-
tion passée, a sa part, mais une part seulement ». Cette recherche confirme la
relativité des effets des autoroutes et met une fois de plus en évidence l’importance
des stratégies d’acteurs publics et privés dans les modifications identifiées. Sans
prétendre vouloir proposer un modèle général des changements constatés, trois
enseignements peuvent être tirés de ce cas d’étude.

2007 - No 4 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 663


L’évaluation socio-économique des infrastructures de transport

Premièrement, les causalités directes sont faibles. Les changements observés


s’inscrivent dans un processus d’évolution et d’adaptation des structures écono-
miques (restructuration de l’arboriculture, par exemple) et institutionnelles (déve-
loppement local intercommunal) qui participe de mouvements plus généraux qui
ont cours à l’échelle nationale. Toutefois, localement, la présence de l’autoroute est
prise en compte dans les stratégies des acteurs ; si elle ne conditionne pas les choix
effectués, les décisions et les projets tiennent compte de sa présence. Le fonctionnel
de l’autoroute (écoulement des flux) se superpose dans l’espace avec la localisation
des aménagements.

Deuxièmement, les jeux d’échelle sont réels. Les recompositions observées sont
multi-scalaires. L’exurbanisation des activités ou les transformations des espaces
agricoles (réinvestissement des indemnités foncières, aménagements parcellaires et
d’irrigation...) traduisent des changements localisés et précis qui modifient à terme
la trame paysagère du Val de Durance. Le gain de temps apporté pour les liaisons en
direction d’Aix-en-Provence et Marseille renforce les liens économiques. Le désen-
clavement rapproche le Val de Durance des pôles d’activités et de population du
littoral et produit une recomposition régionale. Les forces centrifuges des agglomé-
rations aixoise et marseillaise sont ressenties sur la moyenne Durance (de Manosque
à Sisteron). L’accessibilité permet de renforcer des courants commerciaux mais aussi
les dépendances. Enfin, l’échelle nationale est perçue dans ces adaptations territo-
riales, y compris de manière contradictoire, comme cela semble être le cas ici. Les
liens économiques avec Rhône-Alpes et le Piémont italien sont à la fois anciens et
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mis en avant dans les stratégies de développement local (GONGUET-MESTRE, op. cit.).
L’A51 ne les encourage pas, son rôle est même inverse. L’absence d’une modernisa-
tion des réseaux n’améliore pas l’accessibilité des stations touristiques des Hautes-
Alpes pour les bassins de clientèle situés plus au nord.

Troisièmement, le temps est une donnée importante pour percevoir les recom-
positions. Les anticipations sont réelles, mais leur traduction géographique est lente.
On retrouve ici l’une des conclusions de E. FAIVRE (2003b) lorsqu’il aborde le suivi
des localisations des activités dans le corridor de l’autoroute A36. L’aménagement
diachronique de l’A51 offre une appréciable diversité de reculs temporels sur les
interactions entre l’autoroute et son territoire. Au nord de Sisteron, les adaptations
sont très récentes et non achevées en raison d’une mise en service nouvelle de
l’ouvrage. Au sud, les changements sont plus affirmés et témoignent d’un recul de
plus de quinze années.

2.3. L’observation des effets des infrastructures de transport


La mise en place des premiers dispositifs d’observation des effets des infrastruc-
tures de transport remonte à la fin des années soixante, tant en France qu’aux
États-Unis. F. PLASSARD (2003) qualifie ces approches d’empiriques dans la mesure
où elles procèdent toutes de l’étude de cas spécifiques pour lesquels sont mobilisées
une problématique et des méthodes adaptées à l’objet observé.

En France, l’engagement du Ministère de l’Équipement est précoce puisqu’il


initie dès 1969 un programme d’études destiné à suivre et à évaluer les effets du plan

664
Pascal BÉRION, Guy JOIGNAUX, Jean-François LANGUMIER

routier breton. Au début des années quatre-vingts, le SETRA met en œuvre, en


s’appuyant sur le réseau des Centres d’études techniques de l’équipement (CETE),
plusieurs observatoires autoroutiers. Cette première génération d’observatoires est
dominée par des considérations d’ordre économique ou socio-économique, privi-
légiant trois thématiques principales (BÉRION, 1997) :
− L’autoroute est-elle un facteur de développement industriel ?
− L’autoroute est-elle un facteur de développement du tourisme ?
− L’autoroute favorise-t-elle la croissance des pôles au détriment de petites villes ?

Les résultats obtenus confirment l’absence d’automaticité des réponses territo-


riales et montrent l’importance des actions d’accompagnement des acteurs locaux
pour organiser un développement économique autour de l’infrastructure. Auteurs
d’une première synthèse des résultats des observatoires, J.-Y. CORNILLY, P. DANZAN-
VILLIERS et C. FURGAUT (1988) affirment que « les analyses effectuées mettent claire-
ment en évidence les retombées positives des grandes infrastructures routières sur le
développement économique régional et local (...) » mais tempèrent cette affirma-
tion en expliquant « qu’il n’y a pas de véritable automatisme entre la mise en service
de la route et l’essor économique des zones desservies : l’impact est fortement
conditionné par les potentialités locales préexistantes, le dynamisme des acteurs
locaux et les initiatives prises par les collectivités territoriales en tenant compte de la
spécificité du contexte et des atouts à valoriser ». Dans le même esprit, le Conseil
Général des Ponts et Chaussées mobilise un groupe de travail sur la question des
politiques d’accompagnement des grands ouvrages de transport. Cette action donne
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lieu à la publication d’un rapport rédigé par G. GAC, Y. HUART et V. CHETANEAU
(1988).

Au début des années quatre-vingt-dix, le SETRA accentue ses efforts de commu-


nication sur les résultats des observatoires autoroutiers. J.-P. ORUS (1994), en
dressant un bilan en 1994, propose une réorientation des méthodologies
employées. « Puisque les changements prennent toutes leurs dimensions en pré-
sence de transformations connexes à celle de l’offre d’infrastructures, il devient
intéressant de se focaliser sur l’étude même de ces situations dynamiques (...) ». Par
ailleurs, « comme il apparaît que certains effets économiques ont des conséquences
sur les écosystèmes, (...) il convient d’étudier les effets dans un cadre conjoint ».
Enfin, sous l’influence vraisemblable des recommandations du rapport M. BOITEUX
(op. cit.), il suggère « de compléter les études empiriques (...) par des approches plus
formalisées, soit en cherchant à relier le niveau de richesse d’une aire géographique
donnée avec des facteurs explicatifs parmi lesquels figurerait le stock d’infrastructu-
res de transport, soit en cherchant à bâtir des modèles macro-économiques qui
décrivent en dynamique l’évolution de l’activité économique ». Les observatoires
doivent élargir les préoccupations aux questions environnementales et les considé-
rations socio-économiques s’inscrire dans une modélisation plus économétrique.

G. CLAISSE et D. DUCHIER (1993) ont un peu sévèrement qualifié ces observa-


toires de « canon à tuer les mouches », arguant du fait qu’ils n’accordaient pas
suffisamment d’importance aux processus par lesquels surviennent les changements
et notamment ceux relatifs à la mobilité. Ils ont aussi souligné que les démarches,

2007 - No 4 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 665


L’évaluation socio-économique des infrastructures de transport

bien que ne remettant pas en cause le caractère positif et automatique des change-
ments, restent très attachées à la recherche des causalités (indirectes ou permissives)
qui expliqueraient l’influence de l’autoroute sur le territoire.

Outre la construction du réseau autoroutier, le système TGV donne lieu lui aussi
au développement de travaux de même nature, dans lesquels trois domaines font
l’objet d’une attention particulière : « la localisation des entreprises industrielles,
l’activité touristique des régions d’accueil, enfin, l’immobilier et les politiques
urbaines initiées par les collectivités locales » (PLASSARD, 2003 ; voir aussi à ce sujet
les travaux de TROIN, 1995).

Retenons, entre autres résultats intéressants de ces travaux, la proposition d’« in-
version méthodologique » (CLAISSE et DUCHIER, op. cit.) consistant à étudier les
changements par les processus qui les initient, c’est-à-dire ceux qui affectent la
mobilité et ses comportements : s’attacher aux effets directs (nouvelles mobilités)
pour en déduire la formation d’effets indirects. Cette proposition débouche sur les
enquêtes de déplacements.

La mise en place d’observatoires par les sociétés concessionnaires remonte au


milieu des années quatre-vingts. APRR fit œuvre de pionnière, suivie par ASF et la
SFTRF quelques années plus tard. À ce jour, sept observatoires ont été lancés,
s’ajoutant aux cinq initiés par le SETRA. Ils constituent des dispositifs d’évaluation à
dominante ex-post, indépendante de toute obligation réglementaire de suivi 14.
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Pour G. JOIGNAUX et J.-F. LANGUMIER (2004), les observatoires sont pour les
sociétés concessionnaires un outil permettant « l’élaboration de connaissances pour
apporter des éléments scientifiquement construits à la question générale posée : une
autoroute contribue-t-elle à créer un surplus économique dans la (les) région(s)
desservie(s) et si oui, dans quelles conditions, sous quelle forme, pour quels agents
économiques et comment l’appréhender ? Cette entrée a l’avantage, sans l’exclure,
de ne pas poser frontalement la question du rôle de l’infrastructure dans la dyna-
mique du territoire envisagé, encore moins d’un quelconque effet d’entraînement
sur le développement local ».

Les observatoires des sociétés concessionnaires présentent de grandes simili-


tudes avec ceux du SETRA. Ils inscrivent leurs recherches sur une période moyenne
de dix années scindée en trois grandes phases : avant la construction (environ deux
ans), pendant les travaux (de trois à cinq ans, voire plus selon l’autoroute 15) et
portent un regard sur les situations identifiées dans les premières années qui suivent
la mise en exploitation de l’autoroute (entre trois et cinq ans). Ensuite, ils prennent
en compte les espaces proches du nouvel équipement. Enfin, ils procèdent d’analy-
ses spécifiques définies au cas par cas selon les caractéristiques de l’autoroute et des
territoires traversés ou desservis.

Néanmoins, ils s’en distinguent sur plusieurs points. Généralement, les sociétés
concessionnaires requièrent l’appui des collectivités locales, des organismes consu-
laires ou encore de différents services de l’État. L’objectif est de nourrir un exercice
qui soit, autant que possible, participatif. Dans l’esprit, les résultats des observations

666
Pascal BÉRION, Guy JOIGNAUX, Jean-François LANGUMIER

doivent guider ou alerter les décideurs locaux sur leurs choix en matière d’aména-
gement, de protection et de mise en valeur des ressources économiques, patrimo-
niales et naturelles. Le caractère multi partenarial se lit dans la composition des
comités de pilotage. Les observatoires autoroutiers progressivement mis en place par
les sociétés concessionnaires complètent et renouvellent les dispositifs initialement
installés par le SETRA au début des années 1980 ; ils participent, dans leur diversité,
au développement des connaissances sur les interactions entre infrastructures de
transport et territoires.

Les résultats obtenus par deux observatoires autoroutiers permettront d’en pré-
senter et discuter les principaux apports.

2.4. Principaux résultats des observatoires des autoroutes A71


et A39

L’observatoire de l’autoroute A71 (Bourges – Clermont-Ferrand) a fonctionné


entre 1986 et 1997. Il a donné lieu à une importante production du laboratoire
CERAMAC de l’Université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand) 16. Celui d’A39 (Dole –
Bourg-en-Bresse) a débuté en 1993 et s’est achevé en 2004. Le volet socio-
économique a été confié à l’UMR ThéMA de l’Université de Franche-Comté 17.

Ces deux expériences ne sont pas représentatives de l’évidente diversité des


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contextes territoriaux. Elles s’intéressent avant tout à des espaces généralement
situés en marge des grands ensembles métropolitains et à des infrastructures
franchissant des territoires à forte dominante rurale, animés par des villes petites ou
moyennes. Ces contextes particuliers peuvent être considérés comme un atout
puisque les observations sont conduites sur des espaces peu denses dont le fonc-
tionnement est sans doute moins difficile à appréhender. Ces observatoires, bien
que sensiblement différents dans leurs contenus méthodologiques détaillés, ont en
commun de procéder à une approche territorialisée de type « avant après » visant à
mesurer et interpréter des indicateurs pendant toute la période où émergent puis
s’affirment les interactions entre infrastructure et territoires.

En dressant le bilan de l’observatoire de l’A71, J. VARLET (1997b) identifie trois


« séries de faits majeurs » en matière d’interaction territoriale.

− L’A71 et la poursuite plus au Sud de l’itinéraire via l’A75 et le Sud-Est font du


Massif central « un espace de transit potentiel ». La venue plus récente de l’A89 dote
même le territoire auvergnat d’un carrefour autoroutier situé à hauteur de
Clermont-Ferrand.

− Le lien autoroutier suscite un « déséquilibre temporaire des systèmes écono-


miques locaux par l’émergence de dynamiques aussi bien exogènes qu’endogènes ».
Les influences extérieures se manifestent par un essor de l’hôtellerie de chaîne aux
abords de l’A71, l’extension des aires d’influence des supermarchés et une tendance
au rapprochement de l’autoroute des entreprises installées dans les arrières-pays
enclavés. Il fait apparaître aussi une « onde de propagation » des propriétaires de

2007 - No 4 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 667


L’évaluation socio-économique des infrastructures de transport

résidences secondaires venant des régions situées plus au Nord tandis que les
modifications des aires d’influences urbaines sont réservées aux grandes agglomé-
rations. Les dynamiques endogènes favorisent un mouvement « centripète » com-
portant un important développement du parc de zones d’activités et l’élaboration de
stratégies et de projets de développement. Il est en revanche difficile de mesurer les
dynamiques « centrifuges » qui résultent de la conquête de marchés extérieurs par
les entreprises.

− À proximité de l’autoroute, la valorisation des nœuds favorise un processus


d’étirement urbain marqué par des transferts sur courte distance d’activités qui
délaissent leurs anciennes implantations plus urbaines et jugées moins
fonctionnelles.

P. BÉRION (2005a) distingue sur le cas de l’autoroute A39 trois familles d’inte-
ractions :
- Les conséquences directes, matérielles et techniques de l’autoroute : il s’agit des
effets dits de chantier (sollicitation de l’appareil industriel régional, modes de vie et
consommation des personnels, versement de taxes locales...), d’exploitation
(emplois mobilisés par le concessionnaire et les sous concessionnaires, acquitte-
ment d’impôts locaux), de réorganisation et d’ajustement des circulations (bascule-
ment du trafic longue distance de la route nationale vers l’autoroute, augmentation
des circulations près des diffuseurs...) ;
- L’accompagnement et la valorisation de l’autoroute qui comporte trois types
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d’aménagements : l’adaptation à l’autoroute (remembrement des espaces agricoles
et modernisation des réseaux routiers voisins des diffuseurs pour irriguer en profon-
deur le territoire), valorisation de l’accessibilité et du voisinage de l’autoroute à des
fins économiques et de développement local (zones d’activités, élaboration de
projets de développement et coopération intercommunale), promotion du terri-
toire (réalisation d’aires de services de prestige) ;
- L’usage et l’utilité de l’infrastructure pour le territoire : les adaptations et modifi-
cations observées sont modestes tant en termes de pratiques de mobilité que
d’organisation de la logistique des entreprises.

La lecture des interactions entre l’autoroute A39 et ses territoires confirme un


certain nombre de résultats déjà révélés par d’autres observatoires ou méthodes
d’analyse. L’autoroute n’est pas dans le cas présent un puissant générateur de
croissance locale ni même de réorganisation spatiale. Il faut tout simplement
rappeler que l’A39 n’a pas produit une « révolution » en matière de temps de
transport dans un espace déjà bien accessible. Quant au jeu des acteurs, des
influences et des gouvernances locales, il se confirme être une des clés de lecture des
adaptations territoriales, révélant l’âpreté du jeu politique mais aussi la persistance
d’une croyance ou du moins d’une référence aux effets structurants. Cette perma-
nence interroge.

L’autoroute n’agit jamais seule dans les changements. L’exemple des remembre-
ments des surfaces agricoles, conséquence d’un effet d’éviction/déstructuration
directement lié à l’infrastructure donne à lire une reconfiguration du parcellaire non
pas en fonction de l’autoroute mais pour et autour des stratégies des exploitants

668
Pascal BÉRION, Guy JOIGNAUX, Jean-François LANGUMIER

agricoles en prise directe avec les transformations technico-économiques dans


l’agriculture durant cette période.

Il faut donc retenir que la nouvelle infrastructure s’est intégrée « en douceur »


dans les territoires traversés. Son passage n’a pas véritablement apporté une nouvelle
dynamique socio-économique, ni modifié en profondeur les organisations spa-
tiales. Cinq ans après sa mise en service, l’A39 n’est toujours pas un véritable
catalyseur de développement local.

Pour la population et les entreprises, si l’autoroute apparaît bien comme un outil


efficace pour une meilleure mobilité des biens et des personnes, le besoin de
proximité à ses accès n’est pas clairement ressenti et les actions engagées se caracté-
risent par leur émiettement spatial et leur manque de réelles perspectives, contri-
buant parfois même à exacerber les concurrences locales.

Les travaux conduits sur les autoroutes A39 et A71, ainsi que ceux en cours sur
A20, A77 et A89 confirment le caractère ténu, complexe et multiforme des interac-
tions territoriales des grandes infrastructures de transport. Ils établissent qu’il ne se
produit pas de transformations puissantes et structurantes dans les territoires des-
servis. Différentes temporalités se lisent dans les adaptations territoriales : certaines
sont antérieures à la matérialisation de l’infrastructure (aménagement des zones
d’activités), d’autres sont immédiates (remembrements, réorganisation des circula-
tions) et d’autres encore ne s’expriment seulement qu’à moyen et long terme
(localisation des activités). Les acteurs locaux, porteurs des ambitions et des projets
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des départements et des intercommunalités ont un rôle déterminant. La modifica-
tion des pratiques de déplacement des populations et les formes d’utilisation de la
nouvelle infrastructure par les agents économiques peuvent être des vecteurs de
transformations d’ordre économique (organisation de la production) et géogra-
phique (périurbanisation guidée par les diffuseurs autoroutiers, par exemple).

2.5. Modélisation ou repositionnement socio-historique


des projets ?
Les observatoires, dont l’objet est d’aider à comprendre le rôle des systèmes de
transport dans le fonctionnement des systèmes territoriaux constituent de véritables
laboratoires. Une relation causale entre la venue de l’infrastructure et la formulation
de projets territoriaux est souvent perçue par les chercheurs mobilisés sur ces
problématiques. Dès lors, en termes scientifiques, l’analyse ne procède plus de
l’évaluation de l’efficacité des politiques mises en œuvre mais, au contraire, elle doit
se concentrer sur l’identification et la mesure des concordances et des discordances
entre les choix effectués et la réalité des changements. Concrètement, dans les
territoires ruraux traversés par les autoroutes A20, A39 ou A89 (laissons de côté
l’A71 en raison de la présence de Clermont-Ferrand), la création de zones d’activités
est motivée par le passage de l’autoroute. Un effet « psychologique » sans doute
excité par l’intensité des discussions préalables au choix définitif du tracé, par la
vigueur des jeux d’acteurs et d’influences, conduit à structurer durablement la
localisation du foncier d’entreprises près de l’infrastructure. À long terme, une
proximité des localisations et de l’infrastructure sera identifiée (FAIVRE, 2003b), mais

2007 - No 4 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 669


L’évaluation socio-économique des infrastructures de transport

elle ne sera qu’une « illusion d’effet structurant » (BÉRION, 2000). La mission de


l’observatoire, dès lors qu’il a révélé cette nouvelle géographie des zones d’activités
qui participent d’un « effet d’annonce » (VARLET et al, 2002), est désormais de
comprendre pourquoi un remplissage rapide, ou à l’inverse l’absence d’installation,
affecte précisément l’espace observé.

Les observatoires soulignent que les interactions sont dépendantes de l’échelle et


du temps. De l’échelle car les changements agissent à différents niveaux géogra-
phiques (VARLET et al, 2004), le local, le régional, le national et parfois même
l’international. Cependant, en raison de leur organisation et de leur mode de
fonctionnement, les observatoires privilégient avant tout l’échelon local. Ils offrent
sans doute une vision réductrice des interactions. Le rôle du temps est déterminant,
le travail de E. FAIVRE (2003b) le démontre clairement. Toutefois, les observatoires
interviennent sur un laps de temps trop court qui les empêche de saisir l’intensité et
l’efficacité des interactions « infrastructure et territoire ». Ils ne peuvent identifier
que la genèse des processus « d’adaptations réciproques », aussi, ils se trouvent
limités dans leurs conclusions et leurs souhaits de quantifier les phénomènes.

A. BURMEISTER et al. (2003), indiquent que « les limites de ces approches (com-
prendre les observatoires) tiennent à leur caractère a – théorique et normatif. (...)
Elles n’échappent pas au biais traditionnel de l’évaluation, à savoir la difficulté de
dissocier les effets bruts des effets nets (...) ». Cette remarque ne manque pas de
pertinence et souligne la limite principale des approches de type observatoire dont
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le souci de « coller » aux réalités multiples des territoires observés se prête difficile-
ment à la conception d’un modèle unique et théorique traduisant l’ensemble des
interactions territoriales. Mais, comment cerner les multiples formes d’adaptations
réciproques suscitées par la proximité des infrastructures ? F. PLASSARD (2003)
défend la nécessité d’opérer une approche plus globale qui mobilise « la notion de
territoire » en indiquant que « les transports n’ont de sens qu’à l’intérieur d’un
ensemble plus complexe, qui implique non seulement des coûts ou du temps de
transport, mais aussi une histoire, des valeurs. C’est ce que nous apprend le passage
de la notion d’espace à celle de territoire ». Il reprend à son compte l’observation de
G. JOIGNAUX et J. F LANGUMIER (op. cit.) selon laquelle « de nouvelles représentations
de l’insertion de l’infrastructure dans la dynamique des territoires sont à l’évidence
nécessaires, aux confins de l’économie spatiale, industrielle et des théories de la
gouvernance ».

Conclusion
L’introduction de la dimension territoriale dans les pratiques d’évaluation socio-
économique des grandes infrastructures de transports est justifiée par l’action
conjointe de plusieurs facteurs. Le premier est relatif à la décentralisation de l’action
publique. Celle-ci a pour conséquence de donner au « local » le pouvoir de cons-
truire des projets en appliquant un principe de subsidiarité qui l’oblige à s’engager
dans un exercice que l’on peut qualifier « d’intelligence territoriale ». Les projets
d’infrastructures ne peuvent plus en pratique être imposés mais doivent être discutés
et ouverts à une large concertation. Le deuxième découle des résultats des travaux sur

670
Pascal BÉRION, Guy JOIGNAUX, Jean-François LANGUMIER

la difficile question des conséquences économiques des investissements consacrés


aux infrastructures de transports. L’invalidité des modèles déterministes fondés sur
l’identification et la quantification de causalités directes (effets sur les coûts de
transport et l’accessibilité) et indirectes (efficacité des actions d’accompagnement)
est établie et invite à poser le questionnement sur la base de l’identification
« d’adaptations réciproques entre l’infrastructure et le territoire ». Il est donc prudent
d’abandonner toute recherche de causalités absolues sans pour autant rejeter tota-
lement le concept « d’effet » qui garde, toutes choses égales par ailleurs, une certaine
pertinence dans l’identification et la classification des évolutions réputées avoir un
lien avec l’infrastructure et l’explication de la nature et des modalités de ce lien.
Troisièmement, plus de quarante ans après le lancement du programme autoroutier
français et plus de vingt ans après la mise en service de la première ligne de chemin
de fer à grande vitesse entre Paris et Lyon, un véritable maillage du territoire est
aujourd’hui établi avec les réseaux de grandes infrastructures. L’accessibilité géogra-
phique entre les aires métropolitaines s’en trouve grandement facilitée grâce à
l’accumulation successive des équipements et la massification des échanges qui en
résulte. Toutefois, l’accessibilité seule ne suffit pas à déterminer l’attractivité d’un
lieu. De plus, des déformations d’ordre géographique se consolident avec une
différenciation de plus en plus marquée entre les aires métropolitaines et les
territoires de marges, d’entre-deux, sur lesquels les flux ne font que transiter. La
dualité spatiale qui en résulte est d’une intensité inégale selon le mode de transport.
La fracture est puissante dans le domaine aérien et maritime, elle est en revanche
plus modeste autour des autoroutes mais plus conséquente pour les réseaux ferro-
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viaires à grande vitesse.

Les observatoires engagés par le Ministère de l’Équipement puis par les exploi-
tants de réseaux ferrés et autoroutiers témoignent pleinement de la « territorialisa-
tion » des infrastructures. Ces expériences aux objectifs et limites mieux connus ont
deux avantages qui fondent leur richesse. Elles sont tout d’abord une précieuse
source d’informations géographiques et micro-économiques qui renseignent avec
minutie et détail sur les modalités d’adaptation réciproque, les « effets de proxi-
mité » des différents acteurs et agents économiques face à l’accès à une grande
infrastructure de transport. Ensuite, les approches initiées par les observatoires
nourrissent un débat théorique et méthodologique qui met en discussion les
fondements de la relation entre infrastructure et territoire. La recherche doit se
concentrer sur les usages et les représentations de l’infrastructure par les agents
économiques. À cet égard il semble utile de rappeler que la qualité de l’offre de
transport reste un argument de compétitivité économique et territoriale comme le
soulignent P. RIETVELD et R. VICKERMAN (2004) : « ... reductions in average levels of
transport costs have not diminished the importance of transport as factor in the
organisation of the spatial economy and the economic fortune of regions ».

Enfin, l’observation territoriale revêt une évidente dimension praxéologique. Les


résultats obtenus doivent être partagés avec les acteurs territoriaux pour, sans excès
d’ambition, encore moins de volonté normalisatrice, inspirer des recommandations
en matière de pratiques et d’actions. En quelque sorte, ces observatoires partagent
les valeurs d’une approche « participante » de l’aménagement du territoire passant

2007 - No 4 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 671


L’évaluation socio-économique des infrastructures de transport

par la mise en lumière des réalités territoriales, des inégalités spatiales, des compé-
titions économiques, des conflits d’intérêt qui se manifestent dans un système
d’échange empreint de libéralisme et de mondialisation. Le débat autour d’éléments
de connaissance et de compréhension des phénomènes liés aux infrastructures peut
aider à orienter l’action face aux risques de renforcement des concurrences, fractures
et inégalités spatiales.

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Notes
1 - Méthode dite RCB, très en vogue dans les milieux de la planification des années 60 en
France, issue du PPBS (Planning Programming Budgeting System) mis au point aux
Etats-Unis pour les besoins de l’Administration durant la Seconde Guerre mondiale.
2 - Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité.
3 - Centre National de la Recherche Scientifique.
4 - Programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres fédérant les Minis-
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tères français chargés de la Recherche, des Transports, de l’Environnement et de l’Industrie,
l’Agence de l’environnement (ADEME) et l’Agence Nationale de Valorisation de la Recher-
che (ANVAR).
5 - Néologisme issu de l’expression « not in my backyard », dont la traduction et le sens sont
« pas dans mon jardin » ou plus simplement « pas chez moi ».
6 - Cf : le thème retenu pour le prochain colloque de la Regional Studies Association (Prague,
27-29 mai 2008) : « Regions : the dilemas of Integration and Competition ».
7 - Créée par un décret de 1963, devenue récemment (signe des temps) Délégation Intermi-
nistérielle à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires, DIACT.
8 - Assez universellement connue sous son expression anglo-saxonne : cost-benefit analysis
9 - Qu’il s’agisse de conventions de calcul ou de valeurs dites « tutélaires », imposées par voie
réglementaire et d’ailleurs pas nécessairement harmonisées selon les modes ou l’adminis-
tration en charge de l’évaluation ni à l’échelle européenne.
10 - « Grandes infrastructures de transport et territoires », Lille, 8 et 9 juin, dont les principales
contributions sont reprises dans deux ouvrages coordonnés respectivement par A. BUR-
MEISTER et G. JOIGNAUX (1997) et O. HEDDEBAUT (1997).
11 - F. PLASSARD (1977) mentionne la création d’une équipe de recherche consacrée aux
transports à Lyon en 1967 dans « l’ancienne Faculté de Droit et de Sciences Écono-
miques ». Il souligne que cette création permit d’engager les travaux sur les effets des
autoroutes à l’époque de la mise en service de l’A7 entre Vienne et Montélimar. Le LET est
devenu laboratoire de l’Université de Lyon II et de l’Ecole Nationale des Travaux Publics de
l’Etat, associé au CNRS.
12 - Le décret n° 84617 du 17 juillet 1984 en explicite les modalités d’application et une
instruction ministérielle de mars 1986 en précise les grands principes méthodologiques.
13 - On notera que dès les années 70, la DATAR évalue les incidences du train rapide
SHINKANSEN sur les villes desservies car une crainte – non vérifiée − apparaît : Lyon
souffrira-t-elle du TGV au profit de Paris ?

2007 - No 4 Revue d’Économie Régionale & Urbaine 675


L’évaluation socio-économique des infrastructures de transport

14 - Même si, dans l’esprit, ils ne sont pas très éloignés des « bilans » requis par la LOTI dans
la période de 3 à 5 ans suivant la mise en service.
15 - La durée des chantiers est fonction du linéaire à construire. Les 110 km de l’A39 ont
nécessité trois ans de travaux, par contre, l’itinéraire de l’A89 ne sera abouti qu’au terme de
dix années, mais des sections de 30 à 40 km sont successivement ouvertes à la circulation
dès qu’elles sont achevées.
16 - Sous la direction de C. JAMOT et J. VARLET.
17 - Sous la responsabilité de P. BÉRION et D. MATHIEU.
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