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réservé aux produits utilisés pour la fourniture d’énergie thermique dans les
chaudières, les fours, les centrales…
Cet article est consacré exclusivement aux carburants ; le lecteur pourra
toutefois se référer utilement à la description des combustibles liquides
(BE 8 546), car certains produits peuvent être à la fois des carburants et des
combustibles. C’est le cas, par exemple, du fuel oil domestique (FOD) utilisé à la
fois pour le chauffage des habitations et pour l’alimentation des moteurs diesel
de tracteurs agricoles. C’est le cas aussi des fuels lourds qui servent principale-
ment à la fourniture d’énergie thermique dans l’industrie, mais aussi à la traction
dans de très gros moteurs marins.
Dans leur immense majorité, les carburants sont des liquides, ce qui permet
d’obtenir un excellent compromis entre la compacité, la facilité et la sécurité de
mise en œuvre. Les carburants gazeux [gaz naturel, gaz de pétrole liquéfié (GPL)]
se développent actuellement pour des usages spéciaux (circulation urbaine), en
raison de leur caractère peu polluant ; toutefois, leur diffusion reste encore, au
voisinage de l’an 2000, extrêmement faible. Rappelons, en effet, que, dans le
monde, plus de 700 millions de véhicules utilisent des carburants liquides,
alors que 4 millions seulement sont alimentés par du gaz naturel ou du GPL.
Quant aux carburants solides (charbon, bois) leur contribution qui fut parfois
importante en période de pénurie énergétique ne revêt plus maintenant qu’un
intérêt historique.
Les carburants proviennent essentiellement du pétrole qui, lui-même, assure
encore, à l’approche des années 2000, une part importante de la consommation
d’énergie primaire dans toutes les régions du monde [cf. Doc. BE 8 545]. Dans le
bilan pétrolier, la production de carburants obtenue grâce à un raffinage de plus
en plus sophistiqué, constitue souvent le débouché principal, notamment dans
les zones fortement industrialisées où le transport sous toutes ses formes est
extrêmement développé (États-Unis, Japon, Europe occidentale).
En dehors du pétrole, deux autres filières permettent d’obtenir des carburants
liquides, mais elles sont, l’une et l’autre, très marginales, tout au moins en
termes de débouchés.
La première concerne les biocarburants provenant, comme leur nom l'indique,
de la biomasse. Il s’agit plus précisément d’éthanol issu de la fermentation de
céréales (maïs, blé) ou de plantes sucrières (betteraves), d'éthyltertiobutyléther
obtenu par action de l’éthanol sur l’isobutène, et enfin de dérivés d’huiles végé-
tales (colza, tournesol…). Actuellement et pour longtemps encore, l’accès aux
biocarburants n'est pas compétitif sur le plan économique ; ceux-ci ne sont donc
utilisés que pour résorber des excédents agricoles et, dans certains cas, pour
faire face à des problèmes spécifiques de pollution atmosphérique.
Le gaz naturel peut également être transformé, via le gaz de synthèse
(CO + H2), puis éventuellement le méthanol, en carburants liquides. Cette filière,
très intéressante d'un point de vue technique, demeure toutefois coûteuse sur le
plan aussi bien énergétique qu’économique et ne pourrait, semble-t-il, se déve-
lopper qu’en cas de renchérissement notable du pétrole brut (avec un cours
de l’ordre de 25 $/bl).
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— les essences alimentant les moteurs d'automobiles dits « à 5 % d’ester méthylique de colza. Ce dernier est lui-même parfois uti-
explosion » ou à allumage commandé par étincelle. À cette caté- lisé en mélange dans le gazole, jusqu’à hauteur de 30 % (vol.), sur
gorie se rattachent le gaz de pétrole liquéfié utilisé comme carburant des flottes spécialisées (autobus, véhicules municipaux, voitures de
(GPL-C) et des produits à usages spéciaux (motocycles, avions à service...).
moteurs à pistons, voitures de compétition…) ;
— le gazole constituant la source d'énergie des véhicules diesel
routiers (voitures particulières, camionnettes, camions). On peut
associer au gazole d'autres produits également utilisés dans des 1.2 Rapport gazole/essences
moteurs diesel. Ce sont le fuel domestique (FOD), dans ses usages
« carburant » (tracteurs agricoles, engins de travaux publics) et les
différents types de carburants « marine » (bateaux de pêche, navires Les essences et le gazole constituent évidemment les deux types
de toute taille) ; de carburants les plus utilisés partout dans le monde. Un paramètre
— le carburéacteur alimentant les avions à réaction pour tous les important influant sur les schémas de raffinage et, en conséquence,
transports aériens domestiques et internationaux. Il existe, à côté du sur la qualité et le coût des produits finis, est le rapport gazole/
carburéacteur classique (Jet A1), plusieurs sortes de carburants essences. Comme l’indique le tableau 2, ce rapport peut varier de
spéciaux réservés, le plus souvent, à des usages militaires. 0,4 jusqu’à 1,5 environ selon l’infrastructure et les particularités du
transport dans tel ou tel pays. Il dépasse, par exemple, largement
Les principaux types de carburants peuvent se distinguer au
1,0 dans certains pays d’Europe (France, Belgique…) qui se caracté-
moyen de caractéristiques simples telles que la masse volumique,
risent par une forte diffusion de voitures particulières diesel. À
l'intervalle de distillation, le nombre d'atomes de carbone de leurs
l’inverse, aux États-Unis, où le moteur diesel est peu diffusé, même
constituants. Le tableau 1 fournit quelques indications à ce sujet.
sur certaines catégories de véhicules utilitaires, le rapport gazole/
Le GPL-C ne contient que des hydrocarbures en C3 et C4, (8 au essences est inférieur à 0,50. Un autre cas typique est celui de
maximum) qui sont gazeux à pression atmosphérique et au-dessus certains pays en voie de développement où le transport concerne
de 0 oC. essentiellement les véhicules utilitaires de type diesel ; la consom-
Les essences distillent entre environ 30 oC (point initial) et 180 oC mation de gazole est alors importante en valeur relative (rapport
(point final) ; elles contiennent des hydrocarbures de C4 à C10 ; le gazole/essences supérieur à 1,0).
nombre de constituants individuels est compris entre 120 et 150. La consommation de carburéacteur est le plus souvent modérée,
Le gazole est un produit beaucoup moins volatil que les essences, comparée à celle des deux autres carburants majeurs. Cependant,
puisque sa distillation s’étage entre 160 oC et 380 oC environ. Il de fortes disparités existent selon les particularités du transport
renferme probablement plus de 1 000 hydrocarbures différents, aérien dans différents pays. Ainsi, le rapport carburéacteur/essences
contenant chacun de 10 à 20 atomes de carbone par molécule. est de 0,29 en France contre 0,61 au Japon ! Dans l’adaptation de
l’outil de raffinage à la demande du marché, on rassemble parfois
Globalement, le carburéacteur est une coupe pétrolière intermé-
sous la même rubrique et sous le nom de « distillats » la somme des
diaire entre les essences et le gazole, avec des constituants
consommations de gazole et de carburéacteur, comparée à la
communs à ces deux produits.
demande en essences. Le tableau 2 montre que ce paramètre varie
Enfin, les fuels lourds se caractérisent par une masse volumique considérablement d’un pays à l’autre.
élevée (supérieure à 950 kg/m3) et la présence de composants
hydrocarbures très lourds dont la plupart ne sont pas distillables
sans craquage à pression atmosphérique.
Ajoutons encore que certains carburants peuvent contenir de 1.3 Mécanismes de fixation
faibles quantités de constituants organiques oxygénés, d’origine des spécifications
non totalement pétrolière. C’est le cas des essences où se trouvent
parfois de faibles quantités (3 à 7 %) d’alcools comme le méthanol,
l’éthanol, l’isopropanol, le tertiobutanol, ou d’éthers (jusqu’à 15 %) Les spécifications des carburants, comme celles de tous les
comme le méthyltertiobutyléther (MTBE), l’éthyltertiobutyléther produits pétroliers, sont des réglementations de caractéristiques et
(ETBE), le tertioamylméthyléther (TAME). Par ailleurs, le gazole dis- de composition des produits assurant un compromis entre trois
tribué, de façon banalisée, en station-service, peut contenir jusqu’à types de critères :
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façon générale, la combustion en mélange pauvre tend à améliorer dans lesquelles PCIm et PCIv représentent respectivement les PCI
le rendement, mais à réduire la puissance, cette dernière tendance massique et volumique (en kJ/kg et kJ/litre) PAR, OL et ARO les
pouvant être combattue par un taux d’admission d’air plus élevé teneurs en paraffines, oléfines et aromatiques (% vol.) de l'essence,
(suralimentation, installation d’une deuxième soupape). Ces consi- ρ la masse volumique en kg/dm3 et S la teneur en soufre (% masse).
dérations justifient la permanence de travaux de recherche et de
développement sur les moteurs à essence fonctionnant en mélange
pauvre ; les constructeurs japonais sont particulièrement actifs dans 2.2.2 Valeurs numériques de PCI
ce domaine. pour les carburants classiques
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5 0
Tableau 4 – Énergie du mélange carburé stœchiométrique 0,7 0,8 0,9 1,0 1,1 1,2 1,3
pour différents types de composés organiques Richesse
Contenu énergétique
Énergie spécifique du mélange carburé Figure 1 – Exemple d’évolution des émissions de polluants CO, NOx
gazeux et HC en fonction de la richesse (moteur à essence)
Produit
(kJ/kg Valeur (kJ/litre Valeur
d’air) relative de mélange) relative Finalement, l’emploi de carburants gazeux constitue toujours une
cause de perte de puissance, modérée certes, mais perceptible ; elle
Isooctane........ 2 932 1,000 3,42 1,000
peut, cependant, être compensée, en pratique, grâce à d’autres évo-
Méthane ......... 3,10 0,906 lutions (amélioration du rendement, modification de la cylindrée,
des rapports de transmission…).
Éthane ............ 3,29 0,962
Propane .......... 3,35 0,980
Butane ............ 2 961 1,010 3,38 0,988 2.4 Formation des polluants
Décane ........... 2 940 1,003 3,44 1,006
Cyclohexane .. 2 942 1,002 3,42 1,000 La combustion dans les moteurs génère des émissions de pol-
Hex-1-ène ....... 3 008 1,026 3,47 1,015 luants gazeux, liquides et solides qui sont très rigoureusement
réglementées. Depuis 1990 environ, la législation antipollution
Benzène.......... 3 032 1,034 3,515 1,028 implique des dispositions relatives non seulement à la quantité de
Toluène .......... 3 011 1,027 3,505 1,025 polluants rejetés, mais aussi aux caractéristiques et à la composition
des carburants.
O-xylène ......... 3 000 1,023 3,50 1,023
Méthanol ........ 3 086 1,054 3,38 0,988
2.4.1 Nature et concentration des produits émis
Éthanol ........... 2 982 1,019 3,41 0,997
Isopropanol.... 2 945 1,004 3,43 1,003 Les polluants d’origine automobile sont de différents types. Il
Nitrométhane 6 221 2,122 6,03 1,763 s’agit principalement :
— des pertes d’hydrocarbures par évaporation, concernant pres-
Nitropropane . 5 010 1,709 4,06 1,187
que exclusivement le moteur à essence ;
Hydrogène ..... 2,92 0,854 — d’hydrocarbures (HC) dits imbrûlés, mais correspondant en
réalité à des transformations chimiques plus ou moins complètes du
carburant ;
— de monoxyde de carbone formé principalement en mélange
Pour les carburants gazeux à l’état naturel (méthane, GPL) ou uti- riche ;
lisés sous cette forme (vaporisation totale en amont de la chambre — d’oxydes d’azote (NO et NO2) désignés par le sigle NOx , et
de combustion du moteur), l’énergie disponible par unité de volume dont le taux de formation dépend à la fois de la richesse et des
de mélange carburé gazeux ne dépend plus uniquement du rapport températures locales de combustion ;
PCIm/r, mais aussi de la masse molaire du carburant. — de particules très fines émises surtout par les moteurs
Le tableau 4 montre le contenu énergétique du mélange carburé diesel ;
gazeux (CEMV), à richesse 1,00 et 25 oC, pour différents carburants — d’anhydride sulfureux (SO2) et sulfurique (SO3) dont le rejet est
comparés encore ici à l’isooctane. On peut constater que les carbu- lié à la présence de soufre dans le carburant.
rants gazeux à l’état naturel, se caractérisent par une réduction Le paramètre agissant le plus fortement sur les émissions des
notable de CEMV (9,4 % avec le méthane, 3,8 % avec l’éthane, 2 % trois principaux polluants (CO, HC, NOx ) est la richesse, comme
avec le propane). Avec l’hydrogène, la perte serait encore plus l’indique la figure 1. C’est en effet au voisinage de la stœchiométrie
importante (15 %). Quant aux nitroparaffines, elles apportent, dans que l’on obtient un compromis acceptable. Celui-ci n’est toutefois
ce scénario encore, des gains considérables (76 % pour le nitromé- pas suffisant, face à la sévérité des réglementations, et il faut désor-
thane) que l’on ne peut pas, toutefois, concrétiser. mais, sur les moteurs à essence, réaliser un traitement catalytique
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des gaz d’échappement. Le catalyseur, dit « 3 voies » parce qu’il La masse volumique des essences varie avec la température,
convertit simultanément les trois polluants CO, HC et NOx, implique selon la relation :
une combustion en mélange stœchiométrique.
ρ t = ρ 15 − k ( t − 15)
Dans les moteurs diesel qui fonctionnent, par nature, en mélange
pauvre, les émissions de CO et HC, déjà basses à l’origine, peuvent
être encore diminuées par catalyse d’oxydation. En ce qui concerne avec ρ t, ρ 15 masse volumique (en kg/L), respectivement à
la réduction des émissions d’oxydes d’azote les techniques catalyti- t oC et 15 oC,
ques (dites déNOx ) ne sont pas encore au point et il faut faire appel k facteur numérique égal à 0,00085 kg/(L oC),
à d’autres solutions (filtration, recyclage des gaz d’échappement…).
t température (en oC)
2.4.2 Incidences sur les caractéristiques Ainsi, lorsque la température s’élève de 15 oC à 25 oC, par
des carburants exemple, ρ diminue de 0,008, soit 1 % en moyenne. Ces fluctuations,
bien que faibles en valeur absolue, doivent évidemment être prises
en compte dans les diverses transactions commerciales liées au
Afin de réduire les émissions de polluants à la source, favoriser stockage et à la distribution des essences.
leur traitement catalytique et diminuer la toxicité des produits fina-
lement rejetés dans l’atmosphère, plusieurs moyens d’action relatifs Le respect d’un certain intervalle de masse volumique de
aux carburants doivent être mis en œuvre. l’essence est nécessaire pour une utilisation satisfaisante du véhi-
Ce sont : cule. En effet, les constructeurs automobiles en tiennent compte lors
de la mise au point des systèmes d’alimentation du moteur et choi-
— la réduction de la pression de vapeur des essences ; sissent en conséquence les débits des différents organes mécani-
— la limitation des teneurs en certains constituants (benzène, ques. Ensuite, lors de l’utilisation réelle, une variation trop
aromatiques et oléfines dans les essences, polyaromatiques dans le importante de masse volumique entre différents approvisionne-
gazole…) ; ments, pourrait perturber les réglages de richesse, dans les zones de
— la désulfuration le plus souvent très profonde (quelques fonctionnement où la régulation est difficile (démarrage, mise en
centaines, voire quelques dizaines de ppm de soufre, dans les action).
produits finis) ;
— le contrôle rigoureux de certaines caractéristiques physicochi- En pratique, l’utilisateur préférera le carburant le plus dense pos-
miques (masse volumique, viscosité, indice de cétane…). sible, compatible avec les spécifications, car il lui offre le meilleur
PCI volumique et la plus basse consommation spécifique en litres
Ces questions seront traitées plus en détail ultérieurement par 100 km. On estime à ce sujet qu’un accroissement de la masse
(cf. § 6). volumique de 4 à 5 % entraîne une réduction de consommation de
3 à 5 %. Enfin, pour le raffineur, la latitude de 0,050 kg/L accordée sur
la masse volumique de l’essence, constitue un compromis accepta-
ble, tandis qu’un resserrement serait vraiment trop contraignant.
3. Carburants pour moteurs ■ La pression de vapeur est le critère retenu pour apprécier la vola-
à allumage commandé tilité des essences. Le plus souvent, on ne détermine pas la pression
de vapeur vraie, mais une grandeur associée, appelée pression de
vapeur Reid (PVR). La procédure consiste à mesurer la pression rela-
Ce sont essentiellement les essences de différents types (avec ou tive développée par les vapeurs issues d’un échantillon d’essence,
sans plomb), le GPL-carburant et des produits spéciaux, notamment disposé dans une enceinte métallique, à une température de
ceux utilisés en compétition automobile. 37,8 oC. Les PVR des essences sont, en général, comprises entre 350
et 1 000 mbar ; les niveaux correspondant aux spécifications euro-
péennes de l’Eurosuper sont indiquées dans le tableau 5.
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Ces incitations à la réduction de pression de vapeur ne satisfont contraintes de raffinage, principalement dans les pays (États-Unis,
pourtant pas les raffineurs qui se voient contraints de limiter par exemple) où la demande en essences est importante.
l’adjonction de fractions légères dans le pool « essence ». On
notera, à ce sujet, que chaque addition de 1 % en masse d’une coupe ■ Une autre grandeur fréquemment utilisée pour caractériser une
C4 (butanes, butènes) entraîne, en moyenne, un accroissement de essence est l’indice de volatilité, appelé aussi Fuel Volatility Index
PVR de 50 mbar. L’incorporation de certains alcools (méthanol, étha- (FVI) qui s’exprime par la relation :
nol) provoquera également une augmentation notable de PVR (150
mbar, par exemple, pour une addition de méthanol de 1 %, 50 FVI = PVR + 7 E70
mbar pour la même quantité d’éthanol). Aussi, dans les techni- avec PVR pression de vapeur Reid (en mbar),
ques modernes de formulation d’essences, les raffineurs préfèrent-
ils recourir aux éthers (MTBE, ETBE), car ceux-ci restent sans action E70 pourcentage (volume) distillé à 70 oC
notable sur la PVR.
Des essais réalisés sur véhicule, aussi bien au États-Unis qu’en
■ La courbe de distillation d’une essence représente l’évolution de Europe, ont montré que l’indice de volatilité ainsi défini, exprime de
la fraction distillée en volume, à pression atmosphérique, en fonc- façon satisfaisante le rôle du carburant dans le comportement à
tion de la température. Le plus souvent, on définit sur cette courbe chaud du véhicule. Les spécifications européennes (tableau 5),
quelques repères : point initial PI, point final PF, fractions distillées appliquées aux conditions climatiques françaises, stipulent que FVI
en pourcentage (volume) à 70, 100, 180 et 210 °C, désignées respec- soit limité respectivement à 900, 1000 et 1150 selon les saisons (été,
tivement par les sigles E70, E100, E180 et E210. Les spécifications printemps/automne, hiver). Les constructeurs automobiles français,
relatives à la courbe de distillation des essences sans plomb euro- plus exigeants encore, demandent, dans leur cahier des charges
péennes, sont présentées dans le tableau 5. « qualité », que FVI ne dépasse pas 850 en été.
En pratique, ce sont les valeurs de E70 et E100 qui font l’objet Parmi les autres critères de volatilité des essences utilisés fré-
d’une attention particulière. Elles doivent être comprises à l’intérieur quemment, notamment aux États-Unis et au Japon, il faut encore
d’une plage précise (par exemple, en été, entre 15 et 45 % pour E70, citer le rapport V / L qui fait l’objet d’un essai normalisé (norme
entre 40 et 65 % pour E100), afin de permettre à la fois une mise en ASTM D 2533). À température et pression fixées, le rapport V / L
action à froid aisée et un comportement à chaud acceptable. Les représente le volume de vapeur formé par unité de volume de
constructeurs automobiles français qui se soucient prioritairement liquide pris initialement à 0 oC.
du fonctionnement à chaud demandent, en outre, dans leur cahier
des charges « qualité », que E70 reste inférieur à 40 %, en été. La volatilité du carburant s’exprime alors par les niveaux de
température pour lesquels le rapport V / L est égal à certaines
Le point final de distillation des essences, ne doit pas dépasser valeurs particulières, par exemple V / L = 12, V / L = 20, V / L = 36. Il
une valeur limite fixée actuellement, en Europe, à 215 oC. En effet, la existe des corrélations entre les températures correspondant à ces
présence de fractions trop lourdes conduirait à une combustion taux de vaporisation et les paramètres classiques de volatilité (PVR,
incomplète et à un certain nombre d’inconvénients concomitants : courbe de distillation). On peut citer, par exemple, les relations :
consommation de carburant plus élevée, encrassement de la
chambre de combustion et accroissement de l’exigence en octane, T(V / L = 12) = 88,5 − 0,19 E70 − 42,5 PVR ;
dilution du lubrifiant, usure prématurée du moteur. De plus, il a été T(V / L = 20) = 90,6 − 0,25 E70 − 39,2 PVR ;
montré récemment que la réduction du point final de distillation des T(V / L = 36) = 94,7 − 0,36 E70 − 32,3 PVR ;
essences permet de réduire le taux d’émission et la toxicité de
certains polluants (benzène, 1-3 butadiène, aldéhydes…). avec T(V / L = x) température (oC) pour laquelle V / L = x,
Actuellement, le point final des essences commerciales se situe
E70 pourcentage (volume) distillé à 70 oC,
entre 170 et 200 oC, donc assez loin de la valeur limite de 215 oC.
Cette tendance pourrait s’accentuer à l'avenir et créer d’importantes PVR pression de vapeur Reid (bar)
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3.1.2 Propriétés chimiques. Indices d’octane Le cliquetis doit être absolument évité, car son existence perma-
nente entraînerait des contraintes mécaniques et thermiques trop
sévères, génératrices à brève échéance d’incidents destructifs très
C’est autour des critères d’indices d’octane que s’est articulée, graves : rupture du joint de culasse, grippage ou fusion partielle du
depuis plusieurs dizaines d’années, toute l’activité d’optimisation piston, détérioration de la culasse et des soupapes.
des moteurs et de formulation des essences.
3.1.2.2 Définition des indices d’octane. Procédures
3.1.2.1 Rappels relatifs au phénomène de cliquetis normalisées
Les considérations précédentes montrent que la formulation des
Dans le moteur à allumage commandé, plusieurs types possibles
essences doit s’orienter vers la sélection de produits présentant une
de combustion peuvent se manifester.
très bonne résistance à l’auto-inflammation. On sait, de façon quali-
Le processus normal consiste en une combustion rapide, mais tative, quelles seront, sur ce point, les structures chimiques les plus
progressive, du mélange air-carburant, grâce à la propagation d’un favorables ; il s’agira des hydrocarbures paraffiniques et oléfiniques
front de flamme issu de l’étincelle jaillissant entre les électrodes de fortement ramifiés, des composés aromatiques (benzène, toluène,
la bougie d'allumage. xylènes…) ou encore de produits organiques oxygénés (alcools,
éthers). Inversement, les paraffines et oléfines à chaînes droites et
Le phénomène parasite est le cliquetis : il s’agit d’une auto-inflam- longues (plus de 4 atomes de carbone) se montreront très propices
mation instantanée et en masse d’une partie de la charge non au cliquetis.
encore brûlée et portée à température et pression élevées par le
Pour caractériser le comportement des carburants ou de leurs
mouvement du piston et par le dégagement d’énergie dû à la propa-
constituants vis-à-vis de la résistance au cliquetis, sans faire appel à
gation du front de flamme. Il en résulte une augmentation locale de
des critères de composition chimique dont l’emploi se révèlerait
la pression, suivie de vibrations de la masse gazeuse qui s’atténuent
complexe et difficilement quantifiable, la méthode traditionnelle et
progressivement, jusqu’à égalisation de la pression en tout point de
universellement employée depuis plus de 60 ans, consiste à intro-
la chambre de combustion, et qui créent un bruit caractéristique
duire la notion classique d’indice d’octane.
évoquant un tintement métallique, d’où l’origine du terme : cli-
quetis. La fréquence fondamentale correspondante est de l’ordre de Le carburant testé est comparé à deux hydrocarbures purs choisis
5 000 à 800 Hz. comme références. Il s’agit respectivement du 2,2,4-triméthyl-
pentane, ou isooctane :
La figure 2 montre un exemple de diagramme de combustion
enregistré dans des conditions de cliquetis (knock). Celui-ci se mani- CH3 CH3
feste par d’intenses oscillations qui se poursuivent pendant une
partie de la phase de détente. On notera que l'appellation déto- CH3 C CH2 CH CH3
nation, encore fréquemment utilisée, n’est pas correcte, car le
phénomène ne peut pas être assimilé à la propagation d’une CH3
flamme en régime supersonique, accompagnée d’une onde de
choc. très résistant à l’auto-inflammation, auquel on attribue arbitraire-
ment l’indice 100 et du n-heptane :
CH3C(CH2)5CCH3
peu résistant, qui reçoit l’indice 0.
Pression Un carburant présente un indice d’octane X s’il se comporte, dans
Auto-inflammation
des conditions expérimentales bien définies, comme un mélange de
B GF X % en volume d’isooctane et de (100 − X) % de n-heptane. Les
GB mélanges binaires isooctane-heptane sont appelés carburants pri-
P maires de référence (Primary Reference Fuels, PRF en anglais). Des
indices d’octane supérieurs à 100 peuvent également être définis :
le produit de référence est alors l’isooctane additionné de faibles
Combustion normale
quantités de plomb tétraéthyle ; le mode d’action de cet additif sera
explicité ultérieurement (cf. § 3.1.2.3).
B GF La mesure des indices d’octane s’effectue au moyen d’un moteur
GB
de laboratoire appelé CFR (Cooperative Fuel Research), en souvenir
P
du groupe de travail constitué en 1928 aux États-Unis pour standar-
diser les méthodes de caractérisation des carburants.
Le moteur CFR est monocylindre et présente une structure très
robuste afin de résister sans incident à un cliquetis prolongé ; il
fonctionne à pleine admission et à faible régime de rotation (600 ou
900 tr/min), selon l’une ou l’autre des procédures normalisées
décrites ci-après. Le taux de compression variable peut être réglé,
en marche, en déplaçant verticalement le cylindre par un ensemble
300 320 340 360 380 400 420 440 manivelle-crémaillère ; il existe également un dispositif de réglage
Angle de rotation du vilebrequin (°) de la richesse, en faisant varier le niveau d'essence dans la cuve du
carburateur.
B bougie d'allumage
GB gaz brûlés Le principe de la méthode consiste à augmenter progressivement
Étincelle d'allumage le taux de compression du moteur CFR jusqu’à l’obtention d’une
GF gaz frais
P piston intensité standard de cliquetis repérée par un détecteur de pression
implanté dans la chambre de combustion. Le taux de compression
critique ainsi enregistré est encadré par deux valeurs relevées avec
Figure 2 – Diagramme de combustion dans des conditions deux systèmes binaires isooctane-heptane de compositions
de cliquetis voisines. Pour chaque opération, la richesse adoptée est celle qui
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correspond à la plus forte tendance au cliquetis. L’indice d’octane Il convient cependant de rappeler ici leur composition et leur
est calculé par interpolation linéaire en déterminant le mélange mode d’action. Plusieurs composés de même nature peuvent en
primaire de référence présentant exactement le même compor- réalité être utilisés. Ce sont :
tement que le carburant testé. — le plomb tétraéthyle ou PTE : Pb (C2H5)4 ;
Il existe deux procédures normalisées de détermination des — le plomb tétraméthyle ou PTM : Pb (CH3)4 ;
indices d’octane : la méthode « Recherche » ou F1 et la méthode — des mélanges physiques des deux produits précédents ;
« moteur » ou F2. Les indices correspondants sont désignés par les
— des composés chimiques mixtes du type Pb(CH3)x(C2H5)y avec
symboles RON (Research Octane Number) et MON (Motor Octane
x + y = 4 ; 1 B x et y B 3.
Number ) dont l’usage, tout d’abord réservé à la langue anglo-
saxonne, s’est généralisé à l’échelle internationale. Les doses d’additifs utilisées sont généralement exprimées en
grammes de plomb par litre d’essence ; elles ont atteint, dans le
Les distinctions entre les deux procédures RON et MON portent passé, 0,85 g/L. Ces concentrations ne se rencontrent, désormais,
essentiellement sur le régime de rotation du moteur CFR, les tempé- que très exceptionnellement dans certains pays du monde, notam-
ratures d’admission et l’avance à l’allumage (tableau 6). ment en Afrique. Partout ailleurs, lorsqu’une partie ou la totalité du
pool « essence » renferme du plomb, les teneurs sont beaucoup
plus faibles ; ainsi, en Europe, elles sont limitées à 0,15 g/L, au maxi-
mum.
Tableau 6 – Conditions d’essais pour la détermination
Les alkyles de plomb sont des inhibiteurs d’auto-inflammation
des indices d’octane RON et MON sur moteur CFR
dont l’action fait intervenir l’oxyde métallique PbO, rapidement
obtenu par décomposition thermique de l’additif au cours du cycle
Paramètres de fonctionnement RON MON
compression-combustion. PbO désactive les espèces radicalaires du
Régime .......................................... (tr/min) 600 900 type OH• qui interviennent habituellement dans les réactions de
propagation et de ramification des radicaux et dont la croissance
Avance à l’allumage.............................(o) 13 14 à 26 (1) constitue une étape préalable au déclenchement de l’auto-inflam-
Température de l’air admis ...............(oC) 48 mation.
Température du mélange carburé ....(oC) 149 Le mécanisme envisagé peut correspondre, par exemple, au
schéma réactionnel suivant :
Richesse ..............................................(oC) (2) (2)
(1) Avance variable avec le taux de compression. PbO + OH• → (PbO − OH)•
(2) Richesse adaptée dans chaque cas pour atteindre une intensité de cli- (PbO − OH)• + OH• → PbO2 + H2O
quetis maximale et se situant, le plus souvent, entre 1,10 et 1,15.
Ainsi, chaque molécule de PbO, inhiberait deux radicaux, alors
que, dans une réaction de ramification classique, tout radical OH•
contribue à générer trois nouvelles espèces radicalaires.
Rappelons que l’avance à l’allumage correspond au moment
choisi pour déclencher l’étincelle et s’exprime en degrés de rotation Concrètement, l’addition d’alkyles de plomb dans une essence se
du vilebrequin par rapport à sa position au PMH. traduit par des gains d’indices d’octane de plusieurs points. Ainsi, à
partir d'un niveau de RON voisin de 92, facilement accessible par
Ainsi, lors de la détermination du RON, le moteur CFR fonctionne mélange de bases classiques de raffinage, les accroissements sont
à 600 tr/min, avec une avance à l’allumage fixe (13o) et sans réchauf- de l’ordre de 2 à 2,5 points pour 0,15 g Pb/L et de 5 à 6 points pour
fage du mélange carburé. Le MON correspond, quant à lui, à un 0,4 g/L. Avec des concentrations plus élevées en plomb, un effet de
régime de rotation de 900 tr/min, une avance à l’allumage variable saturation apparaît et les améliorations supplémentaires d’indices
(14 à 26o) avec le taux de compression et une température du d’octane deviennent plus modestes.
mélange carburé de 149 oC.
De façon générale, les accroissements d’indices d’octane attri-
L’écart de précision de la mesure est, pour les essences classi- buables aux alkyles de plomb sont d'autant plus élevés que les
ques, de l’ordre de 0,3 point et 0,7 point, en ce qui concerne respec- niveaux d’octane des produits récepteurs sont plus faibles. À titre
tivement le RON et le MON. Le RON constitue une caractéristique d’exemple, dans une essence de distillation directe, présentant
plus usuelle et plus répandue que le MON ; aussi, lorsqu’on cite initialement un RON de 70, l’incorporation de plomb à hauteur de
l’indice d’octane, sans référence précise à l’une ou l’autre procé- 0,6 g/L permet un gain de plus de 10 points. On comprend ainsi que,
dure, c’est du RON qu’il s’agit. dans les pays ne possédant pas un outil de raffinage très élaboré,
Le MON des essences est toujours plus faible que leur RON ; la l’addition de plomb reste un moyen très efficace pour atteindre des
différence, qui atteint en moyenne 10 à 12 points, est appelée niveaux d’octane relativement satisfaisants.
sensibilité ; elle constitue, en effet, une indication de la sensibilité du L’introduction d’alkyles de plomb dans l’essence peut entraîner la
carburant à une modification des conditions expérimentales et plus formation de dépôts d’oxydes et sels de plomb divers dans les
particulièrement à un accroissement de température, tel qu’il est chambres de combustion et les systèmes d’échappement. Pour
réalisé dans la procédure MON. éviter cet inconvénient, on incorpore à l’additif des produits d’entraî-
La plupart des essences classiques se rangent dans un domaine nement appelés scavengers. Il s’agit de dibromoéthane (C2H4Br2 ) et
de RON compris entre 90 et 100, tandis que le MON se situe, le plus de dichloroéthane (C2H4Cl2 ) qui transforment les oxydes et sulfates
souvent, entre 80 et 90. de plomb, très réfractaires, en chlorures et bromures. Ces derniers,
gazeux aux températures régnant à l’intérieur des chambres de
combustion, sont, par conséquent, évacués en grande partie par les
3.1.2.3 Action des alkyles de plomb gaz d’échappement.
Ces produits ont été utilisés systématiquement pour améliorer les On notera que les scavengers sont, tout autant que les alkyles de
indices d’octane des essences depuis 1922, jusqu’en 1975 environ plomb eux-mêmes, des poisons pour les catalyseurs désormais
aux États-Unis et au Japon, 1985 environ en Europe. Cependant, installés sur les véhicules modernes. Il y a donc incompatibilité
leur emploi, déjà en forte décroissance, va totalement disparaître, complète entre les essences contenant du plomb et les techniques
compte tenu de la généralisation des pots d’échappement cataly- d'épuration catalytique de plus en plus diffusées dans le parc auto-
tiques, avec lesquels ils sont totalement incompatibles. mobile.
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3.1.2.4 Types d’essences disponibles sévères. Ainsi, les États-Unis, le Japon, le Canada et certains pays
d’Europe (Autriche, Suisse, Suède…) ne distribuent plus désormais
Quatre types d’essences de teneurs en plomb et d’indices
que des essences sans plomb.
d’octane différents peuvent être proposés dans les stations-service
en Europe (tableau 7). Ce sont : Aux États-Unis, les différentes qualités d’essences ne sont pas
— le supercarburant classique renfermant 0,15 gramme (maxi- définies, comme en Europe, par des valeurs minimales de RON et
mum) de plomb par litre, et caractérisé, en outre, par des valeurs de MON, mais par la combinaison des deux indices, plus précisément
RON et MON minimales de 97 et 86 respectivement. Ce produit fut, par la demi-somme (RON + MON)/2. Il existe ainsi trois variétés
jusqu’en 1995, le type d’essence le plus diffusé ; il est maintenant en d’essence (Regular, Intermediate, Premium), avec respectivement
régression rapide et va disparaître totalement vers 2000 ; des valeurs moyennes de 87, 90 et 93 pour (RON + MON)/2. Le fait
— l’eurosuper, sans plomb, défini par la Directive européenne du que la sensibilité soit proche de 10 permet de situer, assez précisé-
16 décembre 1985 et la norme EN 228. Il doit présenter un RON mini- ment, à partir de ces repères, les valeurs individuelles de RON et
mal de 95 et un MON minimal de 85 ; ce sera, à court terme, le type MON.
d'essence le plus répandu en Europe ;
— le super sans plomb 98 (SP 98) (parfois appelé superplus)
présentant des RON et MON supérieurs ou égaux respectivement à 3.1.2.5 Importance et signification respectives du RON
98 et 88. Ces deux valeurs ne correspondent pas à des spécifications et du MON
officielles, mais à des objectifs de qualité que se fixent les raffineurs,
en accord avec les constructeurs automobiles. Ainsi, sur le strict La connaissance du RON, du MON, ou des deux indices ne suffit
plan de la réglementation, le SP 98 ne constitue qu’une variété pas à prévoir, de façon très précise, le comportement réel d’une
« haut de gamme » d’eurosuper ; il n’est largement diffusé que dans essence sur un moteur de série ; dans ce cas, en effet, l’évolution de
quelques pays d’Europe comme la France, l’Allemagne, les Pays- la pression et de la température en fonction du temps, dans les gaz
Bas ; soumis au risque de cliquetis, est généralement très différente de
— l’essence ordinaire, sans plomb, dont le RON ne dépasse pas celle observée sur le moteur CFR.
93-94. Ce produit ne se rencontre pratiquement qu’en Allemagne ; il Des expérimentations complémentaires sur véhicules sont donc
ne semble pas devoir se développer, à court ou moyen terme. nécessaires, afin de rechercher des corrélations entre les caractéris-
tiques de l’essence (RON, MON, composition chimique) et son
comportement réel. Cette approche fait intervenir la notion d’indice
d’octane « route » qu’il serait trop long de décrire ici. Nous indi-
Tableau 7 – Indices d’octane des principaux types querons cependant les tendances générales qui peuvent ainsi être
d’essences distribuées en Europe mises en évidence.
Indice d’octane minimal Le plus souvent, on accorde une attention toute particulière,
Présence sur véhicule, au risque de cliquetis à haut régime (au-delà de
Type de produit
de plomb 4000 tr/min) dont les conséquences, sur le plan mécanique, sont
RON MON
redoutables et conduisent, le plus souvent, à des incidents destruc-
tifs (percement de soupapes ou de piston, rupture du joint de
Supercarburant classique oui (1) 97 86
culasse) ; entre le RON et le MON, c’est le second qui reflète le
Essence ordinaire ............. non (2) 93 83 mieux la tendance au cliquetis à haut régime. Inversement, le RON
serait plutôt un meilleur prédicteur du risque de cliquetis à bas
Eurosuper.......................... non (3) 95 85 régime (de 1500 à 2500 tr/min).
SP 98.................................. non (3) 98 88 Les deux indices présentent donc chacun leur utilité spécifique, ce
qui explique qu’ils soient, l’un et l’autre, pris en compte dans l’éla-
GPL-C (4) ........................... non 89 boration des spécifications. Toutefois, dans le contexte actuel du raf-
finage, c’est l’obtention du MON minimal qui constitue la
(1) Teneur maximale 0,15 gPb/L.
(2) Produit en voie d’extinction (distribution assurée seulement en Allema-
contrainte la plus sévère. Le fait, par exemple, d’atteindre un niveau
gne). de 85 pour le MON de l’eurosuper suffit, le plus souvent, à assurer
(3) Niveau de trace maximal admis : 0,005 g/L. un RON supérieur à 95 (en pratique jusqu’à 96, voire 97) ; de même,
(4) Pour mémoire. le SP 98 pourra présenter, pour un MON de 88, un RON de 99 ou 100.
À ces quatre types d’essence, il faut aussi associer le GPL-C dont 3.1.3 Formulation des essences
le MON doit être supérieur à 89. Ce type de carburant sera décrit
ultérieurement (cf. § 3.2). Elle consiste à mélanger les effluents provenant de différentes
Dans les carburants dits « sans plomb », quelques traces rési- unités de la raffinerie, afin d’obtenir des produits conformes aux
duelles de ce métal sont tolérées, afin de tenir compte des contacts spécifications. Ce sujet se rapporte essentiellement au domaine du
avec les circuits de distribution ayant véhiculé des essences raffinage, qu’il n'est pas possible de développer largement dans cet
plombées classiques. article. Nous ne fournirons donc ici que quelques indications géné-
La teneur maximale en plomb autorisée a été d’abord fixée à rales.
0,013 g/L, puis récemment abaissée à 0,005 g/L ; en pratique, ce
niveau est aisément et largement respecté. 3.1.3.1 Caractéristiques des bases de raffinerie
Dans toutes les régions du monde, on retrouve le type de classifi-
cation précédent des essences : super/ordinaire, avec ou sans Tout l’art du raffineur consistera à doser les mélanges de différen-
plomb. Les niveaux d’octane peuvent être assez différents d’un pays tes bases, pour obtenir, au moindre coût, un ensemble de caractéris-
à l’autre, en fonction de l’équipement plus ou moins moderne du tiques satisfaisantes. Les contraintes les plus sévères concerneront
parc automobile et des possibilités du raffinage local. La suppres- essentiellement la volatilité, les indices d’octane et la limitation des
sion du plomb tend à se généraliser partout où existent, à la fois une teneurs en certains composants (benzène, aromatiques, oléfines),
forte densité automobile et des contraintes antipollution très afin de limiter la pollution atmosphérique.
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nue de croître, l’exigence en octane se stabilise et peut même l'on suit, au moyen d'un manomètre, l'évolution de la pression
décroître si, par exemple, l’étanchéité des soupapes se détériore. d'oxygène en fonction du temps. On note le temps correspondant à
Le phénomène d’ORI est toujours pris en compte à la fois en la première chute de pression, témoignant d'un début d'oxydation.
adoptant une marge sur l’exigence en octane à l’état neuf, et en La spécification européenne relative aux essences impose une
contrôlant, si possible, l’encrassement des chambres de combus- période d'induction minimale de 360 min.
tion, par une utilisation judicieuse d’additifs à l’essence (cf. § 3.1.6).
3.1.5.2 Tolérance à l’eau
3.1.4.2 Approvisionnement du parc automobile Dans les essences classiques contenant des hydrocarbures ou
en différents types d’essences même des éthers, la présence éventuelle d’eau ne pose pas de pro-
Nous prendrons, ici, l’exemple de la France, sachant que la situa- blème majeur ; en effet, jusqu’à 50 ppm d’eau environ, à tempéra-
tion est assez semblable dans la plupart des pays d’Europe. ture ambiante, la solubilité est totale ; au-delà de cette valeur, l’eau
décante, sans affecter la phase hydrocarbonée et le « pied d'eau »
Les véhicules immatriculés depuis le 1er juillet 1991 sont adaptés
peut être évacué, si nécessaire.
à l’eurosuper et peuvent l’utiliser sans aucun risque de cliquetis.
En revanche, en présence d’alcools légers, tels que le méthanol et
Cette fraction du parc automobile pourrait également utiliser du
l’éthanol, l’existence de traces d’eau risque de provoquer, surtout à
superplus (légèrement plus cher !), mais sans aucun bénéfice sur le
basse température, une démixtion totale avec deux phases : l’une
plan des performances, contrairement à ce que pensent beaucoup
constituée d’un mélange eau-alcool, l’autre d’hydrocarbures. Une
d'utilisateurs !
telle situation risque de provoquer une panne complète du véhicule
Le superplus est, en revanche, préconisé sur tous les véhicules qui serait alimenté avec un produit non conforme à ses besoins.
anciens, d’exigence en octane supérieure à 97 et dont le possesseur
souhaite utiliser une essence sans plomb moins polluante, en raison Lorsqu’on a utilisé des carburants alcoolisés et dans les quelques
de l’absence de ce métal indésirable. pays où cette pratique se poursuit encore, l’obtention d’une
tolérance à l’eau acceptable a nécessité et nécessite encore des pré-
Ces mêmes véhicules peuvent aussi continuer à s’alimenter avec cautions draconiennes : déshydratation des alcools (surtout de
le supercarburant classique plombé pour lequel ils ont été conçus. l’éthanol), assèchement des circuits, incorporation de cosolvants
Sur certains d’entre eux, très anciens, ce type d’approvisionnement comme l’alcool tertiobutylique.
est même nécessaire. En effet, la métallurgie de leurs sièges de
soupapes d’échappement est relativement fragile : des risques Lorsqu’on utilise non plus les alcools, mais les éthers corres-
d’usures et d’enfoncements existent en cas d’absence de dépôts de pondants (MTBE au lieu du méthanol, ETBE au lieu de l’éthanol) les
composés du plomb (oxydes, sulfates) jouant ici le rôle de lubrifiant problèmes de tolérance à l’eau disparaissent complètement. Ceci
solide. Cette situation ne concerne, en réalité, qu’une très faible constitue une des raisons du développement de la filière « éther »,
fraction du parc automobile. Un moyen de protection consiste, de depuis quelques années.
toute façon, à limiter les périodes d’utilisation à charge et vitesse
élevées.
3.1.6 Additivation des essences
Finalement, ces demandes encore très diversifiées du marché
vont se concentrer, dans les prochaines années, sur un produit pré-
dominant : l’eurosuper. On a indiqué précédemment que les alkyles de plomb vont, à
court terme, totalement disparaître des essences. Pourtant, celles-ci
continueront de contenir, en concentrations plus ou moins impor-
3.1.5 Comportement en distribution tantes, d’autres types d’additifs dont l’incorporation sera soit néces-
saire, soit vivement recommandée.
Les propriétés des essences liées au stockage et la distribution
n’ont généralement pas d’incidences directes sur les performances 3.1.6.1 Colorants
des moteurs, mais elles sont déterminantes pour éviter, en amont, Afin d’éviter des fraudes aux différents stades de la distribution,
des incidents qui pourraient parfois se révéler sérieux. les essences sans plomb sont teintées en vert par adjonction de
deux colorants :
3.1.5.1 Tendance à l’oxydation — l’un bleu [1,4-bis-(butylamino)-9,10 anthraquinone] ;
En présence d’oxygène, les hydrocarbures risquent de subir, — l’autre jaune [4-(diéthylamino)azobenzène].
même à température ambiante, un processus de détérioration par Les doses utilisées sont très faibles (2 mg/L pour chacun des deux
oxydation qui conduit à la formation de produits visqueux couram- produits précédents) et ne modifient donc, en aucune façon, les
ment appelés gommes. Celles-ci peuvent provoquer divers inci- caractéristiques de l’essence.
dents : blocage de membrane de pompe d’alimentation, obstruction
d’injecteurs, ou même collage (gommage) de segments de piston
dans leur gorge. 3.1.6.2 Antioxydants
Des additifs anti-oxydants du type alkyl-p-phénylènediamines ou Nous avons indiqué précédemment (cf. § 3.1.5.1) que ces pro-
alkyl-p-aminophénols, sont incorporés, à très faible dose (10 à duits, du type alkyl-p-phénylène diamines, ou alkyl-p-aminophé-
20 p.p.m.) dans les essences, dès leur formulation en raffinerie, afin nols, sont absolument nécessaires pour maintenir une bonne
d’éviter ces inconvénients. résistance des essences à l’oxydation. L’additivation doit être parti-
culièrement soignée lorsque l’essence contient des quantités nota-
Pour vérifier, en matière de stabilité, la qualité des produits finis, bles d’oléfines dont on connaît la forte propension à l’oxydation.
on détermine la teneur en gommes actuelles (norme NF-M-07-004)
qui représente la masse de résidu obtenu par évaporation sous un
jet d'air à 160 oC suivie d'une extraction au n-heptane. Selon les 3.1.6.3 Additifs détergents et surfactants
spécifications en vigueur, la teneur en gommes des essences ne doit Les dépôts qui se forment dans les différents circuits d’alimen-
pas dépasser 10 mg/100 ml. tation (carburateurs, injecteurs, tubulures et soupapes d’admission)
La détermination de la période d'induction (Norme NF-M-07-012) et dans la chambre de combustion des moteurs, peuvent détériorer
permet également d'apprécier le risque de formation de gommes notablement le comportement et les performances des véhicules.
lors du stockage. L'échantillon d'essence est disposé dans une Parmi les inconvénients observés, on peut citer la perte d’agrément
enceinte remplie d'oxygène à 100 oC, sous une pression de 7 bar et de conduite, l’augmentation de consommation de carburant et
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Le GPL-C est le plus souvent utilisé sur des véhicules dits bicarbu-
ration, c’est-à-dire susceptibles de fonctionner également en
Tableau 12 – Exemples d’effets d’additifs surfactants version « essence », afin de s’accommoder d’un réseau de distri-
sur la propreté des soupapes d’admission bution moins dense que celui des carburants classiques.
(essai normalisé de 60 h)
Le respect de la norme européenne applicable au GPL-C n’exclut
Masse de dépôts pas la possibilité de variations de compositions notables. Ainsi, en
Type d’essence Type d’additif France, une législation particulière précise que le GPL-C doit conte-
Additivation sur les tulipes
(1) (1) nir plus de 19 % et moins de 50 % d’hydrocarbures en C3 (propane
(mg)
et propylène). Concrètement, la teneur en C3 des GPL-C français est
A non 293 proche de 50 %, alors qu’elle se situe entre 20 et 30 % dans les pays
voisins comme l’Espagne et l’Italie.
A oui 1 16
A oui 2 51 À l’inverse, aux États-Unis et plus particulièrement en Californie,
les GPL-C sont très riches en propane (plus de 85 %), tandis que la
B non 264
teneur en propylène est limitée à 5 % (maxi), car ce constituant est
B oui 3 56 générateur de pollution par l’ozone troposphérique.
C non 253 Finalement, entre deux GPL-C français et californiens par
C oui 4 9 exemple, les différences de composition peuvent être très
tranchées, comme l’indique le tableau 13.
(1) Codage obligatoire, pour des raisons de concurrence.
Les constructeurs automobiles proposent désormais, dans leur
gamme de production, des véhicules type GPL-C offrant des perfor-
mances, un agrément d’utilisation et une fiabilité tout à fait satisfai-
De toute façon, l’emploi d’un additif ne peut être autorisé par sants. Le bilan pollution (cf. § 6) est toujours favorable : meilleure
l’Administration (Ministère de l’Industrie, Direction des carburants) mise en action à froid favorisant l’amorçage du catalyseur, absence
qu’au vu d’un dossier prouvant son efficacité et attestant qu’il ne de certains rejets toxiques comme le benzène, faible teneur en sou-
représente aucun effet secondaire néfaste. fre…
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Isobutène
+ ................. 6,1 3.3.3 Essences « aviation »
butène 1
(E )-but-2-ène............... 2,7 Elles sont utilisées pour les petits avions de tourisme et de loisirs
encore équipés de moteurs à piston. Les marchés sont évidemment
(Z)-but-2-ène ............... 1,8
très faibles (de l’ordre de 20 000 tonnes/an en France), mais les
Buta-1,3-diène ............ 0,1 produits doivent être élaborés avec soin, compte tenu des exigences
Isopentane .................. 0,07 intrinsèques des appareils et des conditions d’emploi en altitude.
n-pentane .................... 0,03 Les essences aviation se caractérisent tout d’abord par une très
bonne résistance au cliquetis. Celle-ci se détermine sur moteur CFR,
(1) Analyse par chromatographie en phase gazeuse.
selon deux procédures dont l’une fournit le MON (cf. § 3.1.2.2) et
l’autre, l’indice F-4 ou « super-charge ». Le comportement de
l’essence s’exprime par deux nombres, par exemple 80/87 ou
100/130. Ces nombres appelés, selon les cas, indices aviation ou
En utilisation quotidienne, le possesseur d’un véhicule équipé en indices de performance, sont obtenus dans des tables à partir de
version GPL-C, devra tenir compte du faible pouvoir calorifique mesures effectuées sur moteur CFR.
volumique du carburant (baisse de 22 % par rapport à l’essence), ce
qui entraînera une élévation d’autant de la consommation, expri- Précisons que les essences aviation contiennent encore des alky-
mée en litres par 100 km. Cependant, le GPL-C se voit appliquer le les de plomb, à des teneurs maximales de 0,14 g Pb/L pour la qualité
plus souvent une fiscalité très favorable, de sorte que l’utilisateur 80/87, 1,12 gPb/L pour le grade 100/130 , et 0,56 g Pb/L pour le
reste, en fin de compte, largement bénéficiaire par rapport à la filière grade 100/130 LL (LL signifiant Low Lead).
« essence ».
En ce qui concerne les propriétés physiques, les essences aviation
Enfin, si l’on compare les versions GPL et diesel, la première reste, se distinguent des produits traditionnels par une volatilité faible afin
dans la plupart des cas, économiquement plus intéresante, mais de limiter les risques de givrage et de percolation et par un intervalle
avec un faible écart (moins de 10 %) de distillation étroit (de 60 à 160 oC environ). Il convient en effet
d’éviter la présence de composants lourds, générateurs de dépôts
dans les chambres de combustion, avec toute une série de consé-
quences néfastes (pertes de puissance, mauvais refroidissement,
ratés de combustion…).
3.3 Carburants spéciaux
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E 370 ...................................... (% vol) 95 Or, certains hydrocarbures paraffiniques présents dans le gazole
peuvent cristalliser partiellement à basse température et colmater le
Température limite de filtrabilité (oC) (1) filtre disposé sur le circuit d’alimentation, ce qui risque d’entraîner
Classe A ............................................. +5 une immobilisation complète du véhicule. Ces considérations
justifient la nécessité d’adopter des spécifications très strictes en
Classe B ............................................. 0 matière de comportement à froid du gazole, même si certains dispo-
Classe C ............................................. −5 sitifs technologiques (réchauffage des filtres sur les véhicules
récents) contribuent à atténuer les risques d'incidents en service.
Classe D ............................................. − 10
Les caractéristiques du gazole prises en compte dans ce domaine
Classe E ............................................. − 15
sont : le point de trouble, le point d’écoulement et la température
Classe F.............................................. − 20 limite de filtrabilité.
Indice de cétane Le point de trouble, souvent compris entre 0 et − 10 oC, mais
Mesuré............................................... 49 descendant parfois jusqu'à − 20 ou − 30 oC, est déterminé
visuellement ; c’est la température à laquelle les cristaux de paraf-
Calculé ............................................... 46 fine, normalement dissous dans la solution constituée par
(1) La France a opté pour les classes B, E, F respectivement pour les l’ensemble des autres composants, commencent à apparaître et à
périodes d’été, d’hiver et de grand froid. affecter la limpidité du produit.
À température plus basse, les cristaux augmentent de taille,
s’organisent en réseaux qui emprisonnent le liquide et l’empêchent
4.1.1 Propriétés physiques de s’écouler ; on atteint alors le point d’écoulement inférieur au
point de trouble de 5 à 15 oC, selon les cas.
La masse volumique, la volatilité, la viscosité et le comportement La température limite de filtrabilité (TLF) est la température mini-
à basse température constituent les caractéristiques physiques male pour laquelle un volume déterminé de gazole traverse en
essentielles du gazole, à prendre en compte pour obtenir un fonc- un temps limite un appareil de filtration bien défini (normes
tionnement satisfaisant du moteur. NFM 07-042 et EN 116). La TLF est généralement comprise entre les
points de trouble et d’écoulement.
En Europe, la masse volumique du gazole à 15 oC doit être
comprise entre 0,820 et 0,860 kg/L dans les pays tempérés dont la Les spécifications européennes de comportement à froid du
France, entre 0,800 et 0,845 kg/L (exceptionnellement 0,840 kg/L), gazole portent soit uniquement sur la TLF, soit à la fois sur le point
dans les pays arctiques. de trouble et la TLF (tableaux 14 et 15).
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Les produits sont répartis en dix classes (six pour les climats
tempérés, quatre pour les zones arctiques). Chaque pays adopte
20
Gain (°C )
telle ou telle classe en fonction de ses conditions climatiques. Ainsi,
e nt
la France a choisi les classes B, E, F respectivement pour les 16 u le m
' éco
périodes d’été, d’hiver et de grand froid. La première va du 1er mai nt d
12 Poi TLF
au 31 octobre, la seconde du 1er novembre au 30 avril ; la troisième,
quant à elle, n’est pas fixée de manière autoritaire. Les sociétés 8
pétrolières peuvent ainsi profiter de l’opportunité qui leur est laissée
4
pour promouvoir, au cœur de l’hiver, un gazole possédant un excel-
lent comportement à froid. 0
0 100 200 300 400 500
Les moyens dont dispose le raffineur pour améliorer les caracté-
Teneur en additif (mg/kg)
ristiques à froid du gazole sont les suivants :
— réduction du point final de distillation, compte tenu de la
présence fréquente de n-paraffines dans les fractions les plus Figure 4 – Exemple d’action d’un flow improver sur la température
lourdes ; limite de filtrabilité (TLF) et sur le point d’écoulement
— abaissement du point initial, ce qui implique un recouvrement (Source Elf Aquitaine)
plus prononcé avec la coupe kérosène utilisée pour la production de
carburéacteur ;
— choix de fractions plus naphténiques et aromatiques que
les différentes sociétés pétrolières, pour synthétiser et proposer le
paraffiniques ; dans ce cas, l'origine du brut est un paramètre déter-
produit offrant le meilleur compromis coût/efficacité.
minant.
Une dernière possibilité offrant plus de souplesse et se traduisant
par des coûts économiques et énergétiques moindres, consiste à 4.1.2 Propriétés chimiques. Indices de cétane
incorporer des additifs dits fluidifiants (flow improvers). Ceux-ci
interviennent en favorisant la dispersion des cristaux de paraffine et Dans le moteur diesel, il est nécessaire que le gazole présente une
en les empêchant ainsi de s’organiser en réseaux de grande taille, structure chimique favorable à l’auto-inflammation. Cette qualité
responsables de l’obstruction des pores de filtres. s’exprime par l’indice de cétane IC.
Les flow improvers agissent essentiellement sur la TLF et le point Le comportement du gazole est comparé à celui de deux hydro-
d’écoulement, mais ne modifient pratiquement pas le point de carbures purs, choisis comme référence :
trouble qui, lui, ne dépend véritablement que de la structure du — le n-cétane ou hexadécane : CH3C(CH2)14CCH3, auquel on
raffinage. attribue l’indice 100 ;
Les flow improvers sont généralement des copolymères, formés — l’α-méthylnaphtalène :
notamment à partir de motifs éthylène et acétate de vinyle. La
CH3
figure 4 montre un exemple d’efficacité de ces produits. Les gains
de TLF et de point d’écoulement peuvent atteindre aisément 6 à
12 oC, pour des doses comprises entre 200 et 600 p.p.m. (masse).
Bien que le traitement soit relativement peu onéreux, de l’ordre de
quelques centimes par litre de gazole, la concurrence est vive entre qui reçoit l’indice 0.
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Habituellement, les améliorations recherchées sont de l’ordre de 3 à d’origine et de l’intervalle de distillation choisi ; ainsi, les bruts paraf-
5 points, à partir d’une base d’indice de cétane compris entre 45 et finiques fournissent des coupes d’indice de cétane satisfaisant, mais
48 ; dans ces conditions, il faut utiliser entre 300 et 1000 p.p.m. de caractéristiques à froid médiocres ; l’inverse sera observé avec
d’additif, en masse. Les coûts de traitement correspondants sont de des bruts naphténiques.
l’ordre du centime par litre.
La demande croissante en gazole pourrait inciter le raffineur à
L’adjonction d’additifs procétane dans le gazole se traduit par un augmenter le point final de distillation, mais il en résulterait une
gain d’indice de cétane mesuré, tandis que l’indice de cétane calculé détérioration du point de trouble. Ainsi, on admet généralement
n’est pas modifié, puisque les caractéristiques physiques utilisées qu’un gain de rendement sur brut de 0,5 % en masse entraînerait
pour le déterminer restent pratiquement inchangées. une dégradation du point de trouble de 1 K ; le compromis entre
Les constructeurs automobiles sont, certes, favorables à l’additi- quantité et qualité apparaît donc ici particulièrement étroit.
vation procétane du gazole, mais ils souhaitent que celle-ci soit
Les unités de conversion des fractions lourdes (distillat et résidu
réalisée dans des produits présentant initialement un indice de
sous vide) fournissent des effluents susceptibles d'entrer dans la
cétane convenable, compte tenu des relations entre composition
composition du pool gazole, bien que certains d’entre eux pré-
chimique du gazole et émissions de polluants (cf. § 6.2.2).
sentent des caractéristiques médiocres.
Cette préoccupation explique que la norme européenne EN 590 fixe
une valeur minimale à la fois pour l’indice de cétane mesuré et pour Ainsi, la coupe moyenne issue du craquage catalytique, appelée
l’indice de cétane calculé. Light Cycle Oil (LCO) se caractérise par un indice de cétane très
faible. Son incorporation dans le pool devra donc être contrôlée et
limitée.
4.1.3 Formulation du gazole Les gazoles de viscoréduction et de cokéfaction présentent des
indices de cétane meilleurs que le LCO, mais ils sont très instables
Dans le schéma de raffinage le plus ancien et le plus simple et doivent recevoir un traitement à l’hydrogène avant tout usage
possible, le gazole provient de la coupe moyenne (180 à 360 oC) de commercial.
distillation directe du pétrole brut.
L’hydrocraquage fournit, quant à lui, des gazoles de qualité, aussi
Cette voie demeure, évidemment, dans les raffineries modernes, bien en matière d’indice de cétane que de comportement à froid,
mais elle s’accompagne d’autres flux, afin de faire face à la mais le procédé est coûteux et encore peu développé.
demande du marché en matière de quantité et de qualité.
Les deux spécifications les plus contraignantes sont l’indice de Sur la plupart des coupes issues du raffinage classique, sauf sur
cétane et le comportement à froid exprimé par le point de trouble. l’hydrocraquage déjà excellent, on pratique le plus souvent des trai-
tements à l’hydrogène sous pression et en présence de catalyseurs
Le tableau 16 montre l’ordre de grandeur de ces deux caractéris- spécifiques (hydrodésulfuration, hydrotraitement) afin d’abaisser à
tiques pour différentes bases concourant à la formulation du gazole. un niveau très bas la teneur en soufre et, également, de réduire la
En ce qui concerne les produits de distillation directe, les concentration en aromatiques (cf. § 6.2.2) pour obtenir des gaz
propriétés dépendent essentiellement de la nature du pétrole brut d’échappement moins polluants.
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— l’autre plus complexe et plus précise : L’aluminium et le silicium, présents dans les carburants lourds
sous forme de silicates d’alumine extrêmement durs, proviennent
PCIm = [46,704 − 8,802 ρ2 10−6+ 3,167 ρ 10−3] des catalyseurs utilisés dans divers procédés de raffinage, plus
[1 − 0,01 (X + Y + S )] + 0,01 [9,420 S − 2,449 X ] particulièrement le craquage catalytique. Lorsqu’ils sont présents à
des teneurs supérieures à 50 p.p.m., ces métaux exercent une très
avec PCIm (en MJ/kg), forte action abrasive sur différents organes du système d’alimen-
ρ masse volumique à 15 oC (en kg/m3), tation et du moteur. On cherche à les éliminer par centrifugation,
mais ce traitement n’est pas toujours suffisant. Aussi, les construc-
S teneur en soufre (% masse), teurs de moteurs marins souhaiteraient-ils que la teneur en alumi-
Y taux de cendres (% masse), nium et silicium des carburants ne dépassent pas 30 p.p.m. Cette
requête n’est pas toujours honorée, puisque les spécifications rela-
X teneur en eau (% masse)
tives aux produits les plus lourds mentionnent une teneur maximale
L’indice de cétane n’est spécifié que pour les distillats marine ; les de 80 p.p.m.
valeurs minimales requises varient alors de 35 à 45, selon le type de Une dernière qualité des carburants lourds est leur compatibilité
produit. Dans la catégorie des résidus, l’indice de cétane est généra- entre eux, c’est-à-dire leur faculté de se mélanger sans engendrer la
lement compris entre 30 et 40, mais sa détermination est évi- formation de produits solides appelés asphaltènes, de boues ou de
demment peu précise, compte tenu de la difficulté de mise en œuvre sédiments divers. Le raffineur, au stade de la formulation, l’exploi-
de tels produits sur un moteur CFR. tant, en surveillant et contrôlant ses approvisionnements,
Aussi existe-t-il des formules de prédiction des qualités d’auto- cherchent, l’un et l’autre, à éviter ces inconvénients. Des tests
inflammation des carburants lourds à partir de leurs caractéristiques existent pour apprécier le degré de compatibilité entre fuels ; c’est le
physiques. Pratiquement, on utilise une relation fournissant le cas, par exemple, de l’essai à la tache (ASTM D 4740), qui consiste à
Calculated Carbon Aromaticity Index (CCAI) : comparer l’aspect des taches laissées sur un papier filtre par deux
carburants et leur mélange.
CCAI = ρ − 81 − 14 lg [lg (η + 0,85) ] − 483 lg [ (T + 273)/323]
avec CCAI calculé à T (oC),
4.3.3 Formulation des carburants lourds
ρ masse volumique à 15 oC (kg/m3),
η viscosité cinématique (mm2/s) à T (oC) Au cours des années 1970, les carburants lourds étaient principa-
CCAI peut varier de 800 à 950 selon les produits ; un CCAI faible lement constitués de résidus de distillation atmosphérique. Actuel-
traduit une bonne aptitude à l’auto-inflammation, ce qui est évidem- lement, une très grande partie de ces produits sont distillés sous
ment souhaité. vide et le distillat obtenu alimente diverses unités de conversion
(craquage catalytique, hydrocraquage, viscoréduction, cokéfac-
Il existe une autre caractéristique liée à la qualité de combustion, tion…). Celles-ci fournissent évidemment des produits plus légers,
appelée Calculated Ignition Index (CII) fournie par la relation : mais aussi des composés très lourds qui peuvent constituer des
bases de carburants marine.
CII = 270,795 + 0,1038 T − 0,254565 ρ + 23,708 lg [lg (η + 0,7) ]
Pour le raffineur, la principale contrainte concerne le respect des
avec les mêmes notations que précédemment. spécifications de viscosité et de teneur en soufre. La dilution par des
À 100 oC, CII est généralement compris entre 20 et 40. Comme effluents légers (FOD, LCO), la sélection de pétroles bruts peu
l’indice de cétane, il est d’autant plus élevé que la tendance à l’auto- sulfurés, lui assurent encore une certaine souplesse qui va peu à
inflammation est grande. peu s’amenuiser à l’avenir, lorsqu’il faudra limiter fortement les
teneurs en soufre jusqu'à 2 %… 1 %… peut-être même 0,5 % !
À l’instar de toutes les fractions pétrolières très lourdes, les carbu-
rants marine contiennent fatalement du soufre, parfois à teneur
notable (jusqu'à 5 % masse), ce qui constitue, à plusieurs titres, un
inconvénient (risque de corrosion sulfurique, rejet d’anhydride
sulfureux, baisse du pouvoir calorifique…). Aussi, existe-t-il des 5. Carburéacteurs
projets de réglementation visant à limiter, en Europe, la teneur
maximale en soufre à 2 ou 1 %, dans tous les carburants marine.
Comme leur nom l’indique, ces produits sont essentiellement
Le résidu de carbone représente la masse (en %) de produit car- destinés à l’alimentation des avions à réaction ; ils peuvent égale-
boné recueilli après calcination à 500 oC, sous atmosphère inerte. Il ment être consommés dans les turbines terrestres, adaptables elles-
renseigne sur la qualité de combustion et sur la faculté d’éviter la mêmes à une très large variété de carburants : gaz naturel, GPL,
formation de dépôts sur les injecteurs et à l’intérieur du moteur. Les gazole, FOD…
résidus de carbone autorisés varient, selon les types de produits, de
10 à 22 % (masse), pour les carburants de type résidu.
Parmi les impuretés présentes inévitablement dans les carburants
marine, se trouvent des métaux tels que le vanadium, le sodium, 5.1 Classification
l’aluminium et le silicium.
Le vanadium forme avec le sodium des sels complexes devenant Il existe plusieurs types de carburéacteurs, selon leur application
fortement corrosifs, lorsqu’ils se déposent à l’état liquide sur cer- civile ou militaire ; leur dénomination peut varier d’un pays à l’autre.
taines zones vulnérables du moteur, notamment les soupapes
d’échappement. Pour pallier cet inconvénient, on limite, dans la Le produit le plus largement utilisé, partout dans le monde, est le
mesure du possible, la température des soupapes au-dessous du TRO (TR pour TurboRéacteur) ou JP8 (JP pour Jet Propelled), encore
point de fusion des sels de vanadium et de sodium. Cependant, ces désigné par les symboles OTAN F34 et F35. Aux États-Unis, le carbu-
moyens technologiques ne sont pas toujours suffisants et il faut rant correspondant, de mêmes caractéristiques, est le Jet A1. Ce
alors choisir le type de carburant en fonction de sa teneur en dernier sigle tend à se répandre à l’échelle universelle.
vanadium ; celle-ci peut s’étager de 150 à 600 p.p.m. dans la popu- Les militaires ont utilisé et utilisent parfois encore, un carbu-
lation des 15 produits de type résidus. Les carburants de type dis- réacteur plus volatil appelé TR4, JP4, Jet B, F45 ou F40. En réalité,
tillats présentent, quant à eux, une teneur en vanadium inférieure à les dénominations précédentes correspondent à de légères
100 p.p.m. variantes décrites dans des ouvrages spécialisés.
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Teneur (% vol.)
18
Enfin, les carburants spéciaux pour missiles (RJ-6, JP-9, JP-10,
16 Monoaromatiques
RJ-4, RJ-5) se caractérisent par une très forte énergie volumique.
Parmi tous ces produits, c'est le TRO ou Jet A1 qui présente le 14
plus fort débouché, puisqu’il alimente la quasi-totalité de l’aviation
civile mondiale. Les descriptions qui vont suivre concernent donc 12
essentiellement le TRO ; cependant, nous fournirons aussi quelques
informations sur les carburéacteurs spéciaux, à haute énergie volu- 10
mique.
8
2
Contrairement aux moteurs à pistons, les réacteurs d’avion sont
parcourus par un écoulement gazeux continu, le déplacement de 0
l’appareil étant assuré par une poussée due à l’énergie cinétique des 64 60 56 52 48 44 40
gaz d’échappement. Les caractéristiques chimiques relatives à Indice de la luminométrie
l’auto-inflammation ne présentent donc pas ici d’intérêt particulier.
Les propriétés déterminantes du carburéacteur seront plutôt liées à
la préparation du mélange air-carburant, au rayonnement de la Figure 7 – Relation entre l’indice de luminométrie et la teneur
flamme et à la formation éventuelle de dépôts de carbone. en aromatiques des carburéacteurs
En outre, compte tenu des conditions d’emploi à haute altitude,
on conçoit que le carburéacteur doive rester totalement liquide à
très basse température. À l’inverse, dans des conditions particu- les indices 0 et 100. Les valeurs couramment observées sur les
lières, plus précisément sur les avions supersoniques où l’échauf- produits commerciaux varient, le plus souvent, entre 40 et 70.
fement cinétique est important, on exigera du carburéacteur, une
La figure 7 montre que l’indice de luminométrie dépend direc-
grande stabilité thermique.
tement de la teneur en constituants monoaromatiques et diaroma-
tiques. Pour cette raison, on cherche à limiter à 22 % (vol.) la teneur
totale en aromatiques du carburéacteur. On surveille plus particuliè-
5.3 Caractéristiques exigées rement la teneur en naphtalène, en tentant de la maintenir au-
dessous de 3 %.
En ce qui concerne les spécifications, on notera qu’elles ne
Pour que la combustion se déroule de façon satisfaisante, le portent que sur l’une ou l’autre des grandeurs thermochimiques qui
carburant doit se vaporiser rapidement et se mélanger intimement à viennent d’être explicitées. Un carburéacteur du type Jet A1 devra,
l’air. Bien que le dessin du dispositif d’injection et de la chambre de en effet, respecter :
combustion jouent un rôle très important, des propriétés comme la — soit un point de fumée minimal de 25 ;
masse volumique, la volatilité, la tension superficielle, la viscosité — soit un indice de luminométrie minimal de 45 ;
du carburéacteur agissent, elles aussi notablement, sur la qualité de
la pulvérisation. Ces considérations justifient la fixation de spécifi- un point de fumée minimal de 19 ;
cations relatives à la masse volumique à 15 oC (entre 0,775 et — soit et
0,840 kg/L), à la courbe de distillation (plus de 10 % distillés à
204 oC, point final inférieur à 300 oC) et à la viscosité cinématique une teneur en naphtalène inférieure à 3 % (volume).
(inférieure à 8 mm2/s à − 20 oC).
En pratique, le dosage des aromatiques et la mesure du point de
Afin de maintenir un rendement énergétique élevé et d’assurer la fumée se substituent à la détermination de l’indice de luminométrie
longévité des matériaux constituant la chambre de combustion, la qui n’apporte pas d’information véritablement nouvelle.
turbine et la tuyère, il est nécessaire d’obtenir une flamme claire, L’ASTM propose d’ailleurs la relation suivante entre l’indice de
minimisant les échanges de chaleur par rayonnement et limitant la luminométrie (IL) et le point de fumée (PF).
formation de dépôts de carbone. Ces qualités sont exprimées par
deux caractéristiques appelées respectivement point de fumée et IL = − 12,03 + 3,009 PF − 0,0104 (PF)2
indice de luminométrie.
Le pouvoir calorifique du carburéacteur est une caractéristique
■ Le point de fumée correspond, pour une lampe à mèche norma- importante, car elle conditionne les conditions du vol (masse au
lisée, à la hauteur maximale possible de la flamme, sans formation décollage, encombrement du réservoir, rayon d’action). Les spécifi-
de fumée. Les valeurs couramment obtenues sont comprises entre cations fixent, pour le Jet A1, une valeur minimale de 42,8 MJ/kg,
10 et 40 mm. Le point de fumée est directement lié à la structure qui est, en pratique, largement respectée.
chimique du carburant ; il est élevé, donc satisfaisant, avec les paraf- Après quelques heures de vol à haute altitude, un réservoir
fines linéaires, plus faible avec les paraffines ramifiées et nettement d’avion se trouve pratiquement à la température extérieure
plus bas encore avec les naphtènes et les aromatiques. ambiante, elle-même proche de − 40 à − 50 oC ; dans ces conditions,
■ L’indice de luminométrie se détermine sur la lampe normalisée il importe que le carburant reste suffisamment fluide pour assurer
citée ci-dessus, mais équipée en outre de thermocouples permettant l'alimentation du réacteur.
de mesurer les températures correspondant à différentes hauteurs Cette propriété s'exprime par la température de disparition des
de flamme, et d’une cellule photo-électrique afin d’évaluer la lumi- cristaux (Freezing Point). C’est la température à laquelle les cristaux,
nosité. Le carburéacteur testé est comparé à deux hydrocarbures formés au cours d’un refroidissement, disparaissent lorsqu’on
purs : la tétraline et l’isooctane auxquels on attribue respectivement réchauffe le carburéacteur ; les spécifications internationales
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imposent qu’elle soit inférieure à − 47 oC pour le Jet A1 ; pour 5.4 Formulation du carburéacteur
certains vols domestiques, aux États-Unis, une dérogation jusqu’à
− 40 oC est parfois permise.
Les bases utilisées pour la fabrication du carburéacteur pro-
Le respect d’une bonne teneur au froid peut être rendu difficile par
viennent fréquemment de la distillation directe du pétrole brut. La
la présence de faibles quantités d’eau dissoutes dans le carbu-
fraction distillant entre 140-150 oC (point initial) et 240-250 oC (point
réacteur. Lorsque la température décroît, l’eau libre devient moins
final) convient alors, et un simple traitement de finition (appelé
soluble (figure 8) et se dépose sous forme de fines gouttelettes qui
adoucissement) permet d’ajuster certaines caractéristiques, comme
commencent à geler, dès que la température atteint 0 oC. Pour pal-
la teneur en mercaptans.
lier cet inconvénient, il est possible d’ajouter des additifs anti-glace
qui passent en solution dans l’eau libre et abaissent le point de con- On peut également hydrotraiter une fraction pétrolière moyenne,
gélation. Ce sont des produits du type éther monométhylique afin d’améliorer simultanément les caractéristiques liées à la teneur
d’éthylène glycol : en soufre ainsi qu'au point de fumée.
CH3COCCH2CCH2 OH L’hydrocraquage est aussi un procédé qui permet d’obtenir des
carburéacteurs de très grande qualité mais, compte tenu de son
ou éther monométhylique de diéthylène glycol : coût élevé, cette voie n'est retenue que dans des situations particu-
lières.
CH3COCCH2CCH2CCH2CCH2 OH
Le raffineur dispose donc de tous les moyens nécessaires pour
L’emploi de ce type d’additifs est généralisé pour tous les carbu- produire des carburéacteurs conformes aux spécifications. Toute-
réacteurs à usage militaire, mais reste rarissime dans l’aviation fois, ces produits utilisent des coupes qui peuvent être communes,
civile ; lorsqu’on a recours à eux, les doses choisies sont de l’ordre soit avec les essences, soit avec le gazole, ce qui entraîne parfois des
de 0,10 % (vol.). contraintes. Ainsi, aux États-Unis, il faut assurer simultanément une
forte demande en essence et en carburéacteur ; en Europe, au
En régime de croisière, notamment lors de vols supersoniques, le contraire, ce sont le gazole et le carburéacteur qui sont en concur-
carburéacteur qui circule dans certaines zones chaudes de l’avion, rence pour la coupe 150-250 oC.
peut atteindre des températures élevées, d’autant plus qu’il est
parfois utilisé comme fluide caloporteur pour le lubrifiant, le liquide
hydraulique ou l’air conditionné. Il est donc nécessaire de contrôler
sa stabilité thermique. 5.5 Carburéacteurs spéciaux
La méthode de caractérisation la plus connue dans ce domaine
est appelée JFTOT (Jet Fuel Thermal Oxydation Tester). Elle permet
d’exprimer la tendance du carburant à former des dépôts sur une Ces produits sont fabriqués, en petites quantités (quelques
surface métallique portée à haute température. Dans la méthode dizaines de tonnes), à la demande, et réservés à des usages mili-
normalisée (ASTM D 3241), l’échantillon circule sous une pression taires, plus précisément à la propulsion de missiles. Leur caractéris-
de 34,5 bar, dans un tube en aluminium chauffé à 260 oC. On enre- tique essentielle est leur pouvoir calorifique volumique toujours très
gistre, après 150 minutes d’essai, la perte de charge à travers un élevé ; cette particularité doit cependant aller de pair avec le main-
filtre de 17 microns de porosité, placé à la sortie du réchauffeur. tien d’autres propriétés, comme la viscosité et la tenue au froid.
Les spécifications relatives au Jet A1 indiquent que la perte de Parmi les constituants de ces carburants spéciaux, on peut citer :
charge doit être inférieure à 33 mbar et que la cotation visuelle du — la décaline et ses dérivés qui permettent des gains de PCI volu-
tube doit correspondre à un niveau maximal de 3 sur une échelle de mique de l’ordre de 5 % par rapport aux carburéacteurs classiques ;
référence.
— les produits du type bicyclopentadiène hydrogéné et isomérisé
La stabilité thermique des carburéacteurs dépend étroitement de qui offrent un bon compromis entre des PCI volumiques supérieurs
leur structure chimique. Elle sera généralement meilleure en de 16 % à celui du Jet A1, et une fluidité à froid convenable ;
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0,1 %
40
6. Les carburants 0,05 %
et la protection 20
0%
de l’environnement 0
200 300 400 500 600
− 9,1 − 11,2 Les pertes par évaporation constituent l’un des domaines vulné-
NOx
rables de ce type de motorisation en matière de pollution. Malgré
l’installation de dispositifs de récupération des vapeurs d’essence
(1) Véhicules américains (cycle normalisé FTP)
(canisters), des pertes sont inévitables aussi bien au remplissage du
(2) Véhicules européens (cycle normalisé ECE + EUDC)
réservoir en station-service (de l’ordre de 1 g par litre d’essence
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________________________________________________________________________________________________________________ CARBURANTS LIQUIDES
Tableau 20 – Relations entre les caractéristiques des essences et les émissions de polluants
(programme auto-oil américain)
Type de polluant
Aromatiques MTBE Oléfines T90
45 % → 20 % 0 % → 15 % 20 % → 5 % 182 oC → 138 oC
Benzène............................................. − 42 0 0 − 10
Formaldéhyde................................... + 24 + 26 0 − 27
Acétaldéhyde .................................... + 21 0 0 − 23
liquide inroduite), que lors du stationnement et du parcours, princi- nement concerne surtout les émissions d’oxydes d'azote et de parti-
palement en période d’été (plus de 1 g par heure). Un moyen cules.
d’action efficace pour pallier ce type d’inconvénient, consiste à
Les caractéristiques du gazole qui exercent la plus grande
réduire la pression de vapeur de l’essence et à faire en sorte que les
influence sur les émissions de polluants sont la masse volumique,
vapeurs émises soient aussi peu toxiques que possible. Cette
l’indice de cétane, la teneur en constituants di- et tri-aromatiques
dernière considération explique que, partout dans le monde, on
(l’ensemble étant désigné ici par le terme polyaromatiques) et le
limite à des niveaux très bas (2 %, voire 1 %), la teneur en benzène
point final de distillation.
des essences.
Les caractéristiques des essences susceptibles de modifier le L'action de ces paramètres a été examinée dans le cadre d’un
niveau et la composition des rejets de polluants à l’échappement programme d’étude européen appelé EPEFE (European Programme
sont les teneurs en aromatiques, en oléfines et en constituants oxy- on Emissions Fuels and Engine Technologies). Quelques résultats
génés (MTBE, ETBE), ainsi que le point final de distillation. sont présentés sur les tableaux 21 et 22. On constate que l’influence
de tel ou tel paramètre est parfois différente en grandeur et en sens
Le tableau 20 montre les effets de ces paramètres observés aux (positif ou négatif), selon que l’on considère des véhicules diesel de
États-Unis dans le cadre d’une étude expérimentale, appelée voiture particulière ou de poids lourd. Ceci n’est guère surprenant,
programme auto/oil. Les évolutions constatées sont les suivantes : compte tenu des particularités technologiques (mode d’injection,
— réduction des taux de CO et d’hydrocarbures résultant de suralimentation éventuelle, cylindrée, régime de rotation, taux de
l’adjonction de MTBE (ou d’ailleurs de tout autre constituant compression…) des 2 types de motorisation. On retiendra les
oxygéné) ; par contre, la présence de ces produits dans l’essence quelques effets marquants suivants :
entraîne une plus forte émission d’aldéhydes) ;
— une réduction de masse volumique entraîne une réduction
— léger accroissement des émissions d’hydrocarbures, mais
notable (15 à 20 %) des rejets de CO, HC et particules sur voiture
diminution faible des rejets de NOx , après réduction du taux
particulière et une légère diminution des émissions de NOx sur véhi-
d’oléfines ;
cule utilitaire ;
— diminution du taux de benzène émis lorsqu’on réduit la teneur
en aromatiques de l’essence ; — un accroissement d’indice de cétane agit favorablement, et
— diminution des émissions d’hydrocarbures et de polluants spé- dans tous les cas, sur les émissions de CO et HC, mais peut provo-
cifiques, particulièrement toxiques (benzène, 1-3 butadiène, formal- quer un accroissement des émissions de particules sur les véhicules
déhyde, acétaldéhyde), associée à la baisse du point final de légers ;
distillation. — la baisse de la teneur en polyaromatiques entraîne une dimi-
Ces évolutions ont été pour la plupart confirmées sur des véhi- nution de tous les polluants, sauf CO et HC rejetés par les véhicules
cules européens. Elles servent de guide pour définir des futures légers ;
spécifications d’essences qui rentreront en vigueur au début des — la réduction du point final de distillation exerce des effets
années 2000, dans un contexte de lutte rigoureuse contre la pollu- disparates, tantôt positifs, tantôt négatifs, selon le type de véhicule
tion automobile. et de polluant considéré. Cependant, en ce qui concerne les parti-
cules, on observe un impact au mieux favorable (véhicule léger) et
au pire nul (poids lourd).
6.2.2 Véhicules diesel Lorsqu’on combine les variations des paramètres ci-dessus, on
observe (tableau 23), un effet presque toujours favorable sur tous
Contrairement à leurs homologues alimentés à l’essence, ces les polluants et les deux populations de véhicules. La seule excep-
véhicules ne souffrent pas de pertes par évaporation, puisqu’aux tion concerne les émissions de CO et HC sur les poids lourds, mais
températures ambiantes et jusqu’à 40 oC au moins, la pression de ceci n'est pas très gênant, car les niveaux requis par la réglemen-
vapeur du gazole reste extrêmement basse (de l’ordre de 1 mbar). tation, sont, dans ce cas et sur ce type de technologie, aisément
Par contre, la vulnérabilité des moteurs diesel en matière d’environ- respectés.
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CARBURANTS LIQUIDES _________________________________________________________________________________________________________________
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________________________________________________________________________________________________________________ CARBURANTS LIQUIDES
60
Les essences reformulées sont strictement exigées, aux États- Reformulé
Unis, dans les grandes zones urbaines où l’air ambiant contiendrait 1
40
de trop fortes quantités d’ozone, si aucune disposition n’était prise.
Reformulé
Elles sont également recommandées dans tous les états à forte den-
20 2
sité automobile, de sorte que, au début des années 2000, elles
devraient représenter plus de 50 % du pool essence dans ce pays où
la consommation totale est de l’ordre de 350 Mt/an ! 0
50 60 70 80 90 100
Émissions de NOx (valeur relative)
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221 29
36
310
31 176 165 7. Perspectives d’évolution
251
18
231
22 des carburants
190
158 143
Les carburants de toutes catégories qui ont été examinés ici satis-
font à la demande croissante de transport, rapide, efficace, fiable et
Cycle Cycle Cycle Cycle Cycle Cycle confortable qui caractérise le monde moderne. Leur déclin ou leur
urbain extra-urbain urbain extra-urbain urbain extra-urbain disparition, sous leur forme actuelle, impliquerait une révision totale
Essence Gazole Gaz naturel des modes de vie et ne peut donc être envisagé à court ou moyen
terme. On peut cependant discerner quelques tendances pour les
Les valeurs sont données en gCO2/km prochaines années.
6.5 Émissions de gaz à effet Entre 1938 et 2000, c’est-à-dire en un peu plus de 60 ans, le parc
de serre (CO2) automobile mondial sera passé de 43 millions à plus de 700
millions ; le cap d’un milliard sera vraisemblablement franchi avant
2010 et certaines prévisions à plus long terme font état d’un parc
La combustion des produits issus de matières premières d’origine automobile mondial de 2,5 milliards de véhicules en 2060, dont plus
fossile (charbon, gaz naturel, pétrole) fournit du CO2 et d’autres de 70 % se trouveraient dans des régions où le taux de motorisation
substances (méthane, protoxyde d’azote, CO, hydrocarbures, NOx ) est actuellement très faible (pays d’Afrique centrale, Inde, Chine…).
qui, directement ou indirectement, contribuent à accroître l’effet de
serre, dont on redoute à terme les conséquences planétaires, en par- Puisque les consommations unitaires de chaque véhicule sont
ticulier sur le plan climatique. soumises aux lois de la thermodynamique et ne peuvent décroître
Compte tenu de sa concentration élevée dans les produits de indéfiniment, puisqu’aussi les kilométrages annuels devraient rester
combustion, la contribution du CO2 est déterminante ; celle des équivalents, voire supérieurs à ceux constatés aujourd’hui, il faut
autres gaz est comptabilisée en utilisant divers facteurs de pondé- envisager une croissance à terme du marché total des carburants.
ration. Les résultats sont ainsi exprimés en grammes de CO2 équi- Ainsi, même aux États-Unis où la densité automobile est déjà très
valent. élevée, on prévoit entre 1993 et 2010, une augmentation de l’ordre
Dans le domaine des carburants, qui représentent une part impor- de 18 % de la demande totale en carburants pour véhicules légers.
tante de la consommation énergétique totale, on cherche à maîtriser
les émissions de CO2, exprimées fréquemment en grammes de CO2
équivalent par kilomètre parcouru, et on est conduit, par consé-
quent, à comparer le comportement de différentes filières (essence, 7.2 Répartition entre les différents
diesel, carburants gazeux, biocarburants…). produits
Cette opération conduit à prendre en compte les émissions de
CO2 équivalent :
— en amont, c’est-à-dire au cours des opérations de raffinage, Il semble que les grands types de carburants présentés ici −
transport et distribution ;
essence, gazole, carburéacteur − continueront à se partager − avec
— lors de la combustion sur moteur, en tenant compte des rende-
quelques disparités selon les pays et les zones géographiques −
ments énergétiques et des émissions de différents polluants.
l’essentiel du marché des carburants.
Puisque l’essence et le gazole présentent pratiquement la même
teneur massique en carbone (86 à 87 %), les différences d’émissions La pénétration des filières concurrentes ne pourra concerner, en
de CO2 entre les filières essence et diesel seront liées essentielle- effet que des débouchés « de niche » localement visibles, voire
ment aux dépenses de raffinage et à la consommation de carburant spectaculaires, mais d’impact faible sur le plan énergétique global.
du moteur. Pour chacun de ces deux critères, la filière diesel est Le tableau 26 fournit à ce sujet quelques prévisions relatives aux
avantagée ; la figure 11 montre que, globalement, elle se caracté- États-Unis, pour une période s’étendant jusqu’à 2010.
rise par une réduction des émissions de gaz à effet de serre de plus
de 20 %. L’utilisation du gaz naturel comme carburant serait encore Les carburants gazeux vont, certes, se développer pour concerner
plus bénéfique, puisque sa teneur massique en carbone est plus à terme des parcs de l’ordre de 10 millions (GPL) ou 5 millions (gaz
faible (de l’ordre de 75 %). naturel) de véhicules, principalement en zones urbaines, sur des
Il existe actuellement un consensus en Europe pour contrôler et flottes captives (taxis, voitures de liaison, de livraison, de services
réglementer les émissions de CO2 des véhicules. Des valeurs divers…). Mais la pénétration de ces carburants restera, malgré tout,
moyennes de l’ordre de 150 g de CO2 équivalent par kilomètre pour marginale.
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Tableau 26 – Prévision de la consommation de différents carburants (en 1012 BTU) sur les véhicules légers,
aux États-Unis, entre 1993 et 2010
Années
Variation relative
Carburants
(2010/1993)
1993 2000 2006 2010
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P
O
U
Carburants liquides R
E
par Jean-Claude GUIBET
N
Docteur ès Sciences de l’Université de Louvain
Coordonnateur Carburants à l’Institut français du Pétrole
Professeur à l’École nationale supérieure du Pétrole et des Moteurs
S
Données économiques
A
La place du pétrole et des carburants liquides, dans la consommation énergétique de différents pays (1996) est donnée dans le tableau suivant : V
O
Consommation énergétique
Part du pétrole
dans la consommation
Part des carburants
dans la consommation
I
Pays ou zone totale dans le monde
(%)
énergétique totale
(%)
pétrolière
(%) R
Amérique du Nord ............................. 28,1 38,8 67,6
R
États-Unis Europe de l'Ouest
Naphta léger : 7,6 %
Naphta léger : 4,0 % Réformat : 46,9 % Isomérisat : 5,0 %
Réformat : 34,7 %
E Isomérisat : 4,7 %
Alkylat/polymérisat : 13,0 %
Alkylat/polymérisat : 5,9 %
Éther : 1,8 %
N Butane : 5,7 %
Éther : 1,8 %
Butane : 5,6 %
Essence de FCC : 27,1 %
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