l'apprentissage ?
http://cursus.edu/articles/35674#.Wo7MLajFI2w
… à sa reconnaissance
Après la création en France, dès 1965, de classes spécifiques visant à donner
une formation de français langue étrangère aux enfants de travailleurs migrants,
c’est à la fin des années 70 que fut reconnu l’intérêt pour l’enfant de garder un
contact avec sa langue d’origine et son milieu culturel. En 1977, une directive du
Conseil de l’Europe est promulguée, à travers laquelle les états membres
s’engagent à organiser « un apprentissage accéléré de la langue du pays
d’accueil et à faciliter, si possible dans le cadre de l’école en liaison avec le pays
d’origine, un enseignement de la langue et de la culture maternelles » : une
démarche interculturelle où « l’enfant peut se construire en regard de sa langue-
culture maternelle », écrit Nathalie Auger, enseignant chercheur en Sciences du
langage qui mène une réflexion sur la comparaison des langues.
Entre 1973 et 1982, les cours de langues et cultures d’origine (LCO) sont mis en
place en France, en partenariat avec les pays d’origine des familles de migrants,
pour les huit groupes d’immigrants numériquement les plus importants alors en
France. Une circulaire de 1978 précise que
Néanmoins « ce dispositif n’a pas vraiment instauré la relation entre les langues
et les cultures diverses qui se côtoient » constate Nathalie Auger, tout comme
l’avait déjà souligné officiellement, dès 1983, une note de service reconnaissant
une insuffisante intégration des enseignements de LCO par le système scolaire
français.
Loin d’être négatifs, les transferts sont le signe que l’apprentissage est en route :
l’apprenant construit son interlangue en calquant des procédés d’une langue vers
l’autre ».
« Comparons nos langues »
Dans ce contexte et pour répondre aux besoins des enseignants confrontés à
l’accueil d’élèves allophones et à leur demande d’outils adaptés, une équipe
d’enseignants, sous la houlette de Nathalie Auger, a élaboré en 2005 (en
collaboration avec le Casnav et le CDDP du Gard et le FASILD - Fonds d'Action
et de Soutien pour l'Intégration et la Lutte contre les Discriminations) un DVD qui
présente une démarche qui s’appuie sur une approche contrastive des langues.
« Comparons nos langues » présente des séquences, filmées en classes
d’accueil d'élèves allophones, autour d’activités de comparaison entre les
différentes langues des jeunes élèves.
Tout apprentissage des langues en effet « repose, consciemment ou non, sur une
comparaison entre le ou les systèmes langagiers préexistants et la langue à
apprendre », rappelle Nathalie Auger dans sa présentation du DVD. Ajoutant
aussi que « apprendre une autre langue, c'est toujours calquer le système à
atteindre sur son système d'origine, quel que soit le niveau linguistique (son,
syntaxe, lexique, etc.) ». Le psycho-linguiste Gilbert Dalgalian écrit pour sa part
que « c'est avec sa propre parole que le bilingue construit sa seconde langue,
son autre soi-même ». L'apprenant va s'appuyer sur ce qu'il connaît déjà pour
découvrir ce qu'il ne connaît pas encore.
C’est le statut même de l’erreur qui prend un nouveau tour, constructif : perçue
sous un angle positif, l'erreur est reconnue comme participant au processus
même d’apprentissage. À travers la comparaison de langues, où chacun,
enseignant comme élèves, « est expert de sa langue », où chacun « découvre le
système de l’autre dans une véritable relation d’empathie », les erreurs sont ainsi
relativisées.
Cette approche interculturelle est fondée sur l’observation des points communs et
des différences des systèmes de communication, et Nathalie Auger insiste sur le
fait qu’il « est aussi important de montrer aux enfants ce qu’ils peuvent utiliser de
leur script maternel pour parler français que les éléments nouveaux qu’ils vont
devoir acquérir ».
Valorisation et motivation
Une démarche sensible, valorisante et rassurante, où règnent empathie et
bienveillance.
La démarche ici rend l’enfant plus actif dans son apprentissage et développe ses
facultés d’observation, d’analyse et de mise en relation, tout en suscitant une
motivation forte à travers le plaisir du partage de connaissances, véritable gage
de progrès.
Une approche grâce à laquelle aussi surgit souvent le rire, quand l’enseignant
s’évertue à répéter à un auditoire, parfois fort exigeant, les sons d’une langue
qu’il découvre à travers ses jeunes élèves.
Même si la difficulté d'une entreprise explicative est bien réelle quand il s’agit de
« dévoiler des mécanismes propres à une communauté alors qu'ils peuvent être
ignorés de ses membres » (comme l’écrit Geneviève Zarate en 1986), la
démarche ici trouve toute sa valeur et son intérêt. Car « la comparaison
linguistique est comme une autre manière (en plus des autres approches :
déductive, inductive, grammaire de texte…) de créer une clarté cognitive et une
conscience linguistique pour les apprenants », dont il n’est pas question de faire
des linguistes.
Mais il s’agit de les aider à être valorisés dans leur contact avec la langue cible à
travers la langue maternelle. « La notion d'élève-expert, développée par Nathalie
Auger dans le DVD, est tout à fait essentielle dans le rôle que la langue
maternelle peut avoir dans ce que l'on appelle la motivation », reconnaît encore
l’auteur de l’analyse. Dans un contexte où les rôles traditionnels de la classe sont
bouleversés par des échanges qui rendent réellement actifs les apprenants.
Références
Dix idées reçues sur l’apprentissage de la langue française par les EANA (idées 3
et 5) et les dix considérations préliminaires sur l’enseignement du français et en
français comme langue seconde (idées 4 et 8), éduscol, 2012
http://cache.media.eduscol.education.fr/file/FLS/89/6/1_concepts_cles_120914_c
2_228896.pdf
Analyse de Comparons nos langues par Dalie Chrifi Alaoui dans la revue Alsic,
2007
https://alsic.revues.org/681