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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2012–Bordeaux 4-6 juillet 2012 

CORRELATION D'IMAGES : METHODE ORIGINALE DE TRI


AUTOMATIQUE DES PHOTOGRAPHIES

IMAGE CORRELATION: A NEW METHOD TO SELECT AUTOMATICALLY


SUITABLE PHOTOGRAPHS

Marie-Aurélie CHANUT1, Virginie BARTHELET1, Johan KASPERSKI2


1
CETE de Lyon – Département Laboratoire de Lyon, Bron, France
2
CETU – Bron, France

RÉSUMÉ — L’utilisation de photographies prises face à des mouvements de


versants rocheux peut permettre de détecter des déplacements précurseurs
d’éboulements. Pour permettre l’exploitation automatique des images par des
techniques de corrélation d’images, une méthode de sélection des photographies
sous de bonnes conditions météorologiques a été développée et appliquée.

ABSTRACT — The use of pictures taken face to unstable rocky slopes enables to
detect precursor displacements that occur before the movement. A method able to
select photographs under good weather conditions has been developed and
implemented to allow the automatic analysis of images with image correlation
techniques.

1. Introduction
Actuellement, différentes techniques d'instrumentation (extensométrie, géodésie,
radar sol-sol, GPS) permettent de surveiller et d'étudier la cinématique des
mouvements de versants. Ces techniques éprouvées et opérationnelles nécessitent,
pour la plupart, la mise en place de dispositifs sur le terrain ce qui n’est pas toujours
possible. Le développement de méthodes liées à l'imagerie ouvre la voie à une
analyse alternative dans les zones non instrumentées (Kasperski, 2008). La
corrélation d'images appliquée aux images terrestres peut, en effet, permettre de
détecter des mouvements précurseurs d'éboulements dans ces zones (Delacourt et
al., 2007).
L’objectif final est de construire un procédé automatique pour fournir les taux de
déplacements de zones non instrumentées dont l'éboulement est imminent. A cet
effet, les trois opérations suivantes sont nécessaires :
1. Acquisition : l'acquisition automatique des images sur toute la zone
suspectée de s'ébouler.
2. Tri : la sélection des photographies en fonction de la météorologie. Les
images prises en conditions météorologiques dégradées telles le
brouillard, la pluie, la neige doivent être éliminées sous peine d’effectuer
un traitement aberrant.

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3. Détection de mouvement : la détection des zones en mouvement par les


techniques de corrélation d’images.
Concernant l’acquisition, le procédé d'imagerie de face mis en place à titre
expérimental pour l'étude du mouvement de versant des Ruines de Séchilienne est
opérationnel depuis 2010 (Kasperski, 2011). Il repose sur un appareil
photographique installé dans le local de surveillance de MontFalcon faisant
directement face au versant instable de Séchilienne. La prise de vue est automatique
et paramétrable.
Le troisième point (détection de mouvements) a été validé en sélectionnant
manuellement des images. Pour mémoire, le mouvement de versant de Séchilienne
se décompose en une zone très active (zones des Ruines dont la partie supérieure
se déplace à un taux de l’ordre de 2 m/an) sujette à des éboulements fréquents et le
reste du versant se déplaçant plus lentement (vitesse comprise entre 10 et 40 cm/an)
(Kasperski et al., 2010). Les déplacements de la zone frontale déterminés par
corrélation d'images ont été comparés à ceux mesurés par les moyens de
surveillance notamment le radar ULB sur sol nu (Potherat, 2010). Les directions et
les valeurs ainsi obtenues (1,5 m à 2 m/an) sont du même ordre de grandeur que les
mesures radar et ont permis de valider l'utilisation de la méthode de corrélation
d'images (Chanut et al., 2011).
Cet article s’intéresse au deuxième point (tri) car la sélection des photographies est
impérative pour éliminer les image prises sous de mauvaises conditions
météorologiques. La sélection automatique des images est nécessaire car si le tri est
effectué à la main, le traitement complet des images ne peut pas être réalisé en
temps réel.
La méthode de tri « météorologique » des photographies, sa validation sur le
dispositif expérimental de Séchilienne puis son intégration dans la chaîne de
traitement des photographies seront présentées successivement.

2. Principe de la méthode de tri des photographies élaborée


Différentes méthodes de traitement d’images existent parmi lesquelles la détection
de contours (Shapiro et Haralick 1987) ou la reconnaissance de forme (Duda et Hart
1973). Ces méthodes ne nous ont pas semblé adaptées à la détection de nuages ou
de brouillard. Nous avons donc été conduits à élaborer une méthode de tri originale
adaptée à nos contraintes.
La méthode développée évalue la qualité de l’image étudiée relativement à une
image de référence. Cette méthode se décompose en trois étapes :
 recadrer les images,
 soustraire l’image étudiée à l’image de référence pour générer l’image
différence,
 étudier l’histogramme de l’image différence pour déterminer les bonnes ou
mauvaises conditions météorologiques de l’image considérée.

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2.1. Recadrage des images

Les zones couvertes de végétation sont moins intéressantes du fait de leur moindre
déplacement. Ces zones sont, de plus, sujettes à des modifications saisonnières
(végétation). Pour ces raisons et pour s'affranchir des changements de surface dus à
ce type d’évolution, les photographies sont modifiées à l'extérieur de la zone des
Ruines. Un pentagone est défini pour délimiter la zone active (Figure 1). A l’extérieur
de ce pentagone, on attribue une couleur (blanche par exemple) aux pixels ce qui
revient à recadrer les photographies (Figure 2). Par la suite, on ne considère plus
que la zone recadrée.

Figure 1 . Image prise par l’appareil Figure 2 . Image recadrée


photo

2.2. Soustraction de l’image étudiée à l’image de référence

Dans un premier temps, l’image de référence est choisie manuellement de façon à


être de bonne qualité c’est à dire avec une bonne illumination et avoir été prise sous
de bonnes conditions météorologiques. Ensuite, pour évaluer la qualité de l’image
étudiée, on procède à la différence des deux images (Figures 3 et 4). On effectue
ainsi la soustraction, pixel par pixel, des valeurs de chaque canal RVB (rouge, vert,
bleu) des deux images et on prend la valeur absolue du résultat.
L’image obtenue (Figure 5) est noire (RVB = 0,0,0) dans les zones où les pixels des
deux images ont des valeurs identiques. Elle est plus claire jusqu’à blanche (RVB =
255,255,255) là où les valeurs radiométriques des deux images comparées sont très
différentes.

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Figure 3 . Image référence Figure 4 . Image étudiée Figure 5 . Image différence

2.3. Étude de l’histogramme de l’image différence

Pour quantifier l’écart entre les deux images, on établit l’histogramme (Figure 6) de
l’image différence ce qui revient à dénombrer le nombre de pixels prenant les valeurs
de 0 à 255 pour les trois canaux R,V et B. Seuls les pixels situés dans le pentagone
sont comptabilisés.

Figure 6 . Histogramme d’une image différence

Deux valeurs seuils sont ensuite définies :


 Sv désigne le niveau d’intensité limite, valeur commune aux trois canaux pour
l’instant. La valeur Sv a été choisie autour de 50 (sur 255) mais cette valeur
peut et doit être adaptée au site photographié.
 Sp indique, pour chaque canal, le pourcentage maximal de pixels avec un
niveau d’intensité supérieur à la valeur Sv pour garantir une image de qualité.
L’ordre de grandeur de Sp est de 10% avec une valeur à préciser en fonction
du site et des images.
La sélection des photos acquises sous de bonnes conditions météorologiques est
ensuite réalisée selon la procédure indiquée dans le tableau 1.

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Tableau 1. Procédure de sélection des photos prises dans de bonnes conditions


météorologiques

SI ALORS
Le % de pixels avec un niveau d’intensité au Image traitée proche de l’image référence
delà de Sv est inférieur à Sp pour les trois bonne qualité
canaux RVB
Le % de pixels avec un niveau d’intensité au Image traitée différente de l’image référence
delà de Sv est supérieur à Sp pour au moins mauvaise qualité
un des canaux RVB

2.4. Remarque sur l’image de référence

Actuellement pour des raisons d’éclairage et de luminosité du ciel, l’image de


référence utilisée pour le tri ne doit pas être antérieure de plus de trois mois aux
images traitées. Sinon, même si l’image traitée est prise sous de bonnes conditions
météorologiques, la différence entre les deux photographies peut être importante en
raison des différences d’éclairage et l’image traitée pourrait être rejetée à tort.

3. Application et validation de la méthode de tri à Séchilienne


3.1. Tests sur le site de Séchilienne

Figure 7 . Classe d’histogramme Figure 8 . Classe d’histogramme


associée à des photos prises sous de associée à des photos prises sous de
bonnes conditions météorologiques mauvaises conditions météorologiques

La méthode de tri a été appliquée sur une centaine d’images du versant instable de
Séchilienne à partir d’une image de référence bien choisie. La valeur Sv a été prise
égale au niveau d’intensité 50 et le seuil Sp de pixels, de niveau d’intensité supérieur
à Sv, a été fixé à 10%. Deux grandes classes d’histogrammes d’images différences
ont été obtenues (Figures 7 et 8).

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3.2. Validation de la méthode

La centaine de photographies a été ainsi classée en deux catégories : bonnes ou


mauvaises conditions météorologiques. La vérification visuelle de la pertinence du
classement a été menée. Aucune erreur n’a été constatée.
Nous en concluons que la méthode de tri automatique proposée reproduit
efficacement ce que l’œil effectue naturellement. En outre, les valeurs choisies pour
les seuils ne sont pas soumises à caution :
 dans le cas de photographies prises sous de bonnes conditions
météorologiques, on est très éloigné des seuils : seulement 2 à 3% des pixels
présentent des niveaux d’intensité supérieurs à la valeur seuil pour chaque
canal.
 dans le cas de photographies prises sous de mauvaises conditions, le nombre
de pixels au-dessus de la valeur limite Sv est très élevé : au moins pour un
canal, 15% à 30 % des pixels de l’image différence présentent des niveaux
d’intensité supérieurs à Sv. Sur la figure 8, c’est le cas des canaux rouge et
vert.

4. Intégration du tri dans la chaîne complète de traitement


Dans ce chapitre, est présentée la chaîne complète de traitement des photographies
au sein de laquelle prend place la sélection « météorologique » des photographies.
L’image de référence choisie (Figure 9) est utilisée, d’une part pour la sélection des
photographies de bonne qualité « météorologique » et d’autre part, pour le calcul des
déplacements par corrélation.
Le tableau 2 illustre le traitement complet des photographies, de la prise des images
à la quantification des déplacements, par la méthode de corrélation d’images.
L’appareil photographique prend des photos à intervalles de temps réguliers. Dès
qu’une nouvelle photographie est acquise, l’algorithme de tri des images permet de
définir si elle a été prise sous de bonnes conditions météorologiques ou non. Dans le
cas positif, il est pertinent d’appliquer les techniques de corrélations d’image entre
cette photographie et la photographie référence (Leprince et al., 2007). Ceci permet
ainsi de quantifier les déplacements s’étant produits entre les deux prises de vues.

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Prises des photographies Tableau 2. Chaîne complète de traitement des photographies

Image du 30/10/2010 (soleil) Image du 23/03/2011 (soleil) Image du 25/10/2010


(brouillard et nuages)
Tri des photos

Bonne qualité : poursuite de Bonne qualité : poursuite de Mauvaise qualité : arrêt


l’analyse avec la méthode de l’analyse avec la méthode de du traitement
corrélation corrélation
Corrélation d’images

Carte des déplacements Carte des déplacements vers


vers le haut le haut
Aucun déplacement observé Grands déplacements
Résultat

détectés

Figure 9 . Image de référence du 02/10/2010

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5. Conclusions et perspectives
La méthode de sélection automatique des photographies proposée est un outil
efficace de discrimination des images quelles que soient les perturbations
météorologiques. Elle permet par comparaison avec une photographie de référence
d’éliminer les photographies affectées de neige, brouillard ou pluie. Les
photographies sélectionnées peuvent ensuite être traitées par corrélation d’images
pour détecter de grands déplacements précurseurs d’éboulements.
L’optimisation de cette méthode de tri est envisagée afin de la rendre plus robuste
vis-à-vis du choix de la photo de référence. L’objectif est de s’affranchir de l’éclairage
et de la clarté liés à la hauteur du soleil qui varie en fonction des saisons. Des
développements seront donc menés pour raisonner plus sur les teintes et moins sur
les couleurs, pour étudier les textures et pour détecter des contours.

Références bibliographiques
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mouvements  de  terrain :  application  au  versant  de  Séchilienne,  Journées  de  l’aléa  gravitaire  – 
Strasbourg, http://eost.u‐strasbg.fr/omiv/JAG_2011/ 

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techniques  for  landslides  surface  displacement  analysis.  Bull.  Société  Géologique  de  France, 
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Kasperski  J.  (2008).  Confrontation  des  données  de  terrain  et  de  l’imagerie  multi‐sources  pour  la 
compréhension de la dynamique des mouvements de versants. PhD Univ. Lyon 1. 

Kasperski J., Potherat P., Duranthon J‐P, (2010) Le mouvement de versant de Séchilienne : point sur 
l’activité du phénomène Rock Slope Stability – INERIS ‐ FRANCE 

Kasperski  J.  (2011)  Détection  des  mouvements  de  versants  à  partir  d’images  terrestres,  Rapport 
IFSTTAR 

Leprince S., Ayoub F., Klinger Y., & Avouac J. P. 2007. Co‐Registration of Optically Sensed Images and 
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IEEE International Geoscience and Remote Sensing Symposium (IGARSS 2007), Barcelona. 

Potherat  P.,  Lemaitre  F.,  Duranthon  J‐P,  Benoit  A.  (2010).  La  mesure  à  très  longue  distance.  Un 
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Shapiro L‐G., Haralick R‐M. (1987). Relational matching, Applied Optics vol 26, p1845‐1851 

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