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Abstract
The theory of « rectification of denominations » and linguistic reflections
in Xunzi
In his discussion of Zhengming, the Confucian Xunzi goes beyond the strictly political framework in which the question
appeared and treats names as such. From a historical as well as from an epistemological point of view, he analyses the
ways in which names are given to realities and brings to light some
Résumé
Dans sa discussion du Zhengming , le confucéen Xunzi dépasse le cadre strictement politique dans lequel la
problématique est apparue pour traiter des noms en tant que tels. Il analyse, d'un point de vue tant historique
qu'épistémologique, les modalités par lesquelles les noms sont attribués aux
réalités et dégage des principes, pertinents d'un point de vue linguistique,
relatifs à la structuration de certains de leurs ensembles.
Djamouri Redouane. Théorie de la « rectification des dénominations » et réflexion linguistique chez Xunzi. In: Extrême-
Orient, Extrême-Occident, 1993, n°15. Le juste nom [préparé par Karine Chemla et François Martin] pp. 54-74.
doi : 10.3406/oroc.1993.975
http://www.persee.fr/doc/oroc_0754-5010_1993_num_15_15_975
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Extrême-Orient - Extrême-Occident 15 - 1993
Redouane Djamouri
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« Rectification » et réflexion linguistique chez Xunzi
convient, celle-là même dont l'usage a été fondé par les Rois de
l'antiquité. En effet, à partir du moment où chaque objet est en
parfaite concordance avec le contenu de sa dénomination, on ne peut
que retrouver l'ordre et la stabilité des temps anciens. On le voit, la
théorie de la rectification des dénominations est de manière
fondamentale, pour reprendre le point de vue de M. Granet, une
théorie de l'ordre3.
Les tenants des différents courants de pensée qui se sont succédés
jusqu'à la fondation de l'empire (fin me s. avant notre ère) ont tous, à
un degré ou à un autre, spéculé autour de cette notion de zhengming.
C'est ainsi que confucéens, mais aussi taoïstes, moïstes, sophistes ou
légistes, ont repris à leur compte et discuté le rapport à établir entre
dénomination et réalité. L'enjeu du débat a consisté pour certains à
défendre ou à récuser les argumentations sophistiques à l'aide de
considérations logiques ; cependant, le but fondamental et commun à
tous a été de rechercher, en cette époque de grande instabilité qui a été
la leur, les moyens de transformer la société et de rétablir l'ordre
politique et social.
Si l'on s'en tient aux propos attribués à Confucius, on peut dire
que le lien entre dénomination et réalité est à l'origine conçu comme
immédiat, univoque et non-hiérarchique. Une dénomination n'est
correcte que si elle évoque de manière idéale l'ensemble des
particularités que l'ordre ancien (dans un passé mythique) assigne à
l'objet qu'elle désigne. Bien qu'une telle conception se veuille
manifestement d'une portée générale, elle n'est illustrée - de fait -
que par des dénominations qui, au niveau de l'expérience
référentielle, supposent une interprétation préalable en termes de
relation sociale. Ainsi, ne peut être appelé « roi » que celui qui, par ses
actes, répond effectivement aux caractéristiques que cette
dénomination dénote de manière stable chez les anciens. La recherche
d'une telle adéquation entre le dire et le faire permet à M.Granet
d'écrire avec raison au sujet du zhengming « que tout autant qu'une
règle de pensée, c'est une règle d'action » 4. En effet, employer de
manière correcte une dénomination n'est autre, dans cette perspective,
qu'un acte du sujet parlant tendant à imposer par la parole un certain
comportement. Du point de vue énonciatif, on a là un acte de parole
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« Rectification» et réflexion linguistique chez Xunzi
[...] une dénomination nomme une forme du réel (xingl) et une forme du
réel répond à une dénomination ; ainsi, une forme n'est pas ce qui rend
correct une dénomination, de même qu'une dénomination n'est pas ce
qui rend correct une forme ; aussi, forme et dénomination sont-elles
effectivement choses distinctes 15.
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passé présent
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Il n'est donc pas étonnant, si l'on s'en tient une fois encore aux
exemples qu'il cite, que la création de nouvelles dénominations pour
Xunzi conceme essentiellement des termes relevant d'un registre abstrait
et faisant l'objet, chez nombre de ses devanciers ou contemporains, de
spéculations philosophiques. En effet, ces termes sont susceptibles en
discours de témoigner de l'élasticité la plus grande et, de fait, sont ceux
dont l'emploi dans un texte philosophique nécessite une définition
préalable des plus rigoureuses et quasi-univoque.
En définitive, la création de dénominations par le souverain est une
tâche qui consiste moins à en créer objectivement de nouvelles qu'à
fixer les définitions de celles qui existent déjà. Dans les faits, une telle
conception n'a pu s'exercer qu'ultérieurement, dans le champ d'exercice
de la norme officielle, à savoir celui de la glose officielle des textes
canoniques, de la lexicographie, de l'étymologie et de l'orthographe.
Xunzi considère que le souverain, afin de créer de nouvelles
dénominations, se doit de pouvoir répondre à trois séries de questions, à
savoir : 1) quelles sont les raisons pour lesquelles les dénominations
existent ? (suo wei you ming), 2) qu'est-ce qui fonde l'identité et la
différence parmi elles ? (suo yuan yi tong yi), 3) quels sont les principes
essentiels gouvernant leur création ? (zhi ming zhi shu yao). Comme
nous allons le voir, c'est dans les réponses qu'il apporte à ces trois
questions, notamment à la troisième, que l'on trouvera une description
relativement pertinente de certains faits linguistiques.
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les [objets de] formes différentes suscitaient [chez les hommes] des idées
divergentes et des explications contradictoires. Des objets étaient
différents, [mais leurs] dénominations et réalités [respectives] se
trouvaient employées indistinctement les unes pour les autres 19.
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Lorsque des objets sont de même sorte (lei) et suscitent une même
impression (qing), la représentation que l'on s'en fait en tant qu'objets (yi
wu) par l'intermédiaire des sens appropriés est la même. Aussi les
rapproche-t-on selon leur ressemblance et les conçoit-on de manière
conjointe ; c'est ce qui fait qu'on les rassemble de manière
conventionnelle sous une même dénomination dans le but de s'entendre
mutuellement 20.
La reconnaissance [d'une forme, d'un son, etc.] n'a lieu qu'après que les
sens innés sont entrés en contact avec ce qui relève de leurs attributions
respectives [...]. Suite à cela, on assigne [des dénominations]. L'identité
donnera lieu à une même dénomination, l'altérité à une dénomination
différente.
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Une fois que l'on comprend qu'à des réalités différentes [doivent
correspondre] des dénominations différentes, il faut dès lors faire en sorte
qu'à chaque réalité différente [puisse correspondre] une dénomination
différente.
La relation qui est ici mise en évidence est celle qui, dans la
terminologie linguistique actuelle, est dite relation d'hypéronymie 23.
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Dénomination collective
da gong ming
majeure
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Conclusion
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NOTES
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7. Ces définitions sont celles que l'on trouve respectivement dans le Shuo-wenjie zi
et dans le ch. Jitong du Liji. Voir notamment Shuo wen jie zi Duan zhu, Shanghai,
1981, p. 56.
8. Zhuangzi, Livre xm, Tian dao.
9. Ouvrage attribué à Guan Zhong (?-645 av. J.-C.) mais élaboré ultérieurement par
divers auteurs. Le contenu des chapitres qui nous sont parvenus dénotent l'influence
de divers courants : taoïstes, légistes, logiciens, etc.
10. Chapitre Jiu shou du Guanzi. La phrase est citée par He Jiuying, 1985, p. 5.
11. Mozi ch. Jing shuo. Cité par He Jiuying, 1985, p. 4.
12. Logicien important du iv»-ni* s. avant notre ère. Six chapitres de l'ouvrage qui lui
est attribué (Gongsun Long zi) nous sont parvenus. Nous avons consulté la traduction
française de Kou (1953).
13. Voir Kou Pao-Koh, 1953, p. 70.
14. Ouvrage attribué à Yin Wen (rv* s. av. J.-C), totalement refondu au m* ou rve s.
de notre ère. Par son contenu, on rattache son auteur au courant légiste.
15. Yin Wen zi, chap. Da dao shang. Cité par He Jiuying, 1985, p. 4.
16. J. Gernet, 1972, p. 93.
17. Ce passage du Xunzi, ainsi que tous ceux cités ci-après, sont traduits du ch.
Zhengming bian.
18. Les tenants de l'École des Lois ou légistes constituent un courant de pensée qui
prendrait sa source au vif s. avec des penseurs comme Guan Zhong ou Zi Chan et qui
trouverait son apogée avec Han Fei au HP s. avant notre ère. Les légistes prônent la
souveraineté du Prince et de la Loi avant celle des statuts coutumiers et de la
tradition.
19. Le début de ce passage fait l'objet d'interprétations divergentes. L'édition de
l'Université de Pékin en propose la traduction suivante (en chinois moderne) : « Les
gens différents ne pensent pas de la même manière et doivent s'expliquer
mutuellement leurs points de vue...»
20. Le début de ce passage pose aussi des problèmes. L'édition de l'Université de
Pékin offre cette traduction, à nos yeux peu justifiée : « Tous ceux qui appartiennent
au genre humain ont la même perception des choses par leurs sens... »
21. Dans le chapitre Jing shang du Mozi il est dit : « Connaître le terme gou
[« chien »] et affirmer ne pas connaître le terme quan [autre mot pour « chien »] est
une aberration. L'explication [de ce phénomène est que l'on a affaire à] une
iedondance(chong), »
22. Dans le ch. Guang ze du Shizi, ouvrage attribué au légiste Shi Jiao (rv« av. J.-C),
il est écrit : « Hong, kuo, hong, pu, jie, chun, xia, hu, zhong, zhi, et ban sont tous
équivalents à da [« grand »] ; on a là plus d'une dizaine de dénominations qui
répondent à une réalité unique. » On notera que le dictionnaire canonique Erya, qui
regroupe des termes ayant des traits de sens identiques, a été composé selon ce même
modèle.
23. L'hypéronymie, du point de vue interprétatif, se définit comme étant le choix
d'une catégorie sémique à la place d'un de ses termes constituants.
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« Rectification » et réflexion linguistique chez Xunzi
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