R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
MAI 2020
LES DOCUMENTS DE TRAVAIL DU SÉNAT
ÉTUDES INTERNATIONALES
DIRECTION
DES RELATIONS
INTERNATIONALES
ET DU PROTOCOLE
NI-2020-12
Ce document constitue un instrument de travail élaboré, à la demande des sénateurs, par la Direction des
Relations internationales et du Protocole. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position
susceptible d’engager le Sénat.
LE RÔLE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
DANS LA GESTION DE L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19
La Direction des Relations internationales et du Protocole a conduit une recherche sur le rôle tenu par les
collectivités territoriales d’un certain nombre d’États fédéraux ou fortement décentralisés dans la gestion de la
crise engendrée par l’épidémie de Covid-19.
Essentiel durant la gestion d’une crise comme
celle du Covid-19, le rôle des collectivités
territoriales dépend à la fois de la structure
institutionnelle du pays étudié et de la
répartition des compétences entre le niveau
central et le niveau local (I), ainsi que de la
pratique et des rapports de force politique
entre les divers échelons impliqués (II).
I. Face à l’épidémie de Covid-19,
une répartition des compétences
complexe et éclatée entre les
échelons étatiques et territoriaux
A – Une répartition des compétences
complexe entre pouvoir central et
collectivités
Les pays retenus par la présente étude
relèvent de deux catégories distinctes : d’une
part, les États unitaires régionalisés, où les
régions bénéficient de l’autonomie législative
(Espagne, Italie) ; d’autre part, les États
fédéraux, où l'échelon intermédiaire a forme
d'État et dispose de sa propre Constitution
(Allemagne, Belgique, États-Unis, Suisse).
1°. Déterminée par la Constitution, la
répartition des compétences confère une
liberté variable aux collectivités pour
édicter leur politique sanitaire.
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Les États fédéraux étudiés partagent un
mécanisme commun de répartition des
compétences entre l’État fédéral – ou
Fédération – et les États fédérés, à savoir, une
clause générale de compétence au bénéfice
des États fédérés. En vertu de cette clause, la
santé publique relève de la compétence des
États fédérés.
En Allemagne, cette répartition des
compétences est régie par l’article 30 de la Loi
fondamentale de 1990, selon lequel
« l’exercice des pouvoirs étatiques et
l’accomplissement des missions de l’État
relèvent des Länder, à moins que la Loi
fondamentale n’en dispose autrement ou
n’autorise une règle différente ». En particulier,
la gestion de crise dans le cas de
catastrophes ou sinistres majeurs de portée
nationale revient en premier lieu aux Länder et
aux communes, de même que les politiques
d’éducation. En Belgique, conformément à la
répartition des compétences entre l’État
fédéral, les communautés et les régions, régie
par la loi spéciale du 8 août 1980 1, la
compétence sanitaire relève à la fois de l’État
fédéral, des communautés et des régions.
e
Le X amendement à la Constitution des
États-Unis pose le principe d’une compétence
générale des États fédérés et d’une
compétence d’attribution de l’État fédéral.
1
L’article 35 de la Constitution n’étant pas entré en vigueur.
 2 LE RÔLE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES FACE À L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19
Aussi les pouvoirs en matière de santé
publique et de police appartiennent-ils aux
seuls États fédérés.
Enfin, les cantons suisses détiennent la
compétence sanitaire sur le fondement des
articles 3, 42 et 43 de la Constitution suisse,
qui prévoient respectivement que « les cantons
sont souverains en tant que leur souveraineté
n’est pas limitée par la Constitution fédérale et
exercent tous les droits qui ne sont pas
délégués à la Confédération », que « la
Confédération accomplit les tâches que lui
attribue la Constitution » et que « les cantons
définissent les tâches qu’ils accomplissent
dans le cadre de leurs compétences ».
Les États unitaires régionalisés octroient
pour leur part une forte autonomie en matière
sanitaire aux régions ou communautés.
L’État espagnol, fondé sur le principe de
l’autonomie territoriale, comporte ainsi 17
communautés autonomes, qui se sont
développées de façon hétérogène, et qui
possèdent aujourd’hui des compétences très
variables et inégales. Les domaines de
l’éducation et de la santé font néanmoins
systématiquement partie de leurs attributions.
En outre, l’article 149 de la Constitution de
1978 précise que les matières non attribuées
expressément à l’État peuvent être assumées
par les Communautés, les autres compétences
relevant de l’État.
L’Italie comporte, quant à elle, 20 régions (cinq
d’entre elles 2 bénéficiant d’une autonomie
élargie, garantie par des statuts spécifiques),
dont les pouvoirs sont définis par les articles
114 à 133 de la Constitution. La réforme
constitutionnelle de 2001 les a renforcées en
supprimant la limitation de leurs domaines de
compétences. De nombreuses compétences
n’en restent pas moins partagées entre l’État
et les régions : il en va ainsi de la santé, de
l’enseignement, ou de la sécurité au travail.
2°. En période de crise, la répartition
constitutionnelle des compétences peut
susciter des difficultés particulières.
Le fait que la santé soit une compétence
partagée entre les États (fédéraux et unitaires)
et les entités infra-étatiques a pu rendre la
gestion de la crise plus difficile.
Un certain enchevêtrement des responsabilités
est ainsi visible en Allemagne : alors que la
lutte contre les pandémies, qui relève de la
« protection contre les dangers », constitue un
domaine de la compétence législative des
Länder, les mesures juridiques de prévention
et de réaction face à des épidémies sont pour
leur part élaborées par l’État fédéral.
2
À savoir, la Sicile, la Sardaigne, le Trentin-Haut Adige, la Frioul-
Vénétie Julienne et le Val d'Aoste.
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De même, en Belgique, les compétences en
matière de santé sont éclatées entre les
communautés, les régions et l’Autorité
fédérale. Et la gestion d’une épidémie ne
correspond pas, en tant que telle, à une
compétence qui reviendrait exclusivement à un
niveau de pouvoir déterminé.
Le partage des compétences en matière de
santé publique peut également poser
problème dans les États unitaires,
occasionnant en Italie des tractations entre le
gouvernement central et les régions, qui sont
libres d’administrer comme elles le souhaitent
leurs systèmes sanitaires et scolaires.
B – De multiples échelons territoriaux
impliqués dans la gestion de crise
La lutte contre un virus mondialisé met en
évidence une dialectique où l’État central d’un
côté, et le principal échelon de collectivités
3
situé immédiatement en-dessous de l’autre ,
jouent un rôle prééminent. Toutefois, de
nombreux autres niveaux de collectivités,
variant d’un pays à l’autre, y prennent
également une part active.
C’est le cas tout d’abord des entités infra-
régionales. Subdivisions des Länder, les
districts allemands, présents dans quatre
Länder, ont, en coordination avec ces derniers,
joué un rôle substantiel. Les autorités
sanitaires du district du Rhin-Neckar par
exemple, dans le Bade-Wurtemberg, ont
restructuré les fonctions de santé locales en
réallouant le personnel entre services, et lancé
un ambitieux programme de test et de
recherche des contacts.
À un niveau de subdivision encore inférieur,
intermédiaire entre districts et municipalités,
les 294 arrondissements (Kreise ou
Ländkreise) et les 107 villes-arrondissements
(Stadtkreis ou kreisfreie Stadt) ont relayé
l’action des Länder au plus près du terrain,
avec des appréciations divergentes au vu des
circonstances locales. Ainsi, lorsque
l’arrondissement de Coesfeld décidait de
maintenir les restrictions sur l’ensemble de son
territoire, à la suite d’une nouvelle vague
d’infections et en vertu du dispositif de
« freinage d’urgence » prévu par le
4
gouvernement fédéral , l’arrondissement de
Greiz faisait un choix inverse, préférant décider
d’un confinement à une échelle « micro-
3
Länder en Allemagne, régions et communautés en Belgique,
cantons en Suisse, États fédérés aux États-Unis pour ce qui est
des États fédéraux, communautés autonomes en Espagne et
régions en Italie pour ce qui est des États décentralisés.
4
Dispositif permettant de suspendre les mesures de confinement
dans un arrondissement si l’infection y dépasse 50 nouveaux cas
pour 100 000 habitants en 7 jours.
LE RÔLE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES FACE À L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19
locale » – celle des seuls établissements
touchés.
Les regroupements de communes sont
intervenus dans la gestion de la crise. C’est le
cas des provinces en Espagne et en Italie, des
Stadtwerke en Allemagne et en Autriche, qui
gèrent la plupart des services publics locaux,
ou encore des groupements intercommunaux
en France. À titre d’exemple, certains
regroupements ont pu créer des fonds de
secours pour les acteurs économiques,
acheter et distribuer des masques de
protection pour la population locale, ou
encore règlementer des voies de passage
transfrontalières.
À un niveau encore inférieur et au plus proche
du terrain, les municipalités ont aussi été
pleinement investies dans la gestion de
l’épidémie. C’est un véritable « retour du
5
politique, en particulier dans les communes » ,
qui a été observé dans de très nombreux pays,
les maires ayant souvent été « les
ambassadeurs des décisions prises à d’autres
6
niveaux de pouvoir » .
Il est vrai que la constitution de certains États
donne parfois d’importants pouvoirs de
gestion de crise à l’échelon communal.
C’est le cas de la Loi fondamentale allemande,
qui leur reconnaît compétence en premier lieu,
aux côtés des Länder, en cas de
catastrophes ou de sinistres majeurs de
portée nationale. Principe de proximité oblige,
les communes sont en effet « plus
compétentes pour juger de la situation et (…)
prendre des décisions pour la santé de la
7
population » , avec le plus souvent l’accord et
le soutien de leur Land. Figures majeures de
la vie politique locale, les Oberbürgermeister
(maires des grandes communes) y assurent
ainsi, entre autres, le contrôle hiérarchique de
quelque 380 services de santé publique
(« Gesundheitsamt »). En France, outre que
les maires prennent une part active à la
gouvernance de l’établissement public de
santé communal et de l’agence régionale de
santé (ARS), ils interviennent pour activer le
volet « crise sanitaire » de leurs plans
communaux de sauvegarde (PCS).
Par ailleurs, les maires possèdent en général
un pouvoir règlementaire leur permettant de
prendre des mesures au nom de la santé
publique. Il y aurait ainsi eu, en Italie, de
30 000 à 40 000 arrêtés municipaux en lien
avec la crise. Le champ de ces interventions,
qui a parfois eu un effet d’entraînement sur
5
Selon les mots du conseiller d’État fribourgeois Didier Castella.
6 11
Selon Maxime Daye, bourgmestre de Braine-le-Conte en
Belgique.
7
Selon Armin Laschet, ministre-président de la région de
Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
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3
8
d’autres collectivités , est potentiellement
vaste. Nombre d’entre elles ont eu pour objet
9
d’imposer le port du masque dans les villes ,
voire de règlementer leur accès pour des
populations jugées à risque.
Sur un plan moins coercitif, les élus locaux, en
contact direct avec leurs concitoyens, les ont
rassurés et leur ont apporté un soutien
pratique et immédiat dans toutes les
dimensions de la vie quotidienne en
période de crise : information sur le
coronavirus et les bonnes pratiques à
respecter, garantie de la continuité des
services publics, prise de contact avec les
personnes âgées résidant seules, coordination
des chaînes de solidarité, achat et distribution
de masques, reconversion de bâtiments
municipaux en abris d’urgence, accueil en
quatorzaine de citoyens rapatriés, organisation
du télétravail des employés municipaux,
soutien aux entreprises…
Enfin, et même si elle revêt un aspect moins
directement opérationnel, il convient de citer la
coopération entre les villes parmi les modes
d’action des collectivités contre l’épidémie. Les
plateformes mises en place dans ce cadre leur
ont permis de partager leurs connaissances et
expertise pour surmonter la crise, que ce soit
10 11
dans un même pays ou à l’international .
II. Le cadre institutionnel à
l’épreuve de la crise du Covid-19
Dans le contexte de la crise du Covid-19 et de
ses multiples aspects (sanitaire, économique,
social, éducatif), la répartition complexe des
compétences à de multiples échelons a pu
mener à des tensions entre un pouvoir central
cherchant à les reconcentrer à son profit et des
collectivités désireuses de les exercer
librement. Les risques de crise institutionnelle
qui ont pu parfois en découler se sont toutefois
dénoués au prix soit d’un recul de l’État, soit
de la négociation d’accords avec les
collectivités.
8
Aux États-Unis, les villes de Houston et Atlanta, en déclarant le
confinement, ont accéléré les changements de posture de leurs
gouverneurs, tout comme celle de Halle en Allemagne.
9
Cela a été le cas, dans toute ou partie des lieux publics, à Iéna,
Nice, Kiev, Mexico, Buenos Aires, Douala, Kinshasa…
10
Aux États-Unis, la Corona Local Response Inititiative et la
National League of Cities.
Réseau international Métropolis, plateforme proposée par
l’association internationale des maires francophones (AIMF),
initiative The Global Mayor Covid-19 Recovery Task Force du
réseau C40…
 4 LE RÔLE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES FACE À L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19
13
A – Un réflexe centralisateur aboutissant Catalogne . Les régions espagnoles ont
souvent à des tensions avec les également reproché au pouvoir central des
collectivités inégalités dans la distribution de matériels de
protection et dans la gestion des
Depuis le début de l’épidémie, la tendance
infrastructures hospitalières, incitant certaines
centripète des autorités centrales a été
d’entre elles à passer seules des commandes
observée dans la plupart des États, y compris
de matériel sur le marché chinois (Aragon,
ceux de tradition fédérale.
Madrid, Valence).
En Allemagne, où la politique sanitaire est une
En Italie, alors que la santé est une
compétence des Länder et où l’État fédéral ne
compétence des régions et qu’elles disposent
peut imposer ses décisions au niveau national,
d’une large autonomie en la matière, le
la diversité des réponses apportées par les 16
gouvernement, jugeant la gestion de la crise
Länder au début du mois de mars – les écoles,
insatisfaisante et excessivement disparate, a
magasins ou encore les cinémas y obéissaient
dans un premier temps souhaité réduire les
à des règles de restriction différentes en
pouvoirs de leurs présidents. Il est vrai que
fonction des régions – a poussé le gouvernement
les stratégies et les résultats ont été fort
fédéral à privilégier des mesures uniformes.
différents d’une région à l’autre, voire à
Dans cette optique, le Bundestag a adopté, le
l’intérieur d’une même région : ainsi, bien que
25 mars, une loi sur la protection contre les
voisine de la Lombardie, globalement très
infections (Infektionsschutzgesetz), qui attribue
affectée par le virus, la Vénétie, précocement
des compétences renforcées au ministère
touchée, l’a remarquablement endigué
fédéral de la Santé. Cette reconcentration
notamment grâce à des centaines de milliers
des pouvoirs à l’échelon fédéral a été perçue
de tests ; en Lombardie, la province du Lodi,
par certains ministres-présidents des Länder
qui a fait l’objet de rapides mesures de
comme une entorse aux principes du
confinement, a vite maîtrisé la situation, tandis
fédéralisme allemand. En outre, les mesures
que celle de Bergame, plus dense, fortement
de restriction recommandées par le
industrialisée et privilégiant la préservation de
gouvernement fédéral ont été critiquées au
l’activité économique, est devenue le principal
niveau régional : certains Länder dénonçaient
cluster du pays. Exacerbées par des
leur aspect liberticide ou non proportionné, 14
considérations politiques et tenant à la
dans un pays où la diffusion du virus a été
fracture Nord–Sud, les divergences
limitée ; d’autres prenaient les devants car les
d’appréciation sur la politique sanitaire à
jugeant trop tardives. Au final, plusieurs
mener entre pouvoir central et régions, dont
Länder ne s’y sont pas conformés (Bavière,
les ordonnances locales sont allées pour
Saxe-Anhalt, Mecklembourg-Poméranie...),
certaines dans le sens inverse de ce qui était
sans que le gouvernement fédéral soit en
demandé par le gouvernement, ont ainsi
mesure de les y contraindre.
rapidement placé le pays au bord d’une « crise
15
En Espagne, les tensions qui existaient déjà institutionnelle » .
entre les autorités centrales et les régions se
En Suisse, pays éminemment fédéral, la
sont exacerbées durant la crise. Ne parvenant
gestion de l’épidémie a également révélé
pas à imposer des mesures d’ordre public sur
quelques tensions, notamment au début de
l’ensemble du pays et critiqué pour son
l’épidémie, et donné lieu à une intervention
inaction, le gouvernement espagnol a déclaré,
verticale du gouvernement. Sous la pression
le 14 mars, l’état d’urgence sur le fondement
des cantons latins de Romandie et du Tessin,
de l’article 116 de la Constitution. L’objectif
plus proches des foyers d’infection italien et
était de recentraliser certains pouvoirs des
donc précocement affectés, le Conseil fédéral
17 communautés autonomes en matière de
12 a cherché, début mars, à obtenir par la
santé et de police , avant de durcir le
négociation une plus grande uniformisation
confinement en mettant en place l’état
des mesures prises par ses entités fédérées.
d’alerte le 30 mars. La mise en œuvre de ces
Devant l’absence de consensus, notamment
procédures, alliée à la décision prise sans
du fait de la position plus mesurée des cantons
concertation avec les autorités régionales de
alémaniques, moins affectés par l’épidémie et
limiter l’activité économique au strict minimum,
davantage sensibles à son impact
a attisé l’hostilité de certaines collectivités,
économique, le Conseil fédéral a privilégié le
notamment celles marquées par des velléités
indépendantistes et une forte dimension
industrielle, telles que le Pays Basque et la 13
Le chef de l’Exécutif catalan, Quim Torra, allant jusqu’à
dénoncer la « mise sous tutelle de l’État espagnol ».
14
Les régions du Nord du pays sont gouvernées par La Ligue de
Matteo Salvini, favorable à un élargissement des pouvoirs locaux
12
« L’autorité compétente sur tout le territoire devient le et s’opposant au gouvernement de Giuseppe Conte.
15
gouvernement d’Espagne » a alors résumé le Premier ministre Selon le journal L’Opinion, le quotidien turinois La Stampa
Pedro Sanchez. parlant quant à lui de « cacophonie institutionnelle ».

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LE RÔLE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES FACE À L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19
maintien d’un cadre national cohérent en
décrétant, le 17 mars, la loi d’urgence et en
prenant des mesures de confinement proches
de celles de la France.
Aux États-Unis, les relations entre
l’administration centrale et les entités fédérées
se sont rapidement tendues. Dans un premier
temps, des États d’importance comme ceux de
New York et de Californie se sont substitués
aux autorités fédérales, longtemps inactives,
en recourant à leurs nombreuses
prérogatives règlementaires et sanitaires,
renforcées après les attentats terroristes de
2001 à travers le Model State Emergency
Health Powers Act, adopté en 2002. Dans un
second temps et à l’inverse, la reprise en main
du leadership par l’administration centrale,
rendue inévitable par l’avancée du virus, a
entraîné l’opposition de certains États aux
mesures fédérales restrictives et à leur
calendrier de déconfinement, au nom de la
préservation des emplois et des libertés
individuelles constitutionnelles. Ce mouvement de
contestation, provenant tant des populations
locales que des municipalités, a été relayé par
le président Trump lui-même, ce dernier ayant
notamment appelé à « libérer » le Michigan, la
Virginie et le Minnesota, trois États
démocrates stratégiques pour les élections
présidentielles.
B – Des concessions à la coopération, le
dénouement des difficultés institutionnelles
Les tensions souvent observées entre pouvoir
central et collectivités durant la crise du Covid-
19 ont pu être, en partie au moins, surmontées
au prix le plus souvent d’un recul du premier
ou de la mise au point d’ententes entre les
deux échelons de pouvoirs.
En Allemagne, sous la pression de l’ensemble
des Länder, soucieux d’obtenir un contrôle
accru sur le rythme du déconfinement, la
Chancelière Angela Merkel a mené des
négociations avec les 16 présidents-ministres
ayant débouché sur un accord. Permettant de
préserver la cohésion nationale, ce cadre
commun est suffisamment souple en vue de
respecter l’autonomie des régions et de
permettre une adaptation du processus en
fonction des situations locales, tout en
garantissant un minimum d’uniformisation à
travers la mesure de « freinage d’urgence »,
applicable sur l’ensemble du territoire (voir
supra). Ainsi, à l’origine favorable à un
déconfinement gradué, la Chancelière a
finalement été contrainte d’annoncer, le 6 mai,
une réouverture rapide du pays renvoyant, à
des décisions locales, le rythme
d’assouplissement des mesures de
restriction fédérales. Si des disparités
régionales s’en sont suivies, elles s’inscrivent
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5
dans la logique d’un État fédéral où le
gouvernement central, disposant de peu
d’autorité à l’encontre de ses entités fédérées,
joue davantage un rôle de soutien et de
coordination. Elles ont, au final, donné
l’impression, « tant à l’intérieur qu’à l’extérieur
de l’Allemagne, (…) que la réponse du pays au
coronavirus semble relativement harmonieuse
et efficace, les gouvernements fédéral,
étatique et local travaillant ensemble pour
créer un mélange de connaissance du terrain,
de gestion intelligente et de puissance de feu
financière qui semble représenter le meilleur
scénario pour la gestion fédéraliste des
16
catastrophes » .
En Espagne, la « guérilla institutionnelle »
apparue entre l’État central et les régions au
début de l’épidémie a été légèrement atténuée
par la relative souplesse du plan de
déconfinement présenté le 28 avril par le
gouvernement. Découpé en quatre volets et
visant un retour à la normale d’ici la fin juin, il
est en effet adapté selon différents facteurs
variant d’une province à l’autre et doit être à
ce titre, selon les mots du Premier ministre,
« implémenté différemment selon les régions
du pays ». Dans un État où la crise liée au
Covid-19 aura révélé les limites du système
institutionnel, les exemples de coopération
seront davantage venus des relations entre
régions qu’entre l’État et ces dernières.
Souvent solidaires, dans la limite de leurs
différences d’appartenance politique, maintenant
toujours le dialogue, elles se sont notamment
échangées du matériel médical et ont réfléchi
à un transfert de patients entre elles.
En Italie, renonçant finalement à des transferts
de compétences, le gouvernement a fait
adopter un plan en plusieurs actes, constitutif
d’un compromis avec les régions.
Susceptible d’être revu en cas de nouvelle
vague épidémique et devant s’étaler jusqu’au
er
1 juin, il comporte des mesures nationales
que les collectivités peuvent adapter par
ordonnance en fonction des évolutions
locales. Si ce modus vivendi a permis de
rétablir provisoirement une certaine sérénité
17
dans la gestion de la crise , celle-ci reste
fragile : la phase II du plan, qui prévoit un
déconfinement échelonné à compter du 4 mai
sur plusieurs semaines selon les types
d'activité économiques, a rapidement été jugée
trop timide par certains présidents de région.
En outre, la possibilité d’édicter des
« exceptions » aux mesures nationales,
16
Coronavirus : la fausse crise du fédéralisme, Le Grand continent,
15 mai 2020.
17
Le Président du Conseil, Giuseppe Conte, s’étant même
« félicit(é) de l'excellente collaboration à tous les niveaux
institutionnels ».
 6 LE RÔLE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES FACE À L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19

largement utilisée par les provinces, nuit extraordinaire » où le cadre général est fixé au
grandement à la clarté de la règlementation niveau central.
18
pour les administrés et donne lieu à des
Comme en Italie, la coopération semble au
débats sur le caractère toujours unitaire de
final n’avoir joué, aux États-Unis, qu’entre
l’État italien. Au final, l’épisode du coronavirus
certains États. En l’absence d’une véritable
aurait révélé, dans un système quasi-fédéral,
gouvernance fédérale comme celle qu’avait
un « nouveau sujet de réflexion (…) autour de
connu le pays lors de l’ouragan Katrina, New
la hiérarchie politique de son territoire »,
York, le New-Jersey, le Connecticut et la
marqué par « un système de double prise de
Pennsylvanie se sont par exemple entendus à
décision (qui) a l’avantage de pouvoir mieux
la mi-mars sur les restrictions à imposer afin
gérer et adapter les mesures aux aspérités et
d’éviter des phénomènes de « state
caractéristiques d’une région précise, mais 21
shopping » . Le plan de déconfinement –
(qui) a montré les limites du pouvoir central,
« Opening up America again » - présenté le 16
incapable de mettre toutes les régions à
19 avril - a cependant été élaboré par
l’unisson » .
l’administration fédérale en tenant compte des
La Belgique, pays dépourvu de hiérarchie des disparités de situation entre les États et en
normes entre les lois fédérales et les décrets laissant une importante marge de manœuvre
régionaux, présente le paradoxe d’une aux gouverneurs pour le mettre en œuvre par
réponse globalement concertée à la étapes, aboutissant à des situations largement
22
pandémie et d’un bilan sanitaire lourd. Les divergentes d’un territoire à l’autre .
mesures prises par l’Autorité fédérale l’ont en
***
effet été en associant étroitement les entités
fédérées : le Conseil national de sécurité, au Au final, la crise du coronavirus aura mis en
sein duquel elles sont représentées, a été lumière tant les vertus des modèles d’États
soigneusement consulté, et les décisions ont fédéraux et unitaires décentralisés (flexibilité,
été solennellement annoncées, les 12 et 17 proximité, pragmatisme) que certaines limites
mars, par la Première ministre, Sophie Wilmès, (réflexes centrifuges générateurs de conflits,
à la tête d’un gouvernement formé en urgence, disparité des réponses locales).
entourée des ministres-présidents des
collectivités. Les mesures d’application des
arrêtés ministériels ont par ailleurs été
décidées à l’échelle territoriale, et ce jusqu’à
l’échelon communal, qui a pu bénéficier d’une
souplesse budgétaire pour faire engager les
dépenses nécessaires. Le fort taux de
mortalité enregistré par le pays s’expliquerait,
selon les autorités belges, par une méthode
de comptage, plus large que dans d’autres
pays.
En Suisse, l’apaisement des relations entre
l’État fédéral et ses cantons s’est fait à la suite
de la proclamation de la loi d’urgence par le
premier et des mesures de restriction qui s’en
sont suivies, unanimement soutenues par
l’ensemble des partis politiques et cantons
qu’ils représentent. Si la procédure de
déconfinement, amorcée le 27 avril, donne lieu
à des approches différenciées dans certains
20
cantons , celles-ci sont perçues, ainsi qu’en
Allemagne, comme inhérentes à un esprit
fédéraliste permettant d’apporter des nuances
régionales dans un régime de « situation

18
Le quotidien La Repubblica s’est ainsi inquiété de ce qu’une
« série d'arrêtés régionaux vont donner lieu à 20 versions
différentes (une par région) de la phase 2, au sein d'une même
nation ». De larges exceptions au cadre national ont en effet été
prises en Sicile, Calabre, Lombardie, Piémont, Toscane…
19 21
Déconfinement en Italie : le conflit Rome-régions ? IRIS, Fabien Circulation de résidents entre États voisins en vue de profiter du
Gibault, 29 avril 2020. régime juridique leur étant le plus favorable.
20 22
Ceux d’Argovie et de Saint-Gall, par exemple, souhaitant La Géorgie, le Texas et la Floride l’ont ainsi mis en œuvre
accélérer la sortie de crise, là où celui de Genève a continué à se précocement, quand Washington et New-York restent encore
montrer très restrictif. confinés.

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