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Introduction
La traumatologie maxillofaciale est d'une grande diversité tant en ce qui concerne les tableaux
cliniques que les étiologies. La traumatologie osseuse du massif facial et de la mandibule peut
être associée :
• des accidents de la voie publique dus aux véhicules automobiles et aux deux-roues
malgré les mesures de sécurité préconisées (port de la ceinture de sécurité, limitation
de vitesse, port du casque, sobriété) ;
• des accidents du travail et à ceux consécutifs à la civilisation des loisirs ;
• des agressions qui représentent une étiologie le plus souvent urbaine ;
• heureusement beaucoup plus rares sont les grands traumatismes dus aux
défenestrations et aux tentatives d'autolyse par arme à feu...
• Attitude sur les lieux de l'accident regroupant un certain nombre de gestes d'extrême
ou de première urgence devant idéalement être connus de tous, médecins ou
secouristes.
• Evacuation du blessé incluant sa mise en condition de transport et son transfert dans
un centre hospitalier.
• Accueil en milieu hospitalier (bilan des lésions, gestes de deuxième urgence) faisant
appel à la compétence de l'ensemblede l'équipe d'urgence (anesthésiste-réanimateur,
radiologue, chirurgien maxillofacial, autres chirurgiens spécialisés).
• Le stade des réparations maxillofaciales primaires intéresse plus particulièrement le
chirurgien maxillofacial, bien que ce dernier puisse avoir besoin des compétences des
neurochirurgiens ou des ophtalmologistes. Afin d'éviter la constitution de séquelles
nombreuses, et plus ou moins invalidantes (esthétiques, fonctionnelles, sensorielles,
sensitives, infectieuses et psychologiques), la prise en charge de ces traumatisés doit
être effectuée par des praticiens particulièrement compétents.
• Les problèmes posés par la réparation secondaire (correction des séquelles) ne seront
pas abordés dans ce chapitre. Ils intéressent différentes spécialités chirurgicales mais
peuvent aussi faire appel à certaines solutions offertes par la prothèse maxillofaciale.
L'intérêt d'un soutien psychologique n'est pas à négliger quand des séquelles disgracieuses
existent en raison de leurs préjudices socioprofessionnels notamment.
Toutes les formes anatomocliniques des traumatismes maxillofaciaux et les conduites à tenir
s'y rapportant ne peuvent pas être détaillées en raison de leur grande diversité. Après les
généralités concernant la prise en charge de ces patients, les principaux tableaux cliniques
seront exposés. Pour de plus grandes précisions, le lecteur intéressé peut se reporter aux
différents chapitres de la traumatologie maxillofaciale (fractures mandibulaires, de l'orbite,
centrofaciales, occlusofaciales, de l'étage antérieur de la base du crâne) dans l'Encyclopédie
médico-chirurgicale de stomatologie.
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Les problèmes qui se posent sur les lieux même de l'accident sont de deux ordres différents :
• prise en charge de l'extrême urgence : sauver la vie du blessé qui peut être menacée
par le traumatisme maxillofacial lui-même responsable d'une détresse respiratoire ou
plus rarement circulatoire ;
• établir un rapide bilan afin de déterminer la gravité et la place du traumatisme facial
dans le contexte d'un polytraumatisme.
Idéalement, la prise en charge rapide des grands polytraumatisés est assurée par des équipes
médicales d'urgence (service d'aide médicale urgente [SAMU], pompiers) qui disposent du
matériel permettant, sur les lieux même du ramassage, la réanimation et l'intubation des
patients. Mais certains gestes d'extrême urgence doivent parfois être effectués avant l'arrivée
de ces secours.
En l'absence de lésions du rachis cervical, le blessé doit, si possible, être mis en position
latérale de sécurité. Cette position permet de cracher et vomir librement et évite l'obstruction
pharyngée par la chute de la langue.
Détresses circulatoires
Les détresses circulatoires sont rares dans les traumatismes maxillofaciaux isolés. Cependant,
certains gros traumatismes faciaux (balistiques, défenestration) peuvent être responsables de
pertes sanguines importantes.
Ces détresses circulatoires imposent d'une part la compensation des pertes sanguines grâce à
des solutés de remplissage administrés par une ou des voies veineuses de bon calibre, et
d'autre part le traitement à visée hémostatique des hémorragies. Celles-ci sont extériorisées
par la cavité buccale, les fosses nasales (épistaxis antérieur et postérieur) et/ou des plaies. Sur
les lieux de l'accident, le traitement des hémorragies abondantes est limité au tamponnement
des fosses nasales et/ou de la cavité buccale et à la compression manuelle ou par pansement.
Cette hémostase sera complétée ou refaite dans de meilleures conditions à l'hôpital. Le
tamponnement antérieur des fosses nasales est habituellement assuré par l'intermédiaire de
mèches grasses ou hémostatiques, le tamponnement postérieur par un packing ou des sondes à
ballonnets gonflées et bloquées au niveau des choanes. Le tamponnement de la cavité buccale,
surtout s'il est associé à un tamponnement des fosses nasales, ne peut être effectué que chez
un malade intubé ou trachéotomisé.
En règle générale, il faut se souvenir que, quel que soit l'aspect spectaculaire des lésions
faciales, le traitement des lésions associées a souvent priorité sur le traitement maxillofacial
qui peut être différé de quelques heures, voire quelques jours.
Arrivé à l'hôpital, le blessé est pris en charge, soit par le seul chirurgien maxillofacial en cas
de lésions purement localisées à la face, ce qui est heureusement la grande majorité des cas,
soit par l'équipe de réanimation chirurgicale en collaboration avec le chirurgien maxillofacial,
lorsqu'il s'agit d'un grand traumatisme facial. Il convient, dans ce cas, de vérifier et
éventuellement parfaire les gestes pratiqués en première urgence avec des moyens
obligatoirement limités.
Chez nombre de patients, le traumatisme facial est associé à un traumatisme crânien (TC). Un
examen neurologique rapide doit permettre de différencier d'emblée le TC simple du TC
grave ou surtout qui s'aggrave progressivement. Le TC simple avec perte de connaissance
initiale et/ou fracture du crâne sans complications intracrâniennes immédiates impose une
surveillance classique de 48 heures. L'apparition de signes d'aggravation devant faire redouter
une complication intracrânienne (obnubilation, agitation, désorientation, céphalées intenses,
vomissements, mydriase aréactive, signes neurologiques déficitaires de localisation...) impose
la réalisation d'un examen tomodensitométrique (TDM) cérébral en urgence et un avis
neurochirurgical.
Le plus souvent l'état du patient permet d'effectuer le bilan clinique dans les locaux de
consultation d'urgence. Certains traumatismes délabrants (traumatisme balistique) doivent être
explorés au bloc opératoire sous anesthésie générale en raison des risques d'aggravation
brutale de leur état ou de reprise de l'hémorragie lors de la levée des pansements.
Un bilan biologique standard est prélevé avant toute intervention urgente. Les sérologies VIH
(virus de l'immunodéficience humaine) ne sont pas systématiques et ne peuvent être prélevées
qu'avec l'accord du patient s'il est conscient. Le contrôle de l'état de la vaccination
antitétanique est impératif en cas de plaie, des gammaglobulines spécifiques et
éventuellement une revaccination sont parfois nécessaires.
La prescription d'une antibiothérapie à large spectre est impérative en cas de méchage des
fosses nasales, surtout s'il existe un doute sur une rhinorrhée cérébrospinale associée, pour
toutes fractures ouvertes et toutes plaies souillées. En cas de morsure animale, il est
indispensable de prescrire une antibiothérapie adaptée et de s'assurer de l'absence de
contamination rabique.
Un complément d'hémostase doit être effectué si besoin. Les plaies doivent être suturées sous
anesthésie locale ou générale en fonction de leur importance. Les plaies du scalp peuvent être
très hémorragiques et doivent être fermées même si l'on suspecte une fracture du crâne sous-
jacente.
Le traitement des hémorragies cervicales abondantes par plaies vasculaires ne peut être fait
qu'au bloc opératoire par un contrôle des axes vasculaires obtenu grâce à une large
cervicotomie. Certaines hémorragies non taries ou récidivantes après traitement peuvent
actuellement bénéficier d'embolisations sélectives grâce aux techniques de radiologie
interventionnelle vasculaire. Quand elles sont réalisables, ces embolisations sont préférables
aux ligatures uni- ou bilatérales des carotides externes.
Les indications de trachéotomie sont larges chez les grands blessés pouvant nécessiter une
sédation et une ventilation prolongées pour des raisons neurologiques, thoraciques (volet
costal, pneumothorax...) ou en rapport avec l'étendue des lésions cervicales ou faciales.
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Bilan clinique
Il doit si possible être réalisé précocement pour ne pas être gêné par l'oedème et les
hématomes qui peuvent masquer les déformations sous-jacentes et au maximum donner au
patient un « faciès lunaire » (fig 3). Cet examen doit être précis, méthodique, fait dans de
bonnes conditions d'éclairage, avec des abaisse-langue et des gants d'examen.
Inspection exobuccale
La face étant symétrique, une inspection de face, des deux profils et de haut en bas recherche
une asymétrie témoignant d'un déplacement osseux sous-jacent (effacement d'une pommette,
déviation nasale, recul du massif facial...). Dans ces déformations, la participation des
oedèmes et des hématomes doit être prise en compte.
Les caractéristiques des plaies cutanées sont précisées (fig 4) : localisation, rapport avec, le
nerf facial, le canal de sténon ou les voies lacrymales, taille, aspect (linéaire, en étoile,
contusion, nécrotique, corps étrangers, perte de substance...).
Inspection endobuccale
Elle peut être difficile à cause des douleurs responsables d'un trismus réflexe. Le bilan
dentaire doit être précis en raison du préjudice esthétique, fonctionnel et financier qu'il peut
comporter. L'inspection apprécie le caractère récent ou ancien des délabrements, fractures et
pertes dentaires, ainsi que l'état des dents restantes et des prothèses fixées ou mobiles qui
peuvent être fracturées. La palpation recherche une mobilité dentaire ou alvéolodentaire. Les
tests de vitalité sont, si possible, effectués pour toutes les dents traumatisées et celles situées
de part et d'autre d'une fracture mandibulaire. Des prothèses, même fracturées, doivent être
récupérées, pour obtenir des renseignements sur l'articulé dentaire du patient.
La sensibilité faciale faisant intervenir les trois branches de division du nerf trijumeau est
contrôlée.
Examen ophtalmologique
Il est réalisable par tous et recherche principalement des lésions justifiant une prise en charge
en urgence, tels une plaie du globe ou des signes de section physiologique du nerf optique (cf
infra). L'examen peut être rendu difficile par l'occlusion palpébrale (oedèmes, hématomes,
emphysème sous-cutané. sécrétions) et il ne faut pas hésiter à forcer l'ouverture palpébrale
pour rechercher une baisse de l'acuité visuelle, voire une cécité, une anomalie pupillaire par
l'étude des réflexes photomoteurs, une anomalie du tonus, de position (énophtalmie,
exophtalmie, abaissement...) et de mobilité des globes oculaires (diplopie). Une atteinte des
voies lacrymales est à explorer devant tout larmoiement (épiphora). Le recours à
l'ophtalmologiste en urgence est toujours nécessaire lorsque ce bilan laisse planer un doute sur
l'intégrité de la fonction visuelle du sujet. En l'absence d'urgences ophtalmologiques, un bilan
complet sera effectué ultérieurement sur un patient devenu examinable (disparition des
oedèmes, coopération du sujet). En cas de diplopie persistante, celle-ci sera objectivée par un
test de Lancaster.
Examen otologique
Examen neurologique
Bilan radiologique
Il est orienté par l'examen clinique, et vient confirmer ou infirmer le diagnostic de fracture.
Les clichés standards de débrouillage doivent être réalisables par tout manipulateur même non
spécialisé en radiologie maxillofaciale. Cependant, certaines incidences nécessitant des
installations particulières (panoramique dentaire, téléradiographie) ou la mobilisation du sujet
(patient assis pour le panoramique), sont irréalisables en urgence chez des polytraumatisés
intransportables ou inconscients. En cas de traumatisme du rachis cervical associé, l'intégrité
clinique et radiologique de celui-ci devra être vérifiée avant toute mobilisation de la tête
indispensable à la réalisation de certaines incidences.
Peu de clichés bien indiqués et de bonne qualité valent mieux qu'une multitude d'incidences et
de coupes tomographiques réalisées en urgence.
Une étude particulière des canaux et nerfs optiques est demandée en urgence en cas de signes
de compression du nerf optique.
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La mandibule, appendue à la base du crâne (os temporal) par l'intermédiaire des ATM
constitue le squelette de l'étage inférieur de la face. Elle est animée par des muscles
masticateurs puissants permettant des mouvements dans les trois plans de l'espace (ouverture-
fermeture, diductions, propulsion) et permet de mettre en contact les arcades mandibulaire et
maxillaire. Les fractures mandibulaires représentent environ 50 % des fractures faciales et
réalisent des formes anatomocliniques très variées. Les mécanismes aboutissant à une fracture
peuvent être : directs, entraînant une fracture au point d'impact ; indirects, responsable d'une
fracture à distance du point d'impact ; ou mixtes. Sont à mettre à part les fractures
comminutives, avec ou sans perte de substance, des traumatismes très violents et des
traumatismes balistiques. La rupture de l'équilibre des forces musculaires s'exerçant sur la
mandibule ainsi que le nombre et l'orientation des traits de fracture expliquent le déplacement
des fragments osseux.
On distingue les fractures de la portion dentée (corps mandibulaire) des fractures des portions
non dentées (branches montantes, col condyliens et condyles, apophyses coronoïdes). Toutes
les fractures déplacées (à l'exception des coronés) entraînent un trouble de l'articulé dentaire
et peuvent, quand elles croisent le trajet du canal mandibulaire, se compliquer d'un trouble
sensitif dans le territoire du nerf alvéolaire inférieur. Il peut s'agir de fractures unifocales,
bifocales (certaines associations sont fréquentes : fracture parasymphysaire et fracture du col
du condyle controlatéral), trifocales ou comminutives avec ou sans perte de substance osseuse
ou des parties molles. Les traits passant par la portion dentée s'accompagnent fréquemment
d'une déchirure ou d'une désinsertion de la fibromuqueuse au collet des dents et mettent en
contact l'os avec le milieu buccal septique.
Le diagnostic clinique souvent évident sera complété d'un bilan radiographique. En pratique,
deux incidences dans des plans différents suffisent pour dénombrer et apprécier le
déplacement des fragments. Ces deux incidences sont le panoramique dentaire (ou
orthopantomogramme) et l'incidence de face basse. Le panoramique, pas toujours réalisable
en urgence, reste irremplaçable en donnant une vue d'ensemble de la mandibule et des arcades
dentaires. L'incidence de face basse, réalisée si possible en bouche ouverte, explore la partie
postérieure des branches horizontales, les angles, les branches montantes et les condyles mais
la région symphysaire est mal étudiée en raison des superpositions avec le rachis cervical. En
l'absence du panoramique, les incidences « mandibules défilées » peuvent être utiles. Seul le
scanner en coupes axiales et coronales permet, chez des malades intransportables, une étude
de la mandibule et particulièrement des ATM, au besoin grâce à des reconstructions en trois
dimensions.
Traitement
Les buts du traitement des fractures de la mandibule sont multiples et consistent à rétablir,
l'articulé dentaire habituel du sujet, la fonction masticatoire et l'esthétique de la partie
inférieure du visage. Toutes les modalités thérapeutiques actuelles ne peuvent être détaillées.
Les méthodes utilisées sont : fonctionnelles (rééducation précoce des fractures condyliennes
articulaires), orthopédiques (blocage intermaxillaire), chirurgicales (ostéosynthèse par fil
d'acier, plaques vissées, vissage en compression, fixateur externe...) ou mixtes.
Les fractures mandibulaires ne posent, dans l'immense majorité des cas, aucun problèmes
d'urgence vitale à l'exception :
• des fractures parasymphysaires bilatérales pouvant entraîner une asphyxie par bascule
postérieure de la langue contre la paroi pharyngée postérieure ;
• des fractures survenant chez des patients sous anticoagulant pouvant se compliquer
d'un volumineux hématome du plancher buccal refoulant la langue ;
• des fractures comminutives avec perte de substance interruptrice de la mandibule
(PSIM) et désinsertion des muscles de la langue et du plancher buccal rencontrées
dans les traumatismes balistiques.
Fractures ouvertes
Au cours de certains traumatismes violents, il peut exister une ouverture cutanée en regard des
foyers par un mécanisme de dehors en dedans en cas de traumatisme direct ou de dedans en
dehors par un fragment osseux très déplacé. Il importe en urgence de fermer les plaies après
un nettoyage antiseptique et un parage économe. Le chirurgien maxillofacial doit pouvoir
entreprendre rapidement le traitement au bloc opératoire, au besoin en repassant par les plaies
pour effectuer les ostéosynthèses nécessaires (voie d'abord translésionnelle) et réparer une
éventuelle lésion nerveuse associée (section du rameau mentonnier du nerf facial par
exemple). Ces ouvertures cutanées ne contre-indiquent pas la réalisation d'ostéosynthèses par
fils d'acier ou plaques vissées à condition d'une prise en charge rapide, d'une bonne couverture
cutanéomuqueuse en regard et d'une antibiothérapie adaptée.
Les luxations antérieures sont de loin les plus fréquentes. Le condyle mandibulaire franchit en
avant l'éminence temporale et ne peut réintégrer la cavité glénoïde (ou fosse mandibulaire).
Elles peuvent être uni- ou bilatérales et se traduisent cliniquement par une vacuité de la glène
palpée en préauriculaire et par une position en ouverture buccale bloquée, avec
latérodéviation du menton en cas de luxation unilatérale. Elles sont favorisées par une
édentation molaire et peuvent être provoquées par un traumatisme de haut en bas sur le
menton, la bouche étant ouverte. Comme toutes luxations, elles entraînent des lésions
capsuloligamentaires et méniscales. La réduction doit être effectuée en urgence par la
manoeuvre de Nélaton après vérification radiologique de l'intégrité des condyles. Cette
manoeuvre consiste à abaisser et désenclaver les condyles mandibulaires en appuyant avec les
pouces sur les molaires mandibulaires en empaumant avec les autres doigts le bord basilaire.
Dans certains cas (patient vu tardivement ou particulièrement anxieux) une prémédication, par
un myorelaxant en intramusculaire, voire une anesthésie locale périarticulaire ou générale,
peut être nécessaire. Après la réduction, surtout s'il s'agit d'un premier épisode, une contention
par fronde mentonnière durant quelques jours doit être effectuée. Le traitement préventif des
récidives suppose souvent une restauration prothétique de l'articulé dentaire.
• Les luxations supérieures sont très rares et surviennent à la suite d'un grand choc de
bas en haut. Elles entraînent la pénétration intracrânienne du condyle mandibulaire à
travers la fosse mandibulaire sans fracture du col condylien associée. Quand elles ne
s'accompagnent pas de lésions létales, leur réduction et l'instauration d'une rééducation
active précoce permettra d'éviter l'apparition d'une ankylose temporomandibulaire.
• Les luxations postérieures sont associées à une fracture du tympanal, une plaie du
conduit auditif externe et une otorragie. Elles aussi doivent être réduites et mobilisées.
Les fractures des os propres du nez (OPN) sont très fréquentes et doivent être suspectées
devant tout traumatisme facial, l'auvent nasal constituant en effet un véritable « pare-chocs ».
Elles sont le plus souvent isolées mais peuvent être associées à des fractures du tiers médian
facial, ou complexe naso-ethmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire (CNEMFO), et des disjonctions
craniofaciales de type Le Fort 2 et 3.
Le diagnostic des fractures isolées des OPN est souvent évident cliniquement et ce d'autant
plus que le déplacement, parfois difficile à apprécier en raison des hématomes et de l'oedème,
est important. Un bilan radiographique doit être réalisé comportant au minimum une
incidence des OPN de profil et une incidence verticale du type racine-base de Gosserez ou
Paoli complétée, si besoin, d'une incidence de Blondeau. La conduite à tenir devant une telle
fracture est simple mais trois situations peuvent être rencontrées en urgence :
Le traitement des fractures déplacées des OPN n'est pas, sauf fracture ouverte, à entreprendre
en urgence. Il est habituel de temporiser quelques jours sous traitement antibiotique et anti-
inflammatoire pour réévaluer l'aspect du nez après disparition de l'oedème et des hématomes.
Le traitement sous anesthésie générale, avec intubation orale et packing pharyngé, permet une
réduction osseuse et cartilagineuse par voie endonasale suivie d'une contention interne par
méchage, et externe par attelle plâtrée maintenue 8 à 10 jours. Dans certaines fractures
septales instables, une contention par deux plaques (film radio découpé) solidarisées de part et
d'autre du septum par un point transfixiant est utilisable. L'antibiothérapie est systématique
durant toute la durée du méchage.
• la statique des globes recherchant une anomalie de leur position : énophtalmie par
enfoncement d'une ou de plusieurs paroi(s) orbitaire(s), exophtalmie ou déplacement
latéral du globe secondaire à l'embarrure d'une paroi orbitaire ou à un hématome.
L'apparition d'une exophtalmie progressive en post-traumatique ou postopératoire doit
faire évoquer un hématome orbitaire expansif à évacuer d'urgence, plus rarement une
fistule carotidocaverneuse ;
• la dynamique des globes se traduisant en cas d'anomalies par une ou des diplopie(s)
d'origine mécanique, neurologique ou mixte.
Les diplopies mécaniques sont les plus fréquentes et peuvent être secondaires :
Les diplopies neurologiques résultent, en dehors des lésions du système nerveux central, d'une
atteinte d'un ou de plusieurs nerfs oculomoteurs :
• l'atteinte du nerf moteur oculaire commun (III) est responsable quand elle est complète
d'un ptosis, d'une paralysie oculomotrice touchant l'élévation, l'abaissement et
l'adduction, d'un strabisme externe et d'une paralysie de la motilité oculaire intrinsèque
avec mydriase aréactive ;
• l'atteinte du nerf pathétique (IV) est responsable d'un déficit oculomoteur du muscle
grand oblique se traduisant par une diplopie verticale accentuée dans le regard en bas
et vers le côté sain ;
• l'atteinte du nerf moteur oculaire externe (VI) est responsable d'un déficit de
l'abduction avec diplopie horizontale et strabisme interne ;
• le syndrome de la fente sphénoïdale regroupe une atteinte des III, IV et VI nerfs
crâniens donnant une ophtalmoplégie totale avec ptosis et une atteinte de la branche
ophtalmique du trijumeau se traduisant par une anesthésie de la paupière supérieure,
de la racine du nez, du front et de la cornée avec abolition du réflexe cornéen ;
• le syndrome de l'apex orbitaire associe au syndrome de la fente sphénoïdale une
atteinte du nerf optique avec cécité unilatérale ;
• l'intégrité de l'appareil palpébral : les plaies transfixiantes et les pertes de substance
des paupières sont graves, surtout à la paupière supérieure, car elles exposent le globe
dont l'état cornéen doit être vérifié. Les plaies transfixiantes sont suturées en deux ou
trois plans (plans tarsoconjonctival, musculaire et cutané) avec alignement soigneux
du bord libre. Les pertes de substance peuvent, en fonction de leur dimension, être
réparées par suture directe ou par des plasties locales ou régionales. L'intérêt d'une
tarsorraphie transitoire protégeant le globe et évitant la rétraction est à souligner. Un
ptosis peut être d'origine neurologique (atteinte du III) ou mécanique par désinsertion,
section ou incarcération du muscle releveur de la paupière supérieure. Une dystopie
canthale interne uni- ou bilatérale, responsable d'un télécanthus (augmentation de la
distance entre les deux canthi internes), est due à une désinsertion du tendon palpébral
ou à un déplacement de son support osseux. Le traitement nécessite une ostéosynthèse
du fragment ou une canthopexie transnasale au fil d'acier. Ces lésions sont fréquentes
dans les fractures du CNEMFO. L'abaissement d'un os malaire fracturé entraîne une
dystopie canthale externe ou faux ptosis statique. La dynamique palpébrale fait
intervenir le muscle releveur innervé par le nerf moteur oculaire commun (III) et le
muscle orbiculaire innervé par le nerf facial (VII). Il faut toujours vérifier que
l'occlusion palpébrale est préservée particulièrement chez des patients comateux et en
cas d'exophtalmie importante. La protection cornéenne est assurée par la mise d'un
collyre type méthylcellulose et par la fermeture des paupières (Steri-strips®) ;
• l'intégrité des voies lacrymales qui peuvent être sectionnées dans la région canthale
interne (section des canalicules ou du sac lacrymal) ou comprimées par un fragment
osseux au niveau du sac ou du canal lacrymonasal. La lésion est mise en évidence par
le cathétérisme des canalicules et l'injection de sérum physiologique qui est extériorisé
ou refoulé.
Ce sont les plus fréquentes des fractures intéressant l'orbite. Seules les fractures en trappe du
plancher de l'orbite compliquées d'une incarcération et d'une diplopie franche dans l'élévation
du globe sont à traiter en urgence. Les radiographies standards ne montrant le plus souvent
qu'une image en goutte appendue au plancher, voire un discret hémosinus maxillaire, ces
fractures doivent être explorées par des coupes tomodensitométriques coronales appréciant
l'étendue de la fracture et le contenu de l'incarcération. Celle-ci doit être confirmée par un test
de Lancaster et un test de duction forcée puis libérée chirurgicalement avant d'effectuer la
réparation du plancher. Les fractures isolées de la paroi interne de l'orbite sont beaucoup plus
rares.
Elles regroupent différentes lésions dont les plus fréquentes sont les fractures fronto-
orbitaires, touchant le toit et le rebord orbitaire supérieur ainsi que le bandeau frontal, les
fractures du CNEMFO et les disjonctions craniofaciales de Le Fort III.
Toutes les fractures de la lame criblée de l'ethmoïde exposent au risque d'anosmie définitive
par cisaillement des filets olfactifs traversant cette lame. Cette anosmie peut aussi être
iatrogène lors de la fermeture chirurgicale d'une brèche durale siégeant à ce niveau.
Formes anatomocliniques
• Les fractures du sinus frontal, dont les dimensions sont très variables, peuvent
atteindre les parois antérieure, postérieure et les canaux nasofrontaux. Les fractures
déplacées de la paroi antérieure ont des répercussions esthétiques avec perte du galbe
frontal. Une fracture déplacée de la paroi postérieure peut provoquer une brèche dure-
mérienne et une rhinorrhée cérébrospinale. L'obstruction des canaux nasofrontaux
expose, en l'absence de traitement adéquat, au risque de mucocèle frontal.
• Les fractures du CNEMFO se traduisent par un enfoncement monobloc ou comminutif
du nez osseux dans l'ethmoïde associé à des fractures des parois médiales des orbites
et des processus frontaux des maxillaires qui sont valgisés. Des fractures frontales et
de la base du crâne sont associées. L'aspect du patient est caractéristique avec un
aplatissement et un élargissement, ou une impaction, du nez sous la glabelle, une
obstruction nasale et un télécanthus. Leurs conséquences ophtalmologiques,
palpébrales, lacrymales, sinusiennes et méningées ont déjà été évoquées.
• Les fractures fronto-orbitaires latérales associant une fracture du rebord orbitaire
supérieur très solide et du toit de l'orbite peuvent être étendues en dedans aux sinus
frontaux s'ils sont volumineux.
Traitement
Le diagnostic radiologique repose sur les incidences de Blondeau (ou Waters) donnant une
idée assez précise de la hauteur de la disjonction et sur la téléradiographie de profil montrant
le recul du massif facial et les fractures des apophyses ptérygoïdes. La radiographie des OPN
et le panoramique dentaire complètent ces incidences. Les renseignements fournis par le
scanner sont particulièrement utiles dans les Le Fort II et III (dont les traits intéressent les
orbites et la base du crâne) et dans les formes complexes.
Traitement
Les traumatismes balistiques occupent une place à part dans la traumatologie maxillofaciale
en raison de la complexité des lésions et des séquelles dont ils sont responsables. En pratique
civile, il s'agit surtout de tentatives d'autolyse par arme de chasse, plus rarement d'agressions
par arme de poing. Ces délabrements faciaux sont souvent très impressionnants et mutilants
(fig 17). Grâce à la rapidité et à la qualité de la prise en charge et en l'absence de
complications endocrâniennes dues au projectile les patients survivent à ces lésions. Les
premiers gestes d'urgence ne diffèrent pas des mesures générales communes à tous ces
traumatisés. Une fois arrivé dans une unité de soins intensifs, le blessé doit avoir un scanner
en urgence pour rechercher une pénétration intracrânienne du projectile et pour faire le bilan
des lésions faciales (fig 18). Ce bilan ne peut être fait correctement dans un premier temps
qu'au bloc opératoire sous anesthésie générale et après la réalisation d'une trachéotomie. Les
hémorragies sont contrôlées par des hémostases sélectives et des méchages, préférables aux
ligatures des gros vaisseaux (carotides externes) qui suppriment certaines possibilités de
reconstruction secondaires par lambeaux pédiculés ou microanastomosés.
Le traitement maxillofacial initial consiste, pour les parties molles, en un parage économe
plan par plan, en un rapprochement des berges et une suture sur un drainage large avec, si
possible, une fermeture étanche de la muqueuse pour éviter la constitution d'un orostome. En
cas de perte de substance interruptrice de la mandibule, il faut rapidement maintenir l'espace
grâce à un fixateur externe, à des broches de Kirschner en « X », ou à un blocage
intermaxillaire si l'état dentaire le permet. Ce maintien de l'espace est indispensable pour
éviter les rétractions des parties molles compliquant les reconstructions osseuses. L'utilisation
des ostéosynthèses par fils d'acier ou plaques vissées doit être réduite et n'est indiquée qu'en
cas de recouvrement muqueux ou cutané étanche. Les pertes de substance maxillopalatines
sont laissées en cicatrisation dirigée, au besoin après isolement de la cavité buccale par une
plaque palatine, et réparées secondairement chirurgicalement ou par une prothèse obturatrice.
Celle-ci permet le traitement de la communication bucco-sinuso-nasale et la restauration
prothétique dentaire très importante esthétiquement et fonctionnellement. La protection des
globes est impérative en cas de plaies ou pertes de substance palpébrales.
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La ventilation dépend de la perméabilité des fosses nasales qui ne doit pas être entravée par
une sténose narinaire ou une déviation de cloison nasale.
Les troubles sensoriels intéressent la vision compromise par toute atteinte du globe, du nerf
optique, des muscles oculomoteurs et de l'appareil palpébral. L'odorat et le goût pouvant être
compromis par le traumatisme (fracture de la lame criblée de l'ethmoïde) ou par le traitement
neurochirurgical d'une rhinorrhée cérébrospinale.
Les troubles sensitifs par atteinte des branches du trijumeau sont fréquents.
La date du traitement des fractures maxillofaciales est variable.
Dans les traumatismes maxillofaciaux isolés et simples, l'intervention doit pouvoir être très
précoce, dès que les éléments du bilan sont rassemblés.
Pour les traumatismes complexes, l'obtention d'un bilan complet des lésions demande souvent
un délai plus long. L'intervention peut sans dommage être différée de quelques jours dans la
mesure où ce retard sera mis à profit par le chirurgien pour lui permettre de coordonner ses
temps opératoires avec les autres spécialistes intéressés (neurochirurgien notamment).
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Références
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