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Joan Valentina SANCLER GÓMEZ

Devoir (Évaluation)
Cours : Apprentissage et didactique interculturelle

Année 2015 / 2016


Master 2 FLE
La compétence interculturelle dans le cours de FLE

Introduction
Depuis les années 70, la notion d’interculturel est devenue un aspect de grande
importance dans le champ de la didactique de langues. En effet, toute langue vivante
renferme les systèmes de valeurs et de codes des peuples qui font usage d’elle. Ainsi,
l’enseignement d’une langue implique nécessairement l’enseignement de sa dimension
culturelle.
Dans ce travail, nous présenterons un survol sur quelques points d’intérêt en ce qui
concerne l’interculturel dans l’enseignement du français langue étrangère. Qu’est-ce
qu’interculturel ? Que veut dire acquérir une compétence interculturelle ? Quel est le
rôle du professeur dans une démarche interculturelle ? Telles sont les questions que
nous tenterons de répondre de forme générale afin d’avoir des pistes théoriques
(générales aussi) nous permettant dans un stade ultérieur, optimiser notre praxis en tant
que professeur de FLE.
Sur la notion d’interculturel
Plusieurs idées viennent à l’esprit autour de la notion de compétence interculturelle.
Selon le dictionnaire Larousse, l’adjectif interculturel « concerne les contacts entre
différentes cultures ethniques, sociales, etc. » tandis que le préfixe « inter » se réfère à
« la réciprocité » ou « l’action mutuelle ». Nous observons que cette définition insère
l’idée de «contacts », ce qui fait appel à une relation, à une communication. Néanmoins,
cette définition reste peu développée vu qu’elle ne met pas en évidence la démarche
interne vécue par l’individu lorsqu’il découvre l’autre. En effet, Abdallah-Pretceille
(2011) explique que « l’interculturel ne correspond pas à un état, à une situation mais à
une démarche, à un type d’analyse. ». (p. 9) Dans le même esprit, Steele (1996) souligne
que « la prise de conscience doit s’accompagner d’une sensibilisation affective entre soi
et l’autre ainsi que d’une analyse de son identité culturelle ». (p. 55). Autrement dit,
l’interculturel fait référence à un processus interne de réflexion de l’individu face à son
propre système de valeurs, pour ensuite, porter un regard sur l’autre et sur la culture de
l’autre à partir de cette réflexion sur lui-même et sa culture.
De son côté, Bourse (2008) qui offre une analyse sémantique du terme, définit
l’interculturalité comme « l’ensemble des enjeux déclenchés lors de la rencontre
communicationnelle d’acteurs sociaux appartenant à des univers linguistique et/ou
culturels différents ». Nous remarquons dans cette définition que l’interculturel peu
avoir lieu aussi entre des individus parlant la même langue mais possédant un système
différent. Ce serait le cas par exemple des gens de France, du Québec, d’Haïti ou de
Madagascar. Ils parlent tous la langue française mais ils maîtrisent un système de
valeurs différent.
Par ailleurs, il convient de préciser aussi que l’interculturel ne se réduit pas au « niveau
des cultures nationales », tel que le précise Bourse (2008). L’auteur précise qu’il est
possible de parler de diversités culturelles sur le plan générationnel, social,
professionnel, philosophique, religieux, politiques, économiques, parmi d’autres. Nous
constatons donc qu’à l’intérieur d’une même culture nationale, nous rencontrons des
systèmes de valeurs différents. Une situation qui pourrait illustrer ce cas en France, est
celle des Français de la province par rapport aux Français des villes qui maîtrisent des
systèmes de valeurs différents. En fait, leurs modes de vie peuvent avoir lieu d’une
manière très différente.
Maintenant que nous avons esquissé un bref aperçu sur la notion d’interculturel, il serait
pertinent de voir à quoi on fait référence quand on parle de « compétence
interculturelle », un terme d’intérêt pour tout professeur FLE.
Qu’est-ce que la compétence interculturelle?
Comme nous avons signalé ci-dessous, dans une perspective interculturelle, l’individu
prend sa propre identité culturelle comme point de départ de la découverte de l’autre.
Ainsi, la compétence interculturelle suppose avoir la capacité d’agir, face au contexte de
l’autre. À ce sujet, Narcy-Combes (2009) explique que « la compétence interculturelle
implique de savoir repérer les comportements des individus, de construire des savoirs
sur ces comportements et de produire une action efficace ». Nous pouvons noter donc
que la compétence interculturelle ne se limite pas à la simple connaissance de la culture
de l’autre, elle exige également à l’apprenant la capacité de savoir agir. En fait,
Abdallah (2005) souligne à propos de cette idée, que la compétence interculturelle
« renvoie à une culture en acte et non à une définition culturelle ». Par exemple, au
Venezuela, quelques personnes travaillant dans des commerces, ont l’habitude
d’interpeller les clients avec des mots affectifs tels que  « mon amour », « mon roi »,
« ma reine», «ami ». Alors, souvent il y a des Français qui maîtrisent très bien
l’espagnol mais qui n’arrivent pas à comprendre ce que ces mots signifient vraiment. En
réalité, c’est juste une manière d’interpeller les clients même si on ne les connaît pas.
Cela ne signifie pas qu’ils draguent les clients. Alors, nous constatons comme le dit
Abdallah (2005), l’importance de maîtriser la culture « en acte ».
De leur côté, Fanvini et Tirmizi (2006) définissent la compétence interculturelle comme
un ensemble d’habilités nécessaires pour agir de manière efficace et appropriée dans les
interactions avec les autres ayant une langue et une culture différentes à la propre. Dans
ce sens, l’individu possédant une compétence interculturelle connaît non seulement les
codes linguistiques pour s’exprimer, il sait aussi comment se comporter en situation. De
même, l’individu comprend que le système de valeurs propre à sa culture n’est pas le
seul envisageable, il comprend qu’il n’y a pas une culture meilleure que l’autre et que
tout est une question de perception.

Afin d’encadrer la notion de compétence interculturelle dans le champ spécifique de la


didactique des langues, nous avons exploré les compétences proposées par le Conseil de
l’Europe dans le document du CECR. Il est important de souligner que le CECR ne
propose pas proprement le terme de compétence interculturelle. On y retrouve plutôt,
des compétences générales divisées en savoir, aptitudes et savoir-faire, savoir-être et
savoir-apprendre. Dans la compétence de savoir, on propose la « prise de conscience
culturelle » alors que dans la compétence d’aptitudes et savoir-faire, on propose des
« aptitudes et savoir-faire interculturels ». Ce serait ce dernier, celui qui correspond le
mieux à la notion de compétence interculturelle, telle qu’on la présente dans ce travail.
En effet, selon le CECR, les aptitudes et les savoir-faire interculturels font appel
aux capacités « d’établir une relation entre la culture d’origine et la culture étrangère »,
« de reconnaître et d’utiliser des stratégies variées pour établir le contact avec des gens
d’une autre culture », « de jouer le rôle d’intermédiaire culturel » et « d’aller au-delà de
relations superficielles stéréotypées ».
Nous remarquons cet aspect puisqu’en tant qu’enseignants FLE, nous devons manipuler
dans nos pratiques éducatives, le CECR. Dans ce sens, il est pertinent de voir comment,
le modèle interculturel y est envisagé.
De même, Puren (2013) ne parle pas de compétence interculturelle. En fait, il parle
d’une compétence culturelle conformée par plusieurs composantes. Ainsi, l’auteur
aborde plutôt la composante interculturelle et la définit comme « la capacité à gérer les
phénomènes de contact entre cultures différentes lorsqu’on communique avec des
étrangers … en repérant les incompréhensions causées par ses représentations préalables
de la culture de l’autre, et les mécompréhensions causées par les interprétations faites
sur la base de son propre référentiel culturel ».(p.5)
La remarque de Puren (2013) nous renvoie à l’exemple des termes affectifs employés
par les Vénézuéliens. Un étranger possédant une compétence interculturelle solide saura
repérer « les incompréhensions » et les « mécompréhensions » ce qui lui permettra
d’éviter des malentendus. En fait, la compétence interculturelle nous permet d’être plus
réceptifs, plus empathiques envers l’autre.
Enfin, la notion de compétence interculturelle est plus claire et la question qui mérite
d’être traitée maintenant est celle concernant le rôle du professeur de FLE dans une
démarche interculturelle.
Rôle du professeur de langue dans le modèle interculturel
De la même manière que l’enseignement de langues étrangères a évolué à travers le
temps, le rôle du professeur a aussi évolué. Auparavant, le professeur s’occupait de
transmettre la langue en tant qu’un outil linguistique mais actuellement la situation a
changé. On s’est aperçu que pour réussir la communication avec des individus
appartenant à la culture étrangère, les étudiants « ont besoin des compétences
interculturelles en plus de leurs compétences langagières » (Steele, 1996, p.57) Ainsi,
le professeur ne peut pas se limiter à l’enseignement grammatical.
Steele (1996) l’explique très clairement de la manière suivante : « Le rôle du professeur
de langue étrangère se diversifie…l’heure a sonné du modèle interculturel qui s’impose
au professeur de langue étrangère de devenir médiateur interculturel ». Et qu’est-ce que
signifie d’être un médiateur interculturel ? ». C’est intéressant parce que quand on
cherche dans les dictionnaires le mot « médiateur », on constate que celui-ci est la
personne se chargeant de résoudre un problème entre deux ou plusieurs parties, exerçant
une médiation dans un conflit. Si nous transposons cette idée au cours de langue, nous
aurons le professeur comme médiateur entre la culture de la langue maternelle de
l’apprenant et la culture (ou les cultures) de la langue cible.
Steele (1996) explique que le professeur apporte « les savoirs nécessaires pour
appréhender l’autre culture ainsi que les moyens d’interpréter les indices
socioculturels ». (p. 57) Un exemple qui pourrait illustrer cette idée est des étudiants qui
doivent travailler l’analyse d’articles de presse dans la classe de langue. Imaginons que
le professeur décide de travailler à partir d’un article portant sur les prochaines élections
présidentielles en France. L’étudiant sera confronté à une réalité culturelle qui lui est
inconnue. Le professeur doit donc fournir à l’étudiant les savoirs pour qu’il puisse saisir
ces informations qui peuvent être évidentes pour un Français mais qui ne seront pas
évidente pour un individu qui ne maîtrise pas le système des valeurs de Français. C’est
alors au professeur de mettre en évidence tout ce qui n’est pas évident pour l’étudiant.
D’autre part, Steele (1996) souligne qu’il faut que le professeur « rappelle aux étudiants
le contexte global dont les scènes … ne sont que des illustrations partielles ». (p. 56). La
remarque précédente est très importante. Souvent, le professeur pourrait tomber lui
aussi dans le piège de la généralisation. Il faut qu’il fasse comprendre à l’étudiant que ce
qu’il montre n’est qu’une partie d’une réalité beaucoup plus complexe. Par exemple, ce
ne sont pas tous les Français qui portent un béret, ce ne sont pas tous les Français qui
sont blancs et blonds, ce ne sont pas tous les Français qui boivent du champagne et ce
ne sont pas tous les Français qui sont romantiques. Alors, le professeur de langue doit
éviter de montrer à l’apprenant une vision simpliste, réductionniste de la culture
associée à la langue qu’ils apprennent.
Cependant, il faut éclaircir que le professeur ne peut pas prétendre que l’apprenant
adopte, ainsi qu’un natif, le système de valeurs et de croyances de la culture étrangère.
En fait, à ce propos, De Carlo (1995) dit qu’il ne s’agit pas « de donner à l’étranger une
compétence culturelle identique à celle du natif ». Ceci n’est pas le but du professeur.
Dans le même esprit, Chaves (2012) souligne que « la rencontre d’autres cultures, leur
connaissance et leur compréhension ne signifie pas adhérer à ces cultures et adopter
leurs valeurs, mais porter un regard conscient et réciproque sur l’autre, ce qui contribue
à la construction de l’identité personnelle » (p. 96) Par exemple, un professeur de FLE
ne doit pas attendre que son étudiant agisse comme un Français parce qu’il n’est pas
français et il ne le doit pas être.
Également, l’enseignant doit considérer qu’il ne s’agit plus seulement « d’enseigner la
langue et la culture, mais aussi de sensibiliser l’apprenant aux similitudes et différences
entre sa culture et celle de la langue étrangère ou seconde » (Robert 2009, p.102). C’est-
à-dire que l’enseignant doit mettre en évidence beaucoup d’aspects implicites pour les
apprenants. D’autre part, un autre aspect qui nous intéresse également de la remarque de
Robert (2009), c’est le fait de travailler non seulement à partir des choses qui nous
rendent différents mais encore, à partir des aspects qui nous lient. En effet, nous
pouvons citer l’exemple d’un parcours virtuel que nous avons proposé pour notre cours
de français à l’Université Centrale du Venezuela et qui a été conçu à partir des liens
unissant la France et le Venezuela. Ce parcours a été bien accueilli par les étudiants
vénézuéliens à chaque fois qu’on le leur a montré. En fait, nous croyons qu’ils sont
agréablement surpris de voir qu’il y a autant de points communs avec la France. Pour
voir le parcours, consulter le lien : https://sites.google.com/site/desliensquinousunissent/
Conclusion
Dans ce travail, nous avons présenté un bref panorama autour de l’interculturel dans
l’enseignement de langues étrangères. L’analyse fournie nous a permis de réfléchir à
notre rôle en tant qu’enseignant de français langue étrangère. Notre recherche nous a
confirmé qu’à l’heure actuelle, nous avons un plus grand défi que celui d’enseigner aux
étudiants à « bien parler », que nous devons continuer à aller au-delà de la simple
préoccupation linguistique et nous pencher également sur les dimensions culturelles de
la langue enseignée.
Dans le cas du français, on trouve une grande diversité dans la culture française ce qui
rend la tâche de l’enseignant plus complexe. Or, le défi est encore plus grand vu que le
système de valeurs de cette langue ne se limite pas à la culture de la France. Le français
est une langue qui embrasse une grande diversité de cultures de tous les continents. Il
reste donc des propositions à faire dans ce sens.
D’autre part, nous avons apprécié que certains auteurs comme Steele (1996) proposent
de conformer dans le cours de FLE, des groupes mixtes de travail, pour enrichir la
démarche interculturelle. Il est plus facile de penser à cette démarche quand
l’enseignant se trouve dans un pays visité par beaucoup d’étrangers qui souhaitent
apprendre la langue du pays. Cependant, ce n’est pas le cas d’autres pays comme le
Venezuela, où l’on travaille avec des groupes de Vénézuéliens. Même s’il y a beaucoup
d’étrangers dans le pays, rarement, nous avons des étudiants étrangers dans les salles de
classe. Dans ce sens, il faudrait réfléchir aussi à d’autres formes d’aborder l’interculturel
avec des groupe appartenant à la même culture nationale.
Bibliographie

Abdallah-Pretceille, M. (2011) « La pédagogie interculturelle : entre multiculturalisme


et universalisme ». Lingvarvmarena, 2, p. 91-101.
Abdallah-Pretceille, M. (2005) « Communication interculturelle, apprentissage du
divers et de l’altérité ». Consulté le 15 octobre 2015. URL :
http://www.frl.auth.gr/sites/congres/Interventions/FR/Abdalah-pretceille.pdf
Bourse, M. (2008) « Interculturel ou multiculturel : itinéraires sémantiques et évolution
idéologique ». Signes, Discours et Sociétés [en ligne], 1. Interculturalité et
intercommunication. URL: http://www.revue-signes.info/document.php?id=495
Castelloti, V., De Carlo, M. (1995). La formation des enseignants en langue, Paris, Clé
International (coll. «DLE»)

Chaves, R. M. (2012) « L’interculturel en classe de FLE ». Pug.

Conseil de l‘Europe (2001) Cadre européen commun de référence pour les langues :
apprendre, enseigner, évaluer. Editions Didier [en ligne]. Disponible sur
[http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Framework_FR.pdf]

Fantini, A., et Tirmizi A. (2006) Exploring and assessing intercultural competence.


World Learning Publications. Paper 1. Consulté le 15 octobre 2015. URL :
http://digitalcollections.sit.edu/cgi/viewcontent.cgi?
article=1001&context=worldlearning_publications

Narcy-Combes, M. (2009) « Développer la compétence interculturelle : un défi


identitaire », Cahiers de l’APLIUT [En ligne], Vol. XXVIII N° 1 | 2009, document 8,
mis en ligne le 27 août 2011, consulté le 15 octobre 2015. URL :
http://apliut.revues.org/1239 ; DOI : 10.4000/apliut.1239
Puren, C. (2013) "La compétence culturelle et ses composantes". "Préambule" du Hors-
série de la revue Savoirs et Formations n° 3 ("Parcours de formation, d'intégration et
d'insertion : La place de la compétence culturelle"). Montreuil : Fédération AEFTI,
2013, 92 p. Republication pour le site www.christianpuren.com, mars 2013.
Robert, J.M. (2009) « Manières d’apprendre :pour des stratégies d’apprentissage
différenciées » Hachette.
Steele, R. (1996) « Cultures ou intercultures ». 283, Français dans le monde, p.54-57

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