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Mlle PEREZ-GARINO

Cours de philosophie
Lycée des Iscles –Manosque
2008-2009

Cours de philosophie
Classe Terminale T GET1
Chapitre 1 : La philosophie une discipline exigeante mais maîtrisable
08/09.08

LA PHILOSOPHIE UNE DISCIPLINE EXIGEANTE


MAIS MAÏTRISABLE

PLAN

LA PHILOSOPHIE UNE DISCIPLINE EXIGEANTE MAIS MAÏTRISABLE.... 1


PLAN............................................................................................................................ 1
I / Le double sens du mot « Philosophie ».................................................................. 1
II/ Particularités de la philosophie............................................................................. 2
1/ Elle ne doit pas être isolée de l’ensemble de la culture humaine.......................................... 2
a) Définition de la culture .................................................................................................... 3
c) Définition de la technique................................................................................................. 3
d) Définition de l’art............................................................................................................. 4
e) Définition de la religion et du mythe................................................................................ 4
f) Définition de la morale et du droit.................................................................................... 5
g) Définition de la science.................................................................................................... 5
2/ Origines de la philosophie..................................................................................................... 6
3/ La vraie mission de la philosophie la « sagesse »................................................................ 7
III/ La réflexion philosophie : une question de méthode...........................................8
IV/ Conclusion et bibliographie................................................................................ 10

I / Le double sens du mot « Philosophie »

Le mot « Philosophie » a, au moins, deux sens. En un premier sens, on peut dire que la
philosophie est aussi vieille que l’humanité. On entendrait par là que, dès les âges les plus

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reculés, les hommes, les groupes humains ont eu leur vision du monde, leur conception de leurs
idées ou leurs croyances sur la place de l’homme dans l’univers et le rôle qu’il est appelé à y
jouer. En ce sens, même les peuples à civilisation archaïque, ceux qu’on a appelés les
« primitifs » ont leur « philosophie ».
Mais, en un autre sens, la Philosophie est une réflexion critique sur tous ces problèmes,
sur les solutions qui leur ont été données et sur l’esprit lui-même qui les leur a données. En ce
second sens, celui qui nous intéresse surtout ici, la Philosophie est d’origine beaucoup plus
récente : elle implique en effet une prise de conscience des problèmes qui est loin d’être une
attitude spontanée de l’esprit.

II/ Particularités de la philosophie

1/ Elle ne doit pas être isolée de l’ensemble de la culture humaine

Quel que soit le sens dans lequel on l’entend, la Philosophie, ne se développe pas en vase
clos. Une philosophie est toujours plus ou moins en rapport avec l’ensemble de la civilisation où
elle a été conçue. Le Philosophe ne peut faire totalement abstraction des croyances courantes, il
en est lui-même quelque peu tributaire, et l’on retrouve souvent dans son système des échos des
croyances orphiques1, et Platon lui-même fait explicitement allusion dans le Phédon, à propos
de la transmigration des âmes, à « ce qui se dit aux initiés dans les mystères ». Il est bien évident
encore que le Philosophe ne peut se détacher complètement des conceptions morales ni des
conceptions scientifiques de son temps.
L’état de la Technique dans la société où il vit et surtout, de façon plus générale, la
structure de cette société exercent aussi une large influence sur sa pensée. Les philosophes
anciens, habitués à voir le travailleur manuel réduit à la condition d’esclave, ne mettent même
pas en question l’institution de l’esclavage, et Aristote, au début de sa Politique, soutient
explicitement qu’il y a des hommes « aussi inférieurs aux autres que la bête l’est à l’homme » et
que ceux-là sont esclaves par nature. D’ailleurs, ajoute-t-il, si les instruments pouvaient
fonctionner seuls, si les navettes tissaient d’elles-mêmes la toile, les maîtres pourraient se passer
d’esclaves : mais c’est là bien évidemment, à ses yeux, une pure utopie.
Pour nous faire une idée juste de la Philosophie, il nous faut donc la replacer dans
l’ensemble de la culture humaine.

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L’Orphisme est un ensemble de traditions relatives à l’origine du monde, à la vie future et à la nécessité
d’une morale ascétique qui semble s’être constitué en Grèce, vers le VI e siècle avant notre ère et qui dû se propager
dans les mystères de Dionysos de part un mélange de croyances et de pratiques helléniques, thraces, phrygiennes,
etc.
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a) Définition de la culture
Mais que faut-il entendre par culture ? Certains auteurs, notamment en Allemagne, se
sont plu à opposer Culture et Civilisation. Cette dernière représenterait surtout le progrès
intellectuel et technique, le perfectionnement de nos procédés tandis que la Culture serait le
côté spirituel et souvent traditionnel de la vie sociale ; et l’on n’a pas craint d’établir parfois une
opposition entre l’une et l’autre. Il se peut que notre « civilisation mécanicienne » soit tombée
dans certains excès.
Ce que nous devons surtout noter pour le moment, c’est que beaucoup de sociologues et
d’ethnologues se sont refusés à cette « dichotomie » et ont insisté sur cette idée que toute
civilisation, quelle qu’elle soit, forme un tout organique dans lequel l’élément proprement
culturel et l’élément technique sont étroitement liés.

c) Définition de la technique
La technologie moderne a étudié de prés les moyens et procédés par lesquels l’homme
fabrique, les techniques d’acquisition (chasse, pêche, élevage, agriculture etc.) et de
consommation (alimentation, vêtement, habitation). Elle a mis en lumière, d’une part
l’ancienneté de certains de ces procédés, d’autre part l’ingéniosité qu’ils supposent déjà. On sait
que les anthropologistes ont depuis longtemps divisé, de ce point de vue, la préhistoire humaine
en périodes dont les débuts sont marqués par de grandes découvertes techniques : âge
paléolithique ou de la pierre taillée, âge néolithique ou de la pierre polie, âge des métaux, etc.
Mais « la métallurgie et le machinisme ne font qu’amplifier, en les portant à la semi-
industrialisation, puis à l’industrialisation les techniques déjà pleinement affirmées au
Néolithique ». Selon Claude Lévi-Strauss, « chacune de ces techniques suppose des siècles
d’observations actives et méthodiques, des hypothèses hardies et contrôlées pour les rejeter ou
les avérer au moyen d’expériences inlassablement répétées ».
Aussi l’opposition entre Culture et Technique est-elle « fausse et sans fondement. Elle
masque derrière un facile humanisme, une réalité riche en efforts humains et en forces
naturelles et qui constitue le monde des objets techniques, médiateurs entre la nature et
l’homme. Le misonéisme orienté contre les machines n’est pas tant haine du nouveau que refus
de la réalité étrangère : or cet être étranger est encore humain, et la culture complète est ce qui
permet de découvrir l’étranger comme humain. De même, la machine est l’étrangère en laquelle
est enfermé de l’humain, méconnu, matérialisé, asservi, mais restant pourtant de l’humain ». Il
faudrait donc réintégrer la Technique dans la Culture, ce qui est possible si l’on comprend que
les machines ne sont pas isolables de ces ensembles techniques qui, par leur complexité et leur
capacité d’auto-régulation, ressemblent aujourd’hui à des êtres vivants.

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d) Définition de l’art
L’Art est d’ailleurs tout près de la technique. C’est le même mot (Τηκνη) qui, en grec
désigne l’un et l’autre. De fait, les hommes du Paléolithique supérieur sont déjà de remarquables
artistes. Ils figurent surtout des animaux et cultivent également la gravure sur pierre, os ou
corne, la sculpture sur ivoire ou bois de renne, le moulage de l’argile, et même la peinture
rupestre : la découverte de la grotte de Lascaux (Dordogne) dont les peintures remontent au
Périgordien, c'est-à-dire au Paléolithique supérieur le plus ancien, a ouvert un véritable musée
d’art préhistorique. On a émis l’hypothèse, admise aujourd’hui par la plupart des préhistoriens,
que ces représentations d’animaux étaient en rapport avec des croyances religieuses (totémisme)
ou avec des pratiques magiques (cérémonies d’envoûtement etc.). Quoiqu’il en soit, beaucoup
d’entre elles sont de véritables chef-d’œuvre qui montrent que les hommes de cet âge avaient
déjà à un haut degré le sens du mouvement et de la vie, savaient apprécier la beauté des formes
et y attachaient, en dehors de tout but rituel ou magique, une valeur proprement esthétique.
L’Art, ainsi conçu, se différencie profondément de la Technique. Tandis que celle-ci est au
service des besoins pratiques, l’Art est désintéressé, il n’a plus de fins utilitaires.

e) Définition de la religion et du mythe


Au reste, il s’en faut que, même chez le « primitif », la pensée humaine soit tout entière
tournée vers les besoins pratiques. Nous avons vu que la philosophie primitive était liée aux
croyances religieuses, a des dogmes ou tout au moins à des mythes sur l’au-delà, sur l’origine et
la destinée des êtres, etc. Et pour cause, il tiennent une place toute privilégiée dans la
« mentalité primitive » de sorte que pour certains « la conscience philosophique est née de la
conscience mythique » et que, sans être appelée à « devenir une mythologie » la philosophie doit
accueillir le témoignage de la mythologie et cherche à en déchiffrer le sens ». Il est possible que
ces croyances et mythes soient dans ces sociétés, en rapport étroit avec les déterminations de la
vie sociale elle-même : ce sont des religions et des traditions de familles (culte des ancêtres), de
clans, de tribus, plus tard de cités et enfin de nations. Mais avec le Christianisme, elles
s’universaliseront, et se proposeront à l’adhésion de l’humanité tout entière, par delà les
distinctions de races, de peuples, de sexes, de conditions sociales…
D’autre part, même sous leurs formes les plus humbles, elles ont déjà un intérêt culturel
en ce sens qu’elles arrachent l’individu aux préoccupations terre-à-terre de la vie quotidienne, à
ses intérêts mesquins et surtout à ses besoins et à ses instincts. Elles mettent en rapport avec un
monde distinct du monde « profane », le monde du sacré, et ainsi elles l’élèvent en quelque sorte
au-dessus de lui-même : « la Religion, a écrit le sociologue Durkheim, oblige l’individu à des
pratiques qui le gênent, à des sacrifices, petits ou grands, qui lui coûtent. Il doit prendre sur ses
biens les offrandes qu’il est tenu de présenter à la divinité ; il doit s’imposer toutes sortes de

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privations qui lui sont commandées, renoncer même à la vie si les dieux l’ordonnent. » Nul
doute qu’en ce sens, la Religion ne soit une des formes les plus hautes de la spiritualité humaine.
Peut être l’homme ne peut-il réaliser sa vraie nature qu’en la dépassant, qu’en s’élevant jusqu’au
plan d’une surnature ?

f) Définition de la morale et du droit


Mais l’homme a d’abord à vivre ici-bas, à réaliser sa nature d’homme dans les conditions
très déterminées, où il est appelé à vivre, à une époque donnée, dans une société donnée, en un
mot : dans une situation donnée. Or, ici encore, on constate que, dans les sociétés mêmes les
plus « primitives », l’existence de l’homme est soumise à des règles, notamment à des interdits,
qui l’empêchent de se laisser aller à ses instincts et d’agir selon sa fantaisie : ces règles qui, sans
doute, varient de groupe à groupe, qui nous paraissent étranges parfois, c’est cependant déjà la
moralité.
Rien n’est plus faux que de se représenter le primitif, ainsi qu’on le fait trop souvent,
comme un être tout d’instinct. Bien au contraire, dans ces sociétés où la tradition règne en
maîtresse, ces règles sont le plus souvent très strictes et d’autant plus sévèrement sanctionnées
qu’elles sont presque toujours liées aux croyances religieuses.
Lorsqu’elles se précisent, se déterminent en vue d’organiser la vie du groupe, elles
deviennent le Droit. Pas plus de société sans droit que de société sans moralité : la seule
différence est que, dans les sociétés archaïques, le Droit demeure coutumier, tandis que plus tard
il devient le droit écrit, celui des lois et des codes. La moralité, le droit, voilà donc encore deux
formes de la culture humaine.

g) Définition de la science
La science assurément est une forme culturelle beaucoup moins ancienne. Mais, comme
on le verra, la Technique implique déjà des procédés d’action, des recettes qui, transposées sur
une autre plan, deviendront des formules scientifiques, des théorèmes ou bien des lois. La
Science proprement dite ne naquit que du jour om cette transposition s’opéra, du jour où
l’homme éprouva le besoin de savoir pour savoir et surtout de comprendre pour comprendre.
C’est ce qui est nommé le « Miracle Grec ». En effet, ce sont les Grecs qui, les premiers
comprirent la noblesse de la pensée désintéressée. Mais cette transformation avait été préparée
par toutes sortes de recherches effectuées notamment dans le proche Orient.
Il faut donc se garder de confondre la Science avec ses applications pratiques. Si la
Technique a déjà quelque valeur culturelle, à plus forte raison en est-il ainsi de la Science
désintéressée : on verra plus tard qu’ainsi comprise, elle a même une valeur morale esthétique,
voire philosophique.

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2/ Origines de la philosophie

La Philosophie n’a été elle-même à l’origine qu’une sorte de connaissances universelles


qui englobait toutes les sciences. Lorsque, vers le VIe siècle avant notre ère, elle prit naissance
en Grèce, elle se présenta comme un savoir encyclopédique. Les premiers philosophes, un
Thalès de Milet par exemple, plus tard un Pythagore, plus tard encore un Empédocle ou un
Démocrite furent les premiers savants. Pour un Platon et un Aristote, la Physique fait partie de
la Philosophie. Au Moyen Age, la philosophie est représentée comme la source d’où émanent les
sept fleuves des « arts libéraux », cas toutes les sciences :

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Au XVIIe siècle, Descartes compare la philosophie à un arbre dont les racines sont la
Métaphysique, c'est-à-dire la connaissance « des premières causes et des vrais principes » ; le
tronc, la Physique (au sens large, c'est-à-dire la science de la nature) ; les branches, la
Mécanique (comme art des machines), la Médecine et la Morale.
Toutefois, dès l’antiquité, une « division du travail » commence à s’opérer. Les
mathématiques, encore intimement unie à la Philosophie chez Thalès ou Pythagore, s’en
détachent nettement, la Géométrie avec Euclide (vers 300 avant J.-C.), la Mécanique (comme
théorie du mouvement) avec Archimède (vers 250). La Physique se constituera beaucoup plus
tard, dans la première moitié du XVIIè siècle, notamment avec les recherches de Galilée. La
Chimie suivra, au XVIIIè siècle, avec les découvertes de Lavoisier. La Biologie au XIXè siècle,
avec Lamarck et Claude Bernard. Et de nos jours la Sociologie et la Psychologie elles-mêmes
tendent à se constituer à l’état de sciences relativement indépendantes.

3/ La vraie mission de la philosophie la « sagesse »

Cette émancipation successive des différentes sciences montre bien que là n’était pas,
dans ce savoir encyclopédique qu’elle fut au début, la mission propre de la Philosophie. Pour
reconnaître cette mission, songeons à l’étymologie du mot. On sait que philosophie signifie
« amour de la sagesse ». Selon une tradition dont Cicéron s’est fait l’écho, ce mot aurait été
inventé par Pythagore (VIè siècle), le nom de sage ne convenant qu’à Dieu et l’homme ne
devant ambitionner que le titre, plus modeste, d’ami, de zélateur de la sagesse. Avant lui, en
effet, les philosophes grecs s’étaient nommés des sages (tout le monde a entendu parler « des
sept sages de la Grèce »).
Or, demandons-nous ce qu’implique ce terme de sagesse : ce mot a la même racine que
notre mot français savoir. En latin, sapientia désigne la science ou, comme dit Cicéron, « la
connaissance des choses divines et humaines, de leurs principes et de leurs causes ». De fait, on
vient de voir que les premiers philosophes furent aussi des savants qui s’occupaient aussi bien de
géométrie que d’astronomie etc.… la sagesse était donc la connaissance. Mais on a vu aussi que,
sur ce point, la philosophie a été, dès l’antiquité, obligée de limiter ses trop vastes ambitions et
s’est trouvée, en fait, de plus en plus dépossédée par la Science. Aussi bien et surtout de nos
jours, lorsqu’il s’agit de connaître le monde extérieur, est-ce à la Science, et non à la
Philosophie, que nous nous adressons. Même la connaissance de l’homme semble aujourd’hui
relever de plus en plus de la Science : il existe des « Sciences de l’Homme ».
Est-ce à dire qu’il ne subsiste pas un problème proprement parler philosophique de la
connaissance ? Non pas. Dès l’antiquité grecque, en effet, un nouveau problème avait suffit.
Vers l’époque des Sophistes (Vè siècle), le conflit des doctrines avait mené au scepticisme et l’on
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commença à se demander si l’homme ne serait pas « la mesure de toute chose ». L’esprit cessa de
se tourner exclusivement vers le dehors pour se retourner vers lui-même et examiner les
conditions de la connaissance vraie. Au milieu du devenir perpétuel des choses et des êtres, la
pensée peut-elle saisir quelque chose de stable ? Y a-t-il une vérité et, dans l’affirmative,
comment l’atteindre ? Quelles sont les conditions d’une assertion valable ? Voilà les problèmes
que l’on commença à se poser.
Beaucoup plus tard, au XVIII è siècle, ces problèmes devaient venir au premier rang des
préoccupations des philosophes avec l’avènement de la philosophie critique, celle de Kant qui,
devant les progrès de la science newtonienne, devait être amenée à s’interroger sur ce qui fonde
la science et chercher à expliquer pourquoi elle seule peut atteindre des propositions
universelles reconnues pour vraies. Autrement dit, la philosophie ne cherche plus à connaître le
monde : elle laisse cette tâche à la Science qui d’ailleurs, d’un certain point de vue, s’en acquitte
mieux qu’elle. Elle n’est plus connaissance du monde, mais réflexion sur la connaissance du
monde. C’est la connaissance elle-même, et notamment la connaissance scientifique, qui devient
pour elle matière à réflexion.
Mais la notion de Sagesse évoque encore à notre esprit une autre idée : une idée morale.
De fait, autant que nous pouvons être renseignée sur ces personnages à demi légendaires, les
« sages » de la Grèce (VIIè –VIè siècles) ne furent pas seulement, ni même surtout des savants :
on les consultait dans les difficultés, qui furent des législateurs (comme Solon qui donna une
Constitution à Athènes) ou des juges intègres (comma Bias de Priène). On rapporte d’eux des
sentences, des maximes morales, plus ou moins authentiques, mais qui suffisent à montrer qu’ils
furent, en somme, des moralistes.
Plus tard, tous les philosophes devaient réserver à la morale une place importante dans
leurs systèmes. En tant que Sagesse, la Philosophie se réfère donc aussi à un second problème :
le problème de l’action humaine. Mais, à elle seule. On l’a vu : la moralité existe dans les
sociétés même les plus primitives et bien avant les philosophes. Le rôle de la pensée
philosophique est ici de réfléchir sur la moralité et, de même que par ailleurs elle s’interroge sur
les conditions de la connaissance valable, elle doit ici examiner les conditions de l’action droite,
c'est-à-dire ce qui définit et fonde le bien, la justice, la vertu, toutes les valeurs de l’action
humaine.

III/ La réflexion philosophie : une question de méthode

Mais comment la Philosophie s’y prend elle pour examiner et aborder les problème ci-
dessus mentionnés ? Par la Réflexion philosophique. Quelle est-elle ? La pensée n’est rien
d’autre que le discours avec soi-même, « le dialogue intérieur et silencieux de l’âme avec elle-
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même » (Platon, Sophiste, 263 e), se questionner et se répondre, juger silencieusement (Platon,
Théétète, 189a-190c), ce qui exige mémoire et sensation : devant une forme indécise,
l’observateur dira tout haut à ses compagnons « c’est un homme » ou « c’est une statue ». « Si, au
contraire, il est seul, c’est à lui-même qu’il fait ses réflexions, et parfois continue sa route en les
ruminant longtemps en lui-même », comme écrivant le discours en son âme (Platon, Philèbe,
38b-c, 39a).
Cette réflexion a pour but de triompher de l’absence, elle est une « forme de langage
compliquée, tardive », un récit « qui consiste à faire faire par des absents ce qu’ils auraient fait
s’ils étaient présents ». La réflexion, par le langage, nous élève à l’universel. Elle n’est autre
chose qu’une attention à ce qui est en nous. Elle est en somme l’œuvre commune de
l’imagination et de la mémoire et se définit par son intention.
Pour en comprendre la genèse, revenons à la réflexion considérée en général. Ce
« dialogue intérieur », parce qu’il est langage, découvre le possible. Il est la pensée du possible :
dans le vocabulaire de Pierre Janet, une conduite de l’absence. Il libère de ce qui est et combine
ce qui peut être. Il n’appartient plus, en esclave, au présent, comme langage d’action de l’animal,
de l’aphasique et de l’infans : chez l’enfant, observait Buffon, « la puissance à réfléchir, qui seule
peut former des idées, est dans une inaction totale…Dans l’enfance le temps présent est tout ».
Dédoublé par la réflexion, le présent n’est plus seulement un donné vécu, agi et imposé, il
devient un indicatif du temps où il me situe entre passé et avenir, en quelque sens que je les
prenne, de l’avenir vers nous dans le projet, ou derrière nous dans la mémoire. Le temps règle
tout et le plus ostensiblement, à notre échelle, organicise les vivants, mais il n’existe que pour
une conscience réflexive qui peut situer le présent. L’homme est le seul entre tous les animaux à
se parler de son passé, à s’argumenter sur son avenir et, surtout, à se dire qu’il est mortel. Seul il
atteint l’universel, parce qu’il est le seul à articuler sa pensée, tandis que l’animal se laisse sans
doute conduire d’instant en instant par ce « sentiment confus de qualité marquante ou de
ressemblance » qui permet à l’herbivore de reconnaître « l’herbe en général ». C’est vers ce
genre de questions, à l’état brut dans la vie quotidienne, que s’oriente la réflexion
philosophique.
Spontanément, elle se tourne vers de telles questions qui naissent de son propre fonds, et
signalées d’ailleurs par toute pratique religieuse. Elle a d’abord pour tâche d’élucider ce
qu’expriment souvent le sens commun, par dictons, proverbes et fables (la sagesse des nations)
et les croyances reçues sans critique. Elle ne veut pas s’en tenir à la version naïve. Que pensè-je
au juste ? Qu’en est-il ? Quid facti ? Du moins commence-t-elle par une conception chosiste de
la vérité, les choses dont elle traite n’étant pas nécessairement observables, mais
métaphysiques : l’âme, le monde, Dieu ou, si l’on préfère, les substances, les causes, leurs actions
réciproque dans l’harmonie universelle. Soit qu’elle s’estime capable de dévoiler ces choses (c’est
le dogmatisme) et de les construire soit qu’elle s’en estime incapable (c’est le scepticisme), elle
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fait œuvre de raison. Elle en fait œuvre encore quand, attentive à ce qui pourrait être, elle
invente, en s’efforçant de la justifier, une cité idéale. Pour accomplir sa tâche, elle a besoin de se
forger une logique : celle qui a pour base : ceci est cela, S est P. Sur cette base (le jugement) elle
compose et décompose, enchaîne des propositions par un titre : la Recherche de la vérité
démontrable ou vérifiable.
Or les systèmes se sont succédés, contredits, sans que la réflexion philosophique
parvienne à une conclusion. Il fallait changer de principes. Puisque substance et cause
demeuraient inobservables, on s’en tiendrait aux phénomènes. Ayant appris à douter, on
renoncerait à la métaphysique constructiviste. Tel a bien été le propos du XVIII è siècle. Mais
comment, après avoir tant espéré de la vérité absolue, se résigner aux apparences ? Comment, au
moins ne pas tenter de les fonder ? Si la réflexion philosophique s’avouait contrainte de ne plus
prétendre à l’absolu, n’avait-elle pas le devoir d’établir, à défaut d’une telle porté, la nécessité de
notre connaissance ? Au lieu de butter contre les bornes de notre connaissance ne devait-elle
pas en trouver une méthode pour en calculer les limites ? Telle est le travail de Kant. A quelles
conditions nos affirmations sont-elles valables ? Au Quid facti on substitue le Quid juris. La
réflexion philosophique s’inspire de la réflexion juridique. Le criticisme nous refuse l’intuition
intellectuelle de l’absolu, dont se réclamait le constructivisme dogmatique. La vérité devient
l’accord de la pensée avec elle-même. Elle n’a plus pour seule base la constatation d’un donné
(ceci est cela), mais l’activité d’un Je pense qui se donne ses apparences. Au Cogito constatatif de
Descartes succède le Ich denke (Je pense) constitutif. On ne rejette certes pas la logique
aristotélicienne, inhérente au langage, mais ses analyses abstraites sont désormais insuffisantes
pour les synthèses constitutives du Ich denke.
A la logique générale de l’abstrait, s’ajoute, par-delà le langage, le fait que notre réel a sa
source dans le Ich denke. L’apparence est bien toujours un manque d’être par rapport à l’Etre
absolu qui nous échappe ; cependant, elle n’est plus le moindre être, souvent illusoire, elle est le
corrélatif nécessaire du Ich denke. L’essence de la réflexion en fait la réflexion des essences,
c'est-à-dire de l’être même en tant qu’il apparaît. La réflexion philosophique ou pour dire
autrement dialectique, procède par médiations du plus abstraits au plus concret, du plus
immédiat au plus totalisé. Chacune de ces médiations étant un moment réflexif.

IV/ Conclusion et bibliographie

En conclusion, contentons-nous de remarquer l’attention expresse au langage qui


caractérise le plus souvent l’effort du philosophe. On n’aperçoit plus la pensée derrière le

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langage, mais en lui et par lui. En son dialogue intérieur, la réflexion philosophique interroge le
langage et en écoute les réponses.
Tout se passe en définitive comme si peu à peu la philosophie avait dû reconnaître que la
nature ne lui parlait pas, qu’on ne pouvait agir sur elle par le dialogue : il fallait calculer pour en
devenir le maître et possesseur. Le dialogue ne restait ouvert, indéfiniment ouvert, qu’avec
l’homme.

Bibliographie

Platon, Le Sophiste ; Théétète ; Philèbe


Descartes, Méditations Métaphysiques
Leibniz, Nouveaux Essais concernant l’entendement humain
Kant, Critique de la Raison Pure ; Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ?
Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience
Heidegger, « Que veut dire penser ? », in Essais et Conférences
Locke, Essai philosophique concernant l’entendement humain.

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