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Jean-Francois Tardieu

Pistes pour un
Programme d'Aménagement
du Territoire d'Haïti

décembre 2010
modifiée 2 jan. 2011
Table des Matières
INTRODUCTION..............................................................................................................................................3
POUR UNE REMISE EN QUESTION DES DIVISIONS TERRITORIALES ADMINISTRATIVES HAÏTIENNES...............................3
Une répartition trop inégale...................................................................................................................3
Pour une nouvelle rationalité.................................................................................................................4
Les départements..............................................................................................................................5
Les communes..................................................................................................................................6
Les sections communales.................................................................................................................6
Les bourgs-jardins et les quartiers urbains.......................................................................................7
La centralisation démocratique.........................................................................................................7
LES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT.............................................................................................................8
Les routes..............................................................................................................................................9
Les ports................................................................................................................................................9
Les aéroports.........................................................................................................................................9
LA RÉPARTITION TERRITORIALE DES RESSOURCES..............................................................................................9
LE ZONAGE.................................................................................................................................................10
La constitution d'une nouvelle armature urbaine................................................................................10
Le zonage agricole et environnemental...............................................................................................10
Les zones franches et les Zones Économiques Spéciales (ZES).........................................................11

Jean-François Tardieu -2- Pistes Aménagement du Territoire


Introduction
La Constitution haïtienne de 1987 prévoit un État fort mais décentralisé. Les collectivités territoriales y
occupent une place importante. Bien comprise, elle en appelle au principe de subsidiarité qui pourrait
se résumer ainsi :
– Tout ce qui peut se faire de façon convenable à un niveau inférieur ne doit pas se faire au niveau
supérieur.
– Cependant, quand le niveau inférieur manque de ressources pour agir dans sa sphère d'action, le
niveau supérieur doit venir à son secours1.
L'unité nationale et la solidarité scellées dans la Constitution conduisent à considérer une politique de
péréquation pour réduire les écarts de richesse entre les différentes localités et régions.
Depuis 1987, les forces conservatrices s'opposent subtilement mais farouchement aux dispositions
constitutionnelles en matière de décentralisation. L'argument le plus souvent mis de l'avant est que la
Constitution est inapplicable à cause des ressources qu'il faudrait disposer pour réaliser ses vœux. Ces
arguments sont renforcés par les lois d'application de 2006 qui au lieu rendre applicables les
dispositions constitutionnelles, les compliquent avec la création d'instances civiles non prévues par la
Constitution et qui de surcroît viennent affaiblir les instances élues sous le prétexte d'implication
citoyenne. Implication citoyenne par intermédiaire, en réalité, d'ONG et d'institutions internationales !
L'État ne peut remplir son rôle faute de ressources ? Suppléons donc sa faiblesse en offrant des
ressources (y compris les ressources de l'État lui-même) aux organisations « bénévoles ». D'un autre
côté, la tendance semble être de dire que puisque les communes ne peuvent remplir leur mission, que
l'État central y supplée quand les ONG n'y arrivent pas.
Liberté, égalité, fraternité sont le leitmotiv de la Constitution, y compris dans le chapitre sur la
décentralisation. Les dispositions constitutionnelles en la matière sont applicables pourvu qu'on les
regarde avec réalisme, honnêteté et courage.

Pour une remise en question des divisions territoriales


administratives haïtiennes

Une répartition trop inégale


Pour que les collectivités territoriales puissent remplir valablement leurs fonctions selon le vœux de la
constitution de 1987, faut-il bien qu'elles aient accès aux ressources financières, matérielles et hu-
maines nécessaires. Voilà ce qui constitue la pierre d'achoppement de l’application de la décentralisa-
tion.
Au fond, la question préalable est : « Quelle est la dimension optimale pour une section communale,
pour une commune et pour un département? » Il n'y a pas de réponse simple. Tout dépend des fonc-
tions attribuées aux diverses collectivités territoriales et de la technologie disponible pour gérer ces en-
tités spatiales. Cela demande une large concertation. Cependant, si l'on admet qu'il existe une dimen-
sion optimale pour chacune des collectivités, force est de constater que le territoire national est divisé
1 Ce deuxième point fait appel à l'équité spatiale (réduction des inégalités). Il s'agit du principe de suppléance dans un
sens restrictif : sans impliquer l'ingérence.

Jean-François Tardieu -3- Pistes Aménagement du Territoire


sans aucunement prendre en compte ce principe.
En effet comme le montre le tableau suivant :

• le département des Nippes compte moins de 300,000 âmes alors que l'Ouest en compte plus de
3 millions, soit un rapport de 1 à 12.

• la commune de Grand-Boucan compte moins de 5,000 habitants tandis que celle de Port-au-
Prince en compte plus de 800,000, soit un rapport du 1 à 174.

• la 1e section communale de Morne Chandelle (Carrrefour) compte 354 habitants tandis que
celle de Turgeau en compte près de 500,000, soit un rapport de 1 à 1,351 !

Tableau 1: Divisions territoriales actuelles


Nombre Pop. Moyenne Pop. Min. Pop. Max. P.Max /P.Min
Départements 10 876,357 271,859a 3,305,618b 12
Arrondissements 41 213,746
Communes 140 62,597 4,615c 801,566d 174
Sections 571 15,348 354e 478,244f 1,351
À partir des données du recensement de 2003 de l'IHSI.
a- Nippes b- Ouest
c- Grand-Boucan d- Port-au-Prince
e- 1e Morne Chandelle, Carrefour f- Turgeau

Quelle raison valable peut justifier que les Nippes soient un département au même titre que l'Ouest ?
Qu'est-ce qui justifie que Grand-Boucan soit une commune au même titre que Port-au-Prince ? Ou que
1e Morne Chandelle soit une section communale au même titre que Turgeau. Comment les pouvoirs
exécutif et législatif ont pu concevoir de telles entités ? Puisqu'il est bien évident, pour prendre le cas
extrême, que Morne Chandelle ne peut être géré de la même manière que Turgeau.
La décentralisation ne peut se faire à partir de la division territoriale actuelle. Celle-ci résulte d'intérêts
étrangers à une véritable décentralisation telle que voulue par la Constitution de 1987. Peut-on raison-
nablement doter le département des Nippes, bien moins populeux que la section communale de
Turgeau, de structures techniques appropriées à la gestion d'un département ? Mieux : de quel conseil
technique sérieux peut prétendre la commune de Grand-Boucan 2 ? Enfin, faut-il une Assemblée de Sec-
tion Communale pour gérer un territoire renfermant moins de 100 familles (1e Morne Chandelle) ?

Pour une nouvelle rationalité


La Constitution de 1987 appelle un processus de décentralisation. La décentralisation prônée n'interdit
pas la gestion centralisée qui garantit l'unité nationale. Mais cette gestion centrale s'effectue sous le
contrôle, de proche en proche des organes qui dirigent les collectivités territoriales, des ASECs au
Conseil Interdépartemental.
La Constitution prévoit deux niveaux de collectivités territoriales autonomes : le département et la
commune. Cela suppose que ces entités aient des moyens pour constituer des gouvernements pour
concevoir et appliquer les plans départementaux et communaux. Il faudra que la loi détermine de façon
réaliste les attributions de chacun de ces niveaux de gouvernement. Quoi qu'il en soit, chacun de ces
2 Voir article 71 de la Constitution de 1987.

Jean-François Tardieu -4- Pistes Aménagement du Territoire


niveaux devrait générer elles-mêmes l'essentiel des ressources financières nécessaires à leur gestion.
Par exemple, la commune ne peut pas dépendre pour son bon fonctionnement de subsides du Ministère
des Collectivités Territoriales. Il faut donc une masse critique dont la population est un bon indicateur.
Pour répondre à ces préoccupations, l'intervention prioritaire doit être la mise sur pied d'une commis-
sion sur la déconcentration, la décentralisation et l'aménagement du territoire qui aura d'abord la res-
ponsabilité de proposer, après consultations publiques, le remodelage du territoire en départements,
communes et sections communales. La proposition de départ est présentée ci-dessous.
Ensuite, il faudra une loi pour mettre en application cette nouvelle division et une loi sur les attributions
et le fonctionnement de ces collectivités territoriales. Les décrets de 2006 doivent être complètement
revus. Il faudra aussi que la loi consacre et formalise les principes de subsidiarité et de péréquation.

Les départements
Dans le but de donner aux départements une dimension raisonnable la proposition de départ pourrait
être tout simplement de réduire leur nombre à 4 :
• le département du Nord-Ouest qui comprendrait les départements actuels de l'Artibonite et du
Nord-Ouest en plus des communes de Cabaret et de l'Arcahaie ( 2,007,398 habitants),
• le département du Nord-Est qui comprendrait les départements actuels du Nord, du Nord-Est et
du Centre ( 2,414,361 h.),
• le département de la Capitale (ou de Port-au-Prince) qui comprendrait les communes de Port-
au-Prince, de Carrefour, de Pétion-Ville, de Tabarre, de Delmas, de Croix-des-Bouquets, de
Kenskoof, de Cité Soleil, de Fond-Verrettes, de Thomaseau, de Ganthier, de Cornillon
( 2,908,576 h.),
• le département du Sud qui comprendrait les départements actuels du Sud, de la Grande-Anse,
des Nippes et du Sud-Est, ainsi que l'île de la Gonâve et les communes de Petit-Goâve, de
Grand-Goâve, de Léogâne et de Gressier ( 2,592,908 h.).
Le rapport du département le plus populeux au département le moins populeux serait alors de 1.4.
Une alternative serait un département du Nord (Nord-Ouest, Nord, Nord-Est) et un département de
l'Artibonite (Artibonite et Centre), avec des populations sensiblement égales.
Le département de Port-au-Prince, essentiellement urbain (85%) a été délimité pour s'étendre vers l'est
de sorte à bouger son centre de gravité vers la République Dominicaine et à devenir la seule ville fron -
talière à caractère métropolitain de l'île. Une politique de modernisation de cette métropole devrait la
rendre, de par sa position, avantageusement compétitive à long terme par rapport à Santo-Domingo.
Les départements devraient constituer le nœud gordien de la décentralisation. Le gouvernement central
devrait surtout s'occuper d'orientation générale et de contrôle. L'exécution devrait revenir essentielle-
ment aux département et aux communes, soit par déconcentration des ministères soit par décentralisa-
tion des responsabilités aux conseils départementaux et communaux. La planification nationale indica-
tive devrait être concrétisée par une planification départementale collée à la réalité. En termes
d'allocation financières, un bon point de départ serait de considérer un montant de 40% pour le niveau
central (dont la moitié serait déconcentrée), de 30% pour le niveau départemental et de 30% pour le
niveau communal. Ce sont donc de véritables départements ministériels qu'auront à gérer les conseils
départementaux de concert avec l'État déconcentré.

Jean-François Tardieu -5- Pistes Aménagement du Territoire


A titre indicatif, les services offerts au niveau départemental seraient l'université publique à vocation
d'enseignement et de recherche et l'hôpital universitaire.
Ces mesures ne devraient pas aboutir à débiliter un État central déjà faible. Les ressources financières
pour cette politique de décentralisation et de déconcentration devraient provenir essentiellement de
deux sources : la croissance économique et l'augmentation de la pression fiscale qui devrait passer de
10% à au moins 20%. Les fonds d'institutions internationales peuvent constituer un palliatif à court et
moyen termes; une bonne partie des fonds improductifs alloués actuellement aux ONGs devraient être
réaffectés à cette fin.

Les communes
La proposition de départ en ce qui a trait aux communes conduit à l'établissement de dix communes par
département en moyenne pour un total de 40. Cette division correspond aux arrondissements actuels.
Chaque commune correspondrait alors à un arrondissement avec sa vice-délégation qui représenterait
l'État central dans la commune, vis-à-vis le Conseil Communal. La taille moyenne des communes serait
autour de 250,000 habitants et de 700km 2, avec une distance maximum au centre pas trop éloignée de
25 km (accessible en transport en commun). Seule la commune de La Gonâve s'écarterait sensiblement
de la dimension moyenne (en population) avec environs 80,000 habitants3.
La commune est la plus petite collectivité territoriale dotée d'autonomie par la Constitution haïtienne.
Cela sous-entend que le Conseil Communal dirige un gouvernement local avec des services spécialisés
administratif, sanitaire, de planification, de génie et autres.
Les communes devraient pouvoir offrir des services spécialisés de santé, l'enseignement universitaire
de base en plus des services qui relèvent traditionnellement des communes mais que celles-ci n'ont le
plus souvent pas les moyens d'opérer adéquatement. Au départ, le gouvernement de la République par
l'intermédiaire des vice-délégations offrira un support technique aux mairies pour le renforcement de la
collecte des taxes municipales. Parallèlement, une campagne de marketing sera financé par le pouvoir
central pour promouvoir le paiement volontaire des taxes par les contribuables. Cela suppose d'une part
une visibilité des mairies dans les travaux publics et une lutte visible contre la corruption.

Les sections communales


La dimension des sections communales équivaudrait aux sections actuelles avec une population
moyenne de 17,000 habitants et une superficie de 45 km 2. (distance maximum au centre non loin de 7
km, accessible à pied dans la journée).
Le décret du 1er févier 2006 sur les sections communales n'est pas appliqué à ce jour. Il est difficile-
ment applicable, entre autres parce qu'il mobilise inutilement des ressources pour une gestion auto-
nome. La Constitution ne donne pas l'autonomie aux sections communales; la loi ne devrait pas la lui
donner. La section communale doit être essentiellement une collectivité déconcentrée de la commune.
Elle devrait aussi servir d'intermédiaire entre la commune d'une part et les bourgs-jardins et quartiers
urbains d'autre part.
Une remarque de taille mérite qu'on s'y arrête. Les articles 62 et 63 de la Constitution de 1987 sont
clairs : tout point du territoire se trouve dans une section communale administrée par un CASEC assisté
par une ASEC. Cette disposition constitutionnelle traduit une volonté citoyenne quasi unanime à
l'époque de mettre tous les citoyens sur le même pied d'égalité en éliminant la distinction entre ville et
3 L'établissement d'une Zone Économique Spéciale à La Gonâve pourrait cependant rapidement décupler sa population.

Jean-François Tardieu -6- Pistes Aménagement du Territoire


section rurale4. En violation de cette volonté et de la Constitution elle-même, nous nous retrouvons
avec des entités appelées « villes », arbitrairement délimitées en dehors des sections communales et du
contrôle d'un CASEC et d'une ASEC. La volonté discriminatoire de diviser la commune en ville et
sections rurales a eu gain de cause; seul le mot rural n'est pas revenu. Des élus nommés « délégués de
ville » représentent les villes au sein des Assemblées Municipales mais les citoyens d'une ville sont
étrangères à sa gestion. La constitution doit être rétablie.

Les bourgs-jardins et les quartiers urbains


Une démocratie participative suppose que les sections communales (plus petites collectivités territo-
riales) soient formées de communautés de voisinage où les citoyens se côtoient quotidiennement et
apprennent à collaborer pour prendre en charge leur environnement immédiat. Les nouvelles lois sur les
collectivités territoriales consacrent les « habitations » traditionnelles. Il s'agit d'entités spatiales
héritées d'un passé colonial sombre et qu'il faut approcher avec précaution. En milieu rural, ces
communautés de voisinage pourraient être organisées de préférence autour de ce que George Anglade
appelle les bourgs-jardins. Il s'agit d'entités regroupant les exploitations paysannes et articulées en
principe par une bourgade traditionnelle ou un marché rural 5. En milieu urbain, les communautés de
voisinage pourraient être constituées d'un regroupement de ménages en quartiers urbains pouvant
permettre de tirer profit de l'histoire des comités de quartier que nous avons connu après 1986.
La population des bourgs-jardins et des quartiers urbains varierait de 2,000 à 5,000 habitants avec une
superficie d'environ 9 km2. Ces communautés devraient disposer d'un centre de santé, d'une école fon-
damentale publique, d'un centre culturel et éducatif polyvalent. De là devraient être issus les élus des
ASECs.
A l'échelle de voisinage, pourraient être favorisés la création de coopératives pour gérer, au niveau
local, les services essentiels comme l'eau potable, l'électricité et éventuellement les
télécommunications.

La centralisation démocratique
La décentralisation prévue par la Constitution ne s'oppose pas à la gestion centrale de l'État.
Parallèlement à la décentralisation, la Constitution prévoit une mutation de la centralisation.
D'abord l’Assemblée Communale est issue des sections communales. L'Assemblée Départementale est
issue des communes. Le Conseil Interdépartemental est issu des départements. Ce Conseil est le vis-à-
vis du gouvernement central; il est une instance centrale mandatée de bas en haut.
De haut en bas, selon l'article 87.2 de la Constitution, C'EST le conseil interdépartemental qui, « de
concert avec l'Exécutif, étudie et planifie les projets de décentralisation et de développement du pays,
au point de vue social, économique, commercial, agricole et industriel. » Dès lors, la déclaration de
politique générale du Premier Ministre est soumise aux directives du Conseil Interdépartemental. Le
plan national détermine l'orientation des plans départementaux. Les plans départementaux orientent les
plans municipaux.
La Constitution Haïtienne donne donc un pouvoir considérable aux collectivités territoriales et limite

4 On peut lire dans le préambule de la Constitution que : « Le Peuple Haïtien proclame la présente Constitution (...) pour
fortifier l'unité nationale, en éliminant toutes discriminations entre les populations des villes et des campagnes . »

5 Dans le cas d'un marché, les investissements publics favoriseront la transformation du marché en nouvelle bourgade.

Jean-François Tardieu -7- Pistes Aménagement du Territoire


les attributions du Président de la République et du gouvernement central.
C'est ainsi que s'exerce ce qu'on peut appeler la centralisation démocratique. De bas en haut puis de
haut en bas. Il faut donc qu'immédiatement après le vote de la loi modifiant la délimitation des
départements, des communes et sections communales, les élections pour les assemblées et conseils des
collectivités territoriales soient effectuées. Dès lors, la responsabilité de la planification nationale
reviendra à qui de droit : au Conseil Interdépartemental, pas exclusivement ni même principalement à
l'exécutif central; encore moins à une quelconque commission. De même, la planification
départementale revient au Conseil Départemental sous le contrôle de l'Assemblée Départementale; la
planification communale revient Conseil Communal sous le contrôle de l'Assemblée Communale. A
charge de ces instances composées d'élus de recevoir et solliciter la contribution de la société civile (ce
qui n'interdit pas à cette société d'exercer des pressions). C'est ce qu'exige la Constitution au Titre V :
De la Souveraineté Nationale.

Tableau 2: Divisions territoriales proposées


Nombre Pop. Pop. Min Pop. Max. P.Max Exemples de services publics
Moyenne /P.Min
PAYS 1 9,923,243* Centre hospitalier spécialisé de
pointe.

Université publique, Hôpital uni-


Départements 4 2,480,811 2,007,398 2,908,576 1.4 versitaire, tous services publics.

Hôpital communal, centre


Communes 40 248,081 79,188 350,000 4.4 universitaire public de base, com-
missariat de police.
Hôpital primaire, lycée classique
Sections 600 16,539 10,000 35,000 3.5 et technique, sous-commissariat
de police.

Centre communautaire de santé


Bourgs-jardins / axé sur la prévention, école fon-
Quartiers urbains 3,000 3,308 2,000 5,000 2.5 damentale publique, centre cultu-
rel et éducatif polyvalent.
*estimation 2009 de l'IHSI.

Les infrastructures de transport


Les infrastructures de transport jouent un rôle primordial dans l'aménagement du territoire. Lorsque le
transport est facilité entre deux points de l'espace géographique, leur attraction mutuelle augmente.
Cela a un impact sur les zones d'influence des lieux centraux. Les priorités en matière d'infrastructures
de transport doivent concourir à renforcer les liens intra-départementaux en rupture avec la tendance
actuelle de renforcement des liens avec Port-au-Prince. En effet, sous prétexte de sortir les régions de
l'isolement, la politique actuelle augmente l'aire d'influence de la capitale, hypothèque la décentralisa-
tion et désarticule le territoire. Comme pour les autres infrastructures, il faudra insister dans un premier
temps sur les investissements communaux qui augmenteront la force d'attraction des centres tertiaires,
ce qui créera spontanément une demande de renforcement des centres secondaires. D'autre part, il faut
prendre en compte la rentabilité avant de multiplier les investissements, en particulier le seuil de

Jean-François Tardieu -8- Pistes Aménagement du Territoire


rentabilité. Cela demande des expertises pointues. C'est pourquoi les propositions ci-après ne sont que
prospectives.

Les routes
La construction des routes secondaires et de pénétration seront à la charge respectivement des
gouvernements départementaux et communaux. En milieu urbain, la construction et l'entretien des rues
seront également à la charge des communes qui pourront déléguer aux sections communales. La
construction de routes de pénétration doit être la toute première priorité mais doit être accompagnés
d'investissements dans les centres tertiaires.

Le programme de réhabilitation routière présenté par l'UTE en 2005 est un bon point de départ en
matière de grandes routes mais il doit être revu en fonction de la logique suivante : Il faut des axes
routiers stratégiques d'intégration comme Ouanaminthe–Môle St-Nicolas ou Jacmel–Jérémie qui
permettront d'établir des réseaux départementaux et inter-départementaux et de partager des ressources
comme un aéroport international du Grand-Sud (Sud-Est inclus). C'est pourquoi le programme de
l'UTE doit être révisé en vue d'inclure au moins les tronçons Bainet–Vieux-Bourg d'Aquin, Port-de-
Paix–Môle St-Nicolas. Ce sont ces axes d'intégration qui auront préséance sur les liens avec Port-au-
Prince dans le but de favoriser l'éclosion de marchés départementaux.

Les ports
Un programme de réhabilitation et de construction de ports devra être étudié et mis en application.
Trois types de fonctions devront être pris en compte : l'import-export, le tourisme international et le
transport de marchandises et de passagers par cabotage. Le cabotage devra sérieusement être considéré,
particulièrement pour le transport de marchandises mais aussi pour le transport de passagers. Dans ce
dernier cas, le cabotage peut certainement être une option gagnante pour accommoder une masse
importante de passagers dans la baie de Port-au-Prince.

Les aéroports
En plus de l'aéroport international de Port-au-Prince et celui du Cap (en projet), un autre aéroport inter -
national devrait être construit pour desservir le Grand-Sud. La localisation idéale serait dans les envi-
rons de Aquin qui est le point central du nouveau département. Un réseau routier adéquat permettra
d'atteindre cet aéroport en moins de 2h30 à partir des principaux centres urbains du département :
Léogâne, Petit-Goâve, Jacmel, Les Cayes, Jérémie. Même les habitants de Léogâne auraient avantage à
utiliser cet aéroport au lieu de celui de Port-au-Prince, compte tenu des embouteillages à la capitale.
L'établissement d'un grand aéroport international à Aquin permettrait d'éviter d'investir des montants
substantiels pour agrandir les aéroports de Jérémie, des Cayes et de Jacmel.
En plus des aéroports internationaux, il faudra réaménager les petits aéroports existants en améliorant
les conditions de sécurité et les services.

La répartition territoriale des ressources


L'une des fonctions premières de l'aménagement du territoire est l'intégration du territoire. Cela
suppose de rompre avec la pratique d’appropriation à court terme des surplus par une infime minorité

Jean-François Tardieu -9- Pistes Aménagement du Territoire


de la population et de drainage de la richesse des milieux ruraux les plus reculés pour la concentrer
dans les grandes villes de province et à la capitale.
Au contraire, c'est le principe de péréquation qui doit guider la redistribution territoriale des richesses
et des ressources. L'État central doit supporter plus largement les départements les moins favorisés et
les départements doivent supporter plus largement les communes les moins favorisées.

Le zonage
Le zonage constitue à affecter les points du territoire à un usage déterminé d'une façon incitative,
indicative, ou limitative. Par exemple, la plus grande partie de la plaine du Cul-de-Sac est légalement
affectée à l'agriculture. Ce zonage n'a pas été respecté et cette plaine est devenue une zone urbaine
dense. Le zonage est un outil pour l'aménagement du territoire. Il peut contribuer à construire une
nouvelle armature urbaine; il peut servir à une politique de sécurité alimentaire ou de protection de
l'environnement; il peut aussi supporter une politique de zones franches ou de zones économiques
spéciales.

La constitution d'une nouvelle armature urbaine


La décentralisation suppose un rééquilibrage de l'armature urbaine qui souffre de la débilité des centres
secondaires et tertiaires. Les investissements de l'État pour le renforcement des départements et des
communes devraient avoir un effet multiplicateur et favoriser les villes secondaires et tertiaires. Il faut
s'attendre à ce que ces investissements provoquent l'émergence de villes tertiaires. Mais pour stimuler
la croissance, les communes devraient pouvoir compter sur l'appui de l'État central pour la création de
zones industrielles adéquatement équipées en fonction de promesses d'investissement national ou
étranger. Des conditions spéciales devraient être accordées pour des zones décrétées touristiques. Le
télétravail est aussi une option qui mérite une grande attention.
Le développement urbain devra se faire dans un cadre normatif serré pour éviter les coûts
environnementaux d'une croissance anarchique. Ce cadre comprend des règlements de zonage urbain
pour permettre la cohabitation harmonieuse des différents types d'occupation de l'espace (résidentiel,
commercial, industriel). Les communes devront produire des plans d'urbanisme pour les zones urbaines
qui y sont incluses, à l'exception du département de Port-au-Prince qui produira un plan conjointement
avec les municipalités.

Le zonage agricole et environnemental


En matière de zonage agricole et environnemental, il faudra insister sur le respect de la loi existante.
Il faudra immédiatement faire une cartographie des zones illégalement urbanisées et arrêter les
constructions illégales. Un nouveau plan de zonage pourra être produit en tenant compte de l'existant.
En ce qui a trait à la protection de l'environnement, une combinaison de mesures incitatives et
répressives seront prises pour faire respecter la loi. Dans tous les cas, l'État central et les collectivités
territoriales feront largement appel à la participation citoyenne. C'est tout le territoire national qui doit
être protégé. C'est pourquoi ce sont les collectivités territoriales qui doivent être les unités de
planification de la protection de l'environnement. L'approche par bassins-versants n'est pas appropriée.
Les bassins-versants ne sont que des régions physiques qui, en termes de planification seront
accessoires.

Jean-François Tardieu -10- Pistes Aménagement du Territoire


Les zones franches et les Zones Économiques Spéciales (ZES)
La loi du 24 juillet 2002 sur les Zones Franches réglemente le fonctionnement d'espaces clôturés qui
visent à attirer des investissements industriels ou de services d'exportation, particulièrement des
industries de sous-traitance, en offrant aux entreprises des avantages fiscaux et sociaux et des facilités
en infrastructures. Les zones franches industrielles ont donné des résultats mitigés et limités depuis leur
lancement dans le monde il y a 50 ans environ. Depuis 1980, le modèle a été élargi pour comprendre
une variété d'approches qui vont bien au-delà de l'attraction des investissements industriels. Il s'agit le
plus souvent d'impliquer les investisseurs dans l'aménagement global d'un territoire délimité. Il s'agit de
Zones Économiques Spéciales (ZES) qui ont donné des résultats particulièrement en Chine et en Inde.
Ce modèle a permis à la Chine de maintenir des taux de croissance annuels de l'ordre de 10% depuis
près de 30 ans. Il s'agit d'un chiffre phénoménal quand on prend en compte le volume de l'économie
chinoise. Le modèle de ZES permettrait de lever dans un territoire restreint les contraintes qui entravent
les investissements étrangers indispensables au démarrage sur la voie d'une croissance économique
accélérée.
Une loi sur les Zones Économiques Spéciales a été déposée au parlement en septembre 2008. D'autre
part, un projet détaillé de ZES a été déposé à l'Exécutif pour l'île de La Gonâve. Il faudra que tout soit
fait pour que la loi déposée soit étudiée de façon urgente. Cependant, l'expérience de La Gonâve devra
être suivie de très près par le Conseil Interdépartemental. La loi devra dès lors prévoir l'implication du
CI au côté du Conseil Départemental du Sud et du Conseil Communal de La Gonâve (éventuellement
des Assemblées Départementale et Communale). Une expérience de ZES comme celle proposée pour
La Gonâve est une activité stratégique à caractère national; elle est sensée avoir un impact important
sur la croissance de l'ensemble du pays. De plus, il faudra envisager de répliquer le modèle qui pourrait
permettre d'atteindre des taux de croissance annuels nationaux supérieurs à 12%.

Jean-François Tardieu -11- Pistes Aménagement du Territoire


Jean-François Tardieu -12- Pistes Aménagement du Territoire

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