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Mise en œuvre de la stratégie et contrôle de gestion

Le rôle du contrôle de gestion est de gérer les interactions entre la stratégie et les
opérations courantes. En conséquence, il n’existe pas de modèle unique de
contrôle de gestion ; au contraire, le contrôle de gestion doit être conçu en
étroite relation avec les choix stratégiques de l’organisation. La stratégie ne
constitue pourtant pas le seul facteur susceptible d’influencer la conception des
systèmes de contrôle de gestion.
Selon Bouquin (2001, p. 81), la spécificité de la fonction contrôle de gestion est
de garantir que la stratégie guide les actions menées dans l’entreprise ; le rôle du
contrôle de gestion est alors :
− de s’assurer que le contrôle d’exécution est adapté à cet objectif ;
− d’orienter les actions non programmables de telle sorte qu’elles soient
coordonnées avec les options stratégiques ;
− et de faire remonter dans la hiérarchie les données susceptibles d’aider au
choix et à l’adaptation des stratégies.

1 Le processus de déclinaison de la stratégie

1.1 Points d’ancrage du contrôle de gestion : les FCS

Pour Simons (1995), les FCS sont les « facteurs qui doivent être vérifiés ou mis
en oeuvre avec succès pour que la stratégie prévue par les dirigeants
réussissent ». Ils agissent à la fois en amont et en aval : en amont, il s’agit de
compétences ou de ressources dont dispose l’organisation ; en aval, les FCS
constituent les éléments conditionnant la réussite de la stratégie.
Tous les FCS n’ont pas le même impact sur le contrôle de gestion : certains
(telle la localisation par exemple) n’imposant que peu d’intensité de contrôle et
d’incitations ; d’autres au contraire supposent un suivi régulier et placent le
contrôle de gestion au centre des enjeux stratégiques (par exemple, le revenu par
client dans les banques).
Le lien entre l’intention stratégique et l’action par l’intermédiaire de la
déclinaison des facteurs clés de succès est un guide fondamental dans la
conception des systèmes de contrôle de gestion. Cependant, les interactions
entre contrôle et stratégie dépasse la seule question de la déclinaison des FCS au
sein de l’organisation.
Tout d’abord, la mise en œuvre de la stratégie est soumise à deux types de
risques :
Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

− Le premier type de risque est lié au caractère spéculatif de la stratégie : sa


pertinence repose sur un ensemble d’hypothèses dont le suivi suppose un
système d’alertes. C’est ce que Simons (1995) nomme le contrôle de
gestion interactif centré sur les incertitudes stratégiques.
− La stratégie est déclinée et mise en oeuvre par l’organisation. Or, il y a un
risque de divergence entre l’intérêt poursuivi et celui du manager local
(risque d’agence).
D’autre part, l’entreprise doit trouver un équilibre entre la gestion efficiente des
opérations récurrentes et la capacité à innover et développer des projets. Cet
équilibre dépend du type de stratégie suivie. KPMG a développé un cadre
conceptuel et une méthodologie d’audit opérationnels qui s’appuient sur ces
concepts.

1.2 FCS et processus de planification

L’ajustement du contrôle de gestion et des facteurs clés de succès s’effectue


grâce :
− A la définition des missions, objectifs, critères de gestion et de
performance des centres de responsabilités qui interviennent dans la mise
en œuvre des FCS ;
− Les processus de planification et de budgétisation qui permet d’articuler
la stratégie aux actions projetées.
Bouquin (2003) retient un processus de déclinaison en 5 étapes :
− La première étape vise à expliciter la stratégie suivie dans le domaine
d’activité : domination par les coûts ou différenciation. Cette stratégie
vise à répondre aux 5 forces du secteur et cette réponse de l’organisation
porte sur deux éléments principaux : la nature de l’offre de l’organisation
et le marché potentiel qu’elle vise. Cette explicitation de la stratégie
permet de communiquer les FCS aux acteurs de l’organisation.
− La seconde étape vise à étudier les processus de la chaîne de valeur pour
distinguer ceux par lesquels passe la mise en œuvre de la stratégie définie.
− La troisième étape vise à traduire les FCS et les rôles des processus en
actions concrètes : quelles sont les actions à mettre en oeuvre pour
garantir et améliorer l’efficacité et l’efficience des processus ? Dans quel
délai ?
− La quatrième étape vise à déterminer, sur la base de la structure de
l’entreprise, qui intervient dans le déroulement des processus. Les
objectifs de cette phase sont :
− de déduire les missions des différents responsables qui
interviennent à chaque phase du processus,
− d’identifier quelle autonomie doit leur être déléguée,

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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

− et de définir leurs objectifs et leurs moyens, leurs critères de


performance mais aussi les indicateurs et systèmes
d’information nécessaires pour le pilotage.

ETAPES QUESTIONS ?

Etape 1 Quels FCS pour être compétitif face aux 5 forces : Fournisseurs,
clients, concurrents, entrants potentiels et produits de substitution ?

Etape 2 & 3 Quelles actions pour décliner les FCS ?

Quels sont les processus impliqués ? Comment ?

Etape 4 Quel est le rôle des centres de responsabilité dans les processus
impliqués ?

Etape 5 Quel contrôle pour le processus et le centre de responsabilité ?

Au cours du processus de planification et de budgétisation, le contrôle a pour


mission de :
− S’assurer de la conformité des hypothèses retenues pour la construction
des plans d’action avec le plan opérationnel pluriannuel, les FCS, les
critères de gestion.
− Consolider les plans de manière à garantir une cohérence intra-entreprise
et à préparer les négociations budgétaires.
− Etablir les budgets qui constituent le chiffrage comptable des plans
d’action.
− S’assurer de la conformité des mesures des performances des
responsables et des unités avec les critères de gestion et les plans.
La question de la déclinaison de la stratégie apparaît cruciale. Deux grandes
critiques apparaissent par rapport à ce schéma :
Tout d’abord, une première critique porte sur la capacité du budget et des
indicateurs financiers à traduire correctement et de manière opérationnelle les
FCS ;
La seconde est plus fondamentale : le processus présenté n’apparaît pertinent
que lorsque l’environnement est stable et prévisible. Dans des environnements
plus turbulents, la stratégie est beaucoup plus émergente et un seul processus de
déclinaison n’est pas suffisant.

1.3 Limites des outils financiers et des budgets

Les budgets, en tant qu’outils de déclinaison de la stratégie, ont été remis en


cause au cours des dernières années. Deux perspectives ont émergé : le première
a tenté de renouveler la démarche budgétaire avec des outils tels que les budgets
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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

à base d’activité. La seconde a consisté à remettre en cause le budget comme


outil de déclinaison et de suivi de la stratégie et à le remplacer par d’autres outils
tels que les balanced sorecards. Kaplan & Norton (1996) estiment, par exemple,
les systèmes de management actuels, essentiellement fondés sur le modèle
financier du coût historique, ne font aucun lien entre la définition de la stratégie
et sa mise en œuvre. Les objectifs stratégiques ne sont pas traduits en objectifs
opérationnels pour les départements, les équipes et les salariés.
1.3.1 Management par processus
Pour Lorino (1997), le déploiement de la stratégie au sein de l’organisation se
réalise par l’intermédiaire des processus. Un processus peut être défini comme
un ensemble d’activités reliées entre elles par des flux d’information ou de
matières significatifs et qui se combinent pour fournir un produit ou service
important et bien défini, élément précis de valeur, contribution spécifique aux
objectifs stratégiques. Le processus permet de faire le lien entre les opérations
concrètes et les grands objectifs visés.
Le schéma général du déploiement de la stratégie est organisé en 8 étapes.
L’objectif du processus de déploiement est de mettre en évidence les
enchaînements causes/effets par lesquels une action sur le terrain a un impact sur
une performance globale.

ETAPES QUESTIONS ?

Formulation des objectifs Quelle est la cible de l’organisation ?


stratégiques

Analyse des processus de Comment peut-on décrire la chaîne de valeur actuelle en


l’entreprise termes de processus ? Quels sont les processus qui
présentent la plus grande sensibilité stratégique ?

Analyse des activités Quels sont les contenus concrets en activités des
processus ?
(étape facultative)

Déploiement des objectifs sur les Quelle est la contribution de chaque processus à la
processus stratégie de l’entreprise ?Quels sont les enjeux majeurs
de performance par processus ?

Analyse causes-effets Quelles sont les causes influant sur la performance des
processus ? Quels sont les leviers d’action concrets et
opérationnels permettant de maîtriser les enjeux de
performance des processus ?

Définition des plans d’actions Pour chaque levier d’action identifié, quelles seront les
modalités précises de l’action à mener pour atteindre la

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cible ?

Définition et mise en œuvre de Par centres de responsabilités ou processus pour assurer


l’animation de gestion le suivi des plans d’action et le diagnostic des
performances.

Choix, définition et mise en œuvre Quels indicateurs de pilotage et de résultats retenir ?


des indicateurs et des tableaux de Comment organiser les tableaux de bord ?
bord
Comment adapter les systèmes d’information ?

1.3.2 Le Balanced Scorecard


Pour Kaplan et Norton (1996), le BSC constitue un véritable système de
management stratégique pour déployer la stratégie à long terme. Les indicateurs
du BSC permettent de :
− clarifier le projet et la stratégie et les traduire en objectifs ;
− communiquer les objectifs et les indicateurs stratégiques, et les articuler
− planifier, fixer des objectifs et harmoniser les initiatives stratégiques
− renforcer le retour d’expérience et le suivi stratégique.
Comment ?
− La direction commence par définir les objectifs financiers et ceux relatifs
aux clients. L’organisation doit alors, en suivant la structure du BSC,
identifier les objectifs qui concernent son fonctionnement interne (axe
processus). Pour Kaplan et Norton, les systèmes classiques se concentrent
sur le prix de revient, la qualité et les délais. Le BSC met en évidence les
processus qui jouent un rôle clé pour parvenir à une performance
exceptionnelle du point de vue des clients et des actionnaires. Le dernier
axe du BSC (axe apprentissage organisationnel) permet de piloter les
investissements dans le développement de la compétence des salariés, les
systèmes d’information et l’amélioration des procédures opérationnelles.
Le BSC permettrait donc de clarifier les objectifs stratégiques et de cerner
les principaux déterminants de ces objectifs.
− La direction doit ensuite communiquer les objectifs et indicateurs du BSC
aux acteurs de l’organisation. L’analyse proposée est quelque peu
confuse : décomposer les indicateurs stratégiques du BSC au niveau des
unités puis en paramètres spécifiques au niveau des opérationnels. Les
difficultés inhérentes à ce processus sont peu explicitées.
− La troisième question porte sur le déploiement temporel du BSC : pour
atteindre les objectifs financiers, les managers doivent déterminer des
valeurs à atteindre pour les indicateurs clés des clients, des processus
internes et de l’apprentissage. Le BSC permettrait d’intégrer planification
stratégique et budgets annuels en fixant des jalons permettant de suivre les
indicateurs sur l’exercice budgétaire.
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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

− Grâce aux jalons fixés, il est possible de suivre les réalisations et modifier
éventuellement les schémas d’actions. L’idée est que les managers tirent
des enseignements pour anticiper : ils tentent de comprendre le présent
pour s’assurer que les hypothèses pour le futur restent cohérentes avec
l’évolution de la situation.
Comment construire un BSC permettant de relier les mesures à la stratégie ?
Kaplan et Norton énoncent 3 conditions :
− Des relations de cause à effet : le BSC doit énoncer la stratégie au travers
d’une suite de relations de cause à effets et articuler les mesures du BSC
aux objectifs financiers.
− Le BSC doit associer des mesures de résultats (indicateurs de type R) à
des indicateurs avancés (déterminants de la performance) adaptés à la
stratégie .
− Toutes les actions doivent être articulés avec les résultats financiers
(ROE, EVA…).

1.3.3 Variations dans les pratiques de contrôle de gestion.

1.3.3.1. Les influences de l’environnement externe.

L’incertitude de l’environnement influence la structure organisationnelle et la


fonction contrôle de gestion.

ENVIRONNEMENT INCERTAIN ENVIRONNEMENT PREVISIBLE

Nouveau produit produit en phase de maturité

produit différencié produit peu différencié

concurrence agressive concurrence sur les prix

sources d’approvisionnement incertaines peu de difficultés d’approvisionnement

changements rapides de technologie technologies stables

IMPLICATIONS POUR LE CONTROLE DE IMPLICATIONS POUR LE CONTROLE DE


GESTION GESTION

importance de la programmation peu de programmation

estimations budgétaires approximatives budgets détaillés

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révisions budgétaires pas de révisions budgétaires

plafonds pour les coûts discrétionnaires contrôle des coûts et analyse d’écarts

flux rapides d’informations signaux d’alerte rapides

évaluation subjective, orientée sur les résultats évaluation objective fondée sur le respect des normes

1.3.3.2. Les facteurs internes

FACTEUR NATURE DU FACTEUR IMPLICATIONS POUR LE CONTROLE


DE GESTION

STRATEGIES avantage par les coûts contrôle des coûts essentiellement

différenciation recherche de nouveaux produits et études de


marché

processus similaire à celui de la


focalisation différenciation.

CYCLE DE VIE lancement contrôle subjectif peu contraignant


DU PRODUIT
croissance contrôle de gestion type activités
opérationnelles

investissements et dépenses contrôlées avec


maturité soin

RELATION connue et certaine Dans les unités à fortes incertitudes, le


INPUTS- contrôle concerne le processus et a un
OUTPUTS inconnue caractère subjectif.

connue mais incertaine Lorsque l’incertitude est faible, le contrôle


est centré sur les résultats.

STRUCTURE centralisée ou non Le processus de contrôle de gestion doit


être cohérent avec la structure.
formalisée

INTERDEPEN- plusieurs centres font partie du même nécessité de flux rapides d’informations
DANCE ENTRE processus de production entre les unités
LES UNITES
interdépendance production-marketing prise en compte de l’interdépendance au
niveau de l’évaluation.

FLEXIBILITE intensité capitalistique forte importance du processus de programmation


et du contrôle des niveaux d’activité.

conséquences à long terme des décisions

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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

courantes.

STYLE DE le style d’un manager donné doit contrôle étroit ou souple


DIRECTION correspondre aux exigences du contrôle de
gestion de l’organisation contrôle personnel ou impersonnel

style entrepreneur

2 Les systèmes de contrôle interactifs (R. Simons, 1995)

Constat : les entreprises les plus innovatrices utilisent leur système de contrôle
de façon plus intensive que les autres.
Le contrôle dans les organisations est assuré de différentes manières :
surveillance, systèmes de rapports, contrôle social, contrôle culturel.

2.1 Définitions

2.1.1 contrôle
Les systèmes de contrôle de gestion sont les routines et procédures formelles,
basées sur l’information que les managers utilisent pour maintenir ou modifier
les schémas d’activités organisationnelles :
caractère formel : plans, budgets, systèmes de surveillance....
systèmes basés sur l’information : l’information sert à signaler les domaines
dans lesquels les subordonnés peuvent chercher des opportunités, à
communiquer les plans et les buts, à contrôler leur réalisation et à se tenir
informé et informer les autres des développements émergents ;
ces systèmes d’information ne deviennent des systèmes de contrôle que
lorsqu’ils sont utilisés pour maintenir ou modifier les schémas d’activités
organisationnelles ; les systèmes de contrôle de gestion doivent s’accommoder
des stratégies intentionnelles mais aussi des stratégies émergentes locales
provenant de l’expérience.
La mise en oeuvre d’une stratégie d’activité repose sur quatre
construits (systèmes de croyances, systèmes de limites, incertitudes stratégiques
et variables critiques de performance):
− les systèmes de croyances utilisés pour inspirer et diriger le recherche de
nouvelles opportunités ;

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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

− les systèmes de limites, utiliser pour établir les limites des comportements
de recherche d’opportunités ;
− les systèmes de contrôle diagnostic, utilisés pour motiver, surveiller et
récompenser la réalisation de buts spécifiés ;
− les systèmes de contrôle interactif, utilisés pour stimuler l’apprentissage
organisationnel et l’émergence de nouvelles idées et stratégies.

SYSTEMES DE
CROYANCE

SYSTEMES DE
LIMITES
Valeurs Risques à
de base éviter

STRATEGIE
DE
L’ACTIVITE

Incertitudes Variables
stratégiques critiques
DE

SYSTEMES DE
CONTROLE SYSTEMES DE
INTERACTIF CONTROLE
DIAGNOSTIC

Une des décisions cruciales du management est de choisir parmi les différents
leviers du contrôle.

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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

2.1.2 Le concept de stratégie


Mintzberg (1987) distingue 4 acceptations du terme stratégie :
− un plan ;
− un schéma d’actions ;
− une position concurrentielle ;
− une perspective globale.

Perspective stratégique Système de contrôle correspondant

Plan Systèmes de contrôle diagnostic permettant de


commander et contrôler au travers de la
surveillance des variables critiques de
performance
Schéma d’action (caractère Les managers contrôlent les schémas
intentionnel ou émergent) émergent d’actions, provenant souvent de
l’initiative des employés, en utilisant des
systèmes de contrôles interactifs pour
concentrer l’attention sur les incertitudes
stratégiques.
Position concurrentielle : Les managers tentent de contrôler la position
substance économique de la stratégique en utilisant des systèmes de limites
stratégie pour concentrer l’attention organisationnelle
sur les risques à éviter
Une perspective globale (la L’important est que la perspective soit
stratégie est un concept) partagée par les intentions et actions des
membres de l’organisation.
Pour contrôler cet aspect de la stratégie, les
managers emploient les systèmes de croyances
pour communiquer les valeurs clés et les
contrôler.

2.1.3 Concepts (dynamiques organisationnelles)


− création de valeur :
− opportunité : un espace d’opportunité est un ensemble unique
d’opportunités qu’une organisation peut potentiellement identifier ou
créer à un moment donné étant donné ses compétences et ses ressources ;
− attention limitée : capacités cognitives limitées (Simon) ;

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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

− Pour créer de la valeur, il faut équilibrer les opportunités illimitées et


l’attention limitée, c’est à dire diriger et concentrer l’attention des
membres de l’organisation.
− Formation de la stratégie : créer un équilibre entre la stratégie
intentionnelle et la stratégie émergente (tentatives locales d’exploiter les
opportunités), les deux modèles opérant simultanément dans les
organisations. Il est donc critique d’équilibrer entre contrôle et
apprentissage pour gérer la tension entre efficience et innovation.
− Comportement des individus dans les organisations : les individus ne
réagissent pas à des situations ou des choix, mais recherchent des
opportunités (curiosité, initiative individuelle).
En conséquence, le contrôle d’une stratégie ne se réduit pas à mettre en oeuvre
des plans. Au contraire, les systèmes de contrôle sont utilisés de manière
sélective pour équilibrer les tensions inhérentes entre :
− les opportunités sans limite et l’attention limitée ;
− les stratégies délibérées et émergentes ;
− l’intérêt personnel et le désire de contribuer.
2.1.4 Les moyens de contrôle de la recherche d’opportunités : croyances et
limites
Il y a deux leviers de contrôle qui guident l’activité de recherche d’opportunités
dans les organisations : les systèmes de croyances (système positif qui motive à
rechercher les opportunités) et les systèmes de limites (système négatif qui
contraint la recherche d’opportunités). Aucun de ces deux systèmes n’a un
caractère cybernétique : aucun système ne repose sur un feed-back
d’informations pour corriger un processus.
Systèmes de croyances : ensemble de définitions organisationnelles,
formellement communiqué, pour fournir des valeurs de base et des directions à
l’organisation. Ces définitions épousent les valeurs que les membres doivent
adopter. Ces valeurs clés sont reliées à la stratégie de la firme.
Le rôle du système de croyances est de guider la recherche d’opportunités.
L’activité de recherche organisationnelle est motivée par les systèmes de
croyances mais doivent être canalisés par les systèmes de limites.
Systèmes de limites : ils établissent des limites à la recherche d’opportunités,
basés sur les risques identifiés de l’activité. Ces systèmes de limites
communiquent le domaine acceptable pour l’activité de recherche. Les managers
de l’entreprise créent des systèmes de limites pour la conduite des activités
lorsque l’incertitude environnementale est forte ou lorsque la confiance interne
est faible. Ces systèmes de limites se construisent au cours du temps au fur et à

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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

mesure que l’organisation apprend quels types de comportement doivent être


évités (exemples : standards de qualité, code de conduite...).
Le rôle du plan stratégique est également de limiter l’activité de recherche. Les
limites stratégiques spécifient les opportunités à éviter mais établit également les
limites des opportunités acceptables (ex : système d’approbation des
investissements). Comme d’autres normes de comportement, les systèmes de
limites supposent la mise en oeuvre de sanctions crédibles.
En ce qui concerne les systèmes formels de croyance et de limites, il faut
distinguer le théorie épousée de la théorie en usage, l’important étant la seconde
qui conduit l’action.

2.2 Le contrôle de gestion diagnostic : mise en oeuvre des


stratégies intentionnelles
Ce sont les systèmes de contrôle reposant sur le feed-back, ossature des
systèmes traditionnels de contrôle de gestion. Les systèmes de contrôle de
gestion diagnostic se distinguent par trois caractéristiques :
− la capacité à mesurer les outputs d’un processus ;
− l’existence de standards prédéterminés permettant de comparer les
résultats réels ;
− la capacité à corriger les écarts par rapport aux standards.
La définition de Lorange et Scott (1974) de ces systèmes est : « l’objectif
fondamental des systèmes de contrôle de gestion est d’aider les managers à
accomplir les objectifs de l’organisation en fournissant un cadre formalisé pour
(1) l’identification des variables de contrôle pertinentes (2) le développement de
plans à court terme appropriés (3) l’enregistrement du degré de réalisation des
plans à court terme en ce qui concerne les variables de contrôle et (4) le
diagnostic des écarts ».
Exemples de systèmes de contrôle diagnostic :
− systèmes d’objectifs, de plans et de programmes ;
− business plans ;
− budgets ;
− système de contrôle des projets ;
− systèmes de contrôle du chiffres d’affaires par marques / parts de marché ;
− systèmes de coûts standards ;
− systèmes de management par objectif.
Par rapport à d’autres méthodes de contrôle (standardisation des tâches ou le
contrôle des inputs), les systèmes de contrôle de gestion diagnostics contrôlent
les résultats. Ces systèmes de contrôle sont un levier essentiel de mise en oeuvre
des stratégies intentionnelles. Les systèmes de contrôle de gestion diagnostics
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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

tentent de mesurer des variables des outputs (FCS ou variables critiques de


succès) qui représentent des dimensions importantes pour la mise en oeuvre des
stratégies intentionnelles : L’analyse du ROI chez Dupont de Nemours en 1915
était considéré comme une variable critique de performance.
Une fois que les variables critiques de performance sont déterminées, les
systèmes de contrôle diagnostic fournissent des indicateurs pour s’assurer
qu’elles sont gérées avec efficacité et efficience. Ces variables critiques de
performance sont définies sur la base de la stratégie intentionnelle.
Dans le tableau de bord équilibré, Kaplan et Norton proposent une méthodologie
systématique d’analyse des variables critiques de performance et des mesures
associées des stratégies intentionnelles.
Les systèmes de contrôle diagnostic constituent des apprentissages à simple
boucle (boucle unique de feed-back qui relie les résultats détectés d’une action
aux stratégies organisationnelles qui sont modifiées pour maintenir la
performance organisationnelle au niveau requis par les normes. Cependant, les
normes elles-mêmes sont inchangées).
Les systèmes de contrôle diagnostic permettent un management par exception,
ce qui permet aux managers de gagner du temps et aux membres de
l’organisation de profiter d’autonomie. Différents auteurs (Otley et Berry,
Merchant) ont mis en avant les conditions nécessaires à la mise en oeuvre de
contrôle diagnostic :
− développer des standards ou objectifs préétablis ;
− mesurer les outputs ;
− corriger les écarts par rapport au standard.
Ces conditions expliquent que les managers connaissent ex-ante les quantités et
les types d’output désirés. En conséquence, les systèmes de contrôle diagnostic
sont difficiles à mettre en oeuvre lorsqu’il y a un haut degré de nouveauté dans
le process à contrôler. La seconde condition, la mesurabilité, suppose des
concepts précis, des variables critiques de performance facilement mesurables.
Enfin, la troisième condition suppose des processus que les participants puissent
effectivement influencer (concept de système contrôlable dans la théorie des
systèmes).
2.2.1 Fixation des objectifs et motivation
Les objectifs ou standards fournissent de l’attention et de la motivation pour la
réalisation des cibles de performance critique. Pour beaucoup de théoriciens, la
motivation est la fonction centrale de tout système de contrôle de gestion. Un
des points essentiels est de définir le niveau de performance et le niveau de
difficulté, car celui-ci a un impact sur la motivation. La difficulté tient au fait

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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

que la fixation d’un standard ou d’un niveau de performance répond à plusieurs


objectifs :
− motiver ;
− coordonner les plans et ressources (allocation de ressources) ;
− fournir un étalon pour les actions correctrices ;
− ou servir de base pour l’évaluation des performances.
2.2.2 Mesures, comparaisons et actions correctives
Les systèmes de contrôle de gestion diagnostic s’intéressent aux écarts par
rapport aux standards : systèmes de feed-back négatifs. Les mesures d’un
système de contrôle diagnostic doivent posséder trois qualités :
− être objectives, c’est à dire pouvoir être vérifiées de manière
indépendante ;
− être complètes, c’est à dire capturer l’ensemble des actions et des
comportements ;
− être sensibles (refléter les efforts ou actions des individus).
2.2.3 Récompenses formelles
Les systèmes de contrôle de gestion diagnostic jouent un rôle de catalyseur dans
la mesure où les récompenses formelles sont liées aux mesures de performance.
Ces systèmes de performance sont utilisés pour récompenser les résultats mais
aussi pour guider la recherche d’opportunités de manière conforme aux
stratégies organisationnelles.
La difficulté principale réside dans le fait que l’obtention du niveau de
performance désiré résulte d’un travail collectif : la mesure de la contribution
individuelle devient difficile.

2.3 Les systèmes de contrôle interactif : adaptation à


l’environnement concurrentiel
Les systèmes de contrôle contraignent l’innovation et la recherche
d’opportunités pour s’assurer de la réalisation des objectifs prévus par les
stratégies intentionnelles ; d’autres systèmes de contrôle produisent des effets
complètement opposés. Ces systèmes de contrôle stimulent la recherche et
l’apprentissage, permettant à de nouvelles stratégies d’émerger lorsque les
membres de l’organisation tentent de répondre à des opportunités ou menaces
perçues.
La pression concurrentielle agit comme un catalyseur pour l’innovation et
l’adaptation. Les systèmes de contrôle jouent un rôle critique pour créer des
pressions concurrentielles au sein de l’organisation pour innover et adapter.

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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

L’adaptation suppose de rompre avec une recherche limitée de routines. Pour


que les systèmes de contrôle facilitent cette adaptation, ils doivent avoir des
attributs de conception critiques. Les systèmes de contrôle interactifs permettent
de créer la pression interne pour dépasser la recherche étroite de routines,
stimuler la recherche d’opportunités et encourager l’émergence de nouvelles
initiatives stratégiques. Pour cela, ces systèmes concentrent l’attention sur les
incertitudes stratégiques.
2.3.1 Les incertitudes stratégiques
Les incertitudes stratégiques sont des incertitudes et des contingences qui
peuvent menacer ou invalider la stratégie actuelle d’une activité. L’incertitude
provient, en général, d’une différence entre l’information requise pour réaliser
une tâche et la quantité d’information dont dispose effectivement l’organisation.
La distinction entre variable critique de performance et incertitude stratégique
est présentée dans le tableau suivant :

Variables critiques de Incertitudes stratégiques


performance
Question Que faire pour mettre en Quelles affirmations ou
récurrente oeuvre la stratégie chocs pourraient empêcher la
intentionnelle ? formation de notre vision
pour le futur ?
Concentration sur La mise en oeuvre de la La formation de la stratégie
stratégie intentionnelle émergente
Sur la base Analyses du personnel Perception des top managers
Recherche de la bonne Recherche de la bonne
réponse question
2.3.2 Les systèmes de contrôle interactifs
Les systèmes de contrôle interactifs sont des systèmes d’information formels
que les managers utilisent pour s’impliquer de manière régulière et personnelle
dans les activités de décision de leurs subordonnés. Basés uniquement sur les
incertitudes stratégiques perçues, les managers utilisent ces systèmes pour
activer la recherche. Ces systèmes de contrôle concentrent l’attention et forcent
le dialogue au sein de l’organisation.
Différents types de systèmes de contrôle peuvent être utilisés interactivement
par les managers. Tout système de contrôle interactif a quatre caractéristiques :
− l’information générée par le système constitue un point important et
récurrent d’intérêt pour les plus hauts niveaux du management ;

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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

− le système de contrôle interactif demande une attention fréquente et


régulière de la part des managers opérationnels à tous les niveaux de
l’organisation ;
− les données générées par le système sont interprétées et discutées en face
à face lors de réunions entre les supérieurs et les subordonnés ;
− le système est un catalyseur pur le débat continuel sur les données, les
affirmations et plans d’actions sous-jacents.
Le système de contrôle spécifique qu’un manager choisit d’utiliser
interactivement concentre l’attention de l’organisation entière sur le domaine
particulier sur lequel le manager se concentre.
Ces systèmes de contrôle interactifs sont utilisés pour guider l’émergence de
stratégies de la base vers le haut. Dans le modèle émergent, les individus de
l’organisation agissent de leur propre initiative pour saisir des opportunités
inattendues et faire face à des problèmes. Au cours du temps, l’organisation va
ajuster ses stratégies pour capitaliser sur l’apprentissage qui résulte des essais
portant sur ces nouvelles idées.

Vision du
Stratégie management Incertitudes
d’activité stratégiques

Apprentissage Choix

Système de
Débat et contrôle
dialogue Signallement interactif

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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

Si une organisation a n systèmes de contrôle (système de planification, système


de coûts, système de contrôle des projets, système de choix des investissements,
budgets...), un de ces systèmes sera utilisé interactivement alors que les (n-1)
autres seront utilisés pour le diagnostic. Une des différences est que le contrôle
diagnostic est centré sur les résultats alors que le contrôle interactif est centré sur
les processus. D’autre part, alors que les systèmes de contrôle diagnostic sont
basés sur un apprentissage en simple boucle, les systèmes de contrôle interactifs
sont basés sur un apprentissage en boucle double (la détection d’erreurs est
reliée aux stratégies et affirmations de performance, mais aussi aux normes
définissant la performance).
2.3.3 Conception d’un système de contrôle interactif
Cinq conditions pour qu’un système de contrôle soit utilisé de manière
interactive :
− le système de contrôle doit nécessiter des reprévisions des états futurs sur
la base des informations courantes. Les changements dans les données
avertissent les managers de changements potentiels.
− L’information contenue dans le système doit être simple pour que celui-ci
soit interactif ; par exemple, un système de suivi de la part de marché peut
être interactif ; par contre, l’information sur les coûts complets a rarement
un caractère interactif ;
− un système de contrôle, pour être interactif, doit être utilisé par la
direction, mais aussi par les managers à différents niveaux de
l’organisation ;
− pour être interactif, un système de contrôle doit déclencher des plans
d’actions révisés ;
− pour être utilisé de manière interactive, un système de contrôle doit
collecter et générer de l’information relative aux effets des incertitudes
stratégiques sur la stratégie d’activité ; ces incertitudes stratégiques sont
relatives au secteur spécifique et à la stratégie choisie
Les caractéristiques de conception d’un système interactif (mesures utilisées,
domaines de concentration, horizon de la planification) dépendent de facteurs
tels que :
− la technologie : lorsqu’une industrie dépend de la technologie, la direction
se concentre sur de nouvelles façons d’appliquer la technologie ; les
systèmes de contrôle de projet peuvent avoir un caractère interactif ;
− la réglementation, comme par exemple dans le secteur pharmaceutique ;
− la complexité de la chaîne de valeur (innovation produit sur de multiples
marchés...) : des arbitrages entre éléments de la chaîne de valeur sont
nécessaires, liens complexes entre production, ventes.... Les systèmes

17
Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

interactifs sont basés sur des mesures comptables, tels que des systèmes
interactifs de planification du profit ;
− la facilité de réponse tactique aux manoeuvres des concurrents : l’horizon
du système de contrôle interactif doit être adapté aux besoin de réponse
aux manoeuvres de la concurrence.
Le système interactif doit être adapté aux caractéristiques des incertitudes
stratégiques.

3 Les facteurs de contingence du contrôle de gestion

L’idée essentielle soutenue par la théorie de la contingence est qu’il n’existe pas
de one best way, qu’il n’existe pas un système de contrôle de gestion meilleur. Il
n’existe que des systèmes de contrôle de gestion adaptés à des situations
diverses et variées. Les paramètres qui influencent le contrôle de gestion sont
nombreux :
− nature de l’activité ;
− style de direction ;
− taille de l’entreprise ;
− clarté des objectifs ;
− importance de la culture interne ;
− nature de la concurrence et de l’environnement...

3.1 L’environnement externe

L’étude de référence est celle de Burns et Stalker (1966) menée en Angleterre et


en Écosse auprès de 20 entreprises industrielles au début des années 1960. Les
auteurs vont caractériser l’environnement des firmes ainsi que les principales
variables organisationnelles.
L’environnement est caractérisé en fonction du taux de changement de deux
données : la technologie scientifique nécessaire pour le produit fini et le marché
du produit. Ces deux données permettent de caractériser deux environnements
extrêmes :
− l’environnement stable qui connaît peu de changements ;
− l’environnement dynamique qui connaît, lui, de nombreux changements.
Lorsque l’environnement est stable, le contrôle est qualifié de mécaniste. Ces
organisations sont caractérisées par une forte spécialisation des tâches et une
coordination par la hiérarchie. Les structures mécanistes sont centralisées et
formalisées, elles exécutent des tâches de routine, recourent massivement à la
programmation et ont un potentiel limité pour répondre à des situations
nouvelles.
18
Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

Le contrôle est très précis : les plans et les budgets jouent un rôle primordial, des
standards précis doivent être observés et sont suivis d’analyses d’écarts (contrôle
d’efficience).
Au contraire, lorsque l’environnement est dynamique, le contrôle est qualifié
d’organique (métaphore biologique). Les structures de ces entreprises sont
flexibles et adaptables, les communications importantes sont plutôt latérales que
verticales, l’influence est basée sur l’expertise et la connaissance plus que sur la
position hiérarchique, les responsabilités sont larges.
Dans ce type de situation, le rôle du contrôle est surtout de transmettre des
informations et d’ajuster les objectifs en fonction des évolutions de
l’environnement (contrôle d’efficacité).
Par rapport à cette analyse, un des rôles importants de la direction est
d’interpréter correctement le degré et la nature des instabilités dans les
conditions de marché, les technologies de production et la connaissance
scientifique pour adapter les structures et le système de contrôle. La plupart des
organisations comprennent simultanément les deux formes de contrôle.
Pourquoi ?
La théorie de Lawrence et Lorsch (1967) : différenciation et intégration
Chaque partie de l’entreprise agit dans une sous-partie de l’environnement. En
conséquence, les départements de l’entreprise connaissent des niveaux de
stabilité de l’environnement différents. En conséquence, il convient de
différencier l’organisation. La différenciation est la segmentation de
l’organisation en sous-systèmes, dont chacun tend à développer des
caractéristiques particulières en fonction des caractéristiques de son
environnement spécifique (en termes de formalisation des structures, de nature
des relations interindividuelles et l’horizon temporel des objectifs). En
conséquence, le système de contrôle de gestion doit être adapté aux
caractéristiques propres des sous-systèmes (on ne contrôle pas de la même façon
un service « recherche » et un service « marketing » : par exemple, il faut des
tableaux de bord différents pour chaque service).
La contrepartie de la différenciation, c’est l’intégration : plus le besoin de
différenciation est important, plus les moyens d’intégration doivent être forts.
Les systèmes de planification et de mesure des performances (coordination par
standardisation des résultats) constituent un moyen d’intégration.

19
Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

3.2 Les facteurs internes : stratégie, technologie et


interdépendances

3.2.1 La stratégie
Le contrôle de gestion ayant pour objectif la mise en œuvre des stratégies, les
caractéristiques des stratégies ont un impact important sur la conception des
systèmes de contrôle de gestion.

3.2.1.1. L’analyse de Chandler : stratégie et structures (1962)


Chandler a étudié l’histoire des plus grandes entreprises américaines : Du Pont,
General Motors, Sears & Roebuck. Il a montré que les stratégies de croissance et
diversification (permettant d’exploiter notamment les économies d’échelle et les
économies d’envergure) ont conduit à de nouvelles gammes de produits, à des
expansions géographiques et à une augmentation de la taille et de la diversité
des organisations. Or, l’analyse de Chandler montre que les entreprises ont dû
modifier leurs structures afin d’être capable de conduire ces stratégies
efficacement. Une structure fortement centralisée était inefficace et ces
stratégies de croissance et diversification ont donné naissance à la structure
divisionnelle (structure dans laquelle la coordination est assurée par la
standardisation des résultats).
La stratégie, établie pour tirer le meilleur parti des conditions de
l’environnement externe, conduit à des changements de structure qui aura un
impact sur les systèmes de contrôle de gestion.

TYPE DE STRUCTURE ROLE DU CONTROLE DE GESTION

Structure simple Faible niveau de délégation ;

Coordination par ajustement mutuel ;

Le contrôle de gestion joue surtout un rôle de système


d’information prévisionnel (plutôt centré sur
l’environnement).

Structure fonctionnelle Faible niveau de décentralisation ;

Coordination par standardisation des procédés ou des


qualifications.

Le contrôle de gestion joue un rôle en matière


d’information prévisionnelle, de planification et de
suivi des actions (contrôle d’efficience de respect des

20
Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

standards, lorsqu’ils existent).

Structure divisionnelle (stratégies de Forte décentralisation ;


diversification et d’expansion)
Coordination par standardisation des résultats
(délégation objectifs / moyens) ;

C’est dans ce type de structure qu’apparaissent les


outils actuels du contrôle de gestion : budgets, PCI,
mesure des performances.

Structure matricielle (stratégies Forte délégation et coordination par ajustement


basées sur l’innovation rapide) mutuel ;

Le contrôle de gestion a pour rôle le suivi des projets.

3.2.1.2. L’analyse de Simons


Sur la base de la typologie classique de Miles et Snow (1978), qui définit trois
types de comportements stratégiques en fonction de l’environnement des
produits-marchés, Simons caractérise les attributs des systèmes de contrôle de
gestion. L’idée est que la stratégie concurrentielle de l’organisation oriente et
guide les caractéristiques clés des systèmes de comptabilité et de contrôle de
gestion.
Typologie de Miles et Snow :
− « defenders » : entreprises qui interviennent dans des domaines stables,
précis et segmentés avec des produits matures. La concurrence se fait
surtout par les coûts, la qualité et le service et il y a peu de
développements de produits ou marchés nouveaux.
− « prospectors » : entreprises qui suivent des stratégies d’innovation de
produits. Leur objectif est de proposer des produits nouveaux avant les
autres afin de créer de la turbulence dans leur marché.
− « analyzers » : stratégie hybride, c’est-à-dire une stratégie de défense
pour quelques produits (domaines stables) tout en développent des
produits nouveaux.
− « reactors » : entreprises sans stratégie cohérente par rapport à
l’environnement.
La théorie de Simons postule que les attributs des systèmes de contrôle
(fréquence des reporting, utilisation des calculs de coûts, le caractère serré ou
non des budgets, les mesures de performance….) sont influencés par le type de
stratégie suivie.

TYPOLOGIE DES CARACTERISTIQUES CARACTERISTIQUES DES


STRATEGIES STRUCTURELLES SYSTEMES DE CONTROLE

21
Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

DE GESTION

Defenders Structures fonctionnelles Contrôle centralisé, formel,


centralisées ; détaillé : objectifs de coûts et
budgets précis ;
Procédures opérationnelles
formelles Planification rigoureuse, bonus
explicitement liés aux
performances budgétaires ;

Contrôle d’efficience précis :


analyses d’écarts…

Peu de changements dans les


systèmes d’information.

Prospectors Équipes projets temporaires ; Systèmes de planification et de


contrôle privilégiant l’efficacité
Décentralisation de la coordination plutôt que l’efficience : objectifs
au niveau des projets ; d’efficacité, prévisions
(nombreux scénarios assez peu
Organisation orientée produits. structurés) et forte utilisation de
données prévisionnelles,
reporting fréquents ;

Auto-évaluation à tous les


niveaux ;

Importants bonus basés sur les


résultats.

Analyzers Organisation duale : Système de contrôle dual


− Mécaniste pour les
domaines stables ;
− Organique pour les
nouveaux domaines
Reactors Incohérences entre stratégie et Le système de contrôle est en fait
technologie. un simple système
d’enregistrement comptable.

3.2.1.3. Cycle de vie du produit, stratégie et contrôle


L’analyse traditionnelle en phases du cycle de vie d’un produit, utilisée en
marketing et en stratégie, s’appuie sur une courbe représentant l’évolution
prévisionnelle des ventes d’un produit par rapport au temps, qui est défini sur
une période allant de l’introduction du produit à son retrait du marché. Cette
courbe est généralement découpée en phases : lancement, croissance, maturité et
déclin. Les deux premières phases sont déterminées par la loi d’adoption et de

22
Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

diffusion du produit nouveau, la maturité correspond à une phase de répétition


des achats et le déclin est provoqué par l’introduction sur le marché d’un produit
de substitution. L’établissement d’une telle courbe repose sur un certain nombre
d’hypothèses implicites :
− Le cycle de vie est défini pour un couple produit-marché donné ;
− Il ne s’applique qu’à une zone géographique donnée ;
− Il ne vaut que pour l’offre globale d’une branche et non pour l’offre d’une
firme particulière.

La stratégie pour un produit donné évolue au fur et à mesure du cycle de vie du


produit. En conséquence, les caractéristiques clés des systèmes de comptabilité
et de contrôle de gestion devraient être différents à chaque phase du cycle.

PHASES DU CYCLE DE CARACTERISTIQUES CARACTERISTIQUES DES


VIE DU PRODUIT STRATEGIQUES SYSTEMES DE
CONTROLE

Introduction Stratégie centrée sur la R&D. Contrôle centré sur


l’identification des
opportunités : évaluation des
opportunités ;

Contrôle de la rentabilité
Stratégie d’investissement prévisionnelle des
investissements.

Croissance Stratégie de diffusion et de Contrôle de la part de marché


différenciation du produit et de la performance ;

Évaluation des retours sur


investissement au fur et à
mesure des besoins.

Maturité Stratégie de maintien et de Contrôle orienté vers la


génération de cash-flows, mesure de l’efficience et le
rationalisation des lignes de suivi des cash-flows ;
produits
Augmentation de l’intensité
du contrôle : standards et
analyses d’écarts ;

Calcul des rentabilités des


produits.

Déclin Gestion du désengagement Contrôle des cash-flows ;

Analyse de rentabilité des


23
Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

désengagements.

3.2.2 La technologie
La technologie utilisée par l’organisation est un facteur qui influence les
caractéristiques et l’utilisation des systèmes de contrôle à des niveaux plus bas
de l’organisation que la stratégie. La technologie (techniques et connaissances) a
des impacts sur les méthodes de travail et sur la nature des tâches, leurs
interdépendances, qui conditionnent la conception et l’utilisation des systèmes
de contrôle.
L’étude pionnière en matière de contingence technologique est celle de
Woodward (1967). Elle étudie l’organisation d’une centaine de firmes anglaises
dans l’industrie manufacturière en distinguant trois catégories de technologies :
− La production à l’unité ou par petites séries (fabrication d’équipements
lourds…) ;
− La production de masse ou de grande série (lignes de montage ou
d’assemblage…) ;
− La production en continu (produits chimiques…).
L’étude constate des différences importantes entre les trois catégories,
expliquées par la technologie employée qui reflète la complexité technique en
termes de contrôle sur la production et la prévisibilité des résultats.
Ces différences technologiques ont des conséquences importantes en matière de
comptabilité de gestion par exemple : spécialisation et individualisation des
ressources (job order costing ou process costing), détermination des charges
directes et indirectes, coûts joints et coûts communs…
Cependant, en matière de conception des systèmes de contrôle de gestion, deux
caractéristiques sont habituellement retenues pour caractériser la technologie
(Perrow, 1967 et Thompson, 1967) :
− La variété des tâches ou le nombre d’exceptions rencontrées lors du
processus de transformation des inputs en outputs. La variété est
importante lorsque les individus rencontrent beaucoup de situations
nouvelles avec des problèmes fréquents ;
− La compréhension du processus de transformation : lorsque le processus
de transformation est bien compris (ou analysable), des procédures
automatiques (programmées) permettent de résoudre les problèmes
rencontrés (manuels, instructions, programmes ou standards). Les
connaissances sur la tâche peuvent être stockées dans des programmes. La
compréhension fait référence à la possibilité de modéliser des relations de
causes à effets.
Lorsque le processus de transformation est mal compris, les relations de
cause à effets ne sont pas claires et donc, en cas de problème, il est
difficile de trouver la solution correcte. La solution suppose une recherche
24
Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

et s’appuie sur l’expérience accumulée, l’intuition et le jugement. Il n’y a


pas de connaissance de la solution a priori et donc pas de certitude que la
solution choisie soit la plus adaptée.
Ces deux critères vont permettre de qualifier quatre types de technologies :

Connaissance du processus de
transformation

Programmable, Non programmable,


analysable non analysable

Faible (peu Technologie Technologie


d’exceptions) routinière artisanale (ex : verre)

(ex : acieries)

Variété des tâches


Forte (beaucoup Technologie Technologie de
d’exceptions) professionnelle (ex : recherche
aérospatiale)
(recherche)

Il est possible de qualifier les principales caractéristiques des systèmes de


contrôle sur la base de cette typologie :
Technologie routinière Contrôle serré et précis

Tâches peu variées et procédures précises pour Rapports détaillés (budgets, coûts, écarts…) ;
résoudre les problèmes ;
Objectifs fixés par la direction plutôt que par les
Tâches de routine : assemblage sur une ligne, audit ; employés (niveau de performance spécifié a priori par
la direction);
Tâches planifiées et efficientes, niveau de risque faible.
Rapports plus importants pour le suivi des
performances et leur mesure, que pour la coordination
et la planification ; comme le travail est programmé, les
aspects planification et coordination du contrôle sont
peu importants.

Couplage performances et rémunération

Procédures opérationnelles standards développées et


documentées ;

Savoir incorporé dans les procédures.

Mesure et suivi des performances important pour


assurer le rendement maximum du travail de routine.

Technologie artisanale Contrôle centré sur les résultats

Les événements inattendus sont rares (activités plutôt Difficulté d’utiliser des standards puisque le processus

25
Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

prévisibles), mais le processus de transformation n’est de conception n’est pas connu (la relation optimale
pas complètement analysé ; entre inputs et outputs n’est pas connue) ;

Pas de procédures et techniques à appliquer lorsque des Le contrôle des coûts est peu utile puisqu’on ne connaît
problèmes surviennent ; pas le schéma de travail ;

Les tâches supposent donc un apprentissage et une Contrôle d’efficacité sur les résultats : contrôle plutôt
expérience importante pour résoudre les problèmes ; utilisé pour mesurer les performances que pour
planifier et coordonner ;
Ex : gestion collective d’actions, gestion d’une
boutique, publicité… Les managers participent à la fixation de leurs objectifs
puisqu’ils jouent un rôle important.

Technologie professionnelle Contrôle détaillé et étendu (compréhensif)

Grande variété de tâches complexes : contrôle détaillé


et étendu ;
Nombre important de problèmes au cours du
déroulement du travail mais qui restent analysables ; Rapports de gestion plutôt fréquents en raison du
nombre d’exceptions ;
Ex : ingénieurs, comptables, mise en place d’un
système de contrôle de gestion, médecine… Les employés ont beaucoup d’influence lors de la
fixation de leurs objectifs en raison de leur
connaissance, même si le rôle de la DG reste
important ;

Les aspects de planification et de coordination sont très


importants en permettant de gérer la complexité
(l’information contenue dans les rapports est utile pour
gérer la complexité).

Technologie de type recherche Contrôle prospectif

Les tâches connaissent beaucoup d’exceptions, les Cibles de performances peu importantes, contrôles et
solutions ne sont pas identifiables par des procédures reporting peu fréquents ;
ou la connaissance ;
Les ressources et efforts sont difficilement reliables
Forte incertitude en raison des problèmes rencontrés et aux outputs ;
de l’impossibilité de prédire la meilleure façon
d’obtenir un résultat ; Les employés jouent un rôle fondamental pour
déterminer leur budget ;
La durée pour réaliser le travail peut difficilement être
prévue ; Les contrôles permettent surtout de souligner les
erreurs d’estimation. Les contrôles sont surtout utiles
L’expérimentation et le caractère discrétionnaire des pour planifier et coordonner, moins pour mesurer les
décisions prévalent. performances.

3.2.3 Rationalité technique, interdépendances et contrôle


La conception et l’orientation des systèmes de contrôle de gestion sont liées
également au schéma global des flux de travail dans l’organisation. En effet, le
schéma des flux de travail dans l’organisation va déterminer le type
d’interdépendances entre départements. Les interdépendances se mesurent par le
degré dans lequel les services dépendent les uns des autres en matière de
ressources et d’informations pour accomplir leurs tâches.

26
Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

Le type d’interdépendances a un impact sur la conception du système de


contrôle de gestion. Thompson distingue trois types d’interdépendances :
− Interdépendances en série (séquentielles)
Inputs

Outputs

Le système repose sur une forte dose de coordination et de contrôle : le travail


de chacun dépend de ce que les précédents ont fait. Il faut minimiser les arrêts
dans les flux de travail.
Le contrôle va se faire au travers de la standardisation (des procédures et des
performances), par planification et mesure des performances. Les budgets et les
rapports statistiques sont utiles pour coordonner et pour surveiller les
performances : planification précise et détaillée, standards fixés par la direction,
étude précise des écarts pour mesurer la performance.
− Interdépendances de pool
Les départements sont autonomes en matière de travail. Leur seule relation
repose sur le partage d’un pool de ressources.

Inputs

Outputs
Il s’agit de la situation classique des activités de médiation : banques,
assurances, postes, compagnies de téléphone. Il y a peu de liaisons entre les
différentes unités, sauf le partage de ressources.
Le contrôle passe par la standardisation : les unités sont distribuées dans
l’espace, mais chacune doit opérer de manière standardisée. Le problème
critique du contrôle est de rendre effective la standardisation (pour obtenir les
économies d’échelle correspondantes) qui n’est jamais parfaite par des règles
bureaucratiques, des procédures standards, des routines et de limiter les besoins
de coordination entre unités.
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Contrôle de Gestion et mise en œuvre de la stratégie

Le rôle du contrôle de gestion est limité. En effet, l’efficience est beaucoup plus
importante au niveau de l’organisation dans son ensemble qu’au niveau de
chaque unité.
− Interdépendances réciproques
Chaque département doit travailler avec les autres pour réaliser un projet
d’ensemble de l’organisation (ex : concourance sur un projet de conception et
développement d’un produit nouveau). La réussite de ce type d’activité suppose
un flux d’information approprié pour la coordination.
La coordination et le contrôle sont assurés par les interactions personnelles, les
communications fréquentes et l’ajustement mutuel. Les fonctions de mesure et
contrôle sont peu utiles sauf pour planifier, rapporter aux supérieurs et informer
des personnes à l’extérieur du projet. Les systèmes de contrôle de gestion sont
utiles pour planifier à long terme, moins utiles pour la coordination et la mesure
d’efficacité.

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