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Le cérémonial de la communion eucharistique dans les rites orientaux Commencons cette étude par quelques observations 4 |’effet de nous entendre avec d’éventuels lecteurs concernant l’objet que nos considérations se proposent. Un simple titre ne peut pas tout dire. T. LE CEREMONIAL LITURGIQUE DE LA COMMUNION AU COURS DE LA MESSE: SON CARACTERE COLLECTIF. Rappelons donc que la communion cucharistique constitue ce que les théologiens appellent la «collation > d’un sacrement, Or, le sacrement de Veucharistie a cela de particulier que sa « confec- tion » — pour employer un autre terme théologique, — laquelle s‘opére dans la consécration, et sa collation sont deux actes non seulement séparables, mais toujours séparés. Dans les six autres sacrements, au contraire, confection et collation se confondent en un acte unique: le sacrement s’effectue dans sa collation et seule- ment en elle. Le sacrement de leucharistie, par contre, peut et doit exister avant d’étre conféré; c'est un sacrement essentielle- ment permanent. Il s'ensuit que la collation du sacrement de l’eucharistie doit avoir et ne peut avoir comme ministre ordinaire, au sens cano- nique, que le ministre de sa confection: le prétre, évéque ou pres- bytre. Le diacre, si, pour des raisons graves et avec les permis- sions voulues, il est admis 4 conférer la communion, n’en est que le ministre extraordinaire ou délégué. Dans la célébration de la messe, le célébrant se confére 4 lui-méme le sacrement; il en est A la fois le ministre et le «sujet». Ainsi conféré par son mi- nistre, il est évident que le sacrement procure au communiant la grdce sacramentelle « ex opere operato >». Autant en faut-il dire de la communion qu'en dehors de la messe, un prétre, ou méme un diacre, se donnent a eux-mémes, LA COMMUNION EUCHARISTIQUE 31 ce que dans certains cas ils peuvent faire licitement, Mais en serait-il encore ainsi, si, méme licitement, toute autre personne, clerc ou laic, se donnait 4 elle-méme la communion ou la donnait & autrui? Ou, hypothése en soi absurde, si la communion était de méme distribuée automatiquement, par quelque moyen mécanique? Il faut, semble-t-il, répondre que oui, méme pour ce qui con- cerne cette dernigre hypothése : le sacrement serait validement con- férée et la grace sacramentelle donnée «ex opere operato». Au reste, 'action de qui donne la communion sans en étre le minis- tre ou le fonctionnement de la machine peuvent ére considérés comme une sorte de prolongement, plus ou moins matériel, de Vaction sacramentelle d’un prétre. En effet, en dehors du ministre ordinaire ou extraordinaire du sacrement, personne ne peut pro- prement parler donner & soi ou autrui la communion. Qui n’étant pas ministre «donne » d’une de ces fagons la communion, ne fait en cela que continuer, prolonger Yacte du ministre; qui la recoit de ses propres mains, ou de celles de qui n'est pas mi- nistre, ou par le moyen d’un mécanisme, la regoit en principe du ministre avec qui, ce faisant, il concélébre *, + Dans un article publié dans le Gregorianum, t. 27 (1946), p, 417-443, La concéiébration du catéchuméne dans Pacte de son baptéme, nous avons taché de déterminer de quelle maniére et dans quelle mesure le < sujet > pouvait et devait, comme tel, concélébrer dans I'administration de certains sacrements avec leur ministre, La communion eucharistique est un de ces sacrements. La nécessité du double acte du donner et du recevoir 3 manger et & boire, et son indissoluble connexion, en quoi consiste la concélébration du ministre et du de la communion, est nettement affirmée, pour ce qui concerne la communion au pain, par S. Baste ve Césarée (0. 379), dans sa lettre A la patrice Césaire, Ep. 93, PG 32, p. 485 AB, oft il explique 3 sa correspondante comment la ‘communion «domestique > quotidiennement répétée et Ia communion unique faite au cours de la messe ont exactement la méme valeur en tant qu'elles ont toutes deux pour principe le don fait par le célébrant soit d'une seule parcelle du pain sacré, soit de plusieurs en une fois, C'est que personne ne prend la communion; elle ne peut étre que regue, et doit donc toujours étre donnée. D'autre part, elle ne saurait étre donnée sans que quelqu'un Ia recoive. S. Basile écrit: «Dans Alexandrie et dans toute Egypte, chacun, méme parmi les laiques qui le désirent, a, ordinaire, la communion (koinénian) dans sa propre maison, et lorsqu'il le veut, il y participe (metalambanei) par lui-méme. Car, une fois que le prétre a consacré 'hostie (tén thysian) et I'a donnée, celui qui 'a regue comme un tout en ne fois (cest-a-dire: a recu en une fois la quantité de parcelles nécessaire pour faire quotidiennement la communion & la maison), chaque fois quill y participe (metalambanei) au cours de fa semaine, doit justement se persuader qu'il participe et accueille de Ia main de celui qui a donné. Et en effet, dans lassemblée, le prétre donne la parcelle, et celui qui la recoit, la retient de plein droit ef, par conséquent, la porte asa bouche de sa propre main. C’est donc une et méme chose de par sa valeur, que quelqu'un regoi du prétre une parcelle unique, ou quil recoive plusieurs parcelles en méme temps >. 32 JEAN M, HANSSENS, 8. 1 Faut-il méme aller plus loin et estimer que pour autant qu’en- tre en question la parfaite intégrité du rite, au principe de toute collation sacramentelle de la communion, se trouve le pouvoir et le droit que posséde celui qui fut le ministre de la confection du sacrement, le célébrant de la messe? N’est-ce pas un des éléments qui font que la célébration idéale de la communion est celle qui unit étroitement la communion des ministres et des assistants 4 celle du célébrant par la participation 4 un méme pain et & un méme vin, consacrés par lui dans la messe durant laquelle cette communion collective se célébre? N’est-ce pas au seul célébrant quil appartient d’enlever de lautel le pain et le vin consacrés par lui et de poser ainsi V’acte initial de leur distribution? Le pain consacré et mis dans le tabernacle n’est plus formellement sur Pautel; il en a été enlevé par le célébrant et mis par lui a la dis- position de qui a le pouvoir de le dispenser en temps opportun. Le pain et le vin eucharistiques, une fois absorbés par le communiant, continuent-ils A agir sacramentellement en lui grace & la présence réelle du Christ contenu sous leurs espéces? Nous croirions que non, bien qu’il soit possible au communiant de faire ex opere operantis », par sa dévotion, que cette présence du Christ en lui devienne incomparablement plus profitable que sa présence dans le tabernacle, ou sur le tréne de I’exposition. Ces questions nous sont suggérées par certaines particularités obser- yées par les Eglises orientales dans la célébration de la commu- nion, et il nous plaisait de prévoir V'interprétation qu'il convient de leur donner, Si personnels que soient pour le communiant la conscience qu’il lui convient de garder de la présence en lui du Christ, le recueillement et la gratitude qu'elle doit faire naitre en lui, il n’est que juste, surtout aprés une communion collective, que ces senti- ments s’expriment en union avec les autres communiants en un cérémonial collectif de gestes, de priéres et de chants. De cette fagon, la communion pourra étre rituelle et collective dans ses deux moments. C’est ainsi qu’elle se présente, plus encore que dans le rite romain, dans tous les rites orientaux. Ajoutons que beaucoup plus que la présence du Christ dans le communiant, conséquente a la communion, c'est I'acte méme de la réception de son corps et de son sang, advenue dans cette communion, qui est Vobjet de V'action de graces liturgique. Aussi s'adresse-t-elle normalement 4 Dieu le Pére, dont toute communion est I’insigne bienfait. C’est un aspect de I’intime relation qui unit entre eux Jes deux moments de celle-< LA COMMUNION EUCHARISTIQUE 33 Le caractére de sacrement permanent propre 4 l’eucharistie nous améne, toujours en relation avec nos liturgies orientales, & une autre distinction encore. Si 4 la confection du sacrement suf- fit la seule action du ministre, il n’en va pas de méme de sa col- lation. Celle-ci est essentiellement une concélébration sacramen- telle, puisqu’elle comprend T’action du ministre qui au communiant donne & manger le corps du Seigneur, et & boire, son sang, et Paction du communiant qui regoit en nourriture ce corps et en breuvage, ce sang. Sans la coopération du communiant, il est im- possible au ministre de lui conférer le sacrement, Aussi dans Vinstitution méme et premiére célébration de Veucharistie, avant de prononcer les paroles consécratoires, le Seigneur a-t-il dit aux communiants, ses apétres: « Prenez et mangez, Prenez et buvez », et pour mieux marquer encore la connexion entre les deux actions sacramentelles, le canon romain a uni ces derniéres paroles et les paroles consécratoires par un « enim» répété: « Hoc est enim», « Hic est enim ». Il est certain, cette fois encore, que le cérémo- nial de la communion dans les rites orientaux a donné en général un relief particulier & l’action rituelle du communiant, Conformément a la doctrine de s, Thomas?, tout sacrement revét un double aspect, ou pour dire mieux, présente un double caractére. Il écrit: «Dans l’usage des sacrements, deux choses sont & considérer: le culte divin, et la sanctification de l'homme. La premiére appartient a I’homme par rapport & Dieu; la seconde, inversement, appartient 4 Dieu par rapport 4 l'homme». Aussi, conclut-il, !Eglise peut-elle plus librement fagonner A son gré les rites sacramentels en tant qu’ils sont actes du culte, parce que siens sous cet aspect, qu’elle ne peut le faire pour ces mémes rites en tant qu’ils appartiennent au sacrement source de sancti- fication, parce que appartenant comme tels 4 Dieu. Cette distinc- tion s’applique 4 Teucharistie comme a tout autre sacrement: comme elle est sacrement source de sanctification, elle est aussi, elle est en premier lieu, acte de culte, acte du culte liturgique. Aussi l'Eglise entiére, mais surtout les Eglises orientales ont-elles eu soin d’en amplifier, ordonner, régler le rite, pour en faire une des cérémonies les plus augustes de leurs liturgies. Crest cette cérémonie liturgique telle quelle se célébre dans les rites orientaux au cours de la messe, que nous considérerons dans le présent article, pour mettre particuligrement en lumiére 2 Summa theologice, II, q. 60, a. 5, ¢.; ad 3, $8 — €Gregorianwm > XLI (1960) - vol. XLI. 34 JEAN M, HANSSENS, S. 1 le caractére emphatiquement synaxal ou collectif qu’elle y revét. Nous nous tiendrons ainsi sur le terrain qui seul est le notre: celui de la liturgie. Toutefois, mettre en lumiére le caractére synaxal ou collectif de la communion n’est pas, bien entendu, en nier le caractére per- sonnel et individuel pas plus que reconnaitre 4 un banquet son caractére convivial, n’interdit de reconnaitre qu’ la base de cet acte convivial se trouvent les actions, individuelles, s'il en est, des convives, mangeant et buvant chacun A sa guise, avec la tache non moins personnelle de digérer mets et boissons. Nous n’en- tendons point abonder dans le sens de certain communitarisme aujourd’hui en vogue, et dont le seul nom nous horripile *. Comme dans la constitution de toute I’Eglise, ainsi dans toute action litur- gique, si l'individuel est subordonné au collectif comme un moyen 4 sa fin, inversément, le collectif lest 4 l'individuel. Voire, des deux relations, celle-ci pourrait bien étre la principale. Une derniére remarque concernant notre terminologie. Pour nous, conformément 4 l’usage des anciens, sanctionnée par I'en- cyclique Mediator Dei, les célébrants d’une messe, méme lue, sont tous ceux qui a un titre quelconque prennent part a sa célébration, y compris les simples fidéles ‘. Néanmoins, dans cet article, nous réserverons le nom de célébrant au prétre consécrateur; les assis- tants seront les célébrants ou concélébrants, distincts 4 la fois du célébrant principal et des concélébrants ministres. Enfin le nom de prétre est commun A l’évéque et au presbytre, la langue francaise ne possédant, malheureusement, aucun terme qui corresponde au «sacerdos » du latin, ou au «hiereus » du grec. II. PREMIER INDICE DU CARACTERE COLLECTIF DU CEREMONIAL DE LA COMMUNION: LA DUPLICITE DES ESPECES EUCHARIS- TIQUES. Le_caractére collectif du cérémonial liturgique de la commu- nion doit lui venir, tout d’abord ct fondamentalement, de son ca- ractére convivial. Ce cérémonial est celui-d’un « sacrum convi- % Le lecteur pourra constater que toutes les formules eucologiques de préparation & la communion et d'action de graces destinges A Tusage des communiants de tout rang, et que nous reproduisons dans la troisiime partie de notre article, sont rédigées & la premidre personne du singulier, 4 AAS, t. 39, p. 530; 593. LA COMMUNION EUCHARISTIQUE 35 vium ». Mais comment I’acte de manger une minuscule bouchée de pain et de boire une toute petite gorgée de vin tempérée d'eau, méme si la chose se fait en commun, peut-elle présenter I’aspect d'un banquet? Qu’on ne dise pas que l’infinie opulence de Valiment et du breuvage servis dans la communion suffit surabondamment & lui conférer le caractére d'un banquet. Ce n'est pas des réalités mystiques cachées sous le rite et le cérémonial de la communion quill est question, mais de ce cérémonial lui-méme et du rite qu'il enveloppe. Pour nous donc, le cérémonial de la communion est un banquet parce que le rite qui lui sert de fondement est un rite essentiellement convivial de par ses origines, et le symbole d'un banquet, qu’il représente et dont il tient lieu. Comme le filet d’eau versé sur le front du baptisand symbolise, représente et remplace son « baptéme », c’est-a-dire l’immersion de toute sa personne. En effet, le double rite de la communion sous les deux espé- ces doit avoir son origine dans le double rite qui dans lusage juif donnait certains repas leur caractére rituel et religieux: la manducation, au principe du repas, d’un fragment du pain rompu et distribué par le pére de famille, président de la table, et, en conclusion, le boire d'une gorgée du vin coupé d’eau sur lequel le méme pére de famille avait prononcé les formules de I’action de graces, le partageant ensuite avec ses commensaux. Ce sont ces deux rites que le Christ a observés et retenus, en leur maintenant leur signification originelle, mais en les élevant en outre & 1a di- gnité et a efficacité propres du plus sublime de ses sacrements, par les paroles qu’il y adjoignait: « Ceci est mon corps, Ceci est mon sang», prononcées dans I’acte méme de la distribution du pain et du vin. La duplicité des espéces et celle des actions ri- tuelles qui y correspondent, sont donc essentielles au rite de la communion eucharistique, et cette duplicité est celle d’une action non moins essentiellement conviviale. Au surplus, les théories mo- dernes concernant I'essence du sacrifice de la messe ont mis en pleine lumiére Vimportance, d’un autre point de vue, de la présence sur Pautel du corps et du sang du Christ, simultanément présents sous les espéces et du pain et du vin. Comment les Eglises orientales se sont-elles ingéniées & ré- soudre dans l’administration de la communion le grave probléme, théorique et pratique, que suscite l'institution divine du double rite de Yeucharistie, & Veffet de maintenir cette institution le plus in- tégralement possible? 36 JEAN M, HANSSENS, S. 1 On sait combien radicalement I'Eglise romaine est arrivée en un temps relativement court A résoudre le probléme susdit. Dans sa liturgie, la communion sous les deux espéces est aujourd’hui le privilége du célébrant, avec une seule exception en faveur du nouvel évéque, dans la messe qu’il concélébre sacramentellement avec son consécrateur. Ni les néo-presbytres concélébrants, ni les ministres sacrés, ni les assistants, 4 quelque rang qu’ils appartien- nent, ne sont admis 4 la communion sous les deux espéces. Le pape lui-méme, s'il assiste & la messe et y désire communier, le fait sous la seule espéce du pain. Dans Vétrange communion géné- rale qui clét aujourd’hui la cérémonie du vendredi saint, le célé- brant ne communie pas autrement que les simples fidéles, sans méme plus lapparence d’une communion sous les deux espéces. Notons enfin que dans la célébration romaine la communion du célébrant ne se fait pas aux deux espéces parfaitement séparées, puisque dans la communion au calice il prend en méme temps que le vin la particule qu'il y a immergée dans la consignation du calice. Nous retrouverons un rite semblable, au moins en ap- parence, dans le rite syrien. Pour comprendre plus aisément quelle est, en la présente ma- tigre, la pratique des Eglises orientales, catholiques ou dissiden- tes, il convient de distinguer quatre maniéres dont la communion peut se faire, Ou sous les deux espéces séparément, d’abord sous celle du pain rompu et disposé sur la paténe, ensuite sous celle du vin, bu A méme le calice; ou sous les deux espéces conjointe- ment, au pain rompu et trempé dans le vin; ou sous la seule espéce du pain; ou sous la seule espéce du vin. La communion sous la seule espace du vin, réelle ou plus ou moins simulée, n’est d’usage, dans certains rites, que pour la com- munion donnée aux nourrissons aprés leur baptéme et leur con- firmation, comme troisiéme et dernier acte de leur initiation. Bien quelle ait généralement lieu au cours de la messe, nous pouvons -la laisser en dehors de nos considérations, sa raison d’étre étant étrangére aux exigences d’un acte collectif. Quant & la conjonction des deux espéces, elle peut se faire de cinq maniéres. 1. La premiére est commune a tous les rites, y compris le rite romain. Elle consiste 4 détacher du pain consacré une parcelle, et & Vimmerger dans le vin totalement et en per- manence. C’est le rite de la commixtion. Il n’appartient qu’indi- rectement & la communion, et doit pourtant étre mentionné ici, LA COMMUNION FUCHARISTIQUE at Ppuisque dans certains rites cette particule est donnée en com- munion. — 2. De Ja deuxiéme maniére, le pain est immergé to- talement dans le vin immédiatement avant la communion, pour en tre retiré au moment de celle-ci avec un peu de vin, le plus souvent au moyen d'une petite cuillére. — 3. La troisieme pra- tique est un correctif de la précédente: pour éviter l'emploi de la cuillére, le prétre immerge de ses doigts les particules du pain une @ une, au fur et 4 mesure de leur distribution. — 4. Plus singuliére une quatriéme fagon de conjonction des espéces par im- mersion, et dont la possibilité pratique nous reste une énigme: le pain est trempé tout entier dans le vin, pour en étre retiré tout aussitét et replacé tel quel sur la paténe, On se figure en quel état. — 5. Un dernier procédé, commun & tous les rites orientaux, hormis le byz. et l'arm., se réduit 4 immersion partielle d’an morceau, plus ou moins grand, du pain, et a Phumectation ou imprégnation, au moyen du morceau ainsi trempé, des autres parties, sous forme de consignation ou d’onction. Ce procédé est généralement appelé consignation du nom de cette maniére de l'em- ployer. Il est fort douteux, en effet, qu’il soit réellement ordonné 4 la communion; pas plus que les rites byz. et arm., le rite romain ne le connait. Néanmoins, les Orientaux s'en prévalent parfois pour affirmer que, méme sans autre conjonction du pain et du vin, ils pratiquent la communion sous les deux espaces. Il va de soi que les procédés énumérés ne sont pas tous ex- clusifs Pun de Vautre; que plusieurs d’entre eux peuvent done se trouver en usage dans un méme rite a Veffet de différencier le cérémonial de la communion en relation avec les différents degrés ecclésiastiques des communiants; voire, que deux de ces procédés peuvent fort bien se combiner dans un méme cérémonial ainsi déterminé. A la lumiére de ces distinctions, décrivons en quelques traits quel est pour chaque rite oriental 'usage aujourd’hui en vigueur §. Le rite byz. a conservé la communion sous les deux espéces 5 Nos descriptions reposent fondamentalement sur les livres liturgiques des Eglises orientales catholiques ou dissidentes et sur les décrets de carac- tére liturgique de leurs synodes et conciles. Nous avons trouvé en outre abondance de renseignements architecturaux et liturgiques, dans 'ouvrage mo- numental de Ancupate A. Kino, The Rites of Eastern Christendom, 2 vol., 1947-1948. Nous ont éé également utiles A. Rars, Introductio in Liturgiam orientolem, 1947, c. III, pars sexta, p. 103-112 et faut-il 'avouer? nos vieilles Institutiones liturgicae’ de ritibus ‘orientalibus, t. I et TIT, 1930-1932, bien que les rites de la communion elle-méme n'y soient pas décrits, 38 JEAN M, HANSSENS, 8. 1 parfaitement séparées, comme elles le furent dans la céne der- niére, mais seulement, il est vrai, pour la communion des prétres et des diacres, Des quatre parts en lesquelles est divisée la partie centrale du pain, appelée « agneau », et qui sont marquées respec- tivement des lettres grecques IC, XC, NI, KAi, seule la seconde n'est pas immergée et c'est aussi la seule A laquelle prétres et diacres communient. D’autre part, leur communion au vin se fait en buvant 4 méme le calice. Dans le rite arm., le célébrant com- munie de méme au vin, mais chez les dissidents le pain de sa communion est un morceau de celui qui a été trempé entiérement dans le vin avant son élévation. Ce morceau devant étre copieu- sement imbibé de vin, la communion qui y est faite est, du moins matériellement, une communion sous les deux espéces. Le rite ca- tholique, trés sagement, omet cette immersion et, par conséquent, la communion du célébrant s’y fait comme dans le rite byz., au pain pur de toute immixtion du vin. Plutét singuliére est la maniére dont communie le célébrant dans le rite syr. Pour sa communion au pain, il extrait au moyen dune cuillére celui des deux fragments, ou « charbons », qu'il a immergés dans le vin & la fin de la cérémonie des consignations, et dit: « Le charbon propitiatoire du corps et du sang du Christ notre Dieu m’est donné en partage, 4 moi humble serviteur », etc. Ce qui ferait penser que de cette fagon le célébrant entend com- munier & la fois au pain et au vin, Et pourtant il boira encore au calice et, ce qui plus est, avant de le faire, il y plonge pareille- ment le fragment restant, soit pour le prendre aussitét avec le vin, soit pour le laisser dans le calice jusqu’au moment des ablu- tions. En buvant au calice, il dit: « Par ton sang vivant et vivi- fiant, qui fut répandu sur la croix, me soient remis mes det- tes », etc. Il semble donc bien que le célébrant syrien communie deux fois au vin, la premiére de ses communions étant une com- munion sous les deux espéces; voire, il se pourrait méme qu’il communiat, au moins matériellement, deux fois sous les deux espéces. Commun aux trois rites syriens (syr., mar., chald.) et aux deux rites égyptiens (cop., éth.), est le cérémonial dans lequel la communion au vin se fait normalement en buvant 4 méme le calice, mais la communion au pain a pour matiére les morceaux trempés partiellement dans le vin ou imprégnés de celui-ci dans le rite des consignations. Ainsi font la communion, dans le rite syr., le pa- triarche ou Pévéque assistant a la messe, qu'elle soit célébrée par LA COMMUNION EUCHARISTIQUE 39 un évéque ou par un presbytre; dans le rite mar., le célébrant, le patriarche assistant de méme a la messe, l’évéque assistant 4 une messe célébrée par un presbytre; dans le rite chald., tous les communiants, excepté, chez les catholiques, les simples fidéles ; dans le rite cop., tous les communiants, & part les femmes, chez les dissidents, et chez les catholiques, les sous-diacres, les lecteurs et les simples fidéles, y compris les hommes; dans le rite éth., tous les communiants, hormis, chez les catholiques, les simples fidéles au cours de la messe lue. Telles sont les seules catégories de communiants admis 4 la communion faite 4 méme le calice. Celles qu’il nous reste 4 con- sidérer sont celles des communiants qui font la communion au seul pain, mais, & une exception prés, A un pain plus ou moins imbibé de vin. Dans le rite byz., les communiants autres que les prétres et les diacres, regoivent en communion les fragments de la partie de Ye agneau > marquée des lettres IC et immergée 4 demeure dans Je vin au moment de la consignation; ou les fragments des parties du méme « agneau » ornées des lettres NI et KAi, et immergés dans le calice immédiatement avant la communion; ou encore, chez les catholiques, autres fragments ou particules adjointes & celles des parties NI et KAi de I’« agneau ». Cette communion est nor- malement donnée au moyen d’une petite cuillére, ce qui permet de donner en plus du pain imbibé quelques gouttes de vin liquide. Chez les catholiques de rite gréco-byz. et, semble-t-il, dans quelques autres rites encore, existe également I'usage de donner la com- munion de la maniére que nous avons définie plus haut comme un correctif de la communion donnée au moyen de la cuillére; la quantité de vin qu’y recoit le communiant est forcément moin- dre que dans celle-ci. Dans le rite arm. des dissidents, hormis le célébrant, tous les participants & la messe communient au méme pain, lequel aprés avoir &é trempé entigrement dans le vin, puis, pour ce qu’il en reste aprés la communion du célébrant, avoir éé réduit en frag- ments et immergé dans le vin, en est, dans la communion, extrait fragment par fragment au moyen d’une cuillére. Ce pain a ainsi subi une double et abondante imprégnation de vin, et, étant donné A la cuillére, il est accompagné ou peut [’étre de quelques gouttes de vin encore liquide. Les catholiques observent un rituel iden- tique, si ce n'est qu’ils ne pratiquent pas la premigre immersion du pain, celle qui précéde Télévation et semble n’avoir aucun rap- 40 JEAN M, HANSSENS, 8. 1. port direct avec la communion. De plus, chez eux, comme nous le dirons, le pain donné aux simples fidéles ne subit aucune des deux immersions, Bien qu’a un degré moindre, cest aussi une double impré- gnation que subit le pain donné en communion 4 certaines caté- gories de communiants dans les rites syr. et mar. Déja imbibé de vin dans la consignation, il est en outre immergé dans le calice au moment de la communion, pour en étre extrait au moyen d’une cuillére ou, chez les Syriens dissidents, des doigts mémes du célé brant. Tel est le cérémonial que le rite syr. pratique dans la com- munion de tous les membres de la communauté, tant chez les ca- tholiques que chez les dissidents, exception faite des communautés catholiques de la Syrie et du Liban, dans lesquelles le pain donné aux lecteurs, aux chantres (clercs), et aux simples fidéles (hormis les moines), n’est pas immergé dans le calice au moment de la communion, mais simplement humecté dans le rite de la consigna- tion. La conjonction des deux espéces y est donc réduite au mi- nimum, Le rite mar, ne concéde la communion au pain totalement immergé et donné au moyen d’une cuillére qu’aux diacres en fonc- tion. En dehors d’eux et des dignitaires ayant droit 4 la com- munion du calice, tous les autres communiants communient au pain simplement consigné et légérement humecté. Tel est égale- ment le mode de communion accordé aux simples fidéles chez les catholiques du rite chald.; aux sous-diacres, lecteurs et simples fidéles chez les catholiques du rite cop.; aux simples fidéles chez les catholiques du rite éth. dans la messe lue. Toutefois, il semble que dans les communautés coptes catholiques de la Haute-Egypte, méme aux simples fidéles, la communion est, au moyen de la cuil- Rere, donnée sous les espéces du pain immergé dans le vin, Dans le rite arm., enfin, tous les fidéles communient au pain non immergé dans le calice au moment de la communion. Chez les dissidents, néanmoins, ce pain a été totalement immergé dans le vin avant son élévation. Comme nous l’avons déja fait obser- ver, le rite arm. catholique est ainsi le seul rite oriental dans lequel aux fidéles est donnée la communion comme dans le rite romain, sous l’espéce du pain toute seule. Quelle que soit lefficacité de certains de ces procédés pour la réalisation de la communion sous les deux espéces, il est cer- tain que les rites orientaux ont, dans leur ensemble, tenté d’as- surer celle-ci dans la mesure qui leur était possible et d’assurer, LA COMMUNION EUCHARISTIQUE a par le fait méme, le caractére convivial et collectif du cérémonial de la communion, én continuité avec le rituel de communion célé- brée par le Seigneur et ses apétres. Beaucoup plus sceptique nous laisse la prétention d’effectuer la communion sous les deux espéces dans chacune des messes des présanctifiés par la seule intinction des pains opérée dans la der- nigre des messes intégrales précédentes. A notre avis, un vin entiérement desséché n’est plus du vin et ne saurait dés lors cons- tituer Pespéce sacramentelle du liquide qu’est le sang. De tous les rites de communion décrits ci-dessus, le plus an- cien est évidemment celui qui sépare nettement les deux commu- nions du pain et du vin. C’est lui que nous font connaitre les documents primitifs concernant I’eucharistie et, en tout premier lieu, sa description dans la I* aux Corinthiens et dans les évan- giles synoptiques. Les deux communions y apparaissent séparées matériellement une de autre par le repas qu’elles accompagnent, mais, par lui aussi, unies symboliquement entre elles en un rite a la fois double et unique. Belle entre toutes est l'image de V’antique rite de la communion que dépeint & ses néophytes S. Cyrille de Jérusalem (0.386) dans sa V* catéchése mystagogique: «Aprés cela, vous entendez le chantre vous inviter, en une mélodie divine, 4 la communion des saints mystéres, et disant: Goitez et voyez que bon est le Sei- gneur... T’avangant donc, non pas avec les poignets de tes mains tendus, ni avec tes doigts écartés, mais ayant fait de ta gauche un tréne pour ta droite, comme A celle qui va recevoir un roi, et ayant formé un creux de ta paume, recois le corps du Christ, en disant aussitét: Amen. Ayant donc en siireté sanctifié tes yeux au contact du saint corps, manges-en, veillant 4 ne rien laisser se perdre de ce méme corps ... Ensuite, aprés avoir communié au corps du Christ, approche-toi aussi du calice de son sang, sans tendre les mains, mais en tinclinant, et en disant par maniére d’adoration et de ré- vérence: Amen, sanctifie-toi en goiitant aussi au sang du Christ. Et tandis que la mouillure en est encore sur tes lévres, en la tou- chant de tes mains, sanctifie tes yeux et ton front et tes autres sens. Puis, aprés avoir attendu le moment de la priére, rends gri- ces & Dieu, qui t’a jugé digne de si grands mystéres » *. Pendant combien de temps le rite de la communion sous les deux espéces totalement séparées se maintin-il? Il est impossible * Catéchése mystagogique V, PG, 33, p. 11248-11258, 42 JEAN M, HANSSENS, S. 1 de résoudre parcille question en quelques mots. Dans le rite byz., nous Pavons vu, il s’est maintenu jusqu’aujourd’hui pour la commu- nion des prétres et des diacres; le rite arm. catholique I’a rétabli ou conservé pour la communion du seul célébrant. Il est sir que les restrictions trés inégales qu'il a subies dans les différents rites orientaux, ne se sont faites que graduellement et dans une grande indépendance des Eglises entre elles. Au reste, les documents sont trés généralement si réticents touchant le point précis qui nous intéresse, qu’ils nous en sont rendus totalement inutiles. Il est déja si difficile de savoir comment vont les choses aujourd’hui. Les restrictions plus radicales du rite primitif sont deux: cel- le qui réduit les deux communions & une communion unique faite au pain immergé dans le calice et extrait de celui-ci dans la com- munion méme; et celle qui réduit ces mémes communions 4 une seule communion faite au pain simplement trempé ou imbibé, sans relation immédiate avec la communion; voire demeuré pur de tou- te immixtion de vin. Cette deuxiéme restriction, qui est le propre surtout des Eglises catholiques, plus assujetties, grace 4 Dieu, aux nécessités pratiques, est sirement due A l'influence de l'Eglise ro- maine, & Pusage de la communion fréquente et, surtout, & celui de la communion faite également en dehors de la messe. A notre connaissance, le plus ancien document concernant la communion unique donnée au moyen de Ia cuillére est la récri- mination du cardinal Humbert de Silva Candida (ou Santa Rufina; 0. 1601) contre les calomnies des Grecs, dans laquelle i] leur en ob- jecte T'usage: «Deinde quod sanctum panem vitae aeternae in calicem intritum cum cochleari sumere consuestis, quid opponitis? Neque enim Dominus panem in calice vini intrivit et sic apostolis dedit, dicens ; Accipite et cum cochleari comedite : hoc est enim cor- pus meum. Sed sicut sancta Romana ecclesia usque nunc observat, panem integrum benedixit et fractum singulis particulatim distri- buit, dicens: Accipite et comedite: hoc est corpus meum. Quibus postquam cenatum est, calicem porrexit, dicens: Bibite ex eo om- nes...» Les chrétiens de I’Eglise de Jérusalem, au contraire, «... cochlear ... quo communicent, sicut in Ecclesia Graecorum, mi- nime habent, quia non ita commiscent ipsam sanctam communionem in calice, sed sola (panis) communione communicant populum » 7. 1 Adversus Graecorum calumnias, n. 32, PL, 143, p. 951B; n, 33, p- 951D-952C. LA COMMUNION FUCHARISTIQUE 43 Il est fort possible que les Grecs aient éé effectivement les premiers 4 pratiquer ce mode de communion pour les communiants d'un rang inférieur & celui du diaconat. C’est en tout cas exacte- ment celui que décrit Syméon de Thessalonique (0. 1429) dans son Dialogue contre les hérésies®. III. DeuxrimMe INDICE DU CARACTERE COLLECTIF DU CEREMO- NIAL DE LA COMMUNION: SON APPARTENANCE AU CEREMONIAL DE LA MESSE. 1, Le cérémonial de la communion dans la messe romaine et dans les messes orientales, Un autre indice du caractére collectif du cérémonial réglant la communion des participants 4 la célébration de la messe est Vétroite appartenance du cérémonial de cette communion a celui de la messe entiére, et par la place qu’il y occupe et par la forme sy- naxale qu’il revét par Iui-méme. Or, malgré le respect et 'admira- tion que mérite le rite romain, il faut bien reconnaitre que la place que tient dans son cérémonial de la messe la communion des minis- tres et des assistants, apparait précaire, on serait tenté de dire pres- que nulle, tandis que le cérémonial de cette communion se réduit a quelques rites, presque tous étrangers, de par leur origine, & l’or- dre de la messe. Aucune invitation 4 accéder & la communion adres- sée atx ministres ou aux assistants; aucune recommandation aux indignes de s’en abstenir; la communion de la communauté considé- rée comme tune pure éventualité. Si celle- réalisait, elle devrait, pour ainsi dire, interrompre le cours ordinaire de la messe en cou- pant en deux le geste du célébrant, qui, aprés avoir communié au calice, tend aussit6t celui-ci au ministre chargé d’y verser le vin de Yablution: « Sumit totum Sanguinem cum particula. Quo sumpto, si qui sunt communicandi, eos communicet, ante quam se purificet ». Aussi hormis I’antienne de la communion et I’action de graces de Ja postcommunion, le cérémonial de la communion collective est-il totalement absent de l’Ordinaire de la messe. Le Ritus ser- vandus in celebratione missae*, lui-méme, n’en donne qu’une des- cription sommaire, laquelle commence pareillement par un « Si qui * C, 9, PG, 155, p. 300C-301B, X, n. 6. “4 JEAN M, HANSSENS, 5. 1 sunt communicandi in Missa». La vraie place en est dans le Ri- tuel, ot il constitue le cérémonial de la communion faite en dehors de la messe, et c'est stirement au Rituel qu’il doit étre éventuelle- ment emprunté pour étre utilisé au cours de celle-ci. Voire, origi- nairement cet emprunt n’était prévu que pour un usage limité & la messe lue, comme le démontre clairement Ordo missae de Jean Burckard (0. 1506), édité pour la seconde fois en 1502: « Et si qui sunt communicandi, eos communicat ... servato ordine de tempore et modo communicandi populum in presbiterali dato». Le missel lui-méme ne contenait donc aucun rituel pour la communion des ministres et des assistants, en dehors de I’antienne et de la postcom- munion, dont la signification collective devait étre fort oubliée. Tout autrement en est-il dans les rites orientaux de la messe, et trés spécialement dans le rite byz. Dans chacun d’eux le céré- monial de la communion commence toujours en toute messe par un rite particuliérement solennel, qui de sa nature est & la fois une invitation 4 la communion adressée aux membres de la communau- té qui s’en estiment dignes, et, d’autre part, un avertissement don- né aux autres de s’en priver. Primitivement, le prétre élevait sim- plement la main en proclamant 4 haute voix les mots: « Les cho- ses saintes aux saints »; mais a partir de la fin du VI* siécle com- mencérent a se substituer 4 l’élévation de la main celle du pain et du calice ou leur ostension (dans le rite chald.) *°, Cependant, ni les amplifications auxquelles était dans le méme temps soumise la formule dans les trois rites syriens, ni méme la modification plus radicale qu'elle subissait dans le rite arm., n’en ont pu modifier le sens original d’une invitation 4 la communion ou d’une inter- diction. A cette premiére invitation-prohibition, les rites byz. et arm. ajoutent, au moment de la communion, une deuxiéme invitation plus formelle et qui, cette fois, est purement telle. Le départ entre dignes et indignes est supposé fait. Il suffit de cette invitation pour démontrer & tous les présents que leur communion fait vraiment et normalement partie de la cé- Iébration de la messe. Point de « Si qui communicandi sunt ». Et, de fait, le cérémonial de la communion collective lui-méme fait partie intégrante de celui de la messe. Son formulaire, avec ses tubriques, se trouve réguligrement & la place qui lui revient dans 10 Institutiones, t. ITI, n, 1381-1386, p. 499-503, LA COMMUNION EUCHARISTIQUE 45 Yordre de celle-ci; sans le formulaire susdit, cet ordre apparaitrait gravement mutilé, De plus, le caractére collectif de ce méme cérémonial est for- tement marqué; d’une maniére ou de l'autre, toute la communauté y prend sa part. Le communiant n’est pas un inconnu que le cé- lébrant se limite 4 bénir en lui mettant dans la bouche l'hostie sainte; il est un membre de la communauté, désigné dans certains rites au moment méme de la communion par son prénom et son rang ecclésiastique; un membre qui prend ou a qui est donnée sa part au corps et au sang du Seigneur, « metalambanei, metadido- tai». Il est du moins un concélébrant auquel est demandé d’inter- venir dans I’'acte de sa communion par un acte de foi explicite, «Amen », Seul le rite arm. a adopté comme formule rituelle une formule de bénédiction imitant celle du rite romain. Enfin, Paction de graces ne consiste pas seulement en une bréve oraison finale chantée par le célébrant, mais elle comporte tout un cérémonial auquel participe dans la mesure du possible toute la communauté: célébrant, diacre, choeur, ministres inférieurs, le peuple lui-méme. Dans tous les rites, cette action de graces s’aché- ve par une ample priére dite out chantée par le célébrant. Personne ne nous accusera, espérons-le, d’avoir voulu dans les pages précédentes dénigrer le rite romain. Pourquoi aurions- nous fait? Non seulement nous respectons le rite romain de tout le respect qu’il mérite pour étre le rite de ’'Eglise romaine, mais nous ladmirons et l’aimons pour sa gravité, sa sobriété, sa clarté, sa noblesse, son foncier et robuste réalisme. Néanmoins, pas plus que le cérémonial des messes orientales, celui de !a messe romaine r’est tout entier d’institution divine. Il n’y peut manquer ni les lacunes ni méme les défauts inévitables dans toute oeuvre, au moins partiellement, humaine. Si nous avons tenu 4 montrer une de ces lacunes, — c'est peut-étre la seule de quelque importance — c’est uniquement pour faire ressortir un des beaux aspects que présen- tent les liturgies orientales. Les choses s’éclairent par leurs con- trastes, Pour donner au lecteur une idée de la solennité avec laquel- le se célébre dans les rites orientaux le rite de la communion, choi- sissons en deux exemples, appartenant 4 des liturgies situées géo- graphiquement a Pextrémité opposée 'une de Yautre, & la byz. et Véth. La clarté et la briéveté étant préférables a I’élégance, no- tre description sera toute schématique. 46 JEAN M, HANSSENS, S. 1 2. Le cérémonial de la communion dans la messe byzantine ™. Le célébrant récite 4 voix basse la priére: « Soyez attentif, Seigneur Jésus Christ, notre Dieu, de votre sainte demeure et du tréne de la gloire de votre royaume, et venez nous sanctifier, vous gui la-haut étes assis aprés de votre Pére, et ici-bas étes avec nous invisiblement ; et daignez par votre puissante main nous donner en partage votre corps immaculé et votre précieux sang, et par nous, 4 tout votre peuple ». Le célébrant s’incline profondément ainsi que le diacre, 4 l’en- droit oi: il se trouve, en disant trois fois 4 voix basse: «O Dieu, soyez-moi propice ». Le diacre s’écrie: « Soyons attentifs ». Le choeur: « Pour le secours de tous les chrétiens pieux et orthodoxes », Le célébrant élevant I’« agneau », s’écrie: « Les choses saintes aux saints», Le choeur: «Un seul Saint, un seul Seigneur, Jésus Christ, pour la gloire de Dieu le Pére. Ainsi soit-il ». Le diacre dispose son orarion 4 la fagon d'une ceinture, dont il raméne les extrémités par-dessus ses épaules, pour les croiser sur sa poitrine. Debout a la droite du célébrant, il montre d’une ex- trémité de son orarion le « saint pain» et dit: « Immole (littér. : démembre), maitre, le saint pain ». Le célébrant immole Ie agneau » en le divisant en quatre parts, et dit: «Est immolé et partagé T’Agneau de Dieu, le Fils du Pére, Lui qui est immolé et non di- visé, en tout temps mangé et jamais consommé; mais il sanctifie ceux qui Pont en partage ». Le diacre, désignant de son orarion le calice, dit: « Remplis- sez, maitre, le saint calice ». Le célébrant signe le calice au moyen de la partie de I’« agneau » marquée des lettres IC, et limmerge en pronongant les paroles: « Plénitude de foi d’esprit saint ». Le diacre: « Ainsi soit-il». Il présente au célébrant l'eau bouillante: « Bénissez, maitre, l'eau bouillante ». Le célébrant: « Bénie la ferveur de vos saints en tout temps, maintenant et toujours... Ain- Si soit-il». Le diacre verse un peu d’eau bouillante dans le calice en disant : « Ferveur de foi, pleine d’esprit saint ». II s’écarte quel- que peu. Le célébrant : « Diacre, avance-toi ». Le diacre, fait une incli- naison profonde, demandant pardon et, aprés avoir baisé la main H Les textes entre crochets ne se trouvent pas dans Teucologe grec; nous les avons empruntés 4 T'eucologe russe ou suppléés au moyen de nos autres sources d'information. LA COMMUNION FUCHARISTIQUE 47 du célébrant, regoit sur la paume de sa main droite une parcelle détachée par le célébrant de la partie de l’«agneau» réservée & $a propre communion, et dit: « Donnez-moi en partage, maitre, le précieux et saint corps de notre Seigneur et Dieu et Sauveur Jésus Christ», Le célébrant: «A N. hiérodiacre est donné en partage le précieux et saint et immaculé corps de notre Seigneur et Dieu et Sauveur Jésus Christ, pour la rémission de ses péchés et pour la vie éternelle ». Le diacre, tenant toujours la parcelle, va se placer de l'autre cété de l’autel et y attend la téte inclinée. Le célébrant détache une autre parcelle de la méme partie de I’«a- gneau» (marquée des lettres XC) et, la placant sur la paume de sa main droite, dit: « Le précieux et trés saint corps de notre Seigneur et Dieu et Sauveur Jésus Christ est donné en partage & moi N. prétre pour la rémission de mes péchés et pour la vie éter- nelle ». Il incline la téte. Ensemble, célébrant et diacre, chacun a sa place et dans la méme attitude, récitent les pri¢res avant la com- munion, rédigées a la premiére personne du singulier: « Je crois, Seigneur, et je confesse que vous étes le Christ, le Fils du Dieu vi- vant, qui étes venu dans le monde, sauver les pécheurs, dont je suis, moi, le premier ». « De votre céne mystique, Fils de Dieu, ac- cueillez-moi aujourd’hui comme participant; jamais & vos ennemis je ne dirai le mystére, je ne vous donnerai pas un baiser comme Judas, mais comme le larron je vous confesserai: souvenez-vous de moi, Seigneur, dans votre royaume ». «Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez sous le toit malpropre de mon ame, mais comme vous avez daigné étre couché dans une grotte et dans une créche d’animaux sans raison... Mais bon comme vous étes et ai- mant les hommes, jugez-moi digne de devenir participant de votre trés saint corps et de votre sang ». « O notre Dieu, remettez, absol- vez, pardonnez-moi mes péchés, qu’en grand nombre j’ai commis contre vous ...pardonnez-les moi tous. Par l'intercession de votre Mére toute pure et toujours Vierge, ne me condamnez pas, mais jugez-moi digne de recevoir votre corps précieux et immaculé pour la guérison de l’ame et du corps >. Célébrant et diacre communient tous deux. Le célébrant prend des deux mains le calice avec son voile. Il en boit trois fois [en disant: « Le précieux et trés saint sang de notre Seigneur et Dieu et Sauveur Jésus Christ est donné en parta- ge A moi N. prétre pour la rémission de mes péchés et pour la vie éternelle »]. Du voile il essuie ses lévres et le bord du calice [et dit: «Ceci a touché mes lévres et remet mes iniquités et me purifie en- 48 JEAN M, HANSSENS, 8. 1 tirement de mes péchés »]. Puis: « Diacre, avance-toi ». Le diacre s'approche, fait une inclination profonde et dit: « Voici que je m’avance vers le Roi immortel ». Puis il répéte en entier les priéres dites avant la communion au pain. II recoit la communion au vin en buvant trois fois 4 méme le calice que lui présente le célébrant, lequel dit en méme temps. « Le serviteur de Dieu diacre N. regoit en partage le précieux et saint sang de notre Seigneur et Dieu et Sauveur Jésus Christ pour la rémission de ses péchés et pour la vie éternelle », Puis: « Ceci a touché tes lévres et remet tes iniqui- tés et te purifie entigrement de tes péchés ». Sur la paténe, il reste de I'« agneau » ce que le célébrant et le diacre n’auraient pas consommé de la partie XC et les deux parties entiéres NI et KAi; en outre, les particules placées sur la paténe dans la prosocomidie en I’honneur de la Sainte Vierge, de S. Jean Baptiste, des saints de I'Ancien Testament, des Saints Apétres, etc., particules qui, chez les catholiques, sont consacrées avec I’« a- gneau ». Si, parmi les communiants, il n’y a ni prétres ni diacres, le diacre met aussit6t toutes ces parcelles dans le calice, o& se trouve déja, depuis la consignation, la partie IC de I’« agneau ». [Si, au con- traire, assistance comprend des prétres ou des diacres qui veuil- lent communier, ces parcelles ne pourraient étres mises dans le cali ce qu’aprés leur communion, celle-ci se faisant sous les deux espé- ces séparées. Dans les églises oit les parcelles du pain sont trempées une 4 une des doigts du célébrant au fur et a mesure de leur distribution aux ministres inférieurs et aux simples fidéles, il va de soi qu’elles ne peuvent pas étre mises dans le calice avant la communion de ces ministres et de ces fidéles. Dans les églises dis- sidentes russes, le particules ne sont pas consacrées et ne sont mises dans le calice qu’aprés la communion des fidéles]. Le diacre ayant donc, éventuellement, vidé la paténe de son contenu dans le calice et recouvert celui-ci ainsi que la paténe de leurs voiles, le célébrant récite 4 voix basse la priére de T’action de graces pour lui et pour le diacre: «Nous vous rendons gri- ces, Maitre aimant les hommes, bienfaiteur de nos ames ... Assurez nos pas, par les priéres et les supplications de la glorieuse Mére de Dieu et toujours vierge Marie et de tous vos saints ». Alors s’ouvre la porte centrale de V'iconostase et le diacre, aprés une inclination profonde, prend avec prudence le calice [que lui remet le célébrant], sort vers la porte susdite et élevant le ca- lice, le montre au peuple et dit: « Avec crainte de Dieu, foi et cha- rité, avancez-vous », Le choeur: « Ainsi soit-il, ainsi soit-il, béni LA COMMUNION EUCHARISTIQUE 49 celui qui vient au nom du Seigneur, Dieu Seigneur, et nous ap- parut ». Le diacre reporte le calice sur Vautel. [Les prétres et les dia~ cres communiants, s’il en est, s'approchent de I’autel, et font la communion sous les deux espéces séparées, & peu prés comme le célébrant et le diacre officiant l’ont faite, et avec les mémes for- mules. Pour la communion des ministres inférieurs et des simples fi- déles, le célébrant, accompagné du diacre, sort du sanctuaire et se tient sur le prolongement extérieur du béma, la plate-forme du sanctuaire. Il a au préalable récité pour les communiants les mé- mes prigres que celles qu’il a récitées avec le diacre. Les commu- niants s’avancent un 4 un: sous-diacres et lecteurs, officiants ou as- sistants, simples fidéles, les hommes d’abord, puis les femmes. La communion est donnée 4 chacun d’une des deux maniéres décrites plus haut, avec la formule ordinaire adaptée au rang et 2 la per- sonne de chaque communiant, et 4 la communion donnée simulta- nément sous les deux espéces: « Le sous-diacre N., ou le lecteur N., ow le serviteur de Dieu N., ou la servante de Dieu N., regoit en partage le précieux et trés saint corps et le sang de notre Sei- gneur >, etc.]. Pendant tout le temps des communions, le choeur chante un chant approprié, répété autant qu'il en est besoin. Les communions terminées, le célébrant bénit le peuple: « Sau- ve, o Dieu, ton peuple et bénis ton héritage ». Le choeur: « Nous avons vu la lumiére véritable, nous avons recu esprit céleste, nous avons trouvé la foi vraie, adorant l'indivisible Trinité: car c'est elle qui nous a sauvés >. Le célébrant et le diacre retournent 4 l’autel; le calice y est déposé et encensé par le célébrant, lequel 4 l’invitation du diacre : « Exaltez, maitre », dit lui-méme trois fois: « Exalte-toi sur les cieux, 6 Dieu, et ta gloire [s’exalte] sur toute la terre ». [Si aux ministres inférieurs et aux fidéles la communion a été donnée de la maniére rappelée plus haut, c'est en ce moment que toutes les parcelles de pain restées sur la paténe sont mises dans le calice]. Le diacre rapporte la table de la prothése la paténe vide et en passant salue silencieusement l’assistance. Le célébrant, de son caté, prend le calice couvert de son voile, se place a la porte cen- trale de l’iconostase et, regardant le peuple, dit tout bas: « Béni notre Dieu», puis 4 haute voix: «en tout temps, maintenant et 4 — «Gregorianum > XLT (1960) - vol. XLT. 50 JEAN M, HANSSENS, 8. 1. toujours et dans tous les siécles des sitcles ». Le chocur: « Ainsi soit-il ». Le diacre revenu A sa place ordinaire devant la porte centrale, de Viconostase dit: « Debout, nous qui avons regu en partage les divins, saints, immaculés, immortels, supercélestes et vivifiants, re- doutables mystéres du Christ; rendons dignement graces au Sei- gneur ». Suit une bréve litanie, 4 laquelle prennent part le diacre, le choeur et le célébrant. Le célébrant: «En paix avangons-nous ». Le choeur: « Au nom du Seigneur ». Le diacre: « Prions le Seigneur ». Le choeur : « Seigneur, ayez pitié, maitre, bénissez ». Le célébrant, sorti du sanc- tuaire, se place au pupitre appelé ambon, en face de la porte cen- trale de Viconostase, ou devant image du Christ, et récite la priére qui termine V'action de grices commune, et est la méme dans les deux anaphores de S. Jean Chrysostome et de S. Basile. Le choeur conelut : « Ainsi soit-il ». Ensuite, trois fois: «Le nom du Seigneur soit béni dés maintenant et pour ’éternité >. 3. Le cérémonial de la communion dans la messe éthiopienne. Le diacre: « Soyons attentifs ». Le célébrant: « Les choses saintes aux saints». Il éléve la parcelle appelée I’e hasba dija- kon >», détachée dans le rite de la fraction de la partie centrale du pain eucharistique, et au moyen delle signe le vin et la remet & sa place sur la paténe. Le peuple chante: « Un seul Pére saint, un seul Fils saint, un seul est I'Esprit saint », Le célébrant: « Le Sei- gneur (soit) avec vous ». Le peuple: « Et avec votre esprit ». Le célébrant éléve le pain entier (sans les 13 parcelles qui en ont été détachées) et en alternant avec le peuple, dit ou chante 36 fois: «O Seigneur, ayez pitié de nous, Christ ». Suit une priére dite sur les pénitents. Puis, le diacre proclame : «Levez-vous pour la prigre». Le peuple: « Seigneur, ayez pitié de nous ». Le célébrant: «Paix & vous tous». Le peuple: « Et avec votre esprit ». Le célébrant prend I’« hasba dijakon », marqué dune croix, et dit: « Ceci est le corps saint en vérité (en mon- trant la parcelle) de notre Seigneur et de notre Dieu et de notre Sauveur Jésus Christ, qui est donné pour la vie et le salut et la 42 «Hasba dijékon», «la récompense du diacre>, vient par Vintermé- diaire de l'arabe ¢isbadikén», du grec . Le «despoti- kon séma» était le nom donné a Ia partie centrale du sceau qui forme la croiite supérieure du pain eucharistique. LA COMMUNION EUCHARISTIQUE 51 rémission des péchés & ceux qui en prennent avec foi ». Le peuple: « Ainsi soit-il ». Le célébrant trempe I’« hasba dijakon » dans le vin et dit: « Ceci est le sang précieux en vérité (en montrant le vin) de notre Seigneur » etc. Le peuple: « Ainsi soit-il », Le célébrant: «Car ceci est (en montrant I’« hasba dijakon » et le vin) vraiment la chair et le sang d’Emmanuel notre Dieu». Le peuple: « Ainsi soit-il », Au moyen de I’« hasba dijakon » le célébrant signe d’abord en forme de croix le pain entier sur sa partie extérieure en disant : «Je crois, je crois, je crois et confesse jusqu’a mon dernier sou- pir que ceci (en montrant) est le corps et le sang de notre Sei- gneur .., Jésus Christ qu’il prit de la Dame de nous tous, la sainte et pure vierge Marie la Mére de Dieu, et il fit une chose avec sa divinité, sans commixtion ni confusion, sans division ni change- ment », etc. Le peuple: « Ainsi soit-il ». Il signe de méme le pain sur sa partie centrale en disant: «Je crois, je crois, je crois, et confesse que sa divinité ne fut pas séparée de son humanité, ni pour une heure, ni pour un clin d’oeil, et quill Pa livrée pour nous», etc. Le peuple: « Ainsi soit-il». Le célébrant signe une troisiéme fois le pain, cette fois sur sa partie médiane et dit: « Je crois, je crois, je crois et confesse que ceci (en montrant) est le corps et le sang de notre Seigneur et notre Dieu et notre Sauveur Jésus Christ », etc. Puis au moyen du «corps» (V’«hasba dija- kon »?) il signe trois fois le « sang» et dit: « Béni (soit) le Sei- gneur Pére, qui tient le monde entier, notre Dieu, et béni le Fils unigue, notre Seigneur,.. et béni PEsprit-Saint Paraclet », etc. Il met I’« hasba dijakon » dans le calice et récite une priére de prépa- ration & la communion exprimée 4 la premiére personne du singu- lier et adressée 4 Dieu le Pére. De leur cété, les fidéles, pour se préparer & la communion, récitent une longue priére, pareillement rédigée & la premiére per- sonne du singulier, mais adressée au Christ: «O mon Seigneur Jésus Christ, je ne suis aucunement digne que vous entriez sous le toit de ma malpropre maison, parce que je vous ai provoqué a V'in- dignation et a la colére », ete. Une rubrique prescrit: «Que tout d’abord communient les évéques, et aprés euz les presbytres (qasiwset) ; et ensuite les dia~ cres et tous un a un, d’aprés leurs rangs, jusqu’aux femmes; quant aux néophytes, quils communient aprés les prétres » (kahnat). Il m’est pas clair, pourtant, si cette prescription vaut pour les seuls assistants 4 la messe ou également pour les officiants. 52. JEAN M, HANSSENS, S. 1, Pendant que les fidéles récitent leur priére, le célébrant, du moins si aucun évéque ne communie, fait la communion au pain en disant: « O Seigneur Jésus Christ, que ce mystére ne devienne pas un péché qui me charge; que, tout au contraire, il se fasse pour la purification de mon ame et de mon corps ». Puis il donne la com- munion au pain au prétre-assistant , et, ensuite, recoit de lui la communion au calice ; cependant il ne la lui donne pas en retour, mais cest lassistant lui-méme qui se la donne. Aucune mention n’est faite dans le missel de la communion du diacre et du sous-diacre ** officiants. Nous croirions qu’elle leur est donnée, ainsi qu’aux lecteurs officiants, par le célébrant et le prétre-assistant. Si des prétres (évéques et presbytres) veulent communier, ils se placent a la porte du sanctuaire (ou s'avancent-ils jusqu’a lau- tel?), ot Ie célébrant leur administre la communion au pair, le pré- tre-assistant, la communion au vin. Ils ne boivent cependant pas & méme le calice, mais le vin leur est présenté au moyen d’une cuillé- re. Aprés avoir recu la communion, le prétre tient la main sur la bouche, tant que s'y trouve la parcelle du pain; ensuite il dit: «Remplissez ma bouche de votre gloire, mon coeur d’allégresse, mon ame de joie, moi qui ai regu de ce divin mystére, vous qui pour mon salut vous étes fait homme », Tous les autres communiants recoivent la communion dans la partie de Véglise qui leur est réservée. La communion du pain est donnée par le célébrant lui-méme, celle du vin par le diacre offi- ciant, lequel en recevant le calice des mains du prétre-assistant, dit: « Je regois le calice de vie et jinvoque le nom du Seigneur >. Puis il ajoute en s’adressant aux presbytres: « Priez pour nous et pour tout le peuple chrétien, pour ceux qui se sont recommandés & nous; faites mémoire d’eux dans la paix et la charité du Christ; louez et psalmodiez ». Aussitét les presbytres, lesquels, dans la messe de rite éth., exercent la fonction de chantres, entonnent l’antienne « Cette magnificence » avec le psaume 150, et ne cessent de chanter tant que dure la distribution de la communion. En sortant du sanctuaire, le célébrant dit: « Ceux que vous avez appelés, 6 Seigneur, et que vous avez sanctifiés, faites-les par- ticipants de votre invitation, et fortifiez-les par votre amour et gar- 38 Le ckahen nefeq>, le «prétre & demix, ou €prétre mineur>, On dit aussi «nefga kahen >, ‘cle demi-prétre >. 4 Le edijakon nefeq», ¢le diacre 4 demi», ou « di encore le «nefga dijakon», «le demi-diacre >. LA COMMUNION EUCHARISTIQUE 53 dez-les par votre sainteté, par le Christ, par votre Fils unique », etc. II trace une bénédiction sur la paténe, pendant qué se récite le pome appelé « Hetana mégar » ou que tout le peuple dit: « Saint, saint, saint, trois (en personnes) ineffable; donnez-moi que pour la vie je prenne ce corps et ce sang, sans (mériter) condamnation. Accordez-moi que je puisse faire le fruit qui vous plaise », etc. En donnant la communion le célébrant dit pour chaque com- muniant: « Ceci est le pain de vie qui est descendu des cieux, le précieux corps d’Emmanuel, notre Dieu, en vérité». Le commu- niant répond: « Ainsi soit-il, en vérité, je crois >. Le prétre-assis- tant et, ensuite, le diacre disent: « Ceci est le calice de vie qui est descendu des cieux, ceci est le précieux sang du Christ ». Le com- muniant répond: « Ainsi soit-il, en vérité, je crois, ainsi soit-il et ainsi soit-il ». Aprés avoir communié sous les deux espéces successivement, le communiant récite une série de priéres d’action de graces per- sonnelle, s’exprimant, comme celles de sa préparation, & la premig- re personne du singulier. La derniére mentionnent « votre corps et votre sang recus par la main de vos prétres ». Llaction de graces commune s’exprime en une formule de bé- nédiction prononcée par le célébrant et suivie d'une série de ver- sets prononcés alternativement, d’abord par le diacre, le célébrant et le peuple, ensuite, par le célébrant et le peuple. Le verset & pro- noncer par celui-ci est toujours le méme. A ces versets fait suite la prigre dite « Au pilote de l’ame ». Le souvenir de la communion faite se prolonge encore dans la pritre dite par le célébrant aprés s'étre purifié la bouche (2), la proclamation du diacre, la prigre de imposition de la main, les formules du congé et des bénédictions finales. IV. TRo1siiME INDICE DU CARACTERE COLLECTIF DU CEREMONIAL DE LA COMMUNION: SA STRUCTURE HIERARCHIQUE, Un troisiéme aspect du cérémonial de la communion dans les rites orientaux qui démontre son caractére collectif, est sa struc- ture essentiellement hiérarchique, structure qu’exige sa nature mé- me de synaxe ecclésiastique Cette structure se manifeste en cinq particularités. Ce sont: 1. L’ordre dans lequel se succédent les communions des différents 54 JEAN M, HANSSENS, 5. 1 membres de l’assemblée; 2. l’exclusivité du droit qu’a le président de cette assemblée, le célébrant de la messe, de se donner la commu- nion et de la donner a ses concélébrants; 3. l'interdiction faite 4 un inférieur de donner la communion a son supérieur dans la hié- rarchie ecclésiastique; 4. la gradation dans l'intégrité rituelle de la communion, laquelle descend de la communion faite sous les deux espéces totalement distinctes jusqu’a la communion sous la seule espéce du pain; 5. la proximité plus ou moins grande de Pendroit de la communion relativement a l'autel. 1. L’ordre de succession des communions. Mettons-nous d’abord dans Vhypothése la plus simple d’une assistance composée exclusivement de laiques, sans la présence par- mi eux d’un personnage de notabilité transcendante (comme serait celle d’un monarque). En ce cas, Pordre des communions s’impose. Communient tout d’abord le célébrant, le prétre-assistant (dans le rite éth.), les prétres concélébrants dans une concélébration sacra~ mentelle (dans les quelques rites ott elle est d’usage) ; puis, les mi- nistres officiants d'aprés Yordre des degrés auxquels ils appartien- nent; enfin, les simples fidéles. L’ordre des communions de ceux- ci sera plus parfait et plus parlant, si, conformément & l’ancien usa- ge, Vassistance est divisée d’aprés le sexe et lage en un certain nombre de groupes ayant chacun sa place dans V’église. Les chan- tres, s’ils ne sont pas clercs, et les moines occupent tne place inter- médiaire entre celle des officiants et celle des assistants laiques. Que faire si a la messe assistent des prétres, des diacres, d’au- tres ministres et que ceux-ci veuillent y faire la communion? L’usa- ge commun est, pensons-nous, que les prétres fassent la commu- nion immédiatement aprés le célébrant; les diacres et les autres ministres aprés les officiants des grades égaux aux leurs, Cette norme admet quelques exceptions. 1. Dans le rite byz. dé- crit plus haut, la communion du diacre est si étroitement unie 4 celle du célébrant qu’elle s’enlace pour ainsi dire en elle et doit néces- sairement précéder celle des assistants prétres, 2. Dans le rite chald. des dissidents, le communion du célébrant et du diacre se confon- dant avec la « purification » dés vases sacrés, ils sont les tout der- niers & communier, au point de ne communier que quand Ia messe est terminée et l’assistance congédiée. 3. Dans le rite éth., la com- munion du prétre-assistant au pain précéde la communion du célé- brant au calice. 4. Dans les rites syr., mar., et cop., et peut-étre aussi LA COMMUNION EUCHARISTIQUE 35 dans l’éth., dans le cas d'un évéque assistant 4 la messe et voulant y communier, si cette messe est célébrée par un autre évéque, Péve- que assistant communie aprés lui; si elle est célébrée par un pres- bytre, il communie, au contraire, avant lui, Si assistant commu- niant était le patriarche, il communierait toujours avant le célé- brant, presbytre ou évéque. Contre cet usage, on pourrait objecter que comme unique vicai- re du Christ dans la célébration de la messe, le célébrant devrait toujours avoir la préséance dans I’exécution des rites qui consti- tuent celle-ci, quelque soit la dignité de qui préside lassemblée dans laquelle la messe se célébre. 2. L’exclusivité du droit de donner la communion. Dans le rite romain, le Code, can. 845, prescrit: « Minister ordinarius sacrae communionis est solus sacerdos, Extraordinarius est diaconus de Ordinarii loci vel parochi licentia, gravi de causa concedenda, quae in casu necessitatis legitime praesumitur ». En fait, dans la célébration de la messe, seul le célébrant administre la communion; s'il n’est ni I’évéque ni le curé du lieu ot la messe se célébre, il n’a en aucun cas le pouvoir de se faire aider de son diacre, autrement qu’en recourant a la présomption mentionnée dans le canon, Si le nombre des communiants l’oblige 4 se servir de Vaide d’autrui, il devra le faire en requérant celle d'autres pré- tres ou, éventuellement, de diacres, tous étrangers au clergé offi- ciant dans la messe et dont aucune rubrique, que nous sachions, ne prévoit la fonction. Cette rigoureuse discipline est une conséquence directe de la suppression radicale de la communion au calice, dont anciennement le diacre était le ministre habituel, bien qu’extraor- dinaire, Dans les rites orientaux également, on peut dire que normale- ment le seul ministre de la communion durant la messe est le cé- Iébrant de celle-ci. Lui seul a le droit de prendre de l’autel le pain et le vin consacrés, A cette loi ne constitue aucunement une exception la com- munion donnée dans la main du communiant. Elle est un reste de Pantique usage, encore pratiqué, ¢’ailleurs, dans quelques rites orien- taux: dans le rite byz., pour la communion des prétres et des dia~ cres; dans le rite arm., pour la communion du diacre officiant ; dans le rite chald. des dissidents, dans toute communion autre que celle du célébrant lui-méme ; dans celui des catholiques, dans toute com- 36 JEAN M, HANSSENS, S. 1. munion autre que celles du célébrant et des simples fidales. En cette fagon de communion, le communiant ne se donne aucunement la communion, mais il accepte le don que Iui en fait le célébrant en mangeant le pain (imbibé ou non de vin) que celui-ci lui offre a cet effet. N’est pas davantage une execption la communion au calice don- née par le diacre. Il est clair que dans cette fonction le diacre n’agit que dans une totale dépendance du célébrant, comme ministre ex- traordinaire, au sens canonique du mot. Ainsi dans le rite éth., c’est Yoffice du diacre de présenter le vin aux simples fidéles, mais le ca- lice qui le contient, il I’a regu du prétre-assistant; dans le rite chald. des dissidents, le diacre présente le calice méme aux assistants pré- tres, ce qui suffit & prouver qu’il ne le fait qu’au nom du célébrant. Expliquons encore par une délégation tacite le droit concédé dans le rite arm, dissident aux assistants prétres de prendre par eux-mémes, au moyen d’une cuillére, la communion au pain immer- gé dans le calice. Faisons en autant touchant le fait que dans le rite éth. Je vin est présenté aux membres du clergé assistant & la messe par le prétre-assistant ; on ne voit pas, en effet, de quel droit celui-ci disposerait en pleine indépendance du vin consacré par le célébrant, pour le donner de sa propre autorité & autrui, La méme explication pourrait peut-étre méme justifier la fonction de ce mé- me assistant, qui lui fait donner la communion au calice, tout d’abord au célébrant, ensuite 4 Iui-méme. Ce rite n’en est pas moins singulier, Non moins singulier le rite anciennement en usage dans la li- turgie chald.** — peut-€tre se continue-t-il chez les dissidents, — qui, pour des raisons mystiques, obligeait de célébrant 4 ne faire la communion que par Vintermédiaire d’un des prétres participants & la messe, en recevant de Iui Ie pain et le calice. Néanmoins, puis- que ce prétre n’imposait pas au célébrant son ministére, mais ne le lui prétait qu’ sa requéte, on y pourrait reconnaitre une autre maniére encore de délégation implicite. Dans la messe qui accompagne leur ordination, les néo-diacres et les néo-presbytres font Ia communion de la fagon qui convient 4 leur nouvelle dignité, ce qui, assurément, n'est pas le cas pour les néo-presbytres du rite latin, lesquels cependant concélébrent 4 Le rite est commenté en sens allégorique et mystique par I'auteur de {Esposito officiorum attribuée & Geonots WAnnbLes, Tractatus TV, c. 25, . R. H. Connotty, CSCO, Script. Syri, ser. sec, t. XCI, p. 77 (70-71). LA COMMUNION EUCHARISTIQUE 37 sacramentellement. De plus, dans les rites syr., mar., cop., et éth, sur Vordre de Pévéque ordinant, le riéo-presbytre distribue la com- munion au peuple, Ici donc la délégation est manifeste. Bref, Punique exception & la loi qui réserve au célébrant le droit de donner la communion durant la messe pourrait étre usage existant dans les rites syr., mar., cop., et peut-étre aussi dans P’éth., qui permet au patriarche assistant & la messe de se communier de ses propres mains; voire, dans le rite syr. dissident, de donner en- suite la communion & qui bon lui semble; qui permet de se com- munier de méme & tout évéque assistant & la messe d’un presbytre, ou méme, dans le rite syr., a celle d'un autre évéque. 3. Interdiction de la communion donnée par un inférieur & son supérieur. La loi qui interdit 4 un inférieur de donner la communion 4 son supérieur dans la hiérarchie des ordres, est, peut-on dire, aussi absolue qu’elle est ancienne. C’est siirement sur elle que se fonde le privilége rappelé ci-dessus, lequel permet au patriarche et aux évéques assistant a la messe de se communier de leurs propres mains. Mais, redisons-le, c’est aussi, & notre avis, une application faussée de la norme en question, si l'on admet, comme il faut sans doute le faire, que dans la célébration de la messe comme acte li- turgique, le vrai président et supréme supérieur est toujours le célébrant, et non point un des assistants 4 cette messe, quelque soit son rang dans la hiérarchie d’ordre et sa préséance dans la synaxe. De la messe comme telle, il n’est, tout au plus, que le premier con- célébrant, et non point le célébrant. Nous avons taché dans l'article précédent d’expliquer par des délégations, au moins tacites et implicites, les rites qui confient 4 un prétre-assistant (dans le rite éth.) ou au diacre de donner la communion méme 4 leurs supérieurs hiérarchiques. 4. La gradation de Pintégrité ritwelle de la communion. Nous avons montré plus haut combien différents sont en cette matiére les usages d’un rite a l'autre. Le plus souvent, néanmoins, Vintégrité de la communion est, en chacun d’eux, 4 deux ou trois degrés seulement, en sorte qu’en vertu de cette distinction, les com- muniants, du célébrant au dernier des simples fidéles, se trouvent divisés en deux ou trois classes, ou, tout au plus, en quatre. 38 JEAN M, HANSSENS, 8. 1. Distinguons done: Dans Ie rite byz. 1. Communion au pain et au calice: tous les prétres; tous les diacres. — 2. Communion au pain immergé ou trempé dans le vin au moment de la communion: tous les autres communiants., Dans le rite arm. 1. Communion au pain (trempé au moment de la consignation, chez les seuls dissidents) et au calice: le seul célébrant. — 2, Communion au pain (trempé, chez les seuls dissi- dents, et) immergé au moment de la communion: tous; hormis — 3. les simples fidéles chez les catholiques, lesquels communient au seul pain ni trempé ni immergé. Dans le rite syr. 1. Communion au pain imprégné et au cali- ce: le patriarche et les évéques assistant & la messe. — 2. Com- munion au pain imprégné, et au calice : le seul célébrant. — 3. Com- munion au pain imprégné et immergé: tous les autres; sauf — 4. les ministres inférieurs et les simples fidéles en Syrié et au Liban, lesquels communient au pain imprégné mais non immergé. Dans le rite mar. 1. Communion au pain imprégné et au ca- lice: le patriarche assistant a la messe; les évéques assistant 4 la messe d’un presbytre; le célébrant. — 2. Communion au pain im- prégné et immergé: le diacre officiant. — 3. Communion au seul pain imprégné: tous les autres. Dans le rite chald. 1. Communion au pain imprégné et au ca- lice: tous; excepté — 2. les fidéles catholiques, qui communient au seul pain imprégné. Dans le rite cop. 1. Communion au pain imprégné et au cali- ce: tous; excepté — 2. chez les dissidents, les femmes, qui com- munient au pain imprégné et immergé; — 3. chez les catholiques, les ministres inférieurs et les simples fidéles, lesquels communient au seul pain imprégné. Dans le rite éth, 1. Communion au pain imprégné et au calice: tous; excepté — 2. les fidéles catholiques dans les messes lues, les- quels y communient au seul pain imprégné, Cette maniére d’accentuer le caractére collectif de la commu- nion est-elle un bien ou un mal, un perfectionnement ou une alté- ration? Elle est, sans doute, un bien en tant qu’elle renforce la structure hiérarchique du cérémonial de la communion, mais on ne peut nier qu’elle soit un mal en tant qu'elle altre Punité de ce cé- rémonial et, par conséquent, la cohésion entre les membres de la communauté, La table eucharistique est une et la méme pour tous: indistinctement. Il serait juste et digne que tous y pussent partici- LA COMMUNION EUCHARISTIQUE 59 per de la méme maniére, comme le font les commensaux d’un mé- me banquet. Si, néamoins, les Eglises orientales, comme les latines, se sont départies de cette belle uniformité, c’est uniquement par né- cessité, pour obvier aux graves inconvénients que tout le monde connait. Toutefois, méme réduite 4 la manducation du pain et, « vi verborum », & la seule manducation du corps du Christ, la commu- nion assure encore au communiant le bienfait de la réception de toute sa personne divine et humaine, de son corps et de son sang, de son ame et de sa divinité et lui procure toutes les graces dont le sacre- ment de l’eucharistie doit étre pour tous la source. Sauve est donc pour tous V'institution divine, en tant qu’elle est sacrement cause de grace. Elle est sauve aussi en tant qu'elle est sacrement acte de culte, puisque des communions au pain et au vin, la premiére est incon- testablement la plus caractéristique de V'eucharistie, celle qui mar- quait le commencement de la céne rituelle et Iui donna son nom pri- mitif de fraction du pain. Mais plus encore du fait que institution divine se conserve dans toute son intégrité dans la communion de celui qui dans la célébration de la messe et de la communion est le vicaire du Christ et, de plein droit, le représentant devant-Dieu de toute l'assemblée, au nom de laquelle il agit. 5. La proximité relativement 4 Pautel. La communion peut étre faite 4 l’autel, auprés de I’autel, une certaine distance de J’autel en dehors du sanctuaire. La premiére maniére est celle des évéques, des presbytres et des diacres. Voire, le diacre byzantin s'appuie sur la table méme de Vautel pour faire sa communion au pain. De plus, il va de soi que dans tous les cas of évéques ou presbytres ont A s’administrer la communion de leurs propres mains, il faut que le pain et le calice se trouvent sur l'autel, et que leur communion se fasse au-dessus de sa table. La communion des simples fidéles, surtout celle des femmes, se fait toujours a distance de l’autel, en dehors du sanctuaire. Nous supposons que parmi les assistants laiques, il ne se trouve aucun personnage d'une exceptionnelle dignité, comme serait un souve- rain, Comme on sait, fa séparation entre le sanctuaire et la nef est encore beaucoup plus marquée dans les rites orientaux qu'elle ne Test dans les rites occidentaux. Dans ceux-ci les fidéles, pour com- 60 JEAN M, HANSSENS, 8. 1. munier, s'accoudent & méme la balustrade qui marque cette sépara- tion. Dans les rites orientaux, pour donner la communion aux fi- déles, le prétre doit sortir du sanctuaire ou tout au moins se pla- cer sur le seuil de la porte y donnant accés. Quant aux ministres inférieurs: sous-diacres et lecteurs, les seuls dont les degrés sont communs 4 tous les rites, la place fixée pour leur communion nous parait plus variée. Peut-€tre pourrait- on dire que dans les rites o& l’autel et le sanctuaire sont totale- ment séparés par une iconostase ou une autre cloison du méme gen- re, la communion des ministres inférieurs se fait au méme endroit que celle des simples fidéles; qu’au contraire, dans les rites arm. et mar., dont le sanctuaire n'a d’autre cloture qu’une balustrade com- parable 4 celle des occidentaux, les ministres inférieurs ont accés au sanctuaire et y font la communion au pied de l’autel, placé com- me Vautel latin sur un socle & gradins. Dans les églises éthiopiennes avec leur sanctuaire (maqdas), ou «saint des saints » (qedseta qedusin) en forme de chambre & porte unique, et auquel n’ont accés que le célébrant, le prétre-assis- tant, le diacre et le sous-diacre officiants, il semblerait que tous les assistants clercs doivent indistinctement recevoir la communion sur le seuil de la susdite porte, tandis qu’aux simples fidéles la com- munion est portée par le prétre et le diacre dans la partie de Péglise réservée aux communiants laiques et appelée le < saint » (qedset). Pour terminer cette étude observons que les noms mémes don- nés dans les documents liturgiques a la cérémonie de la communion en signifient clairement le caractére collectif. Tl en est ainsi du nom de communion lui-méme. « Commu- nio» n’a aucun rapport avec le mot «unio», qui en authentique latin signifie une grande perle ou une espéce d’oignon; il ne mar- que point une conjonction individuelle entre deux étres. « Commu- nio» est T'abstrait de «communis », adjectif composé des deux mots « «cum» et «munis». Comme tel, il signifie « communauté, association, participation égale A quelque chose, soit complexive- ment, « association par », ou « dans », ou « pour la participation éga- le A quelque chose », N’est-ce pas précisément l’association qui se réalise dans la communion comme acte collectif? Le mot grec « koinénia » est exactement I’équivalent du mot «communio », au point qu’on peut estimer que celui-ci est la tra- duction de celui-la. « Koindnia » est l'acte ou la condition de qui posséde ow agit en commun avec quelqu’un; qui, avec un autre, a ou prend part & quelque chose. LA COMMUNION EUCHARISTIQUE 61 Dans les mots «metadosis > et « metalépsis », deux autres noms donnés 4 la communion dans les rites orientaux, I’élément fondamental est évidement la préposition « meta >; or en composi- tion, cette préposition, prise au sens de «avec», signifie commu- nauté ou participation ; action faite en commun avec un autre. D’oit « metadidonai » signifiera complexivement ¢ offrir 4 quelqu’un une part de quelque chose a accepter en commun avec un autre ou plu- sieurs autres »; « metalambanein, accepter la part ainsi offerte ». Par ailleurs, donner et accepter une part du corps et du sang du Christ, ne peut évidemment pas se comprendre en ce sens que ce corps et ce sang soient divisibles entre les communiants. Ce qui est divisible sont les espéces du pain et du vin, et c'est en recevant une part de ces espéces, que le communiant regoit en entier le corps et le sang du Christ. C’est ce que nous avons voulu exprimer plus haut en traduisant « metadidonai», «metalambanein », « mete- chein », par «donner, recevoir, avoir en partage ». Le seul nom créé, d’ailleurs 4 contresens, pour signifier l’'union mystique et personnelle avec le Christ et en lui et par lui avec Dieu un et trois (en personnes) réalisée dans la communion, est le nom de « synaxis », dont la vraie signification est « assemblée ». L’au- teur m’en est autre que le ps. Denys l’Aréopagite dans son De ec- clesiastica hierarchia*, mais le fait est que les documents liturgi- ques ne ont jamais admis, et il est piquant de constater que pour désigner la communion eucharistique, il n’a survécu que comme un fleur mystico-rhétorique dont, encore de nos jours, aime de se parer le style de certains documents: « accedere ad sacram syna- xim » y veut dire, en style pauvre, « faire la communion ». Nous regrettons certainement d’avoir dans cet article, fait la part si petite, disons nulle, 4 Phistoire. Plus d’une raison nous y a contraint. Pour notre consolation, disons qu’aux fins de notre étude, cette enquéte historique était sans grande utilité. La compa- raison entre l’usage actuel des Eglises orientales et le cérémonial de la communion que nous font connaitre les documents primitifs, nous fait non seulement constater la distance parcourue par ce céré- monial en vingt siécles, mais elle nous permet encore de la mesurer. Il est facile de se figurer & priori par quelles étapes le cérémonial primitif a passé pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Que ces étapes aient été franchies un peu plus tét ou un peu plus tard dans les différents rites, il n’y a pas grand intérét A le déterminer. 1 C. 3, PG, 3, p. 4245s. 62 JEAN M, HANSSENS, 8. 1, Toute rapide qu'elle est, notre étude permet donc de nous rendre compte de ce que les liturgies orientales, placées en face de nécessités pratiques communes a toutes les Eglises chrétiennes, ont di sacrifier du rite institué par le Christ, mais aussi ce qu’elles ont réussi 4 en conserver, afin, notamment, de maintenir au cérémonial de la communion son caractére collectif originaire '". Caractére col- lectif, que lui conféraient ses origines de cérémonial essentiellement et formellement convivial, autant que religieux; son symbolisme de repas commun, auquel tous les convives, admis A Ia méme table, pre- naient une part exactement égale; sa structure rigoureusement hié- rarchique, puisque seul le président avait le droit et la fonction de rompre le pain et de prononcer I'action de graces sur le calice, et de donner un et autre A manger et A boire A ses commensaux. Jean M. Hanssens, 5.1. 3 La grosse atteinte au caractére collectié de toute ‘la messe dans les liturgies orientales est dans lexcessive division introduite dans sa célébration par les rites & iconostase ou cloison de méme espéce. On peut dire que pendant une bonne partie de la messe, et particuligrement A ses moments plus solennels, I'assemblée est littéralement séparée de son président, le célébrant de la messe. Une compensation & cette séparation est dans le’ réle d'inter- médiaire du diacre, différent en cela du rdle de notre diacre latin.

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