Publié le 14 juillet 1995 à 00h00 - Mis à jour le 14 juillet 1995 à 00h00 IL faut imaginer ces scènes que rapportent les témoins : maîtres de l'enclave musulmane de Srebrenica, les miliciens serbes du « général » Ratko Mladic, « trient » la population. D'un côté les hommes, à partir de seize ans, que l'on envoie vers des destinations inconnues, déportés vers on ne sait quel sort, quel camp, sans aucun contrôle d'une des multiples organisations internationales présentes en Bosnie. De l'autre les femmes, les enfants, les vieux, qu'on entasse dans des bus et qu'on chasse de la ville à coups de crosse de fusil, s'il le faut. Familles séparées de force, brisées, maisons volées. Cela porte sur des dizaines de milliers de personnes. C'est « l'épuration ethnique » dans toute son ignominie. C'est ainsi que les Serbes se taillent leur Grande Serbie, leur « territoire ethniquement pur ». A une heure et demie de Rome, Paris ou Londres, ce sont les mêmes scènes qu'en 1993. Et, comme alors, les plus concernés, les Européens, ceux qui prétendent bâtir l'Europe de l'après guerre froide, une Europe pluricommunautaire, ne réagissent pas, ou presque pas. Quelques condamnations de principe, bien sûr, mais aucune proposition d'action, aucune menace de représailles à l'encontre des Serbes, aucune pression sur Belgrade complice des milices bosno-serbes. Le vote d'une énième résolution de l'ONU, demandant le retrait immédiat des Serbes de Srebrenica, mercredi soir 12 juillet, confine au ridicule, sinon à l'odieux, puisque les membres du Conseil de sécurité n'ont aucunement l'intention de faire quoi que ce soit pour l'appliquer. Dans ces conditions, les images que nous montre la télévision du déploiement des rutilants blindés de la Force de réaction rapide (FRR) à quelques kilomètres du drame ont quelque chose de surréaliste. Elles soulignent l'impotence de la communauté internationale. C'est la police qui parade à deux pas du viol. Il y a bien la France, qui se dit prête à agir à utiliser la FRR, justement pour peu que d'autres les Britanniques, notamment veuillent la suivre. Certains diront que la proposition est faite à peu de frais puisque Paris sait que personne ne va y répondre. Peut-être. Mais si nos alliés disaient « chiche », s'ils prenaient la France au mot, s'ils donnaient un peu de corps à cette redondante rhétorique sur la « politique européenne de défense »... Il vous reste 22.13% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.