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Marianne Coudry
Université de Haute-Alsace
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Marianne Coudry
Que la répartition des prises de guerre ait constitué un enjeu important dans la vie
politique de la République romaine est un fait bien connu, en particulier grâce aux
mentions de conflits survenus à cette occasion. De ceux-ci, on a surtout retenu les
accusations portées contre les généraux auxquels on reprochait d’accaparer une
partie excessive du butin, du fameux et exemplaire procès des Scipions en 187 à
ceux moins connus de la fin de la République. À ce sujet s’est développée une
importante bibliographie qui porte d’une part sur les aspects sémantiques et
juridiques de cette appropriation 1 , d’autre part sur l’utilisation par les généraux du
butin qu’ils ont mis de côté pour réaliser des dédicaces et des constructions 2 . D’un
autre côté, on s’est intéressé aux profits que les soldats tirent de la guerre, no-
tamment, car c’est la seule circonstance pour laquelle les sources sont précises, au
montant des sommes distribuées à l’issue des triomphes 3 , mais aussi aux exi-
gences qu’ils formulent et aux pressions qu’ils exercent pour obtenir davantage 4 .
Dans tous ces cas, l’attention s’est focalisée sur l’attitude du général et ses rela-
tions avec les troupes. Mais ces recherches, comme les précédentes, ont négligé le
troisième bénéficiaire du butin, la collectivité civique, et donc la part qui revient
au trésor public, l’aerarium. Cet aspect n’a été étudié que sur le plan général des
quantités de richesses que la conquête amenait dans les caisses du peuple romain :
Tenney FRANK a ainsi rassemblé pour la première fois les données chiffrées rela-
tives aux profits de guerre pris au sens large, butin proprement dit, indemnités de
guerre, tributs 5 .
Ce n’est pas cette approche économique qui va nous intéresser, mais une per-
spective politique et idéologique : comment s’effectue le partage du butin, quels
usages se sont établis, quels enjeux les sous-tendent, quelles représentations s’y
rattachent, et plus particulièrement quelle place occupe la collectivité dans le
cadre général des modes de répartition des profits matériels de la guerre. L’étude
1 Cf. l’article devenu classique de SHATZMAN 1972, et celui plus récent de CHURCHILL 1999,
consacrés à l’usage que font les généraux des manubiae. Sur la définition des manubiae, cf.
la contribution de Michel TARPIN dans ce volume.
2 Par exemple PAPE 1975 et ABERSON 1994.
3 Cf. le tableau récapitulatif dressé par BRUNT 1987 [1971], p. 394, et souvent repris.
4 Cf. l’ouvrage classique de HARMAND 1967, en particulier p. 272–299 et 441–482, et la thèse
récente de MUNDUBELTZ 2000.
5 FRANK 1959 [1933], p. 61–68 ; 75–83 ; 126–141 ; 228–231 ; 322–326 ; 337–341 pour ce qui
concerne le butin proprement dit. Un relevé, classé commodément, des rentrées d’argent
dues au butin figure dans l’ouvrage récent de SZAIVERT & WOLTERS 2005, p. 271–275.
22 Marianne Coudry
va donc se dérouler sur deux plans, celui des pratiques et celui des discours, et
analyser successivement deux séries d’informations, les unes relatives au trai-
tement du butin sur le champ de bataille, puis au retour à Rome, les autres aux
débats et conflits dont ces opérations sont parfois l’occasion. Nous envisagerons
pour terminer un aspect de la question qui paraît purement technique, mais qui se
révèle central pour comprendre les deux précédents : la comptabilité du butin.
La documentation, presque exclusivement littéraire, est abondante, mais sa
qualité est tributaire des centres d’intérêts des auteurs, et donc très inégale : autant
Tite-Live apporte des informations nombreuses et précises, qui permettent une
connaissance relativement bonne de la période que couvre la partie conservée de
son œuvre, autant les indications fournies par Appien et Plutarque sont in-
complètes, et celles de Denys d’Halicarnasse entachées d’anachronismes. Nous
l’avons synthétisée dans deux tableaux, l’un qui concerne la gestion du butin sur
le champ de bataille (tableau I), l’autre sa gestion à Rome (tableau II). Seuls les
textes qui comportent des informations sur la répartition et le traitement du butin,
c’est-à-dire le partage, la vente, le versement au trésor public, la consécration, ont
été retenus, même si les indications sont partielles, ce qui est presque toujours le
cas à propos des opérations effectuées sur le champ de bataille. Pour ce qui con-
cerne le traitement du butin à Rome, sachant que le butin exhibé dans la proces-
sion triomphale est ensuite versé au trésor public, même si les textes ne l’in-
diquent pas systématiquement, toutes les mentions de procession triomphale ont
été retenues. Ces mentions comportent presque toujours des indications chiffrées ;
comme notre propos n’est pas d’évaluer quel a pu être l’enrichissement occa-
sionné par les victoires, mais que l’existence même de ces indications a une signi-
fication, la présence de ces chiffres est mentionnée dans les tableaux, mais non
leur détail.
Dans sa comédie Les Bacchides, Plaute fait dire par dérision à l’un des person-
nages, l’esclave Chrysale :
« Je reviens triomphant et chargé de butin. Sain et sauf, la ville prise par ruse, je ramène l’ar-
mée intacte dans ses foyers. Quant à vous, spectateurs, ne vous étonnez pas de ce que je ne
célèbre pas un triomphe : c’est chose vulgaire, et je n’y tiens pas. Mais les soldats recevront
tout de même une ration de vin doux, et, sur ce, je vais apporter tout ce butin au questeur » 6 .
6 Plaut., Bacch., 1070–1075 : Mi euenit ut ouans praeda onustus cederem / Salute nostra atque
urbe capta per dolum / Domum reduco integrum omnem exercitum, / Sed, spectatores, uos
nunc ne miremini / Quod non triumpho : peruulgatum est, nil moror ; / Uerum tamen accipi-
entur mulso milites / Nunc hanc praedam omnem ad quaestorem deferam (traduction P. GRI-
MAL, Gallimard, Folio, 1971). Sur l’écho dans les comédies de Plaute des débats publics sur
les profits de la guerre, cf. GRUEN 1990, avec malheureusement un contresens sur la fin de ce
texte.
Partage et gestion du butin 23
ville, faire du butin, ramener l’armée, célébrer la victoire, récompenser les soldats,
verser le butin au trésor public. Il montre qu’au début du IIe siècle ces pratiques
sont suffisamment bien établies et leur vocabulaire bien fixé pour qu’un public
romain puisse apprécier l’effet comique de leur subversion. Il va donc nous servir
de guide pour l’étude des usages relatifs au butin, et justifier un traitement théma-
tique par séquences. La perspective chronologique trouvera sa place dans la se-
conde partie, qui s’attachera aux enjeux sous-jacents.
pris après la victoire de Manlius Vulso près de l’Olympos illustre indirectement ce traitement
séparé des prisonniers (Liv., XXXVIII, 24, 2–10 donne le récit le plus détaillé).
11 Polyb., XI, 3, 2 : ἀφ᾿ ἧς εἰς τὸ δημόσιον ἀνήχθη πλείω τῶν τριακοσίων ταλάντων.
12 Liv., V, 22, 1 : Libera corpora sub corona uendidit. Ea… pecunia in publicum redigitur. Sur
cette procédure, qui entre dans la catégorie des ventes aux enchères, voir la mise au point de
WELWEI 2000, p. 12–13 ; l’étude de référence reste celle de TALAMANCA 1954, p. 153–158.
La vente peut aussi avoir lieu à Rome après le triomphe, comme c’est le cas pour les captifs
de Satricum en 346 (Liv., VII, 27, 8). Plusieurs passages de Plaute font allusion à la vente
des captifs, soit à Rome auprès des questeurs (Capt., 110 ; 453), soit au camp (Epid., 64 ;
107 ; 608 ; 621).
13 Bénévent : Liv., XXIV, 16, 5 : Praeda omnis praeterquam hominum captorum militi conces-
sa est. Cicéron s’exprime exactement de la même façon à propos du butin fait en Cilicie :
Militibus… quibus, captiuis exceptis, reliquam praedam concessimus (Att., V, 20, 5). Mur-
gantia : Liv., X, 17, 6 : Ibi duo milia Samnitium et centum pugnantes circumuenti captique,
et alia praeda ingens capta est. Ciminius : IX, 37, 10 : Aurum argentumque iussum referri
ad consulem, cetera praeda militis fuit ; caesa aut capta eo die hostium milia ad sexaginta.
14 Memnon, FGrHist, 434 F 35, 7–8 ; 434 F 39, 2.
Partage et gestion du butin 25
offrandes » 15 . Les nombreux récits de mainmise sur des trésors royaux confirment
que ces prises sont traitées séparément : Lucullus lorsqu’il s’empare de Tigrano-
certe procède exactement comme Marcellus, il ne livre la ville au pillage qu’après
s’être emparé du trésor de Tigrane 16 . Il est difficile de savoir si l’or et l’argent ré-
servés pour le trésor public sont soumis sur place à des opérations physiques qui
en facilitent le transport : les textes ne le précisent pas, et, hormis ceux qui dé-
crivent les inventaires, ils sont tout aussi imprécis sur la forme sous laquelle se
présentaient ces richesses lorsqu’elles tombent aux mains des Romains.
Une fois mis de côté les dépouilles, les captifs, les métaux précieux, est traité
le reste des prises, désigné simplement par le mot praeda, que le grec rend par dif
férents termes, χρήματα, λεία ou ὠφελεία, λάφυρα, ou par le participe passif τὰ
διηπρασμένα 17 . Les textes sont rarement explicites sur sa consistance et sur sa
quantité : révélatrice à cet égard est l’évocation par Tite-Live du butin fait à Car-
thagène : « Les vainqueurs se mirent à faire du butin, qui fut immense et de toute
sorte » 18 . De telles formules sont courantes, et, sauf chez Denys d’Halicarnasse
dont le récit est sujet à caution, les informations sont presque toujours indirectes :
il est parfois question de bétail (pecus) à propos des guerres samnites, ou d’es-
claves, comme à Syracuse 19 . En revanche les auteurs sont plus précis sur l’organi-
sation du pillage : pas seulement Polybe, qui fait à ce sujet, à l’occasion de la prise
de Carthagène par Scipion, tout un développement visant à montrer comment la
discipline rigoureuse imposée par les Romains à leurs soldats permet d’éviter les
dangers du pillage anarchique, mais aussi Tite-Live et Plutarque, à propos du
pillage programmé de l’Épire par Paul-Émile, et Appien à propos du pillage d’un
village dans les environs de Numance sous les ordres de Scipion Émilien 20 . Les
textes sont précis également au sujet de la distribution du butin aux soldats, qui
s’effectue sous la direction des officiers une fois que les prises ont été ras-
semblées. Les soldats peuvent recevoir leur part en nature, ce qu’évoque l’ex-
pression milites praeda onusti 21 , et que permettent de présumer les mentions assez
15 Syracuse : Liv., XXV, 31, 8 : Quaestor cum praesidio ad Nasum ad accipiendam pecuniam
regiam custodiendamque missus. L’indication sur l’emplacement où se trouvait le trésor
royal est douteuse : dans un passage précédent, Tite-Live avait mentionné son transfert de
l’île (Nasos) à Achradina (XXIV, 23, 4). Plut., Marc., 19, 7 : ἐβιάσαντο διαπράσαι πλὴν τῶν
βασιλικῶν χρημάτων · ταῦτα δ᾿ εἰς τὸ δημόσιον ἐξῃρέθη. Carthage : App., Pun., 133 : ἐπὶ
μέν τινα ἡμερῶν ἀριθμὸν ἐπέτρεψε τῇ στρατιᾷ διαπράζειν ὅσα μὴ χρύσος ἢ ἄργυρος ἦν.
16 Plut., Luc., 29, 3 : τοὺς μὲν ἐν τῇ πόλει θησαυροὺς παρελάμβανε, τὴν δὲ πόλιν διαπράσαι
παρέδωκε τοῖς στρατιώταις.
17 Polybe emploie le terme ὠφελεία, notamment à propos du sac de Carthagène (X, 16–17) ;
Denys utilise le plus souvent λάφυρα. Le vocabulaire grec du butin est analysé par PRIT-
CHETT 1991, p. 68–152.
18 Liv., XXVI, 46, 10 : Ad praedam uictores uersi quae ingens omnis generis fuit. Polybe, qui
rapporte les mêmes faits, est un peu plus précis : il évoque le bagage des troupes carthagi-
noises, et les biens des citoyens et des ouvriers de la ville (X, 16, 1).
19 Bétail : les Romains n’en trouvèrent pas à Bovianum, parce que les Samnites l’avaient re-
groupé ailleurs (Liv., IX, 31, 5). Esclaves : Plut., Marc., 19, 4.
20 Carthagène : Polyb., X, 15–17. Épire : Liv., XLV, 34, 2–6 ; Plut., Aem., 29. Espagne : App.,
Hisp., 89. De même Tite-Live, plus brièvement, à propos de Véies : Liv., V, 21, 14.
21 Par exemple après la prise du camp d’Hannon près de Bénévent en 214 : Liv., XXIV, 16, 5.
26 Marianne Coudry
22 En 203, pendant sa campagne d’Afrique, Scipion fait chasser les marchands auxquels les sol-
dats cèdent leur part de butin « pour rien » (Polyb., XIV, 7, 2–3). En 134, Scipion Émilien,
pour rétablir la discipline et le moral des troupes d’Espagne, chasse les marchands, filles à
soldats, devins et sorciers (App., Hisp., 85). En 109, Metellus fait de même en Afrique (Sall.,
Iug., XLIV, 5). Les indications données par Plutarque sur le bas prix des bœufs et des
esclaves dans le camp romain au moment des campagnes de Lucullus en Bithynie et en
Galatie, et sur l’impossibilité de vendre le reste faute d’acheteurs, font supposer aussi la
présence de marchands (Luc., 14, 1).
23 En 212 les consuls qui viennent de s’emparer du camp carthaginois praedam uendiderunt
diuiseruntque (Liv., XXV, 14, 12). Après la dévastation de l’Épire sous la direction de Paul-
Émile, uendita praeda omnis, inde ea summa (Tite-Live vient d’en indiquer le montant)
militi numerata est (XLV, 34, 6). Même chose après la prise de Tigranocerte par les troupes
de Lucullus (Plut., Luc., 29, 3–4).
24 Liv., V, 16, 7 : Res… sub hasta ueniere, quodque inde redactum militibus est diuisum.
25 Liv., X, 17, 6 et 9 ; 20, 16. De même Scipion Émilien, quand il reprend en mains l’armée
d’Espagne, oblige les soldats à vendre les objets dont ils sont encombrés (App., Hisp., 85).
26 En 296 pour du butin samnite (Liv., X, 20, 15) ; en 214 pour du butin carthaginois (XXIV,
16, 5) ; en 193 pour du butin lusitanien (XXXV, 1, 11–12).
27 Cynoscéphales : Captiuis praedaque partim uenumdatis partim militibus concessis (Liv.,
XXXIII, 11, 2). Hérakléia : uendita aut concessa militi circa Heracleam praeda (XXXVI,
30, 1). Lamia : partim diuendita partim diuisa praeda (XXXVII, 5, 3). Olympos : aut uendi-
dit quod eius in publicum redigendum erat, aut cum cura ut quam aequissima esset per mili-
tes diuisit (XXXVIII, 23, 10).
Partage et gestion du butin 27
28 Cicéron (2 Verr., I, 57) peut ainsi évoquer à propos de la mainmise du général sur le butin
d’une ville ennemie prise par la force « le droit de la guerre et le droit de commandement du
général » (belli lege atque imperatorio iure).
29 Liv., XXXVII, 32, 12 : In iis imperatoris, non militum arbitrium esse.
30 À propos de Carthagène : Tum signo dato caedibus finis factus, ad praedam uictores uersi
(Liv., XXVI, 46, 10) ; cf. Polyb., X, 15, 8. Les mentions de ce passage du carnage au pillage
sont assez nombreuses.
31 Tite-Live précise que Scipion prend les décisions relatives aux captifs, aux otages et au butin
après avoir consulté Laelius, ce qui confirme indirectement l’initiative du général (XXVI, 51,
1).
32 Polyb., XVIII, 35, 5 ; Plut., Aem., 28, 10–11. Dans le même passage, Polybe évoque le com-
portement identique de Scipion Émilien après la prise de Carthage.
28 Marianne Coudry
autre contexte, soit à propos des jeux ou des constructions offerts après leur retour
à Rome, soit à propos des accusations d’appropriation de butin. Sur la part laissée
aux soldats, les textes sont imprécis : non seulement comme on l’a vu plus haut ils
ne détaillent pas la composition de ce butin, ce qui pourrait s’expliquer par sa
nature nécessairement hétérogène, mais ils sont tout aussi vagues sur sa quantité ;
magna praeda, tanta praeda, et surtout praeda ingens sont les expressions cou-
ramment employées, cette dernière revenant avec une régularité frappante (plus de
la moitié des occurrences). Même usage récurrent d’une formule pour exprimer
l’octroi aux soldats de leur part de butin : si praeda militi data, ou militis fuit se
rencontrent, c’est bien plus souvent praeda militibus concessa qui est employé
(les trois-quarts des occurrences). Pour les catégories de butin qui font l’objet
d’un traitement distinct, armes et enseignes, captifs, masses de métaux précieux,
on remarque que les textes sont plus précis. Les armes, les enseignes, le matériel
de guerre sont souvent détaillés ; le nombre des prisonniers est régulièrement
indiqué, et leur vente mentionnée par une formule qui revient couramment là aussi
(captiuis uenumdatis). Les textes relatifs aux métaux précieux sont de deux types :
soit vagues sur la forme revêtue par ces richesses, mais avec la mention du rôle du
questeur et du versement à l’aerarium, soit riches en détails sur la composition
matérielle et le soin mis par le questeur à en faire l’inventaire détaillé, par ex-
emple à propos de la prise de Carthagène et de celle de Talaura, l’une des gazo-
phylakies de Mithridate 33 .
Il apparaît donc que la précision de la documentation est très inégale : mé-
diocre et stéréotypée pour ce qui concerne la part des soldats et celle du général,
bien meilleure quand il s’agit de celle de l’État. Les textes conservent donc ma-
nifestement la trace de documents officiels exprimant le contrôle exercé par Rome
sur les généraux. Comme nous le verrons plus en détail dans la troisième partie
consacrée à la comptabilité du butin, ces documents sont d’abord les comptes
établis par le questeur qui accompagne le général dans sa campagne, et qui con-
servent la trace de toutes les opérations financières qu’il effectue. Ils concernent
les captifs, qu’il est chargé de vendre pour le compte du trésor, et le butin matériel
destiné au trésor, dont il effectue une comptage et une pesée ; s’y ajoutent des
biens qui ne sont pas du butin à proprement parler, mais font partie des prises de
guerre au sens large, indemnités, biens confisqués aux vaincus, présents. À ces
documents, attestés depuis la fin du IIIe siècle, s’ajoutent les comptes propres du
général, qui figurent dans ses propres registres. Ces deux séries de comptes
doivent être, au moins au Ier siècle, déposés à l’aerarium au retour du général, et
transcrits dans les registres des questeurs urbains.
1.2. À Rome
34 Exemple pour la formule in aerarium tulit : le retour d’Espagne en 199 de L. Manlius Aci-
dinus, à qui l’ouatio est refusée (Liv., XXXII, 7, 4). Pour la formule abrégée tulit, le
triomphe de Q. Minucius Thermus sur l’Espagne ultérieure en 195 (Liv., XXXIV, 10, 7).
Pour l’apport de précisions dans un commentaire : le triomphe de L. Anicius sur les Illyriens
en 167 : transtulit in triumpho… et plus loin : praeter aurum et argentum quod in aerarium
sit latum (Liv., XLV, 43, 4 et 8).
35 Quod pecuniae regiae praedaeque aliquantum captae in Antiochi castris neque in triumpho
tulisset neque in aerarium rettulisset (Liv., XXXVII, 57, 12).
36 Liv., XXXVIII, 59, 2–3.
30 Marianne Coudry
indique la même chose 37 . En 187, quand il est question de mettre à profit les
rentrées qu’a permises le butin galate de Manlius Vulso pour rembourser aux
citoyens le tributum, ces sommes sont décrites comme « l’argent porté dans le
triomphe », et un sénatus-consulte est nécessaire, ce qui signifie qu’elles sont
considérées comme ayant été intégrées au trésor 38 . De même, lorsque Fulvius No-
bilior, après avoir obtenu du Sénat le droit de triompher, demande à utiliser pour
la célébration des jeux dont il avait fait vœu en campagne cent livres d’or levées
sur les cités à cet effet, il s’exprime d’une manière qui ne laisse aucun doute sur le
fait que la totalité du butin présenté dans le triomphe est destinée au trésor : « que,
de l’argent porté au triomphe et qu’il allait déposer au trésor, il puisse séparer cet
or » ; là aussi un sénatus-consulte est nécessaire 39 .
Par ailleurs tous les textes mentionnant le versement du butin au trésor, avec
ou sans exhibition préalable, comportent des indications chiffrées, depuis le début
du IIIe siècle, et avec un extraordinaire luxe de détails dans les descriptions des
grands triomphes orientaux qui se multiplient au siècle suivant 40 . Remarquable en
particulier est le classement par catégories de métaux, avec la distinction entre
métal brut, métal travaillé et métal monnayé, qui fait penser que les documents
dont dérivent les textes littéraires anticipent sur l’organisation du stockage du
butin dans le trésor, et sont donc conçus en fonction de ce versement. Dans le
même ordre d’idées, on remarque que les triomphes du milieu du Ier siècle voient
apparaître une nouvelle pratique : l’apport financier des victoires n’est plus seule-
ment mis sous les yeux du public par le défilé des objets ; il est explicité par des
documents qui sont eux aussi placés sous les yeux de tous, par une sorte de re-
dondance qui superpose deux modes de communication du même message. Lu-
cullus, le premier, fait figurer sur des tableaux ses comptes de campagne, préci-
sant quelles sommes il avait données à Pompée pour la guerre des pirates, quelles
sommes aux questeurs du trésor, et combien il avait distribué aux soldats 41 . Le
désir de répondre aux attaques dont il avait été l’objet pour sa conduite de la
guerre de Mithridate, avant et après son retour, peut expliquer cette innovation ; il
demeure que le choix de la procession triomphale comme tribune politique est une
nouveauté. Pompée reprend cet usage des pancartes lors de son grand triomphe de
61, et en fait aussi un commentaire des objets présentés, puisqu’il y récapitule
d’une part ses succès militaires, d’autre part, comme Lucullus, les sommes ver-
sées au trésor et données aux soldats. Mais il y ajoute l’évocation des bénéfices fi-
nanciers à venir, en indiquant l’accroissement des revenus publics que sa conquête
37 Liv., XLV, 39, 4–6, avec le détail : statues d’or, de marbre et d’ivoire, tableaux, étoffes, ar-
gent ciselé, or, monnaie du roi.
38 Liv., XXXIX, 7, 5 : Pecunia quae in triumpho translata esset.
39 Liv., XXXIX, 5, 7–8 : Petere ut ex ea pecunia quam in triumpho latam in aerario positurus
esset id aurum secerni iuberent. Sénatus-consulte : 10.
40 Une seule exception, difficilement explicable, le triomphe de Marcellus sur Syracuse.
41 Plut., Luc., 37, 6. CALLATAY 2006, p. 71, interprète la référence de Plutarque Flam., 14, 2 à
Tuditanus, dans la description du triomphe de Flamininus (ὡς ἀναγράφουσιν οἱ περί τὸν
Τουδιτανόν) comme une évocation d’écriteaux indiquant les quantités de richesses présen-
tées, ce qui ferait remonter l’origine de cette pratique au début du IIe siècle. Mais cette tra-
duction ne paraît guère recevable.
Partage et gestion du butin 31
permettait 42 . Ces nouvelles pratiques, plus spectaculaires que les précédentes, ont
la même signification : la place faite, dans le triomphe, à l’information sur les
bénéfices publics de la victoire.
Tous ces éléments, mention du versement à l’aerarium des richesses montrées
dans la procession triomphale, indications chiffrées très précises sur les diffé-
rentes catégories de biens, classement anticipant sur leur stockage dans le trésor,
indication dans les triomphes les plus récents des revenus attendus de l’extension
de l’empire, convergent pour montrer que le triomphe met en scène l’enrichis-
sement collectif, et pas seulement la gloire du général. C’est du moins ce que
reflète l’historiographie antique : elle s’attache systématiquement à cet aspect-là
de la célébration de la victoire, et le privilégie. On a vu aussi qu’elle s’intéressait
même aux versements effectués sans qu’il y ait eu de célébration publique de la
victoire 43 . Ce sont manifestement les bénéfices matériels de la victoire pour la
collectivité et leur précision comptable qui focalisent l’intérêt des auteurs. Une
observation complémentaire le confirme : à plusieurs reprises sont évoquées, à
propos de triomphes et de versements d’importantes quantités de richesses au
trésor, des décisions ou des débats sur l’utilisation possible de ces apports : nous y
reviendrons plus loin.
Il est une sorte d’objets, cependant, qui figure au triomphe mais fait rarement
l’objet de précisions chiffrées : ce sont les spolia. À l’exception du triomphe de
Paul-Émile, pour lequel Diodore donne le nombre des chariots sur lesquels sont
disposées les armes réparties par catégories 44 , les indications données par les au-
teurs sont vagues : les expressions qu’on rencontre sont tout aussi imprécises que
celles qui sont employées à propos de la part de butin laissée aux soldats : spolia
omnis generis ; multa spolia, multa militaria signa ; multa militaria signa spolia-
que alia ; arma tela cetera spolia hostium magnus numerus, … 45 . La raison en est
simple : les dépouilles des vaincus ne sont pas destinées à l’aerarium, comme
l’indique clairement le discours de Servilius en faveur du triomphe de Paul-Émile
cité plus haut : si le triomphe ne peut avoir lieu, « où seront cachées ces milliers
d’armes arrachées aux corps des ennemis ? seront-elles renvoyées en Macé-
doine ? » tandis que le butin, lui, sera déposé nuitamment au trésor 46 . Les dé-
pouilles peuvent avoir en effet plusieurs destinations différentes à l’issue du
42 Plut., Pomp., 45, 4. César, à l’occasion de son triomphe de 46, donne des indications compa-
rables, sous la forme des quantités de blé et d’huile que pourront fournir les pays qu’il vient
de soumettre, mais dans un discours au peuple qui précède le triomphe (Plut., Caes. 55, 1).
43 On remarque que le versement au trésor des biens de Ptolémée que Caton a été chargé de re-
cueillir en 58 fait l’objet de la même valorisation : Plutarque décrit par le menu l’inventaire
et les opérations de vente effectués à Chypre, les précautions prises pour assurer l’achemine-
ment à Rome des richesses recueillies, l’admiration du peuple assistant à leur débarquement
et à leur arrivée, le passage au Forum – l’aerarium, bien qu’il ne soit pas mentionné, étant
manifestement leur destination finale (Plut., Cat. min., 36, 1–4 ; 39, 1 et 3).
44 Diod. Sic., XXXI, 8, 10. Plutarque ne s’intéresse qu’à l’aspect esthétique de la présentation
de ces armes (Aem., 32, 5–7).
45 Respectivement Liv., XL, 59, 2 (Glabrio en 189) ; XXXIII, 37, 11 (Marcellus en 196) et 23,
4 (Cornelius Cethegus en 197) ; XLV, 43, 4–5 (Anicius en 167) ; XXXIX, 5, 15 (Fulvius
Nobilior en 187).
46 Liv., XLV, 39, 4.
32 Marianne Coudry
triomphe : être fixées sur la demeure du triomphateur, comme les fameux rostres
des navires des pirates sur la maison de Pompée 47 , ou être vouées à l’ornement
des sanctuaires où elles sont consacrées, ou à celui des lieux publics de la ville,
comme les boucliers samnites placés sur les tabernae du forum. Dans ces derniers
cas, elles constituent donc un type d’objets qui revient à la collectivité, mais sans
que celle-ci en tire un bénéfice matériel ; leur présence dans le triomphe n’a
qu’une valeur symbolique, ce qui rend superflu d’en préciser la quantité. Il est
d’ailleurs révélateur que les informations dont nous disposons quant à leur consé-
cration et leur exposition se rencontrent toujours dans d’autres contextes que les
descriptions de triomphes 48 .
Rappelons enfin que ne figurent pas dans la procession triomphale les objets
que le général a mis à part pour son usage : l’intitulé de l’accusation de détourne-
ment de butin visant Glabrio que nous avons évoquée plus haut l’atteste claire-
ment. Tout au plus, mais c’est très rare, indique-t-on après avoir évoqué son
triomphe l’utilisation qu’il fait des manubiae 49 .
Dernier aspect du traitement du butin à Rome : les distributions d’argent aux
soldats. Elles constituent, après le trésor public, la seconde destination du butin
rapporté par les généraux, et sont toujours liées au triomphe, dont elles marquent
la conclusion. Les textes les évoquent après la mention ou la description de la
procession, sous une forme aussi stéréotypée que les versements au trésor :
l’indication des sommes suivie de l’expression militibus diuisit, ou simplement
militibus, ou militibus dati, avec parfois une formule plus développée : militibus
ex praeda ou de praeda, ou praedae nomine 50 . Le montant est toujours précisé,
mais pour chaque catégorie de bénéficiaires, fantassins, cavaliers, centurions, par-
fois alliés, et non globalement : la raison en est que les sommes ainsi dépensées
n’entrent pas dans le trésor, le général les ayant réservées à l’avance et retranchées
de son versement au trésor. Ceci est confirmé par les précisions que donne Tite-
Live à propos de la distribution effectuée par Paul-Émile à l’issue de son triomphe
sur les Ligures en 181 : « il porta dans son triomphe vingt-cinq couronnes d’or,
mais à part cela ni or ni argent ». Il faut donc supposer que la somme consacrée à
47 Cic., Phil., II, 68. C’est ce qu’évoque avec précision Tite-Live (XXXVIII, 43, 10) à propos
de Fulvius Nobilior : au cours du débat sénatorial consacré à sa demande de triomphe, l’un
des orateurs annonce qu’il « fera porter devant son char et fixer sur sa demeure » (ante cur-
rum laturus et fixurus in postis suis) l’Ambracie prise – sans doute une statue qu’il a fait fa-
çonner –, les statues qu’on lui reproche d’avoir ôtées, et les autres dépouilles de la ville (ce-
tera spolia).
48 Par exemple Sil., I, 617–629 ; Liv., XL, 51, 3. Sur l’exposition des spolia, RAWSON 1990 et
la thèse d’habilitation de M. TARPIN (inédite). Sur leur mise en scène dans l’espace urbain,
cf. les contributions de Michel HUMM et Susann HOLZ dans ce volume.
49 Liv., XXXIII, 27, 3–4, à propos de Stertinius qui fait édifier trois fornices – les premiers édi-
fices de ce genre – pour y installer des statues, très certainement fabriquées avec l’or qu’il
avait mis de côté en Espagne, puisqu’ à son triomphe ne figure que de l’argent.
50 Ex praeda : Carvilius en 293 (Liv., X, 46, 15) ; Scipion en 201 (XXX, 45, 3) ; Cornelius
Lentulus en 200 (XXXI, 20, 7) ; Caton en 194 (XXXIV, 46, 2) ; Fulvius Nobilior en 187
(XXXIX, 5, 17). De praeda : Fulvius Flaccus en 180 (XL, 43, 6) ; Anicius en 167 (XLV, 43,
7). Praedae nomine : César en 46 (Suet., Div. Iul., 38, 1).
Partage et gestion du butin 33
la distribution avait été mise de côté 51 . La même situation se reproduit en 179 lors
du triomphe de Q. Fulvius Flaccus : le défilé comporte une grande quantité
d’armes, mais « quasiment pas d’argent », ce qui n’empêche pas le triomphateur
de faire une distribution : diuisit tamen écrit Tite-Live 52 . La mention dans les
textes de la somme allouée à chaque combattant, et non du coût global de la distri-
bution, paraît revêtir un signification claire : montrer ce que chacun soldat retire
du butin, de même que l’indication des masses entrées au trésor exprime ce que la
collectivité civique en retire.
Le tableau des pratiques de répartition du butin que nous venons de dresser à par-
tir de textes concernant les trois derniers siècles de la République donne une im-
pression de permanence des usages et de consensus à leur propos. Cette impres-
sion est pourtant trompeuse : leur élaboration ne s’est pas faite sans tensions, con-
testations et conflits, qu’il est intéressant d’étudier parce qu’ils révèlent les diver-
gences entre des représentations opposées de l’usage du butin de guerre pour la
collectivité. C’est donc une approche dynamique que nous allons tenter mainte-
nant, afin de parvenir à une compréhension des fondements idéologiques des pra-
tiques que nous venons de décrire. Une telle démarche se heurte à une difficulté
qui tient à la documentation : les affrontements au sujet du butin sont souvent pla-
cés par l’historiographie à une période très ancienne, et liés à des épisodes fonda-
teurs de l’histoire de Rome, comme la prise de Véies, et à des personnages,
comme Camille et Coriolan, dont l’historicité est plus que douteuse 53 . Dans beau-
coup de cas, les invraisemblances et les contradictions des récits font supposer des
anachronismes et la projection rétrospective de conflits plus récents : il sera sou-
vent difficile de déterminer la part de fiction qu’ils contiennent. D’un autre côté, il
est évident que ces anachronismes ont un sens : ils sont d’une certaine manière ré-
vélateurs de l’importance que revêtaient les enjeux sous-jacents à l’époque où les
conflits ont réellement eu lieu, et semblent même servir parfois à exprimer et à
justifier des choix qui n’ont pu passer dans les faits. Cincinnatus refusant, au mo-
ment où il abdique, la part de butin que le sénat lui offre est l’exemple idéal du
désintéressement du général, en même temps que d’une emprise du Sénat sur l’at-
tribution du butin qui ne correspond à rien de réel 54 .
51 Et, comme le fait remarquer M. TARPIN, il est probable, pour des raisons de logistique, que la
distribution elle-même soit effectuée au Champ de Mars juste avant le départ du cortège
triomphal. Les documents sur lesquels s’appuient les récits de triomphes étaient très certaine-
ment pour partie des bilans comptables dont l’organisation ne respectait pas nécessairement
l’ordre des opérations matérielles.
52 Liv., XL, 34, 8 et 59, 2. C’est à tort à notre avis que E. T. SAGE (édition Loeb, 1938) sug-
gérait que la somme ait pu être prise au trésor public.
53 Il existait même une tradition qui liait le meurtre de Romulus à la haine qu’il avait suscitée
chez les sénateurs en partageant entre ses soldats terres et butin (Ioannes Antiochenus, fr. 32
M., résumant Dion Cassius).
54 Dion. Hal., ant., X, 25, 3.
34 Marianne Coudry
Ces conflits ont porté sur trois points : la part des soldats ; la relation entre butin,
solde et tribut ; la part du général. Nous commencerons par la question de la part
des soldats, parce qu’elle est évoquée dès les tout premiers temps de la Répu-
blique. Les textes relatifs à la répartition du butin aux Ve et IVe siècles mettent en
scène deux types de comportement du général totalement opposés. Soit il accorde
aux soldats la totalité du butin, et dans ce cas les auteurs soulignent sa générosité,
à l’aide de termes qui suggèrent que celle-ci contraste avec la norme. Il est ques-
tion de benignitas, de lenitas, de munificentia ; on le qualifie de largitor 55 . Soit il
le leur refuse pour le verser au trésor, ce qui est présenté comme un comportement
malveillant (malignitas) ou d’une rigueur excessive (seueritas) 56 . La plupart des
épisodes qui donnent lieu à ces appréciations se placent dans un contexte politique
de violente opposition entre patriciens et plébéiens, suscitée par des problèmes de
dettes ou des conflits à propos de distributions de terres : laisser le butin aux sol-
dats est présenté comme un moyen de soulager la pauvreté de la plèbe 57 , les en
priver comme une spoliation 58 . La répartition du butin entre les soldats et le trésor
public apparaît dans tous ces épisodes comme un élément important du conflit
patricio-plébéien, avec une constante : l’aspiration des soldats à la jouissance im-
médiate et exclusive du butin d’un côté, la détermination des patriciens à le verser
au trésor public de l’autre.
Que le butin ait été un enjeu de ces conflits est parfaitement vraisemblable, et
ces récits expriment sans doute également les difficultés d’une transition entre
guerre de razzias menées par des clans et guerres de conquête conduites par un
État qui se construit et s’efforce de contrôler les bénéfices de la guerre 59 . Du mo-
ment où la guerre devient une entreprise collective menée par des magistrats con-
duisant des armées de citoyens, le butin fait par ces armées est nécessairement la
55 Benignitas : Fabius Ambustus qui laisse aux soldats le butin d’Anxur en 406 (Liv., IV, 59,
10), Iunius Bubulcus le butin de Bovianum en 311 (IX, 31, 5), Volumnius le butin fait sur les
Sallentins en 307 (IX, 42, 5). Lenitas : Quinctius le butin fait sur les Èques en 471 (II, 60, 2).
Munificentia : Marcius après la prise de Privernum en 357 (VII, 16, 3). Largitor : Camille le
butin fait sur les Volsques en 389 (VI, 1, 12), Volumnius en 307.
56 Malignitas : Fabius en 485 (II, 42, 1), Camille, s’il envisage de verser au trésor le butin de
Véies (V, 20, 2), l’attitude inverse étant présentée comme une largitio. Seueritas : Camille
pour le butin de Falerii en 394 (V, 26, 8).
57 En 495 : Liv., II, 25, 5.
58 En 485, l’attente d’une loi agraire est accrue par la malignitas patrum, qui… militem praeda
fraudauere (Liv., II, 42, 1). Dans la mesure où les conflits à propos des terres portent sur le
contrôle de l’ager publicus, c’est-à-dire des terres prises aux vaincus, il est compréhensible
qu’ils soient fréquemment liés à ceux qui ont trait au butin matériel. Sur ces questions, cf.
CORNELL 1989, p. 323–329.
59 Sur les formes particulières des guerres menées par Rome au Ve siècle, sans claire distinction
entre les initiatives de bandes agissant pour leur propre compte et celles de la cité elle-même,
cf. CORNELL 1989, p. 291–292. On songe particulièrement à la fameuse expédition des Fabii
contre Véies : sur les difficultés d’interprétation de cet épisode, cf. RICHARD 1990. À noter
l’hypothèse intéressante de HARRIS 1990, selon laquelle la piraterie romaine du IVe siècle
serait une persistance de cette guerre de razzia dans la sphère navale, sur laquelle le sénat et
les magistrats auraient renoncé à exercer un contrôle, contrairement à la sphère terrestre.
Partage et gestion du butin 35
propriété de la cité tout entière. La question de son affectation fait entrer en jeu
des principes opposés, accumulation collective ou redistribution individuelle : elle
devient alors propice à des affrontements politiques. Les conflits rapportés par la
tradition traduisent certainement cette mutation60 . Mais ils contiennent aussi des
éléments qui évoquent des conflits plus récents : largitio, benignitas, munificentia
appartiennent au vocabulaire politique de la fin de la République et renvoient aux
lois agraires, à l’attitude des généraux soucieux de s’attacher leurs soldats, à la re-
cherche de popularité en général, seueritas désignant le comportement opposé 61 .
On y relève aussi des faits anachroniques manifestement transposés de situations
postérieures. Ainsi, lors d’un de ces conflits sur fond de problème agraire, en 455,
Tite-Live indique que les consuls, après une victoire sur les Èques qui avait laissé
aux Romains « un énorme butin » (praeda ingens), le vendirent intégralement « à
cause de la pauvreté du trésor » (propter inopiam aerarii). Les tribuns, continue
Tite-Live, les font alors condamner à une amende à l’issue d’un procès comitial.
Or Denys d’Halicarnasse, qui évoque aussi le procès et la condamnation des con-
suls, en donne une raison toute différente 62 : cette discordance jette déjà un doute
sur l’authenticité de l’épisode. Mais surtout, à une époque où il n’existe pas de
solde, on peut se demander ce qui a pu provoquer un tel appauvrissement du
trésor public. Il faut donc supposer une interférence avec des débats relatifs au
tribut et à la solde dont on va voir qu’ils ne se placent sans doute pas avant la fin
du IVe siècle, ou avec la détresse financière qui a caractérisé des époques plus ré-
centes, la guerre d’Hannibal, l’époque syllanienne et les guerres civiles. Ces récits
de conflits archaïques sur le butin portent donc des traces manifestes de réélabo-
ration par l’annalistique de la fin de le République, dans des contextes différents,
sans qu’on puisse mesurer cette part de reconstruction.
Les conflits portant sur le partage du butin entre les soldats et le trésor tra-
versent en effet toute l’histoire de la République. Ils se mêlent à ceux qui ont pour
objet la solde et le tribut à partir de la fin du IVe siècle, puis à ceux qui portent sur
la part du général à partir de la fin du IIIe, si bien que nous les évoquerons à cette
occasion. Mais il est remarquable que l’usage qui consiste à laisser aux soldats
l’intégralité du butin sur le champ de bataille soit attesté sans interruption jusqu’à
60 Que nous sommes dans l’incapacité de dater avec précision. BONA 1959, p. 354–368, qui ex-
pose de façon très claire ce principe de propriété publique de la praeda, montre que le prin-
cipe juridique opposé, selon lequel les biens de l’ennemi deviennent la propriété de celui qui
s’en est emparé, ne subsiste à l’époque impériale que sous la forme d’un souvenir ancien
(Gai., inst., IV, 16) ou de cas très particuliers et marginaux. Il se demande même si ce
principe n’a pas une valeur purement théorique, et s’il ne dérive pas, comme le passage de
Polybe évoquant la règle de l’appropriation individuelle du butin pour l’opposer au système
romain de partage organisé par le général (X, 17, 1), de la réflexion aristotélicienne sur les
modes d’acquisition, intégrée dans la pensée juridique romaine sous l’espèce du ius gentium
et de la naturalis ratio (p. 365–367 ; il est suivi sur ce point par GNOLI 1979, p. 75–77). En
tout cas, la tradition historiographique romaine ignore complètement ce passage d’une
appropriation privée à une appropriation publique du butin.
61 Cf. HELLLEGOUARC’H 1972, p. 218–221 ; 281–282.
62 Liv., III, 31, 4–6 ; Dion. Hal., ant., X, 48–49.
36 Marianne Coudry
63 En Espagne, en 153 et 152 ; sans doute à Carthage en 146 ; à Aix après la victoire sur les
Ambrons en 102 ; à Héraclée du Pont en 71, très certainement ; à Tigranocerte en 71 ; en
Cilicie en 51.
64 Plut., Marc., 19, 3–7.
65 Plut., Pomp., 11, 4 ; Frontin., strateg., IV, 5, 1.
66 Plut., Luc., 14, 1–2 ; 19, 4.
67 Sall., Cat., 11, 4–7, repris par Plut., Sull., 12, 12–14.
68 Cf. notamment HARMAND 1967, p. 283–286 et 409–415, et GABBA 1978, p. 219–221.
69 GABBA 1984.
Partage et gestion du butin 37
70 Ne dissimulons pas ce que cette interprétation a d’hypothétique, comme la plupart des spécu-
lations récentes sur la fonction symbolique du triomphe : cf. les divergences entre
T. ITGENSHORST et E. FLAIG (ITGENHORST 2005, p. 203–205).
71 Cf. HUMM 2005, p. 377–384. L’obstacle principal à cette chronologie haute est en effet l’ab-
sence de monnayage romain avant l’extrême fin du IVe siècle. Mais il n’est pas impossible
que la solde soit apparue plus tôt, si l’on envisage qu’elle ait pu consister en masses de métal
pesé et non en monnaies proprement dites. Deux arguments peuvent être invoqués en ce
sens : l’étymologie de stipendium, qui renvoie à un poids de métal selon Varron (ling., V,
182) et Pline (nat. hist., XXXIII, 43), et les mentions de versement de la solde imposé aux
ennemis vaincus dans la première décade de Tite-Live, pour le IVe siècle (voir plus loin).
72 Liv., IV, 59, 10–60, 7. NICOLET 1976, p. 65, voit à juste titre dans ces formulations l’écho
des plaintes suscitées par les exigences financières accrues qu’imposa la deuxième guerre
punique.
38 Marianne Coudry
rable à la plèbe, laisser l’intégralité du butin aux soldats, exprimée ici sous une
forme imagée qu’on rencontre rarement : « que chacun rapporte chez lui ce qu’il
aura pris de ses mains à l’ennemi » ; de l’autre une conception nouvelle qui pré-
serve les intérêts du trésor tout en intégrant la relation butin/solde/tribut : utiliser
le butin pour verser aux soldats la solde, afin d’alléger le tribut 73 . Que signifie
cette étrange proposition, d’ailleurs repoussée par le Sénat, et qui revient à faire
reposer le financement de la solde directement sur le butin ? Elle paraît traduire un
compromis entre deux représentations opposées concernant le financement de la
solde : l’une qui lie étroitement rentrée de butin et paiement de la solde, l’autre
qui ne fait dépendre le paiement de la solde que de la perception du tribut ; on
retrouve les deux conceptions qui s’affrontaient en 406. Dans ces deux épisodes
qu’elle associe à d’importantes rentrées de butin, la tradition semblent donc avoir
superposé et amalgamé deux conflits différents : d’un côté l’affrontement ancien
et récurrent entre plébéiens exigeant de bénéficier intégralement du butin et pa-
triciens cherchant à imposer son versement au trésor ; de l’autre des débats posté-
rieurs, suscités par l’instauration simultanée de la solde et du tribut.
En effet, que la prise d’Anxur et celle de Véies aient livré un butin considé-
rable et posé une nouvelle fois la question du partage entre les soldats et le trésor
est probable, mais que l’instauration de la solde et du tribut sous une forme moné-
taire leur soit liée est plus que douteux. M. HUMM a récemment démontré de fa-
çon très convaincante que celle-ci était indissociable d’un ensemble cohérent de
réformes qui concernent les structures civiques, l’organisation manipulaire de la
légion, le système censitaire et les tribus et se mettent en place simultanément à la
fin du IVe siècle, autour de 311 74 . Le butin de guerre paraît n’y avoir joué aucun
rôle, et d’ailleurs la tradition ne fait pas état de butins spectaculaires à cette
époque.
Mais les années qui suivent voient se manifester les résistances qu’a entraî-
nées cette innovation et la diversité des tentatives pour imaginer d’autres solu-
tions, notamment en liant tribut, solde et butin. Les victoires et les triomphes de
Papirius Cursor et de Sp. Carvilius sur les Samnites en 293 sont présentés en effet
dans la tradition comme ayant donné lieu à des décisions opposées au sujet du
butin. Papirius, qui pendant sa campagne avait laissé à ses troupes le butin
d’Aquilonia et de Saepinum comme le voulait l’usage, verse intégralement au tré-
sor, à l’issue de son triomphe – c’est d’ailleurs le premier pour lequel nous ayons
une description précise de la procession, avec des indications chiffrées –, tout ce
qu’il a exhibé, produit de la vente des captifs et argent pris à ces villes, sans rien
donner aux soldats. Cet acte suscite le ressentiment (inuidia) de la plèbe, encore
accru par la levée d’un tribut destiné à financer la solde : « Si le consul avait
dédaigné la gloire de verser au trésor l’argent pris aux vaincus, il aurait pu à la
fois faire un don aux soldats (donum dari ex praeda) et fournir la solde (stipen-
dium militare praestari) » 75 . On lui reproche donc de ne pas avoir utilisé le butin
pour effectuer une distribution aux soldats et pour financer la solde, ce qui aurait
73 Liv., V, 20.
74 HUMM 2005, p. 375–397.
75 Liv., X, 46, 2–6.
Partage et gestion du butin 39
76 Dion. Hal., ant., XIX, 16, 3–4 = 19.S PITTIA : Πολλὰς δὲ καὶ εὐδαίμονας πόλεις κατὰ κράτος
ἑλὼν ἐξεπόρθησα, ἐξ ὧν τὴν στρατιὰν ἅπασαν ἐπλούτισα, καὶ τὰς εἰσφορὰς τοῖς ἰδιώταις, ἃς
εἰς τὸν πόλεμον προεισήνεγκαν, ἀπέδωκα, καὶ τετρακόσια τάλαντα μετὰ τὸν θρίαμβον εἰς τὸ
ταμιεῖον εἰσήνεγκα.
77 Liv., IV, 60, 5 ; X, 46, 6.
78 Dion. Hal., ant., V, 46, 1.
40 Marianne Coudry
79 Les références sont données par OAKLEY 2005, p. 538–541, qui discute la question de
l’historicité de ces notices, et des indutiae en général.
80 Liv., XXVIII, 25, 6 = Polyb., XI, 25, 9 ; XXVIII, 34, 11 ; XXIX, 3, 5.
81 Polyb., XXIII, 14, 7.
82 Par exemple pendant la campagne de Pompée en Syrie : Ios., ant. Iud., XIV, 39, et dans la
province de Macédoine sous le gouvernement de Pison : Cic., Pis., 88.
83 En voici la liste : II, 54, 1 (474, Véies) ; V, 27, 15 (394, Faléries) ; V, 32, 4 (391, Volsinii) ;
VIII, 2, 4 (341, Samnites) ; VIII, 36, 11 (325, Samnites) ; IX, 41, 7 (308, Étrusques) ; IX, 43,
6–7 (306, Herniques) ; IX, 43, 21 (306, Samnites) ; X, 5, 12 (302, Étrusques) ; X, 46, 12
(293, Falisques).
84 Liv., V, 27, 15 : Faliscis in stipendium militum eius anni, ut populus Romanus tributo uaca-
ret, pecunia imperata.
Partage et gestion du butin 41
peuple romain d’être déchargé du tribut a dû être évoquée. Par ailleurs une brève
notice de Pline, consacrée à la statue équestre de Q. Marcius Tremulus, donne de
curieuses indications, qui ne figurent pas chez les autres auteurs : « Il y eut devant
le temple des Castors une statue équestre de Tremulus en toge, lui qui avait vaincu
deux fois les Samnites et délivré le peuple du paiement de la solde grâce à la prise
d’Anagnia » 85 . Consul en 306, Tremulus, comme le raconte Tite-Live, avait vain-
cu les Anagnini et les Herniques, puis aidé son collègue à écraser les Samnites, ce
qui lui valut le triomphe et l’érection de cette statue. Or il avait aussi accordé à ces
différents peuples une trêve, selon l’usage évoqué plus haut, moyennant notam-
ment le paiement de six mois de solde par les uns, d’une année entière par les
autres 86 . Le rapprochement de ces deux textes fait donc penser que le report sur
ces peuples vaincus du paiement du stipendium a pu être valorisé publiquement.
Il n’est pas exclu, par conséquent, qu’au tournant du IVe et du IIIe siècle, au
moment où se mettait en place le tributum in stipendium, faire supporter la charge
de la solde non par les citoyens mais par les ennemis qui faisaient soumission ait
été l’une des alternatives envisagées. L’étude sémantique récemment menée par
J. FRANCE sur le vocabulaire de la fiscalité romaine fait d’ailleurs bien apparaître
que le terme stipendium s’est chargé progressivement d’une connotation péjora-
tive qui l’associait à la condition de vaincu 87 , évolution qui traduit celle des réali-
tés romaines elles-mêmes à partir du IIe siècle. Qu’une telle option ait été propo-
sée dès la fin du IVe siècle chaque fois que des victoires en donnaient l’opportuni-
té ne peut être établi avec certitude : la minceur des indices incite à la prudence, et
la même remarque vaut pour l’introduction des indemnités de guerre : c’est à Car-
vilius qu’elle revient également, si l’on suit Tite-Live, mais l’historiographie la-
tine ne s’y est guère intéressée 88 . Cette relative indifférence des auteurs tient pro-
bablement au fait que ces innovations ne pouvaient que rencontrer un consensus
parmi les Romains, puisqu’elles offraient l’avantage de soulager les citoyens du
tribut et de ne pas frustrer les soldats d’une partie du butin : il n’y avait pas
matière à débats, réels ou reconstruits, comme c’était le cas pour les initiatives de
Papirius Cursor, de Carvilius et de Fabricius 89 .
85 Nat. hist., XXXIV, 23 : Et ante aedem Castorum fuit Q. Marci Tremuli equestris togata, qui
Samnites bis deuicerat captaque Anagnia populum stipendio liberauerat.
86 Liv., IX, 43.
87 FRANCE 2007, p. 340–347.
88 Liv., X, 46, 12. Sur les indemnités de guerre, cf. la contribution de Jürgen VON UNGERN-
STERNBERG dans ce volume.
89 Deux exemples qui me semblent significatifs de la différence de traitement littéraire des faits
de ce type selon qu’ils impliquent ou non le peuple. On sait par Polybe (XXIII, 14, 7)
qu’après la victoire de Magnésie Scipion imposa à Antiochos le paiement de la solde de l’ar-
mée romaine : Tite-Live n’en dit rien, et n’évoque l’octroi d’une double solde après la vic-
toire de Magnésie qu’en passant, à propos du triomphe (XXXVII, 59, 6). En 215, le préteur
de Sardaigne exige des cités révoltées qui ont fait leur deditio un stipendium, qu’il verse aux
questeurs urbains à son retour : cette fois-ci la précision est donnée par Tite-Live (XXIII, 41,
7), parce que cet acte concernait directement les citoyens, surtout dans le contexte de
détresse du trésor qui avait obligé les sénateurs à faire lever dès le début de l’année le tribut
pour payer la solde, et à en décréter un double en sus (XXIII, 31, 1–2).
42 Marianne Coudry
Car ce qui s’exprimait dans ce que j’ai qualifié de “récits fondateurs”, consen-
sus sur le principe de la solde, mais divergences sur les moyens de la financer, et
difficulté à établir une relation simple entre butin, tribut et solde, se retrouve à
l’arrière-plan de deux épisodes bien documentés du siècle suivant : les campagnes
et les triomphes de Manlius Vulso et de Paul-Émile. Le premier, au cours de son
expédition contre les Galates en 189, avait remporté près de l’Olympos une
victoire décisive qui lui avait livré le camp ennemi. Il fait rassembler le butin, en
vend une partie au profit du trésor et distribue le reste entre ses soldats avec,
précise Tite-Live, un grand souci d’équité dans le partage, ce qui laisse penser que
ce versement au trésor était mal accepté 90 – un exemple de la persistance de leurs
exigences de partage immédiat du butin. Après son triomphe, il effectue une dis-
tribution – ce qui était devenu courant depuis le début du siècle – et ajoute deux
nouveautés, une double solde, qui lui attire la reconnaissance des soldats, puis, par
le biais d’un sénatus-consulte, le remboursement du tribut, qui satisfait les
citoyens. Là aussi, il est question du soin mis par les questeurs à s’acquitter de la
tâche, ce qui fait penser que Vulso cherchait à apaiser des citoyens anxieux de
bénéficier immédiatement des rentrées d’argent permises par le butin. On retrouve
donc chez lui une attitude conforme au “modèle” de Fabricius : faire bénéficier à
la fois les soldats, le trésor et les citoyens des bénéfices matériels de la victoire.
Remarquable est en particulier la décision d’utiliser le butin versé au trésor pour
restituer aux citoyens le tribut : c’est le seul cas du genre qui soit bien attesté 91 .
De même pour les soldats une innovation qui n’eut pas de suite, l’ajout à la
distribution d’argent d’une double solde 92 . S’agissait-il seulement de payer un
arriéré ? Ou bien d’affirmer, en proportionnant l’ampleur de la solde à celle du
butin, le lien entre l’une et l’autre, au détriment de la relation originelle entre
solde et tribut ? Certes les efforts déployés par Vulso pour parvenir à une redistri-
bution consensuelle du butin sont liés aux difficultés politiques provoquées par sa
campagne asiatique : sa demande de triomphe s’est heurtée à l’opposition suscitée
par deux de ses légats 93 . Cet épisode original illustre néanmoins les tensions que
suscite la question de la répartition et de l’usage du butin en ce début du IIe siècle.
Il faut attendre le triomphe de Paul-Émile pour qu’émerge à nouveau cette
question de la distribution du butin : aucun remboursement de tribut, en particu-
90 Liv., XXXVIII, 23, 10 : Ceteram praedam conferre omnes iussit, et aut uendidit quod eius in
publicum redigendum erat, aut cum cura quam aequissima esset per milites diuisit.
91 Liv., XXXIX, 7, 5 : Senatus consultum factum est ut ex ea pecunia quae in triumpho
translata esset stipendium collatum a populo in publicum quod eius solutum antea non esset
solueretur. La formulation du texte n’est pas absolument claire, mais le sens ne fait pas de
doute, il est bien question du tribut, comme le pense cf. NICOLET 1976, p. 23–26. En
revanche, le rapprochement qu’il effectue entre cet épisode et le remboursement en trois fois
de la contribution exceptionnelle de 210 ne me paraît pas fondé : aucune de ces opérations
n’est en relation avec le butin, et l’une d’elles a lieu précisément à un moment où le trésor
manque de liquidités, en 200. Cf. aussi p. 77.
92 Seuls L. Scipion en 189 et Fulvius Flaccus en 180 font la même chose.
93 Liv., XXXVIII, 45. Ils l’accusaient d’avoir entrepris la guerre de son propre chef, sans l’avis
du sénat, et d’avoir conduit un priuatum latrocinium ; il retarda en outre son triomphe pour
échapper à une accusation d’accaparement de butin, et il savait qu’on lui reprochait d’avoir
laissé son armée prendre goût au luxe (XXXIX, 6, 4–7).
Partage et gestion du butin 43
lier, n’est attesté dans l’intervalle, ce qui tient peut-être à l’absence de gros butins
après la guerre d’Antiochos, où n’est célébré aucun triomphe oriental. On sait que
lorsque Paul-Émile rentra à Rome après sa campagne de Macédoine, sa demande
de triomphe fut âprement contestée par les soldats qui s’estimaient lésés dans la
répartition du butin. Tant chez Tite-Live que chez Plutarque, pour lesquels ce con-
flit est l’occasion de présenter, dans de beaux morceaux d’éloquence, un certain
nombre de topoi sur l’avidité des soldats et l’intégrité de Paul-Émile, apparaissent
des éléments douteux, comme la revendication par les soldats d’une part du trésor
royal macédonien 94 , ou, dans une partie précédente du récit, l’indication que le
pillage de l’Épire aurait été motivé par le désir de les récompenser95 , et la diver-
gence entre Tite-Live et Plutarque sur les montants distribués après ce pillage 96 . Il
demeure que le conflit porte à nouveau sur la répartition du butin entre soldats et
trésor public. De même, la suspension du tribut que permit la rentrée d’argent
montre que la relation entre tribut et butin est conçue de la même façon qu’au
début du IIIe siècle. Les textes qui évoquent cette interruption de la levée du tribut
sont sans équivoque sur le lien entre ces deux ordres de faits : « Il versa une telle
somme d’argent au trésor que le butin d’un seul général amena la fin des tributs »,
écrit Cicéron ; et Pline : « Il versa au trésor trois cent millions de sesterces sur le
butin macédonien, et depuis lors le peuple romain cessa de payer le tribut » 97 . Le
retentissement de cette interruption 98 , qui dura jusqu’en 43, est révélateur de la
manière dont était pensée la relation entre solde, tribut et butin.
Depuis sa création, le tribut a été conçu comme une contribution ponctuelle
des citoyens 99 , que les rentrées de butin au trésor devaient permettre soit de leur
restituer, soit d’éviter. À partir de 167, stipendium et tributum cessent d’être asso-
ciés : désormais s’impose le principe selon lequel la guerre nourrit directement la
guerre. On le trouve nettement exprimé en plusieurs occasions au siècle suivant, et
dans des circonstances diverses. En pleine guerre sociale, en 89, les sénateurs
déplorent que Pompeius Strabo n’ait pas versé au trésor le butin d’Asculum : « il
aurait fourni une aide pour le paiement de la solde » 100 . Lucullus, pendant sa
campagne d’Arménie, utilise les trésors du roi de Gordyène Zarbiénos, assassiné
avant d’avoir pu se rallier à lui, pour entretenir son armée, contrairement à l’usage
qui destinait les trésors royaux à l’aerarium. Plutarque explique : « Les soldats en
profitèrent, et on admira Lucullus pour avoir, sans prendre une drachme au trésor
public, nourri la guerre par la guerre » 101 . En 56 en revanche, le sénat vote les
sommes nécessaires au paiement de la solde des quatre légions que César avait le-
vées de sa propre initiative pour sa campagne en Gaule. Cicéron, qui avait soutenu
la proposition, commente : « C’est à l’homme que j’ai fait une concession plus
qu’à je ne sais quelle nécessité », et il explique que le butin amassé par César lui
aurait permis d’entretenir son armée, mais que l’éclat de son futur triomphe en
aurait été amoindri 102 . En d’autres termes, il est naturel de financer directement la
solde par le butin, mais le financement par le trésor permet au triomphateur d’ex-
hiber de plus grandes quantités de butin et d’accroître sa gloire en conséquence.
En somme, par rapport aux guerres samnites, les grandes campagnes orien-
tales du premier tiers du IIe siècle n’ont apporté aucun changement dans les con-
ceptions relatives à l’usage du butin : le tribut est une sorte d’avance consentie par
les citoyens au trésor pour des campagnes qui doivent à la fois remplir le trésor
public, rémunérer les soldats et dédommager les contribuables.
101 Plut., Luc., 29, 10. Il ne fait pas de doute que c’est au paiement de la solde que le trésor de
Zarbiénos servit : Plutarque mentionne l’or et l’argent qui s’y trouvaient, et Lucullus, comme
on l’a vu plus haut, avait la réputation de ne pas laisser les soldats se livrer au pillage.
102 Cic., prov., 28. On peut se demander si Cicéron a réellement le souci de la gloire de César,
ou s’il ne souhaite pas plutôt éviter que par le financement direct de la solde ce dernier se
substitue au trésor public et amoindrisse l’autorité du Sénat qui en a le contrôle.
103 C’est notamment tout le problème du statut juridique des manubiae, avec les points de vue
inconciliables de BONA 1960 et de SHATZMAN 1972. Tous deux définissent les manubiae
comme la part de butin que le général se réserve, mais le premier considère que cette part,
réservée à une utilisation d’utilité publique, ne devient pas sa propriété personnelle, et qu’il
s’expose à des accusations de péculat en ne l’utilisant pas à cette fin. Pour le second au
contraire, l’appropriation des manubiae n’est pas illicite, aucune législation ne l’ayant pro-
hibée, et aucun procès de péculat n’est attesté concernant les manubiae. Ce dernier point a
été combattu par GNOLI 1979 avec de solides arguments, mais ses analyses sont restées mal-
heureusement ignorées des savants de langue anglaise, chez lesquels le point de vue de
SHATZMAN continue de faire autorité.
Partage et gestion du butin 45
118 Liv., XXXVII, 57, 12 : Quod pecuniae regiae praedaeque aliquantum captae in Antiochi
castris neque in triumpho tulisset, neque in aerarium rettulisset.
119 Oros., V, 18, 26 : Cum de hac praeda opitulationem aliquam in usum stipendii publici sena-
tus fore speraret, nihil tamen Pompeius ex ea egenti aerario contulit.
120 Memnon, FGrHist, 434 F 39, 1 : ... πολλὰ τῶν λαφύρων εἰς τὸ τῶν Ῥωμαίων εἰσεκόμιζε τα-
μιεῖον, τὸν ἐπὶ τῷ πλούτῳ φθόνον ἐκκρούων, εἰ καὶ μηδὲν αὐτοὺς πραοτέρους ἀπειργάζετο,
ἀπὸ πολλῶν ὀλίγα νέμειν ὑπολαμβάνοντας.
121 Cf. COUDRY 2001.
122 Cass. Dio, VI, fr. 24, 4 : Ὡς μηδὲν ἐκ τῆς λείας τῆς τῶν Οὐηίων τὸ δημόσιον ὠφελήσας ;
Flor., I, 22 : Quod inique inter plebem et exercitum diuidisse praedam Veientanam uidere-
tur ; Vir. ill., 23, 4 : Quod praedam inique diuisisset ; Eutr., I, 19 : Quasi praedam male diui-
sisset ; Val. Max., V, 3, 2a : tanquam peculator Veientanae praedae reus factus ; Plut.,
Cam., 12, 1 : Ἔγκλημα δὲ κλοπῆς περὶ τὰ Τυρρηνικὰ χρήματα. Tite-Live est très imprécis :
propter praedam Veientanam (V, 32, 8) ; Pline en revanche parle comme Plutarque de l’ap-
propriation de portes de bronze d’un temple : Ostia quod aerata haberet in domo (nat. hist.,
XXXIV, 13).
48 Marianne Coudry
tarque, il apparaît, dans les campagnes qui précèdent sa trahison, comme refusant
régulièrement une part de butin 123 . Et à propos de son procès, Plutarque indique
que la troisième des accusations portées contre lui par les tribuns de la plèbe con-
cerne le butin d’Antium, qu’on lui reproche d’avoir distribué à ses compagnons
d’armes au lieu de le verser au trésor. Denys offre une version plus élaborée : l’un
des tribuns dénonce comme manifestation du comportement tyrannique de Corio-
lan – et c’est le chef d’accusation retenu – le fait qu’il a transgressé la « loi »
(νόμος) ordonnant que tout le butin appartient à l’État et qu’aucun particulier ne
peut en disposer, pas même le général : son questeur doit le vendre et verser le
produit au trésor 124 .
L’évocation d’une loi, ou tout au plus d’une règle, car chez Denys le terme
νόμος a souvent ce sens plus vague, est évidemment anachronique en 491. Mais
elle est probablement une anticipation d’initiatives plus récentes visant à définir
une norme d’utilisation du butin. Cette définition s’exprime par des énoncés géné-
raux, comme ceux dont portent la trace les discours de Caton évoqués plus haut,
mais aussi à travers des actions judiciaires qui prennent appui sur un principe qui
paraît d’emblée clairement défini : la praeda est propriété du peuple romain, et
toute soustraction de butin est un vol de biens publics, qui est désigné, au moins à
l’époque de Cicéron mais sans doute bien plus tôt, par le mot peculatus. Quand
cet ensemble de concepts prend-il la forme précise qui n’est directement attestée
que dans la lex Iulia peculatus de la fin de la République 125 ? S’il est avéré que
c’est déjà le cas à l’époque du procès de Verrès 126 , quelques indices laissent
penser qu’on peut faire remonter beaucoup plus haut la formulation du principe et
son application judiciaire, même si on ne dispose pas d’attestations de l’emploi du
terme peculatus. Déjà Caton, comme on l’a vu, parle à propos des triomphateurs
de fures publici, ce qui indique qu’en son temps l’appropriation de butin est con-
çue comme un vol de biens publics. Mais le premier procès attesté pour détourne-
ment de butin, celui de M. Livius Salinator, qui avait célébré un triomphe sur les
Illyriens après sa campagne de 219, a lieu au plus tard en 216. Or un fragment de
Fabius Pictor, transmis par la Souda et isolé de tout contexte, énonce nettement le
123 Lors de la prise de Corioli : Dion. Hal., ant., VI, 94, 1–2 ; Plut., Cor., 10, 4. D’Antium :
Dion. Hal., ant., VIII, 57, 1 ; Plut., Cor., 13, 6.
124 Plut., Cor., 20, 5 ; Dion. Hal., ant., VII, 63 : τὰ ἐκ τῶν πολέμων λάφυρα... δημόσια εἶναι κελεύει
ὁ νόμος, καὶ τούτων οὐχ ὅπως τις ἰδιώτης γίνεται κύριος, ἀλλ’ οὐδ’ αὐτὸς ὁ τῆς δυνάμεως
ἡγεμών· ὁ δὲ ταμίας αὐτὰ παραλαβὼν ἀπεμπολᾷ καὶ εἰς τὸ δημόσιον ἀναφέρει τὰ χρήματα.
125 Dont les prescriptions sont connues par des juristes d’époque sévérienne : Ulpien, pour
l’énoncé général (Dig., 48, 13, 1), et Modestin pour l’extension du champ de la loi au butin
(Dig., 48, 13, 15 : Is qui praedam ab hostibus captam subripuit lege peculatus tenetur).
L’étude fondamentale sur la loi et sur l’émergence à l’époque républicaine du concept de pé-
culat est celle de GNOLI 1979. Reprenant les analyses de BONA 1959, p. 354–357, qui a établi
très clairement comment est défini sous la République le principe de la propriété publique de
la praeda, il montre (p. 78–80) que la praeda est conçue comme un élément de la pecunia
publica, expression désignant le patrimoine du peuple romain, quelle que soit sa forme, pas
nécessairement monétaire, et comment l’appropriation de praeda entre très logiquement dans
le champ du peculatus, qui désigne tout vol commis au détriment des biens publics.
126 On a remarqué depuis longtemps que deux passages des Verrines (2 Verr., I, 11 et IV, 88)
énoncent la même conception du peculatus que celle de la lex Iulia : cf. GNOLI 1979, p. 80.
Partage et gestion du butin 49
principe sur lequel se fondent les accusations de péculat : « Il est interdit à tout
magistrat de s’approprier le moindre bien qui appartienne au peuple » 127 . Sachant
que les Annales s’interrompent en 216, on a là l’indication que cette norme est
clairement définie dès cette époque. On pourrait même envisager que Fabius l’ait
mentionnée précisément à propos de ce procès 128 : la chose n’aurait rien d’invrai-
semblable, car l’affaire a laissé de nombreuses traces dans la tradition, particu-
lièrement chez Tite-Live, et la condamnation de Livius Salinator dut frapper les
contemporains par sa nouveauté 129 . Il se pourrait donc que le concept de peculatus
et son extension à la praeda aient pris corps déjà à la fin du IIIe siècle.
C’est ce principe, en tout cas, qui a fondé les accusations d’appropriation de
butin ultérieures, et permis la répression de ces actes, d’abord par des iudicia
populi, puis par des quaestiones particulières, jusqu’à l’instauration d’un tribunal
permanent, une quaestio perpetua peculatus, avant l’époque de Sylla 130 . Ainsi, la
définition par la lex Iulia peculatus, dont on ne sait si elle est césarienne ou augus-
téenne, et que l’on s’accorde donc à placer entre 59 et 18, d’un crimen peculatus
qui englobait diverses formes d’appropriation de biens publics, dont fait partie le
butin destiné au trésor, constitue le terme d’une évolution dont les étapes anté-
rieures nous échappent. Mais la constance avec laquelle, à propos des accusations
de détournement de butin qui s’égrènent de 216 à 66, les textes latins emploient le
mot peculatus et les textes grecs le verbe σφετερίζειν paraît bien confirmer que la
nature du délit est clairement établie dès l’origine.
L’élaboration d’une législation protégeant le trésor public des abus des géné-
raux en matière de répartition du butin est donc révélatrice d’une volonté remar-
quablement constante de garantir la place de la collectivité dans la redistribution
de ces biens, et pas seulement de stigmatiser des comportements 131 .
La conquête du monde grec à partir du début du IIe siècle, qui a permis la
mainmise sur des quantités de richesses bien plus considérables que précédem-
ment, a donc suscité de nouveaux conflits sur leur partage, conflits qui perdurent
jusqu’au milieu du siècle suivant et se sont focalisés sur la part que s’arrogent les
généraux au détriment du trésor public, bien plus que sur celle qui revient aux
127 Fabius Pictor, fr. 28 PETER = 18 CHASSIGNET (ap. Sud., s.v. Φάβιος Πίκτωρ) : Φάβιος
Πίκτωρ, συγγραφεὺς Ῥωμαίων. οὗτος λέγει ἄρχοντι Ῥωμαίων μὴ ἐξεῖναι μηδενὶ
σφετερίσασθαι ἐκ τοῦ δημοσίου ὁτιοῦν.
128 Ce fragment, que PETER plaçait sagement parmi les incertae sedis, a été inséré par les édi-
teurs plus récents dans différentes parties de l’œuvre : parmi les épisodes du tout début de la
République (CHASSIGNET 1996, sans justification explicite), ou au moment du procès de Ca-
mille (FRIER 1970, p. 205–206), ce qui n’est pas impossible si l’on songe à la fonction fon-
datrice assignée à cet épisode par la tradition. Sur la composition des Annales et l’interrup-
tion en 216, CHASSIGNET 1996, p. LVIII.
129 Liv., XXII, 35, 3 ; XXVII, 34, 3 ; XXIX, 37, 13 ; Suet., Tib., 3, 4 ; Frontin., strateg., IV, 1 ,
45 ; Vir. ill., 50, 1.
130 C’est ce qu’atteste le procès intenté à Pompée en 86 : cf. l’étude rigoureuse qu’en a faite
GNOLI 1979, p. 84–91, malheureusement ignorée par HILLMAN 1998.
131 Quoique ces deux objectifs ne soient pas séparables : DAVID 2007 montre de manière très
éclairante le rôle fondamental des acteurs des procédures judiciaires, magistrats à l’époque
des iudicia populi, orateurs à l’époque des quaestiones, dans la définition des crimes et dans
l’établissement des principes sur lesquels s’appuyait la répression pénale républicaine.
50 Marianne Coudry
132 Cic., leg. agr., I, 12 ; II, 59. Cette clause de la rogatio Seruilia a fait couler beaucoup
d’encre, en particulier parce que la manière dont Cicéron la présente ne permet pas de com-
prendre clairement où réside la nouveauté de cette disposition. Cf. BONA 1960, p. 167 et
GNOLI 1979, p. 102.
133 Captifs distribués aux cavaliers et aux centurions après la prise de Fidènes en 426, si cet épi-
sode est authentique (Liv., IV, 34, 4) ; récriminations des soldats de Paul-Émile auxquels est re-
fusée toute part du trésor royal macédonien. Notons que César semble s’affranchir allègrement
de ces règles, en distribuant aux soldats des captifs à deux reprises pendant la guerre des Gaules
(BG, VI, 3, 2 et VII, 89, 5), et en leur abandonnant le trésor de Pharnace (B. Alex., 77, 2).
Partage et gestion du butin 51
impossible qu’elle ait pris naissance au début du IIIe siècle : on a remarqué plus
haut que c’est à partir du triomphe de Papirius Cursor en 293 que les indications
des auteurs sur les prises de guerre présentées lors du triomphe deviennent
brusquement plus précises, et il est remarquable que l’inscription de l’elogium de
Duilius, qui triomphe en 260, soit non seulement tout aussi précise, mais qu’elle
suive un ordre quasiment identique (et très voisin aussi de celui qu’on trouve dans
les acta du triomphe de Pompée) 138 : peut-être ces deux triomphateurs avaient-ils
constitué déjà des acta triumphorum. Cette innovation se comprendrait assez bien
dans le contexte de cette période qui voit se définir des modèles de conduite du
général en matière de butin.
Cette pratique atteste en tout cas que triomphe est bien le lieu où s’exprime
toute l’ambiguïté des rapports entre le général et la collectivité civique vis-à-vis
du butin de guerre : à la fois mise en scène de sa contribution à l’accroissement de
Rome et publicité faite aux bénéfices matériels de la victoire pour la cité. Si l’on
ajoute la publicité donnée aux distributions d’argent de praeda aux soldats, on
saisit la dimension complète que revêt la fonction symbolique de cette cérémonie
quant au partage des bénéfices matériels de la victoire. Le triomphe accomplit
ainsi ce que ne permettent pas les institutions : confronter les parties prenantes du
partage du butin en inhibant les conflits. Un rituel (au sens anthropologique du
mot) se substitue à des mécanismes institutionnels qui permettraient un contrôle
politique de ce partage. Car la publicité donnée par les triomphateurs à leurs choix
de répartition du butin n’est en rien une reddition de comptes au sens où l’entend
la philosophie politique antique depuis le fameux “débat perse” : c’est un acte vo-
lontaire de communication politique.
3. LA COMPTABILITÉ DU BUTIN
sont composés par le triomphateur lui-même : c’est ce qu’a bien établi GIRARDET 1991, con-
firmant l’interprétation de KUBITSCHEK 1893.
138 La première édition est celle de MOMMSEN (CIL I, p. 39–40) ; l’édition classique est celle de
DEGRASSI (InscrIt, XIII, 3, n° 69), la plus récente celle du CIL VI, 1300.
139 Il est dommage que, dans son récent ouvrage sur le triomphe, M. BEARD, après avoir à juste
titre dénoncé l’idée selon laquelle les indications chiffrées données par les auteurs seraient
fidèles à celles contenues dans les archives, étende ce scepticisme aux archives elles-mêmes.
Les enjeux du partage des profits de guerre étaient si importants qu’il est tout à fait impro-
Partage et gestion du butin 53
Ce sont d’abord ceux du général : les comptes (rationes) des prises effectuées lors
des opérations militaires. Cicéron vante longuement le soin que mit à les confec-
tionner P. Servilius Vatia, envoyé comme consul en Cilicie en 79, pour l’opposer à
la négligence de Verrès, qui était alors son légat. À propos du butin fait à Olympos,
en Pamphylie, il fait donner lecture de ces comptes, et précise : « Ce n’est pas seule-
ment le nombre des statues, mais les dimensions, la conformation, l’attitude de cha-
cune d’elles que vous voyez notées avec précision dans ce document… Je le dé-
clare, pour le butin du peuple romain, Servilius a gardé note et tenu les écritures
(notata et perscripta) avec plus d’exactitude que tu ne l’as fait toi-même pour tout
ce que tu as volé » 140 . Il évoque aussi, sur le mode ironique, ceux que dressa Pison
lors de son proconsulat de Macédoine, en l’imaginant déclarer à César : « Si tu
prends connaissance de ces comptes (rationes), tu comprendras que personne n’a
retiré de ses études plus d’avantages que moi. Ils sont en effet rédigés de bout en
bout (perscriptae) avec tant de science et de culture… » 141 .
bable que ces documents primaires n’aient pas été « systematic, accurate and accessible »
(BEARD 2007, p. 170).
140 Texte 1, en fin de développement.
141 Texte 2.
54 Marianne Coudry
Les seules autres indications dont nous disposions à propos de ces comptes
apparaissent dans le contexte du procès des Scipions. Dans la version d’Aulu-
Gelle, Scipion, mis en cause devant le sénat, « se lève, et, tirant de sa toge un livre
(librum), dit qu’y étaient écrits les comptes de tout l’argent (s.e. d’Antiochos) et
de tout le butin (rationes in eo scriptas esse omnis pecuniae omnisque praedae) ».
Tite-Live mentionne aussi un librum rationis, et Polybe un βιβλίον et un λογισ-
μόν 142 . Malgré toutes les difficultés que comportent les textes relatifs à cette
affaire, il n’y a pas de raison de mettre en doute ces informations : elles montrent
que la tenue de comptes du butin, et sans doute des bénéfices de guerre au sens
large, puisque le versement de la fraction d’indemnité de guerre exigée d’Antio-
chos y figure aussi, était une pratique en vigueur déjà au début du IIe siècle. Ajou-
tons que, comme on l’a vu plus haut à propos de Verrès, les légats du général
tiennent également des comptes : l’un des légats de L. Scipion, A. Hostilius Cato,
est condamné en même temps que lui pour avoir reçu d’Antiochos (et conservé)
une somme dont le montant a sans doute été connu par l’examen de son livre de
comptes 143 .
Plus souvent évoqués sont les comptes du questeur militaire. Les indications
les plus précises sont dues à Plutarque : dans sa biographie de Tiberius Gracchus,
il le montre, questeur à Numance en 137, demandant aux Numantins qui avaient
pris et pillé le camp abandonné par Mancinus de lui restituer « les tablettes (πινα-
κίδες, nommées plus loin δέλτοι) qui contenaient les écritures et les comptes de sa
gestion de questeur (γράμματα καὶ λόγους ἔχουσαι τῆς ταμιευτικῆς ἀρχῆς) » 144 .
On peut rapprocher de ce texte celui qui mentionne les opérations effectuées par
Caton à Chypre, où il avait été envoyé en 58 pour recueillir les biens du roi Ptolé-
mée, bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler de butin ; mais le titre de ques-
teur propréteur qui lui fut conféré pour cette mission le justifie. Plutarque écrit, à
propos du naufrage subi au retour : « Les deux registres (βιβλίοι) où il avait con-
signé avec soin les comptes de sa gestion (λόγους πάντων ὧν διῴκησε γεγραμ-
μένους ἐπιμελῶς) ne purent être sauvés ni l’un ni l’autre » 145 .
D’autres textes, nombreux, mentionnent le rôle des questeurs militaires (que
les auteurs de langue grecque confondent parfois avec les questeurs urbains 146 )
dans le traitement du butin, et donnent à l’occasion certaines précisions. Je laisse-
rai de côté ceux qui concernent le Ve siècle, peu éclairants, et sur desquels pèsent
de forts soupçons d’anachronisme, à cause notamment de la question disputée de
la transformation de la questure en magistrature principalement financière 147 .
Pour la période qui commence à la fin du IIIe siècle, les indications des auteurs
142 Gell., IV, 18, 9 ; Liv., XXXVIII, 55, 11 ; Polyb., XXIII, 14, 7.
143 Liv., XXXVIII, 55, 7.
144 Plut., Ti. Gracch., 6, 1.
145 Plut., Cat. min., 38, 2. Un peu plus loin, ces comptes sont nommés λογισμοὶ τῶν πεπραγμέ-
νων. De même chez Dion Cassius (XXXIX, 23, 3).
146 Polybe, à propos du trésor carthaginois de Carthagène (X, 19, 1) ; Plutarque, à propos du tré-
sor du roi Persée (Aem., 28, 10).
147 Les questeurs sont cités à propos de la vente du butin et des prisonniers (en 485 : Dion. Hal.,
ant., VIII, 82, 4 ; en 459 : D.H., X, 21, 6 ; en 410 : Liv., IV, 53, 10), ou simplement comme
chargés de recueillir le butin au nom du peuple (en 396 : Liv., V, 19, 8).
Partage et gestion du butin 55
sont plus précises, et permettent de supposer la tenue de ces comptes sur lesquels
les textes de Plutarque nous renseignent pour une époque plus récente. En 211, les
sénateurs campaniens, que Fulvius a convoqués au camp romain après son entrée
dans Capoue, « sont sommés de livrer aux questeurs tout l’or et l’argent qu’ils
possèdent ; deux mille soixante dix livres d’or, trente et un mille deux cents d’ar-
gent » 148 . L’indication du poids des métaux précieux livrés fait supposer de la part
des questeurs une pesée et un enregistrement. Ces deux opérations sont expli-
citement mentionnées dans le récit détaillé que fait Tite-Live de la mainmise sur
les richesses carthaginoises accumulées à Carthagène et que la victoire de Scipion
a livrées aux Romains en 209 : « Or et d’argent : une grande quantité fut apportée
au général, deux cent soixante seize patères d’or pesant presque toutes une livre ;
en argent, brut et monnayé, dix huit mille trois cents livres ; vases d’argent, un
grand nombre ; tout cela, pesé et compté, fut confié au questeur C. Flaminius »149 .
La formulation fait apparaître les manipulations effectuées, manifestement par les
aides du questeur, et la rédaction des comptes, présentés par chapitres que le texte
littéraire a repris en les transformant à peine. L’annonce par Manlius Acidinus,
revenu à Rome en 185 pour célébrer un triomphe sur l’Espagne citérieure, que son
questeur va apporter et verser au trésor dix mille livres d’argent et quatre vingts
d’or, sous-entend aussi ces manipulations et la tenue de comptes, qui cette fois-ci
portent non sur une opération, mais sur la totalité de la campagne 150 . La docu-
mentation est plus clairsemée pour le Ier siècle : mention par Cicéron des comptes
de Verrès questeur de Carbo en 84 151 , description détaillée de l’inventaire des
trésors de Mithridate à Talaura, qui suppose l’intervention du questeur mais ne la
mentionne pas 152 . La nouveauté est peut-être la division des tâches entre le
questeur et des praefecti plus spécialement chargés de la gestion du butin, si l’on
en croit les précisions que donne Cicéron dans une des lettres qu’il adresse au pro-
questeur de Bibulus à la fin de son gouvernement de Cilicie153 . Ceci pourrait s’ex-
pliquer par l’ampleur des tâches qui incombent aux questeurs militaires, pour le
seul chapitre des profits de guerre : ils ne sont pas chargés seulement de tenir les
comptes du butin après l’avoir recueilli et vendu, mais font les mêmes opérations
pour les biens confisqués aux vaincus 154 , pour les indemnités de guerre 155 , pour
148 Liv., XXVI, 14, 8. La présence de deux questeurs tient au fait que Fulvius est accompagné
d’Appius Claudius.
149 Liv., XXVI, 47, 7–8 : Et auri argentique relata ad imperatorem magna uis : paterae aureae
fuerunt ducentae septuaginta sex, librales ferme omnes pondo, argenti infecti signatique de-
cem et octo milia et trecenta pondo, uasorum argenteorum magnus numerus ; haec omnia C.
Flaminio quaestori adpensa adnumerataque sunt.
150 Liv., XXXIX, 29, 6. Plus allusifs sont les exemples de traitement du butin par les questeurs
lors de la prise de Syracuse (Liv., XXV, 31, 8), de Baecula (Liv., XXVII, 19, 2 ; Val. Max.,
V, 1, 7), d’Ilipa (Liv., XXXV, 1, 12), du trésor de Persée (Plut., Aem., 28, 10).
151 Texte 3.
152 App., Mith., 115.
153 Cic., fam., II, 17, 4. Mais on ne sait si cette situation est la règle ou s’il s’agit d’un cas parti-
culier, et on discute sur la fonction de ces praefecti : préfets militaires, ou préfets des
ouvriers ?
154 Ceux de Diaïos et de ses partisans à la fin de la guerre d’Achaïe (Polyb., XXXIX, 4, 1–3).
56 Marianne Coudry
les présents envoyés au général par des souverains amis 156 , pour les biens légués à
Rome 157 .
Les exemples que nous connaissons de cette gestion sur place des profits de
guerre autres que le butin présentent un intérêt pour notre propos : les textes qui
les évoquent livrent parfois d’intéressantes expressions, en particulier celle de lit-
terae publicae ou tabulae publicae pour désigner les comptes des questeurs. On
pourrait penser que tout document produit par un magistrat dans l’exercice de ses
fonctions est nécessairement un document “public”. En réalité, il n’en va pas tou-
jours ainsi, et l’étude des sénatus-consultes, par exemple, montre que la frontière
entre document public et document privé n’est pas aussi nette qu’on l’imagine, et
que c’est le dépôt du document dans les archives de la cité, à l’aerarium, qui lui
confère sa nature de document public 158 . Or telle est bien la destinée de ces
comptes, comme on va le voir à l’instant. Mais le fait qu’ils soient qualifiés de
documents publics avant même ce dépôt me paraît avoir une autre signification : il
exprime le caractère public de tous les profits de guerre que le général confie à
son questeur – on retrouve la notion juridique mise en évidence plus haut à propos
des procès de péculat. Les comptes que tiennent les questeurs militaires sont con-
sidérés comme ceux du peuple, de la communauté civique. À ce titre, ils jouent le
rôle de relais entre le champ de bataille et Rome.
De même que le traitement matériel du butin comporte deux étapes, l’une sur le
champ de bataille, l’autre à Rome, de même les opérations d’écriture se décom-
posent en deux phases successives : à la confection des comptes réalisée au mo-
ment de la mainmise sur le butin succède la transcription de ces comptes sur les
registres des questeurs urbains, à Rome. On a donc là l’élaboration d’un second
ensemble de documents, qui concernent les deux catégories de comptes dressés
sur place, ceux du général et ceux du questeur militaire.
C’est sur les premiers, ceux du général, que nous sommes le mieux ren-
seignés, contrairement à ce que nous avons constaté pour l’étape précédente, et
c’est essentiellement chez Cicéron que figurent ces précisions. D’abord dans le
passage des Verrines cité plus haut, où l’exemple de la rigueur de Servilius Vatia
dans la tenue des comptes sert à stigmatiser la désinvolture de Verrès : ce butin
pris en Cilicie et exhibé dans le triomphe, « il a pris soin d’en faire transcrire le
détail à l’aerarium dans les registres publics (in tabula publica ad aerarium per-
scribenda curauit) » ; et Cicéron demande qu’il soit donné lecture de ces comptes
155 Celles que Sylla avait imposées aux cités d’Asie (Plut., Luc., 4, 1), celle que Pompée exige
de Tigrane (Vell., II, 37, 5).
156 Ceux que Scipion Émilien, qui assiégeait Numance, reçoit d’Antiochos VII (Liv., per., LVII,
8).
157 Outre le cas de Ptolémée de Chypre évoqué plus haut, celui de Ptolémée Apion en 75 ou 74
(Sall., hist. (fr.), II, 43 MAURENBRECHER).
158 Cf. COUDRY 1994.
Partage et gestion du butin 57
transcrits (rationes relatae) : « Constatez par les documents publics (ex litteris
publicis) quelle attention y a portée ce grand personnage » 159 . Le passage du dis-
cours contre Pison également cité plus haut apporte quelques précisions complé-
mentaires : pour faire rire de la qualité formelle des comptes de son adversaire,
Cicéron ajoute : « Ils sont rédigés avec tant de science et de culture que le scribe
de l’aerarium qui les a recopiés, quand il a eu fini la transcription, a murmuré
pour lui-même en se grattant la tête de la main gauche : “Le compte, par Hercule,
est bien clair, mais l’argent, lui, il a filé” » 160 . Ce n’est pas tant parce qu’il nous
fait voir concrètement l’opération de transcription des comptes dans les registres
questoriens – sans nous permettre d’établir formellement qu’il s’agissait de
registres spécifiques, bien que ce soit vraisemblable 161 – que ce texte est intéres-
sant, mais aussi parce qu’il permet de saisir le lien entre l’enregistrement des
comptes du butin et le dépôt de celui-ci au trésor. La formule plaisante prêtée au
scribe, « l’argent, lui, il a filé », qui est une citation empruntée à Plaute 162 , fait
écho aux propos que Pison, qui ne demandait pas le triomphe, est censé avoir
tenus à César : « Je ne me soucie pas des brancards du triomphe, l’argent reste
chez moi et y restera » 163 . Ce texte semble signifier que dépôt du butin et enregis-
trement des comptes ne sont pas nécessairement simultanés, ce qui ressort aussi
de la disposition de la rogatio Servilia que Cicéron évoque à deux reprises et qui
concerne la déclaration et la remise aux membres de la commission agraire des
sommes tirées du butin, des manubiae et de l’or coronaire « qui n’auraient pas été
déposées au trésor » 164 . Les généraux semblent donc avoir disposé d’une certaine
latitude dans le dépôt au trésor du produit du butin – ou se l’être accordée – sans
que des pressions soient exercées sur eux. En revanche, il en va autrement pour
les comptes : à propos de ceux de Verrès, Cicéron indique « les comptes de sa
préture, qu’il devait, en vertu d’un sénatus-consulte (ex senatus consulto),
remettre immédiatement, il ne les a pas encore remis aujourd’hui » 165 . L’expres-
sion ex senatus consulto ne permet malheureusement pas de savoir s’il s’agit
d’une disposition générale, applicable à tous les magistrats et promagistrats
revenant à Rome à l’expiration de leur commandement provincial, ou d’une
mesure s’appliquant au seul Verrès. L’occurrence de cette même formule dans un
autre passage des Verrines relatif à la transcription des comptes des questeurs
provinciaux, et citant les registres des questeurs de l’aerarium, fait pencher plutôt
159 Texte 1.
160 Texte 2.
161 Les questeurs conservaient à l’aerarium des archives diverses, pour lesquelles on n’est pas
toujours certain qu’ils aient constitué des registres séparés : c’est assuré pour les sénatus-
consultes, mais pas pour les ambassadeurs étrangers auxquels ils versaient un défraiement,
par exemple.
162 Plaut., Trin., 416.
163 Nummus interea, mi Caesar, neglectis ferculis triumphalibus, domi manet et manebit (texte 2).
164 Cic., leg. agr., I, 12 et II, 59.
165 Texte 3.
58 Marianne Coudry
pour la première interprétation 166 . Et ce serait conforme à ce que l’on sait des
règles concernant cet enregistrement des comptes du général.
En effet, dans la lettre qu’il adresse à son questeur L. Mescinius Rufus à la fin
de son proconsulat, Cicéron évoque « l’ancien droit et la coutume ancestrale »
concernant le dépôt des comptes (rationum referendae ius vetus et mos antiquus),
et la « vieille pratique (consuetudo pristina) » consistant à les mettre au point « en
arrivant à Rome (ad urbem) », pour les opposer aux dispositions de la loi de Cé-
sar 167 . Aucun exemple de cette ancienne pratique n’est connu, en sorte que nous
ne pouvons savoir à quand elle remonte. Le seul indice de son ancienneté se ren-
contre encore une fois à propos du procès des Scipions, dans le texte d’Aulu-Gelle
qui montre l’Africain apportant au sénat le livre qui contenait les comptes « de
tout l’argent et de tout le butin » et disant « qu’il avait eu l’intention d’en donner
publiquement lecture et de le déposer à l’aerarium », avant de le déchirer théâtra-
lement devant les sénateurs 168 . Mais il est difficile de savoir si c’était pour respec-
ter l’usage que Scipion envisageait le dépôt de ses comptes, ou pour répondre aux
accusations dont il faisait l’objet. Quant au terme de ius employé par Cicéron, il
laisse penser qu’à un certain moment l’usage a été codifié. Sous quelle forme ?
Comme la loi de César qu’il cite est la lex Iulia repetundarum, on a pensé à celles
qui l’ont précédée, notamment la lex repetundarum épigraphique, probablement
gracchienne, parce qu’il y est question de documents pouvant servir de pièces à
conviction et nommés tabulae, libri, et litterae publicae 169 . Mais ces termes re-
couvrent des documents si divers qu’il est hasardeux d’y inclure les comptes des
généraux.
En revanche la loi que César fit voter en 59, et dont on connaît relativement
bien les dispositions 170 , comporte des prescriptions très précises en matière d’en-
registrement des comptes dressés par les généraux. Cicéron les indique dans la
lettre mentionnée ci-dessus : « Ce que j’aurais fait en arrivant à Rome, si l’usage
ancien était demeuré, je l’ai fait dans ma province, puisque la loi Iulia imposait de
laisser les comptes dans la province et d’en déposer à l’aerarium une copie mot
pour mot conforme ». Et, plus loin : « J’ai fait du moins ce que la loi exigeait, dé-
poser dans deux cités, Laodicée et Apamée, qui me paraissaient les plus indi-
quées, puisque c’était une nécessité, les comptes arrêtés et rassemblés (rationes
confectas conlatas) » 171 . Dans une autre lettre, antérieure de quelques mois et
166 Cic., 2 Verr., I, 37. C’est un extrait des comptes de la questure de Verrès dont Cicéron fait
donner lecture : Recita denuo. P. Lentulo L. Triario quaestoribus urbanis res rationum rela-
tarum. Recita. Ex senatus consulto.
167 Cic., fam., V, 20, 1–2.
168 Gell., IV, 18, 9–10 : Prolato e sinu togae libro, rationes in eo scriptas esse dixit omnis pecu-
niae omnisque praedae illatum ut palam recitaretur et ad aerarium deferretur.
169 Roman Statutes, 1, l. 34. Cf. FALLU 1973, p. 211.
170 Cf. VENTURINI 1979, p. 471–477.
171 Quod igitur fecissem ad urbem, si consuetudo pristina maneret, id, quoniam lege Iulia relin-
quere rationes in prouincia necesse erat easdemque totidem uerbis referre ad aerarium, feci
in prouincia… Illud quidem certe factum est quod lex iubebat, ut apud duas ciuitates, Lao-
dicensem et Apamensem, quae nobis maxime uidebantur, quoniam ita necesse erat, rationes
confectas conlatas deponeremus (fam., V, 20, 2). Un passage du Contre Pison permet de
Partage et gestion du butin 59
connaître certaines des rubriques selon lesquelles ces comptes étaient organisés : or coro-
naire, navires (sous-entendu réquisitionnés), butin, blé réquisitionné et imposé (Pis., 90).
172 Cic., fam., II, 17, 2 et 4 : Rationes mei quaestoris… nec tum erant confectae ; eas nos
Apameae deponere cogitabamus.
173 Cic., Caecil. divin., 28 : Quod iisdem litteris illius praetura et tua quaestura consignata sit,
reportare te velle ex Sicilia litteras suspicantur.
174 Texte 3.
175 Confusion opérée par FALLU 1973, p. 209. WILLEMS 1878–1885, 2, p. 457–463, en revanche,
distingue nettement les deux choses.
60 Marianne Coudry
Reste la question de la relation entre ces documents officiels, ces tabulae publicae
ou litterae publicae, et les indications relatives à la gestion et au partage du butin
qui figurent dans les textes historiographiques. Plusieurs éléments indiquent que
cette relation existe. D’abord le caractère répétitif des formules employées par les
auteurs à propos du traitement du butin sur le champ de bataille – praeda ingens,
praeda militi ou militibus concessa, ou data, captiuis uenumdatis –, à propos du
butin rapporté à Rome – tulit ou intulit in aerarium –, de son exhibition dans la
procession triomphale – tulit prae se ou transtulit –, des distributions aux soldats
– militibus diuisit. Ensuite le classement des prises par catégories, avec l’indica-
tion des quantités, que ce soit sur le champ de bataille – par exemple à propos de
la prise de Carthagène par Scipion – ou au moment du triomphe, avec ces notices
qui suivent un ordre d’exposition quasiment inchangé de l’une à l’autre. Enfin
l’abondance et la précision des indications chiffrées.
Pourtant, il est évident que les auteurs ne tirent pas leurs informations directe-
ment des documents publics : en témoignent les divergences qui apparaissent par-
fois entre eux sur les montants qu’ils indiquent179 . Deux exemples en témoignent :
les prises effectuées à Carthagène, pour lesquelles Tite-Live fait état des indica-
tions discordantes qu’il a trouvées dans deux voire trois de ses sources 180 , et le
montant du butin rapporté par Paul-Émile, pour lequel trois auteurs citent trois
176 Fest., p. 340 L. : R duobus in compluribus orationibus, cum de actis disserti cuius etiam,
perscribi solet, id est rationum relatarum, quod his tabulis docentur iudices quae publica
data acceptaque sint.
177 Plut., Ti. Gracch., 6, 2 : ὡς μὴ παράσχοι τοῖς ἐχθροῖς διαβολήν, οὐκ ἔχων ἀπολογίσασθαι
περὶ τῶν ᾠκονομημένων.
178 FALLU 1973, p. 215 montre très bien comment le plan général des Verrines suit l’ordo des
comptes déposés à l’aerarium, et fait la même remarque à propos du discours contre Pison.
179 Ces divergences ont été remarquées depuis longtemps : cf. en dernier lieu BEARD 2007,
p. 39–40 et 171–173.
180 Liv., XXVI, 49, 1–6.
Partage et gestion du butin 61
chiffres différents 181 . L’une des raisons de ces divergences est que ces chiffres ont
été “travaillés”, afin manifestement de les rendre intelligibles pour le lecteur.
Plusieurs indices l’attestent : à propos du triomphe de Flamininus en 194, Tite-
Live donne une équivalence en deniers pour les tétradrachmes attiques 182 ; à pro-
pos de celui de Paul-Émile, il remarque une discordance entre le montant total
donné par Valerius Antias et le résultat auquel il parvient lui-même par addition
des valeurs des différentes catégories d’objets 183 ; à propos de celui d’Anicius
Gallus il indique ne pas comprendre comment Antias a procédé pour parvenir au
total 184 . Ces exemples montrent que ces manipulations sur les chiffres ne sont pas
dues à Tite-Live, mais sont le fait d’annalistes chez lesquels il a puisé son infor-
mation. Principalement Valerius Antias, qui semble convertir systématiquement
en sesterces les valeurs qu’il trouve 185 , sans doute aussi Sempronius Tuditanus,
que Tite-Live ne cite pas quand il convertit les tétradrachmes en deniers, mais
chez qui il a sans doute trouvé les chiffres 186 . Le “naufrage” de l’annalistique pré-
livienne interdit d’aller plus loin : s’il est clair qu’entre les documents de départ –
les comptes publics – et le texte livien une filiation existe, il est impossible de re-
construire les maillons de la chaîne. Il se pourrait bien d’ailleurs que l’origine de
ces formules et de ces chiffres, si nombreux dans les textes historiographiques
quand il s’agit de butin, ne soit pas à chercher dans les comptes publics, mais dans
ceux que constituaient les généraux pendant leurs campagnes, et auxquels ils don-
naient eux-mêmes une publicité. On a évoqué plus haut les acta triumphorum ,
ces bilans chiffrés de leurs victoires que les triomphateurs rédigeaient et présen-
taient dans la pompa 187 . Sans doute faut-il supposer, pour ceux qui n’obtenaient
pas le droit de triompher, d’autres moyens d’informer, comme les contiones.
Reste la question de l’importance que l’annalistique accorde à ces données : si
les annalistes les ont citées, s’ils les ont transformées pour rendre leurs lecteurs
plus sensibles à leur portée, que signifie ce souci de précision ? Sans aucun doute
une adhésion au système politique républicain et à ses modes d’expression de
l’idéologie de la victoire, où la mainmise sur les biens des vaincus est conçue
comme le résultat naturel et digne de célébration du succès à la guerre, et où le
181 Liv., XLV, 40, 1 ; Vell., I, 9, 6 ; Plin., nat. hist., XXXIII, 56.
182 Liv., XXXIV, 52, 6.
183 Liv., XLV, 40, 1. On explique certains écarts entre les chiffres donnés par des auteurs dif-
férents par des erreurs de conversion, notamment des talents en unités de compte romaines :
c’est le cas en particulier pour le butin de Paul-Émile et pour l’indemnité de guerre exigée de
Philippe V.
184 Liv., XLV, 43, 8.
185 ZEHNACKER 2005 a montré ainsi que, dans le texte de Tite-Live (XLV, 4, 1), le butin rap-
porté d’Espagne par Claudius Marcellus en 168 était évalué en sesterces pour l’argent, mais
en poids pour l’or, et que cette bizarrerie s’expliquait certainement par l’habitude d’Antias
(que Tite-Live ne cite pas, mais qu’il a dû utiliser comme il le fait souvent) d’opérer la con-
version des poids en valeurs monétaires – ce qu’il a fait pour l’argent –, mais que, du fait que
l’or n’était pas frappé à Rome à cette époque, il ne pouvait donner un équivalent monétaire
du poids d’or.
186 C’est Plutarque (Flam., 14, 2) qui le cite comme sa source pour les chiffres du butin de
Flamininus, et ceux-ci sont les mêmes chez Tite-Live.
187 Cf. notes 41–42 et 137.
62 Marianne Coudry
général, les soldats et le peuple sont considérés comme ses bénéficiaires légitimes.
On lit souvent que cette valorisation par les Romains de leur capacité à s’appro-
prier les possessions des vaincus est un révélateur du caractère éminemment pré-
dateur de Rome. Mais ce type d’analyse néglige l’importance que les prises de
guerre revêtent dans l’univers politique intérieur de la République : la compétition
aristocratique qui l’anime repose sur la publicité qui leur est donnée, parce que
c’est le peuple qui arbitre cette compétition. Les monarchies hellénistiques, l’Em-
pire romain n’ont pas été moins prédateurs que la République romaine – l’ampleur
des transferts de richesses entre le royaume perse et le monde grec qu’a provoqués
la conquête d’Alexandre est un fait de mieux en mieux connu. Simplement les
structures politiques de ces états sont radicalement différentes, et la glorification
de la conquête et de ses bénéfices matériels passe par d’autres canaux de commu-
nication politique.
TEXTES COMPLEMENTAIRES
P. Seruilius quae signa atque ornamenta ex urbe hostium ui et uirtute capta belli lege atque
imperatorio iure sustulit, ea populo Romano apportauit, per triumphum uexit, in tabula publica ad
aerarium perscribenda curauit. Cognoscite ex litteris publicis hominis amplissimi diligentiam.
Recita. RATIONES RELATAE P. SERVILI. Non solum numerum signorum, sed etiam unius-
cuiusque magnitudinem, figuram, statum litteris definiri uides… Multo diligentius habere dico
Seruilium praedam populi Romani quam te tua furta notata atque perscripta.
Nummus interea, mi Caesar, neglectis ferculis triumphalibus, domi manet et manebit. Rationes ad
aerarium rettuli continuo, sicut tua lex iubebat, neque alia ulla in re legi tuae parui. Quas rationes
si cognoris, intelleges nemini plus quam mihi litteras profuisse. Ita enim sunt perscriptae scite et
litterate ut scriba ad aerarium qui eas rettulit, perscriptis rationibus, secum ipse caput sinistra
manu perfricans commurmuratus sit : “Ratio quidem Hercle apparet, argentum οἴχεται”.
Solus est hic qui numquam rationes ad aerarium referat. Audistis quaestoriam rationem, tribus
uersiculis relatam ; legationis, non sine condemnato et eiecto eo qui posset reprehendere ; nunc
denique praeturae, quam ex senatus consulto statim referre debuit, usque ad hoc tempus non
rettulit. Quaestorem se in senatu exspectare dixit, proinde quasi non, ut quaestor sine praetore
possit rationem referre, – ut tu, Hortensi, ut omnes – eodem modo sine quaestore praetor. Dixit
idem Dolabellam impetrasse.
Partage et gestion du butin 63
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Partage et gestion du butin 65
TABLEAUX RECAPITULATIFS
Pour éviter de surcharger le tableau, on n’y a pas reporté le détail des chiffres indiqués dans les
sources ; on a seulement précisé, quand c’est le cas, qu’il y figurait.