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Bulletin des Transports et de la Logistique - 20022944>


JURISPRUDENCE

Clause Paramount : Bruxelles ou Hambourg ?

Arrêt de la Cour de cassation (ch. com.) du 28 mai 2002


M. Tricot, ff. président ; Mmes Aubert, Vigneron, Tric, Besançon, Lardennois, MM. Badi, Cahart, conseillers Sté Rosco Shipping Co Monrovia Liberia contre Sté
Stemship

OBSERVATIONS A l’issue d’un transport de Thaïlande au Sénégal, des avaries sont constatées. Les assureurs, subrogés dans les droits du notify, assignent le
transporteur et le club de protection. Satisfaction leur est donnée sur la base de la Convention de Bruxelles. Estimant la réparation insuffisante, les demandeurs
revendiquent l’application des Règles de Hambourg beaucoup plus généreuses au plan indemnitaire et moins restrictives en présence d’une clause F.I.O.
Question : quel régime appliquer à un transport de ce type, sachant que la Thaïlande n’a pas adhéré à la Convention de Bruxelles originelle, que le Sénégal a
ratifié Hambourg sans dénoncer la Convention de 1924 et que le connaissement comporte une clause Paramount à tiroirs ? En l’espèce, cette disposition
présentait plusieurs options :

● renvoi à la Convention de 1924 si elle avait été ratifiée par le pays du port de chargement ;
● à défaut, application de la loi correspondante de l’Etat de destination ou, si elle n’était pas impérative, retour à Bruxelles. A l’appui de leur pourvoi, les
assureurs soutenaient que seule Hambourg régissait le transport puisque les Règles figuraient dans la législation sénégalaise depuis 1992 et que leur
champ englobait le transport en question. Se ralliant à l’interprétation de la clause par la cour d’appel, la juridiction suprême estime qu’elle désigne
clairement la Convention de 1924 . Par ailleurs, la loi sénégalaise ne comportant aucune disposition impérative, rien n’établissait que ce pays ait
dénoncé Bruxelles, le temps imparti n’étant pas expiré lors du transport litigieux. Rappelons, en effet, que l’article 31 paragraphe 4 des Règles de
Hambourg prévoit une transition « en douceur » avec possibilité de renoncer à la Convention originaire dans un délai de 5 ans à compter de leur entrée en
vigueur (1er novembre 1992), la décision devant être notifiée au Gouvernement belge (voir BTL 2000, p. 14 et 43). Dernier point concernant la charge de
la preuve : c’est à celui qui se prévaut d’une loi d’établir son existence et son contenu (article 1315, al. 1 du Code civil)

La Cour, Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :


Attendu, selon l’arrêt déféré (Aix-en-Provence, 2 décembre 1999), que la Sté Rosco Shipping Co (Sté Rosco) a pris une marchandise en charge sous
connaissement, à bord du navire « World Apollo » au départ de Koshichang (Thaïlande) à destination de Dakar (Sénégal) ; que des avaries ayant été constatées
à l’arrivée et après que la Steam Ship Mutual Underwriting Association, club de protection de l’armateur (le club), eut émis une lettre de garantie, les compagnies
d’assurances, Sénégalaise d’assurances et de réassurances, Assurance générale du Sénégal, Sonam, Nationale d’assurances et SNAS (les assureurs), se
prétendant subrogées dans les droits de la Caisse de péréquation et de stabilisation des prix, « notify » au connaissement, ont assigné la Sté Rosco ainsi que le
club en indemnisation de leur préjudice ; que la cour d’appel a mis le club hors de cause et limité la condamnation de la Sté Rosco à la somme de 83 471 dollars
américains ;
Attendu que le club ainsi que les assureurs reprochent à l’arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

● que la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 en matière de connaissement s’applique à tout connaissement créé dans un des Etats contractants de
telle sorte qu’en appliquant ladite Convention au transport litigieux bien que la Thaïlande, pays d’émission du connaissement et du port de chargement, en
soit pas partie à ce Traité, la cour d’appel a violé l’article 10 de ladite Convention ;
● que les Règles de Hambourg sont en vigueur au Sénégal depuis le 1er novembre 1992, soit antérieurement à la date du contrat de transport litigieux et s’y
appliquent de plein droit suivant son article 2.1ob) à tout contrat de transport par mer entre deux Etats différents quand le port de déchargement prévu au
contrat est situé dans un Etat contractant de telle sorte qu’en exigeant du transporteur maritime qu’il rapporte la preuve de ce que le Sénégal aurait
dénoncé la Convention de 1924 , la cour d’appel a ajouté au texte une condition non prévue, violant les articles 2 et 31, paragraphes 1 et 4 des Règles de
Hambourg ;
● que la clause Paramount insérée au verso du connaissement précisait que la loi applicable serait la Convention de 1924 si elle avait été ratifiée par le
pays de chargement et qu’à défaut, la loi applicable serait la loi correspondante applicable dans le pays de destination ou encore la Convention de 1924 si
le chargement avait eu lieu dans un port d’un Etat non contractant à la Convention de 1924 et si la législation du pays de destination n’était pas
obligatoirement applicable ; que la clause Paramount proposait donc une alternative selon que la loi applicable était celle de l’Etat du port de chargement ou
celle de l’Etat du port de déchargement, envisageant, dans cette deuxième hypothèse, une nouvelle distinction ; qu’en se bornant à affirmer que la clause
Paramount renvoyait à la Convention de 1924 , la cour d’appel a dénaturé ladite clause, violant ainsi l’article 1134 du Code civil ;
● qu’en se bornant à affirmer que la clause Paramount donnait compétence à la Convention de 1924 sans rechercher quelle était la loi choisie par les
parties d’après les trois possibilités offertes par la clause Paramount, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article
1134 du Code civil ;

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Mais attendu, en premier lieu, que c’est par une interprétation souveraine de la clause Paramount, exclusive de dénaturation, que la cour d’appel a retenu que
cette dernière renvoyait à la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 ;
Attendu, en second lieu, que c’est par une décision motivée et sans dénaturer la législation sénégalaise que la cour d’appel a retenu que la Convention du
31 mars 1978 , dite « Règles de Hambourg », ne trouvait pas à s’appliquer en l’espèce ; qu’ayant ainsi retenu, d’un côté, que la Convention du 25 août 1924 était
celle à laquelle renvoyait la clause Paramount et, d’un autre côté, qu’aucune règle impérative ne s’opposait à ce choix des parties, la cour d’appel a légalement
justifié sa décision.
D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches.
SCP Peignot et Garreau, Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocats.

30/04/2011

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