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Tiers-Monde

Pour une nouvelle politique de la vulgarisation agricole au Rwanda


Jean Bagirameshi, Cléophas Bazihizina, Michel Barnaud

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Bagirameshi Jean, Bazihizina Cléophas, Barnaud Michel. Pour une nouvelle politique de la vulgarisation agricole au Rwanda.
In: Tiers-Monde, tome 27, n°106, 1986. L'Afrique des Grands Lacs. pp. 419-437;

doi : https://doi.org/10.3406/tiers.1986.4471

https://www.persee.fr/doc/tiers_0040-7356_1986_num_27_106_4471

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POUR UNE NOUVELLE PRATIQUE
DE LA VULGARISATION AGRICOLE
AU RWANDA

par Jean Bagirameshi


Cléophas Bazihizina, Michel Barnaud*

Confronté à de redoutables contraintes dans le domaine agricole,


le gouvernement rwandais a défini, au cours des années 198 2- 1983, une
stratégie alimentaire1 dont l'objectif est de pourvoir à la satisfaction des
besoins de la population en l'an 2000.
Elle repose sur les préalables suivants :
— une meilleure utilisation des potentialités agro-climatiques du pays;
— le développement de la recherche (priorité du IIIe Plan quinquennal) ;
— une diffusion accrue des résultats les plus probants de la recherche;
— une plus large prise en compte des contraintes physiques,
économiques et sociales de l'exploitation agricole familiale ;
— une meilleure commercialisation des intrants et des produits agricoles.

Dans cette optique, la politique suivie dans le domaine de la


vulgarisation joue un rôle décisif.

I. — Le système national de vulgarisation (snv)

Le snv a été mis en place en janvier 1982 par le ministère de


l'Agriculture afin de remédier à l'incohérence des méthodes de vulgarisation
en cours jusqu'alors (faiblesse des thèmes techniques, déficiences des
moniteurs agricoles) et à l'absence de cadre de travail et de moyens pour
les agents.

* Respectivement directeur de la Promotion agricole et directeur de la Production


animale au ministère de l'Agriculture du Rwanda ; expert-agronome à l'iRAM-Paris.
1. Ministère du Plan, Stratégie alimentaire au Rwanda, doc. n° 3, 2e éd., Kigali, juillet 1984.
Revue Tiers Monde, t. XXVII, n» 106, Avril-Juin 1986
42О J. BAGIRAMESHI, С. BAZIHIZINA, M. BARNAUD

Deux orientations principales le caractérisent :


— le paysan doit être considéré comme un partenaire responsable dont
l'avis doit être pris en considération. Son adhésion libre et volontaire
est essentielle;
— la démarche de la vulgarisation repose sur le travail en équipe des
techniciens et des autorités administratives. Les premiers apportent
le contenu technique et exécutent toutes les activités susceptibles de
conduire au résultat recherché. Les secondes doivent intervenir
comme responsables de l'organisation de la vulgarisation et assurer
l'animation du milieu.
Les équipes de vulgarisation sont structurées à trois niveaux :
— commission de vulgarisation (cv) de secteur, unité administrative de
base, en relation directe avec les agriculteurs ;
— commission communale de vulgarisation qui encadre la cv de secteur;
— comité préfectoral qui encadre l'ensemble.

L'objectif de base est d'encadrer au moins 20 paysans choisis


alternativement par cellule (1 000 à 1 500 paysans par commune). Les moyens
nécessaires sont apportés par les autorités techniques de tutelle (Minagri
et Projets).
La mise en œuvre du snv est soumise au respect des préalables
suivants :
— constitution des commissions;
— analyse du milieu pour identifier les préoccupations et les besoins des
paysans et mieux connaître leur environnement;
— utiliser les informations recueillies pour définir les thèmes à
vulgariser et préparer l'intervention;
— établir le programme en concertation avec tous les participants, y
compris les paysans. Profiter de cette concertation pour identifier
les innovateurs potentiels (les paysans « progressistes ») ;
— la durée de formation et de suivi des paysans est laissée libre et est
déterminée en fonction des circonstances ;
— limiter le nombre de thèmes à vulgariser en fonction des priorités à
court, moyen et long terme;
— établissement d'un plan de travail et du budget nécessaire, les
programmes devant être ajustés aux moyens disponibles;
— formation en cascade des différents niveaux;
— nécessité pour l'encadrement de base (membres des cv) d'avoir des
exploitations modèles ;
— évaluation des actions au cours de l'année afin de pouvoir
éventuellement procéder aux réorientations nécessaires.
LA VULGARISATION AGRICOLE AU RWANDA 42 1

Le snv propose quelques thèmes prioritaires à prendre en


considération, dont : la conservation des sols, l'amélioration de leur fertilité,
l'association agriculture-élevage, les groupements de paysans. Ces
thèmes ne sont pas présentés comme exclusifs ou exhaustifs et sont
susceptibles d'adaptation en fonction des conditions locales.
Ce système, pourtant très récent, n'a pas débouché sur des
améliorations décisives et a fait l'objet de nombreuses critiques qui expliquent,
pour l'essentiel, les réticences des cadres à son égard.
Parmi les principales, on peut citer :
1) Le snv n'a pas fait l'objet de test à une échelle réduite afin de pouvoir
évaluer l'importance des moyens matériels et humains indispensables
pour sa réussite. Il s'en est suivi que le personnel supposé œuvrer
dans le système et les moyens financiers ont souvent fait défaut.
2) Les autorités administratives impliquées dans le snv sont absentes
dans sa mise en application.
3) La diversité des statuts, d'effectifs et des conditions de travail des
agents va à l'encontre d'un système préconisant l'homogénéité dans
sa mise en application au niveau national.
4) Les cadres sont habitués à travailler sans plan de travail et sans thèmes
définis préalablement ; le cadre relativement rigide du snv les indispose.
5) Les projets sont élaborés à la hâte et certains thèmes purement
agricoles préconisés par le snv sont souvent oubliés ainsi que les
financements qui devraient permettre leur réalisation.
6) Les projets s'étant constitués en une structure parallèle et indépendante
de l'administration centrale, le snv est souvent perçu comme une
ingérence dans leurs affaires internes.
7) Faute de propositions techniques valables et adaptées,
l'administration centrale a été obligée d'imposer des spécificités techniques qui
n'ont pas pu être toujours appliquées sur le terrain.
8) Les zones d'activité des projets sont parfois à cheval sur plus d'une
préfecture ou regroupent des morceaux de plusieurs communes;
ceci rend difficile l'élaboration de programmes cohérents au niveau
du projet.
9) Faute de plate-forme générale sur le rôle et les objectifs des projets
dans le développement national, ce sont souvent les différentes idées
des bailleurs de fonds qui sont à la base de la conception des projets;
d'où la diversité des moyens, des étendues géographiques, des durées,
des méthodes et des systèmes d'approche, etc.

Plus fondamentalement, et au-delà des faiblesses rencontrées dans sa


mise sa mise en œuvre, les limites du snv tiennent pour une bonne part
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aux présupposés qui présidaient à sa conception et à son incapacité à


renouveler la démarche et les méthodes qui prévalaient dans ce domaine.
Depuis vingt-cinq ans, la vulgarisation a été conçue comme un outil
de transmission de connaissances vers le monde paysan. Cette
transmission devait se réaliser par une approche techniciste au cours de laquelle
la « Recherche » élaborait des thèmes techniques supposés résoudre les
problèmes du paysan. Puis le vulgarisateur était censé transmettre le
message tel quel sans en comprendre lui-même le contenu. Si on regarde
de plus près les systèmes de vulgarisation préconisés, on constate que
cinq défauts principaux les caractérisent :
— Le message véhiculé par la vulgarisation va en sens unique. Conçu
sans analyse préalable du milieu où il doit s'appliquer et par des experts
souvent étrangers au système social en place, le message est généralement
inadapté. Les exceptions sont rares et quand elles existent, elles sont le
fruit soit du hasard, obtenu par une série d'improvisations, soit de la
contrainte et, dans ce dernier cas, la pérennité des actions n'est assurée
que par un jeu complexe d'attraits qui n'étaient pas nécessairement
évidents au début du Projet. On découvre par exemple que la culture du thé
est intéressante dans une région ne disposant pas d'autre culture de rente
parce qu'à un certain moment les cours mondiaux du thé augmentent et
qu'on a besoin de revenus monétaires (habitat, frais de scolarisation...).
Mais est-ce que le thé était le plus indiqué ?
— La vulgarisation est conçue comme un système isolé. Elle n'est
pourtant qu'une partie d'un ensemble auquel elle doit être intégrée pour
que le message puisse porter les fruits escomptés. Dans cet ensemble, la
recherche doit appuyer la vulgarisation sinon celle-ci sera vite essoufflée
par un manque de contenu adapté à des situations qui sont toujours,
qu'on le veuille ou non, particulières. Encore faut-il qu'il y ait
suffisamment de ressources humaines capables d'une part de véhiculer le
message dans de bonnes conditions, c'est-à-dire dans le respect des
spécificités paysannes et des logiques qui les sous-tendent, et d'autre part de
poser judicieusement des questions précises à la recherche. Ceci implique
une planification de la formation des cadres tant au point de vue quantité
qu'au point de vue qualité. D'autres services d'accompagnement sont
eux aussi indispensables pour débloquer certaines situations stratégiques :
politique de crédit, commercialisation, fiscalité, politique des prix,
transformation, etc.
— La vulgarisation tient rarement compte de l'expérience paysanne.
Le changement a comme vecteur trois sources possibles : le passé, le
présent et les apports extérieurs. Trop souvent, le facteur étranger est
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seul envisagé et on oublie que les leçons du passé, l'expérience paysanne


peuvent enrichir la construction du futur et que dans certains cas les
innovations doivent tenir compte de la logique de fonctionnement du
système paysan. Faute de quoi la résistance au changement surprend
tout le monde.
— Les systèmes de vulgarisation diffèrent selon les sources de
financement. On pourrait croire que la diversité et même l'ambiguïté créées
par la multiplicité des interventions sont en elles-mêmes source
d'enrichissement et donc de créativité plus grande. Mais lorsque chaque source
de financement tient à son système qu'elle croit meilleur que les autres,
la diversité des systèmes est plutôt une nuisance puisqu'elle handicape
tout essai de planification et partant n'autorise aucun contrôle pour
mieux orienter les actions.
— Enfin, la vulgarisation se préoccupe peu de la responsabilisation
des acteurs. L'existence des projets de développement devrait faciliter
le passage d'un état d'assisté à l'état d'une plus grande autonomie même
si celle-ci est toujours relative. Ceci suppose une appropriation à tous
les niveaux des actions engagées. Ceci implique à son tour que les
paysans ne soient plus considérés comme de simples consommateurs
d'innovations, que les vulgarisateurs ne soient plus perçus comme des
automates chargés de véhiculer un savoir sur lequel ils ne sont pas
autorisés à s'interroger et que les cadres supérieurs, tout comme les
acteurs précédents d'ailleurs, soient associés aux choix et orientations
des actions en cours et à venir.
C'est dans ce contexte, alors même que les différents interlocuteurs
pressentaient et identifiaient assez clairement les blocages de ce système,
que se situe l'intervention de la Banque Mondiale. Ses experts, très
critiques sur le bilan des projets de développement rural intégré2, ont
engagé avec le gouvernement rwandais des discussions qui devaient
aboutir en novembre 1983 à la formulation de cinq priorités pour le
secteur agricole :
1) Renforcer les capacités de gestion du secteur agricole et aider à
améliorer la coordination des aides extérieures ;
2) Réorienter et renforcer la recherche agricole;
3) Réorganiser et renforcer les services agricoles (vulgarisation,
fourniture d'intrants et autres services) et les développer à l'échelle
nationale;

2. Ces critiques, qui ne sont pas spécifiques au Rwanda, s'intègrent dans une mise en
cause plus générale des orientations récentes de la Banque et d'un renouvellement de ses
priorités sur lesquelles il n'est pas possible de s'étendre dans le cadre de cet article.
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4) Promouvoir une plus grande participation du secteur privé dans le


développement rural en général et dans la commercialisation, la
transformation et le crédit en particulier; et
5) Simplifier les projets de développement régional complexes, en
orientant davantage les ressources disponibles vers le domaine de la
production.

Différentes pistes d'intervention furent identifiées :


1) L'appui institutionnel au minagri : gestion et administration (finances,
personnels, équipements), collecte des données, suivi-évaluation des
projets, etc.
2) L'appui à la recherche dans :
- l'assistance technique au minagri pour la conception d'un
programme de recherche agricole à long terme et d'une stratégie de
multiplication des semences;
- l'intégration ou la reconversion des programmes de recherche
actuellement disparates dans une approche nationale et régionale
multidisciplinaire coordonnée et plus orientée vers les aspects
pratiques du secteur agricole;
- restructuration et renforcement de I'isar3.
3) La mise en place d'une structure de promotion des activités de
commercialisation et transformation des produits agricoles ainsi que
des intrants et du crédit dans le milieu rural.
4) La mise en place d'un programme national approprié de vulgarisation
agricole.

Dans ce dernier domaine, l'équipe chargée des études préparatoires


à la définition de ce programme pilote était constituée et commençait
ses travaux en juillet 1984.

IL — Les cadres nationaux et la vulgarisation

Parallèlement à un travail d'inventaire sur les moyens humains,


financiers et logistiques du minagri dans le domaine de la vulgarisation,
l'équipe tenait à associer les cadres nationaux pour :
— faire le point sur les actions de vulgarisation en cours, les difficultés
et l'intérêt qu'elles représentent pour les techniciens et la paysannerie ;

3. isAR : Institut des Sciences agronomiques du Rwanda.


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— envisager les chemins « possibles » pour mettre en cohérence, de façon


évolutive, les thèmes, les systèmes et les institutions de vulgarisation
avec les choix pouvant être opérationnels d'ici quinze ans ;
— enfin, et non moins important, les sensibiliser sur des problèmes
concrets de développement, solliciter leur point de vue sur les
orientations et les contenus d'un programme et faire en sorte que
ces mêmes cadres s'approprient les propositions émises au cours
des réunions et s'en sentent responsables.

Cinq journées de travail avec les principaux cadres techniques œuvrant


sur le terrain ont donc été organisées. Il s'agit là d'une initiative sans
précédent au Rwanda.
La démarche a été accueillie d'une manière positive qui s'est traduite
par une réponse massive à l'invitation, l'assiduité lors des réunions de
travail et une participation très active. Les débats ont été riches mais
aussi contradictoires. Ces contradictions, souvent juxtaposées dans le
discours d'une même personne, expriment à la fois la complexité des
problèmes abordés, la difficulté à formuler des jugements tranchés,
voire aussi une certaine impuissance à comprendre et maîtriser une
réalité et des comportements souvent perçus comme « étrangers ».
Les propos recueillis sur les paysans, la vulgarisation et les problèmes
de l'agriculture reflètent assez bien les perceptions que les « cadres »
ont du milieu dans lequel ils interviennent.
Leurs opinions doivent donc être lues à plusieurs niveaux. Les
appréciations, même lorsqu'elles apparaissent comme purement techniques,
semblent souvent marquées par le souci de maintenir une certaine
distance sociale par rapport à la paysannerie — dont ils sont pourtant
presque tous issus et qu'ils ne « comprennent » plus — et de dégager leur
responsabilité en renvoyant l'essentiel des critiques et des insuffisances
sur les cadres d'exécution.
Il en ressort quelques idées « force » sur les thèmes suivants :

1) Perception du milieu paysan

Tout en reconnaissant la cohérence des « logiques » paysannes, les


divers participants reconnaissent également leur ignorance des
motivations profondes qui inspirent ces logiques (pratiques culturales, choix
individuels, etc.).
D'où un sentiment d'impuissance pour expliciter les comportements
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et réactions paysannes face aux interventions des projets, de


l'administration... censées répondre à leurs besoins et à leurs difficultés :
— « le paysan a ses raisons », « il agit avec une certaine logique », « il a
évolué », « il a mis sur pied un système de production qui lui a
permis de survivre jusqu'à aujourd'hui »;
— « le paysan n'est pas fataliste, il est prudent », « il attend de voir des
résultats », « il ose peu investir par peur du risque », « de perdre ce
qu'il a » ;
— « le paysan n'a pas soif de savoir », « il travaille avec routine », « il ne
planifie rien, ne calcule rien », « il regarde si ça exige beaucoup
d'efforts », « même quand il a appris la valeur des thèmes, leur usage,
il ne veut pas passer à la pratique » ;
— « il privilégie les innovations qui ont des résultats positifs à court
terme », « le paysan ne comprend pas les thèmes qui ont leurs fruits
à long terme — la lutte anti-érosive, c'est du travail sans intérêt
immédiat, et il perd du terrain ».

Ainsi le regard des techniciens se traduit d'abord par des clichés


sécurisants : « II ne comprend que le court terme... » où la volonté de ne
pas se remettre en cause n'est pas toujours étrangère : « Le paysan ne
peut et ne doit pas tout comprendre » mais le doute affleure : « II a mis
sur pied un système de production qui lui a permis de survivre jusque-là. »
« II faut savoir pourquoi il fait ça... Il a ses raisons... Il a une logique... Il
minimise ses risques. »
Ce doute entraîne une remise en cause du bien-fondé des thèmes les
plus fondamentaux, voire de la démarche de la vulgarisation : « Le
fumier... c'est clair, mais le transport ? », « La vulgarisation devrait
s'adapter », « II faut prendre contact avec les paysans pour trouver des
solutions adaptées ».

2) Relations encadreurs-paysans

Dans l'ensemble, les jugements portés sur les rapports


qu'entretiennent les encadreurs (moniteurs agricoles) et les paysans sont assez
critiques. Il est reproché, notamment aux monagris, de répercuter telles
quelles les recommandations d'en haut et de ne pas être suffisamment à
l'écoute des préoccupations des paysans.
Dans un premier temps, les constats lapidaires s'accumulent : « Le
monagri actuel n'est pas à la hauteur », « Si un monagri est moins
compétent qu'un paysan, ne faudrait-il pas renverser les rôles ? », « Les
exploitations personnelles des techniciens ne sont pas exemplaires », « Le
LA VULGARISATION AGRICOLE AU RWANDA 427

vulgarisateur ne s'intéresse qu'aux thèmes techniques à faire passer,


proposés par son supérieur, et n'agit pas en fonction des besoins des
paysans », « Le technicien n'est pas toujours convaincu des thèmes qu'il
ne comprend pas parfois », « Un vulgarisateur ne doit pas être brutal,
autoritaire ».
La réflexion des groupes va cependant plus loin, et on arrive à
incriminer autre chose que « le mauvais vulgarisateur ».
En premier lieu, Г organisation du travail : « La superficie est très grande.
Le monagri n'a pas le temps ni les moyens de parcourir tout le territoire
lui revenant », « Toucher 10-20 paysans par cellule... Le monagri, pour
dire qu'il a fait quelque chose va prendre toujours les mêmes 20 paysans »,
« Le champ du technicien doit être modèle, mais il n'a pas le temps de
l'exploiter ».
En outre, les fonctions du monagri ne sont pas clairement délimitées : « Le
monagri est parfois utilisé par les autorités communales à des tâches
opposées à la vulgarisation », « Le monagri obligé de circuler avec un
quittancier pour percevoir des amendes et des impôts... celui-là devient
plutôt policier et non vulgarisateur ».
Enfin Г appui des autres responsables lui fait parfois défaut : « Le rapport
entre monagri et conseiller est parfois difficile », « L'agronome de
commune devrait les assister en permanence », « Les monagris doivent obéir
à des directives contradictoires ».
Si l'on ajoute à cela les problèmes de salaire et de formation, il n'est
finalement pas surprenant que le travail réalisé par les monagris ne soit pas a
la hauteur des espérances.
« Certains monagris ne sont pas payés régulièrement. Les conditions
matérielles des monagris ne sont pas toujours très réconfortantes », « Le
travail des monagris n'est pas valorisé, il leur manque un statut social
cohérent. »
« La formation du vulgarisateur ne lui permet pas de s'adapter »,
« Ne faudrait-il pas des cadres polyvalents ? », « Le monagri uniquement
pour le café ou le pyrèthre ne sert à rien au paysan », « Le paysan voit
le technicien comme un type qui reçoit un salaire », « Les encadreurs
bénéficient plus d'un statut qu'ils n'exercent une profession », « ni cadre,
ni paysan ».
Mais la responsabilité des structures de tutelle responsables de
l'encadrement et de la recherche n'est pas négligeable.
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3) Le rôle des institutions

Les débats ont porté essentiellement sur les insuffisances


scientifiques et techniques des thèmes proposés (manque d'adaptabilité, absence
de tests avant la diffusion, etc.) et les difficultés propres à la
structure d'encadrement.
« Les themes sont bons mais... », « Intendance = défaillance », « Le
système national de vulgarisation proposé par le ministère est difficile
à appliquer... faute de moyens... le nombre de 20 personnes par cellule
est élevé à cause du relief et de la dispersion des paysans choisis », « Les
thèmes existent mais il faudrait une collaboration avec les autres
institutions qui s'occupent des paysans », « II y a carence des intrants adaptés
au milieu et non-disponibilité de ceux éprouvés ».
« Notre système de vulgarisation ne dispose pas d'un outil pour
démontrer l'intérêt réel de cette innovation, il manque un itinéraire bien
précis pour la transmettre. »
Manque de personnel, de coordination, de méthode enfin... ce n'est
encore que le moindre mal, tant que les thèmes sont valables... mais
qu'est-ce qu'on entend par thème ?
« Lutter contre l'érosion », « maintenir la fertilité », « réaliser ou
consolider l'association agriculture-élevage », etc., sont ce qu'on pourrait
appeler des « thèmes d'intention ». Leur validité n'est guère discutable
en elle-même, ces thèmes résultant d'un choix politique, d'une orientation
que l'on veut donner au développement et qui sert de « charte » à la
vulgarisation.
Ce n'est que lorsque le thème est mis en application que...
Des problèmes concrets se posent... : « Concernant le bois de chauffage
et de construction, on remarque une inadaptabilité des essences
proposées pour les boisements », « C'est difficile les étables... sans possibilité
de trouver un paillis pour la litière », « En matière d'innovation, il
faudrait ne pas changer de thème trop souvent, et savoir gérer le risque
(blé par exemple) », « Ces techniques n'aboutissent pas toujours à des
résultats positifs : on ne connaît pas assez le milieu auquel ces techniques
sont destinées », « Faudrait être sûr des thèmes avant de les proposer
aux paysans », « II faut tester les résultats de la recherche avant
la vulgarisation ».
Ces deux dernières idées reviendront comme un leitmotiv tout au
long de la réflexion des cadres.
Compte tenu de ces réserves, la faible motivation des monagris
devient alors parfaitement compréhensible : « S'ils étaient convaincus de
la valeur du message, ils ne devraient pas être contraints pour l'appliquer
LA VULGARISATION AGRICOLE AU RWANDA 429

dans leurs propres exploitations »,« Des fois aussi, le technicien ne veut pas
investir dans une affaire qui n'est pas rentable; et là, il est dans la même
situation que le paysan », « Le vulgarisateur n'a pas de recette
convaincante à proposer aux paysans, soit par manque de formation, soit à cause
du système de production et d'exploitation qui ne cadre pas avec les
recettes du technicien », et explique les moyens auxquels ils ont recours
pour diffuser leur « paquet technique ».

4) Les paysans contraints et sollicités

Le débat sur le problème de la « contrainte » démontre amplement


que les doutes techniques n'entament guère la bonne conscience des
cadres.
« Nous savons ce qui est bon pour les paysans... », « Convaincre les
paysans que la lutte anti-érosive est une nécessité... la preuve, certains
y sont parvenus ».
La « vulgarisation forcée » : « II y a des thèmes qui intéressent le paysan
et d'autres qui lui sont imposés », « Les thèmes imposés, souvent,
comprennent une certaine contrainte », « Est-ce qu'on a les moyens pour
laisser aux paysans le choix ? »
Sa légitimité ? « II y aura un phénomène naturel régulateur fort
regrettable si rien n'est fait pour parer à la situation et relever le défi
alimentaire », « Dans certains cas, l'intérêt individuel est en contradiction
avec l'intérêt collectif (lutte anti-érosive) ».
Son efficacité ? « On ne peut pas imposer à un paysan d'aller fumer
à cinq kilomètres. Un vulgarisateur ne doit pas être brutal », « Ce n'est
pas heureux de demander à la commune d'instaurer des amendes », « A
la fin de la poursuite, certains paysans détruisent même volontairement
ce qu'ils ont fait », « Le paysan est énervé. Les directives contradictoires
dans tous les sens, sans coordination », « On n'a même pas le personnel
pour la contrainte... C'est l'impuissance même dans la contrainte »,
« Le monagri donne des ordres, et le terrain essaie d'adapter ».
Л la recherche ďune autre voie : « Certains paysans sont quand même
convaincus des méthodes et des finalités. Ce n'est pas le produit de la
contrainte... Dans le milieu rural, il y a prise de conscience », « La
population a su s'adapter à l'évolution », « La vulgarisation doit chercher une
méthodologie mieux adaptée ».
Telles les distributions gratuites : c'est une autre technique de
vulgarisation, une autre technique pour « forcer la main » au paysan qui est
abordée à présent. Il s'agit, par des distributions gratuites, d'habituer les
paysans à utiliser tel ou tel intrant, mais la validité de cette technique
43О J. BAGIRAMESHI, С. BAZIHIZINA, M. BARNAUD

est remise en cause pour plusieurs raisons : « Du côté des financiers, il


ne faudrait pas donner des intrants gratuitement. C'est une mauvaise
éducation pour le peuple », « On n'est jamais sûr des conséquences de la
gratuité... A Gikongoro, avec la cuisinière améliorée, les dix premières
ont été données gratuitement, mais après, les paysans n'ont pas voulu
payer les autres ».
De plus, la gratuité est « une mauvaise éducation » qui conduirait
l'Etat à subventionner tous les intrants. Or il n'en a pas les moyens :
« L'Etat ne peut pas continuer à offrir ses services gratuitement. »
Par ailleurs, ces distributions gratuites ont parfois un caractère
injuste : « Même les modalités de cette distribution gratuite sont
discutables. Est-ce que ça va toujours aux plus nécessiteux ? »
En fin de compte, la gratuité n'aurait-elle pas un effet défavorable
sur l'appréciation, l'utilisation des intrants distribués ? : « Peut-on évaluer
à sa juste valeur ce qu'on a reçu gratuitement ? » « Est-ce que le paysan
aura les moyens de les payer une fois la gratuité supprimée ? »
Les bénéficiaires : Les interventions citées jusqu'ici parlent « des
paysans », « des agriculteurs »... Mais n'est-ce pas un mythe que de dire
que la vulgarisation touche tout le monde, s'adresse à tout le monde ?
Dès que l'on aborde ce point, le mythe éclate : « Le monagri se
réfugie derrière les progressistes pour avoir quelque chose à montrer »,
« Certains thèmes profitent aux grandes exploitations, d'autres aux petites »,
« Jusqu'ici, les thèmes techniques proposés ne touchent qu'une partie
de la population : la classe moyenne », « C'est une certaine catégorie de
femmes qui fréquente les centres de santé » (utilisés par la vulgarisation
pour atteindre les femmes), « La vulgarisation réussit mieux avec les
gens installés, de plus de 30 ans », « Le concours agricole concerne surtout
les gens aisés plutôt que les gens sans moyens ».
« Pour faire passer des thèmes, il faut un accord du mari, mais la
femme exécute. Donc il faut aussi considérer le rôle de la femme dans le
secteur agricole. Le vulgarisateur doit convaincre l'homme et la femme »,
« Contradiction entre vulgarisation et monde paysan :
vulgarisation = hommes
travail = femmes ».
Ceci étant, il ne suffit pas de vouloir s'adresser aux femmes pour
réussir à les atteindre. Jouent également des facteurs sociaux... « La
gestion, l'accès aux réunions et à l'information appartiennent à l'homme »,
« Des femmes veuves se classent souvent dans les concours agricoles,
c'est dire que les rapports entre maris et femmes constituent une
difficulté de la vulgarisation chez la femme ».
LA VULGARISATION AGRICOLE AU RWANDA 43 1

Cette prise de conscience du rôle des femmes dans la production,


par une assemblée constituée en grande majorité d'hommes, est assez
remarquable... en même temps elle fait apparaître l'incapacité des
hommes à trouver des solutions : pour cela il faudrait donner la parole
aux femmes...

III. — Synthèse et perspective :


UNE NOUVELLE DÉMARCHE D'APPUI A LA PRODUCTION

I) Depuis 1982, les investigations en milieu rural se sont multipliées.


Ce besoin s'explique par la méconnaissance des préoccupations paysannes,
la faible part due aux actions de vulgarisation dans l'évolution de la
production qui sont reconnues unanimement.
Ces investigations traduisent d'une part la volonté nationale de
maintenir Fautosuffisance alimentaire dans les vingt ans à venir, face
à l'évolution démographique, et d'autre part répondent à la remise en
cause, par les sources de financements, de leurs pratiques de coopération.

II) Face à la diversité des stratégies proposées par les structures de


coopération, les organes nationaux, malgré les erreurs relevées dans la
mise en place du « système national de vulgarisation », maintiennent leur
exigence pour une stratégie nationale cohérente d'appui au développement
de la production.
Dans cette perspective, et sur une zone restreinte, une recherche a
été effectuée par des cadres appartenant aux structures nationales, pour
élaborer une nouvelle approche de la vulgarisation partant des diverses
situations paysannes.

III) Cette recherche1 auprès des paysans complète, enrichit,


relativise les points de vue recueillis auprès des cadres. Elle fait apparaître
la diversité des logiques paysannes et l'importance des éléments
débordant du cadre agricole strict :
— priorité donnée par les hommes aux activités salariées et aux travaux
hors de l'agriculture, modifiant ainsi les ressources en force de travail
de l'exploitation, donnant une place déterminante à la femme et
accentuant la pénétration du « monétaire »;

1. Méthode et résultats d'investigations sur 5 communes de la préfecture de Gitarama ;


journées de créativité avec les cadres du développement au Rwanda ; démarche et pratique
d'une séquence de travail, le cas Gitarama, doc. ronéo, groupe de La Seaume, Paris, iram,
1985.
432 J. BAGIRAMESHI, С. BAZIHIZINA, M. BARNAUD

— transfert de fertilité vers les parcelles les plus proches de l'habitation;


— stratégie de minimisation des risques pour la diversification des
productions, les associations culturales et les mélanges variétaux;
— développement de systèmes de production diversifiés en fonction
de la contrainte foncière et démographique : mise en culture de toutes
les terres au détriment de la fertilité dans les grandes exploitations;
intensification et amélioration de la fertilité dans les exploitations
intermédiaires; priorité à la production vivrière et sociale (bière de
banane) avec peu d'investissement en force de travail et à la fertilité
pour les plus petites exploitations, les activités hors de l'agriculture
devenant une obligation contraignante.

Cette diversité se traduit également dans la situation géographique,


la proximité des centres urbains accentuant la composante commerciale
des cultures vivrières.
Dans ce contexte, les stratégies d'échange, de location, d'acquisition
de terre sont mises au service de cette volonté de diversification, sans
toutefois que l'on constate une accumulation illimitée des plus riches

Schéma i

Population Eclatement de l'exploitation dans l'espace


Croissance
démographique Diminution de la fertilité

Baisse matière organique sol


Disparition des jachères
Dégradation structure sol Difficulté
pour réaliser la lae
Erosion

N.

Disparition
des ressources en bois

Difficulté pour associer


l'agriculture et l'élevage
LA VULGARISATION AGRICOLE AU RWANDA 433

sur le foncier du fait de la non-rentabilité du faire-valoir indirect et du


travail salarié, du fait aussi des solidarités sociales très fortes,
contrepartie d'une organisation de la propriété familiale « éclatée » dans le
paysage.
Les mécanismes de ces contraintes, s'ils s'exercent de façon
différenciée, se retrouvent sur l'ensemble des exploitations et sur chacun
des systèmes de production, même si ceux-ci disposent d'atouts
différents pour leur faire face (schéma i).
Face à ces contraintes interdépendantes, la réussite incontestée des
paysans pour satisfaire les besoins alimentaires du pays est elle-même
facteur de blocage.

Schéma 2

Débouchés limités
pour les productions vivrières

Absence de solutions techniques adaptées

Absence de circuits
de distribution Minimisation
des risques
des intrants et du crédit

Développement de systèmes de production


non dépendants d'intrants

Pas de consommation d'intrants,


pas de recours au crédit

Prix agricoles Absence


peu favorables de surplus agricoles
aux producteurs chez les producteurs

Dépendance économique
vis-à-vis
des commerçants

TM — 15
434 J- BAGIRAMESHI, С. BAZIHIZINA, M. BARNAUD

Ces schémas font apparaître la cohérence des comportements paysans


et complètent l'image et les préoccupations des cadres sur les contraintes
qui pèsent sur le milieu rural.
Ils remettent en cause la démarche d'un système de vulgarisation
rigide transmettant des « messages de progrès » monolithiques de la
recherche par les structures nationales de vulgarisation vers les paysans,
à travers un appareil pyramidal.
Ils ouvrent simultanément des pistes sur les enjeux essentiels, les
étapes et le rôle de l'Etat pour relever à moyen terme le défi du maintien
de l'autosufrisance alimentaire.

IV. — Les exigences d'une nouvelle démarche de vulgarisation

i) Participation paysanne

La rencontre avec les cadres de terrain nous a permis de constater


que leur méconnaissance du milieu était presque totale. Une
participation des paysans aux actions de développement est donc
indispensable; elle doit être envisagée :
— Am niveau de V élaboration des projets. Les enquêtes et les restitutions
effectuées dans le milieu rural ont permis de définir des pistes
d'intervention et les paysans en sont coproducteurs. Toute intervention doit
permettre l'expression paysanne autonome. Elle seule permet de
comprendre les différentes situations dans leur complexité et de recueillir
les points de vue différenciés des partenaires de l'exploitation agricole.
— Ли niveau de l'exécution. Les paysans seront associés en tant
qu'interlocuteurs privilégiés dans la recherche des solutions qui
n'existent pas toutes faites au plan individuel.
L'appui et la promotion des organisations paysannes, des initiatives
privées, des structures administratives locales (contrats communaux)
ainsi que la volonté de dépasser la dimension « producteurs individuels »
permettront de prendre en compte les autres dimensions
socio-économiques qui déterminent les logiques et les choix des paysans dans
l'élaboration des stratégies de production.
Dans cette optique, ce n'est pas la contrainte de temps des financiers
qui devrait primer. Les étapes nécessaires aux évolutions souhaitées
doivent être prises en compte. La structuration du milieu, l'élaboration
des innovations, la « maturation » nécessaire ainsi que la formation des
techniciens à cette nouvelle démarche prennent nécessairement du temps
qu'il n'est ni souhaitable ni utile de comprimer abusivement.
LA VULGARISATION AGRICOLE AU RWANDA 435

2) Nouveaux rapports cadres-paysans

Partant de la conviction que la vulgarisation, dans le cadre agricole


rwandais, ne peut plus être vue comme une simple courroie de
transmission d'un message technique simple, pré-élaboré, de celui qui sait
(le technicien) à celui qui ne sait pas (le paysan), les aménagements
suivants sont préconisés :
Du côté des cadres. La méconnaissance des situations concrètes et le
constat que l'augmentation de la production agricole n'a jusqu'ici que
très peu de rapport avec la vulgarisation incitent à envisager :
— une entrée « systèmes de production », avec des thèmes techniques
« ouverts », d'où la définition de profils de formation adaptés. Le
travail en équipes pluridisciplinaires des agents de terrain nécessite
des compétences complémentaires pour aborder les systèmes de
production dans leur globalité;
— une proposition de retirer de la vulgarisation les tâches à caractère
répressif afin que l'agent de base soit accepté en tant que conseiller
et non en tant que « gendarme ». Ceci suppose bien évidemment une
autonomie certaine des techniciens vis-à-vis de l'autorité
administrative et politique avec laquelle de nouveaux rapports doivent être
définis.
Du côté des paysans. Le projet se propose de remettre en cause la
démarche de vulgarisation en cascade.
Cette remise en cause se traduit par trois ensembles de propositions :
— mise en place de programmes de recherche-développement favorisant
le contact entre des cadres de haut niveau (ingénieurs) et des paysans.
Ceci permettra la reconnaissance du point de vue et du rôle des
différents acteurs paysans dans l'élaboration des thèmes de
vulgarisation, ainsi que dans les programmes de formation comprenant
outre les aspects techniques, des aspects socio-pédagogiques;
— implication des paysans dans les travaux de suivi-évaluation interne,
afin de favoriser la remontée de l'information liée aux actions
entreprises, de la base à la direction du projet;
— priorité donnée à la formation des cadres en contact avec les paysans
pour qu'ils puissent passer de la diffusion répétitive d'un message
standard à un conseil en gestion individuel auprès des exploitations
et collectif auprès des groupements paysans.
Là encore, faut-il le rappeler, on devra tenir compte de l'inertie
existante. Nous ne préconisons pas à la hâte un système ficelé dès le
43 6 J. BAGIRAMESHI, С. BAZIHIZINA, M. BARNAUD

départ. Nous savons qu'il faut prendre le temps nécessaire pour que la
démarche que nous proposons soit appropriée par le plus grand nombre
et adaptée à l'épreuve du réel.

3) Une politique d'encouragement à la mise en place de structures de services


adaptées à l'amont et à Pavai de la production

Elle découle du constat qu'un programme de vulgarisation n'a guère


de sens sans prise en compte de son environnement. Sans rentrer ici
dans le détail, elle met en jeu quatre éléments décisifs de la production
agricole.

1. Le crédit et le rôle des banques populaires :


— nécessité de développer la composante crédit à effets productifs
(encourager la réorganisation du foncier, promouvoir l'installation
de jeunes, favoriser le développement de la fertilité);
— prise en compte des expériences en marge des banques populaires
(ex. : banque des vaches);
— renforcer l'appui bancaire aux activités amont-aval de la production
maîtrisée par la paysannerie.

2. Les intrants :
— favoriser la mise au point d'intrants adaptés (contenu et contenant) ;
— développer des structures indépendantes de l'administration et sur
lesquelles les paysans exercent une influence (cf. Trafipro).

3. La conservation-transformation : Cet aspect est essentiel pour fournir


des emplois et de la valeur ajoutée dans le milieu lui-même, les activités
doivent cependant rester compatibles avec les périodes de forte
mobilisation de la main-d'œuvre sur les activités productives.

4. La commercialisation :
— favoriser simultanément les structures paysannes au niveau primaire
et le commerce privé au niveau secondaire sans exclure qu'à terme les
structures paysannes se positionnent concurrentiellement avec les
commerçants.

5. Renouvellement de la recherche : Pour participer efficacement à une


démarche prenant en compte les réalités paysannes, la structure de
recherche doit poursuivre son effort de transformation selon plusieurs
axes :
LA VULGARISATION AGRICOLE AU RWANDA 437

— devenir un lieu d'échange, d'accumulation de remise à jour des


informations portant sur des productions et des thèmes
agro-zootechniques, mais aussi sur les systèmes de production y compris leurs
composantes socio-économiques. Dans cet esprit, la recherche doit
être ouverte, attentive aux travaux menés à l'extérieur du pays tant
sur le plan des résultats que sur celui des méthodes. Parallèlement,
à l'intérieur du pays, elle doit être en mesure d'être le lieu de
rencontres interactives entre universitaires, techniciens du
développement agricole, planificateurs;
— améliorer de façon constante le niveau de reconnaissance des diverses
unités écologiques du pays et des systèmes de production existant
sur ces unités et orienter des travaux en matière de recherche sur les
systèmes de production vers la résolution des contraintes paysannes;
— établir des liens contractuels pour l'appui aux structures de
vulgarisation, dans l'élaboration, la mise en place, le suivi, le dépouillement
et l'analyse des protocoles de recherche-développement;
— participer à la formation permanente des cadres de la vulgarisation à
partir des résultats de la recherche-développement;
— poursuivre des activités en station, activités de services et de
recherche :
- apport de services : analyses de végétaux, sols, pathologie,
fourniture d'inoculine, semences souches, etc.;
- essais d'introduction, sélection animale et végétale, recherche sur
la fumure;
- pédologie, dynamique des sols, etc.;
— participer de façon interactive à la définition-réactualisation de la
politique nationale de développement, vulgarisation-recherche-
formation.

En conclusion, les exigences de cette nouvelle démarche dépassent


largement le cadre strict d'un « système de vulgarisation ».
Elles mettent en cohérence de nouvelles pratiques dans les rapports
avec les différentes structures touchées par le développement de la
production.

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