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Il convient d’examiner les contextes, textuel puis factuel, dans lesquels la Cour de cassation a
été amenée à se prononcer, avant d’aborder la solution posée et surtout les bonnes pratiques en
matière d’aide juridictionnelle devant la Cour.
Le contexte textuel
Différents régimes se sont succédé en matière d’aide juridictionnelle devant la cour d’appel :
1. Par un décret du 15 mars 20112, l’article 38-1, alinéa 2, du décret du 10 juillet 1991 susvisé a
été modifié pour tenir compte de la réforme de la procédure d’appel.
« Sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l’article 39, la demande d’aide
juridictionnelle n’interrompt pas le délai d’appel.
Cependant, le délai imparti pour signifier la déclaration d’appel, mentionné à l’article 902 du
code de procédure civile, et les délais impartis pour conclure, mentionnés aux articles 908 à 910
du même code, courent à compter :
a) de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;
b) de la date à laquelle la décision d’admission ou de rejet de la demande est devenue
définitive ;
c) ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a
été désigné. »
2. Cet article fut abrogé par un décret du 27 décembre 20163, entré en vigueur le 1er janvier
2017. Ce même décret modifia l’article 38 du décret du 10 juillet 1991 en étendant l’effet
interruptif de la demande d’aide juridictionnelle sur le délai d’appel.
3. Une nouvelle modification de l’article 38 du décret de 1991 a été opérée par le décret du
6 mai 20174 sur la réforme de la procédure d’appel.
En définitive, l’article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 dans sa rédaction
actuellement en vigueur dispose que :
« Lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant
les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté
dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée au bureau d’aide
juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit
dans un nouveau délai de même durée à compter :
Lorsque la demande d’aide juridictionnelle est déposée au cours des délais impartis pour
conclure ou former appel ou recours incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code
de procédure civile et aux articles R. 411-30 et R. 411-32 du code de la propriété intellectuelle,
ces délais courent dans les conditions prévues aux b, c et d.
Par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-
dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d’aide
juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la
précédente. »
En résumé :
C’est dans ce contexte textuel que s’inscrivent les arrêts rendus par la Cour de cassation le
19 mars 2020.
Le contexte factuel
Il convient de revenir sur les faits d’espèce de chacun des deux arrêts commentés :
• L’appelant relève appel le 9 janvier 2017 d’un jugement rendu par le tribunal de grande
instance.
• L’appelant relève appel le 10 avril 2017 du jugement du juge de l’exécution d’un tribunal de
grande instance.
• Il sollicite le bénéfice de l’aide juridictionnelle le 19 avril 2017, qui lui est accordée le 30 mai
2017.
Compte tenu de l’abrogation de l’article 38-1 du décret de 1991, les demandes d’aide
juridictionnelle formalisées par chacun des appelants postérieurement à leurs déclarations
d’appel étaient dépourvues d’effet interruptif sur le délai de l’article 908 du code de procédure
civile.
Alors que le rejet du pourvoi paraissait dès lors inévitable, la Cour de cassation va, au visa de
l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, casser chacun des arrêts de
caducité et donner à chacune des demandes d’aide juridictionnelle un effet interruptif.
La haute juridiction sanctionne ainsi la précipitation dans laquelle l’article 38-1 a été abrogé par
le décret du 27 décembre 2016, entré en vigueur le 1er janvier 2017.
« L’abrogation de l’article 38-1 a entraîné la suppression d’un dispositif réglementaire, qui était
notamment destiné à mettre en œuvre les articles 18 et 25 de la loi du 10 juillet 1991 relative à
l’aide juridique, selon lesquelles l’aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant
l’instance et le bénéficiaire de cette aide a droit à l’assistance d’un avocat.
Il en résulte qu’en l’état de cette abrogation, le sens et la portée des modifications apportées à
l’article 38 de ce décret ne pouvaient que susciter un doute sérieux et créer une situation
d’incertitude juridique.
« Il sera toutefois signalé, dès à présent, qu’ils ne doivent pas être lus comme livrant une
appréciation de la conformité aux exigences du procès équitable de l’économie d’ensemble des
dispositifs instaurés par les décrets des 27 décembre 2016 et 6 mai 2017, mais uniquement
comme sanctionnant le défaut de prévisibilité juridique du dispositif issu du seul décret du
27 décembre 2016. »
Le lecteur aura très certainement à cœur de faire un rapprochement avec les conditions dans
lesquelles a été pris le décret du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile5, totalement
inintelligible et n’ayant donné lieu à ce jour, à défaut de circulaire, qu’à une foire aux questions.
Ce guide des bonnes pratiques varie en fonction de la qualité des parties devant la cour d’appel
:
• L’appelant
La partie qui entend former appel avec le bénéfice de l’aide juridictionnelle doit déposer,
préalablement à son appel, sa demande d’aide juridictionnelle.
Un nouveau délai, de même durée que le délai initial, va recommencer à courir à compter de la
décision définitive d’admission ou de rejet du bénéfice de l’aide juridictionnelle.
Cette règle ne vaut pas en cas de dépôt d’une nouvelle demande ayant le même objet que la
précédente.
Enfin, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation6 vient d’apporter deux précisions
importantes :
• Le délai d’exercice du recours pour lequel l’aide juridictionnelle a été accordée ne court qu’à
compter de la date à laquelle la désignation initiale, par le bâtonnier, de l’avocat chargé de prêter
son concours au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle a été portée à la connaissance de celui-ci
par une notification permettant d’attester la date de réception.
• La désignation successive de plusieurs avocats pour prêter leur concours est sans incidence
sur les conditions d’exercice du recours pour lequel l’aide juridictionnelle a été accordée : seule
la première désignation fait courir le délai d’appel.
Frise n° 1 :
Mise en garde :
Si l’appelant forme appel et dépose postérieurement une demande d’aide
juridictionnelle, celle-ci sera sans effet sur les délais qui lui sont impartis pour signifier
(C. pr. civ., art. 902) et pour conclure (C. pr. civ., art. 908).
• L’intimé
La demande d’aide juridictionnelle a pour effet d’interrompre le délai imparti pour notifier des
conclusions en réponse aux conclusions d’appel, d’appel incident ou d’appel provoqué.
Un nouveau délai, de même durée que le délai initial, va recommencer à courir à compter de la
décision définitive d’admission ou de rejet du bénéfice de l’aide juridictionnelle.
Cette règle ne vaut pas en cas de dépôt d’une nouvelle demande ayant le même objet que la
précédente.
Frise n° 2 :
Pour aller plus loin : les difficultés pratiques posées par l’article 38 du décret
du 10 juillet 1991
En effet, les greffes n’ont pas accès à l’information selon laquelle une demande
d’aide juridictionnelle a fait l’objet d’un dépôt. Ceux-ci délivrent donc des certificats de
non-appel au visa d’un acte de notification du jugement, en ignorant totalement que
le délai d’appel a été interrompu par une demande d’aide juridictionnelle ; au même
titre que le demandeur du certificat.
Notes