Vous êtes sur la page 1sur 22

Extrême-Orient, Extrême-

Occident

Théorie de la « rectification des dénominations » et réflexion


linguistique chez Xunzi
Redouane Djamouri

Abstract
The theory of « rectification of denominations » and linguistic reflections
in Xunzi
In his discussion of Zhengming, the Confucian Xunzi goes beyond the strictly political framework in which the question
appeared and treats names as such. From a historical as well as from an epistemological point of view, he analyses the
ways in which names are given to realities and brings to light some

Résumé
Dans sa discussion du Zhengming , le confucéen Xunzi dépasse le cadre strictement politique dans lequel la
problématique est apparue pour traiter des noms en tant que tels. Il analyse, d'un point de vue tant historique
qu'épistémologique, les modalités par lesquelles les noms sont attribués aux
réalités et dégage des principes, pertinents d'un point de vue linguistique,
relatifs à la structuration de certains de leurs ensembles.

Citer ce document / Cite this document :

Djamouri Redouane. Théorie de la « rectification des dénominations » et réflexion linguistique chez Xunzi. In: Extrême-
Orient, Extrême-Occident, 1993, n°15. Le juste nom [préparé par Karine Chemla et François Martin] pp. 54-74.

doi : 10.3406/oroc.1993.975

http://www.persee.fr/doc/oroc_0754-5010_1993_num_15_15_975

Document généré le 16/10/2015


Redouane Djamouri

bie m
bie ming M%
bing $%
chong fi
da j£
da bie ming ;fc#!l45
da gong ming &#:%
dan *
dao JÊ
dao de 31 ÎS
fujie duliang zhi zui & 95 &.&%.&
gong &
gou %%}
jian 3fc
lei gg
1U ^
ming 45
ming2 fà
ming3 i£
ming yue %$]
neng fê
Qing t8
quan ;fc
shi "R
si HU
suo wei you ming #r-&3T45
suo yuan yi tong yi Bf&£llë]&
wei fë
wu m
wu guan Slf
xia X
xiao bie ming 'J"-?!!^
xin you zheng zhi «t^îE^D
xing &
xing2 ^
yi shi he ming &.% %
yi tong &JsJ
yi wu &$7
yu QK
zheng ming jE4>
zhi *0
zhi ming zhi shuyao $H4S£fl=3?

54
Extrême-Orient - Extrême-Occident 15 - 1993

Théorie de la « rectification des dénominations »


et réflexion linguistique chez Xunzi

Redouane Djamouri

Les premières réflexions sur le langage en Chine se sont


cristallisées autour de la problématique de l'adéquation entre les
réalités (shi) et les dénominations (ming). Ces réflexions se sont
inscrites dans le cadre moral et politique de la théorie de la
« rectification des dénominations » (zhengming) dont Confucius (551-
479? av. J.-C.) aurait été l'initiateur1.
De ce débat, nous ne retiendrons ici que les interrogations qui ont
donné lieu, sur le langage, à des réflexions de type métalinguistique.
Dans l'ensemble des textes philosophiques datant du VIe au me siècle
avant notre ère, les considérations d'ordre linguistique demeurent
subsidiaires ; elles sont formulées de manière lacunaire et se
retrouvent disséminées parmi les réflexions morales et politiques ou
parmi les argumentations logiques.
Nous n'essaierons pas ici, dès lors qu'elles sous-tendent quelque
réflexion d'ordre linguistique, d'établir un compte rendu extensif de
l'ensemble des remarques relatives à la théorie du zhengming. Nous
nous limiterons volontairement au seul texte de cette époque
exclusivement consacré au zhengming ; il constituera en quelque sorte
la trame de cette étude, n s'agit du chapitre intitulé «Rectification des
dénominations » (Zhengming bian) du Xunzi2. Le chapitre en question
présente un double intérêt : outre le fait de reprendre et de développer
certains points de vue antérieurs relatifs à l'aspect éthique et politique
de la théorie du zhengming, ce texte contient par ailleurs les idées les
plus novatrices pour son époque concernant la description de faits
proprement linguistiques, n est possible d'y distinguer trois parties.
Redouane Djamouri

La première est consacrée à l'examen de la relation entre réalités et


dénominations ; Xunzi y expose ses vues sur la formation, le rôle et la
classification des dénominations. Dans la seconde partie, Xunzi
s'évertue, grâce aux conclusions qu'il a tirées de l'examen des
dénominations, à repérer les argumentations sophistiques fallacieuses
et à introduire les principes d'un raisonnement dialectique recevable.
Enfin, dans la troisième partie, bien qu'il situe la notion de zhengming
dans une perspective plus discursive, il la soumet cependant à des
positions essentiellement normatives. Xunzi y exprime en effet la
nécessité de veiller à la rectitude des dénominations dans leur rapport
aux réalités afin de permettre à toute argumentation dialectique et,
plus largement, à tout discours de refléter toujours le principe
fondamental qui gouverne l'organisation et l'équilibre de la société
(dao).
La première partie du chapitre est celle qui retiendra en priorité
notre attention car c'est en elle que se trouve l'essentiel des
observations d'ordre linguistique. Nous exposerons tout d'abord les
points de vue en vigueur avant Xunzi qui concernent la nature du lien
à établir entre réalités et dénominations, puis nous essaierons de
montrer en quoi, sur ce point, les remarques de Xunzi s'avèrent être
plus pertinentes que celle de ses devanciers. Nous examinerons
ensuite l'ensemble des réflexions de Xunzi sur la nature, la fonction et
la structuration interne des dénominations. Enfin, nous nous
interrogerons sur les raisons pour lesquelles de telles réflexions n'ont
jamais pu déboucher en Chine sur des considérations proprement
grammaticales.

Relation entre réalité et dénomination

1. Points de vue antérieurs à Xunzi


Dans l'optique confucéenne, l'ordre social et la stabilité politique
peuvent être obtenus grâce à l'imitation et la reproduction du modèle
légué par les Sages Rois de l'antiquité. Pour y parvenir, il est
primordial d'accorder à chaque objet la dénomination exacte qui lui

56
« Rectification » et réflexion linguistique chez Xunzi

convient, celle-là même dont l'usage a été fondé par les Rois de
l'antiquité. En effet, à partir du moment où chaque objet est en
parfaite concordance avec le contenu de sa dénomination, on ne peut
que retrouver l'ordre et la stabilité des temps anciens. On le voit, la
théorie de la rectification des dénominations est de manière
fondamentale, pour reprendre le point de vue de M. Granet, une
théorie de l'ordre3.
Les tenants des différents courants de pensée qui se sont succédés
jusqu'à la fondation de l'empire (fin me s. avant notre ère) ont tous, à
un degré ou à un autre, spéculé autour de cette notion de zhengming.
C'est ainsi que confucéens, mais aussi taoïstes, moïstes, sophistes ou
légistes, ont repris à leur compte et discuté le rapport à établir entre
dénomination et réalité. L'enjeu du débat a consisté pour certains à
défendre ou à récuser les argumentations sophistiques à l'aide de
considérations logiques ; cependant, le but fondamental et commun à
tous a été de rechercher, en cette époque de grande instabilité qui a été
la leur, les moyens de transformer la société et de rétablir l'ordre
politique et social.
Si l'on s'en tient aux propos attribués à Confucius, on peut dire
que le lien entre dénomination et réalité est à l'origine conçu comme
immédiat, univoque et non-hiérarchique. Une dénomination n'est
correcte que si elle évoque de manière idéale l'ensemble des
particularités que l'ordre ancien (dans un passé mythique) assigne à
l'objet qu'elle désigne. Bien qu'une telle conception se veuille
manifestement d'une portée générale, elle n'est illustrée - de fait -
que par des dénominations qui, au niveau de l'expérience
référentielle, supposent une interprétation préalable en termes de
relation sociale. Ainsi, ne peut être appelé « roi » que celui qui, par ses
actes, répond effectivement aux caractéristiques que cette
dénomination dénote de manière stable chez les anciens. La recherche
d'une telle adéquation entre le dire et le faire permet à M.Granet
d'écrire avec raison au sujet du zhengming « que tout autant qu'une
règle de pensée, c'est une règle d'action » 4. En effet, employer de
manière correcte une dénomination n'est autre, dans cette perspective,
qu'un acte du sujet parlant tendant à imposer par la parole un certain
comportement. Du point de vue énonciatif, on a là un acte de parole

57
Redouane Djamouri

qui relève de l'ensemble des actes performatifs et que l'on qualifie


d'illocutoire 5. C'est cette force illocutoire à laquelle est sensible
M. Granet lorsqu'il voit à l'origine du zhengming « une sorte de
réalisme magique »6. On relèvera avec intérêt que bon nombre de
définitions ou de gloses traditionnelles concernant le caractère ming
(« dénommer, dénomination ») renvoient à des verbes performatifs
comme « proférer un nom, ordonner» (mingl), « graver sa signature »
(ming3p.
Sans remettre en cause l'adéquation nécessaire ou le lien
univoque, non hiérarchique, entre dénominations et réalités, Zhuangzi
(370-300 av. J.-C.) considère que dénominations et réalités procèdent
des vertus du Prince qui, elles-mêmes, procèdent de l'« efficace
première » (dao de) 8. Les réflexions de ce penseur taoïste le mèneront
à discuter les argumentations sophistiques avant de les rejeter comme
vaines et de conclure, face à l'immensité du principe cosmique que
constitue le Dao, à l'inutilité et à la vanité du langage.
On retrouve dans le Guanzi? un peu de cet idéalisme. Le primat de
l'existence de la vertu sur celle des réalités et des dénominations y est
réaffirmé. Cependant une filiation entre ces deux dernières y est
introduite. Il y est explicitement dit que « les dénominations procèdent
des réalités et les réalités procèdent de la vertu. . . » 10.
Ce rapport d'antériorité (chrono)logique entre les réalités et les
dénominations est aussi exprimé par les moïstes : « [il faut d'abord]
qu'il y ait un [objet de la réalité], pour qu'ensuite lui soit conféré une
appellation ; s'il n'y a pas d'objet de la réalité, il ne saurait y avoir
d'appellation » n. Les moïstes insistent par ailleurs sur le lien
univoque entre tout objet de la réalité et sa dénomination.
Les sophistes prônèrent eux aussi la nécessité de la rectification
des dénominations. Le recours qu'ils firent à l'argumentation
(para)logique pour redéfinir certains termes et remettre en cause la
connaissance que leurs contemporains avaient du monde leur attira les
plus vives critiques de la part des représentants des autres courants de
pensée. Ils eurent cependant le mérite de tenter d'articuler une
certaine indépendance entre dénominations et réalités en introduisant
entre elles un terme médiat. Ainsi Gongsun Long 12 soumit la relation
entre dénomination et réalité à la médiation du savoir (zhi). « La

58
« Rectification» et réflexion linguistique chez Xunzi

dénomination, écrit-il, est l'appellation d'une réalité. Pour peu que


l'on sache que ceci n'est pas ceci ou que ceci n'est pas en place de
ceci, alors ceci ne peut être appelé ainsi » 13. On en déduira qu'une
dénomination, aux yeux de ce penseur, ne pouvait être considérée
comme correcte que si le savoir que l'on avait permettait
effectivement de l'associer à la réalité qu'elle était censée nommer. C'est là la
base sur laquelle a pu être construite une forme de subjectivisme qui,
à l'aide de l'argumentation logique, s'attachait à redéfinir le savoir
que l'on avait sur les choses.
La remise en cause à la fois de l'immédiateté de la relation entre
dénomination et réalité ainsi que du caractère obligatoire de leur
interaction est encore plus fortement exprimée dans le Yin Wen Zi 14
où il est dit :

[...] une dénomination nomme une forme du réel (xingl) et une forme du
réel répond à une dénomination ; ainsi, une forme n'est pas ce qui rend
correct une dénomination, de même qu'une dénomination n'est pas ce
qui rend correct une forme ; aussi, forme et dénomination sont-elles
effectivement choses distinctes 15.

Il s'agit vraisemblablement là de la position la plus critique à l'égard


de la conception confucéenne du zhengming que nous avons
précédemment exposée.
2. Points de vue de Xunzi
Sans remettre en cause l'adéquation nécessaire entre dénomination
et réalité, Xunzi a, pour son époque, développé les idées les plus
novatrices quant à la distanciation à établir entre ces deux notions. De
même qu'il est, comme le rappelle J. Gemet, « le premier sans doute
dans l'histoire universelle à avoir reconnu l'origine sociale de la
morale » 16, il est aussi le premier àt avoir explicitement établi que le
lien entre réalité et dénomination est essentiellement tributaire d'une
convention entre les hommes (ming yue). Il récuse, de ce fait,
l'idéalisme taoïste tendant à prouver que dénominations et réalités
procèdent du principe cosmique que constitue le Dao, tout autant
qu'il récuse l'immédiateté et l'immuabilité du rapport entre les deux
notions.

59
Redouane Djamouri

Une dénomination, écrit-il, d'elle-même n'a pas de pertinence ; c'est par


convention qu'il lui est assigné [une réalité]. On parlera de pertinence
une fois que cette convention est établie et que l'usage commun s'est
généralisé. Si une dénomination reste étrangère à [toute] convention, elle
sera dite non-pertinente. [Pareillement], une dénomination n'a pas par
nature [de lien avec] une réalité ; c'est par convention qu'il lui est assigné
une réalité. Lorsque la convention est établie et que l'usage commun s'est
généralisé, on parle alors de dénomination d'une réalité 17.

Xunzi insiste grandement sur l'importance du respect que l'on doit


avoir à l'égard de la convention sociale qui lie dénominations et
réalités. Pour lui, enfreindre cette convention et, par là même, affecter
la communication entre les hommes - notamment entre le souverain
et ses sujets- s'avère être aussi grave pour l'ordre et la stabilité
politique que, pour reprendre ses propres termes, « le crime de
falsification des poids et mesures » (fujie duliang zhi zui). C'est au
souverain qu'incombe la tâche de veiller au respect de cette
convention. Ce dernier se doit de repérer et d'écarter les esprits
subversifs qui n'ont de cesse que de la mettre à mal et de plonger le
pays dans le désordre. Outre ce rôle de garant, Xunzi reconnaît au
souverain la possibilité -sinon le devoir- de créer de nouvelles
dénominations et d'imposer leur usage en légiférant jusqu'à ce
qu'elles deviennent à leur tour conventionnelles.
Xunzi, en ce dernier point, se distingue une fois encore de tous ses
prédécesseurs. En reconnaissant la possibilité de créer de nouvelles
dénominations, il ébranle le mythe de l'immuabilité du langage ou, ce
qui au fond revient au même, celui de la dérive coupable du langage
par rapport à la norme exemplaire et indépassable, instituée par les
Sages Rois de l'antiquité.
Une fois établie la possibilité de créer de nouvelles dénominations,
Xunzi est à même de s'interroger sur ce qui fonde un tel acte et de
dégager certains principes fondamentaux qui gouvernent la
structuration interne des dénominations.

60
« Rectification » et réflexion linguistique chez Xunzi

Réflexions sur la nature et la fonction des dénominations

Xunzi distingue trois classes de dénominations : 1) celles qui ont


trait aux institutions sociales (peines, dignités et étiquette) et qui ont
été créées sous les dynasties précédentes, 2) celles qui s'appliquent à
la multitude des objets du monde et qui ont été obtenues par
convention entre l'ensemble des populations chinoises (xia) au gré
des âges et de la maturation de leur mode de vie, 3) celles enfin qui se
rapportent à l'homme lui-même et qui sont l'objet de constante
création (re-définition). Comme exemple de dénominations
appartenant à cette dernière classe, Xunzi cite des termes comme xing
« disposition naturelle », qing « disposition affective », lu « réflexion »,
wei « action », zhi « connaissance » ou bing « altération des facultés
naturelles ».
On le voit, cette classification ne renvoie pas simplement à une
correspondance pragmatique entre objets du monde et
dénominations ; bien qu'elle demeure empreinte d'un certain
empirisme, elle n'est pas moins fondée sur deux critères qui cherchent
à établir de manière relativement méthodique les démarcations
voulues. Le premier critère renvoie au temps /passé vs présent/, le
second au déroulement dans le temps /évolution vs création/. Cette
classification peut être schématisée comme suit :

passé présent

évolution création création

multitude des dén. relatives dén. relevant


objets du monde aux institutions de l'homme

D'un point de vue linguistique, la démarcation que l'on retiendra est


celle qui est faite entre les dénominations qui réfèrent à la multitude
des objets du monde et celles qui se rapportent à l'homme. Les
premières recouvriraient l'ensemble des termes concrets dont les
referents sont extra-linguistiques, les secondes, si l'on en croit les

61
Redouane Djamouri

exemples cités par Xunzi, recouvriraient l'ensemble des termes


abstraits. Ces derniers, dépourvus de support référentiel extérieur,
sont vus comme internes à l'homme lui-même. Contrairement aux
termes relatifs à la « multitude des objets du monde », ceux qui
« relèvent de l'homme » font l'objet d'une création car ils ne sont
susceptibles de trouver leur signification qu'au terme d'une
(re)définition convoquant les mêmes termes ou des termes de même
nature :

La capacité de connaître (zhi) propre à l'homme est dite connaissance


(zhi) ; la connaissance concordant avec son objet est dite intelligence
(zhi). Les potentialités (neng) propres à l'homme sont dites capacités
(neng) ; une potentialité (neng) concordant avec son objet est dite
aptitude (neng).

Xunzi définit ici un type particulier de dénominations qui relève


en fait de la construction du métalangage philosophique ; à ce titre,
ces dénominations peuvent être qualifiées d'artificielles. Elles
fonctionnent ici corrélativement à la définition et, dans la mesure où
elles résument des unités discursives de dimension supérieure, elles
correspondent à une forme de condensation. D'une certaine manière,
sans qu'il manifeste le souci d'établir une hiérarchisation entre ces
unités, Xunzi reconnaît que l'on peut avoir, d'une part, une
équivalence sémantique entre des unités de dimensions différentes et,
d'autre part, une différence entre une acception commune et une
acception spécifique (ici philosophique) d'une même unité. D'une
manière indirecte, cela a pour mérite de rappeler un phénomène
spécifique au langage qui est l'élasticité du discours.
Cependant, en examinant les conditions de création de nouvelles
dénominations, c'est à cette élasticité même que Xunzi tentera de
fixer des limites. En effet, il restreindra la possibilité de création en
faisant de cette dernière la prérogative exclusive du souverain. Celui-
ci, en faisant respecter les anciennes normes et en en imposant de
nouvelles, devra de la sorte préserver la société des argumentations
sophistiques et des discours séditieux prompts à engendrer le
désordre. Ce désir d'un ordre stable et d'une souveraineté normative
trouvera sa pleine réalisation chez les tenants de l'École des Lois 18.

62
« Rectification » et réflexion linguistique chez Xunzi

Il n'est donc pas étonnant, si l'on s'en tient une fois encore aux
exemples qu'il cite, que la création de nouvelles dénominations pour
Xunzi conceme essentiellement des termes relevant d'un registre abstrait
et faisant l'objet, chez nombre de ses devanciers ou contemporains, de
spéculations philosophiques. En effet, ces termes sont susceptibles en
discours de témoigner de l'élasticité la plus grande et, de fait, sont ceux
dont l'emploi dans un texte philosophique nécessite une définition
préalable des plus rigoureuses et quasi-univoque.
En définitive, la création de dénominations par le souverain est une
tâche qui consiste moins à en créer objectivement de nouvelles qu'à
fixer les définitions de celles qui existent déjà. Dans les faits, une telle
conception n'a pu s'exercer qu'ultérieurement, dans le champ d'exercice
de la norme officielle, à savoir celui de la glose officielle des textes
canoniques, de la lexicographie, de l'étymologie et de l'orthographe.
Xunzi considère que le souverain, afin de créer de nouvelles
dénominations, se doit de pouvoir répondre à trois séries de questions, à
savoir : 1) quelles sont les raisons pour lesquelles les dénominations
existent ? (suo wei you ming), 2) qu'est-ce qui fonde l'identité et la
différence parmi elles ? (suo yuan yi tong yi), 3) quels sont les principes
essentiels gouvernant leur création ? (zhi ming zhi shu yao). Comme
nous allons le voir, c'est dans les réponses qu'il apporte à ces trois
questions, notamment à la troisième, que l'on trouvera une description
relativement pertinente de certains faits linguistiques.

a) Les raisons pour lesquelles les dénominations existent

Les sages [souverains de l'antiquité] ont créé les dénominations pour


désigner les réalités ; [afin] d'une part, de mettre en lumière [la
différence] entre le précieux et le vil, d'autre part, de distinguer le
similaire du différent [...]. De cette façon, leurs volontés n'ont plus
souffert d'être incomprises, et leurs tâches n'ont plus connu le malheur
d'être entravées et vouées à l'échec. Voilà pourquoi les dénominations
existent [écrit Xunzi].

Ce passage appelle deux commentaires. Premièrement, la création


des dénominations n'est jamais confondue avec celle du langage. De

63
Redouane Djamouri

cette dernière il n'est, à notre connaissance, jamais fait mention dans


les textes chinois archaïques. Deuxièmement, tout porte à croire que
la faculté langagière, à l'instar d'une activité sensorielle quelconque,
était considérée en Chine comme inhérente à la nature de l'homme.
Le langage préexistait donc aux dénominations, mais ne remplissait
pas (ou très mal) sa fonction de communication avant que ces
dernières ne soient établies. A l'origine, avant que ne soit fixé le lien
entre dénominations et réalités, Xunzi précise que :

les [objets de] formes différentes suscitaient [chez les hommes] des idées
divergentes et des explications contradictoires. Des objets étaient
différents, [mais leurs] dénominations et réalités [respectives] se
trouvaient employées indistinctement les unes pour les autres 19.

Ce passage appelle plusieurs remarques. Il confirme avant tout que les


dénominations sont bien établies sur la base d'une activité langagière
préexistante ; il montre aussi que les dénominations concernent
fondamentalement à l'origine les objets du monde extérieur (ayant
une forme) mais que ces derniers ne sauraient être confondus avec les
réalités ; enfin, on retrouve de manière indirecte la formulation de
l'origine sociale de la morale. En effet, c'est avec la création des
dénominations qui, nous l'avons vu, n'existent réellement que si elles
font l'objet d'une convention entre les hommes, que le jugement
moral (distinction du vil et du précieux) et l'ordre politique sont
institués.

b) Ce qui fonde l'identité et la différence parmi les dénominations


Constatant que les dénominations sont différentes les unes des
autres et que chacune d'entre elles renvoie à un ensemble d'objets
(physiquement) distincts (yi tong), Xunzi confère à ce phénomène une
finalité d'ordre fonctionnel : permettre la communication entre les
hommes.
Pour ce qui est du moyen qui rend possible l'existence d'un tel
phénomène, il considère qu'il relève de la variété des perceptions que
les différents sens humains se font des objets extérieurs :

64
« Rectification » et réflexion linguistique chez Xunzi

Lorsque des objets sont de même sorte (lei) et suscitent une même
impression (qing), la représentation que l'on s'en fait en tant qu'objets (yi
wu) par l'intermédiaire des sens appropriés est la même. Aussi les
rapproche-t-on selon leur ressemblance et les conçoit-on de manière
conjointe ; c'est ce qui fait qu'on les rassemble de manière
conventionnelle sous une même dénomination dans le but de s'entendre
mutuellement 20.

On notera que la dénomination n'est pas vue comme directement


tributaire de l'existence physique d'un objet du monde mais qu'elle
correspond à un acte fondé sur la perception que l'on a de cet objet
grâce aux différents sens. Conséquemment, on ne saurait assimiler
objet du monde et réalité ; cette dernière correspond en fait, non pas
forcément à un (ou des) objet spécifique, mais à un ensemble (ouvert)
d'objets liés dans un rapport d'identité grâce à la perception que l'on
en a.
Xunzi explicite plus avant le parcours qui va de la perception à la
dénomination en introduisant entre elles un stade intermédiaire, celui
de la « re-connaissance par la pensée » (xin you zheng zhi,
littéralement : « connaissance par l'expérience propre au coeur
[= siège de la pensée] ») :

La reconnaissance [d'une forme, d'un son, etc.] n'a lieu qu'après que les
sens innés sont entrés en contact avec ce qui relève de leurs attributions
respectives [...]. Suite à cela, on assigne [des dénominations]. L'identité
donnera lieu à une même dénomination, l'altérité à une dénomination
différente.

C'est donc avec une relative clarté que Xunzi entrevoit la


succession des quatre plans qui vont du réfèrent (réalité) au choix
d'un signe (dénomination), en passant par la perception des cinq sens
(wu guan) et la conception (re-connaissance). Nous noterons
cependant qu'à aucun moment il ne discerne la multiplicité théorique
des parcours entre chacun de ces plans ; cette multiplicité étant
réduite à un parcours direct : une réalité commande une perception
qui commande une reconnaissance qui à son tour commande une et
une seule dénomination. Ce qui, pour conséquence implicite, réduit la

65
Redouane Djamouri

mise en signe à une relation de type orthonymique, excluant de ce fait


une propriété linguistique fondamentale : la métaphorisation.

c) Principes essentiels gouvernant la création de dénominations


Répondant à ce troisième point, Xunzi donne quelques indications
formelles sur la formation des dénominations et leur hiérarchisatioa
En premier lieu, il reconnaît qu'une dénomination peut correspondre
soit à une unité linguistique simple (dan), soit à une unité composée
(jian). On notera qu'il est le premier penseur chinois à établir une
telle distinction :

Lorsqu'une [dénomination] simple permet à elle seule la compréhension,


[on aura recours] alors à [une dénomination] simple ; lorsqu'une
[dénomination] simple ne permet pas à elle seule la compréhension, [on
aura recours] alors à une [dénomination] composée.

Il est le premier aussi à reconnaître qu'une unité simple et une


unité composée peuvent être sémantiquement équivalentes :

Lorsque [dénomination] simple et [dénomination] composée ne se


contredisent pas l'une l'autre, alors elles peuvent être employées
ensemble [pour nommer une même réalité] sans incompatibilité.

D'une certaine façon, il entrevoit ici, non seulement la possibilité


de synonymie, mais aussi celle de paraphrase. Avant lui, Mozi relève
bien qu'un même objet peut avoir deux appellations différentes sans
qu'il soit autoritairement possible de retenir l'une et d'ignorer l'autre.
Cependant, cela semble ne constituer pour Mozi qu'un fait marginal
de redondance lexicale (chong) 21. De la même manière, on trouve
dans le Shizi une liste de onze unités linguistiques - représentées par
autant de caractères différents - censées entretenir un rapport
d'équivalence sémantique entre elles 22. Cependant Xunzi est le
premier à admettre que l'équivalence sémantique peut avoir lieu entre
des unités discursives de dimensions différentes.
Il ne faut cependant pas pour autant conclure que le rapport qui
fonde la théorie de la « rectification des dénominations », à savoir le

66
« Rectification » et réflexion linguistique chez Xunzi

rapport d'univocité -orthonymique- entre dénomination et réalité,


soit en cela remis en cause. L'équivalence sémantique entre deux
unités, que ces dernières soient de même dimension ou de dimensions
différentes, ne traduit ici qu'une double relation univoque entre deux
dénominations et une seule réalité. Le rapport de synonymie ou de
paraphrase entre les unités en question est en fait un rapport de stricte
équivalence, et l'écart sémantique qu'il ne saurait manquer de
manifester en discours n'est jamais entrevu. Là encore, un des
chemins qui mènerait à la reconnaissance des virtualités
métaphoriques du langage est une fois de plus évité.
Xunzi, dans la suite du texte, revient d'ailleurs clairement sur
l'importance à ses yeux d'associer à chaque réalité une dénomination
qui lui est propre :

Une fois que l'on comprend qu'à des réalités différentes [doivent
correspondre] des dénominations différentes, il faut dès lors faire en sorte
qu'à chaque réalité différente [puisse correspondre] une dénomination
différente.

Bien qu'il ne remette nullement en cause le principe d'univocité


entre dénomination et réalité, Xunzi n'en arrive pas moins, dans la
suite de son exposé, à décrire un phénomène d'importance : la
structuration interne des dénominations indépendamment de
l'ordonnancement du réel. Il décrit en effet la nécessité propre au
langage d'avoir parfois recours à une dénomination dont la réalité
recouvre, non plus une classe d'objets perçus et considérés comme
identiques, mais un ensemble d'objets manifestement différents :

Bien que les multiples objets [du monde] soient innombrables, on a


parfois envie de les présenter dans leur totalité, aussi les désigne-t-on alors
par le terme « être » (wu). « Être » est une dénomination collective majeure
(da gong ming). [On obtient cette dernière] en partant d'une dénomination
pour trouver une autre qui l'inclue et, d'inclusion en inclusion, arriver à ce
qu'il n'y ait plus d'inclusion possible avant de s'arrêter.

La relation qui est ici mise en évidence est celle qui, dans la
terminologie linguistique actuelle, est dite relation d'hypéronymie 23.

67
Redouane Djamouri

On notera que l'hypéronyme est obtenu en partant d'une


dénomination et non d'une réalité. Le rapport d'inclusion n'est pas vu
comme relevant du monde référentiel mais, avec justesse, comme une
procédure inhérente aux possibilités de la langue et dépendante de la
volonté (yu).
De la même manière, Xunzi propose une description de la relation
inverse que l'on qualifiera d'hyponymique 24 :

On a parfois envie de recourir à une présentation partielle, aussi


parlera-ton (par exemple) de « volatile » ou de « quadrupède ». « Volatile » ou
« quadrupède » sont des dénominations distinctives majeures (da bie
ming). On peut (à partir d'une dénomination) opérer une distinction, puis,
de distinction en distinction, arriver au point où il n'y a plus de
distinction possible.

Hypéronymie et hyponymie correspondent en fait à deux


orientations d'une même relation hiérarchique. Reprenant la
terminologie de Xunzi, cette relation pourrait être visualisée comme
suit, sous forme de représentation arborescente 25 :

Dénomination collective
da gong ming

majeure

«volatile» «quadrupède» («homme») Dén. distinctives majeures


da bie ming

(«canard») («moineau») (Dénominations distinctives)


(bie ming)

(«canette») («caneton») (Dén. distinctives mineures)


(xiao bie ming)
# #

68
« Rectification » et réflexion linguistique chez Xunzi

On le voit, cette classification dépasse le cadre pragmatique d'une


simple classification empirique des dénominations en fonction de leur
adéquation au réel. En cela, elle diffère de la tentative de Mozi de
répartir les dénominations en trois classes non-hiérarchisables,
fondées en grande partie sur l'observation de la réalité : « noms
généraux » (da), « noms communs » (lei) et « noms propres » (si) 26.
La classification proposée par Xunzi est bien le résultat d'une analyse
essayant de rendre compte, moins d'une taxinomie effective basée sur
l'observation du réel, que d'une organisation hiérarchique de la
double relation paradigmatique (hyponymie/hypéronymie) dans
laquelle toute dénomination se trouve prise.
Les observations et analyses de Xunzi que nous venons d'exposer
sont, dans leur ensemble, relativement pertinentes. Cependant, aussi
novatrices soient-elles d'un point de vue linguistique, elles demeurent
subordonnées à des préoccupations politiques et morales que nous ne
développerons pas, bien que ces dernières constituent l'essentiel des
deux autres parties du chapitre du Xunzi que nous étudions ici. On est
à même de se demander pour quelles raisons de telles observations
n'ont guère donné lieu, en Chine, à l'examen au cas par cas des
phénomènes qui se manifestent en discours, et n'ont, de ce fait, jamais
abouti à la formulation d'idées proprement grammaticales.

Zhengming et absence de réflexion grammaticale

Ce n'est qu'au siècle dernier, sur le modèle des descriptions des


langues européennes, que les règles relatives à la construction de
l'énoncé ont pu être formulées. Aujourd'hui, nombre d'auteurs
expliquent ce retard par la difficulté que les locuteurs d'une langue à
morphologie réduite comme le chinois auraient eu à distinguer les
parties du discours 27.
Au terme de la lecture du chapitre sur la « rectification des
dénominations » du Xunzi, peut-être est-il possible d'apporter sur ce
point une explication concurrente, mais non-exclusive.
En insistant sur le fait que toute dénomination doit correspondre
de manière biunivoque à une désignation immédiate -
orthonymique-, Xunzi, à l'instar de ses prédécesseurs, n'a su entrevoir le

69
Redouane Djamouri

phénomène fondamental de polyvalence des signes linguistiques ;


c'est ainsi que s'est trouvée exclue de la description toute intention
virtuelle de métaphorisation, cette dernière constituant pourtant une
dimension essentielle du langage 28. De la même manière, se sont vus
écartés les phénomènes d'ambiguïté et de polyvalence aussi bien
sémantique que syntaxique qui auraient pu donner matière à
l'ébauche d'une classification grammaticale. L'autorité avec laquelle
s'est exercée cette exclusion s'est accompagnée, corollairement,
d'une défense accrue de la norme. Le primat de la norme, sous
l'impulsion théorique des tenants de l'École des Lois, s'est imposé
avec force à la fondation de l'empire. Dès lors, pour des raisons de
nécessité de communication et d'efficacité administratives, mais plus
encore pour des raisons de légitimité politique, s'est accomplie en
Chine une valorisation sans précédent et définitive de l'écrit. Ce
dernier va devenir le lieu privilégié de l'exercice de la norme, et va à
lui seul canaliser tous les efforts de réflexion et de description
relatives au langage. C'est ainsi que les phénomènes de plurivocité
inhérents aux lexemes vont être masqués par les signes graphiques
eux-mêmes 29. En effet, un grand nombre de dérivations sémantiques
et, le cas échéant, de variantes morpho-syntaxiques d'un même
lexeme feront l'objet d'autant de créations graphiques
indépendantes 30. On mesure, dans un tel contexte, la difficulté, sinon
l'impossibilité, de voir poindre en Chine une réflexion sur
l'articulation syntagmatique des unités linguistiques. En revanche,
dans le cadre d'un tout autre débat, les recherches qui ont porté sur la
description, la classification et la définition des signes graphiques ont
connu quant à elles un essor et des résultats considérables.

Conclusion

Nous avons pu voir que Xunzi a été le premier en Chine à avoir


pensé le rapport entre dénominations et réalités en termes de
convention sociale. Cela lui a permis de reconnaître que les
dénominations sont soumises à une créativité permanente, et,
conséquemment, de dégager certains principes propres au
fonctionnement du langage. Sans remettre en cause l'adéquation nécessaire

70
« Rectification » et réflexion linguistique chez Xunzi

entre dénominations et réalités, il a désavoué l'immédiateté présumée


de leur lien en introduisant entre elles deux stades intermédiaires,
celui de la perception par les sens (wu guan) et celui de la
reconnaissance fondée sur l'expérience (zheng zhi). En inscrivant
dénominations et réalités sur des plans distincts, il a su dégager
certains principes relatifs à la structuration des dénominations, n a été
amené ainsi, d'une part, à établir une distinction entre dénominations
simples et dénominations composées et, d'autre part, à reconnaître la
possibilité d'une certaine équivalence sémantique entre elles. Il a
esquissé par ailleurs, indépendamment de l'adéquation au réel, une
hiérarchisation paradigmatique pertinente des dénominations en
fonction de la relation d'hypéronymie/hyponymie qui les structure.
Cependant, la force avec laquelle s'est imposée à Xunzi la
nécessité théorique (d'ordre politique) de s'en tenir à une
correspondance biunivoque entre dénomination et réalité a fait de lui
un défenseur opiniâtre d'une norme abstraite excluant de la
description tout phénomène de polyvalence propre au signe
linguistique.
CNRS-CRLAO.

NOTES

1. La conception confucéenne du zhengming est rapportée sous forme de dialogue


dans le chapitre xm des Entretiens de Confucius (pp. 71-72 dans la traduction de
Ryckmans, 1987). Voir dans ce volume les contributions de M. Lackner et L.
Vandermeersch.
2. Cet ouvrage, vraisemblablement composé d'une seule main, porte le nom de son
auteur : Xunzi (298-235 av. J.-C). Ce penseur est communément considéré comme le
dernier grand philosophe confucéen de la période qui nous intéresse. On trouvera en
bibliographie les références de plusieurs traductions de son texte. Nous nous sommes
basés sur l'édition commentée établie par l'Université de Pékin (1979), où le chapitre
en question occupe les pages 366 à 389.
3. M. Granet (1968, p.367) écrit précisément : « la doctrine des dénominations
correctes est une doctrine de l'ordre ».
4. Ibid., ji. 366.
5. On trouvera un exposé clair et succinct de ces notions dans Cervoni, 1987, pp.
103 à 117.
6. Op. cit., p. 366.

71
Redouane Djamouri

7. Ces définitions sont celles que l'on trouve respectivement dans le Shuo-wenjie zi
et dans le ch. Jitong du Liji. Voir notamment Shuo wen jie zi Duan zhu, Shanghai,
1981, p. 56.
8. Zhuangzi, Livre xm, Tian dao.
9. Ouvrage attribué à Guan Zhong (?-645 av. J.-C.) mais élaboré ultérieurement par
divers auteurs. Le contenu des chapitres qui nous sont parvenus dénotent l'influence
de divers courants : taoïstes, légistes, logiciens, etc.
10. Chapitre Jiu shou du Guanzi. La phrase est citée par He Jiuying, 1985, p. 5.
11. Mozi ch. Jing shuo. Cité par He Jiuying, 1985, p. 4.
12. Logicien important du iv»-ni* s. avant notre ère. Six chapitres de l'ouvrage qui lui
est attribué (Gongsun Long zi) nous sont parvenus. Nous avons consulté la traduction
française de Kou (1953).
13. Voir Kou Pao-Koh, 1953, p. 70.
14. Ouvrage attribué à Yin Wen (rv* s. av. J.-C), totalement refondu au m* ou rve s.
de notre ère. Par son contenu, on rattache son auteur au courant légiste.
15. Yin Wen zi, chap. Da dao shang. Cité par He Jiuying, 1985, p. 4.
16. J. Gernet, 1972, p. 93.
17. Ce passage du Xunzi, ainsi que tous ceux cités ci-après, sont traduits du ch.
Zhengming bian.
18. Les tenants de l'École des Lois ou légistes constituent un courant de pensée qui
prendrait sa source au vif s. avec des penseurs comme Guan Zhong ou Zi Chan et qui
trouverait son apogée avec Han Fei au HP s. avant notre ère. Les légistes prônent la
souveraineté du Prince et de la Loi avant celle des statuts coutumiers et de la
tradition.
19. Le début de ce passage fait l'objet d'interprétations divergentes. L'édition de
l'Université de Pékin en propose la traduction suivante (en chinois moderne) : « Les
gens différents ne pensent pas de la même manière et doivent s'expliquer
mutuellement leurs points de vue...»
20. Le début de ce passage pose aussi des problèmes. L'édition de l'Université de
Pékin offre cette traduction, à nos yeux peu justifiée : « Tous ceux qui appartiennent
au genre humain ont la même perception des choses par leurs sens... »
21. Dans le chapitre Jing shang du Mozi il est dit : « Connaître le terme gou
[« chien »] et affirmer ne pas connaître le terme quan [autre mot pour « chien »] est
une aberration. L'explication [de ce phénomène est que l'on a affaire à] une
iedondance(chong), »
22. Dans le ch. Guang ze du Shizi, ouvrage attribué au légiste Shi Jiao (rv« av. J.-C),
il est écrit : « Hong, kuo, hong, pu, jie, chun, xia, hu, zhong, zhi, et ban sont tous
équivalents à da [« grand »] ; on a là plus d'une dizaine de dénominations qui
répondent à une réalité unique. » On notera que le dictionnaire canonique Erya, qui
regroupe des termes ayant des traits de sens identiques, a été composé selon ce même
modèle.
23. L'hypéronymie, du point de vue interprétatif, se définit comme étant le choix
d'une catégorie sémique à la place d'un de ses termes constituants.

72
« Rectification » et réflexion linguistique chez Xunzi

24. L'hyponymie se définit comme étant le choix d'un terme à la place de la


catégorie sémique dont il est constitutif. Voir notamment les définitions de Greimas,
1986, p. 175.
25. Les exemples et les définitions entre parenthèses présentes dans le schéma sont
des déductions que permettent à nos yeux les observations de Xunzi.
26. Mozi, ch. Shang jing. On trouvera un commentaire de ce passage chez Tan Jiefu,
1981, p. 1.
27. C'est notamment le point de vue de S. Auroux, 1989, p. 28.
28. On a là une prise de position diamétralement opposée à celle d'Aristote chez
lequel on trouve, comme le souligne P. Le Goffic (1989), « à la fois l'élaboration
d'une problématique d'ensemble de l'univocité/plurivocité du langage (dans un effort
pour dépasser cette contradiction), et l'étude détaillée des manifestations de
l'ambiguïté de la langue ».
29. La notion même de zhengming va parfois être assimilée, après les Qin, comme le
rappelle M. Granet (1968, note 881), à la « correction des caractères d'écriture ».
30. Pour l'ensemble des variations morpho-syntaxiques et des dérivations
sémantiques ayant donné lieu à la création de signes graphiques différents, on
consultera avec intérêt le Tongyuan Zidian (« Dictionnaire des caractères de même
origine ») rédigé par Wang Li, (Pékin, 1982).

BIBLIOGRAPHIE

Auroux, S., Histoire des idées linguistiques (tome I), Liège-Bruxelles, 1989.
Cervoni, J., L' énonciation, Paris, 1987.
Chen, Daqi, « Xunzi mingxue fafan chugao » (Aperçu général des idées logiques
chez Xunzi), Wenshi zhexue bao, 1951, 2, pp. 1-66.
Dubs, H.H., The Works ofHsiintze, Londres, 1928.
Duyvendak, J.J.L., « Hsûn-Tzu on the Rectification of Names » (traduction
annotée), T'oung Pao, 1924, 23, pp. 221-254.
Feno, Youlan, Zhongguo zhexue jianshi (Brève histoire de la philosophie chinoise),
Pékin, 1985.
Gernet, J., Le Monde Chinois, Paris, 1972.
Granet, M., La pensée chinoise, Paris, 1934 (rééd. 1968).
Greimas, A.J., Sémantique structurale : recherche et méthode, Paris, 1986.
Greimas, A.J. & Courtes, J., Sémiotique : dictionnaire raisonné de la théorie du
langage, Paris, 1979.
He, Jiuying, Zhongguo gudai yuyanxue shi (Histoire de la linguistique chinoise
ancienne), Henan, 1985.
Kamenarovic, LP., Xun Zi (Siun Tseu) (traduction française), Paris, 1987.
Kou, Pao-Koh L, Deux sophistes chinois Houei Che et Kong-Souen Long, Paris,
1953.

73
Redouane Djamouri

Le Goffic, P., « Une contribution d'Aristote à la linguistique : sur les causes et les
manifestations de l'ambiguïté du langage », in Histoire des idées linguistiques, S.
Auroux éd., Liège, Bruxelles, 1989, pp. 127-135.
Lî, Yushu, Mozi jin zhu jin yi (Commentaire et traduction moderne du Mozi), Taipei,
1988.
Mei, Y.P., « Hsûn-tzu on Terminology » (traduction annotée), Philosophy East and
West, 1951-52, 1, pp. 51-66.
Liou, Kia-Hway, L'esprit synthétique de la Chine, Paris, 1961.
Pottier, B., Sémantique générale, Paris, 1992.
Ryckmans, P., Les Entretiens de Confucius, Paris, 1987.
Staal, F., « Oriental ideas on the origin of language », Journal of Asiatic and
Oriental Studies, 1979, 99.1, pp. 1-14.
Tan Jiefu, Mojingfenlei yi zhu (commentaire et traduction du Canon Moïste selon ses
différents thèmes), Pékin, 1981.
groupe de commentateurs du Xunzi de l'Université de Pékin, Xunzi xin zhu
(Nouveau commentaire du Xunzi), Pékin, 1979.
Wang, Li, Zhongguo yuyanxue shi (histoire de la linguistique chinoise), Shanxi,
1981.
Wang, Shishun, Zhuangzi yi zhu (commentaire et traduction du Zhuangzi),
Shandong, 1983.
Watson, B., Hsiin Tzu, Basic Writings (traduction), New York, 1963.
Wu, Feibai, Zhongguo gu mingjia yan (propos des anciens logiciens chinois), Pékin,
1983.
Yang, Liuqiao, Xunzi gu yi (traduction et commentaire du Xunzi), Jinan, 1985.

74

Vous aimerez peut-être aussi