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Flamme de diffusion laminaire

par Denis VEYNANTE


Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique CNRS

1. Généralités................................................................................................. BE 8 320 - 4
1.1 Situations génériques ................................................................................. — 4
1.2 Intérêt des flammes de diffusion laminaire............................................... — 4
1.3 Analyse qualitative de la structure d’une flamme de diffusion laminaire — 5
2. Calcul simplifié d’une flamme de diffusion laminaire................... — 6
2.1 Équations de base ....................................................................................... — 6
2.2 Scalaire passif .............................................................................................. — 7
2.3 Chimie infiniment rapide ............................................................................ — 7
2.4 Dernière étape : résolution de l’équation de ZF ........................................ — 9

3. Extension - utilisation du scalaire passif Z ...................................... — 10


3.1 Définitions .................................................................................................... — 10
3.2 Description de la flamme en terme du scalaire passif Z .......................... — 10
3.2.1 Mélange pur ........................................................................................ — 11
3.2.2 Chimie infiniment rapide ................................................................... — 11
3.2.3 Cas général.......................................................................................... — 11
3.3 Remarques ................................................................................................... — 12
3.3.1 Domaine de combustion.................................................................... — 12
3.3.2 Vitesse de réaction - extinction ......................................................... — 12
3.3.3 Vers la modélisation de la combustion turbulente .......................... — 12
3.3.4 Généralisation de l’équation (44) ...................................................... — 12
4. Flammes de diffusion laminaires étirées .......................................... — 13
4.1 Introduction.................................................................................................. — 13
4.2 Flamme de diffusion étirée stationnaire à contre-courant....................... — 13
4.2.1 Solution analytique ............................................................................ — 13
4.2.2 Relation entre taux d’étirement εs et dissipation scalaire χ ............ — 14
4.2.3 Influence du taux d’étirement sur la vitesse de réaction ................ — 15
4.3 Flamme de diffusion étirée instationnaire................................................. — 15
5. Stabilisation des flammes de diffusion ............................................. — 16
5.1 Auto-inflammation ...................................................................................... — 16
5.2 Stabilisation sur les lèvres du brûleur ....................................................... — 17
5.3 Stabilisation par flamme triple ................................................................... — 17
5.4 Stabilisation par zone de recirculation ...................................................... — 17
5.5 Flamme pilote .............................................................................................. — 17
Références bibliographiques ......................................................................... — 18

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L a combustion est aujourd’hui un des principaux moyens de conversion de


l’énergie. Elle est utilisée dans de nombreux systèmes pratiques aussi bien
pour produire de l’énergie thermique (chaudières ou fours domestiques et
industriels) ou de l’électricité (centrales thermiques), que pour le transport
(moteurs automobiles et aéronautiques, moteurs fusée, ...) ou encore la destruc-
tion de déchets (incinérateurs). La combustion peut être caractérisée comme
une (ou des) réaction(s) irréversible(s) fortement exothermique(s) entre un
combustible (ou réducteur) et un comburant (ou oxydant) selon le schéma
global :

combustible + comburant → produits de combustion + énergie thermique


Cette réaction induit un fort dégagement de chaleur qui a lieu dans une zone
très mince (les flammes les plus courantes ont des épaisseurs δL typiques de
l’ordre de 0,1 à 1 mm) conduisant à des gradients thermiques très élevés (le
rapport des températures absolues entre gaz brûlés et gaz frais, Tb / Tu , est de
l’ordre de 5 à 7) et à de larges variations de la masse volumique ρ.
Les combustibles les plus divers, qu’ils soient gazeux, liquides ou solides peu-
vent être utilisés. Parmi les plus courants, citons le bois, le charbon, les hydro-
carbures (méthane CH4 , propane C3H8 , essence, gasoil, kérozène, fioul,...),
l’hydrogène (H2)... Le comburant est le plus souvent l’oxygène de l’air, plus
exceptionnellement de l’oxygène pur (moteurs-fusée, certains fours industriels)
qui permet d’atteindre des températures plus élevées et éviter le stockage
d’azote inerte mais pose des problèmes de sécurité. Plus rarement, d’autres
comburants sont utilisés (moteurs fusée pyrotechniques).
Dans de nombreux systèmes pratiques, combustible et comburant sont injec-
tés séparément dans la zone de réaction, sans prémélange initial. La combustion
est alors contrôlée non seulement par la réaction chimique mais aussi par le
transport diffusif des réactifs l’un vers l’autre, d’où le nom de flamme de diffu-
sion.
Si les flammes de diffusion laminaires semblent n’intervenir que dans quel-
ques applications plutôt anecdotiques (bougie, flamme de briquet,...), nous
allons montrer que la compréhension de la structure de ces flammes est
fondamentale pour la description et la modélisation de nombreuses situations
industrielles.

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Notations et symboles Notations et symboles

Symbole Unité Définition Symbole Unité Définition

a m2 · s–1 diffusivité thermique a = λ/ρCp ZF scalaire passif YF – YO /s

Cp J · kg–1 · K–1 capacité thermique massique Z scalaire passif


à pression constante (ou fraction de mélange)

di m distance d’allumage Zst valeur stoechiométrique de Z


(Zst = 1/(φ + 1))
D m2 · s–1 coefficient de diffusion moléculaire J · kg–1
∆H 0 chaleur de réaction massique
ld m épaisseur de la zone de diffusion
(équation (51)) εs s–1 taux d’étirement du champ de vitesse
all
εs s–1 taux d’étirement d’allumage
Re nombre de Reynolds de la flamme de diffusion
eq
s coefficient stœchiométrique massique εs s–1 taux d’étirement équivalent
de la réaction F + s O → P (équation (83))
ext
SL vitesse de flamme laminaire εs s–1 taux d’étirement d’extinction
d’une flamme prémélangée de la flamme de diffusion

t s temps λ W · m–1 · K–1 conductivité thermique

T K température µ kg · m–1 · s–1 viscosité dynamique

Ti K température initiale de l’écoulement ν m–2 · s–1 viscosité cinématique


contenant le réactif i
φ rapport∞ d’équivalence

de la réaction
(φ = sY F /Y O ).
u m · s–1 vecteur vitesse
ρ kg · m–3 masse volumique
ui m · s–1 composante du vecteur vitesse u
sur la direction i m–3
ρF kg · masse volumique de l’écoulement
de combustible F
u, v m· s–1 composantes du vecteur vitesse
lorsque seules deux dimensions sont ρ0 kg · m–3 masse volumique de l’écoulement
considérées (w n’est pas la troisième d’oxydant O
composante de vitesse)
χ s–1 dissipation scalaire (χ = 2D |∇Ζ |2)
Ui m · s–1 vitesse initiale de l’écoulement
contenant le réactif i χf s–1 dissipation scalaire au front
de flamme
VF kg · s–1 · m–2 vitesse de réaction massique ext
du combustible par unité de surface χf s–1 dissipation scalaire d’extinction
de flamme de la flamme
all
χf s–1 dissipation scalaire d’allumage
VO kg · s–1 · m–2 vitesse de réaction massique de la flamme
de l’oxydant par unité de surface
de flamme Σ m–1 densité de surface de flamme
(combustion turbulente non
w paramètre de la réaction chimique prémélangée)
(équation (63))
ω̇ F kg · m–3 · s–1 vitesse de réaction massique
xi m coordonnée spatiale dans la direction i du combustible F

x, y m coordonnées spatiales lorsque seules ω̇ O kg · m–3 · s–1 vitesse de réaction massique


deux dimensions sont considérées de l’oxydant O(ω̇ O = s ω̇ F )

ω̇ P kg · m–3 · s–1 vitesse de réaction massique


Yi fraction massique du composant i de produits P(ω̇ P = – (1 + s )ω̇ F )
relativement à la masse totale
∞ ω̇ F kg · m–3 · s–1 vitesse de consommation moyenne du
Yi fraction massique du réactif i dans combustible F dans un écoulement
l’écoulement qui le contient turbulent

Indices Indices
F combustible F combustible
O oxydant O oxydant
P produits de la réaction P produits de la réaction

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1. Généralités liquide est vaporisé avant la zone de flamme qui sépare alors vapeur
de combustible et oxydant.
Feux de nappes (figure 5). Dans cette situation, voisine de la pré-
cédente, la flamme se développe au-dessus d’un bac de liquide.
1.1 Situations génériques L’analyse de cette configuration est plutôt du ressort de la protection
incendie.
Deux situations génériques idéales ont été identifiées, selon la
procédure utilisée pour introduire les réactifs dans la zone de
flamme :
— flammes prémélangées : les réactifs sont mélangés avant la Accroche-flamme
zone de réaction ;
— flammes non prémélangées ou flammes de diffusion où les
réactifs sont introduits séparément dans la zone de réaction, de Oxydant
part et d’autre de la flamme. Ils sont alors essentiellement Mélange
Combustible
localement entraînés dans la zone de réaction par diffusion Flamme
moléculaire.
a réactifs parfaitement prémélangés
Ces deux situations sont schématisées sur la figure 1.
La combustion prémélangée est, a priori, la situation la plus effi-
cace en terme de dégagement d’énergie puisque les réactifs sont
déjà en contact avant la zone de flamme. En revanche, une telle
flamme est susceptible de se propager dans le mélange combusti- Oxydant
ble/oxydant donc de remonter l’écoulement en amont de la cham-
Combustible
bre de combustion, jusqu’à l’endroit où s’effectue le mélange, ce qui Flamme
pose des problèmes de sécurité. En revanche, si la flamme de diffu-
sion est, a priori, moins performante qu’une flamme prémélangée b réactifs non prémélangés
puisqu’il faut, en plus, apporter, par diffusion moléculaire, les réac-
tifs à la zone de réaction, celle-ci ne peut en aucun cas remonter
Figure 1 – Flamme prémélangée et flamme de diffusion
l’écoulement et est donc plus sûre. En outre, la réalisation pratique
d’une flamme de diffusion est sensiblement plus simple puisqu’elle
ne nécessite pas un mélange des réactifs aussi parfait que possible
dans des proportions bien définies (c’est-à-dire dans les limites
d’inflammabilité). Un brûleur non prémélangé peut être simplement Introduction Type de
constitué, par exemple, d’un injecteur de combustible dans de l’air des réactifs l'écoulement
ambiant (bec Bunsen dont la virole est fermée, veilleuse de chauffe- Bec Bunsen
eau, fours industriels,...) ou d’un ou plusieurs groupes d’injecteurs Cuisinière domestique
Prémélangé Laminaire
de combustible et de comburant (moteurs-fusée, fours à oxy-
gène,...).
En pratique, les réactions de combustion interviennent, le plus
souvent en milieu gazeux. Cette constatation conduit immédiate-
ment à une seconde distinction entre les régimes de combustion, Turbines à gaz
selon que les écoulements sont laminaires ou turbulents. Quatre Briquet - Bougie
Moteurs à allumage
commandé
régimes limites idéaux sont donc identifiables, selon que l’écoule-
ment est ou non laminaire et la combustion prémélangée ou non. Non prémélangé Turbulent
Pour fixer les idées, la figure 2 résume ces quatre situations généri- Fours industriels
Moteurs Diesel
ques et y associe quelques applications pratiques. Moteurs - fusée

Les turbines à gaz se rencontrent dans les réacteurs aéronautiques et


1.2 Intérêt des flammes de diffusion dans certains dispositifs de production d'électricité. Les moteurs à
allumage commandé désignent essentiellement les moteurs automobile
laminaire à essence où la réaction est initiée par une bougie, à la différence des
moteurs Diesel.
Le prototype de ces flammes, schématisé sur la figure 3, est
obtenu par injection d’un combustible gazeux dans une atmosphère Figure 2 – Différents systèmes pratiques de combustion classés
oxydante (le plus souvent l’air) au repos. C’est, par exemple, la géo- selon le type d’introduction des réactifs (prémélange ou non)
métrie d’une flamme de bec Bunsen quand la virole est fermée (pas et la nature laminaire ou turbulente de l’écoulement
de prémélange d’air à la base du brûleur), d’une flamme de briquet
ou encore d’une veilleuse de chauffe-eau. Si cette configuration est
moins performante, en terme de dégagement d’énergie, puisque la
réaction est principalement limitée, pour les combustibles les plus
Atmosphère
courants, par le transport des réactifs l’un vers l’autre, la flamme de oxydante
diffusion offre, comme nous l’avons déjà vu, deux avantages
indéniables : la simplicité et la sécurité.
Outre les quelques situations génériques simples que nous avons Combustible
déjà mentionnées, les flammes de diffusion laminaires sont égale- Flamme
ment invoquées pour décrire les combustions liquide/gaz ou solide/
gaz, dont voici quelques exemples. Figure 3 – Géométrie d’une flamme de diffusion laminaire obtenue
Combustible liquide dans une atmosphère oxydante (figure 4). par injection d’un jet de combustible dans une atmosphère oxydante
Dans la plupart des applications pratiques, on considère que le au repos

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Atmosphère
Atmosphère oxydante
oxydante
Combustible Flamme
gazeux a
Combustible
solide
Combustible
Combustible
Flamme gazeux
liquide

Combustible gazeux
b

Combustible Flamme
Le combustible est vaporisé avant la zone de flamme qui sépare alors solide
combustible et oxydant gazeux. Atmosphère
oxydante
Figure 4 – Combustion d’une goutte de combustible
dans une atmosphère oxydante

Atmosphère
oxydante Combustible
Combustible gazeux
Flamme solide

Combustible c Atmosphère
liquide oxydante
Combustible
gazeux

Flamme
La combustion se développe au-dessus d'une nappe de combustible
liquide.

Figure 5 – Feux de nappes

Une partie du combustible est vaporisée par la chaleur et brûle dans la


Combustible solide dans une atmosphère oxydante (figure 6). zone de réaction qui sépare combustible et oxydant. Trois situations
Identique à la précédente, hormis le remplacement du combustible sont représentées, selon que la combustion se déroule au-dessus du
liquide par un combustible solide, cette situation concerne nombre combustible a , au-dessous b ou le long d'une paroi c .
de situations pratiques (combustion du bois, du charbon, certains
moteurs-fusée, ...) mais aussi la sécurité incendie (combustion Figure 6 – Combustible solide dans une atmosphère oxydante
d’une paroi, d’un plancher, d’un plafond). Remarquons que l’orien-
tation du combustible solide par rapport à la verticale peut jouer un
grand rôle dans la description du phénomène puisqu’elle condi-
tionne l’action de la convection naturelle. diffusion devient alors primordiale. En outre, la stabilisation des
flammes turbulentes s’effectue généralement dans des zones lami-
Déposition chimique en phase vapeur (Chemical Vapor Deposi- naires de l’écoulement.
tion, ou CVD). Très importante pour l’industrie des semi-conduc-
teurs, cette technique consiste à déposer sur une paroi une couche
de matériau (silicium en général) à partir d’un écoulement gazeux.
Si cette application est un peu en marge de la combustion 1.3 Analyse qualitative de la structure
« traditionnelle » (écoulements très lents, de quelques millimètres à d’une flamme de diffusion laminaire
1 cm/s ; réactions avec des temps caractéristiques très longs), elle
peut néanmoins être décrite comme une flamme de diffusion lami- Avant d’entreprendre une analyse plus précise et quantitative, de
naire. la structure d’une flamme de diffusion, analysons qualitativement la
Vu l’importance pratique des flammes non prémélangées, l’étude flamme-jet schématisée sur la figure 3. Une coupe transversale de
et la compréhension des flammes laminaires de diffusion sont indis- la flamme (figure 7) permet de constater que les réactifs combusti-
pensables. En effet, si elles ne se rencontrent que dans quelques ble et comburant, froids, sont bien séparés par la zone de réaction.
rares applications pratiques (briquet, veilleuse de chauffe-eau ou de Les profils de fraction massique de combustible, d’oxydant et de
chaudière, CVD,...), elles constituent un élément fondamental de la température ont l’allure représentée schématiquement sur la figure.
description des flammes turbulentes non prémélangées dont Les réactifs sont essentiellement entraînés l’un vers l’autre par diffu-
l’importance pratique est considérable (moteurs-fusée, fours indus- sion moléculaire, justifiant ainsi l’appellation de flamme de diffu-
triels et domestiques, moteurs Diesel, etc.). En effet, les flammes sion. Ce transfert de masse limite d’ailleurs le plus souvent la
turbulentes sont le plus souvent décrites comme constituées d’élé- vitesse de réaction, ce qui explique que les flammes de diffusion
ments de flamme laminaire (ou « flammelettes »). La connaissance sont généralement moins performantes que les flammes prémélan-
de la structure et des caractéristiques des flammes laminaires de gées.

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Température
y

Oxydant Combustible
Oxydant Flamme

Combustible 2e0
x

Lf

Les profils des fractions massiques de combustible, d'oxydant et de Un jet de combustible F de largeur 2e0 est injecté dans une
température sont représentés en fonction de la coordonnée atmosphère oxydante O. Pour simplifier, les deux jets ont le même
transversale. débit unitaire ru, ce qui correspond à un jet d'oxydant infini dans la
direction transversale y.
Figure 7 – Structure de la zone de réaction d’une flamme jet
(figure 3) Figure 8 – Géométrie de la flamme de Burke et Schumann

De même, la fraction massique de produits de combustion


2. Calcul simplifié YP suit l’équation :
∂ρY P
d’une flamme de diffusion -------------- + ∇ · ( ρ u Y P ) = ∇ · ( ρD ∇ Y P ) + ω̇ P
∂t
(3)
laminaire avec ω̇ P vitesse de production de produits P.
La stœchiométrie de la réaction et la conservation de la masse
L’objectif de ce paragraphe est de montrer que, dans un cas sim- totale imposent les deux relations :
ple, il est possible de déterminer complètement la structure de la
flamme de diffusion. Cette analyse, initialement due à Burke et ω̇ O = sω̇ F et ω̇ P = – ( 1 + s )ω̇ F (4)
Schumann (1928), permet également d’introduire les notions habi-
tuellement utilisées pour décrire ce type de flamme. En supposant que tous les constituants ont, pour simplifier, la
Il s’agit de l’étude d’un jet plan bidimensionnel de combustible F, même capacité thermique massique à pression constante Cp et la
cocourant avec un jet infini d’oxydant O (figure 8). Les deux jets même conductivité thermique λ, l’équation pour la température T
sont supposés avoir le même débit unitaire initial ρu (soit s’écrit :
ρFUF = ρOUO où ρF et ρO désignent respectivement les masses volu- ∂ρC p T 0
------------------ + ∇ · ( ρ u C p T ) = ∇ · ( λ∇ T ) – ∆ H ω̇ F (5)
miques des écoulements combustible et oxydant, tandis que UF et ∂t
UO correspondent aux vitesses de ces écoulements). Cette configu-
ration idéale n’est pas réaliste puisqu’elle suppose implicitement un avec ∆H 0 chaleur de réaction massique (par unité de masse de
débit infini d’oxydant. combustible).
Le milieu est ici supposé adiabatique (pas de pertes thermiques)
et le rayonnement de la flamme est négligé.
2.1 Équations de base Il convient maintenant d’ajouter l’équation de conservation de la
masse (ou de continuité) :

Considérons une réaction chimique à une étape entre combus- ∂ρ


------ + ∇ · ( ρ u ) = 0 (6)
tible F et oxydant O : ∂t
F + s O → (1 + s ) P et les équations de quantité de mouvement (j = 1, 2 ou 3) :
où s désigne le coefficient stœchiométrique massique de la réaction ∂ρu j ∂p
(pour brûler 1 kg de combustible, il faut s kg d’oxydant). ------------ + ∇ · ( ρ u u j ) = – --------- + ∇ · τ (7)
∂t ∂x j
Soit YF et YO les fractions massiques de combustible et de
comburant. Elles obéissent aux équations de transport : avec uj composante dans la direction xj du vecteur
vitesse u,
∂ρY F
------------- + ∇ · ( ρ u Y F ) = ∇ · ( ρD ∇ Y F ) + ω̇ F (1) p pression,
∂t
τ tenseur des forces visqueuses.
∂ρY O Les forces d’action en volume, et donc la convection naturelle,
-------------- + ∇ · ( ρ u Y O ) = ∇ · ( ρD ∇ Y O ) + ω̇ O (2)
∂t sont ici négligées.
avec D coefficient de diffusion, Pour simplifier le système d’équations précédent, Burke et Schu-
mann introduisent les hypothèses suivantes :
t temps,
— l’écoulement est stationnaire ;
u vecteur vitesse, — toutes les vitesses sont supposées parallèles à l’axe des jets
ρ masse volumique, (u2 = u3 = 0) ; en fait, cette hypothèse n’est pas légitime, comme cela
fut découvert par la suite ; il faudrait faire ici une analyse de type
ω̇ F et ω̇ O vitesses de réaction respectivement du combus- « couche limite » en conservant le gradient transversal de la vitesse
tible F et du comburant O. u2 (soit ∂u2 / ∂x2) ; néanmoins, cette hypothèse permet une analyse
Les flux de diffusion moléculaires sont supposés suivre la loi de simple et ne s’avère pas trop fausse ; c’est pourquoi nous la conser-
Fick avec la diffusivité massique ρD. verons ici ;

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— tous les flux de diffusion dans la direction de l’écoulement sont — dans l’écoulement d’oxydant, ZF est négatif et vaut ZF = – Y O /s,

négligés devant les flux convectifs ; où Y O désigne la fraction massique d’oxydant O dans cet
— les fluides sont supposés newtoniens. écoulement ; cette fraction massique est inférieure à l’unité quand
Les équations précédentes se simplifient alors pour devenir : l’oxydant est dilué ; ainsi la fraction massique d’oxygène dans un

écoulement d’air (et donc dilué dans l’azote) vaut Y O ≈ 0,23 ;
∂ρu — si la réaction chimique est supposée infiniment rapide, c’est-à-
---------- = 0 (8)
∂x dire si le combustible F et l‘oxydant O ne peuvent coexister sans être
immédiatement transformés en produits P, la zone de réaction véri-
∂ρuY F ∂Y F fie YF = YO = 0 et correspond donc à une valeur ZF = 0 ; par consé-

------------------ = --------  ρD ---------- + ω̇ F (9) quent, la zone de réaction correspond à l’isovaleur ZF = 0.
∂x ∂y  ∂y 

∂ρuY O ∂ ∂Y O Nous avons donc défini un scalaire passif ZF qui vérifie l’équa-
------------------- = --------  ρD ----------- + ω̇ O (10)
∂x ∂y  ∂y  tion de convection-diffusion :
∂ρZ F
∂ρuY P ∂ ∂Y P ------------- + ∇ · ( ρ u Z F ) = ∇ · ( ρD ∇ Z F ) (17)
------------------ = --------  ρD ---------- + ω̇ P (11) ∂t
∂x ∂y  ∂y 

∂ρuC p T ∂ ∂T
---------------------- = --------  λ -------- – ∆ H ω̇ F où la combustion n’intervient pas directement et dont la valeur
0
(12)
∂x ∂y  ∂y  ZF = 0 correspond à la zone de réaction. La description d’une
flamme de diffusion laminaire revient finalement à décrire un pro-
2 blème de mélange.
∂ρu ∂p ∂ ∂u
------------- = – -------- + --------  µ -------- (13)
∂x ∂x ∂y  ∂y  Ce scalaire passif n’est pas unique et il est possible d’en définir
d’autres par combinaison linéaire des équations de conservation
avec µ viscosité dynamique du fluide. des espèces et de la température. Ainsi :
• ZP = YF + YP /(1 + s ) est un scalaire passif qui relie les fractions
Nous supposerons les nombres de Schmidt des espèces égaux à
massiques YF de combustible et YP de produits de réaction ; de
l’unité, c’est-à-dire que les viscosités dynamique et moléculaire sont
même, YO/s + YP /(1 + s ) est aussi un scalaire passif reliant YO et YP ;
identiques (µ = ρD ).
• sous l’hypothèse d’un nombre de Lewis unitaire (diffusivités
L’équation (8) conduit, compte tenu de l’hypothèse que les jets
t h e r m i q u e e t m o l é c u l a i r e i d e n t i q u e s : ρD = a = λ / ρC p ) ,
ont le même débit unitaire initial ρu, à la solution immédiate :
ZT = YF + CpT /∆H 0 est un scalaire passif qui relie la fraction mas-
ρu = ρF UF = ρO UO = Cte (14) sique de combustible YF à la température T.
Il est facile de montrer que tous ces scalaires passifs sont des
L’équation de quantité de mouvement devient alors inutile car la fonctions linéaires les uns des autres. Par exemple, remplacer le
pression est sensiblement constante dans un tel écoulement. Il nous scalaire ZP par ZP = αZF + β, où α et β sont deux constantes, dans
reste donc maintenant à déterminer YF , YO , YP et T. Pour cela, une l’équation de transport de ZP redonne immédiatement l’équation de
nouvelle variable, dont vont dépendre ces quatre grandeurs, est transport de ZF .
introduite.

2.2 Scalaire passif 2.3 Chimie infiniment rapide


L’hypothèse de chimie infiniment rapide, c’est-à-dire où combus-
Soit la variable ZF définie par : tible F et oxydant O ne peuvent coexister, permet de simplifier
Y considérablement notre problème. Nous avons déjà remarqué que
Z F = Y F – ------O- (15) la flamme correspond à la valeur ZF = 0, mais il est aussi possible de
s déterminer complètement la structure du front.
La combinaison linéaire [(1) – (2)/s] des équations de transport
des fractions massiques YF et YO permet d’établir facilement une
équation de transport pour ZF : Du côté du combustible (ZF > 0) YO = 0 (puisqu’il ne peut
exister d’oxydant), on a :
∂ρZ F ω̇ O 
------------- + ∇ · ( ρ u Z F ) = ∇ · ( ρD ∇ Z F ) + ω̇ F – ------- (16) Y F = ZF (18)
∂t  s

Par définition de la réaction chimique et du coefficient stœchio-


métrique massique s, le terme source de cette équation, ω̇ F – ω̇ O ⁄ s Du côté de l’oxydant ZF < 0 et YO = –s ZF (puisque YF = 0, car
est nul (équation (4)). En effet, il faut s kg d’oxydant O pour brûler il ne peut y avoir du combustible), on a :
1 kg de combustible F.
YO = –sZF (19)
La grandeur ZF suit donc une équation de convection/diffusion
sans terme source. C’est pourquoi ZF est alors appelé scalaire passif
(c’est un scalaire qui n’est pas modifié par la réaction chimique). Il Les fractions massiques du combustible YF et d’oxydant YO sont
est aussi connu sous le nom de variable de Schwab-Zeldovitch. donc directement proportionnelles au scalaire passif ZF . La détermi-
Remarquons que : nation de la fraction massique YP des produits de combustion est un
∞ ∞
— dans l’écoulement de combustible, ZF = Y F , où Y F désigne la peu plus délicate. Puisque YF + YP/(1 + s ) et YO /s + YP/(1 + s ) sont
fraction massique de combustible dans cet écoulement ; cette frac- aussi des scalaires passifs, ils sont des fonctions linéaires de ZF . La
tion massique peut être différente de l’unité si le combustible est fraction massique YP est donc une fonction linéaire de ZF , par mor-
∞ ∞
dilué ; ceaux sur les intervalles [ –Y O /s, 0] et [0, Y F ]. Bien évidemment,

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∞ ∞
YP = 0 pour ZF = Y F (écoulement combustible) et ZF = –Y O /s (écou-
lement oxydant). Puisque ZP est un scalaire passif, fonction linéaire
de ZF , nous avons : YO YP YF

YP
- = αZ F + β
Z P = Y F + ---------------- (20)
(1 + s)

où α et β sont des constantes. Vu les conditions aux limites : –Y O


∞ 0 YF

ZF
∞ ∞ s
ZP = Y F pour ZF = Y F
Figure 9 – Fractions massiques de combustible YF , d’oxydant YO

Y et de produits de combustion YP en fonction du scalaire passif
ZP = 0 pour ZF = – ------O- ZF = YF – YO/s pour une chimie infiniment rapide
s

il vient immédiatement :

φ YF où ont été introduites les températures respectives TF et TO , a priori
α = ------------ et β = ------------ (21) différentes, des écoulements initiaux de combustible et d’oxydant. Il
φ+1 φ+1
en résulte donc l’expression de la température T en fonction du sca-
∞ ∞ laire passif ZF :
où φ = sY F ⁄ Y O est le rapport d’équivalence de la réaction chimi-
que. D’où :

YP φ YF — côté combustible (ZF > 0) :
Z P = Y F + ----------------
- = ------------ Z F + ------------ (22)
(1 + s) φ+1 φ+1
1 ∆H
0
∞  C p ( T F – T O ) TF – TO
T = ------------ ------------ Y F –  1 – φ -------------------------------
- Z F + T O + ------------------- (27)
φ + 1 Cp  Y ∆H
∞ 0
 φ+1
F
Côté combustible (ZF > 0), on a alors :
1+s ∞
Y P = ------------ [ Y F – Z F ] (23)
φ+1 — côté oxydant (ZF < 0) :

1 ∆H
0 Cp ( TF – TO ) ∞
Côté oxydant (ZF < 0), on a alors : - ( φZ F + Y F ) + T O
T = ------------ ------------ 1 + ------------------------------- (28)
φ + 1 Cp Y ∆H
∞ 0
F
1+s ∞ 1+s φ ∞
Y P = ------------ [ φZ F + Y F ] = ------------ ------------ [ sZ F + Y O ] (24)
φ+1 s 1+φ
La température maximale, Tmax , atteinte sur la flamme (ZF = 0)
max vaut donc :
La fraction massique maximale de produits, YP est donc obte-
nue sur la surface de flamme (ZF = 0) et vaut : 1 ∆H ∞
0 TF – TO
T max = ------------ ------------Y F + T O + ------------------- (29)
max 1+s ∞ 1+s φ ∞
φ + 1 Cp φ+1
YP = ------------ Y F = ------------ -------------- Y O (25)
φ+1 s 1+φ Ces résultats sont résumés dans le tableau 1 et la figure 9.
Le même raisonnement s’applique au scalaire passif La description de la structure d’une flamme de diffusion laminaire
ZT = YF + CpT/∆H 0 et permet de déterminer la température T : se réduit donc, dans le cadre d’une chimie infiniment rapide, à la
description du scalaire passif ZF . La connaissance de ZF permet
Cp T 1 Cp ∞ Cp TO alors la connaissance directe des fractions massiques YF , YO et YP
Z T = Y F + ----------- - ( T F – T O ) ( φZ F + Y F ) + --------------
- = ------------ 1 + ------------------- (26) ainsi que la température T. La fin du calcul ne nécessite donc plus
∆H
0 φ+1 ∞
Y F ∆H
0
∆H
0
que la résolution de l’équation (17).

Tableau 1 – Détermination de la température T et des fractions massiques de combustible YF , d’oxydant YO et de produits


de combustion YP à partir du scalaire passif ZF = YF – YO/s pour une chimie infiniment rapide

ZF YF YO YP T

1+s ∞ 1 ∆H
0
∞  C p ( T F – T O ) TF – TO
Combustible ZF > 0 ZF 0 ------------ [Y F – Z F ] ------------ ----------- Y F –  1 – φ -------------------------------
- Z F + T O + -------------------
φ+1 φ + 1 Cp  Y ∆H
∞ 0
 φ+1
F

1+s φ ∞ 1 ∆H
0 Cp ( TF – TO ) ∞
Oxydant ZF < 0 0 –sZF ------------ ------------ [Y O + sZ F ] - ( φZ F + Y F ) + T O
------------ ----------- 1 + -------------------------------
s φ+1 φ + 1 Cp Y ∆H
∞ 0
F

∞ ∞
φ= sY F ⁄ Y O est le rapport d’équivalence de la réaction chimique

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Remarque : dans le cas où les températures initiales des Y, Z F T


écoulements de combustible et d’oxydant sont identiques T
(TF = TO = Ti ), les grandeurs YP/(1 + s ) et Cp (T – Ti )/∆H 0 sont ZF
identiques. En effet, elles ont la même équation de transport et
les mêmes conditions aux limites, nulles en ZF = –Y ∞ O /s et
YF
∞ YO
ZF = Y F . Ce résultat est la conséquence de l’hypothèse d’un
milieu adiabatique et d’un nombre de Lewis unitaire (diffusivi-
tés moléculaire et thermique identiques). Il peut être démontré 0 Ti
soit directement à partir des équations de transport, soit à partir
des expressions établies ci-dessus, comme nous allons le faire
ici. En effet, lorsque TF = TO = Ti : Lf x
— côté combustible, les équations (23) et (27) permettent
a profils sur le plan de symétrie y = 0
d’écrire :
YP 1 ∞ Cp ( T – Ti )
- = -------------- [Y F – Z F ] = --------------------------
------------- - (30)
1+s 1+φ ∆H
0

— côté oxydant, les équations (24) et (28) conduisent à : Y, Z F T


T
YP 1 ∞ Cp ( T – Ti )
- = -------------- [ φZ F + Y F ] = --------------------------
------------- - (31)
1+s 1+φ ∆H
0 ZF
YF

YO
Ti
2.4 Dernière étape : résolution
0 Ti
de l’équation de ZF
Avec les hypothèses précédentes (§ 2.1), le problème de Burke y
et Schumann se réduit à la résolution de l’équation du scalaire b profils transversaux x = Cte
passif ZF :
∂Z F ∂ ∂Z F
ρu --------- = --------  ρD --------- (32) Figure 10 – Profils du scalaire passif ZF , des fractions massiques de
∂x ∂y ∂y combustible YF et d’oxydant YO et de température T dans la flamme
avec les conditions aux limites : de Burke et Schumann
∞ ∞
— en x = 0, ZF = Y F pour y < e0 (jet de combustible), ZF = – Y O /s
pour y > e0 (jet d’oxydant) ;
— en y = 0, ∂ZF / ∂y = 0 (condition de symétrie) ; (figure 10). Nous pouvons aussi déterminer la longueur Lf de la
∞ flamme par le point d’intersection de l’isovaleur ZF = 0 avec l’axe x
— en y = +∞, ZF = – Y O /s (jet d’oxydant). (Z (x = Lf , y = 0) = 0) :
Pour simplifier la résolution de l’équation (32), nous supposerons
que ρD est constant. L’équation de ZF devient alors : 2
e0 UF 2
L f = ------------- ( φ + 1 ) (37)
∂Z F ∂ ∂Z F π DF
--------- = α --------  --------- (33)
∂x ∂y  ∂y 
0
ρD D F D O et se réécrit, en introduisant le nombre de Reynolds Re = 2e0 U F /DF
avec : α = -------- = ------- = -------
- (34)
ρu UF UO du jet de combustible (remarquons que Re = 2e0 U F /ν puisque,
0

comme les nombres de Schmidt ont été supposés égaux à l’unité,


où DF et DO désignent respectivement les coefficients de diffusion
coefficient de diffusion DF et viscosité cinématique ν sont égales) :
des écoulements de combustible et d’oxydant.
e 0 Re 2
L f = -------------- ( φ + 1 ) (38)
L’équation (33) est en fait l’équation de la chaleur, en régime 2π
permanent, dont la solution est classique :
La longueur Lf de la flamme varie donc linéairement avec la

E
∞ +e 0 vitesse du combustible et avec le carré de la demi-taille du jet e0 et
ZF + Y O ⁄ s (y – y ′)
2
exp – ---------------------- dy ′
1
- = -------------------
--------------------------- (35) est inversement proportionnelle au coefficient de diffusion DF . Lf est
∞ ∞
π αx – e0  4 αx 
Y F +Y O ⁄ s 2 aussi proportionnel au nombre de Reynolds Re du jet de combusti-
ble, du moins tant que l’écoulement reste laminaire, c’est-à-dire que
Re reste inférieur à un nombre de Reynolds critique. L’expérience
qui, pour des valeurs de l’abscisse x grandes comparées à la montre que, lorsque l’écoulement devient turbulent, la longueur de
demi-taille e0 du jet de combustible, peut être approchée par : flamme ne dépend plus du nombre de Reynolds.

ZF + Y O ⁄ s e 2
- exp  – ------------
y
------------------------------
- ≈ ----------------
0
 
(36)

YF + Y O ⁄ s

π αx 4 αx Remarque : tout le calcul précédent a été conduit pour un jet
plan. La même analyse peut être faite avec un jet axisymétrique
Le problème est donc maintenant résolu et il est possible de (« jet rond »). L’équation (33), en coordonnées cylindriques,
tracer les profils radiaux et transversaux de ZF , YF , YO , YP et T s’intègre alors avec des fonctions de Bessel.

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3. Extension - utilisation Remarques


du scalaire passif Z 1. La définition du scalaire passif Z n’utilise pas l’existence
d’une flamme de diffusion. Elle reste donc valable en prémé-
lange où cette notion n’a toutefois aucun intérêt puisque Z est
alors constant dans tout le champ. Par ailleurs, Z peut être uti-
3.1 Définitions lisé pour décrire le mélange entre deux constituants inertes
(mélange pur) ou deux réactifs dans le cas de situations partiel-
En général, à la définition simple du scalaire passif de la relation lement prémélangées.
(15), on préfère : 2. La définition de Z repose ici sur une chimie simple à une
étape avec des coefficients de diffusion identiques pour les
deux espèces, combustible et oxydant, considérées. Cette
YF Y notion de scalaire passif est toutefois généralisable, sous certai-
1
Z = ------------ φ ------∞- – ------O
-+1 (39) nes conditions, à des situations plus complexes, par exemple en
φ+1 Y ∞
F YO utilisant la conservation des atomes.
3. Le rapport d’équivalence φ ne doit pas être confondu avec
la richesse introduite en prémélange, malgré l’ambiguïté du
où φ est le rapport d’équivalence de la réaction, défini par : terme anglais « equivalence ratio » utilisé pour désigner les
deux notions. φ ne dépend que de la nature des réactifs initiaux
et de leur éventuelle dilution (tableau 3) mais pas des condi-
∞ tions opératoires, notamment des débits relatifs des écoule-
sY F
φ = ----------

(40) ments. Ainsi, le rapport d’équivalence pour la combustion
YO d’hydrogène pur dans de l’oxygène pur est toujours φ = 8. Le
rapport d’équivalence correspond en fait à la richesse qu’aurait
un prémélange réalisé avec la même masse de combustible et
Il est facile de montrer que Z ainsi défini est également un scalaire d’oxydant. Cette notion n’est donc pas équivalente à celle
passif (il s’agit, en fait, d’un adimensionnement du scalaire passif d’excès d’air, utilisée par les industriels, qui compare le débit
défini par la relation (15) qui vérifie l’équation de convection-diffu- d’air injecté à celui nécessaire pour une combustion stœchio-
sion, sans terme source) : métrique.

∂ρZ
---------- + ∇· ( ρ u Z ) = ∇· ( ρD ∇Z ) (41)
∂t 3.2 Description de la flamme en terme
du scalaire passif Z
Le scalaire passif Z, appelé aussi fraction de mélange, a les pro-
priétés intéressantes suivantes : Nous avons vu précédemment que, dans le cas d’une cinétique
• Z = 1 dans l’écoulement de combustible pur ; chimique infiniment rapide, la flamme de diffusion pouvait être
décrite à l’aide du scalaire passif Z et qu’elle correspondait à l’iso-
• Z = 0 dans l’écoulement d’oxydant pur ; surface Z = Zst . Nous allons essayer de préciser ces notions. Pour
• dans l’hypothèse d’une chimie infiniment rapide, la flamme se cela, réécrivons l’équation de transport du combustible (1) dans un
situe sur l’isosurface Z = Zst telle que YF = YO = 0 : nouveau repère lié aux isosurfaces Z (direction normale à l’isosur-
face Z locale et deux directions orthogonales dans le plan tangent à
1 l’isosurface Z ). Les coordonnées (t, x1 , x2 , x3) sont alors rempla-
Z st = ------------ (42)
φ+1 cées par les coordonnées (t, Z, y1 , y2). Ces nouvelles coordonnées
sont connues sous le nom de variables de Crocco. L’équation (1)
qui correspond à la valeur de Z obtenue quand les réactifs F et O peut être entièrement réécrite dans le nouveau repère [5]. Pour allé-
sont en proportions stœchiométriques ; ger le calcul, nous supposerons que seuls les gradients perpendicu-
• en l’absence de réaction chimique, Z caractérise le mélange du laires aux isosurfaces Z = cste sont importants (on ne conservera
combustible et de l’oxydant justifiant ainsi son appellation de frac- donc que les gradients ∂/∂Z ). Le changement de variables s’écrit :
tion de mélange.
∂ ∂ ∂Z ∂
-------- = -------- + -------- ----------
Tous les calculs du § 2 peuvent être refaits avec ces nouvelles défi- ∂t ∂t ∂t ∂Z
nitions. À titre d’exemple, le tableau 2 explicite les relations liant les
fractions massiques YF , YO à la fraction de mélange Z. Il reprend, ∂
∇ = ∇ Z --------
avec la nouvelle définition de Z, les résultats du tableau 1. ∂Z

Tableau 2 – Détermination des fractions massiques de combustible YF , d’oxydant YO et de produits YP à partir du scalaire
passif Z pour une chimie infiniment rapide

Z YF YO YP


∞ Z(φ + 1) – 1 Y F [1 – Z]
Combustible Z > Zst Y F ------------------------------- 0 ( s + 1 ) -------------------------
φ φ
∞ ∞
Oxydant Z < Zst 0 Y O[1 – Z(φ + 1)] ( s + 1 ) ZY F
Z varie de 0 dans l’écoulement de comburant à 1 dans celui de combustible.
φ est le rapport d’équivalence de la réaction chimique et Zst = 1/(φ + 1) désigne la valeur stœchiométrique du scalaire passif Z.

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conduisent immédiatement à la solution (figure 11) :


Tableau 3 – Quelques valeurs du rapport d’équivalence f
∞ ∞
pour la combustion d’un combustible pur (Y ∞ F = 1) dans l’air
YF = Y F Z ; YO = Y O ( 1 – Z ) (48)

(Y O = 0,23) ou dans l’oxygène pur (Y ∞
O = 1,0) Le scalaire passif Z caractérise bien le mélange des deux réactifs.
En outre, ceux-ci sont en proportion stœchiométrique lorsque
φ Hydrogène Méthane Propane sYF = YO , ce qui correspond à Z = Zst . La richesse locale ϕ du
H2 CH4 C3 H8 mélange constitué est donnée par :
Air 34,8 17,4 15,8 ∞
sY sY F Z Z
ϕ = ---------F- = -------------------------
- = φ ----------------- (49)
Oxygène pur 8,0 4,0 3,6 YO ∞
Y O(1 – Z) ( 1 – Z)

et dépend donc du rapport d’équivalence φ et de la fraction de


L’équation (1) devient alors : mélange Z.

∂Y ∂Z ∂Y ∂Y
ρ ---------F- + ρ ------- ---------F- + ρ u·∇ Z ---------F-
∂t ∂t ∂Z ∂Z 3.2.2 Chimie infiniment rapide
2
∂Y F 2 ∂ YF Le taux de réaction est nul en dehors de l’isosurface Z = Zst . En
= ∇· ( ρD ∇ Z ) ---------- + ρD ( ∇ Z ) ------------- + ω˙ F (43)
∂Z ∂Z
2 régime permanent, l’équation (44) donne également une solution
linéaire en Z. Les conditions aux limites sont toutefois différentes
qui se simplifie, en utilisant l’équation de Z (équation (41)) et l’équa- des précédentes :
tion de continuité (équation (6)) pour devenir : ∞
— en Z = 0 : YO = Y O et YF = 0 ;
— en Z = Zst : YO = YF = 0 ;
2 ∞
∂Y F 2 ∂ YF
— en Z = 1 : YF = Y F et YO = 0.
ρ ---------- = ρD ( ∇ Z ) ------------- + ω˙ F (44)
∂t ∂Z
2 On retrouve alors la solution de Burke et Schumann (tableau 2),
représentée sur la figure 12.

où apparaît une quantité très importante dans l’étude des flammes


de diffusion : la dissipation scalaire χ : 3.2.3 Cas général
∂Z 2
= 2D  ----------- Dans le cas général, la solution de l’équation (44) dépend non
2
χ = 2 D ∇Z  ∂x i 
(45)
seulement de Z mais aussi de la dissipation scalaire χ et du temps t.
En pratique, on observe des écarts à la solution de Burke et Schu-
Nota : cette définition varie selon les auteurs. En effet, la masse volumique ρ peut y être mann, comme le montre la figure 13. Signalons aussi qu’une dissi-
incorporée (χ = 2ρD |∇Ζ |2), ou, au contraire, le coefficient 2 supprimé (χ = D |∇Ζ |2).
pation scalaire excessive χ peut conduire à l’extinction de la flamme
L’équation (44) se réécrit alors : (voir § 4.2.3).

2
∂Y χ ∂ YF ˙
ρ ---------F- = ρ --- ------------ + ωF (46)
∂t 2 ∂Z 2

Combustible YF / Y F
1
Dans le cadre de nos hypothèses (seuls les gradients perpendicu-
laires aux surfaces iso-Z sont importants), la fraction massique de
combustible YF (ainsi que les fractions massiques d’oxydant YO , de
produits YP et la température) peut être directement déterminée en Oxydant YO / Y O

fonction de Z à partir de l’équation (44). Si le champ de scalaire pas-
sif Z est connu, tous les autres champs peuvent alors être calculés. 0 0,5 1 Z
Dans le cas général, les fractions massiques de combustible, d’oxy-
dant et de température dépendent donc de Z, de χ, la dissipation Figure 11 – Fractions massiques réduites de combustible YF /Y F


scalaire de Z, et du temps t (équation (44)). Signalons toutefois deux et d’oxydant YO /Y O en fonction du scalaire passif Z dans le cas d’un
cas particuliers : celui du mélange pur et celui de la chimie infini- mélange inerte
ment rapide.

3.2.1 Mélange pur


1 T ∞ )
F
Il s’agit ici du mélange de deux constituants inertes F et O. En /Y
régime stationnaire, l’équation (44) se réduit immédiatement à : (Y F
(Y O

2
∂ YF
/Y

------------ = 0 (47)
∞ )
O

2
∂Z
0 Zst 1 Z
Les fractions massiques sont alors des fonctions linéaires de Z.
Les conditions aux limites : ∞
Figure 12 – Fractions massiques réduites de combustible YF /Y F
∞ ∞
— en Z = 0 : YO = Y O et YF = 0 ; et d’oxydant YO /Y O et température en fonction du scalaire passif Z
∞ dans le cas d’une cinétique chimique infiniment rapide (solution
— en Z = 1 : YF = Y F et YO = 0 de Burke et Schumann)

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Plus le mélange augmente (plus la dissipation scalaire χ aug-


mente), plus le taux de réaction augmente mais plus l’épaisseur ld
de la couche diffusive diminue. Au-delà d’une certaine dissipation

(Y O
1 ∞ )
F scalaire χext , le flux thermique qui quitte la zone de réaction,
/Y

/Y
(Y F d’autant plus important que l’épaisseur ld est faible, n’est plus

∞ )
T

O
compensé par le dégagement de chaleur et la flamme s’éteint
(voir § 4.2.3). Ce mécanisme est facile à observer : pour entretenir
un feu de bois, il est possible de souffler dessus, mais pas trop...

0 Zst 1 Z
3.3.3 Vers la modélisation de la combustion

Figure 13 – Fractions massiques réduites de combustibles YF / Y F turbulente

d’oxydant YO /Y O et température en fonction du scalaire passif Z.
Allure de la solution dans le cas général (écart à la solution de Burke La plupart des modèles développés pour décrire la combustion
et Schumann) turbulente non prémélangée sont basés sur la notion de
« flammelettes ». La flamme turbulente est analysée comme une
collection d’éléments de flamme laminaire, les « flammelettes »,
convectés et modifiés, en particulier étirés, par l’écoulement turbu-
lent. Cette vision conduit immédiatement à deux types de modèles
YF pour exprimer la vitesse de consommation moyenne de combusti-

Domaine de combustion ble, ω̇ F qui intervient dans les équations moyennées de la combus-
tion turbulente.
e ■ Si la réaction chimique est infiniment rapide, comparativement
e ini
Mél
ang inf aux temps caractéristiques du transport turbulent, et donc a fortiori
ie
im de la diffusion moléculaire, nous avons vu que la flamme corres-
Ch
pondait à l’interface Z = Zst . Si Σ désigne la densité de surface de
Zst Z cette isosurface Z = Zst (soit la quantité de surface disponible par

unité de volume), la vitesse de réaction ω̇ F peut s’écrire :
Figure 14 – Domaine d’évolution de la fraction massique

de combustible YF en fonction de la fraction de mélange Z ω̇ F = V F Σ (52)
où VF désigne la vitesse de réaction du combustible F par unité de
surface de flamme. Cette formulation a l’avantage de découpler
l’aspect purement chimique de la réaction, incorporé dans VF , de la
3.3 Remarques description du plissement du front de flamme par la turbulence
décrit par Σ. Il reste alors à déterminer VF et Σ. Si la densité de sur-
face de flamme Σ est généralement décrite par une expression algé-
3.3.1 Domaine de combustion brique ou une équation de transport, cette description dépasse
Les deux cas limites mélange pur (rien ne brûle, § 3.2.1) et chimie largement le cadre de notre étude. En revanche, l’expression du
infiniment rapide (tout ce qui peut brûler brûle, § 3.2.2) sont très taux de réaction par unité de surface VF provient, par hypothèse, de
intéressants car ils déterminent, relativement à la fraction de l’analyse des flammes laminaires de diffusion. En général, il est
mélange Z, le domaine dans lequel peuvent évoluer les fractions déduit de l’étude des flammes laminaires étirées (voir § 4).
massiques. La figure 14 présente le domaine d’évolution de la frac- ■ Puisque la fraction massique de combustible d’une flamme lami-
tion massique YF . Les courbes YF(Z ) qui décrivent la combustion naire ne dépend, en régime stationnaire, que de la fraction de
sont situées dans ce domaine et sont souvent appelées trajectoires mélange Z et de sa dissipation scalaire χ (équation (44)), la fraction
dans l’espace des phases. Leur détermination permet de décrire la massique moyenne du combustible F peut simplement s’écrire par
flamme et est à la base de modèles pour la combustion turbulente une analyse statistique :
non prémélangée.

ρỸ F = ρY F = E E ρY
Z χ F ( Z , χ )P ( Z , χ ) dχdZ (53)
3.3.2 Vitesse de réaction - extinction
où Q désigne la moyenne de la quantité Q, Q˜ , la moyenne de Favre
La relation (44) a une autre conséquence importante. En effet, (pondérée par la masse) de cette quantité et P (Z, χ ) la fonction
lorsqu’une situation stationnaire est atteinte, la vitesse de réaction densité de probabilité jointe de la fraction de mélange Z et de sa
apparaît être le produit de deux contributions, l’une correspondant dissipation scalaire χ. Si YF(Z, χ ) est directement solution de
au mélange (dissipation scalaire de Z ), l’autre dépendant de la l’équation (44), la description de la combustion turbulente réclame
structure de la flamme : la connaissance de la fonction densité de probabilité P (Z, χ ). Sans
entrer dans des détails qui dépassent le cadre de cette étude, signa-
2 2
∂ YF 2 χ ∂ YF lons que cette fonction densité de probabilité peut être soit présu-
ω̇ F = – ρD ( ∇Z ) ------------
2
= ρ --- ------------
2
(50) mée (c’est-à-dire avoir une forme fixée a priori qui peut dépendre de
∂Z 2 ∂Z




mélange grandeurs solutions des équations résolues), soit être solution




chimie d’une équation de transport.


Plus le mélange est important, plus la vitesse de réaction est donc
importante. Néanmoins, ce phénomène a une limite. L’épaisseur ld
de la zone de diffusion peut être estimée à partir du gradient de la 3.3.4 Généralisation de l’équation (44)
variable de mélange Z : Lors de l’établissement de l’équation de transport de la
fraction massique YF dans l’espace de la fraction de mélange Z
1 2D
ld ≈ -----------
∇Z
≈ -------- (51) (équation (44)), nous nous sommes volontairement restreints aux
χ gradients perpendiculaires aux surfaces iso-Z. Il est toutefois possi-

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ble d’écrire une équation plus générale [5], en se plaçant dans le


repère où Z est l’une des coordonnées, les deux autres, x et y, mesu- Combustible
rant les distances le long de surfaces où Z est constant. Soient u et v
les vitesses dans les directions x et y, relatives à ce nouveau repère. Point de
y stagnation
On peut montrer que l’équation de transport de la fraction massique
de combustible YF (équation (1)) devient, dans ce repère :
2
∂Y F 2 ∂ YF
ρ ---------- + ρ v ⊥ ·∇ ⊥ Y F = ρD ∇Z ------------ + ω̇ F + ∇ ⊥ · ( ρD ∇ ⊥ Y F ) x
∂t ∂Z
2
Flamme
– ρ D ∇ ⊥ ( ln ∇Z )·∇ ⊥ Y F (54)

où v ⊥ est le vecteur bidimensionnel de composantes (u, v ) dans le


plan (x, y ) et ∇ ⊥ l’opérateur gradient bidimensionnel dans ce même
plan (x, y ). Le premier terme du membre de gauche et les deux pre- Oxydant
miers termes du membre de droite constituent l’équation (44). Les
autres termes concernent des gradients le long des surfaces iso-Z Figure 15 – Flamme plane de diffusion laminaire étirée
que nous avions négligés précédemment. à contre-courant

Si l’équation (54) est, a priori, plus satisfaisante pour l’esprit


puisqu’elle n’introduit pas d’autres hypothèses que l’existence d’un
scalaire passif Z, elle n’est néanmoins pas utilisée en pratique. En l’avantage de découpler le champ de vitesse de celui des consti-
effet, toutes les études de flamme laminaire de diffusion se conten- tuants chimiques (fractions massiques, vitesse de réaction) puisque,
tent de l’équation (44) et se restreignent le plus souvent au régime faute de dilatation thermique, il n’y a pas rétroaction de la combus-
stationnaire (∂ /∂t = 0). tion sur la structure de l’écoulement.
Nota : cette hypothèse est clairement fausse pour la plupart des flammes d’intérêt pra-
tique, mais elle permet d’obtenir des solutions analytiques simples et mettre en évidence
un certain nombre de phénomènes. Il est possible de reprendre cette analyse avec une
masse volumique ρ variable et d’obtenir des expressions similaires, en incorporant les
4. Flammes de diffusion variations de masse volumique dans les coordonnées spatiales (transformation de
Howarth-Dorodnitzyn). La variable y, coordonnée normale à la flamme, est alors remplacée

laminaires étirées par :

E
y
1
y ′ = ---- ρdξ
ρ0 0

4.1 Introduction où ρ0 est une masse volumique de référence. Moyennant cette transformation, les équa-
tions deviennent formellement identiques à celles obtenues pour une masse volumique
constante.
Les flammes laminaires étirées, tant de prémélange que de diffu-
sion, ont fait et font toujours l’objet de nombreuses études aussi Soit y l’axe vertical qui correspond à l’axe des deux jets et x la
bien théoriques qu’expérimentales. La configuration la plus simple direction transversale (figure 15). L’origine des axes est choisie au
pour une flamme de diffusion est celle de la flamme à contre- point de stagnation (u = 0). Le problème est supposé ici bidimen-
courant (figure 15). Un jet de combustible et un jet de comburant de sionnel plan et stationnaire. L’équation de continuité (ou de conser-
directions opposées forment un écoulement avec un point de vation de la masse) s’écrit :
stagnation (x = y = 0). Le front de flamme est alors étiré dans son ∂u ∂v
propre plan, voisin du plan y = 0. L’intérêt de ces flammes étirées est -------- + -------- = 0 (55)
∂x ∂y
double.
où u et v désignent respectivement les composantes du vecteur
■ Il s’agit d’une des configurations les plus simples. En première
vitesse u dans les directions x et y. Soit εs l’étirement, supposé
approximation, ces flammes peuvent être supposées monodimen-
constant :
sionnelles et ne dépendent que d’une seule coordonnée spatiale.
∂u ∂v
Elles ont aussi l’avantage d’être stationnaires, ce qui facilite consi- -------- = ε s ; -------- = – ε s (56)
dérablement toute étude expérimentale. Ainsi, elles se prêtent par- ∂x ∂y
ticulièrement bien aux confrontations théories/expériences et Le champ de vitesse u s’écrit donc, puisque u = v = 0 en x = y = 0 :
permettent l’analyse aisée de nombreux phénomènes dont, notam-
ment, l’influence de schémas cinétiques chimiques détaillés. u = εs x ; v = – εs y (57)
■ Elles constituent l’ingrédient de base de nombre de modèles pro- L’équation de transport du scalaire passif, ou fraction de mélange,
posés pour décrire la combustion turbulente. En effet, sous l’hypo- Z s’écrit :
thèse dite de « flammelettes », nous avons vu (§ 3.3.3) que les
flammes turbulentes peuvent être analysées comme constituées ∂Z ∂Z ∂Z 1
------- + u -------- + v -------- = ----∇· [ ρD∇Z ] (58)
d’éléments de flamme laminaire étirée. Ainsi, le taux de réaction de ∂t ∂x ∂y ρ
combustible VF par unité de surface de flamme est, le plus souvent,
exprimé comme celui d’une flamme laminaire étirée. En supposant que le problème est stationnaire et monodimen-
sionnel (Z ne dépend que de la coordonnée y ) et en ajoutant, pour
simplifier, l’hypothèse d’un coefficient de diffusion D constant,
l’équation (58) se réduit à :
4.2 Flamme de diffusion étirée
stationnaire à contre-courant ∂Z ∂ Z
2
– ε s y -------- = D ---------2 (59)
∂y ∂y
4.2.1 Solution analytique avec les conditions aux limites :
Pour simplifier l’analyse, nous supposerons la masse volumique • Z (+ ∞) = 1 (jet de combustible)
ρ constante. Cette hypothèse forte, dite thermodiffusive, offre • Z (– ∞) = 0 (jet d’oxydant)

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La solution de l’équation (59) est immédiate :



YO / Y O
1,0
Z
εs  0,8
Z = --- erf  --------
1
-y + 1 (60)
2 2D  0,6 ∞
YF / Y F
0,4
où erf est la fonction d’erreur exponentielle, définie par : ∞
0,2 2YP / Y F (s + 1)

Ee
x
2 –η
2 0,0
erf ( x ) = -------- dη (61)
π 0 –4 –2 0 2 4
!ε s / 2D y
Puisque la flamme se situe à l’interface Z = Zst (voir relation (42)),
sa position yf est obtenue à partir de l’équation (60) : Cas particulier f = 1 (flamme dans le plan y = 0).

–1 1 – φ
--------- erf  ------------ =
2D 2D Figure 16 – Profils de la fraction de mélange Z et des fractions
yf =  1 + φ
-------- w (62)
εs εs massiques réduites de combustible YF / Y ∞ ∞
F , d’oxydant YO / Y O

et de produits 2YP / Y F (s + 1) dans une flamme plane de diffusion
en introduisant : laminaire à contre-courant (étirement constant εs) tracés
en fonction de la coordonnée spatiale adimensionnée εs ⁄ 2 D y
–1 1 – φ
w = erf  ------------ (63)
1+φ

Cette relation permet de préciser la position de la flamme relative- La vitesse de réaction correspond, en chimie infiniment rapide, à
ment au plan y = 0 qui contient le point d’arrêt (x = y = 0) de l’apport des réactifs par diffusion moléculaire à la flamme. La
l’écoulement : vitesse de consommation massique de combustible par unité de
— si φ = 1 (réactifs en proportion stœchiométrique), la flamme surface de flamme, VF est donc donnée par :
correspond au plan d’arrêt y = 0 ;
— si φ > 1 (combustible en excès), la flamme se situe du côté de VF = – ρD ∂Y ∂Y O
1
---------F- = + ---- ρD ----------
- (70)
l’oxydant (yf < 0) ; ∂y y = yf
s ∂y y = yf
— si φ < 1 (oxydant en excès), la flamme est du côté du combus-
tible (yf > 0). ce qui conduit à :
La flamme se situe donc du côté du réactif en défaut. Compte tenu
des valeurs pratiques du rapport d’équivalence φ (voir tableau 3), la
∞ 1 + φ Dε
2
flamme est généralement du côté de l’écoulement d’oxydant, au –w
V F = – ρY F ------------ ---------s e (71)
moins pour les combustibles non dilués. Par ailleurs, la flamme se φ 2π
rapproche du point d’arrêt lorsque le taux d’étirement εs augmente.
Dans le cas d’une chimie infiniment rapide, les profils des où w est défini par la relation (63).
fractions massiques de combustible YF , de comburant, YO et de
produits YP se déduisent immédiatement du tableau 2 et de la En raison de nos conventions de signe (équation (1)), VF est
solution (60) : logiquement négatif puisqu’il correspond à une consommation de
réactifs.
— pour y > yf (côté combustible) :
La vitesse de consommation massique d’oxydant, VO est donnée
εs  εs  par :
erf  -------- - y – erf  -------- -y
∞  2D   2 D f
V O = ρ D ∂Y
Y F = Y F ------------------------------------------------------------------------ (64) ∞ Dε –w 2
εs 
O
----------
- = – ρY O ( 1 + φ ) ---------s e (72)
1 – erf  -------- -y ∂y y = yf

 2 D f
qui vérifie bien la relation stœchiométrique attendue (équation (4))
YO = 0 (65)

YO
εs  V O = φ -------∞- V F = sV F (73)
1 – erf  --------
∞s + 1
YP = Y F ------------  2D 
-y (66) YF

— pour y < yf (côté oxydant) :


YF = 0 (67) 4.2.2 Relation entre taux d’étirement εs
et dissipation scalaire x
εs  εs 
erf  -------- - y – erf  -------- -y Au paragraphe précédent, la structure de la flamme étirée a été
∞  2 D f  2D  décrite en terme de taux d’étirement εs (relations (60) à (73)); Pour-
YO = Y O ------------------------------------------------------------------------ (68)
εs  tant, d’après l’équation (44), cette structure est fonction de la dissi-
1 + erf  -------- -y pation scalaire χ. Il est donc intéressant de préciser la relation entre
 2 D f
ces deux notions. Pour une flamme laminaire étirée à contre-
courant, le scalaire passif Z ne dépend que des gradients le long de
εs 
Y P = Y F ------------ 1 + erf  --------
∞s + 1 la direction y :
-y (69)
2 2D 
∂Z 2
χ = 2D  -------- (74)
Tous ces profils sont représentés sur la figure 16. ∂y

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d’où, d’après l’équation (60) :

ε εs 2 ωF
χ = ----s- exp – ----- y  (75)
π D
B
La dissipation scalaire χf au front de flamme (y = yf ) vaut donc,
d’après l’équation (62) : Extinction
Allumage
C
ε 2 A D
χ f = ----s- exp ( – 2 w ) (76)
π εs
all
εs
ext

χ fall χ fext
Le taux de réaction VF du combustible F et VO de l’oxydant O
s’exprime alors directement en fonction de χf : La solution correspondant à une cinétique chimique infiniment rapide
est tracée en tireté. La branche BC de la courbe en S est instable et les
valeurs ε sext, χ fext , ε sall et χ fall correspondent respectivement aux valeurs
∞ 1 + φ Dχ
V F = – ρY F ------------ ----------f- (77) critiques d'extinction et d'allumage de l'étirement et de la dissipation
φ 2 scalaire. Un phénomène d'hystérésis apparaît : si la flamme s'éteint
pour un étirement ε s supérieur à ε sext, le réallumage n'est possible qu'en
Dχ deçà de la valeur ε sall de l'étirement.

V O = – ρY O ( 1 + φ ) ----------f- (78)
2
Figure 17 – Valeur absolue du taux de réaction d’une flamme
Ces relations sont très importantes et montrent que les notions laminaire étirée à contre-courant en fonction de l’étirement es
d’étirement et de dissipation scalaire sont intimement liées. Dans le ou de la dissipation scalaire au front de flamme x f
cas d’une flamme laminaire étirée stationnaire à contre-courant,
étudié ici, la dissipation scalaire au front de flamme, χf , est directe-
ment proportionnelle à l’étirement εs (relation (76)). Remarquons
toutefois que dans cette situation, l’étirement εs est constant dans
tout le champ, tandis que la dissipation scalaire dépend de la coor- chimique n’est plus assez rapide pour brûler les réactifs disponibles
donnée spatiale y (équation (75)). et le refroidissement de la zone de réaction, dû à la vitesse crois-
sante de l’écoulement conduit à l’extinction.
La structure locale d’une flamme de diffusion peut donc être
déterminée soit en terme de taux d’étirement εs , soit en terme de On observe alors que la vitesse de réaction du combustible suit,
dissipation scalaire au front de flamme χf . Ainsi, il est possible de en fonction du taux d’étirement εs ou de la dissipation scalaire χf ,
remplacer la dissipation scalaire χ par le taux d’étirement εs dans une « courbe en S » caractéristique, présentée sur la figure 17. Au-
ext ext
l’expression (53) et exprimer YF en fonction de Z et de εs . La princi- delà des valeurs ε s ou χ f (point B), la flamme s’éteint. En revan-
pale différence entre εs et χ réside dans le fait que l’étirement ne che, partant de valeurs supérieures aux conditions d’extinction pour
dépend que de l’écoulement puisqu’il n’est fonction que des gra- la dissipation scalaire ou l’étirement (flamme éteinte), il faut revenir
all all
dients de vitesse, tandis que la dissipation scalaire incorpore des en deçà des valeurs ε s ou χ f (point C) pour pouvoir rallumer la
notions relatives aux réactifs chimiques (intervention du rapport flamme. La branche BC de la courbe est instable. Les valeurs typi-
ext
d’équivalence φ, via w, dans l’expression (76)). Moins intuitive que la ques des taux d’étirements d’extinction ε s sont, pour les combus-
notion d’étirement, la dissipation scalaire est finalement plus riche. tibles les plus courants (hydrogène, méthane, propane, ...) dans les
En effet, si l’on cherche, par exemple à déterminer la structure d’une conditions normales, de l’ordre de quelques dizaines à quelques
flamme étirée à contre-courant non infiniment mince (chimie à centaines de s –1. Bien évidemment, plus la cinétique chimique est
vitesse finie), la résolution des équations du § 4.2.1 impose de se lente, plus les valeurs des taux d’étirement et de dissipation scalaire
fixer les valeurs du scalaire passif Z (le plus souvent Z = 0 ou Z = 1) d’extinction sont basses.
à une certaine distance ylim (éventuellement infinie) de la flamme,
pour accéder à la solution YF (Z, εs ). En revanche, les conditions aux
limites de l’équation (44), pour déterminer YF (Z, χ ), sont, par défini-
∞ 4.3 Flamme de diffusion étirée
tion même du scalaire passif Z, toujours YF = 0 pour Z = 0 et YF = Y F
pour Z = 1. La résolution dans l’espace des phases (coordonnée Z ) instationnaire
sera donc plus adaptée à la prise en compte d’effets de dilution par
les gaz brûlés ou de prémélange partiel, susceptibles de modifier
sensiblement les conditions aux limites de Z dans l’espace physique Au paragraphe précédent (§ 4.2), nous avons décrit la structure
(coordonnée y ). d’une flamme étirée à contre-courant stationnaire. L’objectif est
maintenant d’analyser la réponse instationnaire d’une telle flamme
à une perturbation de l’écoulement. Considérons une flamme sta-
tionnaire soumise à un taux d’étirement constant ε 0s . À l’instant
4.2.3 Influence du taux d’étirement sur la vitesse t = 0, l’étirement passe brutalement à la valeur εs , comme le montre
de réaction la figure 18. Pour simplifier, nous supposerons le nouveau champ
de vitesse stationnaire dès l’instant t = 0.
La vitesse de réaction VF croît avec la racine carrée du taux d’éti-
rement εs (équation (71)) ou de la dissipation scalaire χf au front de L’équation (58) devient ici :
flamme (équation (77)). En fait, plus le taux d’étirement augmente,
2
plus l’apport des réactifs à la zone de flamme est important et donc ∂Z ∂Z ∂ Z
------- – ε s y -------- = D ---------2 (79)
plus la réaction est intense puisque, dans la limite d’une chimie infi- ∂t ∂y ∂y
niment rapide, tout le combustible au contact de l’oxydant brûle
immédiatement. En pratique, la réaction chimique a une vitesse
ext avec toujours les conditions aux limites :
limite et il existe alors une valeur critique du taux d’étirement, ε s
ext
(ou de la dissipation scalaire, χ f ), au-delà de laquelle la flamme • Z (+ ∞) = 1 (jet de combustible)
s’éteint. En fait, si l’apport des réactifs augmente avec εs , la réaction • Z (– ∞) = 0 (jet d’oxydant)

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d’étirement ne soient pas appliqués trop longtemps (temps infé-


eq
εs / εs rieurs à 1/εs ) ;
— le temps de réponse de la flamme induit un effet de filtre
1,0 passe-bas. En effet, la flamme sera incapable de réagir à des pertur-
0,8 bations du taux d’étirement à des fréquences trop élevées (typique-
ment du même ordre de grandeur que le taux d’étirement εs , soit
0,6
environ 1 000 Hz en pratique) ;
eq
0,4 — l’introduction d’un taux d’étirement équivalent ε s est très
0,2 intéressante pour la description des flammes turbulentes non pré-
mélangées. En effet, nous avons vu que ces dernières pouvaient
εst être analysées comme collection d’éléments de flammes laminaires
0 1 2 3 4 5 (voir § 3.3.3). Dès lors, les effets instationnaires pourront être pris en
eq
compte via ε s qui permet d’utiliser la structure d’une flamme lami-
À l'instant t = 0 l'étirement subi par la flamme (courbe en tireté) passe naire étirée stationnaire équivalente, pour déterminer, en particu-
brutalement de la valeur ε s à la valeur ε s tandis que la réponse de la
0
lier, la vitesse de réaction.
flamme (courbe en continu) est représentée en terme d'étirement
équivalent.

Figure 18 – Réponse d’une flamme de diffusion laminaire étirée


à contre-courant à une perturbation instantanée de l’étirement
5. Stabilisation des flammes
de diffusion
Puisque la solution stationnaire (pour t < 0 ou t → + ∞) de cette
équation est connue [équation (60)], cherchons les solutions insta-
Jusqu’à présent, nous avons essentiellement analysé la structure
tionnaires sous la forme :
de flammes laminaires de diffusion établies, sans se préoccuper de
leur initiation ou des mécanismes de stabilisation qui leur permet-
εs
Z = --- erf  --------
- f ( t ) y + 1
1 tent de subsister. En pratique, l’initiation des flammes fait appel à un
(80)
2 2D  apport d’énergie extérieur qui provient, par exemple, d’une petite
flamme annexe (allumette) ou de l’étincelle issue d’une bougie
où f (t ) est une fonction du temps t dont les conditions aux limites
d’allumage. Mais cet apport n’intervient en général que pendant un
sont, d’après l’équation (60) :
temps limité. Ensuite, la flamme doit rester stable sans source exté-
0
• pour t < 0, f (t ) = ε s ⁄ ε s , rieure d’énergie, sous peine de s’éteindre. L’analyse des mécanis-
• pour t → + ∞, f (t ) = 1. mes de stabilisation d’une flamme est donc très importante en
pratique : une flamme qui s’éteint intempestivement non seulement
Reporter la solution (80) dans l’équation (79) conduit à l’équation ne remplit plus sa mission (que penser d’un réacteur d’aviation qui
pour f : s’éteindrait en vol ?) mais peut conduire à de graves problèmes ulté-
∂f 3 rieurs (explosion) si les écoulements de réactifs ne sont pas stop-
------ – ε s f + ε s f = 0 (81) pés... Les principaux mécanismes de stabilisation des flammes de
∂t
diffusion vont maintenant être brièvement décrits. Ils sont évoqués
qui s’intègre, après multiplication de chaque terme par f en : à la fois pour décrire la stabilisation des flammes laminaires et des
flammes turbulentes. Il est vrai que la stabilisation des flammes tur-
0 2ε t bulentes est le plus souvent analysée comme se produisant dans
εs e s
f (t) = ------------------------------------------
- (82) des zones où les caractéristiques de l’écoulement sont laminaires...
0 2ε t
εs + εs ( e s – 1 )

La flamme réagit donc avec un temps de réponse de l’ordre de


1/εs . Ce temps n’est pas négligeable puisque, pour des étirements 5.1 Auto-inflammation
caractéristiques de 100 à 1 000 s–1, il s’échelonne de 1 à 10 ms, ce
qui correspond à des déplacements de l’ordre de 1 à 10 cm dans Ce mécanisme, illustré sur la figure 19 est le plus simple : les
un écoulement à 10 m/s. Sur une telle distance, l’étirement induit réactifs mis en contact s’auto-inflamment spontanément. Ce méca-
par l’écoulement a pu être considérablement modifié... nisme remplit à la fois les rôles d’allumage (pas d’apport d’énergie
eq extérieur pour initier la réaction) et de stabilisation. La flamme ne se
Il est possible de définir un « taux d’étirement équivalent » ε s
comme le taux d’étirement de la flamme stationnaire qui aurait la développe en général qu’à partir d’une distance di , distance d’auto-
même structure et la même vitesse de réaction. D’après les relations inflammation. Un prémélange se forme d’abord en aval des lèvres
(80) et (82), ce taux d’étirement équivalent s’exprime par : du brûleur puis s’enflamme spontanément ensuite. En pratique, ce
mécanisme d’auto-inflammation se rencontre dans deux situations :
0 2ε t
eq εs e s — le couple de réactifs réagit spontanément dans les conditions
εs = ε s ------------------------------------------
- (83) d’injection. Ce n’est pas le cas des combustibles usuels pour les
0 2ε t
εs + εs ( e s – 1 ) conditions atmosphériques. Par ailleurs, la réaction hydrogène/
fluor, utilisée pour réaliser des lasers chimiques, est spontanée dans
Ce qui permet de tracer la réponse de la flamme en terme d’étire- les conditions ambiantes ;
eq 0 — au moins un des écoulements est préchauffé jusqu’à une tem-
ment équivalent ε s ⁄ ε s sur la figure 18 pour le cas εs / ε s = 10.
pérature suffisante pour provoquer l’auto-inflammation. Cette situa-
L’existence de ce temps de réponse d’une flamme de diffusion tion se rencontre dans les « superstatoréacteurs » (statoréacteurs
laminaire à une perturbation du taux d’étirement (ou de dissipation en écoulement supersonique) où l’écoulement d’air est naturelle-
scalaire) a plusieurs conséquences pratiques : ment préchauffé par compression jusqu’à des températures de
— une flamme laminaire étirée pourra supporter sans s’éteindre l’ordre de 1 000 K.
des taux d’étirement largement supérieurs au taux d’étirement La connaissance, et la maîtrise, de la distance d’allumage di est
ext
d’extinction ε s introduit au paragraphe 4.2.3, pourvu que ces taux primordiale pour la conception de ces foyers.

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Combustible Combustible
Flamme Flamme

Oxydant di Autoallumage Oxydant

Figure 20 – Stabilisation d’une flamme de diffusion par la lèvre


Figure 19 – Stabilisation d’une flamme de diffusion du brûleur si celle-ci reste suffisamment chaude
par auto-inflammation

5.2 Stabilisation sur les lèvres du brûleur Zone de prémélange


hétérogène
Si les échanges thermiques avec la flamme permettent à la lèvre Flamme prémélangée
du brûleur de rester suffisamment chaude, la flamme peut s’accro- riche
cher à celle-ci, comme le montre la figure 20. Cette situation se ren- Combustible
contre, par exemple, dans le cas d’une flamme de bec Bunsen
(virole fermée) mais est plutôt « fragile » : une légère augmentation Oxydant
de la vitesse du jet de combustible peut conduire à l’extinction par Flamme de diffusion
diminution de la température de la lèvre du brûleur.

Flamme prémélangée
5.3 Stabilisation par flamme triple pauvre

Si la flamme n’est pas accrochée à la lèvre du brûleur, une zone de Figure 21 – Stabilisation par « flamme triple » d’une flamme
prémélange se forme en aval du brûleur. La composition de ce pré- de diffusion décrochée des lèvres du brûleur
mélange n’est, bien évidemment, pas uniforme mais il existe des
zones où sa richesse est voisine de l’unité. Ce prémélange peut être
enflammé par apport extérieur d’énergie (étincelle, allumette, ...).
Une flamme de prémélange se développe alors et se propage vers 5.4 Stabilisation par zone de recirculation
l’amont du brûleur avec une vitesse SL . Elle se stabilisera en un
point de l’écoulement où la vitesse des gaz est voisine de SL (en fait, Nous avons vu aux deux paragraphes précédents (§ 5.2 et 5.3)
une analyse plus poussée montre que la flamme modifie l’écoule- que la stabilisation d’une flamme sur les lèvres d’un brûleur mainte-
ment en amont et peut soutenir des vitesses d’écoulements de nues suffisamment chaudes ou par une flamme triple en aval de
l’ordre de SL ( T b ⁄ T u ) où Tu et Tb désignent respectivement la tem- celle-ci est relativement fragile. En effet, une perturbation minime
pérature des gaz frais et des gaz brûlés). On observe alors une des conditions opératoires peut conduire à une extinction non
flamme qui a l’allure présentée sur la figure 21 et connue sous le contrôlée de la flamme qui doit être évitée, ne serait ce que pour des
nom de flamme triple. Elle est constituée de trois parties. La flamme raisons évidentes de sécurité. C’est pourquoi, la plupart des disposi-
prémélangée a deux branches : une branche riche en combustible tifs pratiques ont recours à une stabilisation par zone de recircula-
(du côté de l’écoulement de combustible) qui laisse du combustible tion (ou en aval d’un « bluff-body », pour reprendre le terme
imbrûlé en aval et une branche pauvre (côté oxydant) qui laisse en anglais), illustrée sur la figure 22. L’idée est d’opposer à l’écoule-
aval des gaz chauds encore oxydants. En aval de cette double ment un obstacle suffisamment grand, qui peut d’ailleurs être les
flamme de prémélange se développe la flamme de diffusion pro- lèvres du brûleur elles-mêmes, pour permettre le développement de
prement dite. Ce mécanisme de stabilisation par flamme triple est zones de recirculation. Ces zones de recirculation, utilisées égale-
également invoqué, à l’échelle microscopique, pour décrire la stabi- ment pour la stabilisation des flammes prémélangées, offrent deux
lisation d’une flamme sur les lèvres du brûleur (§ 5.2). avantages évidents :
Ces flammes sont également observées lors de la combustion de — elles créent et maintiennent dans l’écoulement des points de
milieux réactifs non parfaitement prémélangés où coexistent des vitesses suffisamment faibles pour permettre un accrochage de
zones riches (combustible en excès) et pauvres (combustible en type « flamme triple » de la flamme (§ 5.3) ;
défaut). Historiquement, ces flammes triples ont d’ailleurs été mises — elles sont susceptibles de constituer un réservoir de gaz
en évidence pour la première fois (Phillips, 1965) lors de l’étude des chauds (recirculation des gaz issus de la combustion) à température
« coups de grisou » dans les mines où une stratification est obser- suffisante pour enflammer les réactifs.
vée entre l’air ambiant et le méthane plus léger donc plus proche du Si la structure interne de ces zones de recirculation n’est pas tou-
plafond. jours bien comprise ni parfaitement décrite par les modèles, ce pro-
D’un point de vue pratique, ces flammes détachées des lèvres du cessus de stabilisation est à la fois simple à fabriquer et
brûleur, sont relativement fragiles. Elles ne peuvent en particulier particulièrement efficace. C’est pourquoi il est utilisé dans la quasi-
supporter que des vitesses d’écoulement faibles, de l’ordre de la totalité des applications pratiques.
vitesse de flamme laminaire prémélangée SL (typiquement de quel-
ques dizaines de cm/s selon le combustible). Une perturbation des
conditions opératoires peut conduire à les souffler. 5.5 Flamme pilote
À titre anecdotique, signalons que l’extinction d’une flamme stabili-
sée dans le jet d’une bouteille de gaz, exercice classique des pompiers, Il s’agit cette fois de « forcer » l’inflammation des réactifs par l’uti-
se fait simplement en interposant un obstacle entre la sortie de la bou- lisation d’une petite flamme annexe, généralement située au voisi-
teille et le point de stabilisation de la flamme triple. nage des lèvres du brûleur (voir figure 23). Cette petite flamme est

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le plus souvent prémélangée. Cette configuration est parfois utilisée


pour la stabilisation de flamme de grandes dimensions ou fonction-
nant dans des conditions opératoires proches des limites d’extinc-
Oxydant tion.
Flamme de diffusion Remarquons que les veilleuses de chauffe-eau ou de chaudières
a
jouent, dans une certaine mesure, le rôle de flamme pilote, au moins
pour provoquer l’allumage des flammes principales.
Combustible

Oxydant
Combustible
Combustible Flamme de diffusion
Flamme de diffusion
Alimentation annexe
b
Oxydant Flamme-pilote

L'obstacle qui génère la zone de recirculation peut séparer les deux Cette flamme-pilote, alimentée par un dispositif annexe, est le plus
écoulements combustible et oxydant a ou se trouver à la périphérie b . souvent prémélangée.

Figure 22 – Flamme de diffusion stabilisée en aval d’une zone Figure 23 – Stabilisation d’une flamme de diffusion par flamme
de recirculation pilote

Références bibliographiques

Les références présentées ici se limitent [2] KUO (K.K.). – Principles of Combustion. [4] VERVISCH (L.) et POINSOT (T.). – Direct nume-
volontairement à quelques livres de base Wiley-Interscience 1986. rical simulation of non-premixed turbulent
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BE 8 320 − 18 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie énergétique

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