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Remerciements

Je tiens à remercier Monsieur Abderrahmen Fendri mon directeur de recherche,


pour le grand soutien qu’il m’a apporté dans la direction de ce mémoire et pour ses
conseils prodigués tout au long de l’élaboration de ce travail de recherche.

Mes remerciements s’adressent également à tous mes enseignants et aux membres


du jury qui ont accepté d’évaluer ce travail.

Je souhaite exprimer ma gratitude envers tous ceux qui m’ont apporté leurs aide
et encouragements pour la réalisation de ce mémoire et qui ont participé à la bonne
conduite de mes travaux de recherche, et en particulier le personnel du secteur
bancaire.

Je remercie les membres de ma famille qui ont toujours été à mes côtés et qui m'ont
toujours encouragée.

Enfin, je dédie mon travail à toutes les personnes qui ont un jour cru en moi.

Avec mes remerciements les plus sincères.


Liste des abréviations & acronymes

AICPA Americain Institute of Certified Public Accountants

APTBEF Association Professionnelle Tunisienne des Banques et des Etablissements

Financiers

BVMT La bourse des Valeurs Mobilières de Tunis

IAS International Accounting Standards

IASB International Accounting Standards Board

IC Intellectual Capital

IFAC International Federation of Accountants

IFRS International Financial Reporting Standards

INNORPI L'Institut National de la Normalisation et de la Propriété Industrielle

ISA International Standard of Auditing

OCDE L'Organisation de Coopération et de Développement Économiques

NCT Norme Comptable Tunisienne

SIC Standing Interpretations Committee


Table des matières

Introduction générale………………………………….…………………………………1

Première partie : Cadre théorique de la relation entre la divulgation volontaire et le

capital immatériel…………………………………..………………………….…………7

Introduction de la première partie…………………………………………….………..8

Chapitre 1 : L’écart entre la valeur comptable et la valeur du marché : un


phénomène à
expliquer………………………………………………………………………….........12

Section 1 : L’efficience des marchés financiers : une hypothèse réfutable………………14

1.1. Valorisation boursière et actifs immatériels : une causalité


pertinente………..……………………………………………………..14

1.2. Goodwill et actifs immatériels : une explication


circulaire……………21

Section 2: Le contrôle de la valeur créée par les ressources


immatérielles………………26

2.1. Identification : des ressources indissociables du groupe social qui les


porte…………………………………………………………………………..26

2.2. Un traitement comptable qui dissimule un problème de


légitimité……29

Section 3: La divulgation volontaire et utilité de l’information financière


et extra financière : fondements théoriques………………..……………………………..32
3.1. Genèse.…………………………………………………………….....…32

3.2. Utilité contractuelle dans le cadre de la théorie d’agence………………35

3.3. Utilité décisionnelle dans le cadre de la théorie de


signal…………………………………………………………………………………..38

3.4. Les bénéfices et obstacles de la divulgation volontaire d’informations


sur le capital
immatériel…………………………………………………………………...41

3.4.1 Les bénéfices escomptés de la divulgation volontaire d’informations


sur le capital
immatériel…………………………………………………………………...41

3.4.2 Les obstacles de la divulgation volontaire d’informations sur le


capital
immatériel……………………………………………………………………………...…43

Chapitre 2: Evaluation du capital intellectuel : de l’impossible


à l’inconcevable…………. ………………………………………………………….…..48

Section 1 : Notions de base……………………………………………………………….50

1.1.
Genèse…………………………………………………………………50

Section 2: Un enjeu de reconnaissance et de prise en


compte……………………………57

2.1. Un enjeu de
reconnaissance……………………………………………57

2.1.1 Principes comptables en matière


d’identification………………58
2.1.2 Aspect juridique de la notion des
incorporels………………… ..62

2.1.3 Aspect fiscal de la notion des incorporels…………………….. .63

2.2. Un enjeu de prise en compte…………………………………………..65

2.3. Limites des approches comptables…………………………………….71

2.4. Modèles de mesure et méthode de reporting de l’actif


immatériel……………………………………………………………..73

2.4.1 Les modèles de mesure de l’actif


immatériel……………………………………………………………..73

2.4.2 Les Méthodes de reporting et de management de l’actif


immatériel…………………………………………………………………………….78

Section 3: le capital humain : le premier pilier du capital


intellectuel………………………………………………………………………………..80

3.1. Définitions…………………………………………………………...81

3.1.1 Typologies du capital


humain…………………...…………….…84
3.2. Vers l’élargissement de la notion du capital humain………………….86

3.2.1 Les leviers d’action pour gérer et développer le capital


humain…86
3.2.2 La dépréciation du capital humain………………………………89

Conclusion de la première
partie……………………………………………………….91

Deuxième partie : Le capital humain : une proposition de valorisation et de


divulgation……………………………………………………………………………….93

Introduction de la deuxième partie…………………………………………………….94


Chapitre 1 : Techniques de valorisation et normes de divulgation du capital
humain…………………………………………………………………………………...97

Section 1 : La comptabilisation et la valorisation du capital humain : revue de la


littérature……………………………………………………………………………….…98

1.1 Normes et comptabilisation du capital


humain…………………………….98
1.2 Evaluation et mesures du capital
humain…………………………………105

1.2.1 L’approche patrimoniale………………………………………..105

1.2.1.1 Evaluation au coût


historique…...…...…………..105

1.2.1.2 Evaluation au coût de


remplacement…………….109

1.2.2 L’approche économique……………………...…………………110

1.2.2.1 Le modèle socio-


économique………….………...111

1.2.2.2 Les modèles comptables………………………...110

1.2.3 Autres approches : L’approche gestionnaire…………………….116

1.1. Les problèmes


empiriques…………………………………………….118

Section 2 : La prise en compte des compétences humaines dans le contexte


tunisien……121

2.1. Le système comptable des entreprises et la comptabilisation du capital


humain…………………………………………………………………………..………122
2.2. Recherches empiriques dans le contexte
tunisien…………………….124

Chapitre 2 : Cas Pratique - Proposotion d’une approche d’évaluation et de


divulgation - ……………………………………………………………………………128

Section 1: Présentation d’un modèle d’évaluation du capital


humain………………………….……………………………………………………….128

1.1 L’actif Humain : une association entre le capital manager et le capital


salariés……………………………………………………………………….130

1.1.1 Présentation et indicateurs de calcul du capital


manager…………131

1.1.2 Présentation et indicateurs de calcul du capital


salariés…………..135

1.2 Les caractéristiques de l’échantillon…………………………………..140

1.2.1 Population et
échantillon………………………………………140

1.2.2 Critères de choix des


entreprises……………………………….142
1.2.3 Types de
données………………………………………………142
1.2.4 Unité
d’échantillonnage………………………………………..143
1.2.5 Collecte des
données…………………………………………...143

Section 2 : Evaluation du capital humain dans le contexte tunisien…………………….145

2.1 Le capital humain de la banque opérante dans le secteur privé………….146


2.2 Le capital humain de la banque opérante dans le secteur public………...147

Section 3 : Discussion et limites des résultats…………………………………………..148

3.1 Le capital humain des deux banques tunisiennes……………………….148


3.2 Le capital humain et le ratio market to book…………………………….149
3.3 Limites des résultats……………………………………………………..151

Section 4 : Proposition d’une note sur le capital humain……………………………….152

Conclusion de la deuxième partie……………………………………………………..156

Conclusion générale……………………………………………………………………158
Bibliographie…………………………………………………………………………...162
Liste des annexes

Annexe 1 : Un extrait de l’étude du Cabinet Ricol et Lasteyrie………………………...172

Annexe 2 : Questionnaire……………………………………………………………….173

Annexe 3 : Extrait des états financiers de la Banque Populaire Atlantique au


31/12/2014………………………………………………………………………………175

Annexe 4 : Evolution de la structure du personnel permanant du secteur bancaire…….179


Liste des figures

Figure 1: Questions liées aux


immatériels………………………………………...…… ..10

Figure 2: Components of S&P Market Value ………………………………...…………16

Figure 3 : Price to book moyen du CAC 40 entre 2003 et


2007………………….……….25

Figure 4: L’iceberg de la valeur de


l’entreprise………………………………….……….26

Figure 5 : Typologie de l’IFAC de


l’IC…………………………………………………...54

Figure 6: la reconnaissance des actifs


immatériel……………………………..…………58

Figure 7 : Modèles de mesure de l’actif immatériel……………………………….……..74

Figure 8: Coût de la fonction recrutement et


formation………………………………...114

Figure 9 : Présentation du capital Humain selon la méthode Thesaurus Bercy


V1……..131

Figure 10 : Présentation du capital manager selon la méthode Thesaurus Bercy


V1…….132

Figure 11 : Classement des actifs par secteur d’activité dans le processus de création de
valeur sur le marché
français…………………………………………………………….141
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Introduction générale
De nos jours, la cartographie de l’économie internationale a complétement
changé. L’environnement d’affaires est turbulent et hautement compétitif, et les
facteurs de production les plus importants sont invisibles (réputation, marques
commerciales, recherche-développement, compétences du personnel, stratégie,
qualité des processus, relations avec les fournisseurs et les clients…). Ces éléments
immatériels constituent désormais des facteurs clés de succès et contribuant à la
compétitivité des entreprises. Tous ces éléments constituent le capital intellectuel
d'une entreprise lui permettant pour une part déterminante de bénéficier d'un
avantage compétitif durable. En effet, les investissements immatériels auraient
représenté 10 % du PIB à la fin des années 90 si on les considérait comme des
dépenses en capital fixe, soit une part pratiquement égale à celle des
investissements dans les actifs corporels (Corrado, Hulten et Sichel, 2005).1

Parallèlement, la comptabilité financière à l’échelle nationale et internationale


privilégie la reconnaissance des actifs corporels : les seuls actifs incorporels
reconnus dans les états financiers sont la propriété intellectuelle, telle que les
brevets et les marques commerciales, lorsque leur valeur sur le marché a été
déterminée par une transaction, ainsi que le Goodwill acquis. En effet, selon la
norme comptable tunisienne numéro 6 (NCT6) et la norme comptable
internationale 38 (IAS 38), un élément incorporel est porté à l'actif lorsque :
a. Il est probable que des avantages économiques futurs résultant de cet élément
profiteront à l'entreprise.
b. Le coût de cet actif peut être mesuré de façon fiable.

1
Cité par Beldi et al. (2014)

1
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

En conséquence, une part substantielle des actifs des entreprises n'est déclarée que
partiellement dans les états financiers, qui ont perdu une partie de leur valeur aux
yeux des actionnaires, et aux investisseurs, étant donné qu’ils n’aident plus
suffisamment à prendre des décisions concernant l’investissement dans des sociétés
largement appuyées sur leurs capital intellectuel et surtout le capital humain à
l’instar des sociétés de services.

Cela pourrait se traduire par une affectation improductive des ressources,


une orientation erronée des stratégies d'investissement, ainsi qu’un accroissement
du coût du capital.

En fait, la notion de capital immatériel est née d’un double constat. D’un côté,
les normes comptables peinent à prendre en compte l’immatériel : les critères
d’éligibilité des actifs excluent de nombreux investissements immatériels. De
l’autre, on constate un écart entre la valeur comptable de l’entreprise et sa valeur de
marché, « Price to book ratio ».

Pour remédier à cette situation, et comme le seul respect des obligations légales de
diffusion ne permettent plus de répondre aux besoins des investisseurs et aux
besoins de légitimation des entreprises, la communication financière a dépassé les
seules données obligatoires en choisissant de mettre en avant des informations
volontaires.

Désormais, les dirigeants des entreprises ont la latitude de compléter les


informations réglementaires d’un rapport annuel par des informations volontaires
qui ont pour objet d’accroître la transparence de l’entreprise. La pression des
investisseurs et l'émergence des marchés des capitaux, très exigeants sur la
qualité de l'information et sur l'analyse des performances des entreprises, ont

2
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

conduit certains groupes à publier volontairement des informations


expliquant leurs investissements immatériels. Ces informations viennent compléter
les états financiers et fournissent des éléments d'analyse pour apprécier la capacité
des entreprises à créer de la valeur dans le futur et donner plus d’envergure et de
crédibilité aux informations synthétisées dans les états annuels.

Parmi les éléments du capital intellectuel les plus influents, nous trouvons le capital
humain l’objet de notre travail de recherche.
Au sein de l’entreprise, le capital humain tisse des liens féconds tant avec le capital
organisationnel (compétences collectives, routines organisationnelles, culture
d’entreprise) qu’avec le capital relationnel (capital confiance auprès des clients,
fournisseurs et investisseurs).

Aujourd’hui, il est largement admis que la gestion du savoir est cruciale pour les
organisations. En conséquence, l’évaluation du capital humain d’une organisation
peut présenter un réel intérêt pour diverses parties prenantes (actionnaires,
employés, analystes…).

Désormais les préoccupations des dirigeants sont orientées vers la compétence des
salariés et aux investissements spécifiques fructifiant cette ressource, non
seulement sur un plan stratégique, comme « facteur clé de succès », mais également
sur un plan managérial. L’instauration de systèmes d’information permettant
d’assurer un reporting externe et un pilotage interne efficaces en constituent la
preuve tangible. Au-delà des difficultés, fréquemment rencontrées, lorsqu’il s’agit
d’apprécier et de valoriser le capital humain, un double questionnement est
envisageable. Le premier a trait à l’état actuel et à la qualité des pratiques en
matière de communication sociétale sur un tel sujet. Le second concerne les

3
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

motivations susceptibles d’inciter les dirigeants d’entreprises à communiquer dans


ce domaine, ainsi que les éventuelles relations observables entre les informations
sociétales diffusées par les firmes et leur performance effective.

Ceci étant, nous considérons que le capital humain est la composante la plus
importante du capital intellectuel et nous posons une problématique sur
la reconnaissance, l’évaluation et la divulgation de ce dernier.

La question qui se pose est de savoir « Dans quelle mesure une évaluation
pertinente du capital humain contribue-t-elle à une divulgation à la fois valorisante
et fidèle pour l’entreprise et les parties prenantes »

Pour répondre à cette question de recherche, nous tentons d’y répondre à travers
des réponses aux questions suivantes :

 Qu’est-ce que nous entendons par le capital immatériel ?


 Quelles sont les composantes du capital immatériel ?
 Comment peut-on expliquer l’écart entre la valeur comptable et la valeur
boursière des sociétés cotées ?
 Dans quelles mesures la divulgation volontaire réduit l’asymétrie d’information
sur le marché financier ?
 Quelles sont les approches utilisées pour évaluer la principale composante du
capital immatériel à savoir le capital humain ?
 Qu’est-ce que nous entendons par le capital humain et quelles sont ses
composantes sous-jacentes ?
 Quelles sont les approches permettant de quantifier/évaluer le capital humain
et qui peuvent constituer une partie intégrante des états financiers ?

4
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

 Est-ce que les méthodes d’évaluation proposées dans d’autres contextes sont-
elles applicables au contexte tunisien ?

Afin de répondre aux questions de recherche posées ci-dessus, nous nous


proposons de structurer notre travail de recherche comme suit :

Dans une première partie, nous examinons le cadre théorique de la relation entre
la divulgation volontaire et le capital immatériel.

Nous commençons, dans un premier chapitre, par expliquer l’écart entre la valeur
comptable et la valeur du marché des titres des sociétés cotées.

A travers le second chapitre, nous tentons de présenter, tout d’abord, la genèse du


capital intellectuel, avant de nous tarder par la suite sur les enjeux de
reconnaissance et de prise en compte. Ensuite, nous présentons le capital humain, le
premier pilier du capital intellectuel.

Dans une deuxième partie, étant d’ordre pratique, intitulée « le capital humain : une
proposition de valorisation et de divulgation », nous traitons les données de deux
entreprises tunisiennes cotées exerçant dans le domaine de service afin
d’affirmer/infirmer l’existence d’un lien entre le capital humain et la valeur
boursière ; et nous proposons une méthode d’évaluation du capital humain inspirée
de la grille de Thésaurus-Bercy synthétisée au sein d’une note hors bilan à annexer
aux notes des états financiers.

Pour ce faire, nous commençons dans un premier chapitre par une revue de la
littérature empirique des approches d’évaluation proposées (approche patrimoniale,
approche économique…)

Dans un deuxième chapitre, nous proposons une note aux états financiers qui
synthétise le capital humain évalué selon la méthode de Thésaurus-Bercy V1.

5
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Nous traitons les données comptables, financières et extra comptables de deux


banques tunisiennes, l’une opérante dans le secteur privé, et l’autre dans le secteur
public.

L’apport de notre travail de recherche est d’expliciter l’écart entre la valeur


comptable et la valeur boursière des sociétés cotées « price to book ratio », et le
lien entre ce dernier et le capital immatériel ; ainsi que la présentation d’une note
aux états financier (note hors bilan) présentant l’actif humain en tant qu’association
entre le capital manager et le capital salariés calculé selon la grille d’évaluation
proposée dans le modèle Thésaurus-Bercy V1.

6
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Première partie : Cadre théorique de la

relation entre la divulgation volontaire

et le capital immatériel

7
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Introduction de la première partie

Face à l’évolution continue de l’économie mondiale, et avec l’avènement de


l’économie fondée sur la connaissance, la richesse est désormais créée par
le développement et le management du capital intellectuel (CI) (Ricceri et Guthrie,
2009 ; Hayes et Schaefer, 1999 ; Stewart, 1997)2. La création de valeur par
l’entreprise n’est plus seulement liée aux ressources financières et matérielles, mais
une grande part est générée par des ressources intangibles telles que l’innovation,
la réputation de l’entreprise, les marques, les compétences et connaissances des
salariés, les processus, la culture d’entreprise, etc.

Ces ressources intangibles nommées aussi capital intellectuel/immatériel sont


essentielles, d’une part dans la création de valeur par l’entreprise (Aboody et Lev,
2000 ; Chaminade et Roberts, 2003 ; Habersam et Piber, 2003)3, et d’autre part
dans la construction d’avantages compétitifs durables générant ainsi un
accroissement de la valeur du marché pour l’actionnaire (Bukh et Johanson, 2003 ;
Holland, 2001)4.

Il est à noter qu’une pléthore de terminologies est utilisée dans la littérature relative
au capital intellectuel (Zeghal et Maaloul, 2011)5. En effet, l’examen des études
réalisées dans les différentes disciplines montre que plusieurs concepts tels que
«actifs intangibles», «capital intangible», «capital immatériel», «capital du savoir »,

2
Cité par Beldi et al. (2014)
3
Idem
4
Idem
5
Citer par Boujelben et Affes (2014)

8
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

«actifs immatériels» peuvent être considérés comme synonymes de l’appellation


«capital intellectuel». Brennan et Connell (2000)6 soulignent qu'en 1993,
Leif Edvinsson, dans un supplément au rapport annuel de Skandia, a utilisé pour
la première fois le mot «capital intellectuel» au lieu du terme comptable «actifs
incorporels».

La notion de capital immatériel est née d’un double constat. D’une part, les normes
comptables n’arrivent pas à prendre en compte l’immatériel : les critères
d’éligibilité des actifs excluent de nombreux investissements immatériels. D’autre
part, on constate une dichotomie croissante entre la valeur comptable et
la valeur de marché, « price to book ratio ». D’ailleurs, selon Edvinsson et Malone
(1997), la différence entre la valeur boursière et valeur comptable présente
l’actif immatériel. Mouristen et al. (2001) considèrent que ce terme (CI) englobe
les actifs intangibles et permet la création de valeur pour l’entreprise. Il est en
partie reflété dans la différence entre la valeur du marché de l’entreprise et sa
valeur comptable.

D’un point de vue comptable et financier, les grandes questions liées à l’immatériel
tiennent donc à sa définition, à sa reconnaissance comptable et aux impacts de
la capitalisation sur les états financiers telles que schématiser au niveau de la figure
suivante :

6
Cité par Okeke (2016)

9
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Figure 1 : Questions liées aux immatériels

Source : ISIS (2013), "la valorisation de l’immatériel dans les services "

Nous essayons dans le cadre de ce chapitre de répondre à toutes ces questions.


Cette première partie étant d’ordre théorique, construite en deux chapitres, nous
essayons dans le cadre du premier chapitre de trouver une explication à l’écart entre
la valeur comptable et la valeur boursière et ce en examinant l’hypothèse
d’efficience des marchés financiers, au niveau de la première section ainsi que le
contrôle de la valeur créée par les ressources immatérielles au niveau de la
deuxième section. Au niveau de la troisième section nous présentons un état

10
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

de l’art des fondements théoriques de la divulgation volontaire des informations


financières et extra financières.

Le deuxième chapitre de cette première partie, est consacré aux méthodes et aux
obstacles d’évaluation du capital intellectuel. A cet effet, nous présentons dans un
premier lieu la typologie du capital intellectuel, ensuite les enjeux de
reconnaissance et de prise en compte. Au niveau de la troisième section de ce
deuxième chapitre nous focalisons sur une seule composante du capital intellectuel
considérée la plus importante, à savoir le capital humain à travers la typologie, la
gestion et le développement ; et la dépréciation du premier pilier du capital
intellectuel.

11
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Chapitre 1 : L’écart entre la valeur comptable et la valeur du


marché : un phénomène à expliquer

Selon l’Hypothèse d’efficience du marché développée par Fama (1965), dans un


marché suffisamment large où la dissémination de l’information est immédiate,
tel que le cas du marché boursier, les acteurs du marché ont toutes les données
nécessaires pour prendre des décisions raisonnables et justes étant donné que
le marché est totalement transparent et tout effort de communication est inutile car
toutes les données sont déjà accessibles sur le marché. Ultérieurement, Kim
et Farragher (1981) ont défendu cette hypothèse, et expliquent que la
communication volontaire réalisée dans le cadre du travail de service des Relations
Investisseurs consiste à retransmettre l’information déjà accessible sous une forme
modifiée. Cette hypothèse suppose que les investisseurs sont capables de
reconstruire les cash-flows d’une société, et ne sauraient être abusés par les
manipulations comptables.

Cette hypothèse est, en revanche, critiquée par les partisans de la théorie du signal
qui croient dans l’asymétrie informationnelle entre le management et le marché.
Les dirigeants tentent de réduire cette asymétrie en émettant des signaux sur
la performance de la société, c’est-à-dire en assurant une communication financière
de bonne qualité. En effet, selon les autorités du marché financier, les entreprises

12
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

ne sont pas obligées d’avertir le marché d’une baisse éventuelle des résultats futurs
par rapport aux prévisions. Néanmoins, les chercheurs ont constaté une
augmentation volontaire de communication pratiquée par les sociétés. Afin
d’expliquer ce phénomène ; Martinez et Saboly (2003) constatent que
par la communication volontaire les sociétés expriment leur volonté de :

 décourager de nouveaux entrants potentiels et limiter la concurrence,


 réduire le coût éventuel de non-alerte (plaintes des actionnaires et
réputation),
 préserver la confiance et la crédibilité du management à court terme,
 informer la communauté financière d’éventuelles difficultés à venir.

Dans le cadre de ce premier chapitre de notre travail de recherche, nous essayons


de décortiquer l’écart entre la valeur comptable et la valeur boursière des actions en
examinant au niveau de la première section l’hypothèse d’efficience des marchés
financiers et ce à travers le lien de causalité entre la valorisation boursière et les
actifs immatériels ainsi que le lien entre le Goodwill et les actifs
immatériels. Notons que dans le cadre de ce travail de recherche, nous ne traitons
pas les phénomènes exogènes liés au marché qui peuvent impacter, sans raison
apparente, le cours boursier à la hausse ou à la baisse.

La deuxième section a pour objectif de mettre l’accent sur la notion de contrôle de


la valeur créée par les ressources immatérielles à travers deux points,
l’identification des ressources immatérielles et le problème de légitimité au niveau
du traitement comptable de ces ressources.

13
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Quant à la troisième section, elle est consacrée à une revue de la littérature des
fondements théoriques de la divulgation volontaire des informations financières
et extra financières. Nous allons expliciter les utilités contractuelles et
décisionnelles de la divulgation volontaire dans le cadre de la théorie d’agence et la
théorie de signal, ainsi que les avantages et les obstacles de la divulgation
volontaire d’informations sur le capital immatériel.

Section 1 : L’efficience des marchés financiers : une hypothèse


réfutable

1.1 Valorisation boursière et actifs immatériels :


une causalité pertinente ?

Jensen (1978) postule que «sont réputés efficients les marchés sur lesquels les prix
des actifs cotés intègrent les informations les concernant de telle manière qu'un
investisseur ne peut, en achetant ou en vendant cet actif, en tirer un profit supérieur
aux coûts de transaction engendrés par cette action».

Selon l’hypothèse d’efficience des marchés financiers, les ressources productives


non reconnues par la comptabilité de l’entreprise sont effectivement ses actifs
immatériels, c’est à dire soit des ressources internes que l’entreprise possède
véritablement, soit des éléments qui génèrent des avantages économiques.
Si les marchés sont efficients, cela signifie qu'aucune stratégie d'investissement ne
peut permettre de dégager, pour un niveau de risque donné, un profit anormal.

14
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Un marché est efficient si les prix intègrent à tout moment l'ensemble de


l'information disponible. Il existe trois formes d'efficience pour définir le concept
« d'information disponible» :

 l'efficience faible selon laquelle l'information contenue dans les prix de


marché passés est complètement reflétée par les prix des actifs,
 l'efficience semi-forte selon laquelle toutes les informations publiques sont
complètement prises en compte par les prix et ;
 l'efficience forte selon laquelle toutes les informations disponibles,
publiques et privées, sont prises en compte par les prix.7

Les processus de création de valeur ont connu d’importantes évolutions ces


dernières années. En effet, suite à l’internationalisation des activités des entreprises
nous vivons dans une économie qui a considérablement changé depuis les années
90 considérées comme la phase d’euphorie boursière.

Désormais, une entreprise vaut largement plus que ses fonds propres. La société
américaine Ocean Tomo spécialisée dans la valorisation immatérielle et plus
particulièrement la propriété intellectuelle, a montré tout le poids de l’immatériel
dans l’économie au niveau de son rapport annuel sur la valeur des immobilisations
incorporelles dans les entreprises du S&P 500 (indice boursier basé sur les 500 plus
grandes sociétés américaines cotées). En 2015, 84% de la valeur des sociétés
américaines cotées est constituée d’actifs immatériels contre 16% d’actifs
matériels.

7
www.captaineconomics.fr

15
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Figure 2 : Composition de S&P 500 entre 1975 et 2015

Source : Ocean Tomo. (2015, 5 mars). Annual Study of Intangible Asset Market Value.

Les investisseurs et analystes financiers se fondent entre autre sur l’information


financière et comptable pour établir leurs prévisions de cash-flow, sauf que tout
intervenant sur les places financières peut clairement remarquer que la
capitalisation boursière d’une entreprise est largement différente de sa valeur
comptable, cet écart témoigne d’un bouleversement profond du processus de
création de valeur.

16
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Keynes et plus tard André Orléan (1989)8, ont montré toutes les objections qui
pouvaient être soulevées contre l’hypothèse d’efficience qui exclue que tout
événement ou comportement sans rapport avec les fondamentaux de l’entreprise
puisse venir perturber son cours, ce dernier reflétant toute l’information pertinente
sur l’entreprise et seulement celle-ci.

Gu et Lev (2001)9 étudient la relation entre les résultats financiers des sociétés
cotées et leurs rendements boursiers. Ils soulignent le fait que la force de cette
relation s’affaiblit depuis plusieurs années. Chahine et Mathieu (2003)10 relèvent le
contenu informatif du chapitre 4 qui présentent l’activité de l’entreprise, du
prospectus d’introduction en bourse. Sur un échantillon de 50 entreprises
introduites sur le Nouveau Marché, les auteurs montrent que les informations
relatives aux atouts technologiques et aux ressources humaines déterminent la
rentabilité anormale observée le premier jour de cotation.

Dans ce sens, historiquement il existe plusieurs exemples à l’appui, tels que


l’introduction en bourse de Twitter le 07 novembre 2013. Le prix d’émission de
l’action était initialement de 26 dollars. Or, sa valeur a augmenté de 73 % dès la
première heure de cotation11. Il s’agit là d’une majoration considérable, d’autant
que le réseau social avait annoncé qu’il ne serait pas rentable avant 2015. Il semble
que Twitter possède une valeur immatérielle que l’on ne parvient pas à traduire ou
à transmettre à travers les états financiers. On note aussi la vente de Skype à eBay

8
Cité par Halary (2016)
9
Cité par Guyot (2010)
10
Thésaurus-Bercy V1 (2011)
11
ISIS (2013)

17
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

en septembre 2005 au prix de 2,612 milliards de dollars alors que la valeur de ses
actifs reconnus comptablement était de 20 millions de dollars. Néanmoins, les
comptes d’eBay ont fait figurer un goodwill de 2,3 milliards de dollars sur un coût
d’acquisition de 2,6 milliards, et 280 millions de dollars d’actifs incorporels
(brevets, marques…). Normalement, ce goodwill ne devrait être qu’une valeur
résiduelle : c’est ce qui reste après le rapprochement de la valeur de marché et la
valeur comptable réévaluée. Cinq ans après son acquisition, en novembre 2011,
eBay a cédé 70 % de sa participation dans Skype pour une valeur de 2,75 milliards
de dollars. Dans le cas de sociétés comme Skype, le goodwill représente les trois
quarts de la valeur d’achat. C’est la preuve que le système comptable n’est pas
pertinent pour ce type de business.

Pour apprécier la véritable valeur des deux entreprises en bourse, il serait toutefois
plus juste d'utiliser la valeur d'entreprise, déduction faite de leurs excédents de cash
respectifs. Prenant le cas de Google et Apple : les deux groupes valent en février
2016, 394 milliards de dollars pour Apple et 49013 milliards de dollars pour
Google. Visiblement, Google vaut bel et bien plus cher qu'Apple ; et cela ne
constitue pas une nouveauté. En termes de valeur d’entreprise, la valorisation de
Google dépassait déjà celle d'Apple en décembre 2015, avec 420 milliards de
dollars contre 39314 milliards de dollars. Bref, Google n'a pas attendu le mois de
février pour surclasser Apple.

12
Idem
13
Données de février 2016 publié sur le site http://argent.boursier.com/epargne/actualites/google-vs-apple-
attention-a-ne-pas-confondre-capitalisation-et-valeur-dentreprise-2305.html
14
Idem

18
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Grâce à ses derniers résultats, la holding détentrice de Google (Alphabet) vient de


voir sa capitalisation grimper à 555 milliards de dollars, dépassant pour la première
fois celle d'Apple (534 milliards de dollars au même moment)15.

L’exemple ci-dessus de Google et Apple, illustre encore une fois la différence entre
la valeur comptable de la valeur de marché. La valeur comptable retrace
l’historique de l’entreprise, traduit par des entrées ou des sorties de trésorerie ou de
chiffre d’affaires. La valeur boursière, est quant à elle, une évaluation actualisée
des anticipations de la création de valeur de l’entreprise. Il est donc normal que la
valeur de marché soit différente de la valeur comptable. C’est un signe positif que
la première soit supérieure à la seconde, car cela indique que le marché anticipe une
création de valeur dans l’entreprise. Cependant, lorsque le différentiel devient
considérable, cette déconnexion témoigne d’une défaillance de la comptabilité
à capter la valeur présente dans l’entreprise. Les outils de traçabilité de la valeur
financière ne permettent alors plus de transmettre une valeur de l’entreprise qui soit
proche de sa valeur de marché.16

Par ailleurs, Upton (2001)17 présente une conception intéressante des composantes
de la valeur boursière. Selon ce chercheur, l’écart entre la valeur boursière et la
valeur comptable est la somme des quatre éléments suivants :

1. Ecart entre la valeur comptable et la perception de cette valeur par le marché.


Les mêmes éléments ne sont pas toujours évalués de la même manière par le
marché et par la comptabilité.

15
Données de février 2016 publié sur le site http://argent.boursier.com/epargne/actualites/google-vs-apple-
attention-a-ne-pas-confondre-capitalisation-et-valeur-dentreprise-2305.html
16
ISIS (2013)
17
Cité par Guyot (2010)

19
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

2. Valeur estimée par la société des éléments immatériels non inclus dans le bilan.
De nombreux éléments (et notamment les composantes du capital humain
et relationnel), ne sont pas pris en compte par le référentiel comptable en vigueur.
Par conséquent, le marché valorise ces éléments indépendamment de la valorisation
comptable.

3. Ecart entre la valeur de l’actif immatériel estimée par la société et la perception


du marché.
Les valorisations faites par les investisseurs peuvent fortement varier de celles
effectuées par les sociétés.

4. Facteurs psychologiques.
Dans des conditions d’incertitude, le marché est susceptible de passer de périodes
d’euphorie et de pessimisme qui ne peuvent pas se justifier par des raisons
fondamentales. Plus le degré d’incertitude est élevé, plus la valeur boursière est en
hausse.

En effet, les premiers modèles d’évaluation n’ont pas mis en œuvre de


méthodologie claire pour déterminer la valeur financière du capital immatériel. Il a
été souvent assimilé, de manière systématique et imprudente, au « price to book ».
Même si ce dernier en constitue une composante majeure, le capital immatériel ne
peut pas être réduit au seul « price to book », un ratio qui s’accompagne d’une
dimension plus irrationnelle (sensibilité du secteur d’activité, liquidité du titre,
enjeux politiques…).

20
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Lev (1992)18 souligne que la communication diminue le nombre et la force des


aléas du marché, et notamment d’aléas négatifs. L’objectif stratégique n’est pas
d’augmenter la valeur boursière à tout prix mais de la refléter à sa juste valeur.
Si les investisseurs estiment que la valeur est trop élevée par rapport à la
performance de l’entreprise, le cours chutera fortement. En conséquence,
l’entreprise non seulement perdra de la valeur mais aussi la confiance et la
crédibilité auprès de la communauté financière. En revanche, une valeur trop basse,
qui résulte du manque de compréhension et d’information, mène à la perte de
confiance de la part des fournisseurs du capital et expose l’entreprise au risque de
rachat.

1.2 Goodwill et actifs immatériels : une explication


circulaire

Par la notion de goodwill, l’actif immatériel a souvent été défini de manière


soustractive comme la différence globale entre la valeur des biens matériels reprise
dans les éléments comptables et la valeur réelle attribuée à l’entreprise.

En effet, il existe deux approches principales pour appréhender le Goodwill, et


deux classifications possibles des actifs immatériels :

 Les approches du Goodwill

18
Cité par Guyot (2010)

21
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

 L’approche comptable : La valeur globale d’une entreprise est égale à son


actif net comptable corrigé augmenté par la valeur des éléments incorporels
c’est à dire le goodwill. Valeur de l’entreprise = ANCC + GW
 L’approche financière : Plusieurs méthodes existent pour valoriser
le Goodwill selon cette approche, parmi lesquelles nous retenons les trois
méthodes les plus utilisées :

- La théorie de la valeur boursière


Cette méthode considère la valeur de la propriété intellectuelle comme une
composante de la capitalisation boursière. La méthode la plus simple consiste
à soustraire la valeur comptable de la valeur boursière. Le reliquat peut être
considéré comme la valeur correspondant aux actifs incorporels.

- Knowledge Capital Scorecard


Cette méthode consiste à soustraire des gains annuels normalisés, notamment ceux
provenant d’actifs physiques et financiers (que l’on obtient en multipliant les actifs
enregistrés par leurs bénéfices respectifs attendus après impôt), le reliquat constitue
le gain généré par les actifs incorporels qu’il convient de diviser par le taux
d’escompte du capital de connaissance -autrement dit-, le taux de rendement espéré
pour ces actifs. Le résultat final indique la valeur des actifs en propriété
intellectuelle.

- La « Règle des 25% »


Selon cette méthode, on fixe les royalties comme un pourcentage du bénéfice net.

 Classifications des actifs immatériels

22
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Il existe deux classifications possibles des actifs immatériels :

 Actifs immatériels par nature qui à leur tour sont classées en cinq
catégories :
- Actifs immatériels relevant de droits liés à la propriété intellectuelle tels que
brevets, marques, droits d’auteur, logiciels et bases de données …
- Actifs immatériels nés d’autorisations administratives tels que Quotas
d’importation, autorisations d’ouverture d’exploitation (pharmacie, grandes
surfaces)…
- Actifs immatériels nés de droits contractuels tels que les droits au bail,
concessions, franchises…
- Actifs immatériels nés de la protection offerte à travers la jurisprudence en
matière de concurrence déloyale : Enseigne & nom commercial.
- Actifs immatériels nés de la capacité de l’entreprise à s’en réserver l’accès
tels que fichiers clients et fournisseurs, liste de distributeurs…

 Actifs immatériels par fonction scindés en deux catégories :


- Les actifs de rareté permettent à leurs détenteurs soit d’être les seuls
à pouvoir réaliser et commercialiser une production déterminée (rente
absolue) soit de pouvoir le faire avec des coûts moindres que leurs
concurrents (rente relative).
- Les actifs de connaissance ou d’expérience : le savoir et le savoir-faire.

La traduction du terme « goodwill » en français est la “ survaleur ”, ou “ écart


d’acquisition ”. Or, la survaleur n’est que le solde qui sépare la valeur boursière de
la firme de la somme des actifs qu’elle contient au moment de son acquisition.

23
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Selon Riebold (1973)19, le goodwill est la différence entre la valeur globale de


l’entreprise et la somme de la valeur actuelle réelle des actifs corporels et celles des
actifs incorporels qui peuvent être évalués séparément.

Le goodwill ne se définit donc qu’en creux. De ce fait, lorsque l’on prétend


expliquer le goodwill par l’existence d’actifs immatériels non spécifiés, on produit
un raisonnement totalement circulaire. En effet il s’agit de ressources que l’on ne
parvient ni à définir, ni à cerner isolément, encore moins à mesurer. On est donc
face à une notion parfaitement ambiguë que les comptables essayent de circonscrire
à l’aide de ce qui n’est qu’un solde.

Sur le plan général, nous arrivons à identifier les différentes ressources dont il est
constitué, à savoir les connaissances, le savoir-faire collectivement accumulés,
le niveau de formation du personnel, la qualité de l’organisation et des relations
internes ou les réseaux de relations externes ...
Le raisonnement qui assimile le goodwill aux actifs immatériels s’appuie donc sur
l’hypothèse d’efficience des marchés réfutée et explicitée comme suit :

En ce qui concerne le goodwill, au sens d'écart d'acquisition, normalement, quel


que soit le traitement comptable retenu pour le goodwill, il ne devrait pas y avoir
d'impact. En effet, si l'on retient que le cours d'une action correspond à la somme
des cash-flows espérés sur cette action, actualisés à un taux qui tient compte du
risque perçu par les investisseurs, alors les seuls facteurs capables de faire varier le
cours d'une action sont un changement dans l'anticipation des cash-flows
prévisionnels ou un changement dans la perception du risque de la société.

19
Cité par Kamoun (1998)

24
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Dans le cas du traitement comptable du goodwill, il ne devrait donc pas y avoir


d'impact sur les cours boursiers, car :
- les modalités (et notamment la durée) d'amortissement du goodwill influent sur
le résultat net consolidé, pas sur les cash-flows ;
- l'amortissement du goodwill n'a pas d'impact fiscal au niveau des comptes
consolidés, donc n'a pas d'incidence sur l'impôt payé, et de fait, n'influe pas sur les
cash-flows.

De ce fait, à la date d’une fusion, nous pouvons constater que les acquisitions
traitées par la méthode de l'intégration globale, qui fait apparaître un goodwill et
nécessite un traitement comptable, induisent des rentabilités anormales positives, ce
qui n'est pas le cas pour les acquisitions traitées avec la méthode de mise en
commun des intérêts (pooling of interests), où il n’apparaît pas de goodwill.
Ces résultats contredisent encore une fois l'hypothèse d’efficience des marchés.

A ce titre, il s’avère que l’assimilation déductive du goodwill aux actifs immatériels


ne règle pas le problème de l’indétermination de ces derniers, et se fond sur des
hypothèses contestables. En plus, le modèle de valorisation auquel elle se réfère
ouvre la comptabilité aux vents tempétueux de l’instabilité boursière.

Pour mieux illustrer ce point, nous prenons l’exemple des sociétés françaises cotées
lors de l’adoption des normes IFRS pour la première fois en 2015 : l’introduction
des normes IAS-IFRS n’a pas réduit l’écart entre valeur comptable et valeur de
marché.

Figure 3 : Le ratio cours boursier/actif net (Price to book ) du CAC 40 entre


2003 et 2007

25
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Source : Thésaurus-Bercy V1 (2011)

En annexe 1, nous avons ajouté un extrait de l’étude du Cabinet Ricol et Lasteyrie


en 2006 présentant l’écart entre la valeur comptable et la valeur boursière de
l’ensemble des entreprises du CAC 40.

Ainsi, la valeur globale d’une entreprise se présente comme suit :

Figure 4 : L’iceberg de la valeur de l’entreprise

26
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Source : Ricol Lasteyrie Corporate Finance (2016)

Section 2 : Le contrôle de la valeur créée par les ressources


immatérielles

2.1. Identification des ressources indissociables du


groupe social qui les porte

Les actifs immatériels se divisent en deux catégories :


Des actifs immatériels clairement identifiables et séparables, juridiquement
reconnaissables ; et des actifs immatériels non identifiés car non séparables et ne
font l’objet d’aucune reconnaissance juridique. Dans cette deuxième catégorie, on
trouve surtout des ressources indissociables des personnes qui les portent et sans
aucune capacité créatrice indépendamment d’eux. Dans ce sens, Pierrat et Martory
(2000)20 expliquent que : « Les autres valeurs immatérielles, en particulier celles
qui sont relatives à la connaissance, ont pour caractéristiques d’être incorporées à
des personnes humaines ou d’être d’essence organisationnelle diffuse. Le pouvoir
que l’organisation exerce sur ces valeurs est alors limité par le pouvoir qui est
exercé directement sur elles par les individus qui les portent. »

A titre d’exemple, Halary (2016) cite deux exemples pertinents, celui de l’image de
marque et le réseau clients d’une entreprise. La réputation que certains assimilent
à l’image de marque de l’entreprise qui serait constituée par l’accumulation des
budgets de publicité, s’associe également à la réputation des professionnels qui
y travaillent : leur sérieux, leur compétence, leur crédibilité sur le respect des

20
Cité par Halary (2016)

27
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

contrats, des délais... De même, on évoque souvent la liste des clients comme s’il
s’agissait d’un carnet d’adresses informatisé que n’importe qui pourrait utiliser
alors qu’il s’agit souvent de liens personnalisés entre des clients précis et des
équipes précises, relations que l’on ne peut pas nécessairement rompre sans baisser
le chiffre d’affaires.

En effet, certains chercheurs tels que Coleman (1990)21, Putnam (1995)22,


Bourdieau (2006)23 considèrent que certaines ressources citées parmi les actifs
immatérielles relèvent du capital social définit par l’OCDE (2001) comme : «…les
réseaux, les normes, les valeurs et les ententes qui facilitent la coopération
au sein des groupes ou entre eux. Il faut le distinguer des dispositifs politiques,
institutionnels et juridiques plus formels qui ont un rôle
complémentaire dans ce processus. »
Pour Ponthieux (2003)24, l’échec de la mesure et de l’évaluation de ces éléments
renvoie aux problèmes de fond auxquels se heurte la notion même de capital social.
En fait, ce sont principalement ces ressources que le goodwill est censé représenter,
ces ressources sont indissociables entre elles d’une part, indissociables des
personnes qui les portent d’autre part, et encore du groupe social constitué par le
personnel de l’entreprise et plus largement par la société dans laquelle cette
entreprise s’est historiquement constituée d’autre part.

Dans ce sens Halary (2016) explique que les ressources immatérielles identifiées
comme indissociables des salariés qui les portent, que l’entreprise ne peut continuer
à valoriser si les salariés partent, et dont on note le caractère collectif et social,
21
Idem
22
Idem
23
Idem
24
Cité par Halary (2016)

28
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

peuvent être rattachées au travail en tant que qualité sociale du travail présent, donc
elles sont davantage assimilables au travail qu’au capital. Pourtant, les économistes
ont essayé de détacher sur le plan conceptuel ces ressources du groupe social qui
les porte et les classer dans une catégorie distincte qu’ils nomment goodwill.

Ceci étant, nous posons à nouveau le problème de la séparabilité des différents


éléments composant un même élément immatériel. C’est le fait que les éléments
immatériels soient si reliés les uns aux autres qui amène généralement à penser
qu’ils n’ont pas d’existence autonome et qui les exclut dans la majorité des cas de
la définition de l’actif proposée par les normes comptables (examinés en
profondeur au niveau de la section 2 du deuxième chapitre). Néanmoins, certains
travaux proposent des typologies afin d’identifier les immatériels par leurs
composantes, dont le capital intellectuel. D’autres auteurs ont cherché à identifier
des critères de différenciation possibles de ces immatériels afin de pouvoir
reconnaître ces incorporels d’un type particulier.

2.2. Un traitement comptable qui dissimule un


problème de légitimité

La question de l’évaluation des actifs immatériels s’est posée avec insistance à


partir de la montée du « capitalisme des actionnaires ».

Cette mutation du capitalisme a pesé sur les priorités et méthodes de la comptabilité


d’entreprise. Selon Casta 200325 « Les objectifs assignés aux états financiers ont
été nettement orientés en fonction des besoins en information prévisionnelle des
utilisateurs - principalement les créanciers et investisseurs - privilégiant le critère

25
Cité par Halary (2016)

29
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

d’utilité de l’information comptable pour la prise de décisions économiques


externes. »

Alors que jusqu’à présent, les comptes de l’entreprise devaient pouvoir informer
des utilisateurs multiples et variés (les autorités judiciaires et fiscales, créanciers
et fournisseurs…), ils doivent désormais prioritairement répondre aux besoins
spécifiques des détenteurs de capitaux. Or l’évaluation au coût historique intéresse
peu ces derniers, qui sont beaucoup plus sensibles à ce qu’un investissement
matériel ou immatériel puisse être susceptible de rapporter (fair value).

En effet, la comptabilité doit présenter tous les éléments qui seraient susceptibles
de faire varier le cours du titre (à la hausse ou à la baisse), d’où par exemple, la
prise en compte des risques dans les évaluations. C’est dans cette dimension que
l’évaluation des actifs immatériels devient cruciale. La méthode de la juste valeur
est censée fournir une information qui intègre, par construction, les tendances de
marché et rejoint en cela les méthodes utilisées par les investisseurs.

Par ailleurs, évaluer les actifs incorporels de l’entreprise (les ressources


immatérielles) engendre désormais une part considérable des richesses créées
et les sociétés essayent de s’approprier cette richesse à travers la liquidité du
marché financier. Les décisions des investisseurs que la comptabilité doit orienter
sont celles de l’achat et revente de titres, les fusions-acquisitions, les réactions des
investisseurs face aux introductions en bourse ou de segments d’entreprises
scissionnées...Or si la majeure partie de la valeur créée provient désormais des
ressources immatérielles, c’est cela que l’on vend ou que l’on achète à travers ces
opérations et il faut pouvoir l’évaluer. L’impossibilité de le faire ne révèlerait-elle
pas toutefois un problème de légitimité ?

30
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

La question fondamentale qui se pose est de savoir comment apprécier la valeur


d’une firme dont l’actif est constitué par un brevet sur les gènes, d’une firme dont
l’actif est constitué d’éléments immatériels tels que les firmes de l’Internet, ou une
firme dont les clients sont virtuels ?

Pour ces exemples comme dans bien d’autres, l’impossibilité d’évaluer ne


questionne-t-elle pas de la légitimité de l’échange. Orsi et Coriat26 citaient l’arrêt
Chakrabarty de juin 1980 aux Etats Unis, qui autorisa pour la première fois une
entreprise, à savoir General Electric, à couvrir d’un brevet un micro-organisme.

En 1998, lors d’un entretien pour l’UNESCO, Jeremy Rifkin27 déclarait : « ...
en 1987, l’Office américain des brevets a ajouté à ses textes un paragraphe
spécifiant qu’il est désormais possible de faire breveter toute forme de vie
génétiquement modifiée, à l’exception des êtres humains à la naissance, la seule et
unique raison à cette restriction étant que la constitution des États-Unis interdit
l’esclavage. »

Selon Coriat (2002)28, le savoir, les connaissances scientifiques, et en particulier les


connaissances de base, sont considérées comme participant du bien commun.
Jusqu’à une période récente, ils ne constituaient pas un objet de propriété privée
et ne pouvaient donc ni s’acheter ni se vendre. Seules les inventions, qui se
définissent par leur « utilité », c’est à dire leur caractère appliqué et leur capacité à
générer un progrès en matière d’industrie et de commerce, pouvaient être brevetées.
Mais là encore, dans les années 1980, l’orientation de la jurisprudence américaine
s’est inversée en élargissant et en assouplissant considérablement les conditions du
dépôt de brevet.

26
Cité par Halary (2016)
27
Idem
28
Cité par Halary (2016)

31
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

De ce fait, nous posons désormais la question de l’évaluation financière des


connaissances de base, ce qui aurait été une question inconcevable il y a trente ans
et pose encore un problème de légitimité aujourd’hui.

De même, le problème se pose pour le capital humain, nous n’arrivons pas encore à
créer des catégories définies, distinctes et cessibles. L’Homme, son intelligence
individuelle ou collective, sa créativité, ses capacités relationnelles ou
organisationnelles, sa sensibilité… ne sont plus à vendre, en groupe ou isolément,
depuis 1848 en France et depuis 1865 aux Etats-Unis. Et pourtant, si les ressources
immatérielles, y compris celles qui sont indissociables des êtres humains qui
les portent, forment désormais l’essentiel des capacités productives, que vendent
les actionnaires lors d’une fusion-acquisition ?

La valeur d’une entreprise ne se limite plus à ses seuls actifs corporels. Auparavant,
on considérait que les biens corporels comme la source majeure des richesses de
l’entreprise, il semble qu’à l’ère de dématérialisation les possibilités offertes par les
incorporels attirent d’avantage.

En effet, les actifs incorporels représentent aujourd’hui une part prépondérante de


la richesse des entreprises tant au niveau de leur valeur et du potentiel de profit qui
en découle qu’au niveau de leur importance en terme de volume. Ils regroupent une
multitude de biens différents.
Il s’agit d’un bien non tangible porteur d’un potentiel de profit pour son détenteur.

Section 3 : La divulgation volontaire et utilité de l’information


financière et extra financière : fondements théoriques

32
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

3.1 Genèse

La communication volontaire est perçue par les chercheurs comme une partie
de la culture de la société et comme un processus complexe de transmission de
données importantes au marché. En effet, puisque les actions sont perçues par
le marché comme des produits assez homogènes, relativement substituables et dont
le cours peut connaître d’importantes variations, la communication financière
constitue un outil de différenciation. Un programme de communication actif
et dynamique aide à se faire remarquer par les analystes et à attirer l’attention des
actionnaires.
Rylander et al. (2000)29 affirment que le but de la divulgation d’informations sur
le CI est de fournir de l’information appropriée, fiable et opportune à ceux qui en
ont besoin pour prendre des décisions concernant leurs relations avec l’entreprise.
Selon (Williams, 2001 ; Abdolmohammadi, 2005)30 la divulgation volontaire des
informations sur le capital intellectuel peut aider aussi les investisseurs et les autres
stakeholders de mieux comprendre la capacité des entreprises à créer de futures
richesses. Dans ce sens, plusieurs rapports (AICPA, 1994 ; FASB, 2001 ; OCDE,
2006)31 et différents chercheurs (Lev, 2001 ; Holland, 2006 ; Beattie et Pratt, 2002;
Eccles et Mavrinac, 1995; Garcia Meca et al., 2005; Sonnier, 2008 ; Zeghal
et Maaloul, 2011)32 ont appelé les entreprises à divulguer d’avantage des
informations sur le capital intellectuel (le savoir-faire, les brevets, les ressources
humaines, clients, etc).

29
Cité par Beldi et al. (2014)
30
Cité par Boujlben et Affes (2014)
31
Idem
32
Idem

33
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

C’est dans ce cadre, que les chercheurs considèrent que la divulgation


d’information comptable surtout lorsqu’elle est fiable et pertinente, est une
manifestation de la transparence comptable. Rylander et al (2000)33
soutiennent que le but de la divulgation sur le capital intellectuel est de
fournir de l’information appropriée, fiable et opportune à ceux qui ont besoin de
cette information afin de prendre des décisions concernant leurs relations avec
l’entreprise.

Cependant, selon Nurunnabi, Waresul Karim et Norton (2011)34, la divulgation


seule n’assure pas complètement la transparence. Nous distinguons, la divulgation
obligatoire exigée par des prescriptions réglementaires de la divulgation volontaire
dont l’initiative appartient aux dirigeants et qui dépasse le champ réglementaire
et fait partie intégrante de la politique stratégique de communication des
entreprises.

Il est à noter que les travaux de recherche sur la divulgation volontaire


d’informations liées au CI peuvent être classés en deux catégories. La première
catégorie est de nature descriptive alors que la seconde est de nature explicative.
Les études de nature descriptive ont pour objet soit d’examiner les catégories et
sous-catégories du CI les plus divulguées par les entreprises, soit d’analyser
l’évolution dans le temps de ce reporting (Campbell et Abdul Rahman, 2010). Par
contre, les travaux de nature explicative cherchent à déterminer les facteurs
influençant la divulgation volontaire d’information sur le CI.

33
Cité par Mezghani et al. (2007)
34
Cité par Chakroun (2013)

34
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Il existe multiples assises théoriques sur lesquelles repose l’interaction entre les
mécanismes de gouvernance et la pratique de la divulgation volontaire. A cet égard,
Khlifi et Bouri (2010) concluent qu’il est convenable de mobiliser différents
fondements théoriques pour expliquer le phénomène de la divulgation volontaire
puisqu'il n'existe pas une théorie spécifique pour l’expliquer. Ces auteurs présentent
la théorie d’agence, la théorie des signaux, la théorie de l’économie politique,
la théorie de la légitimité, la théorie des parties prenantes et la théorie des coûts de
propriété comme principales explications théoriques de la divulgation volontaire.
Dans le cadre de notre travail de recherche, nous focalisons sur la théorie d’agence
et la théorie de signal qui se basent toutes les deux sur l’hypothèse de l’asymétrie
informationnelle entre le marché financier et les dirigeants des entreprises.

3.2. Utilité contractuelle dans le cadre de la théorie


d’agence

La théorie de l’agence, issue des travaux de Jensen et Mekling (1976) s’inscrit dans
le cadre de la théorie contractuelle des entreprises.

Selon Jensen et Meckling (1976) : « une relation d’agence est un contrat par lequel
une ou plusieurs personnes (le principal) engage une autre personne (l’agent) afin
d’agir en son nom et qui implique la délégation d’un droit de décision à l’agent »

A partir de cette prémisse, et en raison des divergences d’intérêts entre le principal


et l’agent, du caractère incomplet des contrats et l’asymétrie d’information ;
les relations d’agence sont génératrices de coûts d’agence et donc de perte de

35
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

valeur. Ceci étant, la théorie d’agence se penche sur les problèmes et les coûts qui
naissent des relations d’agence et la résolution de ces conflits d’agence.

Dans ce cadre, l’offre volontaire des informations peut être un terrain favorable
pour gérer les conflits d’agence.

En effet, les intérêts du dirigeant et ceux des actionnaires ou leurs objectifs


respectifs de maximisation de l’utilité (sous forme d’avantage en nature) et de
maximisation de la richesse sont nettement contradictoires. Pour limiter les conflits
d’intérêts qui peuvent naître entre les dirigeants et les actionnaires d’une part, et
entre les créanciers et les actionnaires d’autre part, on fait appel à la divulgation
volontaire d’informations.
En diffusant les informations nécessaires à l’évaluation du respect des engagements
contractuels vis-à-vis des investisseurs, le dirigeant va mettre en confiance ces
derniers en leur montrant qu’il décide au mieux à leurs intérêts.
De ce fait, les investisseurs seront plus capables à évaluer le degré du respect des
contrats de la part des dirigeants et donc mieux habiles à estimer la valeur réelle de
la firme.

De plus, l’objet de l’entreprise est de maximiser la création de valeur financière


pour ses actionnaires. Il est donc nécessaire qu’elle fournisse des informations
aidant à la maximisation de l’actualisation des cash-flows futurs attendus, ce qui
détermine les cours des titres et le coût du capital. Or, souvent, il existe un écart
entre valeur boursière et valeur attribuée en interne en raison de l’asymétrie
informationnelle (Caby et Hirigoyen, 1997)35.
Amihud et Mendelson (1986)36, ont démontré que, lorsque l’écart entre le cours de
vente et le cours d’achats d’un titre (bid-ask spread) est élevé, les investisseurs

35
Cité par Michailesco (2001)
36
Cité par Ammar (2013)

36
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

demandent une compensation pour les coûts de transactions supplémentaires qu’ils


engagent ; ce qui a pour effet d’augmenter le coût de capital. C’est ainsi que
la divulgation excédentaire réduit la composante « sélection adverse » de la
liquidité du titre, ce qui permet par conséquent de réduire le coût de capital.

Autrement dit, il existe un effet de seuil, selon lequel, la divulgation des


informations privées, jusqu'à un certain seuil, aura pour effet d’améliorer la
liquidité des titres et d’augmenter la demande en titres risqués de la part des
investisseurs. Ce qui entraîne une hausse des prix, et par
conséquence une réduction du coût de capital. Toutefois, au-delà de ce seuil, la
divulgation supplémentaire des informations privées aura un effet inverse qui se
manifeste par une augmentation du coût de capital.

Plusieurs auteurs ont démontré que le coût de capital augmente avec l’asymétrie
d’information. Ainsi, le problème de sélection adverse résultant de l’asymétrie
d’information entre les acteurs sur le marché financier a pour effet d’augmenter
l’asymétrie d’information entre les investisseurs, la fourchette des prix et les coûts
de transactions. Cela a pour conséquence un manque de liquidité des titres, que les
investisseurs vont chercher à y compenser et il en résulte également une hausse du
coût de capital.

Faute d’une information pertinente diffusée par les entreprises sur leur capital
immatériel, celles-ci seront mal valorisées sur le marché, ce qui accroît le coût de
capital et peut entraver leur croissance dans le futur.
En effet, l’information volontaire sur le CI peut aider à une meilleure perception de
la valeur de l’entreprise par les investisseurs vu qu’elle permet, en particulier,
d’expliquer l’écart devenu significatif entre la valeur comptable des entreprises
et leur cours boursier et permet ainsi d’attirer de nouveaux investisseurs.

37
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Par ailleurs, Michailesco et Sranon-Boiteau (2003)37 soulignent que « La diffusion


est un instrument de dialogue susceptible d’établir l’équilibre entre le système de
valeur de l’entreprise et celui de l’environnement dans lequel elle évolue.
Ce dialogue est indispensable pour la survie de l’entreprise. Plus les parties
prenantes sont puissantes et plus l’entreprise doit s’adapter par le moyen de
diffusions sociales. Le capital immatériel, de par ses diverses composantes, permet
d’atteindre plusieurs catégories de parties prenantes : les salariés et les syndicats (à
travers le capital humain), les clients (par le moyen du capital client)».

Notons aussi que le débat autour du sujet traitant l’association entre le politique de
divulgation des informations comptables et financières et le coût de capital, est utile
aux experts comptables dans le cadre de leurs missions d’audit financiers.
Ainsi, l’auditeur sert de contrepouvoir à tout comportement opportuniste et
intéressé de la part des dirigeants. En effet, une qualité appréciée d’audit permet de
garantir la fiabilité des données comptables diffusées et permet aux utilisateurs,
notamment les investisseurs à risque, d’y faire confiance.

3.3. Utilité décisionnelle dans le cadre de la théorie de


signal

Outre la théorie d’agence, la panoplie des investigations relatives à la diffusion


volontaire d'information s’est référée aux apports de la théorie de signal afin
d’expliciter les motifs de communication des informations non mandatées.
La question est alors de savoir si l’information volontaire sur le capital immatériel

37
Cité par Dammak et al. (2009)

38
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

est susceptible d’agir comme un signal pour résoudre le problème induit par
l’asymétrie d’information.

La théorie du signal est fondée sur la conviction que l'information est inégalement
partagée (asymétrique), entre les dirigeants d'une entreprise disposant notamment
d'une information supérieure aux actionnaires. En émettant des signaux, l’entreprise
communique sa situation financière, sa performance globale et ses perspectives
futures.
La théorie du signal impose la transparence. La transparence repose sur l’idée que
toute information significative doit être communiquée au marché le plus
rapidement possible. C’est le concept de « fair disclosure » des anglo-saxons.

Etant donné sa qualité de mandataire, le dirigeant possède certaines informations


privées sur les perspectives de rentabilité de son entreprise.

Si de telles informations ne sont pas publiées, le marché financier risque de mal


évaluer la firme. De ce fait, le dirigeant sera incité à suivre une politique de
publication efficace des informations afin de signaler une qualité meilleure de son
entreprise.

Ainsi, l’information est utilisée pour réduire l’incertitude liée aux cash-flows de
l’entreprise et améliorer les décisions. La publication volontaire d’information
répond alors à une demande tacite des investisseurs. Par conséquent, les sociétés
sont donc tenues de satisfaire cette demande si elles veulent obtenir de bonnes
conditions de financement, autrement dit réduire leur coût de capital.

En effet, étant donné que les entreprises se concurrencent sur le marché de


capitaux, les dirigeants sont incités à signaler la qualité de leur entreprise aux
investisseurs qui cherchent à évaluer concrètement les titres proposés.

39
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

L’information est ainsi utilisée pour réduire l’incertitude liée aux cash-flows de
l’entreprise et dans le but d’améliorer les décisions d’investissement. Selon une
étude de PwC menée en 2004, les analystes qui obtiennent des rapports avec les
données financières seulement donnent plus souvent des recommandations de vente
alors que les analystes ayant obtenu les rapports complets conseillent plus
facilement d’acheter.

Pour qu’un signal soit efficace, il faut que son imitation par des entreprises de
« moins bonne qualité » ne soit pas profitable.
La théorie des signaux postule que si les dirigeants des firmes les plus performantes
ne divulguent pas toutes les informations privées qu’ils disposent, les investisseurs
jugent la qualité des produits financiers (actions, obligations,…) offerts par ces
firmes en fonction de la qualité moyenne : effet d'anti-sélection, selon lequel
la mauvaise qualité chasse la bonne. Le phénomène d’anti-sélection stimule
les dirigeants à signaler la qualité de leur firme aux investisseurs qui cherchent
à juger convenablement la valeur des produits proposés.

Selon Béjar (2007)38, la publication d’informations sur le capital immatériel doit


bien évidemment correspondre à un effort de la part de l’entreprise pour pouvoir
différencier les entreprises en fonction de leur qualité. Cet effort doit être
compréhensible par les investisseurs pour jouer pleinement le rôle de signal.
Demers et Lev (2001) constatent que les entreprises qui ne communiquent pas sur
leur valeur immatérielle sont particulièrement perdantes notamment lorsque
le marché est en baisse, la non communication est traduite par les investisseurs
comme étant un mauvais signal.

38
Cité par Dammak et al. (2009)

40
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

En conclusion, on peut dire qu’à travers une publication volontaire rigoureuse


d’informations, le dirigent émet un signal qui peut avoir un impact sur d’autres
variables inhérentes à la firme tel que son coût de capital et son risque.
Ces conclusions ont été déjà suggérées par le comité Jenkins en 1994. Ce comité
spécial du rapport financier de l’A.I.C.P.A ; formé en 1991 et dont sa mission est
d’étudier la nature et l’étendue des informations publiées par les entreprises
américaines ; a déclaré que les firmes qui divulguent plus d’informations réduisent
leur coût de capital.

A la lumière de ces études, qui mettent en avant aussi bien la capacité de


l’information volontaire à gérer les conflits d’agence que sa valeur signalétique,
il n’en demeure pas moins que les informations sur le capital immatériel,
soient susceptibles de donner plus d’envergure et de crédibilité aux informations
synthétisées dans les états annuels. Toutefois, toute chose étant égale par ailleurs,
ceci ne se produit pas sans coût.

3.4 Les bénéfices et obstacles de la divulgation volontaire


d’informations sur le capital immatériel

La divulgation volontaire d’informations sur le capital immatériel permet


incontestablement aux investisseurs de se forger une idée plus précise sur les
facteurs clés de succès, ce qui facilite, par conséquent, le travail de prévision des
flux de trésorerie futurs. Si certains avantages peuvent donc être escomptés par les
entreprises, il faut cependant admettre que divers coûts et risques sont également
associés à de telles divulgations. Dès lors, dans le cadre d’une analyse avantages-
coûts, il est possible que la divulgation volontaire d’informations ne se révèle pas
toujours judicieuse.

41
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

3.4.1 Les bénéfices escomptés de la divulgation volontaire


d’informations sur le capital immatériel

Les divulgations volontaires génèrent indiscutablement certains bénéfices,


dans la mesure où elles conduisent à une augmentation de la valeur des entreprises
cotées en bourse (Zéghal et Maaloul, 2010)39.

Darrough et Stoughton (1990)40, Teoh et Hwang (1991)41 et Newman et Sansing


(1993)42 considèrent que l’information volontairement divulguée par une entreprise
est utile, à la fois aux investisseurs pour mesurer la valeur boursière,
et aux concurrents potentiels pour décider de se lancer, ou non, sur le marché.
L’impact sur les acteurs étant contradictoire, les stratégies de publication volontaire
reposent sur un compromis entre les effets escomptés. Dans ce cadre, les études
révèlent qu’il existe une situation d’équilibre dans laquelle les dirigeants ont plutôt
intérêt à publier de mauvaises nouvelles pour dissuader les nouveaux entrants
potentiels, l’information publiée laissant supposer que le profit attendu sera
inférieur au coût d’entrée.

Amir et Lev (1996)43 constatent que l’information non-financière est pertinente


pour l’évaluation des actions des entreprises américaines évoluant dans le secteur
de la téléphonie mobile. Par ailleurs, Xu et al. (2007)44 confirment la
pertinence de l’information financière quand des informations non-financières sur

39
Cité par Bessieux-Ollier et al (2014)
40
Cité par Guyot (2010)
41
Idem
42
Idem
43
Cité par Guyot (2010)
44
Idem

42
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

le capital immatériel sont introduites dans leur modèle d’évaluation, pour des
entreprises américaines évoluant dans le secteur de la biotechnologie.

Yu et al. (2009)45 mettent en évidence que l’intégration de l’information non-


financière, ajoutée à l’information financière, augmente le pouvoir explicatif de
leur modèle d’évaluation, pour des entreprises taïwanaises évoluant dans le secteur
des technologies d’information. Les recherches mettant en œuvre d’autres
méthodes d’investigation obtiennent des résultats similaires. Par exemple, Petty et
al. (2008)46 ont administré un questionnaire auprès d’un groupe d’experts financiers
utilisant des informations liées au capital immatériel. Ces professionnels
considèrent qu’une divulgation accrue d’informations sur le capital immatériel est
suivie d’une augmentation du prix de l’action de l’entreprise.
Par ailleurs, l’établissement et la diffusion d’indicateurs sur les composantes du
capital immatériel permettant d’offrir une information sur les facteurs de
performance susceptibles de créer de la valeur dans l’avenir c'est-à-dire sur les
potentialités à venir de l’entreprise. Ces indicateurs sont qualifiés, par Edvinsson
et Malone d’indicateurs de recommandation d’achat de titres et de prévision de
rendement à court terme. De même, une étude menée par Wang (2008)47 sur 893
entreprises électroniques (S&P 500) entre 1996 et 2005 a prouvé l’existence d’une
relation significative entre la divulgation relative au capital intellectuel et la valeur
de l’entreprise sur le marché financier. Orens et al. (2009)48 ont confirmé ces
résultats sur un échantillon d’entreprises européennes en montrant que la valeur de
l’entreprise sur le marché financier est positivement associée avec le niveau de
divulgation des actifs intangibles sur son site web.

45
Idem
46
Idem
47
Cité par Boujelben et Affes (2014)
48
Idem

43
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

3.4.2 Les obstacles de la divulgation volontaire


d’informations sur le capital immatériel

A la lumière des résultats précédents, il semble difficile de nier l’existence de


bénéfices associés à des divulgations volontaires d’informations sur le capital
immatériel. Il est cependant fort probable que de nombreux coûts et risques
résultent de telles divulgations (Garcia-Meca et al., 2005)49.

La divulgation d’information sur le capital immatériel constitue un véritable moyen


de signalisation dont disposent les dirigeants de l’entreprise. Toutefois, cette
divulgation ne se justifie du point de vue économique que si l’avantage procuré
est plus important que l’inconvénient occasionné. Ainsi, les dirigeants peuvent
ne pas diffuser de l’information sur le capital immatériel pour plusieurs raisons.
En effet, quatre problèmes essentiels se posent :

- L’entrave de la transparence
Le principal coût de la divulgation volontaire du capital immatériel est le coût
relatif à la révélation d’informations stratégiques aux concurrents. Puisque
l’information divulguée dans les rapports annuels est publique, les concurrents
peuvent l’utiliser pour leurs propres objectifs (Vergauwen et Van Alem 2005)50.
Selon Verrecchia (1990)51, la révélation d’informations sensibles peut causer des
externalités négatives et désavantager l’entreprise par rapport à ses concurrents. Par
ailleurs, Skinner (2008)52 note que des « coûts de propriété » relativement élevés
peuvent être attachés à de telles divulgations, c’est-à-dire des coûts résultant de
49
Cité par Bessieux-Ollier et al (2014)
50
Cité par Boujelben et Affes (2014)
51
Idem
52
Cité par Bessieux-Ollier et al (2014)

44
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

l’utilisation par les concurrents des informations pertinentes sur


l’activité de l’entreprise.

- Les coûts matériels


Lors de la divulgation volontaire du capital immatériel, l’entreprise supporte des
coûts appelés coûts matériels tels que les coûts de collecte, de traitement
et d’interprétation des informations.

- Les obstacles réglementaires (les risques de méprises et de poursuites


accrus)
La divulgation volontaire de certaines informations relatives au capital immatériel
peut, dans certains cas, nuire de façon injustifiée à l’image de l’entreprise.
Ainsi, les dirigeants peuvent s’abstenir de divulguer telle information parce que
cette divulgation peut donner lieu à des coûts de litige ou à des coûts politiques.

 Les coûts de litiges : la divulgation volontaire de certaines


informations risque de donner lieu à des poursuites judiciaires si ces
informations s’avèrent fausses. Donc, les gestionnaires doivent
s’assurer qu’ils font des divulgations fondées et justes.

 Les coûts politiques : les coûts politiques se référent généralement


aux effets d’être très visible au public et à certains groupes de pression
(Syndicats, organismes gouvernementales, etc).

- Le conservatisme de l’auditeur
Les auditeurs peuvent exprimer, en particulier, un comportement conservateur
à l’audit pour protéger leur capital relationnel et éviter tout risque de contentieux.

45
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Le conservatisme peut être clairement affirmé dans la divulgation volontaire du


capital immatériel, à cause de l’absence de standards dans ce domaine (Vergauwen
et Van Alem 2005)53.
L’auditeur supporte le minimum du risque quand les états financiers audités se
référant à des réglementations comptables et des normes d’audit. Mais, dans le cas
contraire c'est-à-dire en l’absence de référence comptable obligatoire (cas de la
divulgation volontaire), le risque d’audit est plus élevé.
De plus, Skinner (2008)54 rappelle que de nombreuses informations divulguées sont
spécifiques à l’entreprise ou à son secteur, ce qui rend difficile leur standardisation.
Or, l’absence de standardisation est synonyme d’accroissement des coûts d’analyse
des informations. Certes, les régulateurs pourraient proposer des standards, mais
ceux-ci seraient nécessairement très généraux pour pouvoir prendre en compte
la grande variété d’informations spécifiques aux entreprises ou aux secteurs.
Par conséquent, de tels standards conduiraient probablement à la divulgation
d’informations peu pertinentes et entachées de platitude.

Néanmoins, une communication superficielle qui manque de précision aura des


effets néfastes sur la réputation de l’entreprise et augmentera son coût de capital,
la communication financière doit rester très précise, très attachée aux chiffres et à
la réalité économique. Si elle ne respecte pas ces règles, sa crédibilité diminue et
son utilité peut être effectivement remise en cause.

Ceci étant, un arbitrage doit être instauré sur le contenu de la diffusion en fonction
des différents coûts directs (coûts de la diffusion) et indirects impliqués (coût de

53
Cité par Boujelben et Affes (2014)
54
Cité par Bessieux-Ollier et al. (2014)

46
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

propriété, coûts politiques, sociétaux, médiatiques, coûts d’agence, etc.) comparés


aux bénéfices potentiels en terme de coût du capital, d’image de l’entreprise.

Sur la base de cette revue de la littérature, nous pouvons conclure que les
investisseurs perçoivent les immatériels comme des sources de création de valeur,
bien qu’ils ne soient pas présents dans la valeur comptable de la société, et que la
différence qui existe entre la valeur de marché et la valeur comptable des sociétés
peut alors être une conséquence de cette non prise en compte. Ceci pourrait
indiquer que l'évaluation d'une société par le marché repose en grande partie sur
des facteurs qui ne sont pas reconnus comptablement, même si d'autres raisons
peuvent expliquer la différence entre la valeur comptable et la valeur de marché,
comme la sous-évaluation des immobilisations corporelles, due au principe du coût
historique.

Par ailleurs, les indicateurs financiers mesurent le passé alors que les investisseurs
doivent se concentrer sur la performance future, pour y remédier, les dirigeants
optent pour la divulgation volontaire d’informations sur le capital intellectuel.

L’objectif d’une communication volontaire est alors d’assurer un niveau élevé


d’information sur les performances non financières, cette communication est
perçue par les chercheurs et les professionnels des marchés financiers comme un
outil stratégique qui permet de baisser le coût de capital, améliorer la qualité des
relations avec les partenaires, renforcer l’image ; et mettre l’accent sur l’actif
immatériel.

Le chapitre suivant focalise sur les capacités des sociétés à définir, classifier
et mesurer leur actif immatériel.

47
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Chapitre 2 : Evaluation du capital intellectuel : du difficile à


l’inconcevable

Selon la théorie financière moderne, l’objectif de l’entreprise est de créer de la


valeur pour les actionnaires sous la contrainte d’une maîtrise des risques. La
littérature nous fournit une variété d’études concernant le rôle de l’actif immatériel
dans cette création de valeur telles que les études de Deiaco et al, (1990)55 et de
Miller (1999)56 qui ont démontré que le nombre et le volume des investissements
dans l’actif immatériel augmentent constamment dans la plupart des économies des
pays développés, en développement et émergents.

55
Cité par Guyot (2010)
56
Idem

48
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

L’évaluation et la comptabilisation des immatériels sont une source de vives


controverses et de débats depuis de nombreuses années. Il est effectivement très
difficile de définir et de valoriser objectivement les profits économiques futurs.
Même si le concept a été clarifié depuis la mise en place des normes comptables
internationales (IAS 38, IFRS 3 et SIC 32), et la NCT 06 et 20 pour le contexte
tunisien ; il reste encore relativement flou.

En effet, la comptabilité et la finance estiment que la subjectivité est associée à la


valorisation des profits économiques futurs sur des éléments immatériels, et qu’en
conséquence cette valeur ne peut pas être inscrite fidèlement et avec pertinence
dans le bilan des entreprises.
Aujourd’hui, l’économie repose en grande partie sur les immatériels. Il faut alors
reporter ces actifs dans les états financiers pour donner aux actionnaires et aux
investisseurs une image fidèle des sociétés. Ce rôle incombe à la comptabilité,
or, celle-ci n’y parvient plus. Des marques ou des droits sur un brevet peuvent
représenter dans certains cas la source principale de création de valeur d’une
société, par exemple dans les secteurs des cosmétiques, du luxe, de la
biotechnologie ou des logiciels. Toutefois, ces éléments sont peu représentés dans
les états financiers.

Au niveau de ce chapitre, nous présentons dans la première section les composantes


du capital intellectuel à savoir le capital humain, relationnel et structurel ; ainsi que
les enjeux de reconnaissance et de prise en compte au niveau de la deuxième
section. Quant à la troisième section, nous traitons le capital humain en tant que
premier pilier du capital intellectuel.

49
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Section 1 : Notions de base

1.1 Genèse

Les premières réflexions économiques sur le CI datent du début du XX siècle.

Le concept du CI, introduit par l’économiste John Kenneth Galbraith en 1969 57,
se réfère à la différence entre la valeur marchande et la valeur comptable
d’une entreprise.
Les premiers travaux de recherche sur l’actif immatériel et son rôle au sein de
l’entreprise datent des années 80 et viennent du Japon. En 1980, Hiroyuki Itarni
publie son étude « Mobilisation des actifs invisibles ». Ensuite en 1986, Karl-Erik
Sveiby présenté comme l'un des «pères fondateurs» de la gestion du savoir

57
Cité par Beldi et al. (2014)

50
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

« Knowledge Management » a publié son premier livre sur le capital intellectuel.


Dans les années qui suivent, il a publié « The Invisible Balance Sheet » en 1989
et « Knowledge Management » en 1990 considéré comme le fondement des
sciences sur l’actif immatériel.

Sveiby (1986)58 introduit la notion du « bilan invisible » qui est un complément au


bilan traditionnel et regroupe les données sur l’actif immatériel. Le chercheur
organise sa classification autour de trois axes : compétences individuelles, structure
interne et structure externe.

En 1991, Lief Edvinsson, le Directeur du Capital Intellectuel de la compagnie


d’assurance suédoise Skandia AFS, introduit le premier modèle de reporting sur
l’actif immatériel dans la pratique professionnelle. Le premier supplément aux
rapports financiers concernant la performance de l’actif immatériel est produit
par l’entreprise en 1995. Il regroupe le capital intellectuel en trois catégories :
capital structurel, capital humain et capital client.

En 1999, Patrick Sullivan, Gordon Petrash et Leif Edvinsson lancent l’initiative


« Intellectual Capital Management Gathering » dont l’objectif est d’encourager les
entreprises à partager et à utiliser l’information sur l’actif immatériel ; l’année
2000, était marquée par la création d’un centre de recherche sur l’actif immatériel
à l’Université de New York par Baruch Lev où il mène des projets de recherche sur
l’évaluation du capital immatériel et les mesures de sa performance.
A partir des années 2000, plusieurs publications ont vu le jour, et l’actif immatériel
est devenu le sujet de nombreux débats économiques, fiscaux et comptables.

58
Cité par Guyot (2010)

51
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

En effet, il est difficile d’avancer une définition précise et exacte de l’actif


immatériel, il n’existe pas une définition précise et communément admise de
l’investissement immatériel en raison de l’hétérogénéité des domaines touchés et de
l’absence d’un cadre conceptuel (références normatives ou techniques) clairement
défini concernant cette notion.

Le consensus sur son rôle dans la création de valeur et comme étant une source
d’avantage compétitif a donné lieu à la publication de nombreuses publications sur
la nécessité d’élaborer un cadre de référence pour l’identification, la mesure,
l’évaluation et la divulgation d’informations sur le capital intellectuel.

Nous essayons dans ce qui suit de présenter quelques définitions en suivant un


ordre chronologique décroissant.

Selon Roos et al. (1997)59 : "Le capital intellectuel inclut tous les processus et les
actifs qui ne sont pas normalement indiqués sur le bilan, et les actifs incorporels
(marques, brevets et marques) que les méthodes comptables modernes prennent en
compte ... ".

Lev et al. (2001)60 définissent l’actif immatériel comme une source d’avantages
futurs qui n’a pas de forme matérielle.

Alors que tel que défini par Marr, Schiuma et Neley (2004), IC est un groupe
d’actifs de connaissances qui sont des éléments de l’organisation et ajoutent de la

59
Cité par Falikhatun et al.
60
Cité par Guyot (2010)

52
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

valeur afin de construire un positionnement concurrentiel pour identifier les parties


prenantes clés.61

Hersovici (2006) s’oppose à la reconnaissance de l’immatériel en tant qu’actif.


Il propose d’interpréter l’immatériel à travers les flux qu’ils génèrent. Il constate
que la plupart des ressources ne peuvent être ni possédées ni contrôlées. La société
peut uniquement profiter de ces ressources pour générer des bénéfices. L’utilisation
de ces ressources génèrerait des charges et apporterait des bénéfices. En revanche,
la perception de l’actif comme une source de charges et de bénéfices doit être
interprétée dans l’ensemble de son contexte temporel.

Comme l'ont indiqué Davey, Schneider et Davey (2009), «le capital intellectuel est
de plus en plus reconnu comme l'atout le plus important pour la performance des
entreprises et la base du leadership et de la différenciation du marché».

Certains chercheurs (Ghosh et Wu, 2007 et Martín-de-Castro et al., 2011)


soutiennent que l'IC est un facteur clé de création de valeur pour les entreprises
à atteindre et à maintenir un avantage concurrentiel.

Selon An et al. (2015) : L’IC, dans les domaines de la recherche et du


développement (R & D), des technologies de l'information, de l'image de marque,
des relations avec la clientèle, des collaborations commerciales, des compétences
des employés… a remplacé le capital physique et financier comme moteur de
valeur pour les entreprises modernes.

En outre, la revue de la littérature montre que l’IC a été classé de diverses manières
parce que plusieurs cadres ont été développés pour mesurer et rendre compte de
l’IC (Abeysekera 2008; Abeysekera et Guthrie 2005).62 En effet, les premières

61
Cité par Azman et Kamaluddin (2012)
62
Cité par Azman et Kamaluddin (2012)

53
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

conceptualisations du capital intellectuel qui a germé à la fin des années 1990,


identifient essentiellement trois composantes principales : le capital humain,
le capital client (également connu en tant que capital externe ou capital relationnel),
et le capital structurel ou capital interne (Saint-Onge 1996; Bontis, 1999; Allee ,
2000).63

Il est à noter que Brooking en 1996 était le pionnier de développer un modèle cadre
de l’IC qui classe les composantes de l’IC en trois catégories, puis ce cadre a été
modifié par d’autres auteurs (Sveiby 1997 ; Kaplan et Norton 1992, Edvinsson
et Malone 1998).64

Ceci étant, et en s’inspirant des travaux de Lionel ESCAFFRE (2002) qui a repris
la typologie de l’IFAC (international federation of accountants) en 1996,
nous essayons de présenter une cartographie du capital immatériel.

En effet, la réflexion de l’IFAC sur le capital intellectuel repose sur l’hypothèse


suivante :
« Le commerce international dans les secteurs fondés sur les connaissances est
cinq fois plus important que celui des secteurs basés sur l’exploitation des
ressources naturelles. Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur la définition des
connaissances, il y a un degré élevé d’adhésion à l’idée que les connaissances
sont un facteur clé pour la compétitivité des entreprises, et qu’il faut les considérer
comme un actif incorporel à définir, à identifier, à mesurer et à gérer.»65

Figure 5 : Typologie de l’IFAC de l’IC

63
Cité par Gibb et Blili (2012)
64
Cité par Azman et Kamaluddin (2012)
65
Cité par Escaffre (2002)

54
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Cette même typologie a été reprise par l’OCDE dans le cadre d’une étude publiée
en 2006 et intitulée « intellectual assets and value creation reporting » et l’IFAC.
- Le capital humain

Selon Escaffre (2002), il se compose des talents et des compétences de chacun des
salariés et managers de l’entreprise.

C’est "l'ensemble des capacités productives qu'un individu acquiert par


accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc."

Dans la littérature, le capital humain est constitué de composantes telles que


les connaissances, l’expertise, les compétences, l’expérience, la créativité, le travail
d’équipe, la loyauté, la formation et l’éducation, la capacité de résolution des
problèmes ; et la motivation des personnes (Cohen et Kaimenakis 2007, Hormiga,
Batista-Canino, et Sanchez-Medina 2011, Hsu et Fang 2009, Jacobsen, Hofman-
Bang, et Nordby 2005, Johanson 2005).

Par conséquent, le capital humain est constitué de l’ensemble des connaissances


tacites incorporées dans la société.

55
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Selon Burlaud (2000), au sein de l’entreprise, le capital humain tisse des liens
féconds tant avec le capital organisationnel (compétences collectives, routines
organisationnelles, culture d’entreprise) qu’avec le capital relationnel (capital
confiance auprès des clients, fournisseurs et investisseurs).
Sullivan (2000)66, évoquent la notion du capital intellectuel. Le terme « capital »
impose une rupture avec la pensée comptable. Par l’introduction du terme
« intellectuel », les chercheurs mettent l’accent sur l’importance des compétences
humaines dans la création de la richesse immatérielle de l’entreprise. Le savoir-
faire, les brevets, l’éducation du personnel, leur motivation, les relations avec les
clients et les partenaires existent et peuvent être exploitées grâce aux
compétences humaines. Sans facteur humain, la société ne peut pas fonctionner.

- Le capital relationnel

Selon Escaffre (2002), il s’agit du fonds de commerce et des relations que


l’entreprise entretient avec ses clients et ses fournisseurs ; et selon Sydler et al.
(2013), le capital relationnel est la valeur des relations d’une entreprise avec les
personnes et les organisations avec lesquelles elle exerce ses activités (Cabrita et
Bontis 2008, Hormiga et al. 2011, Longo et al. 2009). Ce capital comprend les
relations avec les intervenants externes, les réseaux avec les fournisseurs, les
distributeurs, les partenaires, les relations clients (l’image de marque,
la loyauté…) et la marque (attitude, préférence, la réputation, la notoriété)
(Jacobsen et al. 2005 ; Marr, Schiuma, et Neely 2004; Payne, Christopher, Peck,
et Clark 1995; Roos et Roos 1997).

66
Cité par Guyot (2010)

56
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

- Le capital structurel

C’est l’atout intellectuel qui reste lorsque les employés quittent l’entreprise, d’où le
capital structurel est indépendant des individus, et est généralement explicite
(Chen, Lin et Chang 2006, Hormiga et al 2011 ; Longo, Mariani et Mura 2009).

Le capital structurel appartient à l’organisation dans son ensemble et peut être


rapporté et partagé (Cohen et Kaimenakis 2007, Longo et al. 2009).

Le capital structurel comprend des propriétés intellectuelles comprenant des


brevets, licences, marques… (Chen et al. 2006, Edvinsson 1997, Jacobsen et al.
2005, Marr et Roos 2005, Subramaniam et Youndt 2005).

Il est formé des procédés, systèmes et organisations offrant la possibilité


d’accumuler, de mémoriser et de transmettre le savoir-faire. Les synergies
développées à l’intérieur de l’organisation contribuent significativement
à l’innovation de l’entreprise.

Par ailleurs, la revue de la littérature montre qu’il existe différentes approches pour
quantifier les différentes composantes du capital intellectuel (approches financières
et non financières).

Section 2 : Un enjeu de reconnaissance et de prise en compte

2.1. Un enjeu de reconnaissance

Les principes comptables vont à la fois en faveur et contre la reconnaissance des


immatériels en tant qu’actifs. Il est à noter que les normes les comptables utilisent
le terme ‘incorporel’ pour désigner tous les actifs sans substance physique.

57
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Selon l’OCDE, un actif incorporel désigne « une chose qui n’est pas un actif
corporel ni un actif financier qui peut être possédée ou contrôlée aux fins
d’utilisation dans le cadre d’activités commerciales, et dont l’utilisation ou le
transfert serait rémunéré s’il avait lieu dans le cadre d’une transaction entre parties
indépendantes dans des circonstances comparables.»

Plusieurs règles jouent en sens inverse. Ainsi, selon le principe de séparation des
exercices, la reconnaissance des actifs incorporels autorise leur amortissement sur
la période pendant laquelle ils génèrent des profits économiques ; toutefois, selon
le principe de prudence tant que les profits économiques générés par les actifs
incorporels ne sont pas certains, les coûts doivent être passés en charges dans
la période où ils apparaissent. Il s’agit d’un véritable paradoxe comptable.

Figure 6 : La reconnaissance des actifs immatériels

Source : ISIS (2013), "la valorisation de l’immatériel dans le service "

58
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

2.1.1 Principes comptables en matière d’identification

Nous allons tenter d’expliciter, dans ce qui suit la définition d’un actif incorporel
selon le référentiel comptable aussi bien tunisien qu’international, et dans quelles
situations une telle immobilisation devrait être inscrite dans l’actif d’une société
conformément aux dits référentiels comptables.

Conformément à la norme IAS 3867 « Une immobilisation incorporelle est un actif


non monétaire identifiable sans substance physique. »
Toujours selon la même norme : « Un actif est une ressource contrôlée par une
entité du fait d’événements passés ; et à partir de laquelle on s’attend à ce que des
avantages économiques futurs reviennent à l’entité. »

L’IAS 38 définit : « Les actifs monétaires sont l’argent détenu et les actifs à
recevoir en argent pour des montants fixes ou déterminables. »
L’IAS 38 précise aussi : « Il est fréquent que les entités dépensent des ressources
ou assument des passifs pour l’acquisition, le développement, le maintien ou
l’amélioration de ressources incorporelles telles que des connaissances
scientifiques ou techniques, la conception et la mise en place de nouveaux procédés
ou systèmes, licences, propriété intellectuelle, connaissance du marché et marques
commerciales (y compris les noms de marque et les titres de publication). Des
exemples courants d’éléments incorporels entrant dans ces rubriques générales sont
les logiciels, brevets, droits de reproduction, films cinématographiques, listes de
clients, droits de service des prêts hypothécaires, licences de pêche, quotas

67
Norme comptable internationale «Immobilisations incorporelles », IAS 38.

59
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

d’importations, franchises, relations avec les clients ou les fournisseurs, fidélité des
clients, parts de marché et droits de distribution. »

Selon la NCT 0668 : «Les éléments incorporels se définissent comme étant des
actifs non monétaires identifiables, sans substance physique et qui répondent aux
critères suivants :

 ils sont obtenus ou contrôlés par une entreprise pour être utilisés à la
production ou à la fourniture de biens ou services, pour être donnés en
location à des tiers, ou pour être utilisés pour les besoins propres de
l'entreprise ;
 ils ont été acquis, créés ou mis en valeur en vue d'être utilisés pendant plus
d'une période comptable ; et

 ils ne sont pas destinés à être vendus dans le cours normal des affaires.

Néanmoins, tous ces éléments ne répondent pas toujours à la définition d’une


immobilisation incorporelle qui suppose un caractère identifiable, le contrôle d’une
ressource et l’existence d’avantages économiques futurs.

En effet, l’IAS 38 identifie les trois critères cités ci-dessous.

A- Caractère identifiable : « Un actif satisfait au critère d'identifiabilité lorsqu'il :

- est séparable, c'est-à-dire qu'il peut être séparé de l'entité et être vendu,
transféré, concédé par licence, loué ou échangé, soit de façon individuelle,
soit dans le cadre d'un contrat, avec un actif ou un passif lié ; ou
- résulte de droits contractuels ou d'autres droits légaux, que ces droits soient
ou non cessibles ou séparables de l'entité ou d'autres droits et obligations. »
68
Norme comptable tunisienne «Immobilisations incorporelles », NCT 06.

60
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

L’immobilisation doit être identifiable pour la distinguer du goodwill.69

B- Contrôlé par l’entreprise : « Une entité contrôle un actif si elle a le pouvoir


d’obtenir les avantages économiques futurs découlant de la ressource sous-
jacente et si elle peut également restreindre l’accès des tiers à ces
avantages. »

Le contrôle résulte de droits légaux qu’une entité peut faire appliquer par
un tribunal.

Toutefois, la notion de droit légal ne doit pas être confondue avec la notion de
contrôle. Le droit légal est une condition suffisante mais non nécessaire pour
affirmer qu’une entreprise dispose d’un contrôle sur les revenus futurs de l’actif car
elle peut, théoriquement, disposer d’un contrôle d’une autre façon. En effet, en
l’absence de ce droit légal, la démonstration du contrôle sera plus difficile.

C- Avantages économiques futurs : « Les avantages économiques futurs


résultant d’une immobilisation incorporelle peuvent inclure les produits
découlant de la vente de biens ou de services, les économies de coûts ou
d’autres avantages résultant de l’utilisation de l’actif par l’entité. »

Pour être comptabilisé à l’actif selon les US GAAP, un élément doit remplir
les conditions suivantes :
- correspondance à la définition d’un élément inclus dans les états financiers
- mesurabilité de manière fiable
- utilité de l’information pour les décisions des lecteurs des états financiers
- fiabilité et neutralité de l’information.

69
Selon l’IFRS 3 « Regroupements d’entreprises » Actif représentant les avantages économiques futurs résultant
des autres actifs acquis lors d’un regroupement d’entreprises qui ne sont pas identifiés individuellement
et comptabilisés séparément.

61
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Les normes américaines sont les plus orientées vers les besoins des investisseurs.
Le 3ème critère prouve l’importance attribuée à ce type d’acteur.

De ce qui précède on peut déduire que les actifs immatériels sont très peu
présents dans les bilans des entreprises car ils sont complexes à appréhender, à
maitriser ou à mesurer avec les outils dont on dispose actuellement.

Ces actifs immatériels possèdent néanmoins une valeur économique certaine,


qui contribue au succès de nombreuses entreprises.

2.1.2 Aspect juridique de la notion des incorporels

Le droit de la propriété intellectuelle semble, quant à lui, ne pas définir


les incorporels en général, mais procéder à différentes classifications, dont la plus
générale est celle distinguant entre la propriété industrielle (brevet, marque, savoir-
faire technique…) et la propriété littéraire et artistique (droits d’auteur…),
et prévoir pour chacune un régime particulier.

Les biens incorporels peuvent faire l’objet de différentes protections juridiques


regroupées sous le qualificatif de propriété intellectuelles.
Selon l’INNORPI : « la propriété industrielle comprend les brevets d’invention,
les marques de fabriques de commerce ou de services, les dessins et modèles
industriels les schémas de configuration des circuits intégrés, les noms
commerciaux et les indications géographiques. »
D’autres biens incorporels ne bénéficient pas d’une protection juridique que par
le biais des obligations de confidentialité qui les entourent : savoir-faire, procédés
de fabrication.

62
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Néanmoins, certains incorporels se retrouvent au contraire totalement démunis


et ne font l’objet d’aucune protection juridique : clientèle, goodwill…
La tentative de délimitation des incorporels par leur protection juridique ne permet
pas de faire état de l’extrême diversité de ceux-ci. Elle n’est d’ailleurs non
pertinente dans la mesure où ce qui intéresse les entreprises et les Etats de point de
vue fiscal est la richesse créée par ces derniers ; sauf que des incorporels non
protégés sont autant porteur de profits que ceux qui font l’objet d’une protection.

2.1.3 Aspect fiscal de la notion des incorporels

Les actifs incorporels représentent un défi pour la fiscalité. En effet, les actifs
immatériels ne sont que partiellement retranscrit en comptabilité, faute pour celle-ci
de présenter des instruments sûrs pour identifier et quantifier une richesse souvent
incertaine quant à son existence et volatile quant à son avenir. Etant donné que la
fiscalité est fondée sur la comptabilité, ce problème se reproduit à la clôture de
chaque exercice comptable, lors de la détermination du bénéfice imposable.
A titre d’exemple, nous citons le cas d’un distributeur d’une marque internationale
sur le marché local ; à savoir l’affaire Maruti Suzuki (Maruti Suzuki India Ltd vs
Additional Commissionner), telle que apparue au niveau de la décision de la Cour
Suprême Indienne au 1/10/2010 : la société Suzuki (société japonaise) a pris une
participation dans la société d’automobile Indienne Maruti. Une licence a été mise
en place aux termes de laquelle Maruti s’engage à commercialiser les produits sous
le nom « Maruti Suzuki » et bénéfice d’un transfert de connaissances techniques de
la part de Suzuki en contrepartie d’une redevance annuelle versée par Maruti
à Suzuki.

63
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Maruti est très réputée en Inde contrairement à Suzuki en 2010, c’est pourquoi
l’administration fiscale indienne a considéré que Maruti versait un montant trop
élevé sous forme de redevance à Suzuki dans la mesure où cette dernière n’a pas
contribué à la pénétration et au développement de la marque sur le marché indien,
mais au contraire, elle a bénéficié de la notoriété de Maruti pour s’installer
durablement sur le marché indien. Cette situation a créé un actif immatériel non
reconnu comptablement.

Dans ce sens, Sullivan & Sullivan (2000)70 montrent que la comptabilité


traditionnelle qui est basée sur les actifs corporels, du coût historique et de
la prudence comptable, sera incapable à évaluer le capital intellectuel qui est l’actif
le plus important pour le succès de toute entreprise. Ces investissements en capital
intellectuel constituent donc contrairement aux investissements en capital fixe,
une «valeur cachée» pour l’entreprise au-delà de ses capitaux propres (Andrieux,
2005 ; Audebrand & Tremblay, 2003)71. Leymarie (2001)72 affirme qu'il y a un
retard dans les pratiques de comptabilisation des investissements immatériels bien
que les entreprises consacrent une part de plus en plus croissante de leurs
investissements dans des activités immatérielles, ce qui entraîne plusieurs effets
pervers : les bilans financiers sont faussés par les lacunes de comptabilisation des
actifs incorporels, tels que la compétence et l'expérience (Triolaire, 1994)73.

L’OCDE (2006)74 confirme qu’une part substantielle des actifs des entreprises n’est
déclarée que partiellement dans les états financiers. Du fait de l’absence relative de
reconnaissance comptable des actifs immatériels et de leur importance croissante
70
Cité par Boujelben et Affes (2014)
71
Idem
72
Cité par Kateb et al. (2009)
73
Idem
74
Idem

64
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

dans le processus de création de valeur, les états financiers ont perdu une partie de
leur valeur aux yeux des actionnaires. Si d’autres informations ne viennent combler
ce vide, on pourrait assister à une mauvaise affectation des ressources sur les
marchés financiers.

2.2. Un enjeu de prise en compte

Selon la norme IAS 38 : « Une immobilisation incorporelle doit être comptabilisée


si, et seulement si :

 il est probable que les avantages économiques futurs attribuables à l’actif


iront à l’entité ; et

 le coût de cet actif peut être évalué de façon fiable. »

Cependant, la condition relative à la fiabilité de mesure du coût de l’actif peut être


difficile à remplir. Le calcul de coût d’un actif immatériel est souvent difficile,
surtout quand il s’agit des éléments du capital humain ou relationnel.
La norme IAS 38 au niveau de son paragraphe 13, admet qu’il est possible de
contrôler les avantages économiques futurs autrement que par la détention de droits
légaux. Toutefois, en l’absence de droits opposables aux tiers devant les tribunaux
il est difficile d’apporter la preuve du contrôle. Par conséquent, L’ISA 38 (au
niveau du point 16) considère que lorsqu’une équipe de personnes qualifiées avec
des talents spécifiques, un portefeuille de clients, des parts de marché ou des
relations avec la clientèle ne sont pas protégés juridiquement ils ne répondent
pas à la définition d’une immobilisation incorporelle.

65
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Une entreprise doit apprécier la probabilité des avantages économiques futurs en


utilisant des hypothèses raisonnables et documentées qui représentent la meilleure
estimation par la direction de l’ensemble des conditions économique qui existeront
pendant la durée d’utilité de l’actif. Pour apprécier le degré de certitude attaché aux
flux d’avantages économiques futurs attribuables à l’utilisation de l’actif,
une entreprise exerce son jugement sur la base des indicateurs disponibles lors
de la comptabilisation initiale, en accordant un poids plus important aux indicateurs
externes.

Selon la NCT 06 : « Un élément incorporel est porté à l'actif lorsque :


 Il est probable que des avantages économiques futurs résultant de cet
élément profiteront à l'entreprise. Pour ce faire, l'entreprise doit démontrer :
- la contribution de cet actif à l'augmentation des avantages économiques futurs,
ainsi que l'intention de l'entreprise de l'utiliser dans ce but ; et
- sa capacité de disposer de ressources adéquates permettant d'obtenir
les avantages futurs découlant de cet actif.
 Le coût de cet actif peut être mesuré de façon fiable. »

Dans ce qui suit, nous évoquerons certaines situations particulières prévues par
les normes de comptabilité :

- Acquisition dans la cadre de regroupement d’entreprises

Selon la norme IFRS 3 Regroupement d’entreprises, si une immobilisation


incorporelle est acquise dans le cadre de regroupement d’entreprises, son coût est
égal à sa juste valeur à la date d’acquisition.

66
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

La juste valeur est le prix qui serait reçu pour la vente d’un actif ou payé pour
le transfert d’un passif lors d’une transaction normale entre des intervenants du
marché à la date d’évaluation.

- Goodwill généré en interne

La valorisation des immatériels développés en interne reste une question très


débattue entre les comptables, les auditeurs et les analystes financiers.

La difficulté réside dans le fait que le goodwill est créé par des leviers de création
de valeur internes, que la comptabilité sait capter, mais aussi par des externalités
(comme le fait d’intégrer le consommateur à la chaîne de création de valeur) qui ne
sont, en revanche, pas reconnues par la comptabilité.75

- Immobilisations incorporelles générées en interne

Selon la norme IAS 38, les éléments incorporels générés en interne comme
les compétences et les connaissances des salariés, les fonds de commerce,
les marques, les fichiers clients…ne doivent pas être activés au bilan et
comptabilisés comme un actif, à l’exception des dépenses de recherche et
développement des nouveaux produits, prototypes, processus et logiciels, s’ils
vérifient les 6 conditions suivantes simultanément:

La faisabilité technique et économique des projets doit être démontrée; l’intention


de l’entreprise d’achever l’immobilisation incorporelle et de la mettre en service ou

75
ISIS (2013)

67
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

de la vendre ; sa capacité à mettre en service ou à vendre l’immobilisation


incorporelle ; la façon dont l’immobilisation incorporelle générera des avantages
économiques futurs probables ; la disponibilité de ressources techniques,
financières et autres, appropriées pour achever le développement et mettre en
service ou vendre l’immobilisation incorporelle ; sa capacité à évaluer de façon
fiable les dépenses attribuables à l’immobilisation incorporelle au cours de son
développement.
L’application des normes IAS/IFRS ne permet pas de refléter une « image fidèle »
du patrimoine immatériel de l’entreprise, elles reposent sur une typologie complexe
des ressources immatérielles et établissent des règles précises de calcul de leurs
valeurs : pour les éléments acquis et les innovations techniques, elles correspondent
à leurs prix d’achat actualisés en fonction de leurs prix de marché (juste valeur) ou,
à défaut, de leurs valeurs d’usage (projection de cash-flows actualisés) ; pour les
autres éléments, elles ne sont pas activées au bilan.

En effet, toujours selon IAS 38, pour apprécier si une immobilisation incorporelle
générée en interne satisfait aux critères de comptabilisation, une entité distingue,
dans la création de l’immobilisation :

 une phase de recherche ; et


 une phase de développement

Si une entité ne peut distinguer la phase de recherche de la phase de développement


d’un projet interne visant à créer une immobilisation incorporelle, elle traite
la dépense au titre de ce projet comme si elle était engagée uniquement lors de
la phase de recherche.

68
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Toutefois, il y a lieu de noter que les marques, notices, titre de journaux ou


magazines, listes de clients générés en interne et autres éléments similaires en
substance ; ne doivent pas être comptabilisés en tant qu’immobilisations
incorporelles.

Et selon la NCT 20, les dépenses de développement d’un projet doivent être
inscrites à l’actif lorsque l’ensemble des critères suivants sont satisfaits :

 le produit ou le processus est clairement identifié et les coûts imputables à ce


produit ou à ce procédé peuvent être individualisés et mesurés de façon
fiable ;
 la possibilité technique de fabrication du produit ou du procédé peut être
démontrée ;
 l’entreprise a l’intention de produire et de commercialiser, ou d’utiliser
le nouveau produit ou procédé ;
 l’existence d’un marché potentiel pour ce produit ou ce procédé ou, s’il doit
être utilisé au niveau interne et non pas vendu, son utilité pour l’entreprise
peut être démontrée ;
 des ressources suffisantes existent, et leur disponibilité peut être démontrée,
pour compléter le projet et commercialiser ou utiliser le produit ou
le procédé.

Enfin, il y a lieu de signaler que conformément à l’interprétation SIC 32


« Immobilisations incorporelles- coûts liés aux sites web », le site web propre à une
entité qui résulte de développement et est destiné à un accès interne ou externe,
est une immobilisation incorporelle générée en interne, soumise à certaines
conditions.

69
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

En effet, en sus de celle évoquées ci-dessus, la société doit être en mesure de


démontrer comment son site web générera des avantages économiques futurs
probables, lorsque par exemple, le site web permet de générer des produits
y compris des produits directs résultant de la possibilité de passer des commandes.

Toutefois, une entité n’est pas en mesure de démontrer comment un site web
développé uniquement ou principalement pour assurer la promotion et la publicité
de ses propres services et produits, générera des avantages économiques futurs
probables, par conséquence, toutes les charges relatives au développement d’un tel
site web ne sont pas immobilisables, et doivent être comptabilisées en charges
lorsqu’elles sont encourus .

A la lumière des normes comptables applicables en Tunisie et à l’échelle


internationale, nous pouvons conclure que même si les systèmes comptables
prévoient la comptabilisation de certains incorporels à l’actif des bilans, en fonction
de certains critères, ces critères sont assez restrictifs, et entrainent le rejet d’un
grand nombre d’incorporels et d’éléments du «capital intellectuel» des états
financiers (Pluchart, 2005 ; Bessieux-Ollier et al. 2006)76. Sullivan & Sullivan
(2000)77 montrent que les principes de la comptabilité traditionnelle, qui sont basés
sur les actifs corporels, du coût historique et de la prudence comptable, seraient
incapables à évaluer le capital intellectuel qui est l’actif le plus précieux pour
beaucoup d’entreprises.
En effet la comptabilité classique reste centrée sur les biens corporels.

Collins et al. (1997)78 confirment que la comptabilité n'a pas eu le temps d'évoluer.
Elle se contente à l'heure actuelle, de faire passer en charges des sommes de plus en

76
Cité par Boujelben et Affes (2014)
77
Idem
78
Cité par Kateb et al. (2009)

70
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

plus importantes d’investissements immatériels, dont les effets apparaissent


durables, mais auxquelles ne correspondent ni droits de propriété, ni garanties
juridiques et dont l'existence n'est pas avérée par un caractère tangible (Boisselier,
1999)79.
Selon Lev (2001)80, le modèle comptable de représentation de l’entreprise, encore
largement fondé sur le « principe transactionnel », se révèle de plus en plus
inadapté à produire une information pertinente, et être utile pour la prise de
décision par des investisseurs.

2.3 Limites des approches comptables

L’actif immatériel constituant une composante de plus en plus importante de


la valeur de marché des sociétés, les normalisateurs comptables ont été incités
à étendre considérablement le champ des actifs incorporels identifiables (marques,
brevets, listes de clients, droits d’émission, mandats de gestion, concessions, bases
de données, carnets de commande…) à condition qu’ils fassent l’objet d’un
contrôle (ou qu’ils soient séparables) et qu’ils puissent être évalués de façon fiable.

Malgré cette évolution, la reconnaissance comptable des immatériels reste partielle.


Cette incomplétude se manifeste, pour les sociétés cotées, par une forte baisse
tendancielle du ratio book-to-market (Lev, 1999 ; Lev et al., 2005)81, c’est-à-dire
par la part de plus en plus faible que représente la valeur comptable des actifs
« reconnus » au regard de la valeur de marché de la société. Au-delà du problème
de perte de pertinence de l’information comptable, ce phénomène suggère que

79
Idem
80
Cité par Bouden et Casta (2013)
81
Cité par Bouden et Casta (2013)

71
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

les marchés valorisent des actifs, générateurs de cash-flows, qui ne sont pas
recensés par les états financiers.

C’est dans la façon de voir la comptabilité que se trouve la source du problème


actuel d’intégration des données financières et non financières, des biens tangibles
et intangibles (Lynn, 1998 ; Audebrand &Tremblay, 2003)82.
Pour mieux éclairer les problèmes auxquels la comptabilité fait face, Chen Zhu &
Xie (2004)83 ont établi une distinction entre l’approche basée sur la reconnaissance
du capital intellectuel et l’approche de la comptabilité financière traditionnelle.
La différence entre ces deux approches est que la première est orientée vers le futur
et elle se concentre sur la création de valeur, pendant que la deuxième approche
est orientée seulement vers le passé qui reflète le résultat des transactions passées
et les flux de trésorerie réalisés.

Premièrement, certains éléments immatériels ne peuvent pas être inclus dans


les états financiers et leur valeur est négligée par la comptabilité. Cette
problématique est mise en évidence par les écarts entre les valorisations comptables
et boursières. Le marché estime que certains éléments immatériels pris en compte
par les normes comptables ne sont pas valorisés à leurs justes valeurs ; les
standards comptables négligents l’existence d’une partie de la richesse immatérielle
et le marché la valorise de manière indépendante.
Deuxièmement, les tests de valeur des actifs immatériels peuvent poser des
problèmes car les méthodes de valorisation reconnues par la comptabilité (approche
basée sur les coûts, approche basée sur les bénéfices attendus, approche basée sur
la valeur de marché d’un actif comparable…) ne sont pas adaptées au traitement

82
Cité par Boujelben et Affes (2014)
83
Idem

72
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

des immobilisations incorporelles. De plus, il est difficile d’attribuer à chaque


catégorie d’actifs, matériels ou immatériel, sa propre contribution dans la formation
de la valeur.

En effet, les coûts des actifs immatériels peuvent être difficiles à identifier quand il
s’agit, par exemple, d’investissements dans la réputation. Les flux futurs générés
par les actifs immatériels peuvent être difficiles à prévoir tandis que l’originalité de
certains actifs rend impossible leur comparaison à un autre actif existant sur
le marché.

Ainsi, les sociétés qui mesurent la valeur de l’actif immatériel selon l’approche
comptable risquent de négliger l’importance de certains éléments ; dans leurs
article publié en 1996 « la mesure de la valeur organisationnelle et institutionnelle
avec des méthodes traditionnelles n’est pas adaptée à la réalité économique
actuelle» Malthora et al. confirment ce constat.
Les limites de l’approche comptable à l’évaluation des actifs immatériels ont incité
les chercheurs à proposer d’autres techniques de valorisation fondées sur des
concepts différents.
Dans le paragraphe suivant, nous allons présenter quelques approches non
comptables à la valorisation de la richesse immatérielle des sociétés.

2.4 Modèles de mesure et méthode de reporting de l’actif


immatériel

2.4.1 Les modèles de mesure de l’actif immatériel

73
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Après avoir examiné les approches comptables de mesure de l’actif immatériel


et les limites de ces dernières, nous essayons dans ce qui suit de récapituler
les approches non comptables.
Plusieurs modèles ont été proposés ces dernières années pour inciter les entreprises
pour mesurer et divulguer les actifs intellectuels.

En effet, ils datent du début des années 90. Les chercheurs proposent une variété de
concepts qui visent une évaluation de la richesse immatérielle des sociétés.
La Figure suivante présente les modèles de mesure de l’actif immatériel les plus
connus.

Figure 7 : Modèles de mesure de l’actif immatériel

74
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Source : Sveiby “Methods for Measuring Intangible Assets”

Les méthodes de mesure présentées dans la littérature sont organisées autour de


quatre concepts différents :
- valeur boursière (ex. M/B ratio),
- retour sur l’actif (ex. EVA),
- valorisation de composantes (ex : Technology Broker)
- tableau de bord (ex. Balanced Scorecard).

75
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

La plupart des méthodes permettent d’évaluer l’actif immatériel en termes


financiers (M/B, EVA, Technology Broker) et quelques unes proposent un suivi de
la performance sans résultat financier (ex. Skandia Navigator, IC-index™).

Dans le cadre de notre travail de recherche, nous avons choisi cinq modèles qui
nous permettent d’illustrer la variété des concepts proposés à savoir :
Skandia Navigator, IC-index™, Technology Broker, EVA, M/B ratio.

 Skandia Navigator

Cette technique a été développée par Edvinsson en 1997, elle permet de mesurer
l’actif de l’entreprise à l’aide de 164 indicateurs au tour de :
- Finance (primes brutes accordées, résultat opérationnel…)
- Clients (nombre de contrats, nombre de clients, satisfaction de clients…)
- Capital humain (nombre d’employés à temps plein, nombre de managers,
rotations des employés, temps de formations…)
- Processus (nombre de contrats par employés, Frais administratifs par employés,
Résultat net/m²…)
- Renouvellement et développement (taux des nouveaux clients en 12 mois,
augmentation des nouvelles ventes, dépenses développement/frais
administratifs…).
Le reproche principal adressé à cette méthode est le nombre trop élevé
d’indicateurs (164) et le manque d’une approche globale.

 IC-index™ (Indexe de capital intellectuel)

76
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Ce modèle a été conçu par Roos et al. (1997) dont l’objectif est de créer un indice
global à partir d’une série d’indicateurs détaillés dans le tableau ci-dessous,
et de référer les changements dans la valeur de l’indice aux variations de la valeur
boursière. Cette méthode est une évolution du modèle Balanced Scorecard
développé par Kaplan et Norton en 1992. Cette technique est basée uniquement sur
la construction d’un tableau de bord où les dirigeants identifient les relations entre
les activités examinées alors que l’indice fournit une réponse sur la répartition de
la création de valeur. L’inconvénient de cette méthode est le manque d’estimations
financières.

Capital relationnel Capital humain

Augmentation de nombre de relations Accomplissement de facteurs clés du


Amélioration de la confiance succès
Fidélité de clients Création de valeur par employé
Chaînes de distribution Efficacité des formations
Productivité
Qualité
Capital infrastructurel Capital innovation

Efficience Capacité à créer de nouvelles activités


Efficacité Capacité à créer de nouveaux produits
Facteurs clés de succès d’utilisation Croissance
Efficacité de distribution Capacité à améliorer la productivité

 Technology Broker

77
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Le modèle présenté en 1996, repose sur quatre composants :


- Marché (marques, distribution, franchises…)
- Capital humain (expertise collective, expertise collective, Leadership …)
- Propriété intellectuelle (Savoir-faire, Brevets et patents…)
- Infrastructure (culture, structure financière, bases de données…)

La faiblesse majeure de cette méthode est la difficulté de lier les résultats qualitatifs
du questionnaire aux sources de valeur.

 EVA (Economic Value Added)

Cette méthode a été élaboré par Stewart et al en 1990 afin d’aider les sociétés
à mesurer leur création de valeur en utilisant des outils de la finance.
EVA correspond aux produits opérationnels diminués des coûts des capitaux
employés. Les produits opérationnels correspondent aux ventes et le coût de capital
est déterminé par les attentes des actionnaires.

EVA= Produits opérationnels - ( capitaux X taux de rentabilité des


employés capitaux propres exigés
par les actionnaires)

Au-delà de sa complexité, l’application de cette méthode nécessite de nombreux


ajustements et est extrêmement difficile, elle est orientée uniquement vers
l’organisation interne sans prendre en compte que les actionnaires dans leurs
estimations intègrent également les facteurs externes.
 Book to market (M/B) ratio

78
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

En 1997 Stewart présente le capital intellectuel sous la forme du ratio suivant :


Valeur boursière
IC =
Valeur comptable

Cette technique est très simple et permet les comparaisons au sein des secteurs.
En plus, elle prend en compte des facteurs extérieurs et la perception de la valeur
par les investisseurs. Toutefois, l’écart entre les valeurs comptable et boursière est
plus large que la seule valeur de l’actif immatériel. Les estimations faites par
le marché sont entre autres expliquées par des facteurs psychologiques,
des comportements irrationnels ainsi que le manque de compétences en évaluation.

2.4.2 Les Méthodes de reporting et de management de l’actif


immatériel

Au niveau de ce travail de recherche nous présentons les deux méthodes de


reporting et de management les plus reconnus dont l’objectif est de faciliter
la communication externe sur l’actif immatériel :

 Future-oriented reporting

C’est un modèle de reporting sur le capital intellectuel conçu par l’ARC (Austrian
Research Council) ayant pour objectif de tracer les processus de création et de
transfert de compétences. Le processus commence par la définition des objectifs
stratégiques de l’entreprise qui sont ensuite interprétés en termes de compétences
disponibles. L’étape suivante consiste à effectuer une analyse du potentiel des
actifs relationnels, humains et structurels en termes de valeur ajoutée.

79
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

La dernière phase comprend l’identification des résultats non seulement financiers


mais aussi économiques, sociétaux et en termes de connaissances acquises.
Ces résultats sont présentés sous forme d’indicateurs dont une partie est de nature
non financière.
L’interprétation monétaire de ces indicateurs est visible à une date ultérieure.
Il s’agit d’un outil de mesure qui conduit à l’obtention d’indicateurs intéressants
pour le marché.

 Value Based Management (VBM)

Le Value Based Management permet de définir une stratégie et des objectifs pour
l'entreprise, puis de les décliner de façon cohérente à tous les niveaux (Divisions
et Centres de profit, Département,..) et en termes adaptés à ces niveaux (Création
de Valeur, ROI, Cash-Flow, Niveau de stock,..). La performance peut ainsi
se mesurer avec des critères non spéculatifs, particulièrement utiles dans
une économie chahutée.

Le Value Based Management vise à répondre aux questions suivantes :


Est-ce que l’entreprise est en bonne condition générale ?
Comment peut-on changer l’organisation de l’entreprise afin d’augmenter la valeur ?
Comment faut-il concevoir la gestion d’information afin de faciliter le processus
décisionnel ?
Comment motiver les employés à maximiser la valeur ?
Comment mieux communiquer avec les actionnaires, analystes, autorités et agences
de rating ?

80
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Section 3 : le capital humain : le premier pilier du capital


intellectuel

Les ressources immatérielles - principalement constituées de ressources humaines -


représentent une part de plus en plus importante des actifs des entreprises.
Les systèmes comptables et les modèles d’évaluation financière des sociétés
(orientés vers la création de valeur pour l’actionnaire) mesurent partiellement
et imparfaitement ces ressources. Il en résulte des écarts inexpliqués entre les cours
boursiers et les performances des sociétés cotées, et, plus généralement,
une subordination du capital humain au capital financier (Aglietta, 2004; Amable,
2005)84. Il est généralement considère comme la composante du capital intellectuel
qui a la plus grande valeur (Backhuijs et al., 1999)85.

L’importance du capital humain dans la création de valeur des sociétés n’est pas un
constat récent. Schultz en 197186 puis Becker en 197587 présentent le capital
humain comme étant le facteur qui contribue le plus à l’accroissement de la
productivité de l’entreprise et à l’explication de ses performances ;
Depuis une vingtaine d’années, la littérature en gestion reconnait le rôle
fondamental du capital humain dans l’acquisition d’un avantage concurrentiel et
dans la création de valeur (Hamel and Prahalad, 1994 ; Lev, 2001)88.

Selon (Pepin, 2006)89 le capital intellectuel est un terme qui a été conçu par
les experts en ressources humaines afin de mettre de l'avant l'importance du facteur
humain dans la valeur des entreprises.
84
Cité par Pluchart (2005)
85
Cité par Gates et al. (2010)
86
Thésaurus-Bercy V1 (2011)
87
Idem
88
Cité par Gates et al. (2010)

81
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

La particularité du capital humain est qu’il est le seul actif qui se régénère
et régénère tous les autres (Observatoire de l’Immatériel 2007)90.
C’est pourquoi dans le cadre de ce travail de recherche nous avons choisi de
se focaliser sur le capital humain

3.1. Définitions

Le terme de capital humain trouve son origine dans les travaux des économistes
Schultz (1961) et Becker (1964) qui désignaient par ce terme l’ensemble des
aptitudes, physiques comme intellectuelles, de la main-d’œuvre favorable
à la production économique.91 Gary Becker a essayé de démontrer dans son livre
publié en 1964 intitulé « Human capital : a theorical and empirical analysis » que
la valeur du capital humain augmente avec le temps et représente un
investissement, dont l’importance, explique les différences de salaires entre les
individus et les différences de compétitivités entre les entreprises.

Le capital humain peut être défini comme une agrégation d’éléments immatériels
aussi divers que l’expérience, le savoir-faire, les compétences ou encore la
créativité. Il est généralement mis en avant pour son rôle clé dans la compétitivité
de l’entreprise et l’innovation. S’il est admis que le capital humain est une
composante clé de la valeur de l’entreprise, on ne peut pourtant que constater son
absence des états financiers publiés par l’entreprise.92
Le capital humain fait référence aux connaissances, compétences, expériences,
ainsi qu’aux motivations et attitudes des salariés d’une organisation (Davenport,
1999)93. Le capital humain d’une organisation n’est donc pas un ensemble statique

89
Cité par Mrabet (2016)
90
Idem
91
Cité par Cappelletti (2010)
92
Cité par Bessieux ollier et al. (2010)
93
Cité par Gates et al. (2010)

82
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

de potentialités mais correspond aux compétences de ses membres et à la qualité de


leur management.
En d’autres termes, le capital humain pourrait se définir comme l’activation
stratégique du potentiel humain (Cappelletti et Baker, 2010)94.
Selon Roos et al. (1997)95, le capital humain correspond aux ressources qui
dépendent des employés et des capacités fondées sur les compétences.

Le capital humain se décompose en trois critères génériques de performance qui se


décomposent à leur tour en indicateurs stratégiques. Ces trois critères génériques
sont les suivants :

- La compétence des employés dont les indicateurs stratégiques sont les savoirs
et les savoir-faire. Nous pouvons en distinguer trois composantes essentielles
(Fuente et Ciccone, 2002)96 :

* compétences générales (alphabétisation, calcul de base, capacités


d’apprentissage),
* les compétences spécifiques liées aux technologies ou aux processus de
production (programmation informatique, entretien et réparation des pièces
mécaniques),
* les compétences techniques et scientifiques (maîtrise de masses organisées de
connaissances et de techniques analytiques spécifiques) ;

- L’attitude des employés dont les indicateurs stratégiques sont la motivation,


le comportement et la conduite ;
94
Cité par Cappelletti (2010)
95
Cité par Wegmann (2009)
96
Cité par Guillard et Roussel (2010)

83
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

- Et leur agilité intellectuelle dont les indicateurs stratégiques sont l’innovation,


l’imitation, l’adaptation et la mise en forme.

Par ailleurs, selon Ramezan (2011)97, le capital humain englobe les valeurs et les
attitudes, les aptitudes et le savoir-faire, la connaissance tacite ou explicite que
les gens possèdent, ainsi que leur capacité à la générer.

Mais est ce que l’accumulation de connaissances, de compétences, l’investissement


en formation et de savoir-faire… acquièrent le statut d’un capital ?
En effet, depuis 1984, Machlup a répondu à cette question : « L’investissement
dans les êtres humain présente toutes les caractéristiques traditionnelles de la
formation de capital : le capital est durable tout en ayant une durée de vie limitée, il
doit être entretenu et remplacé comme n’importe quelle autre ressource épuisable,
il peut devenir obsolète avant d’être épuisé et, en ce qui concerne sa valeur
subjective, il peut se valoriser ou se déprécier en fonction de l’offre de
facteurs complémentaires et de la demande pour leurs produits communs. Bien que
sa valeur puisse être appréciée par l’individu qui possède ce capital, elle peut
également être appréciée par d’autres, notamment les décideurs de la société. Une
telle appréciation est néanmoins arbitraire et subjective et elle apparaît rarement
dans les documents écrits des entreprises concernant le stock de capital réel ou
financier »98

Machlup souligne que c’est l’évaluation qui pose fondamentalement problème,


et non pas le caractère intrinsèquement incorporel du capital humain.

97
Cité par Beldi et al. (2014)
98
OCDE (1996)

84
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Dès les années 60-70, des travaux comme ceux menés par Gary Becker99,
considéraient ce capital comme un actif de l’entreprise ayant une valeur monétaire
caractérisée par l'ensemble de ses aptitudes, ses connaissances et son savoir-faire.
Comme tout capital, il doit faire l'objet d'un investissement et de dépenses
d'entretien qui procurent des avantages aux entreprises qui l'emploient.
Lev et Schwartz (1971)100, le « capital humain » comme une source de revenus
futurs, apportée par un salarié, à partir de ses qualités personnelles et de ses
compétences.

Dans les années 1970, le programme de recherche sur le Capital humain par
Theodore Schultz et Gary Becker a donné lieu à divers projets sur la comptabilité
des ressources humaines et sa valorisation en tant qu’actif.

3.1.1 Typologie du capital humain

Le capital humain recouvre plusieurs catégories revêtant des enjeux différents pour
les entreprises en terme de contrôle.

Il est en effet possible de dresser une typologie du capital humain qui distingue
les catégories suivantes : capital humain général, capital humain spécifique à la
firme, capital humain spécifique à une tâche (Gibbons et Waldman, 2004 ; Hatch
et Dyer, 2004)101.

 Le capital humain général : correspond à des connaissances qui ne sont


ni spécifiques à une entreprise en particulier ni à une fonction ou une tâche
singulière au sein d’une entreprise. Il s’agit de connaissances
99
Thésaurus-Bercy V1 (2011)
100
Cité par Trébucq (2006)
101
Cité par Guillard et Roussel (2010)

85
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

et de compétences génériques (discernement, capacités d’analyse,


intelligence des situations) essentiellement accumulées par les expériences
professionnelles et l’éducation.

 Le capital humain spécifique à la firme : il correspond à des compétences


et des connaissances maîtrisées par un salarié sur la base d’un corpus de
connaissances et de connaissances collectives (capital organisationnel)
spécifique à une entreprise donnée. Selon (Gibbons et Waldman, 2004)102,
le capital humain spécifique à la firme octroie à un collaborateur des
capacités directement liées aux besoins spécifiques d’une entreprise
particulière. Ainsi, si un individu doté d’un capital humain spécifique à
la firme quitte l’entreprise au sein de laquelle il a développé l’essentiel de
son capital humain pour une autre société, une grande partie de ce dernier ne
sera pas utilisé (les attentes et les besoins de la nouvelle entreprise sont
différents de la précédente) En conséquence, ce type de capital
humain, puisqu’il se déprécie en « sortant » de la firme ayant
rendu possible sa création, est moins intéressant pour d’autres
entreprises. C’est la raison pour laquelle il est plus aisé à contrôler pour
l’entreprise au sein de laquelle il s’est développé.

 Le capital humain spécifique à une tâche : s’accumule essentiellement par


des formations professionnelles et au moyen de l’expérience professionnelle.
Il correspond à des compétences qui sont spécifiques à un poste de travail
comme assistant de direction, auditeur financier ou risk-manager.

102
Cité par Guillard et Roussel (2010)

86
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Le capital humain général et le capital humain spécifique à la tâche, sont facilement


« expropriables » dans la mesure où ils ont presque autant de valeur pour la firme
au sein de laquelle les collaborateurs louent ce type de capital que pour d’autres
entreprises.

Quel que soit le type de capital humain envisagé, la comptabilisation de ce dernier


demeure un problème épineux. Dès lors, il s’agit d’identifier les différentes
méthodologies d’évaluation du capital humain.

3.2. Vers l’élargissement de la notion du capital humain

3.2.1 Les leviers d’action pour gérer et développer


le capital humain

Le développement du capital humain spécifique à la firme devient de plus en plus


un objectif prioritaire pour la plupart des entreprises. Pour de nombreux chercheurs
(Stewart, 1997 ; Foray, 2006)103 la montée en puissance de l’économie de
l’information et de la connaissance signifie que le processus de création de richesse
au sein des firmes repose davantage sur les connaissances que sur les actifs
physiques. Le capital humain est appelé à jouer un rôle de plus en plus crucial
comme source de l’avantage concurrentiel, le capital humain spécifique à la firme
est considéré comme le contributeur clé de l’avantage concurrentiel (Hatch & Dyer,
2004)104.

103
Cité par Guillard et Roussel (2010)
104
Idem

87
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Le capital humain spécifique à la firme accumulé par les collaborateurs


de l’entreprise (connaissances liées à des procédés et ou des équipements
spécifiques à une firme en particulier) n’a que très peu de valeur dans une autre
firme. En conséquence, si les collaborateurs ne sont pas incités à
investir dans le développement de ce type de capital humain,
ils renâcleront à développer des connaissances spécifiques à la firme et préféreront
des connaissances génériques ou liées à une expertise professionnelle clairement
délimitée.

Les entreprises qui sont capables de mettre en place un système d’incitation


à même de favoriser le développement du capital spécifique à la firme, seront
mieux armées pour construire un avantage concurrentiel durable. Par ailleurs, les
firmes investissent également dans l’accumulation de capital humain spécifique à la
firme ne serait-ce que parce que ce type de capital humain est le plus souvent lié à
des méthodes ou des équipements eux-mêmes spécifiques. Dès lors, il faut former
les collaborateurs à ces méthodes et à l’utilisation de ces équipements. Partant de
cette première impulsion, les salariés pourront investir dans le développement de
connaissances liées à ces méthodes et ces équipements. Cependant, du point de vue
de l’entreprise il est essentiel de protéger les investissements réalisés dans
l’accumulation du capital humain spécifique à la firme en fidélisant les salariés
codétenteurs de ces connaissances spécifiques.
Par conséquent, il s’agit de mettre en place un système d’incitations qui, d’une part,
permettent à la firme de protéger les investissements qu’elle réalise dans
le développement du capital humain spécifique à la firme ; et d’autre part,
encouragent les salariés à également investir dans le développement du capital
humain spécifique à la firme .

88
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Pour Robinson, Wilson et Zhang (2002)105, l’incitation passe entre autre par
un système de participation des salariés au capital de l’entreprise, ils montrent,
à partir d’une recherche réalisée sur 600 entreprises britanniques, que celles dotées
des stocks de capital humain et physique les plus spécifiques, privilégiaient une
participation des salariés au capital de l’entreprise. Le salaire sert en quelque sorte
à rémunérer le capital humain générique et spécifique à la tâche des collaborateurs
alors que la participation au capital de l’entreprise permet de « rémunérer » la
fraction spécifique à la firme du capital humain.

En effet, selon Rajan et Zingales (1998)106, l’entreprise est une collection de


ressources essentielles partagées, de talents, d’idées et de connaissances à laquelle
toutes les personnes ont accès dans la mesure où elles possèdent et développent
le capital humain. La firme est ainsi un nœud d’investissement spécifique
et notamment en capital humain. Plus les collaborateurs de la firme ont un capital
humain élevé, plus ils peuvent contrôler l’accès aux ressources critiques de
l’entreprise, les valoriser mais aussi se les approprier pour augmenter leur capital
humain. Les détenteurs du capital humain ont une influence décisive sur la capacité
de la firme à créer de la richesse et ce faisant, sur la valeur même de l’entreprise.

Par ailleurs, la communication des indicateurs sur le capital humain peut être
considérée comme une incitation aux collaborateurs dans le sens où il est signal de
l’importance qu’accorde une entreprise à ses collaborateurs ; et un signal
au marché.

105
Cité par Guillard et Roussel (2010)
106
Idem

89
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Selon Bolton (2003)107, les investisseurs qui visent le long terme ont besoin d’une
information fiable et complète sur la gestion des ressources humaines.
Malheureusement, l’enquête menée par London Business School auprès des 250
plus grandes sociétés du FTSE démontre que les systèmes de gestion de capital
humain sont souvent sous-développés. En conséquence, les entreprises ne sont pas
capables de fournir l’information pertinente à la communauté financière.

3.2.2. La dépréciation du capital humain

L’un des intérêts de l’utilisation du terme de « capital » est précisément de faire


porter notre attention sur la variabilité de sa valeur au cours du temps.
En investissant dans la formation, il est possible d’augmenter le capital humain des
collaborateurs. Dans ce cas, il y a une hausse de la valeur de ce capital. Cependant,
le capital humain des collaborateurs de la firme peut également se déprécier au
cours du temps. Quels sont donc les facteurs de la dépréciation du capital humain ?
Pour répondre à cette question, nous pouvons nous appuyer sur les travaux de
certains économistes qui ont exploré cette thématique (Hollenbeck, 1990 ; Nauze-
Fichet et Tomanisini, 2002 ; Chassard et Passet, 2005)108.

La perte d’emploi lorsqu’elle se traduit par une période de chômage importante


est l’un des facteurs clé de la dépréciation du capital humain. Ainsi Hollenbeck
(1990)109 met en évidence que les salariés qui retrouvent un emploi après une
période de chômage perçoivent une rémunération inférieure à celle obtenue avant la
perte d’emploi. La décote est d’autant plus importante que la période d’inactivité

107
Cité par Guyot (2010)
108
Cité par Guillard et Roussel (2010)
109
Idem

90
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

est longue et le niveau de formation faible. Ce chercheur mesure la dépréciation du


capital humain par la baisse du salaire perçu par le salarié.

L’insuffisance d’investissement en formation est un autre facteur de la dépréciation


du capital humain. A ce titre l’évolution du comportement des entreprises,
notamment des plus grandes d’entre elles, est assez inquiétante. En effet, la dépense
de formation continue des entreprises françaises de plus de 2000 salariés a diminué
d’un point de 1994 à 2002, passant de 5% de la masse salariale à 4% (Chassard
et Passet, 2005)110. Les grandes firmes sont davantage préoccupées par la chasse
et la fidélisation des compétences rares – capital humain de haut niveau – que par
la formation d’une main-d’œuvre faiblement qualifiée. Ainsi, les grandes
entreprises estiment que l’argent qui pourrait être investi dans la formation des
moins qualifiés est mieux utilisé sous la forme de rémunérations plus élevées pour
les salariés dotés d’un capital humain de haut niveau. Ce faisant, les plus grandes
firmes contribuent de manière progressive à déprécier le stock de capital humain
des collaborateurs les moins bien formés.

Par ailleurs, l’inadéquation entre les qualifications (diplôme, expérience…)


et l’emploi occupé, que l’on peut qualifier de surqualification, est une source
importante de dépréciation des compétences et du capital humain (Chassard
et Passet, 2005 ; Nauze-Fichet et Tomasini, 2002)111.

En effet, la majorité des modèles présentés utilisent des méthodes de calcul de


la valeur du capital humain n’aboutissant qu’a des valeurs positives. Alors on
se demande si un certain nombre de faillites déclarées essentiellement à cause de

110
Cité par Guillard et Roussel (2010)
111
Idem

91
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

personnel non qualifié ne mène pas à une conclusion inverse. En effet, un personnel
non qualifié, pas assez qualifie ou encore dont les qualifications ne correspondent
pas au domaine d’activité de l’organisation se retrouve toujours dans un chômage
déguisé qui coute d’importantes rémunérations sans aucune valeur ajoutée.

Conclusion de la première partie :

Ayant présenté au niveau de la première partie de notre travail de recherche,


les fondements théoriques relatifs à l’importance du capital intellectuel pour
la réussite de l’entreprise d’une part et le rôle de la divulgation volontaire sur
le capital intellectuel comme étant la solution pour compléter les états financiers
et pallier la perte de pertinence de l’information comptable, d’autre part, ainsi que
l’importance joué par le capital humain et le fait qu’il ne s’inscrit pas dans les
modèles classiques de comptabilité, on se demande s’il faut, pour autant, le
percevoir uniquement comme un élément de coût? N’est-il point utile
d’appréhender sa valeur, sa participation à la performance globale de l’entreprise ?

En effet, le problème posé prend de jour en jour de l’ampleur car il est temps de
pouvoir prendre conscience et a fortiori de suivre la valeur apportée par les
individus à l’entreprise située au centre de la création de valeur. L’intégration du
capital humain dans le bilan de l’entreprise passe impérativement par la résolution
du problème de sa mesure. En attendant une prise de position de la part des
normalisateur, présenter une note hors bilan aux états financiers peux résoudre
partiellement le problème de reconnaissance de prise en compte du capital humain ;
c’est l’objet de la deuxième partie de notre travail de recherche.

92
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Nous tentons dans la deuxième partie de ce travail de recherche de proposer


une démarche de valorisation et de divulgation du capital humain dans le contexte
tunisien à travers le traitement des données de sociétés de services cotées.

93
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Deuxième partie : Le capital humain :

Une proposition de valorisation

et de divulgation

94
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Introduction de la deuxième partie

Au niveau du premier chapitre, nous avons focalisé sur le rôle de l’actif immatériel
et son importance sur le marché et nous avons conclu qu’il joue un rôle
incontestable. Les dirigeants en sont conscients et le marché financier essaie de
valoriser l’actif immatériel. Cependant, afin de bien comprendre la richesse
immatérielle, la société elle-même doit être capable de l’identifier, de la définir, de
la classifier en fonction de sa nature et surtout de la mesurer ; et nous avons conclu
que le capital humain est le premier pilier du capital intellectuel.

Par ailleurs, afin de pallier les défaillances de l’information comptable


traditionnelle, et pour surmonter la perte de pertinence de l’information comptable ;
plusieurs chercheurs dans ce domaine ont présenté la divulgation volontaire
d’informations relatives aux intangibles comme étant la solution.

Dans le cadre de ce deuxième chapitre, nous nous intéressons à la comptabilisation,


l’évaluation et la divulgation du capital humain.

Historiquement, la première tentative d'évaluer les êtres humains en termes


monétaires a été faite par Sir William Petty (1623-1687)112. Cependant, l'origine de
la comptabilité des ressources humaines, se trouve dans le travail de Rensis Likert
qui a été la première personne à utiliser le terme «actif humain» à la fin des années
1950. Néanmoins, selon (Singh & Singh, 2009)113, la comptabilité des ressources
humaines a été mise en œuvre, pour la première fois, par Barry Corporation, Ohio
(États-Unis) en 1967, sous la direction de Likert et Pyle.

112
Cité par Okeke (2016)
113
Idem

95
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Selon Morse (1973)114, la comptabilité des ressources humaines comporte deux


volets : la comptabilité des actifs humains et la comptabilité du capital humain.
Par conséquent, si la comptabilité des actifs humains vise à déterminer la valeur des
ressources humaines employées dans une organisation pour l'organisation,
la comptabilité du capital humain concerne la détermination de la valeur des
ressources humaines employées dans une organisation, pour les employés
de cette organisation.

En effet, selon Bullen et Eyler (2010)115, la comptabilité des ressources humaines


implique la comptabilisation des dépenses liées aux ressources humaines en tant
qu'actifs, par opposition à la comptabilité traditionnelle qui considère ces coûts
comme des dépenses réduisant les profits.

Dans les chapitres suivants, nous allons nous pencher sur les techniques
de valorisations et normes de divulgation à l’échelle internationale et nationale.
Nous commençons dans un premier chapitre, au niveau de la première section,
par une revue de la littérature empirique de la comptabilisation du capital humain ;
au niveau de la deuxième section, nous intéressons à la prise en compte des
compétences humaines dans le contexte tunisien à travers l’examen du système
comptables des entreprises et les travaux de recherches et les publications
académiques.

Au niveau du deuxième chapitre de cette seconde partie, nous proposons


une approche d’évaluation et de divulgation du capital humain basée sur

114
Cité par Okeke (2016)
115
Idem

96
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

la méthode Thésaurus-Bercy dans sa première version publiée en 2011,


dans le cadre de la première section nous présentons le modèle (les caractéristiques,
les indicateurs …) ; et au niveau de la deuxième section, nous testons cette méthode
sur deux banques tunisiennes, l’une opérant dans le secteur public et l’autre dans
le secteur privé.

Quant à la troisième et à la quatrième section, elles sont dédiées, respectivement


à la discussion des résultats et la présentation des limites ; et à la présentation de la
structure d’une note hors bilan qui récapitule l’évaluation du capital humain des
deux banques.

Ces réflexions nous permettront de mieux comprendre si l’actif humain peut être
valorisé par le marché financier dans des conditions de certitude.

97
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Chapitre 1 : Techniques de valorisation et normes de divulgation


du capital humain

« Valoriser, c’est faire le lien entre son passé, son histoire, son futur et son
potentiel, pour décider comment agir. » (Mauhin, 2015)116

L’objectif de cette recherche est d’analyser l’association entre la politique


de divulgation d’informations sur le capital humain et la variation des cours
boursier, et proposer une approche de valorisation et de divulgation du capital
humain. Afin de bien mener cette analyse, nous avons jugé nécessaire de
définir les concepts clés et de discuter les études antérieures qui ont traité cette
relation.

Cette partie comportera deux chapitres. Un premier chapitre intitulé «Techniques


de valorisation et normes de divulgation», au niveau duquel nous présentons
les approches de valorisations traitées dans les travaux antérieurs. En deuxième
lieu, nous examinons la position des normes comptables tunisiennes concernant
la comptabilisation du capital humain et les recherches empiriques antérieures
effectuées sur le contexte tunisien. Au niveau du deuxième chapitre, nous
présentons un modèle d’évaluation comptable du capital humain basé sur la
méthode Thésaurus-Bercy dans sa première version publiée en 2011, et une note
hors bilan à ajouter aux états financiers.

116
Cité par Protopapa (2016)

98
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Section 1 : La comptabilisation et la valorisation du capital


humain : revue de la littérature

1.1 Normes et comptabilisation du capital humain

Concernant le capital humain, la question de la protection des savoirs et des


compétences semble au cœur de sa reconnaissance car elle conditionnera sa prise
en compte en tant qu’actif.

La comptabilité des ressources humaines peut être définie comme « le processus


qui consiste à reconnaitre, à mesurer et à communiquer des données sur les
ressources humaines pour contribuer à l’efficacité de la gestion », Lauzen
(1979)117.

En effet, depuis les années 50 aux Etats-Unis, Abramovitz (1956)118 a révélé


l'incapacité de l'accumulation des facteurs traditionnels (capital, travail, terre)
à expliquer la croissance économique et a appelé « measure of our ignorance »
cette part inexpliquée.

Deux ans plus tard, Jacob Mincer (1958)119 a développé un modèle pour expliquer
l'inégalité de revenu aux Etats-Unis. Il a soutenu que la formation et la compétence
en étaient les facteurs déterminants. Il a ensuite fait remarquer que comme pour
le capital physique, le degré d'utilisation du capital humain varie selon le secteur
d'activité.

117
Cité par Kamoun (1998)
118
Cité par Solonion janirina (2009)
119
Idem

99
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

En effet, Brummet et al. (1968)120, Flamholtz (1974)121 et Scarpello et Theeke


(1989)122, Guthrie et Murthy (2009)123, soulignent en outre que le concept
de comptabilité du capital humain est devenu populaire dans les années 1960
et 1970, alimenté par plusieurs articles qui le présentaient comme un moyen de
mesurer et de reporting de la valeur des ressources humaines en unités monétaires.

Selon Flamholtz (1974), Okafor et Jeroh (2010), Kirfi et Abdullahi (2012), et Jeroh
(2013) 124 :"La comptabilité du capital humain est le processus d'identification et de
déclaration des investissements réalisés dans les ressources humaines d'une
organisation qui ne sont actuellement pas pris en compte dans la pratique
comptable conventionnelle. Il s'agit de mesurer les coûts supportés par l'entreprise
et d'autres organisations pour recruter, sélectionner, embaucher, former et
développer le capital humain.

La comptabilité du capital humain peut être décrite comme le processus


d'identification, de mesure et de communication de l'information sur les ressources
humaines afin de faciliter une gestion efficace au sein d'une organisation. C'est une
extension des principes comptables de la comparaison des coûts et des revenus
et de l'organisation des données pour communiquer les informations pertinentes
en termes financiers. "

De façon plus générale, la comptabilité des ressources humaines pose le problème


de l’évaluation économique et financière des ressources humaines dont l’entreprise
utilise le savoir-faire et les connaissances pour créer de la valeur.

120
Cité par Okeke (2016)
121
Idem
122
Idem
123
Idem
124
Idem

100
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Selon Sackmann et al. (1989), l'identification du capital humain dans la


comptabilité des ressources humaines a pour objectifs majeurs :

- Fournir une information chiffrée concernant le coût et la valeur des individus


en tant que ressources pour une organisation ;

- Servir de cadre d'aide à la prise de décision, notamment en ce qui concerne


le recrutement, la sélection, la formation du personnel : fournir un moyen
d'évaluation des politiques de gestion des ressources humaines ;

- Inciter les employeurs à imaginer les salariés comme une ressource évaluable
pouvant s'apprécier selon la manière dont elle est gérée.

L’association américaine de comptabilité, et depuis 1973, a fixé l’objectif de la


comptabilité des ressources humaines comme suit : améliorer la qualité des
décisions financières des entreprises, tant internes qu'externes.

Par ailleurs, la revue de la littérature du reporting sur le capital humain peut être
classée en trois groupes (Abeysekera et Guthrie, 2004, Jindal et Kumar, 2012)125.
Le premier groupe de recherches essaye de mesurer financièrement le capital
humain. Le deuxième groupe de chercheurs se concentre sur la façon dont
les actionnaires et les autres parties prenantes peuvent prendre des décisions
économiques basées sur les divulgations du capital humain ; et le troisième groupe
de chercheurs utilise des modèles théoriques pour expliquer la nature et l'étendue
de la gestion, de la reconnaissance, de la mesure et des divulgations du capital
humain.

125
Cité par Kumar Dey et Sarkar (2015)

101
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

L’examen des normes comptables, et auu niveau du paragraphe 15 de la norme IAS


38, le normalisateur a fait expressément référence à la question de la formation
pour l’exclure de la définition d’immobilisation incorporelle : « Une entité peut
avoir une équipe de personnes qualifiées et être à même d’identifier les
compétences supplémentaires de ce personnel qui généreront des avantages
économiques futurs à la suite d’une formation. L’entité peut également s’attendre à
ce que son personnel continue à mettre ses compétences au service de l’entité.
Toutefois, en règle générale, une entité a un contrôle insuffisant des avantages
économiques futurs attendus d’une équipe de personnes qualifiées et d’un effort de
formation pour que ces éléments puissent satisfaire à la définition d’une
immobilisation incorporelle. »
Toute l’ambiguïté de cette interdiction réside dans l’utilisation du terme « en règle
générale… »

L’ISA 38 semble également exclure toute notion de compétence même spécifique


puisqu’elle ajoute qu’« il est peu probable qu’un talent spécifique en matière
de gestion ou de technique satisfasse à la définition d’une immobilisation
incorporelle ».
L’emploi du terme « peu probable » est à nouveau ambigu. Il s’explique par le fait
que l’interdiction peut être levée à condition que « ce talent soit protégé par des
droits permettant son utilisation et l’obtention des avantages économiques futurs
attendus de ce talent et qu’il satisfasse également aux autres dispositions de
la définition ».

Au niveau du paragraphe 14, il est admis que « La connaissance du marché et les


connaissances techniques peuvent générer des avantages économiques futurs.
Une entité contrôle ces avantages si, par exemple, ses connaissances sont protégées

102
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

par des droits légaux, tels que droits d’auteur, par une clause de non-concurrence
(lorsque cela est autorisé) ou par une obligation juridique des membres du
personnel de respecter la confidentialité autorisée) ou par une obligation juridique
des membres du personnel de respecter la confidentialité. »

En effet, les normes comptables imposent pour la reconnaissance des actifs


immatériels des conditions tellement restrictives, que seuls quelques éléments
incorporels ont vocation à figurer au bilan. Nous pouvons alors se demander si
l’obstacle majeur à la prise en compte à l’actif du bilan du capital humain ne tient
pas à un problème de définition.

En guise de récapitulatif, quatre éléments captent notre attention dans la norme IAS
38 lorsqu’on traite du capital humain :

- Premièrement : La majorité des composantes du capital humain ne satisfont pas


le critère d’identifiabilité. Ainsi la connaissance, le savoir-faire ou la créativité ne
sont ni séparables (ne peuvent être vendus, transfères, concédés par licence, loués
ou échangés, soit de façon individuelle, soit dans le cadre d'un contrat…)
ni résultent de droits contractuels ou autres droits légaux ;

- Deuxièmement : Même s’il est probable que les avantages économiques futurs
attribuables aux salaries iront à l’entité, il ne s’agit pas d’une ressource identifiable
contrôlée par l’entité et pouvant être évaluée au coût de façon fiable, dans la
mesure où ces ressources sont susceptibles de changer d’employeur avec des taches
et une rémunération différentes ;

103
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

- Troisièmement : La norme précise clairement que les dépenses de formation du


personnel doivent être comptabilisées en charges lorsqu’elles sont encourues
puisqu’elles ne créent pas d’actifs identifiables ;

- Quatrièmement : Une exception à ce déni du capital humain comme actif


incorporel, la norme précise que les indemnités de mutation des joueurs
professionnels peuvent être considérés comme des immobilisations incorporelles.
Les contrats des footballeurs répondent aux caractéristiques des immobilisations
incorporelles au sens de la norme IAS38. L’immobilisation de ces contrats qui font
l’objet d’un test de dépréciation annuel n’est en revanche possible que lorsqu’ils
ont fait l’objet d’une transaction, d’un achat. Les joueurs formés au club ne peuvent
être immobilisés.

En effet, l’indemnité versée par un club en cas de mutation correspond


à l’acquisition d’un droit contractuel :
• qu’elle contrôle du fait d’évènements passes ;
• dont elle sera la seule à attendre des avantages économiques futurs liés
à la présence du joueur dans son équipe.

Il existe toutefois un contexte dans lequel ce capital humain est susceptible d'être
valorisé comptablement : les rachats d'entreprises.
L’IFRS 3 aborde la notion de capital humain dans le cadre des regroupements
d'entreprises, en tant que main-d’œuvre (ou force de travail) assemblée.
En application de l’IFRS 3, l'acquéreur intègre au goodwill la valeur d'une
immobilisation incorporelle acquise qui n'est pas identifiable à la date d'acquisition
et, par exemple, peut attribuer une valeur à l'existence d'une main-d’œuvre
assemblée. La main-d’œuvre assemblée est un ensemble existant de salariés grâce

104
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

auxquels l'acquéreur peut continuer d'exploiter une entreprise à compter de sa date


d'acquisition (IFRS 3, point B37). Puisque la main-d’œuvre assemblée n'est pas un
actif identifiable à comptabiliser séparément du goodwill, aucune valeur qui
y serait attribuée n'est intégrée dans le goodwill (IFRS 3, point B37).

Par ailleurs, le capital humain peut être indirectement comptabilisé dans


les opérations liées au capital de l'entreprise : attributions gratuites d'actions, stock-
options et management packages et, plus largement, l'ensemble des opérations liées
à l'épargne salariale.

Par ailleurs, les systèmes comptables traditionnels ne peuvent pas reconnaître


et mesurer la valeur du capital humain car selon la convention de l'unité monétaire
prévue dans la plupart des cadres conceptuels, la comptabilité ne permet pas de
reconnaître et de déclarer la valeur des employés de l'entreprise dans le rapport
financier, puisque la valeur du capital humain est difficile à mesurer en unité
monétaire (Mamun, 2009).126

En somme, la main-d’œuvre assemblée est identifiée mais non reconnue


séparément du goodwill car elle ne constitue pas un actif incorporel du fait de
l'absence de contrôle de l'entreprise sur cette force de travail. Au bilan, le capital
humain est ainsi une composante du goodwill lors d'une acquisition et il apparaît
également, le cas échéant, au passif, en provisions pour engagements de retraite ou
pour médailles du travail. Dans le compte de résultat, le capital humain apparaît
notamment à travers les comptes de salaires et de charges patronales, la formation,
les charges de recrutement …

1.2 Evaluation et mesures du capital humain


126
Cité par Kumar Dey et Sarkar (2015)

105
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

L’analyse et la mesure du capital humain font l’objet d’une littérature abondante


et donnent lieu à un débat nourri.

En 1967, Rensis Likert127 a défendu la mesure du capital humain et son rôle clé
dans la maitrise de la valeur de la firme et l’augmentation de la performance
à travers l'introduction de structures de gestion participatives.

La revue de la littérature montre qu’il existe 3 approches principalement, toutefois,


des divergences de traitement sur le capital humain selon les approches retenues
dans les principaux pays industrialisés ont été mises en évidence par Lilly et Reed
(1999)128, synthétisées ci-dessous ; cette revue empirique n’est pas exhaustive mais
nous avons essayé de jeter la lumière sur les principales approches.

1.2.1 L’approche patrimoniale

1.2.1.1 Evaluation au coût historique

Selon cette méthode, la valeur des ressources humaines est déterminée en fonction
des dépenses effectuées pour les rendre opérationnelles. Cette méthode a été
développée à l’origine par Brummet, Flamholtz et Pyle (1968) 129. Deux types de
coûts, ayant le caractère d’investissement, sont identifiés : Le coût de détection de
la ressource et le coût d’entretien de celle-ci. Par coût de détection on vise les frais
engagé par une entreprise pour chercher la ressource tels que les frais des chasseurs
de têtes, frais payés aux agences de recrutement…

Dans le coût d’entretien, la formation pose le problème de l’appropriation


du savoir : le savoir est capitalisé par l’individu et lui confère donc un caractère
127
Cité par Mrabet (2016)
128
Cité par Méreaux et al (2013)
129
Cité par Delaunay et al. (2004)

106
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

inaliénable ou inappropriable à la société mais il peut être admis que les


comportements individuels ou collectifs vis-à-vis de la formation pendant
la période précédant le travail et pendant l’activité pourraient correspondre à un
investissement auquel consent le salarié et qu’il cherche lui-même à rentabiliser.

Selon cette méthode, le coût historique pour un salarié donné englobe les coûts
directs mesurables (coût de recrutement et de formation identifiable), les coûts
directs estimables (valorisation du temps d’apprentissage).

Dans le cadre de cette méthode, la Barry Corporation donne l’exemple.

La Barry Corporation est une compagnie américaine spécialisée dans la fabrication


de chaussures, elle a le mérite d’être la première firme au monde connue pour avoir
publié un bilan qui renferme la valeur des ressources humaines ; elle a choisi de
publier ses comptes en intégrant le capital humain.

Pour ce faire, un compte individuel fut ouvert pour chaque administrateur dans
un livre auxiliaire. Le système a été, par la suite, généralisé à tout le personnel
administratif de la compagnie (800 employés) pour qui, la société, a tenu trois
comptes : les frais d’embauche, les frais d’apprentissage et les frais de formation.
Au terme de l’exercice 1971, toutes les ressources humaines de l’entité ont été
prises en compte comptablement.

Les valeurs investies en matière de capital humain de la compagnie Barry


Corporation sont de deux natures :

 Les montants décaissés imputables directement à un compte approprié : coût


de recrutement, d’embauche, d’accueil et de développement.
 La valeur des salaires affectés aux périodes d’apprentissage, de formation
et de familiarisation.

107
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Tous les coûts sont regroupés au niveau de l’actif sous une rubrique intitulée
« Immobilisations nettes en ressources humaines », l’actif est amorti selon une
durée conventionnelle de la même manière que les autres comptes d’actifs.
L’amortissement vient en déduction de la valeur brute de l’investissement
en ressources humaines pour ne faire figurer au bilan que la valeur nette.

Le jeu de comptes ainsi conçu augmentera la valeur du résultat d’exploitation,


ce bénéfice n’étant que latent eu égard aux règles comptables et fiscales, il n’est ni
distribué ni imposé. Pour pallier à cette situation, la compagnie Barry Corporation
a publié conjointement deux bilans pour le même exercice : un premier qui traduit
la situation financière sans tenir compte de l’actif humain, et un deuxième qui fait
figurer la valeur de l’investissement en ressources humaines.

Ci-joint le bilan et l’état de résultat arrêtés au 31/12/1971 en USD :

BILAN DE BARRY CORPORATION

Avec prise en compte Sans prise en


des ressources compte des
humaines ressources
humaines

Actifs

Valeurs immobilisées 70 000 70 000

Immobilisations nettes en ressources humaines 32 000 -

Valeur d’exploitation 100 000 100 000

Autres actifs 50 000 50 000

Total 252 000 220 000

PASSIFS

Capitaux propres et réserves 80 000 80 000

108
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Impôt théorique sur capitalisation 10 667 -

Dettes dont impôt sur les sociétés 120 000 120 000

Bénéfice net (y compris capitalisation en RH) 41 333 20 000

Total 252 000 220 000

COMPTE DE RESULTAT DE BARRY CORPORATION

Avec prise en compte Sans prise en compte


des ressources des ressources
humaines humaines

Chiffre d’affaires net 530 000 530 000

Coût de revient 440 000 480 000

Marge brute 90 000 50 000

Dotation aux amortissements 20 000 20 000

Bénéfice d’exploitation 70 000 30 000

Dotation aux amortissements des R. H. 8 000 -

Dotation pour impôt latent 10 667 -

Bénéfice avant impôt 51 333 30 000

Impôt 10 000 10 000

Bénéfice net après impôt 41 333 20 000

Source : Delaunay et al. (2004)

Les utilisateurs des états financiers de la compagnie Barry Corporation publiés en


1971, pouvaient clairement constater que la prise en compte de l’actif humain
améliore le bénéfice net sans pour autant modifier l’impôt (dans les 2 versions
l’impôt à payer s’élève à 10 000 USD).

109
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

1.2.1.2 Evaluation au coût de remplacement

Cette méthode est basée sur l’évaluation du potentiel humain au coût auquel
s’exposerait l’entreprise si elle devait remplacer les ressources humaines existantes.
Cette approche trouve son origine à partir des travaux d’Edwards et Bell (1961)130,
elle est couramment utilisée pour évaluer le capital humain en déterminant ce qu’il
coûterait de recruter un personnel aux compétences similaires au personnel
en place.

Le calcul de son coût de remplacement revient à estimer ce que devrait débourser


l’entreprise pour reconstituer son capital humain.
Les auteurs Pyle (1970)131 et Flamholtz (1970 ; 1985) 132 ont proposé des méthodes
de valorisation du capital humain basé sur le modèle du coût de remplacement
en distinguant :
- Les coûts d’acquisition : recherche, embauche, intégration, …
- Les coûts d’apprentissage : formation initiale, formation professionnelle, perte de
productivité durant la phase d’apprentissage, coût d’encadrement, …

Marquès (1974) 133 propose de distinguer plusieurs types de remplacement :

 Le remplacement en services présents équivalents. Il convient pour un personnel


non spécialisé et facilement substituable.

 Le remplacement en services potentiels équivalents.

 Le remplacement en services potentiels probables.

Ces deux derniers types sont adaptés pour des collaborateurs de niveau plus élevé.

130
Cité par Delaunay et al. (2004)
131
Thésaurus-Bercy V2 (2015)
132
Idem
133
Cité par Delaunay et al. (2004)

110
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

D’après plusieurs études, le coût de remplacement d’un salarié à son poste varie
entre 2 et 24 mois de salaire selon son profil et la valeur du capital humain d’une
entreprise s’échelonne entre 4 mois et 12 mois de masse salariale brute chargée.134
Enfin, il ne faut pas omettre d’intégrer des coûts spécifiques directs et indirects
propres à la substitution de personnel comme les coûts liés au départ du salarié,
coûts de recherche et de mise en place d’un salarié assurant des services
équivalents.

1.2.2 L’approche économique

L’approche économique de l’information suppose que l’information est un bien


économique qui s’échange sur un marché. Son acquisition suppose, donc,
une rationalité d’ordre économique. L’offre et la demande de l’information par
un agent économique sont utilisées en vue de permettre un choix rationnel entre
une panoplie de possibilités.

L’approche économique de l’information a commencé à émerger à la fin des


années 60. Les premières tentatives de modélisation du lien entre les données
comptables et la valeur ont été recensées par les chercheurs de l’Ecole de
Californie suite aux travaux pionniers de Butterworth (1972), Feltham (1968) et
Ohlson (1979).

1.2.2.1 Le modèle socio-économique

134
Thésaurus-Bercy V2 (2015)

111
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Le modèle socio-économique propose une alternative extracomptable à la mesure


du capital humain, opérationnelle. Il est fonde sur l’hypothèse de la compatibilité
entre la performance économique et la performance sociale pour créer de
la performance durable (Savall, 1974, 1975 ; Savall et Zardet, 1987, 2008 ;
Cappelletti 2006)135.Ce modèle considère que l’inefficience managériale et les
vulnérabilités en compétences se traduisent par des dysfonctionnements qui
engendrent des pertes de valeur ajoutée mal reflétées par le système comptable,
d’où leur dénomination de coûts cachés. Selon le modèle, le capital humain
est mesurable sur une période par la mesure de l’évolution des dysfonctionnements
et des coûts caches qu’ils engendrent. Si les dysfonctionnements managériaux et les
vulnérabilités en compétences augmentent, le niveau des coûts cachés
va augmenter indiquant une dégradation du capital humain, l’inverse indiquant son
développement. Ainsi, le capital humain est vu selon le modèle comme
une dynamique continue de réduction de l’entropie organisationnelle.

1. 2.2.2 Les modèles comptables

Au fil des années, plusieurs modèles comptables ont vu le jour, parmi lesquelles
nous retenons les deux modèles les plus utilisés :

- Le modèle de Lev et Schwartz

Lev et Schwartz modelé (1971)136 a essayé de mettre en évidence la dichotomie


en comptabilité entre capital humain et le capital physique dans un contexte
d’incertitude. Leur valeur calculée sur la base des revenus futurs ne peut être
estimée de la même manière puisque le capital humain n’est pas échangé dans un
135
Cité par Cappelletti (2010)
136
Cité par Mrabet (2016)

112
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

marché. Pour ceci ils proposent que la valeur de capital humain soit déterminée
comme suit (cite par Andrade P, Sotomayor A-M, 2011) :

• Tous les employés sont classés dans des groupes spécifiques d'après leur
âge et compétences ;
• La compensation (ou salaires) annuelle moyenne est déterminée pour
des tranches d’âge différentes ;
• Le calcul de la compensation totale pour chaque groupe sera fait jusqu’à
l’âge de la retraite ;
• La rémunération totale sera calculée à un taux escompte du coût de capital.
La valeur obtenue ainsi est la valeur de l'actif / capital humain.

D'après ce modèle, la valeur du capital humain de l'organisation est la somme


des valeurs actuelles du capital humain de tous les individus qui y travaillent,
la formule de calcul se présente comme suit :

- Le modèle d’Henri Savall

113
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Dans son livre publié en 1989, intitulé « Enrichir le travail humain : l’évaluation
économique » Henri Savall propose un modèle dont il rejette une évaluation
exhaustive du capital humain et ne retient que certains flux financiers ayant une
signification en terme de ressources humaines. La méthode proposée prévoit,
en particulier l’intégration des charges monétaires en coût historique avec d’autres
non monétaires.

Les charges sociales, selon ce modèle, sont de deux natures : charges imputables
directement de par leur nature (frais d’embauche, honoraires des cabinets de
formation…) et charges imputables indirectement après ventilation des charges
communes au moyen de clés de répartition (méthode d’imputation rationnelle),
et des charges indirectes selon la quote-part des autres charges. Le schéma suivant,
présenté par l’auteur au niveau de son livre, présente la ventilation des coûts de
la fonction recrutement et formation comme suit :

Figure 8 : Coût de la fonction recrutement et formation

114
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Source : Savall (1989)

La valeur des coûts de recrutement est réajustée périodiquement en fonction des


départs ou de l’affectation d’une personne ayant engendré un coût pour la société.

L’investissement net d’une période est déterminé par la différence entre le coût
total de recrutement et la valeur de l’amortissement. C’est la valeur nette de cet
investissement qui figure au bilan, et au niveau du compte de résultat.

Le désinvestissement en ressources humaines est constaté par la contre passation de


l’écriture relative à l’investissement, pour la valeur de désinvestissement.

115
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Ci-joint un exemple chiffré présenté par Savall :

Soit le coût de la formation et du recrutement du mois de juin est 47 000 unités


monétaires, 3 ouvriers et un cadre ont quitté l’entreprise le même mois. Les coûts
unitaires de recrutement et de formation s’élèvent respectivement à 3500 et 22 000
unités monétaires ; l’investissement en ressources humaines à amortir au 30/06 est
de 252 000 unités monétaires. Le taux d’amortissement mensuel est de 2,5%.
Les écritures comptables à constater se présentent comme suit :

Source : Savall (1989)

- Le modèle de Cascio

116
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Cascio (1996)137 met l’accent sur le calcul en premier lieu de la différence de


salaire entre un individu sortant et son remplaçant. Il suppose que la différence de
performance est reflétée par les déviations du milieu du salaire du travail
en question. Il définit son modèle comme :

1.2.3 Autres approches : L’approche gestionnaire

L’approche gestionnaire du capital humain s’inscrit dans le courant de recherche


mettant l’accent sur les ressources et compétences comme sources de compétitivité
de la firme (Resource-based view of the firm). Cette approche considère qu’une
firme dotée de ressources de qualité et rares est susceptible de bénéficier
d’un avantage concurrentiel sur ses rivales donnant lieu à des performances
financières supérieures (Barney, 1991 ; Conner, 1991 ; Peteraf, 1993 ; Wernefelt,
1984)138. Dès lors, les gestionnaires s’efforcent d’identifier comment la firme peut
construire et développer des compétences et des routines organisationnelles
performantes. L’approche gestionnaire s’interroge sur le contexte organisationnel
le plus favorable au développement du capital humain, l’influence des choix
137
Cité par Mrabet (2016)
138
Cité par Guillard et Roussel (2010)

117
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

stratégiques sur ce dernier ou encore l’importance des styles de direction


sur l’accumulation ou la dépréciation de ce capital.

Ainsi, trois méthodes d’évaluation peuvent être utilisées pour valoriser le capital
humain (Samier, 1999) 139 : mesurer le niveau de savoir acquis, utilisé ou déprécié ;
évaluer le montant de l’investissement complet dans cette ressource immatérielle,
et évaluer la rentabilité de cet investissement.

La première méthode a pour objectif d’évaluer le stock de capital humain à partir


des connaissances, en tenant compte du niveau de formation des collaborateurs,
de la mesure des qualifications des collaborateurs par des tests et des entretiens
et l’appréciation de la valeur du capital humain sur le marché du travail (niveau de
rémunération). Sur ce dernier point, il convient de noter que les rémunérations
perçues sur le marché du travail ne reflètent qu’imparfaitement la valeur du capital
humain. En effet, le marché du travail est réglementé (conventions collectives,
salaire minimum) de sorte que le salaire ne reflète qu’imparfaitement la
productivité du travail.

La seconde méthode s’évertue à évaluer l’investissement complet en capital


humain en distinguant notamment les coûts de remplacement des ressources
140
humaines (Pyle, 1970 ; Flamholtz, 1972 ; 1985) , les coûts d’utilisation des
ressources humaines (Spencer, 1986) et les coûts sociaux globaux associés aux
ressources humaines (Martory, 1980, 1982 ; Savall et Zardet, 1989) 141.

139
Cité par Guillard et Roussel (2010)
140
Idem
141
Cité par Guillard et Roussel (2010)

118
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Enfin, l’évaluation de la rentabilité de l’investissement en capital humain s’appuie


sur la valeur des services rendus par le capital humain d’un individu,
c’est-à-dire par le prix que différents services de la firme sont prêts à payer pour
bénéficier de ce service.

Chacune des méthodes présentées a ses avantages et ses inconvénients.


L’évaluation du capital humain est toujours le sujet des débats des chercheurs
et des professionnels. Toutes les techniques existantes proposent des approches
différentes ; certaines méthodes imposent une valorisation détaillée des
composants, d’autres permettent d’arriver à un résultat global. Néanmoins, aucune
méthode n’a été reconnue comme un standard adoptée par toutes les sociétés.

Ce problème d’hétérogénéité et de rareté d’application entraîne des difficultés de


comparaison entre les entreprises, ce qui diminue de manière importante la valeur
de ces méthodes.
Nous pouvons donc conclure que le marché souffre du manque de standards
(comptables et non comptables) de mesure de l’actif humain.

1.3 Les problèmes empiriques

Les problèmes d’évaluation présentent avant tout des difficultés juridiques dans
la mesure où les actifs humains au bilan ne répondent pas aux critères
de patrimonialité, et fiscales, puisqu’elle pourrait être considéré comme
une réévaluation libre génératrice d’une imposition.

L’évaluation commence toujours par un recueil d’information. Mais comme toute


empreinte de subjectivité, elle comporte un élément décisionnel. L’élément de
subjectivité peut intervenir de plusieurs façons.

119
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Selon Lecointre (1975)142, la limite de l’approche « Comptabilisation des


ressources humaines » fondée sur le coût historique tient à ce que les états
financiers élaborés n’apportent qu’une réponse partielle et réductrice aux besoins
d’information des gestionnaires de l’entreprise et des tiers.

En effet, la valeur économique des ressources humaines est moins révélée par leurs
coûts que par leurs capacités.

Par ailleurs, Dean et al. (2012) 143 ont cherché à savoir si le capital humain devait
ou non être comptabilisé au bilan. Les résultats de leur étude ont révélé que 87%
des répondants étaient d'avis que le capital humain ne devrait pas être comptabilisé
et déclaré dans les bilans, principalement parce qu'il n'existe aucun moyen cohérent
de mesurer le capital humain ; plusieurs chercheurs soulignent que le capital
humain devrait être évalué, mais peut-être les états financiers ne sont pas l'endroit
approprié. Il pourrait être une bonne idée d'avoir un rapport séparé de capital
humain qui fournirait des statistiques et d'autres faits au sujet du capital humain
144
d'une compagnie. Toutefois, les résultats de Jelil et al. (2014) suggèrent que
l'opinion majoritaire parmi les chercheurs dans le domaine de la comptabilité est
que le capital humain devrait être inclus dans les états financière.

145 146
D’autres auteurs comme Bullen (2007) Bullen et Eyler (2010) ont émis
l'opinion que même si les actifs humains ne sont pas signalés au niveau des états
financiers, la comptabilité des ressources humaines peut jouer un rôle crucial dans
les processus décisionnels de gestion interne et les mesures la comptabilité des
ressources humaines peuvent être utilisées pour afficher que les investissements

142
Cité par Delaunay et al. (2004)
143
Cité par Okeke (2016)
144
Idem
145
Cité par Okeke (2016)
146
Idem

120
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

dans les ressources humaines d'une entreprise peuvent générer des bénéfices à long
terme pour l'entreprise.

De plus, après avoir examiné les dimensions utilitaires des modèles existants
147
de comptabilité des ressources humaines, Bavali et Jokar (2014) concluent :
« En ne tenant pas compte de la valeur des employés dans les rapports de gestion
et en leur attribuant des valeurs quantitatives, nous ne pouvons pas nous attendre
à faire des progrès pour le développement dans l'environnement organisationnel.
Progresser et évaluer la comptabilité des ressources humaines n'ont pas atteint un
niveau d'adoption. L'utilisation des modèles de ressources humaines actuels
est complexe et les gestionnaires et les comptables des ressources humaines de
diverses organisations ne peuvent pas les analyser. Par conséquent, ces modèles
n'ont pas beaucoup de chance de rester dans ce domaine pratique et nous espérons
atteindre les progrès attendus en fournissant de nouveaux modèles de mesure
de la comptabilité des ressources humaines et de voir toutes les entreprises
et organisations mesurer leurs propres ressources humaines. »

Par ailleurs, parmi les difficultés non moins importantes, on se heurte


à l’indivisibilité des tâches. En effet, le travail au sein de l’entité est un tout
indissociable, et la croissance de cette dernière est la suite logique de
la combinaison des efforts collectifs de toutes les parties prenantes. Cette notion
d’invisibilité des tâches conduit à l’évaluation des performances confondues de
toute la masse sans mettre en évidence le rendement individuel.

Pour les méthodes comptables reposant sur l’approche du coût historique,


la reconnaissance de l’investissement en ressources humaines pose le problème de

147
Idem

121
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

l’amortissement de cet investissement. Comme le souligne Marquès (1974)148,


la durée de vie probable des investissements humains dépend de nombreux facteurs
tels que la durée de vie des individus, l’état de leur santé, l’âge de la retraite,
le climat social, la probabilité de rupture du contrat de travail, l’obsolescence des
connaissances techniques.

Deux voies ont été proposées pour mesurer cette durée de vie : l’une, de nature
statistique, repose sur l’élaboration de courbes de carrière par catégorie de
personnel à partir des données historiques ; l’autre, de nature comportementale,
examine le jeu des variables conduisant un individu à quitter une entreprise afin
d’en déduire une probabilité. D’autre part, le retour sur investissement rattaché aux
dépenses en ressources humaines n’est toujours pas évident.

Section 2 : La prise en compte des compétences humaines dans


le contexte tunisien

Les sociétés tunisiennes de droit commun tiennent leurs comptabilités et arrêtent


leurs états financiers conformément à la Loi n° 96-112 du 30 décembre 1996,
relative au système comptable des entreprises, et le décret n° 96-2459 du 30
décembre 1996, portant approbation du cadre conceptuel de la comptabilité ; elles
sont aussi soumises aux dispositions de la loi n° 94-117 du 14 Novembre 1994
Portant Réorganisation Du Marché Financier.

2.1 Le système comptable des entreprises et la


comptabilisation du capital humain

148
Cité par Delaunay et al. (2004)

122
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Le terme « ressources humaines » a été utilisé deux fois au niveau du décret n° 96-
2459 du 30 décembre 1996, portant approbation du cadre conceptuel
de la comptabilité, au niveau du paragraphe 18149 : « D'autres informations sont
utiles à la prise de décision économique. Ces informations traduisent le besoin
d'affiner ou de compléter la gamme d'informations destinée aux utilisateurs et
portent notamment sur :

• les perspectives financières des activités de l'entreprise,

• les activités ayant trait à la gestion des ressources humaines,

Au niveau du paragraphe 83 du cadre conceptuel de la comptabilité tunisien,


le législateur incite les entreprises à porter un intérêt aux informations qui
dépassent la dimension financière pour atteindre d’autres dimensions « telles que la
dimension sociale, la dimension écologique, ainsi que la dimension technologique
»:

«D'autres informations financières et non financières, dont la publication est de


nature à rendre plus utile l'information pourraient être communiquées sous forme
de rapports ou d'états séparés complétant les états financiers et concernent
notamment :

• Les comptes prévisionnels renseignant sur les perspectives d'activité


de l'entreprise, les ressources et moyens qu'elle compte mettre en œuvre,
les performances attendues et les équilibres financiers et de trésorerie futurs.

149
Décret n° 96-2459

123
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

• L'état sur les ressources humaines fournissant les données qualitatives


et quantitatives les plus pertinentes sur le capital humain de l'entreprise et les
activités et actions qui sont de nature à le développer. … »

Quant au bilan social, en droit tunisien, et sur le plan législatif, il n’est pas
réglementé ; son application ne peut résulter que de la volonté de l’employeur.
Selon l’assemblée nationale française150, le bilan social est « le rassemblement
ordonné de données chiffrées décrivant la situation sociale de l’entreprise.
Il constitue un précieux document d’information et de gestion sociale, transmis
pour avis, au comité de l’entité. Il permettra de développer la concertation sur des
bases solides. »

Dans la pratique, les sociétés tunisiennes suivent la réglementation française


concernant le bilan social (la loi 77-769 du 12 juillet 1977), les entreprises de plus
de 300 salariés doivent établir un bilan social annuellement.

Contrairement à certains pays de l’Europe, il n y a pas une réglementation qui


oblige les entreprises tunisiennes à publier des informations sur leur capital
immatériel. En effet, on fait face à un déficit réglementaire qui a longtemps
prévalu en matière de publication concernant la gestion du « capital humain », qui
demeure un domaine très faiblement réglementé en Tunisie malgré les dispositions
du code des sociétés commerciales, du système comptable des entreprises et du
règlement du conseil du marché. Par conséquent, les dirigeants des entreprises
tunisiennes disposent d’une large marge de liberté pour déterminer le contenu du
rapport annuel de gestion.

150
Cité par Kamoun (1998 )

124
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

2.2 Recherches empiriques dans le contexte tunisien

Les études empiriques sur le capital humain dans le contexte tunisien sont très
rares, généralement elles font partie des études sur le capital immatériel.

Selon les travaux de Louki et Triki (2008) intitulés « L'analyse de l'impact


des mécanismes de gouvernance sur le niveau de divulgation volontaire : Cas des
sociétés tunisiennes non financières », sur un échantillon de 40 sociétés tunisiennes
dont 22 sont cotées à la bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT) en 2003,
Sur les 13 items qu’elles publient volontairement, les investissements dans
les ressources humaines et développement de la direction a été classé dans le 6eme
rang.

Et dans les travaux de Boujelbene et Affes (2013) intitulé « Perceptions du capital


intellectuel par les managers : Etude empirique dans le contexte Tunisien », pour
un échantillon de 51 managers tunisiens (directeur général, directeur financier
et comptable) les répondants accordent plus d’importance au capital humain par
rapport aux autres catégories du capital intellectuel. En effet, 70% des répondants
perçoivent les éléments de la catégorie du capital humain comme étant
«Extrêmement important» contre 61% et 55.2% pour les deux autres composantes
du capital intellectuel (respectivement capital relationnel et structurel).
Dans la catégorie du capital humain, plusieurs éléments sont considérés comme
«Extrêmement important» et «Très important» (85.6% au total) contre (81,8%)
pour le capital relationnel et (76%) pour le capital structurel, tels que la satisfaction
des employés, la fidélité des employés vis-à-vis de leur Entreprise, la formation des
employés ...

125
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Pour Mezghani et al. (2007), ils ont présenté une étude empirique dans le contexte
tunisien concernant la divulgation d'informations sur l'immatériel ; ils ont conclu
que la comptabilité financière, malgré son évolution ces dernières années dans
la reconnaissance des immatériels, n’a pas encore reconnu la notion d’actif humain
comme un élément devant figurer à l’actif du bilan de l’entreprise.
En 2006, et pour un échantillon de 60 chefs d’entreprise, 47,5% sont tout à fait
d’accord sur le fait que la comptabilité qui tient compte du capital immatériel
favorise mieux la prise de décision. 29,5% sont plutôt d’accord sur le sujet et 23%
sont plutôt en désaccord. Pour ces derniers même une comptabilité qui tient compte
de l’immatériel ne favorise pas une prise de décision adéquate étant donné qu’il
s’agit d’un élément aléatoire et variable, ainsi aucune méthode de mesure ne peut
le quantifier correctement et aucune norme comptable ne peut l’enregistrer dans
la comptabilité d’une manière satisfaisante. Ils ont dégagé aussi que pour les chefs
d’entreprises, les professionnels comptables sont en train d’identifier et de
comptabiliser les éléments immatériels mais dans la limite des prescriptions des
normes comptables en vigueurs et aussi sans fournir une information
supplémentaire dans les notes qui peut aider les utilisateurs de l’information
financière à mieux valoriser l’entreprise et à prendre des décisions adéquates.

Dans les travaux de Chakroun (2013), elle rejoint le consatat de (Nekhili


et Fakhfakh (2008) et Khlifi et Bouri (2008)) concernant le fait que plusieurs
entreprises tunisiennes sont encore réticentes à divulguer des informations
volontaires dans leurs rapports annuels.

Kamoun (1998) a partagé un questionnaire auprès de 74 auprès des experts


comptables, des universitaires, et des dirigeants. La population interrogée
est unanime quant à l’importance du facteur humain dans l’évaluation des

126
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

entreprises et que la publication d’un document social est d’une utilité absolue pour
les différentes parties. 71% des experts comptables répondants encouragent
l’application d’une norme, qui retient parmi les investissements, les dépenses
engagés par la formation et le développement des ressources humaines.
Néanmoins, la spécification de la rubrique, devant contenir ses dépenses, n’a pas
fait l’unanimité des avis. Certains pensent qu’il s’agit de « frais préliminaires »
alors que 71% des répondants préfèrent imputer ces dépenses dans un compte
spécifique. Par ailleurs, 63% des répondants trouvent que la comptabilisation des
dépenses de formation professionnelle, en charge, alors que son impact sera
ressenti au cours des exercices ultérieurs ; est contraire au principe de la séparation
des exercices.

Nous rejoignons alors l’idée de Stanko et al. (2014) 151 :

"La comptabilité du capital humain est un processus très complexe. En fait, c'est si
difficile qu'il n'y a pas eu de moyens vraiment efficaces jamais développés.
La complexité réside dans le fait qu'il existe des centaines de facteurs qui
constituent la valeur d'un employé. De plus, les employés sont des êtres humains
dotés d'un libre arbitre. Parce qu'ils ont le libre arbitre, les employés peuvent être
influencés mais jamais complètement contrôlés comme d'autres actifs peuvent
l'être. Ils ne peuvent pas être la propriété d'un bâtiment, d'un brevet ou d'une
sécurité. "

Les recherches orientées initialement vers l’attribution d’une valeur à l’Homme ont
viré vers la prise en compte de l’investissement en capital humain, les méthodes se

151
Cité par Okeke (2016)

127
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

sont alors multipliées en passant de l’approche du coût historique pour finir par
la valeur de la rentabilité économique.

Les approches de mesure de la valeur du capital humain se basant exclusivement


sur des données monétaires (coût historique, coût de remplacement…) n’ont pas
tardé à dévoiler leurs limites. L’intégration d’autres données économiques et non
économiques n’a pas simplifié l’aboutissement à des résultats fiables.

En effet, d’autres éléments interviennent pour faire varier la valeur des ressources
humaines, en l’occurrence, les aspects environnementaux, le climat social,
les conditions de travail (encadrement, stress collectif…) ; c’est pourquoi au niveau
du chapitre suivant nous avons essayé de présenter le capital humain selon une
méthode qui combine ses différents critères (monétaires et non monétaires) ;
à savoir le modèle Thesaurus Bercy V1.

128
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Chapitre 2 : Cas Pratique – Proposition d’une approche


d’évaluation et de divulgation –

Selon l’OCDE (2006)152, pour compléter les états financiers des entreprises,
deux moyens paraissent particulièrement efficaces dans l’optique d’un
fonctionnement plus efficient des marchés financiers : une meilleure information
narrative /non financière et une information spécifique sur les actifs intellectuels,
souvent via un rapport spécial ; c’est pourquoi au niveau de ce dernier chapitre,
nous proposons une note hors bilan pour compléter les états financiers
des entreprises tunisiennes.

Nous avons vu au niveau du chapitre précèdent que plusieurs méthodes comptables


et non comptables ont été présentées pour évaluer le capital humain.

En effet, de nombreuses initiatives alternatives ont vu le jour afin de proposer


une valeur significative de la performance des entreprises telles que la notation
sociale et environnementale, la notation extra financière et les modèles de
valorisation des performances globales parmi lesquels nous citons le rapport
Thesaurus Bercy instituant un référentiel de valorisation des entreprises intégrant
le capital immatériel au même titre que les indicateurs financiers. Ce dernier
s'appuie sur un modèle de cash-Flow de type DCF (Discounted Cash-Flow).

Dans le cadre de ce travail de recherche, nous utilisons le modèle Thesaurus Bercy


V1 pour évaluer le capital humain dans le contexte tunisien, il s’agit d’une
extraction de données à la fois quantitatives (nombre d’employés, masse salariale,

152
Cité par Boujlben et Affes (2014)

129
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

revenus de l’entreprise) et qualitatives (pyramide des âges, niveau de diplôme, turn-


over…).

Dans le cadre de cette deuxième partie, nous testons empiriquement notre


problématique de recherche à savoir « Dans quelle mesure une évaluation
pertinente du capital humain contribue-t-elle à une divulgation à la fois valorisante
et fidèle pour l’entreprise et les parties prenantes »

Pour ce faire, nous présentons dans une première section notre méthodologie de
recherche (les caractéristiques de l’échantillon, le choix du modèle, la description
des variables, les méthodes d’analyse...)

La deuxième section sera dédiée à l’évaluation du capital humain dans le contexte


tunisien et ce selon la méthode Thesaurus Bercy V1.

130
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Section 1 : Présentation d’un modèle d’évaluation du capital


humain

Le modèle Thésaurus-Bercy est considéré aujourd’hui comme leader de la mesure


du capital immatériel en France, c’est le référentiel Français de mesure de
l’immatériel commandé par le Ministère de l’Économie et des Finances.
Il est enseigné au niveau de plusieurs universités françaises telles que HEC Paris,
CNAM, SKEMA BUSINESS SCHOOL ... ; et utilisé pour la valorisation du
capital immatériel par plusieurs entreprises à l’instar de la Banque Atlantique
Populaire, ALTEREOS Groupe, ARTAL TECHNOLOGIES, AUCHAN, AVS -
Assets Valuation Services, REGAIN…

L’objectif du premier volume, Thésaurus-Bercy V1, publié en 2011,


est de proposer une extension à la comptabilité IAS-IFRS en y ajoutant une
valorisation extra financière. L’objectif du second volet, publié en 2015, est de
compléter la méthodologie d’évaluation jusqu’alors limitée à une dimension extra-
financière, par une série de recommandations pour réaliser l’évaluation du capital
immatériel d’une entreprise.

L’analyse de l’entreprise à travers le prisme d’éléments quantitatifs et qualitatifs


permet d’avoir une meilleure vision de la valeur du capital humain et d’estimer
l’évolution de cette valeur. Les éléments qualitatifs permettent de témoigner de
façon plus précise de l’impact d’un salarié dans les résultats de l’entreprise.

131
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

1.1 L’actif Humain : une association entre le capital


manager et le capital salariés.

Selon la méthode Thesaurus Bercy V1, le capital humain présente une association
interreliée entre le capital manager et le capital salariés, le calcul de la note du
capital humain fait référence à 12 items répartis comme suit :

Figure 9 : Présentation du capital Humain selon la méthode Thesaurus Bercy V1

Source : Thésaurus-Bercy V1 (2011)

132
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

1.1.1 Présentation et indicateurs de calcul du capital manager

Pour le calcul du capital manager, la méthode Thésaurus-Bercy V1 a fixé cinq


critères schématisés comme suit :

Figure 10 : Présentation du capital manager selon la méthode Thesaurus Bercy V1

Source : Thésaurus-Bercy V1 (2011)

 La compétence des managers : Pour évaluer la compétence des managers,


la combinaison des 3 critères suivants est nécessaire :

- L’ancienneté moyenne dans le poste


- Le Parcours : cursus universitaire et expériences passées
- La compétence sur les différents domaines d’activité

Ci-joint la grille d’évaluation des critères cités ci-dessus :

133
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Note Ancienneté moyenne Parcours du manager Compétence sur les différents


du manager à son domaines d’activité
poste
20 8 ans A un parcours de haut La finance, le commercial,
niveau (diplômes, postes la création et la production sont
antérieurs) en phase avec parfaitement maitrisés par le
manager
sa fonction à 100 %
15 6 ans Quelques écarts à l’idéal Quelques fragilités à la marge
dans le parcours
10 4 ans Le parcours est moyen au Un domaine clé n’est pas maîtrisé
regard du poste
5 2 ans et moins Le parcours présente des Deux domaines clés non maîtrisés
lacunes réelles pour la
fonction
0 1 ans et moins Le parcours est Manager aux nombreuses lacunes
totalement inadapté à la
fonction

 Leadership des managers : Pour noter la qualité de leadership des


managers, la combinaison des 3 critères suivants est nécessaire :
- Le Charisme
- La prise de risque
- La prise de décisions

Pour chaque critère, la méthode propose une grille et une note qui varie entre 0
et 20 comme suit :

Note Charisme Prise de risque Prises de décision


20 Très fort charisme Le dirigeant est un entrepreneur Les décisions sont sûres,
parfait qui sait prendre des rapides et couvrent tous les
risques importants quand il le sujets
faut en les mesurant et en les
gérant
15 Une réelle personnalité La prise de risque est bonne, Sur quelques sujets de
quelques défauts en évaluation moindre importance, les
(au préalable) ou en gestion (à décisions peuvent tarder

134
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

posteriori)
10 L’autorité du dirigeant Le dirigeant est prudent Des décisions importantes
est suffisante ne sont pas prises à temps
ou sont instables
5 La personnalité du Le dirigeant est timoré (prise de Le dirigeant ne prend pas
dirigeant est en retrait risque les décisions en temps et en
insuffisante) ou un peu casse- heure ou est flou dans
cou ce qu’il décide
0 Absence totale de La prise de risque est Le comité ne prend pas de
légitimité inconsidérée ou totalement décisions, l’entreprise est à
absente la dérive

 La responsabilité des managers : Pour évaluer la responsabilité des


managers, la combinaison des 3 critères suivants est nécessaire :
- L’engagement de l’entreprise dans la RSE
- La sensibilité sociale
- La confiance

Pour chaque critère, la méthode propose une grille et une note qui varie entre 0
et 20 comme suit :

Note L’entreprise est Sensibilité sociale Confiance


engagée dans la RSE
20 Certifié QSE, labellisée Le dirigeant écoute ses Le capital humain de
ISO 26 000, … collaborateurs, il est exigeant et l’entreprise a une confiance
bienveillant. Il excelle dans ce totale dans son
domaine dirigeant
15 L’engagement est réel Le dirigeant est un bon manager Le capital humain a
et sérieux confiance dans son
dirigeant
10 Une sensibilité au sujet L’aptitude à manager est La confiance est moyenne
moyenne
5 Entreprise en infraction L’aptitude à manager est Le niveau de confiance est
avec la réglementation insuffisante faible
0 Entreprise peu Le dirigeant n’a pas de qualité Le capital humain n’a pas
recommandable de management des RH confiance dans son
dirigeant
 La stabilité des managers : la stabilité est appréciée à deux niveaux

135
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

- Par rapport à la durée moyenne de collaboration : une note qui varie entre 0
et 20 selon pour une durée d’un an à plus que 15 ans.

Note Durée moyenne de collaboration Turn over correspondant


20 Plus de 15 ans Moins de 6,6%
15 10 ans 10%
10 5 ans 20%
5 2 ans 50%
0 1 an 100%

- Par rapport à la gestion des remplacements : une note entre 0,9 et 1,25
est accordée selon la grille suivante :

Note Gestion des remplacements (turn over ou retraite)


1,25 L’organigramme de remplacement et les périodes de transition marchent à merveille
1,2 Malgré un dispositif efficace, la durée des transitions est parfois trop courte
1,1 Le système de gestion de la relève existe mais ne fonctionne pas très bien
1 Le système fonctionne mal
0,9 Rien n’est prévu à cet égard

Une fois la note de chaque critère est calculée, la note du capital managers
est calculée en procédant à une moyenne pondérée des notes de chaque critère.

Il est à noter que les critères cités ci-dessous constituent la majorité des critères de
la méthode Thésaurus-Bercy V1 et non pas la totalité.

1.1.2 Présentation et indicateurs de calcul du capital salariés

136
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Pour le calcul du capital salarié, la méthode Thésaurus-Bercy V1 a fixé plusieurs


critères présentés comme suit :

 La compétence des collaborateurs : le calcul de la compétence


des collaborateurs passe par le calcul des trois éléments suivants :
- Existence d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
- La diversité
- La politique de formation et de maintien dans l’emploi

Note Existence d’une gestion Diversité Politique de formation


prévisionnelle des emplois et des de maintien dans
compétences l’emploi
20 Pour toutes les fonctions clés de Très forte diversité L’entreprise consacre plus
l’entreprise il y a des collaborateurs y compris dans le de 6 % de sa masse salariale
experts et des remplaçants experts comité de direction (MS) à la formation, tous les
collaborateurs sont formés
15 Pour toutes les fonctions clés il y a Très forte diversité Budget formation = 4 % MS
des experts mais il manque des mais insuffisance ; la plupart des salariés sont
remplaçants pour certaines dans le comité de formés
fonctions clés direction
10 Il y a un déficit de compétence Une politique plus L’entreprise consacre 3 %
pour certaines fonctions clés que des résultats de la masse salariale à la
formation
5 Il n’y a pas de GPEC Pas de politique L’entreprise consacre 1 %
0 Absence d’entretien d’évaluation Discrimination L’entreprise ne forme pas
perceptible ses salariés

 Engagement des collaborateurs : le calcul de l’engagement


des collaborateurs passe par l’appréciation des quatre éléments suivants :

- La motivation
- Le turn over (taux de rotation)

137
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

- L’absentéisme
- Les indicateurs de tensions sociales (prud’hommes, grèves, dialogue
social...)

Note Motivation Turn over Absentéisme Indicateurs de tensions sociales


(prud’hommes, grèves, dialogue
social dégradé avec les
représentants)
1,2 100% 8% 0% Absence depuis très longtemps
1,1 80% (8 % + moyenne 2% Rares
secteur)/2
1 70% Moyenne secteur 4% Existants
0,7 40% 2 fois la moyenne 6% Fréquents
secteur
0,4 20% 3 fois 13% Nombreux et permanents

 Sérénité des collaborateurs : estimée par rapport au niveau du stress


comme suit :

Note Votre niveau de stress est Indicateurs de stress collectif et de climat : plans
acceptable sociaux, précarité, turn-over, arrêts maladie,
taux d’accident, suicides, conflits sociaux pour
ces raisons
1,2 20 % de « plutôt pas d’accord » et Entreprise exemplaire à cet égard (top 10
de « pas d’accord » great place to work par exemple)
1,1 40% Bonne image employeur, entreprise où il
fait bon vivre (réputation persistante et connue)
1 60% Sujet peu évoqué, ni en positif ni en négatif
0,7 80 % de « plutôt pas d’accord » et Souffrance, conflits sociaux fréquents, plan
de « pas d’accord » sociaux fréquents
0,4 100 % de plutôt pas d’accord et de Forte souffrance perceptible, très fort absentéisme,
pas d’accord » fort turn over, suicides

138
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

 Encadrement des collaborateurs : estimée par rapport au quantitatif


hiérarchique et la compétence des managers

Note Quantitatif hiérarchique Compétence des managers


20 Un manager pour 20 5
15 Un manager pour 20 à 30 4
10 Un manager pour plus de 30 ou pour moins 3
de 15
5 Un manager pour plus de 50 ou pour moins 2
de 10
0 Un manager pour plus de 100 ou pour moins 1
de 5

 L’efficience des collaborateurs : l’efficience est appréciée par rapport ou


sous-effectif ou sureffectif ainsi que l’effectif productif par rapport
à l’effectif total.
Quant à l’estimation du sous-effectif ou le sur effectif, une grille d’évaluation
(présentée ci-dessous) a été présenté par le modèle Thésaurus-Bercy V1,
et quant à la pondération avec l’effectif productif par rapport à l’effectif total,
la formule se présente comme suit :

Effectif productif = effectif total – effectif (Rh + DAF + R&D + DSI +


Marketing +comité de direction)

Note Sureffectif Sous-effectif Effectif productif /


Effectif total
20 Le taux d’occupation des Tous les postes sont pourvus, la 80%
salariés est idéal charge de travail est soutenue mais
sans excès (pas d’heures
supplémentaires ou d’intérim)
15 Le taux d’occupation des Tous les postes sont pourvus, la 75%
salariés est bon en charge de travail très soutenue (les
permanence heures supplémentaires et l’intérim

139
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

sont substantiels ponctuellement)


10 Le taux d’occupation des Le recours au travail temporaire et 65%
salariés est faible par les
moment dans l’année heures supplémentaires sont assez
fréquentes
5 Le taux d’occupation des Le rythme de travail est excessif 55%
salariés est faible comme le montre le volume
d’heures supplémentaires

 La fidélité des collaborateurs :

Selon la méthode Thésaurus-Bercy V1 la fidélité des collaborateurs est annexée


sur deux éléments : la rotation et la gestion des remplacements comme suit :

- Gestion des remplacements :

Note Gestion des remplacements


1,25 L’organigramme de remplacement et les périodes de transition marchent à merveille
1,2 Malgré un dispositif efficace, la durée des transitions est parfois trop courte
1,1 Le système de gestion de la relève existe mais ne fonctionne pas très bien
1 Le système fonctionne mal

- Taux de plus de 62 ans sur les 3 ans, et turn over sur 3 ans écoulés :

Note Turn over (sur 3 ans écoulés) + taux de plus de 62 ans


20 8%
15 (8%+ moyenne secteur)/2
10 moyenne de secteur
5 2 fois la moyenne de secteur

 Coût du travail : la formule de calcul du surcoût moyen du travail (SMT)


est constituée de plusieurs paramètres :
SMT = TAB/ (1-TAB) + (1/DMC) +TAT, avec

140
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

TAB : le taux d’absentéisme


TTA : le taux de turn over
DMC : la Durée Moyenne de Collaboration
TAT : le coût des accidents du travail ramené à la masse salariale = Montant
payé au titre des accidents de travail/effectif/salaire moyen chargé

Remarque : l’efficacité des collaborateurs est calculée en combinant les quatre


éléments suivants :

- L’engagement
- L’encadrement
- La sérénité
- La compétence

Une fois la note de chaque segment connue, la note du capital collaborateurs est
calculée en procédant à une moyenne pondérée des notes de chaque critère. Ainsi,
la note du capital humain est calculée comme la moyenne du capital collaborateur
et du capital dirigeant.

1.2 Les caractéristiques de l’échantillon

1.2.1 Population et échantillon

Le but de cette étude est de calculer le capital humain de deux banques tunisiennes
l’une opérant dans le secteur privé et l’autre dans le secteur public et ce pour
l’exercice 2016, et voir dans quelle mesure le capital humain peut expliquer le gap
entre la valeur comptable et la valeur boursière.

141
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Le choix du secteur de service a été appuyé par le résultat de l’étude de Thésaurus


effectuée en 2015 sur le marché français, selon cette étude concernant le classement
des actifs immatériels par secteur d’activité, ils ont trouvé dans un premier lieu
les sociétés qui offrent des services intellectuels et dans un deuxième lieu
les sociétés appartenant au secteur financier (les banques, assurances …).

Figure 11 : Classement des actifs par secteur d’activité dans le processus de création de
valeur sur le marché français

Source : Thésaurus-Bercy V2 (2015)

L’évaluation et la divulgation du capital humain est un thème très peu abordé.


En effet, à notre connaissance aucune étude en Tunisie n’a présenté une évaluation
de l’actif humain dans le secteur de service selon la grille Thésaurus-Bercy (2011).
Pour cela, nous avons choisi de traiter ce sujet dans le contexte tunisien.

Après consultation de la liste des sociétés cotées à la bourse des valeurs mobilières
de Tunisie -BVMT-, nous jugeons que pour notre travail de recherche,
il est opportun de choisir des sociétés appartenant au secteur financier à savoir
les banques.

142
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

1.2.2 Critères de choix des entreprises

L’entreprise évaluée doit donc être active sur un marché concurrentiel et être de
taille significative afin qu’il soit possible de constituer l’échantillon de sociétés
comparables.

En ce qui concerne ce travail de recherche, la population étudiée est composée de


deux banques tunisiennes cotées sur la BVMT, l’une opérant dans le secteur privé
et classé parmi les 3 premières banques à l’échelle nationale, l’autre dans le secteur
public est classé la 3eme banque en Tunisie.

Les banques répondent parfaitement à notre cible de recherche puisqu’elles


présentent une base salariale étendue (nombre et polyvalence), préparent
annuellement un bilan social ; et les données sectorielles annuelles sont publiées
par l’Association Professionnelle Tunisienne des Banques et des Etablissements
Financiers (APTBEF).

1.2.3 Types de données

Trois types de données caractérisent la recherche en science comptable.


Les données de type section croisée, les données de type temporel et les données de
panel. Le second type de recherche consiste à choisir les données de panel où nous
croisons l’entreprise à l’année.

En ce qui concerne ce travail de recherche, les données que nous traitont


appartiennent au second type. Nous avons examiné un échantillon de 2 entreprises
tunisiennes pour une seule année, à savoir 2016.

143
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

1.2.4 Unité d’échantillonnage

L’unité d’échantillonnage utilisé dans ce travail de recherche est les états financiers
ainsi que le bilan social qui correspondent au couple (entreprise*année).

1.2.5 Collecte des données

Le capital humain des deux banques a été calculé à partir de la grille Thésaurus-
Bercy (2011), et ce en examinant 12 items regroupés au tour de 8 familles de
données à savoir la stabilité, la compétence, la responsabilité et le leadership pour
le Capital Managers ; l’efficience, l’efficacité, le coût de travail et la fidélité pour le
Capital Salariés.

Notre démarche s'est subdivisée en trois étapes :

- la formulation du questionnaire,

- l'enquête,

- Centralisation et analyse des données ;

* La formulation du questionnaire

Une partie des réponses a été obtenu grâce à un questionnaire adressé au personnel
de chaque banque, le questionnaire utilisé est composé de questions fermes
concernant la motivation, le niveau de stress, l’environnement de travail ;
le questionnaire partagé est attaché au niveau de l’annexe 2.
Etant dans l’impossibilité d’obtenir la réponse de tout le personnel, le choix des
participants au questionnaire joue un rôle déterminant pour le bon fonctionnement
de l’extrapolation des réponses obtenues. Nous considérons que notre échantillon

144
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

est représentatif puisque nous avons obtenu des réponses des différents
départements ainsi qu’au niveau des agences.

* L’enquête

L'enquête a été effectuée par interviews directes des avec les directeurs de
ressources humaines et les chefs des pôles comptables des deux banques.

Les interviews ont duré en moyenne une quarantaine de minutes, la partie


évaluation du capital humain occupant la majorité du temps. Chaque entretien a été
suivi d'une petite discussion sur les « meilleures » réponses par rapport à la grille
de Thésaurus-Bercy V1, quand les individus enquêtés s'y intéressaient. Nous avons
bien expliqués aux interlocuteurs qu’il n'y a pas de «mauvaises» ou de «bonnes»
réponses.

Les données comptables et boursières des deux banques sont disponibles sur le site
de la BVMT « bvmt.com.tn », principalement les rapports annuels : les rapports
annuels sont le principal outil de communication des entreprises de leurs activités
tactiques et stratégiques, autres que la publication obligatoire des états financiers
(Hollande et Boon Foo, 2003)153. Les données extra comptables sont disponibles
au niveau du bilan social de chaque banque.

* Centralisation et analyse des données

Pour chaque banque, nous avons centralisé les réponses au niveau d’une base de
données qui servira pour le calcul d’une note pour chaque critère de la méthode
Thésaurus-Bercy V1. Pour chacun des actifs évalués, une carte de critère de valeur

153
Cite par Abeysekera (2010)

145
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

a été établie. Il est à noter que certains critères sont évalués entre 0 et 20, et pour
d’autres critères c’est plutôt un coefficient qui varie entre 0,4 et 1,2.
Section 2 : Evaluation du capital humain dans le contexte
tunisien

Pour appliquer la méthode Thésaurus-Bercy V1 dans le contexte tunisien, nous


nous sommes inspirés du rapport annuel de la banque populaire atlantique de
l’exercice 2014. A cette époque, elle était la première banque européenne qui a
réalisé une évaluation de son capital immatériel (client, humain…). Une note a été
annexée à ses états financiers et certifiée par ses deux commissaires aux comptes
dans le cadre de la certification des informations sociales, environnementales et
sociétales figurant dans le rapport de gestion.

Un extrait des états financiers de la banque populaire atlantique de l’exercice 2014


est attaché au niveau de l’annexe 3.

Les résultats de notre recherche empirique sont présentés comme suit :

146
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

2.1 Le capital humain de la banque opérante dans le secteur privé

Engagement des
collaborateurs 1

Efficience des
Encadrement des
collaborateurs 15
collaborateurs 15

Efficacité des Sérénité des


collaborateurs 12,5 collaborateurs 1

Coût du travail 1 Compétence des


Capital Salariés 14,3
collaborateurs 10

Fidélité des
collaborateurs 1

Actif Humain 14,6

Stabilité
des managers 1

Compétence des
managers 15
Capital Managers 15
Responsabilité des
managers 15

Leadership
des managers 15

147
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

2.2 Le capital humain de la banque opérante dans le secteur public

Engagement des
collaborateurs 0,9

Efficience des Encadrement des


collaborateurs 13,3 collaborateurs 15

Efficacité des Sérénité des


collaborateurs 12,5 collaborateurs 1,1

Capital Salariés 10,3 Coût du travail 0,8 Compétence des


collaborateurs 10

Fidélité des
collaborateurs 1

Actif Humain 12

Stabilité
des managers 1

Compétence des
managers 12
Capital Managers 13,7
Responsabilité des
managers 14,3

Leadership des
managers 15

Section 3 : Discussion et limites des résultats

148
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

3.1 Le capital humain des deux banques tunisiennes

Dans la cadre de la section précédente, nous avons évalué et présenté le capital


humain de deux banques tunisiennes selon la méthode Thésaurus-Bercy V1.

Les notes inférieures et égales à 1, ne sont pas des notes sur 20, mais des
coefficients qui améliorent les notes lorsqu’ils sont supérieurs à 1 et les dégradent
sinon.

Pour les deux banques, les notes relatives à l’encadrement, la sérénité ;


et la responsabilité des managers sont bonnes. Ceci est dû consécutivement, à un
quantitatif hiérarchique bien noté (un manager pour 20 à 30 personnes), un niveau
de stress acceptable et une perception de la banque par ses employés comme une
entreprise ou il fait bon vivre (réputation et climat social) ; ainsi que de mangers
veillant à ce que règne une atmosphère de confiance au sein de la banque.

Toutefois, les deux banques ont été ‘sanctionné’ dans la notation de la compétence.

En effet, selon la grille de Thésaurus-Bercy V1, le budget consacré à la formation


des employés ainsi que l’existence d’une Gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences (GPEC), sont deux éléments déterminant pour noter la compétence
des salariés. Les deux banques tunisiennes comme la majorité des banques
tunisiennes ne disposent pas d’une Gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences. Concernant le budget de formation, la grille de Thésaurus-Bercy V1
considère que le minimum doit être égal à 1% de la masse salariale, sauf que pour
les deux banques tunisiennes objet de notre étude, et pour les deux derniers
exercices comptables audités, à savoir 2016 et 2015, elles n’ont pas consacré, pour
la formation plus de 1% de la masse salariale.

149
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Néanmoins, ceci ne remet pas en cause aucunement la compétence des salariés du


secteur bancaires. D’ailleurs, les dernières statistiques publiées par l’Association
Professionnelle Tunisienne des Banques et des Etablissements Financiers (voir
annexe 4), montrent que les cadres et les cadres supérieurs occupent plus que 50%
de la population bancaire actives.

Concernant le capital salariés de la banque opérante dans le secteur public, les


notes attribuées au coût de travail et à l’efficience des salariés sont inférieures à
celles de la banque opérante dans le secteur privé. Quant au coût de travail, il est
affecté par le taux d’absentéisme supérieur de 2% par rapport à sa concurrente, et
quant à l’efficience des salariés, le ratio effectif productif/effectif total est inférieur
à celui de la deuxième banque.

3.2 Le capital humain et le ratio market to book

Au niveau de la première partie de ce travail de recherche, nous avons montré que


le capital immatériel et plus précisément le capital humain explique le gap entre
la valeur comptable et le cours boursier des sociétés cotées. Ce point a été montré
empiriquement dans plusieurs pays développés et en développement.

Pour notre cas empirique, nous avons examiné l’évolution des cours boursiers des
deux banques durant l’exercice 2016, et nous avons remarqué que pour la banque
privée, le cours boursier n’a pas cessé d’augmenter et le titre est spéculé à un prix
doublement sa valeur comptable qui s’élevé au 31/12/2016 à 12DT. Nous avons
attaché ci-dessous la courbe de spéculation des titres de la banque privée.

150
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Source : www.bnacapitaux.com.tn

Quant à la banque publique, la courbe des cours boursiers de l’exercice 2016, a


suivi une allure décroissante tout au long de l’exercice. Le cours moyen de
spéculation de 2016 s’élève à 9DT contre une valeur comptable de 24 DT, ceci
malgré la réalisation d’une plus-value sur cession de titres exceptionnelle qui
s’élève à 96 141 millions de dinars.

Nous avons attaché ci-dessous la courbe de spéculation des titres de la banque


publique.

Source : www.bnacapitaux.com.tn

151
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Ces résultats viennent à l’appui des différentes études menées sur la liaison entre
le capital humain des sociétés de services et le « price to book ».

Nous pouvons conclure, que le capital humain des sociétés de services tunisiennes
explique -même partiellement- le gap entre la valeur comptable et la valeur
boursière.

3.3 Limites des résultats

Comme tout travail de recherche, ce travail souffre d’un certain nombre de limites.
La première concerne la taille de l’échantillon qui s’est limité aux deux entreprises
de services cotées à la BVMT. Toutefois, les banques représentent la majorité des
sociétés de services cotées en Tunisie. Par ailleurs, nous avons essayé de combler
à cette limite par la diversification du secteur Public/Privé.

La deuxième limite concerne l’utilisation des documents de référence comme


unique support de communication sur le capital humain. D’autres supports sont
aussi pertinents à analyser (pages web des sites de l’entreprise, articles de presse,
etc.). Toutefois, nous pensons que les documents de référence en raison de leur
régularité et des règles à respecter dans la rédaction de ce type de support, semblent
être les sources d’information les plus adéquates pour évaluer le niveau de
divulgation sur le capital humain en Tunisie.

La troisième limite concerne la mesure de la note de certains items. Dans ce papier,


la collecte d’informations via le questionnaire n’était pas une collecte exhaustive.
C’est vrai que l’échantillon était représentatif, mais au niveau de la méthode
Thésaurus-Bercy, les réponses doivent émaner de tout le personnel.

152
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Section 4 : Proposition d’une note sur le capital humain

A l’instar des banques européennes, et faute de disponibilité d’informations pour


l’échantillon sélectionné, et en l’occurrence la banque populaire atlantique, nous
avons sélectionné les notes aux états financiers de 2015 rattachées au capital
humain facilement applicable dans le contexte tunisien.

Si l’application de la méthode Thésaurus-Bercy nécessite le recours à un prestataire


de service externe et donc l’engagement d’un coût supplémentaire ;la banque
tunisiennes, peut communiquer à ses parties prenantes les indicateurs suivants :

Formation :

Formation des salariés :

153
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Formation des membres du comité d’audit et du conseil d’administration :

154
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Répartition de l’effectif par contrat, statut et sexe :

Pyramide des âges :

155
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Répartition des embauches et des départs :

Emploi de personnes en situation de handicap :

156
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Dialogue social et qualité de vie au travail :

157
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Il est à noter que toutes ces informations, et les informations sociales,


environnementales et sociétales d’une façon générale, sont certifiées par les
commissaires aux comptes,-voir annexe 3-.

Conclusion de la deuxième partie

Pendant plusieurs décennies, dans le contexte de la mondialisation de l’économie,


les méthodes d’évaluation, de comptabilisation et de divulgation du capital humain
se sont développées de manière successive. Chaque méthode a essayé de combler
aux défaillances de sa précédente.

En effet, la valorisation d’un actif incorporel et surtout l’actif humain est un sujet
très complexe notamment en valeur pécuniaire.

158
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Dans le cadre de la partie empirique de notre travail de recherche, et après une


revue de la littérature empirique des méthodes d’évaluation, nous avons opté pour
une méthode très récente, enseignée dans plusieurs universités, et appliquées par
plusieurs sociétés françaises cotées : la méthode Thésaurus-Bercy Volet 1 (2011),
« Référentiel français de mesure de la valeur extra-financière et financière du
capital immatériel des entreprises ».

L’application de cette méthode dans le contexte tunisien, n’était pas très facile étant
donné la sensibilité de la communication d’informations concernant les ressources
humaines, sa nouveauté pour les interviewers ; et le fait que la collecte de données
s’effectue en partie moyennant un questionnaire.

Malgré cela, l'applicabilité de notre méthode est concrète. Par ailleurs, les résultats
obtenus sont bien cohérents avec la base conceptuelle que nous avons développée
dans la première partie. Il résulte de l'exploitation de cette méthode une
confirmation qu’il existe un lien entre le capital humain et la valeur boursière des
sociétés cotées.

159
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Conclusion générale
Face à environnement économique en perpétuelle mutation et une économie de
marché de plus en plus ouverte et élargie, les entreprises se trouvent devant des
pressions d’adaptation et de relance pour pouvoir vivre et faire face à la
concurrence.

Le savoir est désormais reconnu comme un moteur de productivité et de croissance


économique. En effet, la matière première-clé qui assure un avantage compétitif
aux personnes et aux institutions ne se situe plus dans le matériel mais plutôt dans
l'immatériel (l'information, le savoir-faire et la connaissance). Nous pourrions
parler alors de capital-savoir, comme le troisième facteur de production, en plus des
deux autres plus traditionnels : travail, et capital. Le travail physique pur de son
côté perd de son importance, ou du moins devient sous-traité et non stratégique, par
rapport aux compétences technique, scientifique, organisationnelle et
communicationnelle ainsi que les capacités créative et adaptative (théorie du capital
humain) ; l’accumulation porte majoritairement sur la connaissance et sur la
créativité, c’est-à-dire sur l'immatériel. On parle en ce sens, au niveau
microéconomique de capital intellectuel et de « valeur-savoir ».

De nos jours, l’information financière d’un bilan « classique » est insuffisante pour
formuler une idée claire sur les vraies potentialités des entités. D’ailleurs, le gap
entre la valeur comptable et la valeur boursière des sociétés cotées est le meilleur
témoin de cette insuffisance. Une analyse financière ou de rentabilité se trouve
donc amputée de plusieurs éléments de valeur non reproduits dans les comptes de
l’entreprise, et c’est notamment le cas des sociétés de services. Les

160
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

entreprises ont essayé de pallier à ces lacunes par le recours à la divulgation


volontaire d’information sur le capital intellectuel afin de compléter
l’information financière.

Parmi les éléments du capital intellectuel les plus influents, nous trouvons le capital
humain, source de création de valeur et un avantage concurrentiel inimitable.

Donc, face à la nouvelle réalité économique, les entreprises se trouvent de plus en


plus concernées par le développement de leur potentiel productif notamment celui
qui peut faire la différence autant dire l’HOMME. A cet effet la reconnaissance de
l’impératif du social dans la bataille pour la compétitivité constitue une aubaine
pour reconsidérer à sa juste valeur la place prépondérante de l’homme dans la
stratégie globale des entreprises.

Ainsi, dans la mesure où le capital humain n’est pas une ressource comme les
autres dans le sens où il ne s’agit pas d’un bien tangible, mesurable, identifiable
stricto-sensu comme peuvent l’être un matériel ou un immeuble, l’outil traditionnel
comptable est moins adapté, ce qui a amené les chercheurs à proposer d’autres
outils de mesure du capital humain tels que les indicateurs essentiellement de
nature qualitative regroupés dans des tableaux de bord. Cependant, le problème
reste posé car ces outils ne permettent pas d’obtenir une valeur financière du capital
humain qui apparaîtrait dans les comptes des entreprises. Ceci peut sembler, de
prime abord, incongru puisque, par essence même, le faire apparaître dans les
comptes de l’entreprise ne semble pas a priori envisageable tout au mois avec les
règles comptables normatives actuelles. C’est donc une question persistante que
celle de la mesure comptable du capital humain.

161
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

En l’absence de norme de valorisation spécialement dédiée à l’actif humain,


l’attention a été portée sur les méthodes d’évaluation globale des entreprises pour
essayer d’attribuer une valeur au capital humain. Ces méthodes ne reconnaissent
pas, d’une façon explicite, une valorisation du capital humain dans l’approche
d’une évaluation générale de l’entreprise. Quant à la valeur du goodwill, elle
désigne une masse chiffrée d’un superprofit, résultant d’une combinaison de
plusieurs éléments immatériels y compris le capital humain.

Néanmoins, et en dépit des théories de valorisation avancées, et de la méthode de


valorisation envisagée ; le problème de la comptabilisation des ressources
humaines fait surface. En effet, la notion d’investissement évoque la notion de
retour sur investissement et d’amortissement. L’investissement en capital humain
doit être rapproché au service rendu par le personnel, dont la durée probable de
maintien de ce service rendu ne semble pas être facile à déterminer. La volatilité
d’une multitude d’éléments composant le capital humain, à savoir, l’espérance de
vie, la capacité intellectuelle des employés, l’obsolescence des connaissances ;
ainsi que la durée de collaboration des employés au sein de l’entreprise pour
pouvoir déterminer d’une façon plausible la durée d’amortissement .

Par ailleurs, la comptabilisation des ressources humaines, présume l’adoption d’une


méthode fiable, pertinente, et permanente pour traduire l’actif humain dans un
langage concis et compréhensible par les utilisateurs internes et externes ; mais se
heurte à des difficultés pratiques des modalités requises en matière de valorisation,
de réajustement de la valeur enregistrée ainsi que la contrepartie qui balance
l’élément d’actif. En outre, l’inscription en réserves de la valeur du capital humain
pose des problèmes notamment juridiques (propriété des réserves) et fiscaux
(distribution de réserves).

162
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

D’autre part, la non prise en compte de l’actif humain au niveau des états financiers
évoque la question de la régularité et de la sincérité de ces états. Dans ce sens,
Likert (1967) avance que sans cette prise en compte, le bilan de l’entreprise n’est
pas complet, il peut même de ce fait, induire le lecteur en erreur. Toutefois,
l’examen des états financiers publiés à l’échelle internationale et nationale laisse
remarquer l’absence de l’actif humain au niveau des bilans financiers.

A l’ère de la mise à niveau et face aux pressions exercées par la concurrence


étrangère, les entreprises tunisiennes se trouvent concernées par des mutations
technologiques, techniques, et sociales qui traversent le monde économique.
En effet, l’augmentation des moyens techniques de production et la modernisation
des outils de fabrication ne peuvent pas assurer à elles seules l’amélioration de
la compétitivité des entités. Encore faut-il s’intéresser aux éléments qui vont
pouvoir faire fonctionner ces machines et ces outils de façon valable, permettant
ainsi une utilisation optimale de ces ressources matérielles.

Cette étude avait pour objet d’étudier l’association entre l’identification,


l’évaluation et la divulgation du capital humain, et le ratio market to book :
domaine peu exploré en particulier dans le contexte tunisien.

En effet, à la lumière des études antérieures nous avons élucidé l’articulation entre
la divulgation volontaire du capital intellectuel, et en l’occurrence le capital
humain ; et l’écart entre la valeur comptable et boursière des sociétés cotées.

Nous avons au cours de la deuxième partie de ce travail de recherche, et après


l’examen des méthodes de valorisation et de comptabilisation du capital humain,
et en faisant appel à la grille de la méthode Thésaurus-Bercy (2011), calculer l’actif
humain de deux sociétés tunisiennes cotées à la BVMT.

163
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Les résultats obtenus étaient en concordance avec les travaux de recherches menées
dans d’autres contextes. Nous estimons que la valeur de l’actif humain est en
étroite relation avec la valeur boursière des sociétés cotées, même si cet actif n’est
pas évalué et n’est pas communiqué aux différentes parties prenantes.

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www.observatoire-immateriel.com

www.oceantomo.com

www.valorisation-entreprise.com

173
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Annexes

Annexe 1 : Un extrait de l’étude du Cabinet Ricol et Lasteyrie

D’après une étude du cabinet Ricol & Lasteyrie datant de 2006, l’ensemble des
entreprises du CAC 40 représentait une valeur boursière de 1 200 milliards d’euros
et une valeur comptable de 600 milliards d’euros. Leur goodwill extra-comptable
est supérieur à leur valeur comptable. Au sein de cette dernière, on recense 254
milliards d’euros de goodwill résiduel – ce qui correspond par exemple à l’écart
d’acquisition qui apparaît lors du rachat d’une entreprise, immatériel que
l’acquéreur inscrit à son actif. S’y ajoutent 170 milliards d’euros d’actifs
incorporels identifiés (recherche, fichiers clients…) et 185 milliards d’euros
d’actifs matériels et financiers, c’est-à-dire 15 % du total. Les immobilisations et
les actifs circulants ne représentent donc que 15 % de l’ensemble, tandis que le
capital immatériel atteint 85 %. Même durant la crise financière, qui a fait fondre le
goodwill extra-comptable, il reste 78 % de capital immatériel. Au total, que l’on
soit en période d’expansion économique ou de crise, le poids de l’immatériel est
donc considérable. Dans les PME, les proportions sont comparables.
Source : ISIS 2013

174
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Annexe 2 : Questionnaire

Question N° 1 : Nous nous intéressons à votre opinion à propos de l’existence d’une bonne
cohésion dans le comité de direction
Merci de cocher une
Réponses
seule réponse
Forte proximité, liberté de parole, management participatif
Tensions rares et le management est participatif
Des tensions existent ou bien, les tensions n’existent pas
parce que le management est très ferme
Il y a des conflits dans le groupe ou la cohésion est assez
faible et le management manque de leadership (décisions
collégiales, dilution des responsabilités)

Question N° 2 : Nous nous intéressons à votre opinion à propos de votre motivation de travail
au sein de la banque
Merci de cocher une
Réponses
seule réponse
100%
80%
70%
40%
20%

Question N° 3 : Comment vous jugez l’environnement de travail par rapport aux indicateurs
suivants : actions en justice au niveau de prud’homme, grèves, dialogue social dégradé avec
les représentants…

Merci de cocher une


Réponses
seule réponse
Absence depuis très longtemps
Rares
Existants
Fréquents
Nombreux et permanents

Question N° 4 : Comment vous jugez l’environnement de travail par rapport aux indicateurs
suivants (stress collectif et climat social) : plans sociaux, précarité, turn-over, arrêts maladie,
taux d’accident, suicides, conflits sociaux pour ces raisons
Merci de cocher une
Réponses
seule réponse
Entreprise exemplaire à cet égard. Par exemple, considérez-vous
que votre banque fait partie du top 10 des «great place to work »
Bonne image employeur, entreprise où il fait bon vivre (réputation
persistante et connue)

175
Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Sujet peu évoqué, ni en positif ni en négatif


Souffrance, conflits sociaux fréquents, plan sociaux fréquents
Forte souffrance perceptible, très fort absentéisme, fort turn over,
suicides

Question N° 5 : Est-ce que vous considérez que votre niveau de stress est acceptable

Pas d’accord D’accord


Niveau de stress acceptable

Question N° 6 : Votre genre


Masculin Féminin

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Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Annexe 3 : Extrait des états financiers de la Banque Populaire


Atlantique au 31/12/2014

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Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

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Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

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Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

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Le Capital Humain : Reconnaissance, Evaluation et Divulgation

Annexe 4 : Evolution de la structure du personnel permanant du


secteur bancaire

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