cathares :
une histoire à pacifier ?
actes du colloque international tenu à Mazamet
les 15, 16 et 17 mai 2009
sous la présidence de Jean-Claude Hélas
Anne Brenon
Thomas Butler
Annie Cazenave
Lidia Denkova
Natalyia Dulnyeva
Jean Duvernoy
Carles Gascón Chopo
Ylva Hagman
Gwendoline Hancke
Pilar Jiménez-Sanchez
Guy Lobrichon
Franco Morenzoni
Daniela Müller
Claudine Pailhès
Roland Poupin
Marjolaine Raguin
Julien Roche
Travis Stevens
Galia Valtchinova
Ruben van Luijk
Francesco Zambon
David Zbíral
HISTOIRE LOUBATIÈRES
Avant propos
L’étude d’une dissidence depuis des siècles disparue dans les remous de
l’histoire n’est pas chose facile, tant, par nature, les documents qui en
conservent trace sont artificieux, « monuments du pouvoir » selon les mots
de Georges Duby, reflétant la perpétuelle raison du plus fort, ses construc-
tions infiniment piégées, ses certitudes en trompe-l’œil. À plus forte raison
lorsqu’il s’agit d’une hérésie, phénomène qui en son temps a concentré sur
lui les regards malveillants du politique et du religieux. Que nous le voulions
ou non, à des degrés divers, nous sommes tous les héritiers de vieux présup-
posés, que seul le travail historien peut débusquer et déminer, en l’analysant.
Depuis les décennies que le chantier de l’histoire laboure le champ de l’héré-
sie médiévale – quels que soient les noms qu’on lui donne – c’est peut-être
la pratique d’un commun langage qui a le plus manqué aux chercheurs.
Le comité d’organisation :
Jacques Beaulieu, Régine Benoît, Sonia Benoît, Anne Brenon, Annie Caze-
nave, Jean Duvernoy, Jean-Claude Hélas, Monique Paillon, Julien Roche.
SOMMAIRE
Remerciements, Avant propos ..................................................................6
La construction de l’hérésie
7
L’interprétation cathare des paraboles évangéliques : les deux arbres,
la brebis et la drachme perdues (Francesco Zambon) .............................155
Les fondements de la lecture cathare du prologue
de l’Évangile de Jean (Natalyia Dulnyeva & Andrèi Pechenkine – Tula)....171
La Brevis summula contra herrores notatos heretichorum
et le point de vue des Églises cathares
concernant les diverses sortes d’esprits (Ylva Hagman).......................179
À propos des tuniques d’oubli (Roland Poupin)....................................193
Débat autour des interventions ...............................................................205
Table ronde animée par Daniela Müller ..............................................211
risme se voit de plus en plus contesté. Les recherches et relectures des sources
par Gabriele Zanella 4, Jean-Louis Biget 5, Uwe Brunn 6, Julien Théry 7 ou
Pilar Jiménez Sanchez 8, entre autres, ont montré que l’idée d’un mouvement
dissident unifié à travers l’Europe et à travers plusieurs siècles est à revisiter.
Un deuxième enjeu de la Charte de Niquinta est le rapport de la dissidence
méridionale et italienne à la dissidence orientale, bogomile. Dans la Charte,
la succession épiscopale se voit assurée par un Papa Niquinta, donc person-
nage de nom oriental et qu’on rencontre comme évêque dissident de la région
constantinopolitaine venu en Italie, dans deux traités anti-hérétiques italiens
du XIIIe siècle, le De heresi catharorum et le Tractatus de hereticis 9.
Tertio, la Charte atteste une structure ecclésiale avec des évêques à la tête
des différentes églises, donc une organisation et – ce qui n’est pas le moin-
dre – une conscience de soi bien assurée, dès les années 1160, c’est-à-dire à
une époque assez précoce.
La tradition textuelle de la Charte est problématique et elle n’a pas tardé
à susciter des réserves. Aucun manuscrit médiéval de la Charte ne nous est
parvenu. Le texte est connu uniquement par l’édition de Guillaume Besse
dans son Histoire des Ducs, Marquis et Comtes de Narbonne 10 et par deux
versions manuscrites de Besse, récemment découvertes par Monique Zerner
dans le fonds Baluze de la Bibliothèque nationale de France 11. S’agit-il d’un
faux du XVIIe siècle, comme le pense M. Zerner 12 ? D’un faux ou excitatorium
anti-hérétique des années 1220, hypothèse développée par J.-L. Biget 13 ?
D’un document relatant des événements historiques, comme le veut l’hypo-
thèse traditionnelle 14 ? Y a-t-il d’autres contextes encore dans lesquels on
pourrait situer la Charte ? Cet article se propose de résumer l’état de la discus-
sion actuelle sur la Charte de Niquinta.
32
la charte de niquinta…
Faux moderne ?
On a vu que les enjeux du document ne sont pas anodins : la Charte
confirme beaucoup d’éléments de l’image traditionnelle, autrement connus
uniquement par des sources polémiques (plus faciles à mettre en cause),
comme le caractère « international » de la dissidence, les liens avec l’Orient,
la structure épiscopale avec une succession d’ordination précise, une conscience
de soi à une époque très précoce. Or, la Charte présente un problème évident :
aucun manuscrit médiéval ne nous est parvenu et les trois témoins se ratta-
chent tous à une seule et même personne, celle de l’historien carcassonnais
Guillaume Besse. Ceci a amené M. Zerner à revisiter le document. Elle a
conclu qu’il s’agit un faux, probablement de Besse lui-même 20.
Le débat après la présentation de cette hypothèse et l’analyse formelle du
texte qu’ont proposée les spécialistes de l’Institut de recherche et d’histoire des
textes ont montré la faiblesse de certains arguments de M. Zerner 21, qui a été
amenée à modifier sa thèse du faux de Guillaume Besse, tout en gardant l’hy-
pothèse du faux moderne et en offrant des réponses partielles à des problèmes
soulevés notamment par l’analyse des spécialistes de l’IRHT 22.
Sans dissimuler que la tradition textuelle du document pose des problèmes,
il faut cependant indiquer que plusieurs arguments déstabilisent l’hypothèse
du faux moderne, dont cinq se montrent essentiels.
Primo, on ne fait pas un faux sans raison. Besse ne fait qu’un usage très
maladroit et superficiel du document. Il doit même le déformer pour l’adap-
ter à ses propos, fait incompréhensible dans l’hypothèse où Besse serait l’au-
teur de la Charte 23. L’usage de la Charte par un autre érudit, l’éventuel faus-
saire, n’est pas attesté. Il s’agirait donc d’un faux assez complexe, notamment
pour le XVIIe siècle, dont pourtant personne n’a vraiment profité.
Un deuxième argument réside dans les ligatures trompeuses de et, mal
lues comme q. ou quod par Besse dans la plupart des cas. Sans connaître les
deux versions manuscrites de Besse (que M. Zerner ne leur a malheureuse-
ment pas communiquées), les spécialistes de l’IRHT ont estimé qu’il s’agit
de mélectures d’un type spécial et pas très connu des ligatures de et, qui étaient
en voie d’extinction très rapide dans les années 1230-1240 24. La version dans
le fonds Baluze 7 a confirmé largement leurs conclusions : il y a neuf de ces
ligatures trompeuses de et dessinés par Besse. L’autre version manuscrite (fonds
33
la construction de l’hérésie
Baluze 275) montre déjà une évolution partielle vers la mélecture de certaines
d’entre elles comme q. ou quod. Les conséquences sont claires. Employer une
telle fausse faute de lecture (en plus en plusieurs phases : ms. Baluze 7 ne
développe pas ces ligatures, ms. Baluze 275 les développe en partie) serait un
véritable coup de maître du faussaire. Jusqu’à ce qu’on prouve une telle maîtrise
dans un faux du XVIIe siècle, il faut considérer ces ligatures et leur évolution
dans les trois versions du document comme un des arguments décisifs contre
l’hypothèse du faux moderne. M. Zerner a essayé de neutraliser cet argu-
ment : certes, les spécialistes de l’IRHT ont bien vu que Besse n’a pas compris
cette ligature, mais il est « trop médiocre érudit pour que son ignorance soit
représentative du milieu savant ». Il ne s’agirait donc pas d’une fausse faute
de lecture mais d’une véritable mélecture de Besse lisant un faux moderne
avec ces ligatures 25. Or, il est autre chose de connaître ce type de ligatures,
et de savoir qu’elle était en usage précisément dans les années 1200-1230,
donc à l’époque dont se réclame la notice finale de la Charte.
Le troisième argument est un surnom qui apparaît dans le texte de la Charte
dans deux formes, Raimundus de Beruniaco et Raymundus de Bauniaco. Cette
personne est connue des chroniques qu’un faussaire du XVIIe siècle a pu avoir
entre les mains. Mais la seule édition de la chronique de Roger de Hoveden
accessible à l’époque lisait Baimiaco et ce n’est que l’édition de 1869 qui a réta-
bli la leçon correcte Bauniaco (récemment vérifiée dans le manuscrit) 26. Par
conséquent, pour garder la possibilité du faux moderne, « il faudrait démon-
trer, soit qu’un extrait de Benoît de Peterborough ou de Roger de Hoveden,
livrant la bonne leçon de Bauniaco, était en circulation avant 1660, soit que
le supposé faussaire moderne aurait eu accès aux manuscrits d’une des deux
chroniques, lesquels, à l’évidence, n’ont jamais quitté l’Angleterre 27. » M. Zerner
répond à cet argument par la conjecture qu’il aurait circulé une version manus-
crite du passage d’une des chroniques avec la leçon Bauniaco 28. Certes, il n’est
pas possible d’exclure des conjectures de ce genre. Mais la variante correcte
Bauniaco, connue de la Charte mais pas de l’édition de la chronique de Roger
de Hoveden accessible à l’époque, reste un problème pour l’hypothèse du faux
moderne : celle-ci doit supposer la circulation nulle part attestée d’un extrait
manuscrit de la chronique, ce qui la rend un peu fragile.
Quarto, Julien Roche a réalisé une étude exhaustive des déplacements des
dissidents du Carcassès signalés dans les registres d’Inquisition (soit autour
de 500 déplacements) avec la conclusion que le bornage des églises dissi-
dentes présenté dans la Charte concorde avec la réalité historique de la dissi-
dence au XIIIe siècle. Or, aucun érudit du XVIIe siècle – encore moins Guil-
laume Besse – ne fait preuve de connaissances suffisantes pour établir la
frontière présentée dans la Charte à la base des registres d’Inquisition. Pour
faire cela, il faut une connaissance systématique et exhaustive des registres,
inexistante à l’époque 29. Cet argument est resté sans réponse jusqu’ici.
Il y a un cinquième argument contre l’hypothèse du faux moderne, qui
n’a pas été cité dans la discussion actuelle. C’est Antoine Dondaine qui a
identifié son importance. La notice finale de la Charte donne deux noms :
Pierre Isarn et Pierre Pollan. Certes, les deux hommes sont connus des regis-
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la charte de niquinta…
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la construction de l’hérésie
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la charte de niquinta…
par les partisans de cette hypothèse jusqu’ici. Avant de trouver des analogies
et de formuler des conjectures sur les possibilités de communication des diffé-
rents groupes dont les représentants auraient été présents à Saint-Félix, un
tel rassemblement international doit être considéré comme improbable.
Quarto, la Charte parle des églises dissidentes orientales « délimitées et
déterminées » dont « aucune n’agit contre une autre en rien ». Or, il est tout
à fait impensable qu’une délimitation existe sur un territoire aussi vaste, vu
de plus qu’aucune source (sauf la Somme de Rainier Sacconi, contestable, et
la Charte elle-même) ne nous autorise à penser que les groupes dissidents
orientaux étaient en contact ou même avaient connaissance l’un de l’autre.
Dans ce cas au moins, on a manifestement affaire à un élément légendaire.
En attendant une réponse cohérente à ces arguments, on peut considérer
cette hypothèse comme ni très improbable, ni très probable.
Faux dissident ?
Les problèmes de l’hypothèse d’un document authentique des années 1160
sont largement des problèmes de chronologie. La Charte de Niquinta donne
une image de la dissidence qui concorde très bien avec les sources du XIIIe siècle
– les registres d’Inquisition, les Rituels, les traités anti-hérétiques italiens. Qui
plus est, deux de ces traités, le De heresi catharorum et le Tractatus de hereticis,
rencontrent de très près la Charte : ils introduisent un Papas Nicheta comme
un dignitaire hérétique venu d’Orient et jouant un rôle important pour les
débuts du catharisme en Italie ; un autre personnage de la Charte, Marc, y est
représenté comme le premier évêque des cathares lombards qui aurait reçu
l’ordination épiscopale de Nicheta ; en plus, dans ces deux traités, le problème
principal des églises cathares est celui de la succession épiscopale. On voit que
le parallélisme entre ces deux traités et la Charte est très prononcé.
Une question s’impose que la dichotomie authentique-faux a obscurci : la
Charte de Niquinta peut-elle être un document dissident mais inauthentique ?
Les faits relatés peuvent-ils ne pas être purement historiques même dans l’éven-
tualité de la provenance dissidente ? Le récit a-t-il pu s’inspirer des légendes
fondatrices des dissidents italiens ou des inquisiteurs 43 ? Il n’y a aucune raison
de refuser cette éventualité d’avance. On peut la subdiviser en deux hypothèses,
celle d’un faux dissident et celle d’une légende fondatrice, avec des incertitudes,
dans les deux cas, quant à la part de l’histoire et la part du mythe.
Dans les deux éventualités, le point de départ est la notice finale relatant
une transcription (?) de la Charte d’une « antiqua carta in potestate supradic-
torum facta » par Pierre Pollan sur la demande de Pierre Isarn en 1223. Ces
deux hommes sont connus des registres d’Inquisition comme des évêques
successifs 44 de l’église du Carcassès.
À part la notice finale et ce qu’on sait sur Pierre Isarn et Pierre Pollan, il y
a un autre élément qui pourrait enrichir l’analyse : l’événement connu comme
le « concile de Pieusse ». Dans la déposition de Raimond Dejean devant l’In-
quisition de Carcassonne en 1238, on lit que « jusqu’à cent hérétiques » ont
tenu à Pieusse, treize ans plus tôt, soit vers 1225, un « concile général » où les
hérétiques du Razès ont demandé un évêque pour eux-mêmes, pour éviter des
37
la construction de l’hérésie
38
la charte de niquinta…
Légende dissidente ?
Dans les groupes religieux où des structures d’autorité sont en train de
se mettre en place, il est tout à fait normal que leurs représentants créent
des récits légendaires sur les origines et sur la continuité de leur fonction.
L’origine historique de ces structures d’autorité, souvent multiple et précaire,
est remplacée par une origine mythique nette et une tradition d’autorité
directe et impeccable. On pourrait citer des dizaines d’exemples : les légendes
remplaçant la pluralité et la diversification des groupes des partisans de Jésus
par l’idée unilinéaire d’une Église apostolique 60 (contenues entre autres dans
les Actes des apôtres 61), les légendes par le biais desquelles les divers courants
franciscains se revendiquaient de saint François, les légendes des vaudois
médiévaux qui cherchaient parfois l’origine de leur Église au IVe siècle 62, les
légendes historiographiques de certains historiens protestants cherchant l’ori-
gine de leur foi chez les dissidents médiévaux 63, etc. Il est tout à fait normal
que des groupes et courants religieux ajustent et mythifient leur histoire –
bien sûr sans pour autant considérer cela comme une manipulation, voire
un mensonge.
J’ai proposé ailleurs plusieurs arguments pour considérer les récits du De
heresi catharorum et du Tractatus de hereticis sur les origines du catharisme en
Italie comme des récits polémiques, certes, mais gardant des éléments des
récits dissidents 64. Est-ce que la Charte de Niquinta pourrait être une telle
légende ? Cette éventualité, évoquée par Jacques Dalarun 65 et Jacques Chif-
foleau66, n’est pas improbable. Ainsi, les difficultés de l’hypothèse d’un rapport
historique disparaissent : que l’image de la dissidence dans la Charte soit celle
du XIIIe siècle, et non celle de 1167, ne surprend plus, et Papa Niquinta venu
de l’Orient jusqu’à Saint-Félix à une époque très précoce devient un person-
nage des récits italiens incorporé par Pierre Pollan et/ou Pierre Isarn, qui ont
39
la construction de l’hérésie
déjà pu connaître ces récits dans les années 1220, dans leur propre légende
sur l’origine de l’autorité épiscopale qu’il revendiquent.
De même, certains problèmes de l’hypothèse du faux soutenant des inté-
rêts concrets de Pierre Pollan et/ou Pierre Isarn disparaissent. C’est notamment
le cas du décalage entre la première partie de la Charte, relatant l’ordination
des évêques, et la seconde partie, relatant le bornage que ces derniers ne confir-
ment même pas. Dans cette optique, la première partie peut très bien poursui-
vre un autre but que de soutenir tout simplement un bornage forgé: elle donne
une identité et une histoire légendaire aux églises dissidentes du Midi. Aussi le
parallélisme entre le rassemblement de Saint-Félix et celui de Pieusse s’en trou-
verait-il expliqué: la description du rassemblement à Saint-Félix dans la Charte
serait une projection des idées et pratiques dissidentes des années 1220 67.
Dire que ce document pourrait être une légende ne revient pas à dire
qu’un rassemblement dissident local n’a pas pu avoir lieu à Saint-Félix, en
1167 ou une autre année. Au contraire, la longue liste des diviseurs, beau-
coup moins efficace, dans la logique du document, pour justifier le bornage,
qu’une éventuelle confirmation de celui-ci par Niquinta et les autres évêques,
fait penser à la possibilité d’un noyau historique. On peut aussi remarquer
l’autorité de Sicard Cellerier dans la Charte : il est le seul parmi les représen-
tants des groupes méridionaux à porter le titre d’évêque même avant l’ac-
tion de Niquinta et il se montre un personnage clé dans l’élection de Guiraud
Mercier, évêque de l’église du Carcassès. Ce détail peut-il cacher un souve-
nir historique d’une éventuelle ordination de Guiraud Mercier par Sicard ?
On n’en sait rien, mais on peut constater pour le moins qu’il y a, dans la
Charte, des éléments plus compréhensibles comme historiques que légen-
daires.
Il semble que l’hypothèse d’une légende fondatrice rencontre le moins de
difficultés. Elle tient compte de la notice finale et sait expliquer les données
« suspectes » de la Charte (un grand rassemblement international, la concorde
des églises orientales évoquée par Niquinta là où on ne peut même pas être
sûr qu’elles connaissaient l’existence l’une de l’autre, une image de la dissi-
dence qui ressemble plutôt à celle du XIIIe siècle qu’à celle de 1167, une struc-
ture épiscopale et une conscience de soi très concrète à une époque aussi
précoce), aussi bien que les liens étroits avec les récits sur les origines des
églises dissidentes italiennes.
Conclusion
La Charte de Niquinta est un véritable enjeu de la recherche actuelle sur
le catharisme. Mais trop souvent, les éventualités de l’origine du document
ont été réduites sans justification à la dichotomie authentique-faux. En fait,
la question du vrai ou faux est une question mal posée. Même le contenu
d’un document dissident authentique peut être plus ou moins mythique. Au
niveau théorique aussi, la véritable question scientifique n’est pas celle de la
vérité, mais celle des probabilités respectives des hypothèses proposées.
Séduisante à première vue, l’hypothèse du faux moderne affronte de graves
problèmes. Les réponses de Monique Zerner à l’analyse formelle du docu-
40
la charte de niquinta…
41
la construction de l’hérésie
42
la charte de niquinta…
18. Francesco Zambon, « Où en est le problème des Actes du “concile” de Saint-Félix ? À
propos de “L’histoire du catharisme en discussion” », dans Martin Aurell éd., Les cathares devant
l’Histoire. Mélanges offerts à Jean Duvernoy, Cahors, 2005, p. 135-144.
19. Monique Zerner, « Mise au point sur Les cathares devant l’histoire et retour sur L’his-
toire du catharisme en discussion. Le débat sur la Charte de Niquinta n’est pas clos », Journal
des savants, année 2006, numéro 2, p. 253-273.
20. Monique Zerner, « Compte rendu des interventions de M. Zerner, J.-L. Biget et
J. Chiffoleau », dans M. Zerner dir., L’histoire du catharisme en discussion…, op. cit., p. 37-43 ;
id., « La Charte de Niquinta, l’hérésie et l’érudition… », op. cit., p. 203-248.
21. J. Dalarun, D. Muzerelle dir., « La “Charte de Niquinta”, analyse formelle… », op.
cit., p. 135-201.
22. M. Zerner, « La Charte de Niquinta, l’hérésie et l’érudition… », op. cit., p. 203-248 ;
ead., « Mise au point… », op. cit., p. 253-273.
23. J. Dalarun, D. Muzerelle dir., « La “Charte de Niquinta”, analyse formelle… », op.
cit., p. 157-159, 163-164.
24. J. Dalarun, D. Muzerelle dir., « La “Charte de Niquinta”, analyse formelle… », op.
cit., p. 184-188.
25. M. Zerner, « Mise au point… », op. cit., p. 259.
26. Pour une analyse détaillée, voir J. Dalarun, D. Muzerelle dir., « La “Charte de Niquinta”,
analyse formelle… », op. cit., p. 150-158, 2001.
27. J. Dalarun, D. Muzerelle dir., « La “Charte de Niquinta”, analyse formelle… », op.
cit., p. 157-158.
28. M. Zerner, « Conclusion », dans M. Zerner dir., L’histoire du catharisme en discus-
sion…, op. cit., p. 250-251 ; id., « Mise au point… », op. cit., p. 260-261.
29. Julien Roche, « Enjeux et embûches de la recherche actuelle sur le catharisme : l’exem-
ple de la charte de Nicetas », dans Emmanuel Le Roy-Ladurie dir., Autour de Montaillou, un
village occitan : Histoire et religiosité d’une communauté villageoise au Moyen Âge, Castelnaud la
Chapelle, 2001, p. 261-262.
30. Célestin Douais éd., Documents pour servir à l’histoire de l’Inquisition dans le Langue-
doc, vol. 2, Paris, Renouard, 1900, p. 280 ; A. Dondaine éd., « Les actes du concile albi-
geois… », op. cit., p. 350 ; Julien Roche, Une Église cathare. L’évêché du Carcassès (Carcassonne
– Béziers – Narbonne), Cahors, 2005, p. 267-272.
31. Voir les citations dans A. Dondaine, « Les actes du concile albigeois… », p. 347, 350.
Cf. J. Roche, Une Église cathare…, op. cit., p. 267-272.
32. M. Zerner, « Conclusion… », op. cit., p. 249.
33. J.-L. Biget, « Un faux du XIIIe siècle ? Examen d’une hypothèse… », op. cit., p. 113-
114, n. 29 cite un long passage du texte où Dondaine avance cet argument, mais il l’abrège
d’une manière qui est pour le moins étrange : il substitue par trois points la partie principale
de l’argument.
34. M. Zerner, « Compte rendu des interventions de M. Zerner, J.-L. Biget et J. Chiffo-
leau… », op. cit., p. 43-49 ; J.-L. Biget, « Un faux du XIIIe siècle ? Examen d’une hypothèse… »,
op. cit., p. 105-133.
35. Cf. J. Dalarun et G.-G. Merlo dans « Débat du 30 janvier 1999… », op. cit., p. 66,
72.
36. À la lecture de la Charte, l’Église catholique semble ne pas exister même, ce qui est
typique des documents dissidents authentiques du XIIIe siècle comme les Rituels, mais inédit
chez les polémistes pour qui l’essence de l’hérésie est toujours le refus de ce que fait et prêche
l’Église catholique.
37. J. Roche, Une Église cathare…, op. cit., p. 87.
38. J.-L. Biget, « Un faux du XIIIe siècle ? Examen d’une hypothèse… », op. cit., p. 129.
39. Cf. A. Brenon dans « Débat du 30 janvier 1999… », op. cit., p. 98.
40. Cf. J. Roche, Une Église cathare…, op. cit., p. 81 ; M. Zerner, « Mise au point… », op.
cit., p. 256, 269.
41. Michel-Jean-Joseph Brial éd., Recueil des historiens des Gaules et de la France, vol. 14,
Paris, 1877, p. 431-434 ; Joannes Dominicus Mansi éd., Sacrorum conciliorium nova, et amplis-
sima collectio…, vol. 22, Venetiis, 1778, col. 157-168.
42. William Stubbs éd., The Historical Works of Gervase of Canterbury, vol. 1, The Chro-
nicle of the Reigns of Stephen, Henry II., and Richard I., London, 1879, p. 270-271 ; id. éd.,
Gesta regis Henrici secundi Benedicti abbatis : The Chronicle of the Reigns of Henry II. and Richard
I. A.D. 1169-1192, vol. 1, London, 1867, p. 202-206, 214-220 ; id. éd., Chronica Magistri
Rogeri de Houedene, vol. 2, London, 1869, p. 155-166.
43. J’ai présenté ailleurs des arguments qui incitent à ne pas considérer les récits du De
heresi et du Tractatus de hereticis sur les commencements des églises cathares en Italie comme
purement historiques et, en même temps, pour penser que ces récits ont gardé des éléments
43
la construction de l’hérésie
des légendes dissidentes sur les origines de leurs églises : D. Zbíral, « La Charte de Niquinta
et les récits sur les commencements des églises cathares en Italie et dans le Midi », Heresis, 44-
45, 2006, p. 135-162, notamment p. 143-148.
44. Pas directs ; entre Pierre Pollan et Pierre Isarn, Guiraud Abit semble avoir revendiqué
la dignité de l’évêque du Carcassès.
45. A. Dondaine éd., « Les actes du concile albigeois… », op. cit., p. 348.
46. J. Roche, « La Charte de Niquinta : un point sur la controverse », dans Edina Bozóky
dir., « Bogomiles, Patarins et Cathares », Slavica Occitania, 16, 2003 (numéro thématique),
p. 241 ; id., Une Église cathare…, op. cit., p. 247.
47. M. Zerner, « Mise au point… », op. cit., p. 269.
48. M. Zerner, « Mise au point… », op. cit., p. 256, 268-269.
49. A. Dondaine, « Les actes du concile albigeois… », op. cit., p. 349.
50. « Débat du 30 janvier 1999… », op. cit., p. 89.
51. Cf. J. Roche, Une Église cathare…, op. cit., p. 199.
52. Paris, Bibl. nat., fonds Baluze 7, 41r.
53. Paris, Bibl. nat., fonds Baluze 7, 41r.
54. Franjo Šanjek éd., « Raynerius Sacconi O. P. Summa de Catharis », Archivum Fratrum
Praedicatorum, 44, 1974, p. 48-49.
55. A. Dondaine, « Les actes du concile albigeois… », op. cit., p. 349.
56. On a souvent paraphrasé la Charte en termes de diocèses ou évêchés, mais la Charte
ne parle que d’églises (sauf bien sûr là où elle vise les évêchés catholiques). Il s’agit d’une raison
de plus pour douter de l’hypothèse de la rédaction polémique visant une contre-église héré-
tique qui soit une transposition des structures catholiques.
57. J. Roche, « Enjeux et embûches… », op. cit., p. 259.
58. Suzanne Nelli, « L’évêque cathare Guilhabert de Castres », Heresis, 4, 1985, p. 11-24,
en particulier 15-16, 19.
59. « Bernardus Catalanus et consilium ecclesie Carcasensis rogatus ac mandatus ab ecclesia
Tolosana… » (Paris, Bibl. nat., fonds Baluze 7, 41r).
60. Cf. Dalibor Papoušek, « Pella a Javne : Dvě legendy o kontinuitě », Religio. Revue pro
religionistiku, 6, 1998, p. 167-188.
61. Cf. Todd Penner, Caroline Vander Stichele dir., Contextualizing Acts. Lukan Narra-
tive and Greco-Roman Discourse, Atlanta, 2003 ; Ron Cameron, Merrill P. Miller dir., Redes-
cribing Christian Origins, Atlanta, 2004 ; Todd Penner, In Praise of Christian Origins. Stephen
and the Hellenists in Lukan Apologetic Historiography, New York et London, 2004 ; etc.
62. Cf. Peter Biller, « Medieval Waldensians’Construction of the Past », dans id., The
Waldenses, 1170-1530. Between a Religious Order and a Church, Aldershot, 2001, p. 191-206.
63. Cf. Guy Bedouelle, « Les Albigeois, témoins du véritable Évangile : L’historiographie
protestante du XVIe et du début du XVIIe siècle », dans « Historiographie du catharisme »,
Cahiers de Fanjeaux, 14, Toulouse, 1979, p. 47-70.
64. D. Zbíral, « La Charte de Niquinta et les récits sur les commencements… », op. cit.,
p. 143-148.
65. « Débat du 30 janvier 1999… », op. cit., p. 59-60, 89.
66. « Débat du 30 janvier 1999… », op. cit., p. 69, 77.
67. Peut-être du rassemblement de Pieusse même, mais dans cette éventualité, il faudrait
probablement considérer l’an 1223 de la notice finale de la Charte comme une antidate.
1209-2009,
cathares :
une histoire à pacifier ?
actes du colloque international tenu à Mazamet
les 15, 16 et 17 mai 2009
sous la présidence de Jean-Claude Hélas
ISBN 978-2-86266-629-7
29 €