Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
Options de traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
Approche de la sculpture occlusale
directe, dite de Nimègue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
Documentation scientifique majeure . . . . . . . . . . . 157
Références bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . 158
Introduction
L'usure dentaire est une préoccupation en dentisterie et l'établissement du diagnostic
est souvent difficile en raison du caractère multifactoriel de l'étiologie. Les principales
causes de l'usure dentaire (perte de surface dentaire) sont une combinaison d'érosion
(plus courante parmi les jeunes populations) et d'attrition (bruxisme, observé le plus
souvent chez les populations plus âgées). Pendant les stades les plus précoces, l'érosion
dentaire peut être prévenue en réduisant la consommation de boissons acides, et l'attri-
tion en prescrivant des gouttières occlusales pour empêcher le bruxisme. Quand l'usure
dentaire est plus sévère à tel point que la perte de substance dentaire est extensive, un
traitement de dentisterie restauratrice est requis et les praticiens de médecine buc-
co-dentaire peuvent appréhender le traitement de ces patients. Dans certaines situa-
tions, une réhabilitation complète, comprenant l'augmentation de la dimension verticale
d'occlusion et la réorganisation de l'occlusion, devra être exécutée. Dans ce chapitre, un
protocole de reconstruction opératoire directe, fondé sur la mutilation minimale et pré-
servant le plus possible l'intégrité des tissus, tout en n'étant pas onéreux et en offrant
une bonne prévisibilité ainsi qu'une longévité suffisante, est décrit et discuté.
Options de traitement
À chaque fois qu'un patient consulte le dentiste, soit parce qu'il souffre d'une usure des
dents sévère, soit parce qu'il est adressé vers une consultation spécialisée, l'anamnèse
globale doit être réalisée pour élucider les besoins de traitement du patient, ses espoirs
et ses attentes par rapport aux soins requis pour résoudre son problème. Est-ce que le
patient ressent l'usure dentaire comme un problème ou bien est-il seulement adressé
chez ce dentiste par un confrère préoccupé par l'état de la denture du patient ? Les pro-
blèmes fonctionnels à l'origine de la souffrance du patient atteint d'usure dentaire sévère
comprennent la sensibilité dentaire, des troubles masticatoires et/ou esthétiques. Dans
des situations où le patient ne demande pas de traitement immédiat, un besoin de trai-
tement restaurateur doit être évoqué, spécialement si le dentiste sent que retarder un
traitement ne se traduira pas à l'avenir par un plan de traitement restaurateur plus
extensif ou plus compliqué. Dans ce cas, il est raisonnable de surveiller et de réévaluer
la situation, avec des modèles d'études et des photographies intrabuccales pour appré-
cier toute progression active continue aussi bien que pour s'orienter vers des soins de
prévention non opératoires pour éradiquer tous les facteurs étiologiques. Plusieurs
indices, par exemple l'examen approfondi de l'usure par érosion (EAUE pour BEWE [basic
erosive wear examination] ou l'indice d'usure dentaire (IUD pour TWI [tooth wear index]),
existent pour aider les dentistes au diagnostic. Au moyen de l'indice EAUE, la surface la
plus sévèrement atteinte de chaque sextant est enregistrée sur une échelle à quatre
niveaux de résultat et le résultat cumulé est classifié et apparié aux niveaux de risque
pour guider le traitement de la situation [1]. Ce système de cotation est simple mais son
désavantage principal réside dans le fait qu'il est conçu uniquement pour l'usure par
érosion. Par ailleurs, cet indice ne pourrait être suffisant à des fins de contrôle parce
que, bien souvent, l'origine de l'usure dentaire est multifactorielle. L'indice d'usure den-
148
Chapitre 6
R e s ta u r at i o n s e s t h é t i q u e s p o s t é r i e u r e s d i r e c t e s
taire de Smith et Knight est encore plus généraliste [2]. Il existe plusieurs autres indices ;
malheureusement, aucun d'entre eux n'a reçu d'approbation internationale en tant que
norme d'or méthodologique pour mesurer et suivre l'évolution de l'usure dentaire. De
plus, les patients souffrant d'usure dentaire sévère sont souvent classifiés dans les caté-
gories les plus élevées par ces indices. Cela rend les indices peu fiables pour suivre et
décider du meilleur moment pour intervenir. À cet égard, une étude séquentielle des
empreintes dentaires est la méthode la plus simple utilisée pour comparer les différents
stades d'usure avec le temps. La progression de l'usure dentaire et les attentes du patient
sont des facteurs importants pour décider du moment opportun pour commencer le
travail de dentisterie restauratrice. Les désavantages possibles des options restauratrices
et de la longévité limitée des traitements restaurateurs mutilants devraient être expli-
qués clairement au patient. Pendant le processus de consentement éclairé bien docu-
menté, une réflexion mutuelle peut décider s'il faut débuter l'intervention restauratrice
ou s'il faut poursuivre la surveillance de l'usure.
Quand la décision de commencer le traitement restaurateur est prise, plusieurs
options doivent être étudiées. Un panorama complet de ces options est proposé, mais
il convient de souligner qu'à ce jour, il n'existe pas de technique réellement éprouvée
scientifiquement ou appuyée par des études/essais cliniques de haute qualité inté-
ressant de grandes populations.
Options indirectes
La notion de traitement indirect implique des restaurations confectionnées hors de la
bouche du patient et assemblées avec la dent en bouche par l'intermédiaire d'un ciment.
Les restaurations comprennent les couronnes, les ponts prothétiques ou bridges, les
facettes porcelaine/plastique et les restaurations indirectes en résines composites. Le
technicien de laboratoire élabore la morphologie des restaurations (et non le dentiste).
À partir de certains cas rapportés, il existe un nombre considérable de variations au
sein des matériaux de restauration utilisés qui comprennent la céramique, les cou-
ronnes en or et les couronnes céramo-métalliques [3–5]. Les désavantages de cette
approche indirecte comprennent la nature relativement onéreuse et mutilante des
soins et le risque augmenté d'échecs catastrophiques à moyen et à long terme [6, 7].
Les restaurations indirectes en résine composite sont aussi une possibilité de traiter
des patients atteints d'usure dentaire sévère. À ce sujet, la documentation scienti-
fique renseigne sur de bons résultats de traitement [8], mais aussi de moins bons
[9]. Les avantages des restaurations indirectes en résine composite par comparaison
avec les couronnes pour traiter l'usure dentaire sévère comprennent une suscepti-
bilité réduite à la fracture et une réduction du coût financier initial.
Options directes
Les restaurations directes en résine composite peuvent être utilisées pour traiter des
patients atteints d'usure dentaire sévère. La résine composite est un matériau de restau-
ration qui a démontré scientifiquement ses capacités à donner de bons résultats à long
149
Approche de la sculpture occlusale directe, dite de Nimègue
terme [10–14] ; cependant, aucune des références citées ne décrit le traitement de patients
présentant des usures dentaires sévères. Des résultats cliniques prometteurs, chez ces
patients, ont été décrits dans plusieurs cas rapportés [15–19]. Toutefois, dans un essai
clinique randomisé, en 2006, des auteurs ont conclu que l'utilisation des composites
pour restaurer des dents postérieures usées devait être contre-indiquée, étant donné le
taux élevé de fractures trois ans après le traitement [9]. En revanche, des résultats cli-
niques prometteurs ont été relevés dans des séries de cas de reconstructions de la dimen-
sion verticale postérieure non mutilantes avec la résine composite [20, 21]. Une étude
conduite en 2011, sur un laps de temps moyen de quatre années, a montré un très faible
taux d'échec et un haut degré de satisfaction de la part des patients [7]. Dans cette étude,
les patients ont été traités selon la méthode décrite plus loin dans ce chapitre.
Le traitement des patients atteints d'usure dentaire sévère exige des dentistes beaucoup de
technique. Le succès du traitement est hautement dépendant de l'habileté clinique du pra-
ticien et de ses capacités pour apprécier les aspects biologiques et mécaniques d'un cas
singulier. Le modelage de l'anatomie des dents directement en bouche peut être difficile et
peut prendre beaucoup de temps. Jusqu'à maintenant, aucun protocole de traitement for-
mel de restauration des dents sévèrement usées et d'augmentation de la dimension verticale
d'occlusion postérieure n'a été décrit dans la documentation scientifique. Les cas rapportés
précédemment publiés ne donnent pas d'autres informations que celles de l'ajustement des
dents en occlusion [22]. Une méthode, dont une technique semi-directive, envisage la res-
tauration de l'anatomie dentaire au moyen d'un modèle préfabriqué [20, 21].
Fig. 6.1 Vue antérieure faciale (dents en position d'occlusion Fig. 6.2 Vues occlusales du maxillaire montrant des dents sévèrement
d'intercuspidation maximale [OIM]) chez un patient atteint d'usure usées avec de nombreuses zones de dentine exposée.
dentaire sévère.
Fig. 6.3 Vues occlusales de la mandibule montrant une usure dentaire sévère. La première molaire
mandibulaire gauche a perdu la totalité de l'émail occlusal.
151
Approche de la sculpture occlusale directe, dite de Nimègue
Fig. 6.5 Des maquettes de résine composite non collées sont placées sur
les dents de 13 à 23.
Fig. 6.4 Le problème esthétique se pose parce que les dents antérieures
sont remarquablement raccourcies et irrégulières, donnant une
apparence insupportable pour le patient.
Fig. 6.6 Le patient peut évaluer l'apparence esthétique de ces maquettes in situ directement.
Le praticien soumet à son patient un plan de traitement centré sur son problème et il
s'applique à lui expliquer les causes de son usure dentaire et comment les traiter, aussi
bien que le coût éventuel du traitement de restauration. Après avoir obtenu le consen-
tement éclairé bien documenté, des maquettes en résine composite non collées sont
appliquées directement sur les dents maxillaires antérieures de 13 à 23 et sont exa-
minées avec le patient pour établir l'apparence esthétique souhaitée (fig. 6.4 à 6.6).
Après avoir procédé à une évaluation clinique globale de la sévérité de l'usure den-
taire et suite aux discussions sur les résultats attendus et réalistes du traitement et
les préoccupations potentielles, le consentement éclairé est obtenu et la détermina-
tion de l'augmentation de la dimension verticale d'occlusion (DVO) commence par
le montage des modèles d'étude maxillaire et mandibulaire en position d'intercuspi-
152
Chapitre 6
R e s ta u r at i o n s e s t h é t i q u e s p o s t é r i e u r e s d i r e c t e s
Fig. 6.7 Après avoir fixé les matrices et les coins, la résine composite Fig. 6.8 Les dents antagonistes sont séparées avec une fine couche
est appliquée. de vaseline.
Fig. 6.9 Le patient occlut sur la résine avant la prise et la dimension Fig. 6.10 La photo-polymérisation initiale de la résine composite
verticale est guidée par les dents antérieures restaurées. est réalisée en occlusion.
Fig. 6.11 Vue antérieure de la restauration finale de la denture. Fig. 6.12 Résultat final des dents maxillaires après le traitement SOD
fondé sur la mutilation minimale.
155
Approche de la sculpture occlusale directe, dite de Nimègue
L'ordre du traitement n'est pas figé et peut être adapté selon l'état du patient. Dans
certains cas, les dents mandibulaires antérieures peuvent ne pas présenter d'usure
sévère. Ces dents ne sont donc pas restaurées et le traitement débute par la restau-
ration des dents maxillaires antérieures. Les avantages et les désavantages de la
technique SOD sont énoncés dans l'encadré 6.1.
Avantages
• Mise en forme occlusale simple et prévisible.
• En général, le guidage canin latéral est naturel,
compte tenu de l'anatomie et du caractère
engrenant de l'occlusion des dents.
• La possibilité d'obtenir une épaisseur maximum
de résine composite a pour résultat l'augmenta-
tion de résistance de la restauration finale.
• Étant donné cette technique mutilante a
minima, les dommages biologiques sont très
faibles.
• La technique MFDO entre dans les attributions
des techniques de la pratique quotidienne des
praticiens de médecine bucco-dentaire géné-
rale. La méthode par laquelle le traitement des
dents est séquentiel avec l'utilisation de matrice
et de coins pour les séparer est similaire aux
ENCADRÉ 6.1 techniques normalement empruntées pour res-
AVANTAGES taurer les dents avec des résines composites
ET DÉSAVANTAGES conventionnelles. La finition et le polissage sont
DE LA TECHNIQUE SOD aussi relativement aisés quand les matrices et
les coins sont correctement placés.
Désavantages
• Étant donné que la morphologie occlusale doit
être modelée directement en bouche, cette
méthode, comparée à la technique indirecte,
prend plus de temps et est plus exigeante pour
l'opérateur.
• En empruntant la technique MFDO, l'isolation
du champ avec la digue de caoutchouc est
impossible. Elle empêcherait les mouvements
d'occlusion et l'utilisation de clefs d'occlusion en
silicone pour mesurer l'augmentation de la
dimension verticale silicones créée au cours de
la restauration. Ainsi, il est nécessaire de prendre
soin d'expulser autant d'humidité intra-orale
que possible en utilisant des rouleaux de coton,
des tampons de cellulose absorbante et l'aspira-
tion rigoureuse.
156
Chapitre 6
R e s ta u r at i o n s e s t h é t i q u e s p o s t é r i e u r e s d i r e c t e s
Preuve
La technique SOD est pratiquée depuis plusieurs années au Département de dentis-
terie du centre médical de l'université Radboud de Nimègue et les résultats sont
prometteurs [7] ; cependant, cet article de Hamburger et al. ne décrit pas implicite-
ment la technique SOD, celle-ci a néanmoins bien été utilisée dans tous les cas
rapportés. Pour ces raisons, il peut être conclu que cette technique pas-à-pas bien
contrôlée est une approche fiable de la restauration dentaire directe des patients
dont la denture présente des usures sévères.
157
Ré f é re nces b i b liogr aphiques
Références bibliographiques
[1] Bartlett D, Ganss C, Lussi A. Basic erosive wear examination (BEWE) : a new scoring system for
scientific and clinical needs. Clin Oral Investig 2008 ; 12(Suppl. 1) : S65–8.
[2] Smith BG, Knight JK. An index for measuring the wear of teeth. Br Dent J 1984 ; 156(12) :
435–8.
[3] Dahl BL. The face height in adult dentate humans. A discussion of physiological and prostho-
dontic principles illustrated through a case report. J Oral Rehabil 1995 ; 22(8) : 565–9.
[4] Fradeani M, Bottachiari RS, Tracey T, et al. The restoration of functional occlusion and esthetics.
Int J Periodontics Restorative Dent 1992 ; 12(1) : 63–71.
[5] Stewart B. Restoration of the severely worn dentition using a systematized approach for a pre-
dictable prognosis. Int J Periodontics Restorative Dent 1998 ; 18(1) : 46–57.
[6] Groten M. Complex all-ceramic rehabilitation of a young patient with a severely compromised
dentition : a case report. Quintessence Int 2009 ; 40(1) : 19–27.
[7] Hamburger JT, Opdam NJ, Bronkhorst EM, et al. Clinical performance of direct composite resto-
rations for treatment of severe tooth wear. J Adhes Dent 2011 ; 13(6) : 585–93.
[8] Magne P, Stanley K, Schlichting LH. Modeling of ultrathin occlusal veneers. Dent Mater 2012 ;
28(7) : 777–82.
[9] Bartlett D, Sundaram G. An up to 3-year randomized clinical study comparing indirect and
direct resin composites used to restore worn posterior teeth. Int J Prosthodont 2006 ; 19(6) :
613–7.
[11] Da Rosa Rodolpho PA, Donassollo TA, Cenci MS, et al. 22-year clinical evaluation of the perfor-
mance of two posterior composites with different filler characteristics. Dent Mater 2011 ;
27(10) : 955–63.
[12] Nikaido T, Takada T, Kitasako Y, et al. Retrospective study of the 10-year clinical performance
of direct resin composite restorations placed with the acid-etch technique. Quintessence Int
2007 ; 38(5) : e240–6.
[14] Van Dijken JW. Durability of resin composite restorations in high C-factor cavities : a 12-year
follow-up. J Dent 2010 ; 38(6) : 469–74.
[15] Belvedere PC. Full-mouth reconstruction of bulim ravaged teeth using direct composites : a case
presentation. Dent Today 2009 ; 28(1) : 126. 128, 130–1.
[16] Bernardo JK, Maia EA, Cardoso AC, et al. Diagnosis and management of maxillary incisors
affected by incisal wear : an interdisciplinary case report. J Esthet Restor Dent 2002 ; 14(6) :
331–9.
158
Chapitre 6
R e s ta u r at i o n s e s t h é t i q u e s p o s t é r i e u r e s d i r e c t e s
[17] Reis A, Higashi C, Loguercio AD. Re-anatomization of anterior eroded teeth by stratification with
direct composite resin. J Esthet Restor Dent 2009 ; 21(5) : 304–16.
[18] Stephan AD. Diagnosis and dental treatment of a young adult patient with gastroesophageal
reflux : a case report with 2-year follow-up. Quintessence Int 2002 ; 33(8) : 619–26.
[19] Tepper SA, Schmidlin PR. Technique of direct vertical bite reconstruction with composite and
a splint as template. Schweiz Monatsschr Zahnmed 2005 ; 115(1) : 35–47.
[20] Attin T, Filli T, Imfeld C, et al. Composite vertical bite reconstructions in eroded dentitions after
5.5 years : a case series. J Oral Rehabil 2012 ; 39(1) : 73–9.
[21] Schmidlin PR, Filli T, Imfeld C, et al. Three-year evaluation of posterior vertical bite reconstruc-
tion using direct resin composite – a case series. Oper Dent 2009 ; 34(1) : 102–8.
[22] Reston EG, Corba VD, Broliato G, et al. Minimally invasive intervention in a case of a noncarious
lesion and severe loss of tooth structure. Oper Dent 2012 ; 37(3) : 324–8.
[23] Wilson PHR, Banerjee A. Recording the retruded contact position : a review of clinical tech-
niques. Br Dent J 2004 ; 196 : 395–402.
[24] Opdam NJ, Roeters JJ, de Boer T, et al. Voids and porosities in class I micropreparations filled with
various resin composites. Oper Dent 2003 ; 28(1) : 9–14.
159