RETROUVEZ Les Tunisiens

VOTRE CAHIER veulent chasser

SPORTS
Pp 19, 20 et 23 Ben Ali Pp 10-11

El Watan

ILLUSTRATION : SAÂD
N°94 - Prix : 10 DA - France : 1 € weekend@elwatan.com www.elwatan.com
Week-end Vendredi 14 janvier 2011

QUI
APRÈS LES ÉMEUTES

BARONS DE L'INFORMEL : 1 PHOTO :SAMI K.

SOCIÉTÉ CIVILE : 0 VEUT LA PEAU

PHOTO : H. LYÈS

Pages 6, 7 et 9
DE REBRAB ?
P2
PUBLICITÉ
 2 7 JOURS El Watan Week-end - Vendredi 14 janvier 2011 El Watan Week-end - Vendredi 14 janvier 2011 7 JOURS 3

Otage : manif’ géante

à M’chedallah
Jeudi 13 janvier. Il est 10h. Des
marées humaines déferlaient
sur la localité Ath Vouaklan,
commune de M’chedallah,
une cinquantaine de
kilomètres à l’est de Bouira.
Tout ce monde est venu
participer à la marche
populaire pour exiger la
libération inconditionnelle et
immédiate du jeune
Ahmanache Toufik, 35 ans,
enlevé le 6 janvier dernier
près de chez lui à
M’chedallah. Ainsi, ces
personnes sont aussi venues
pour dénoncer le phénomène
de kidnapping qui défraie la
chronique ces derniers mois
en Kabylie. Le boulevard qui
mène depuis la localité Ath
Vouaklan jusqu’au chef-lieu
communal grouillait de
monde. Certains estiment à
10 000 personnes le nombre
de marcheurs. Les élus locaux
de toute la région ont répondu
A qui profite la destruction
des groupes industriels
algériens ?
Fayçal Métaoui
fmetaoui@elwatan.com
Cevital n’a pas le droit de
baisser les prix. Même si le
groupe industriel de Issad
Rebrab se retrouve dans ses
comptes, il ne peut pas offrir
aux consommateurs algé-
riens du sucre et des huiles
moins cher. C’est, paraît-il, la
loi. C’est là, également, la lo-
gique d’un Etat qui a complè-
tement failli à réguler le mar-
ché et qui reprend des réflexes
autoritaires. Au lieu de s’atta-
quer aux importateurs et aux
grossistes, qui foulent aux
pieds loi et règlements, le
perte. Comme si l’économie
algérienne, pilotée par la lo-
gique de l’à-peu-près, ne
fonctionnait pas, à plusieurs
niveaux, à perte. Des man-
ques à gagner chiffrés en
milliards de dinars. Il n’y a
qu’à citer l’exemple de la gi-
gantesque évasion fiscale que
le gouvernement n’arrive pas
à quantifier. Un gouverne-
ment, qui, malgré ses appa-
reils sécuritaires, est incapa-
ble de mettre fin à l’informel
ou de tracer les fonds détour-
nés vers l’étranger. L’échec,
aujourd’hui largement établi,
des réformes bancaires peut
être traduit par «une volonté
politique» de ne pas secouer
tion stalinienne de ceux qui
n’ont rien compris aux aver-
tissements lancés dernière-
ment par la rue algérienne. Le
Parti des travailleurs, qui a
cessé d’être un parti d’oppo-
sition, et l’UGTA, qui,
contrairement à son homolo-
gue tunisienne, l’UGTT, a
choisi de se ranger du côté
des autorités, se sont curieu-
sement «réunis» pour s’atta-
quer «au monopole destruc-
teur de certains opérateurs
privés qui fragilisent le tissu
social».
POSITION À LA CARTE
Le PT et l’UGTA ont évoqué
«les actes de spéculation»
Alger : un rassemblement citoyen à la place
du 1er Mai Décryptage. De l’origine des émeutes fort
Place du 1er Mai, 12h30, plusieurs petits groupes de jeunes
tournent autour de l’horloge face à l’entrée de l’hôpital
Mustapha Pacha. Ils se regardent, se guettent avant de
Chawki Amari
camari@elwatan.com
porte-parole du RND, il a
dénoncé «la provocation» et q
«les lobbies économiques»,
s’identifier. Ils ne se connaissent pas mais ils ont tous répondus
à l’appel d’un rassemblement pacifique lancé sur facebook.
Objectif de la manifestation : exiger le changement, la liberté,
Tout le monde en parle et chacun se
pose la question : la simultanéité et
tout en expliquant qu’ils ont
été «touchés par les mesures
l’ouverture et le respect. 13h30, plus d’une cinquantaine de la violence des émeutes sur tout le du gouvernement prises dans
personnes se réunissent autour de quelques drapeaux. Le
territoire national sont-elles le fruit le cadre de l’organisation du YOUCEF MERAHI
rassemblement a, à peine, le temps de s’organiser, qu’un d’un ras-le-bol national et marché et la protection de SG du Haut-Commissariat à
officier de la police vient disperser la foule. D’ un ton ferme et contagieux ou de l’allumage de
l’économie nationale». Autre l’amazighité
intransigeant, il lance : «Vous n’avez rien à faire ici, les foyers, au même moment, dans
rassemblements sont interdits, dispersez-vous.» Un
son de cloche chez le MSP,
participant lui explique que ce rassemblement est pacifique et
différentes régions ? Comme pour pour Mohamed Djemaâ, Dans un entretien accordé au
qu’aucun débordement n’aura lieu. L’officier s’emporte et tente octobre 1988, la problématique de porte-parole du parti, il s’agit quotidien La Dépêche de Kabylie, le
de lui arracher le drapeau des mains. Usant d’un peu d’humour, l’origine, émeutes spontanées ou de «la hausse des prix» qui a secrétaire général du Haut-
Commissariat à l’amazighité
le manifestant retient le drapeau et tente de négocier dans le manipulation, a trouvé un large déclenché ce mouvement.
calme. L’officier s’emporte. Une dame arrache le drapeau et écho dans la société, de même Enfin, pour Louisa Hanoune, (HCA), Youcef Merahi, a réitéré sa
revendication d’institutionnaliser
crie de colère que ce drapeau est le sien et qu’il n’a pas à le qu’au sein du régime, qui se que l’on peut associer au camp
saisir de force. L’officier hausse le ton quelques secondes puis Yennayer comme fête légale et
confond en explications officiel, le fauteur de troubles journée chômée et payée, au même
finit par se résigner. Le moment de contestation commence contradictoires. En tout état de n’est autre que «Rebrab, le
alors. Les jeunes s’assoient et se mettent à scander : «Vous ne titre que Awal Mouharram et le 1er
cause, les conditions de l’émeute patron de Cevital», qui détient janvier.
voulez pas des casseurs, nous on vient s’exprimer étaient bien là, malaise social,
le quasi-monopole de
pacifiquement», «Nous voulons du changement », « Une nouvelle année sans horizons,
Algérie libre ». Le rassemblement prend de l’ampleur, ils sont l’importation du sucre et de
un peu plus d’une centaine à crier : «Djazair horra dimokratya» pouvoir d’achat en baisse, harga, l’huile. Trois partis de
(«Algérie libre et démocratique»). Les policiers s’énervent et
traînent violemment un jeune. Des cris d’indignation viennent
renforcer le mouvement de solidarité. Les slogans se précisent
destructions de constructions
illicites et problématique du
logement, abus policiers, corruption
l’Alliance, trois versions
différentes, à laquelle on peut
ajouter celle du PT, Parti des
q

à l’appel qui a été lancé, lundi
dernier, par le comité
populaire de crise mis en
place suite à cette affaire de
l’enlèvement. Les deux
parlementaires de la région,
Ali Brahimi et Dalila Saoudi,
ont également participé à
cette marche de mobilisation.
«Libérez Toufik», scandait la
foule à l’adresse des
ravisseurs dont l’identité n’a
pas encore été connue. Le
vaste boulevard s’avérait trop
étroit pour contenir les
milliers de personnes qui sont
venues de toutes les
communes et localités de la
daïra de M’chedallah, ainsi
que d’autres communes de la
wilaya. «Dorénavant, les
populations dans tous les
villages doivent faire très
attention. Il ne faut pas
baisser la garde. La vigilance
doit être renforcée pour que
ces actes ne se reproduisent
plus», appelait un
organisateur à l’aide d’un
mégaphone le long de la
marche. Après quelques
dizaines de minutes, la foule a
atteint la placette située
devant le siège de l’APC. A
l’aide du haut-parleur de la
mosquée juxtaposant la
mairie de M’chedallah, la voix
du responsable du comité
populaire de crise, qui est de
la famille de l’otage, a exigé
des ravisseurs la libération
immédiate de Toufik. «Nous
demandons des ravisseurs de
relâcher notre fils Toufik»,
tonnait la voix du haut du
minaret. Le responsable du
comité de crise a également
gouvernement cible les créa-
teurs de richesses. Un gou-
vernement tellement aveugle
qu’il n’arrive pas à voir que
le monopole n’est pas dans la
production mais dans l’im-
portation. Qui importe le su-
cre roux ou blanc ? Et qui
sont les grossistes dominant
le marché ? Le ministère du
Commerce, qui donne des si-
gnes inquiétants d’amateu-
risme, a-t-il les moyens de
contrôler les grossistes et les
importateurs ? Peut-il les
obliger à respecter l’usage de
la facture comme le veut la
loi qu’il prétend appliquer ?
LOGIQUE DE
L’À-PEU-PRÈS
«La notification adressée à
Cevital est une procédure
administrative dont le but est
d’obtenir des éclaircisse-
ments de la part du groupe
agroalimentaire concernant
les nouveaux prix qu’il prati-
que sur le sucre et l’huile», a
dit le ministre, Mustapha
Benbada. Devant l’opinion
publique, le gouvernement
s’est mis à nu. Si des produc-
teurs sont capables d’offrir
un kilo de sucre à moins de
90 DA pourquoi les en empê-
cher ? A écouter les officiels,
qui meublent les ondes de la
télévision et de la radio étati-
ques dans un discours à sens
unique, le prix de 90 DA le
kilo de sucre est parfait. Ce
n’est pas l’avis des ménages.
les palais de la spéculation ni
de troubler ceux qui vivent
«à l’ombre» du système.
GESTION POLITISÉE
Il en est de même pour
l’inexistence de bureaux de
change. L’absence d’un im-
pôt sur les grosses fortunes
est une autre illustration de
cette tendance endémique
dans la gestion «politisée» de
l’économie du pays. Le har-
cèlement que subit
aujourd’hui le groupe algé-
rien Cevital, sous prétexte de
lutte contre «le monopole»,
pour reprendre l’expression
comique actuel, semble ré-
pondre à une action concertée
pour mettre au pas l’industriel
algérien, en faire une exem-
ple pour que le royaume de
l’importation soit rassuré.
Les médias étatiques, radio,
télévision et APS, se sont mis
en ordre de marche pour atta-
quer Cevital, interdisant à Is-
sad Rebrab toute possibilité
de défense. Sauf qu’en agis-
sant de la sorte, Issad Rebrab
est aujourd’hui apprécié au
niveau populaire pour la sim-
ple raison qu’auprès de l’opi-
nion nationale, il passe pour
un industriel qui a voulu of-
frir du sucre et de l’huile
moins chers aux Algériens et
que le gouvernement l’a em-
pêché de le faire ! Voilà à quoi
peut aboutir la communica-
donnant l’impression de ne
s’attaquer qu’à Cevital, un
groupe qui compte des mil-
liers de salariés, et d’oublier
les importateurs. Cette posi-
tion «à la carte» banalise da-
vantage un parti et un syndi-
cat qui, hier, étaient quelque
peu crédibles et qui ne sont
devenus que des amplifica-
teurs du discours dominant
d’aujourd’hui. Un petit bilan
de ces dix dernières suffit à
montrer que l’Algérie est de-
venue un cimetière immense
pour ses groupes industriels.
Il n’y avait aucune raison
pour détruire le groupe Kha-
lifa même si son patron était
impliqué dans des malversa-
tions. Les pays avancés pour-
suivent en justice les patrons
coupables d’actes de gestion
contraires à la loi mais main-
tiennent en vie les entreprises
dont ils étaient responsables
pour ne pas perdre les em-
plois ou les parts de marché.
Après Khalifa, les pouvoirs
publics ont mis à genoux les
groupes Tonic et Blanky.
Qu’ont-ils gagné en contre-
partie ? Rien. Sauf des chô-
meurs en plus. Pour conclure,
les autorités algériennes sem-
blent agir contre l’intérêt na-
tional. C’est peut-être la seule
façon de comprendre cette
tentation de vouloir casser
les ressorts les plus efficaces
de l’économie du pays. ■
alors : «La soucor la zite nehiwelna el parasites !» («ni sucre ni
huile, éliminez juste les parasites»). Le cordon sécuritaire
prend ses distances. Le rassemblement atteint son apogée avec
quelques moments de silence, entrecoupés de youyous et
d’autres slogans : «Rendez-nous notre liberté », «Hommage
aux émeutiers tués ». Après un bref discours d’un des
initiateurs du rassemblement, le sit-in est levé. Pendant que
les manifestants se dispersent, un impressionnant cortège de
blindés antiémeute, sirènes hurlantes, envahit la place du 1er
Mai, semant le trouble dans la circulation routière. La
bastonnade a, cependant, été évitée in extremis. Fella Bouredji
Bouira : «Libérez nos enfants !»
Profitant de la célébration de Yennayer 2961, des délégués de la
Coordination des comités citoyens de la wilaya de Bouira
(CCCWB) ont organisé, mercredi dernier, au niveau de la place
publique un meeting populaire. Les animateurs de la CCCWB
exigent des pouvoirs publics la libération immédiate des détenus,
tout en les enjoignant d’annuler les poursuites judiciaires contre
ces jeunes. Les délégués de Bouira, pour leur part, ont dénoncé
l’interpellation par la police du reporter d’El Watan, Mustapha
Benfodil, et demandent par la même la libération du militant du
MDS, Hamid Ferhi, arrêté à Staouéli. Amar Fedjkhi
Chlef : le jeune immigré ne verra plus son père
Double drame pour la famille Belkebir. Le fils Azzedine a été
écroué à Chlef, après les derniers événements qu’a connus le
pays, et son père est décédé peu après chez lui, à Alger, en
apprenant la nouvelle de l’incarcération de son fils. C’est ce
qu’on a appris, hier, par leurs proches à Chlef. Le jeune
Azzedine, incarcéré à la prison de Chlef depuis samedi dernier,
n’a pu assister à l’enterrement de son père, qui devait avoir lieu
hier à Alger où réside sa famille. Rappelons que Azzedine est
un jeune émigré installé en Espagne. Il s’était déplacé à Chlef
pour rendre visite à sa sœur. Il a été arrêté en compagnie de son
beau-frère à proximité de la radio locale. On lui reprocherait
une tentative de jets de pierres sur cette station, alors que le
jeune en question a rejeté catégoriquement cette accusation,
selon ses proches. Il s’apprêtait, nous dit-on, à rejoindre le
domicile de sa belle-famille, en compagnie de son beau-frère.
Rappelons que 23 jeunes issus des communes voisines de Chlef
et de Chettia ont été écroués samedi dernier.
et chômage, autisme
gouvernemental et absence
d’ouverture politique et médiatique.
Les Algériens peuvent-ils déclarer
une émeute sans personne derrière
? Il semble que oui, les services de
la gendarmerie ont officiellement
dénombré pour l’année précédente
11 500 émeutes, manifestations
publiques et autres rassemblements
à travers le territoire national. Ce
qui en dit long sur les capacités de
la jeunesse à protester. Restent ces
émeutes de ce janvier 2011, où
plusieurs jeunes des quartiers ont
dénoncé l’apparition de groupes
indéterminés venus casser et
saccager, et dans certaines localités,
on a affirmé que des gens ont été
payés pour «agresser» la
population. Ce qui montrerait qu’il
s’agit d’une véritable révolte qu’il
fallait absolument faire déraper et
passer pour un violent «chahut de
gamins», ce qu’ont d’ailleurs fait
l’ENTV et les médias officiels en
ne montrant que des dégâts
matériels, sur des biens publics et
privés. Pourtant, au sein même du
régime, les explications sont
discordantes. Pour Abdelaziz
Belkhadem, patron du FLN, il n’y a
pas grand-chose, il ne croit «ni à un
complot ni à une manipulation»
mais juste à un mouvement de
colère illégitime, qu’il a comparé à
«une sortie de match» lorsqu’une
équipe perd. Pour Miloud Chorfi,
travailleurs. Où est la vérité ?
Quelles sont les réelles raisons
de la révolte ? Cinq scénarii
sont mis en avant. ■
◗ Scénario 1
L’AUGMENTATION DES PRIX
DES PRODUITS ALIMENTAIRES DE BASE
Le dysfonctionnement des chaînes de distribution a
déréglé la machine alimentaire. En ce début d’année,
le gouvernement a décidé d’en finir avec l’informel et a
obligé tous les grossistes à facturer leurs opérations.
Résultat, des grossistes et des revendeurs ont arrêté
leurs transactions, la plupart n’ayant même pas de
registre du commerce. A Semmar, quartier d’Alger qui
rassemble la majorité des grossistes, l’activité a
considérablement ralenti, et du fait de la rareté des
produits, les prix ont flambé et tout le monde s’est
révolté, quartier par quartier, ville par ville. Par
contagion, comme une traînée de poudre. En sucre.
◗ Scénario 2
LA GUERRE CONTRE L’INFORMEL
En ce début d’année, un ordre donné à tous les walis du
pays d’en finir avec les constructions illicites et les
vendeurs à la sauvette. Impératif, détruire les premières
sans avis et déloger les seconds sans négociation.
Comme à Oued Ouchayeh et Baraki, où les émeutiers
ont affronté les forces de sécurité pendant des jours
avant même le déclenchement de la protestation à
l’échelle nationale, le même scénario s’est déroulé la
semaine dernière à Bab El Oued, où une rumeur a fait
état d’une descente de police pour évacuer tous les
étalages sauvages. Il n’en fallait pas plus aux jeunes
pour s’en prendre aux policiers par «guerre
préventive». D’ailleurs, les émeutes ont commencé par
de longs affrontements entre les policiers et les jeunes,
et à Bab El Oued, c’est le commissariat du quartier qui a
été la première cible, bien avant le dérapage global, où
PHOTO : H. LYES
Une semaine durant, le pays a vécu au rythme ALGÉRIENS SOLIDAIRES
DES TUNISIENS
de la colère d’une jeunesse désespérée
Malgré le climat d’émeutes en
◗ Scénario 4 Algérie, plusieurs internautes
algériens se sont mobilisés sur les
UNE GUERRE ENTRE LA PRÉSIDENCE réseaux sociaux (Facebook, Twitter,
ET LES SERVICES etc.) pour soutenir la révolte en
Tunisie. Messages de solidarité,
C’est le scénario préféré du paranoïaque algérien.
médiatisation des informations et
Déjà présente d’ailleurs pour les émeutes d’Octobre des vidéos : un formidable lien
1988, la thèse d’une guerre larvée entre les entre les deux jeunesses.
institutions les plus puissantes en Algérie
expliquerait le déclenchement de ces émeutes à
caractère national. Ce n’est un secret pour personne
que le président Bouteflika, après avoir évincé le
fatigué
général-major Lamari, tente depuis des années de
déloger le général de corps d’armée Toufik, ou de le
mettre gentiment à la retraite. Ce n’est pas non plus
un secret que le général Toufik aurait l’idée de passer
rapidement à l’ère post-Bouteflika, très irrité par les
r
tentatives acharnées de succession de son frère. Le
général ayant la main sur tout ce qui se passe en
MUSTAPHA BENBADA
Algérie, des comités de quartier aux lobbies
Ministre du Commerce
économiques alimentaires, il aurait déclenché des
émeutes, ras-le-bol social aidant. Cette thèse a
Le groupe agroalimentaire Cevital
l’avantage d’être étayée a posteriori, comme dans les a été sommé, mercredi, par le
bons romans policiers. A qui ne profite pas le crime ?
ministère du Commerce de se
Le principal perdant de ces émeutes est le président
conformer à l’accord conclu
Bouteflika, premier responsable de la politique dimanche dernier avec les
actuelle. Et donc des émeutes.
opérateurs économiques du sucre
et de l’huile pour faire baisser les
◗ Scénario 5 prix de ces deux produits. Le
président du groupe, Issad Rebrab,
LES LOBBIES ÉCONOMIQUES
a affirmé que Cevital a appliqué
strictement l’accord. Ce groupe
Plusieurs personnalités officielles ont soulevé cette
dérangerait-il les importateurs du
thèse. Devant les tentatives du gouvernement de
sucre et de l’huile en appliquant la
réorganiser l’économie et de juguler l’informel, les
lobbies économiques qui agissent dans les mondes loi ?
parallèles de la finance se sont rebellés, par
jeunesse interposée, en allumant le feu. Quand on

La LADDH signale la disparition d’un jeune

A. Yechkour Votre avis sur elwatan.com tout le monde s’en est pris à tout.

appelé la population à se
mobiliser pour retrouver
l’otage. Les autorités ont été
aussi interpellées afin de
mettre tous les moyens
possibles pour mettre fin au
calvaire de la famille de la
victime. La foule s’est
dispersée dans le calme. Il est
à préciser par ailleurs
qu’aucune rançon n’a été
demandée par les ravisseurs
jusqu’à présent.
Ali Cherarak
Ce prix est élevé par rapport
au pouvoir érodé par l’infla-
tion. Idem pour celui de la
bonbonne de cinq litres
d’huile. Les prix des pro-
duits, composés d’huile ou
de sucre, comme les biscuits
ou les chocolats, ont égale-
ment augmenté. Mais là, le
gouvernement n’a rien vu.
Aucun rappel à l’ordre. L’Al-
gérie est probablement le
seul pays au monde qui «in-
terdit» aux privés de vendre à
Sidi Bel Abbès : procès des émeutiers cette
semaine
Le procès des jeunes interpellés lors des émeutes qui ont secoué les
localités de Sidi Bel Abbès et Sidi Lahcen est prévu à partir du 17
janvier prochain, selon des avocats interrogés hier. Après trois jours
de violentes émeutes, les arrestations parmi les jeunes se comptent
par dizaines. Le dernier bilan dressé par les services de police fait état
de 141 arrestations et de 129 personnes déférées devant le parquet.
Jusqu’à mardi soir, 69 jeunes ont été placés sous mandat de dépôt, 35
sous contrôle judiciaire alors que 32 autres ont bénéficié de la liberté
provisoire. La violence des émeutes a non seulement donné lieu à une
grande confusion mais à des «arrestations arbitraires», selon des
parents de détenus. Selon leurs déclarations, plusieurs personnes
interpellées ont été «tabassées» et «maltraitées» dans les
commissariats de police. M. Abdelkrim
◗ Scénario 3
sait que l’économie informelle pèse des milliards de
dollars, contrôlée par de puissants opérateurs qui
ont un pied dans l’Etat et une main dans la rue, cette
r
explication tient la route, du fait de la nature féodale
«Une famille est à la recherche de son fils, Lamali Mustapha, UNE VÉRITABLE RÉVOLTE POPULAIRE des circuits économiques ; tout le monde le sait,
dont elle n’a plus de nouvelles depuis son interpellation par la Plusieurs facteurs étaient déjà là pour déclencher une quand on a de l’argent en Algérie, on peut tout faire, DAHO OULD KABLIA
police le soir du samedi 8 janvier 2011», a rapporté, hier, un émeute à caractère national. En ce début d’année, la même déclencher une émeute. Là encore, à qui Ministre de l’Intérieur
communiqué de la Ligue algérienne pour la défense des droits
population a réalisé que rien n’avait changé dans profite le crime ? Aux importateurs, dont les taxes
de l’homme (LADDH). Le jeune Mustapha, âgé de 25 ans, a été leurs conditions socioéconomiques, toutes les ont été supprimées, et aux opérateurs illégaux, dont Le ministre de l’Intérieur, Daho
arrêté par des policiers directement au domicile familial se
promesses gouvernementales n’ayant eu aucun effet les transactions vont être grandement facilitées, Ould Kablia, a considéré dimanche,
trouvant dans un quartier près du cimetière d’El Alia, à El dans un entretien avec l’AFP, que la
sur la réalité, baisse du pouvoir d’achat, chômage, avec ou sans papiers, au noir ou au blanc, pour
Harrach, à l’est d’Alger. Le jeune homme, selon la LADDH, a été calmer les tensions sur les produits alimentaires. récente période de violences était
interpellé avec son jeune frère âgé de 18 ans. Ce dernier a été crise du logement et corruption à tous les étages, tout
comme l’absence de canaux d’expression et d’espace Quel est le bon scénario ? L’un d’eux, peut-être tous close, même si des incidents
relâché tard dans la nuit. D’après sa mère, «le jeune frère aurait étaient encore signalés. «Nous
été tabassé au commissariat et refusé d’aller à l’hôpital par de débats, dans un pays totalement verrouillé, où en même temps, peut-être aucun d’entre eux. Il ne
chacun sait que l’Etat dispose de moyens financiers faut pas attendre les gouvernants, aveugles et considérons, de notre côté, que la
peur. Les policiers étaient à la recherche d’une troisième page est tournée», a estimé le
personne qui serait connue de leurs services», peut-on lire dans considérables très mal répartis. Il a suffi d’une goutte autistes, secrets et paranoïaques pour apporter des
éclaircissement à une population désemparée. ministre après les dernières
le communiqué. La LADDH affirme s’inquiéter du sort de Lamali pour faire déborder le vase. Hausse des prix et abus émeutes dans le pays. Drôle
Mustapha et se mobilise, en ce moment, pour le localiser. L. T. d’autorité ont mis le feu aux poudres. Chacun se doit de se faire une opinion.
d’optimisme.

l’essentiel de la semaine
Manifestations en Kabylie
Des centaines de personnes ont participé, mercredi à
Tizi Ouzou, à la marche à laquelle a appelé le
Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK). A
Pas de marche pour le RCD
Le RCD ne pourra pas
marcher à Alger mardi
prochain. Le ministère de
l’Intérieur «vient d’opposer,
Arrestation d’un journaliste et d’un dirigeant du MDS
Mustapha Benfodil et Hamid Ferhi, respectivement,
journaliste au quotidien El Watan et membre
dirigeant au sein du Mouvement démocratique et
social (MDS), ont été interpellés dimanche par la
Le retour des archs ?
D’anciens délégués du mouvement citoyen des
archs ont organisé, mercredi, un meeting à la
maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi
Ouzou, devant plusieurs centaines de
L’évaluation de Djezzy confiée
à Sherman & Sterling
L’acquisition de Djezzy par l’Etat algérien sera
accompagnée par le cabinet Sherman & Sterling LLP
France, dont l’expertise devrait permettre de déterminer,
Le lourd bilan des émeutes
Le bilan du mouvement de
protestation populaire, dans une
vingtaine de wilayas du pays, a
fait officiellement trois morts
45
c’est le nombre
d’écoles
endommagées à
sans la moindre explication, police à Staouéli, lors d’un rassemblement de personnes. Les animateurs ont lancé un appel à dans un délai de trois mois environ, la valeur de parmi les manifestants, plus de
Béjaïa, près d’un millier d’étudiants ont marché, le travers le pays
un refus catégorique à la jeunes citoyens. Mustapha Benfodil a été relâché le tous les anciens délégués des archs, dont Belaïd l’entreprise de téléphonie mobile Orascom Télécom 800 blessés, dont 763 policiers, et
même jour, pour tenter de «donner un sens politique» lors des
demande d’autorisation de jour même à 21 h. Quant à Hamid Ferhi en Abrika, pour la réunification des rangs en Algérie (OTA). La procédure avait été initiée par le plus de 1100 arrestations. Parmi
à la contestation populaire qui a ébranlé le pays. dernières
marche du RCD», a indiqué compagnie de ses deux fils, ils ont été relâchés plaçant l’intérêt suprême de la plateforme d’El gouvernement en novembre 2010 en vue de déterminer la les interpellés, figurent de
Aucun incident n’a émaillé ces manifestations. Kseur au-dessus de toute autre considération. valeur d’OTA et de mettre fin à la surenchère. nombreux mineurs émeutes.
hier le parti à TSA. mardi par le tribunal de Chéraga.
 4 7 JOURS El Watan Week-end - Vendredi 14 janvier 2011 El Watan Week-end - Vendredi 14 janvier 2011 7 JOURS 5

Dans la tête d’un

SAMIR, 29 ans. Fugitif
Je n’arrive même pas regarder mon père dans les yeux
Samir, 29 ans, vient d’échapper à une
énième course-poursuite avec des
policiers sur les hauteurs d’Alger.
«Oui, j’ai cassé, j’ai brûlé, j’ai
caillassé», lance-t-il en un souffle
chargé de relents de whisky bon
marché. «Mais tout ça – il exhibe sa
cicatrice puis son abri de fortune –
c’est le consulat, mon frère, c’est le
consulat !» Depuis plus de trois
jours, Samir et ses copains d’un
quartier populaire perché sur une des
collines d’Alger n’ont quasiment pas
dormi. Ces jeunes de 25 à 30 ans ont
fait éclaté leur colère – «Non ! notre
désespoir», corrige Samir – lors des
dernières émeutes. «Nous vivons à
huit dans un deux pièces-cuisine. On
nous promet le relogement depuis
dix ans. J’ai travaillé comme agent
de sécurité dans une boîte privée,
pour un salaire de 15 000 DA.
Qu’est-ce que je vais faire avec cette
Certains sont au chômage, somme ? Quand je rentre le soir, je
bouillis, et si mon grand frère veut se
marier, il n’a qu’à construire une
baraque dans un bidonville avec le
risque d’une démolition express !
J’arrive même pas regarder mon
père dans les yeux tellement il a
honte de sa situation : ancien
employé d’une entreprise publique,
il touche pour sa retraite 9000 DA !
Il ne peut plus être l’homme de la
maison», constate-t-il amèrement.
«Mes frères tentent d’arrondir leurs
fins de mois en vendant à la sauvette,
mais la houkouma viennent
d’interdire d’lala. Alors moi je pète
les plombs, je vois que d’autres
jeunes vivent mieux parce que ce
sont les fils d’un tel ou d’un tel. Ça,
je ne peux pas le supporter, je veux
partir, loin, très loin.» Samir allume
en tremblant une cigarette et se tient
la tête. «C’est le consulat, c’est le
consulat», répète-t-il frénétiquement
en écrasant sa cigarette. «L’été
«Hors-la-loi», «en fracture totale par rapport à la société»,
«nihiliste» : c’est ce que pense le ministre de l’Intérieur des
émeutiers. Même certains médias donnent dans les
«voleurs» et les «casseurs violents». El Watan Week-end
a donné la parole à ces jeunes stigmatisés. Ecoutons-les.
la Turquie pour joindre la Grèce. dopée au whisky : «Alors oui, je
J’avais économisé en me privant de casse, je caillasse… Là, dehors, ils
tout durant une année. Mais je me me cherchent, il paraît qu’on a été
suis fait arrêter en Turquie et, en filmés en train de piller la caisse du
prison, ils nous ont tabassés. Les concessionnaire auto… Moi je n’ai
clandestins tunisiens et libyens ont pris que 40 000 DA. J’ai acheté un
été sauvés par leur consulat qui les a téléphone portable et une bouteille
libérés et leur a payé le billet de de whisky pour tromper la fatigue…»
retour. On a alors appelé notre Samir reprend son souffle
consulat en Turquie. Il nous ont et la cicatrice enfle avec la
répondu : «Parce que c’est nous qui lourde respiration. «Avec De retour de Turquie, j’ai
t’avons ramené ici ?!» Ils nous ont l’argent du casse, je vais essayé de me pendre, mais je
lâchés ! Mon pays m’a lâché. Je n’ai vous dire à tous salam
pu fuir l’enfer de cette prison qu’en alikoum, au revoir, je me suis raté. Même la mort
me débrouillant grâce à des retente une autre harga et ne veut pas de moi.
compatriotes à Istanbul. Je suis alors je vous laisse l’Algérie.»
rentré, en perdant tout ce que j’avais D’un geste de la main, il fait un signe
économisé. Et là, je n’ai rien, mais d’au revoir et lâche, au fond de cette
vraiment rien à perdre. Ils nous ont cave d’immeuble puant l’urine et la
lâchés ici, ils nous lâchent à colère : «De retour de Turquie, j’ai
l’étranger, ils ne veulent pas de essayé de me pendre, mais je me suis
nous.» Il regarde autour de lui raté. Même la mort ne veut pas de
comme si les policiers allaient, là, moi.» Adlène Meddi
tout de suite débarquer, mais la

PHOTO : H. LYES
d’autres travaillent. Tous en ne trouve pour dîner que des œufs dernier, j’ai tenté la harga à partir de colère est plus forte que sa paranoïa
ont marre de la vie qu’ils
mènent.

WALID, 23 ans. Chômeur

HALIM, 24 ans. Etudiant à l’INPS,
émeutier de Kahwat Chergui
Ma lettre à Daho Ould Kablia
«De quels voyages parlez-vous
monsieur Daho Ould Kablia ?
Des heures que passent les
étudiants dans les bouchons
d’Alger chaque matin ? Alors
sombrer dans l’incertitude si ce
n’est dans le déchirement. Le
premier jour des émeutes, dans
mon quartier, aucun dégât n’ a
été signalé. C’est au deuxième
Le gouvernement nous traite
ADEL, 28 ans. Leader du mouvement de Fouka comme des chiens
Nous ne sommes pas des vandales «Mon vécu est plus lourd que ce que peuvent porter mes 23
années de vie, d’horreur. Ma vie est un malheur !» Ce ne sont pas
Ils sont quatre, adossés à un mur du quartier Haï Ali nous sommes nous aussi capables d’user de la force !
Amar, dit «Château». Leurs regards sont suspicieux On a affronté la police jusqu’à ce qu’elle renonce, on
les propos d’un condamné à mort mais c’est un cri qui sort d’une
gorge nouée d’un… jeune Algérien. Enfant d’un vieux quartier
et méfiants. Adel, casquette sur la tête assombrissant a même réussi à contourner les deux blindés d’Alger, Walid ne garde pas de souvenirs d’enfance, car, comme il
un visage pâle, est le seul à être assis, sur une brique. antiémeute appelés «Moustache» dont l’un d’eux a l’assure, «il ne l’a jamais connue». L’aîné d’une fratrie de cinq
Son regard, à lui, est moins sceptique. Il n’a pas peur failli prendre feu. Quand les brigades se sont retirées, enfants, Walid quitte l’école très jeune pour travailler et aider son
de parler. Vingt-huit ans, habitant du quartier, Adel on a chanté, on a crié, on s’est défoulé». C’est donc père. «Mon père est salarié dans une société publique. Il arrive
est fier d’avoir participé aux émeutes qui ont soulevé plus une rage de vivre qu’une question de sucre et difficilement à nourrir toute la famille», raconte-t-il. Le jeune
Algérois est obligé de travailler à un âge précoce. Il fait du
la localité de Fouka la semaine dernière. Signe d’huile ? «Oui ! Et nous ne sommes pas des vandales.

qu’à l’institut où j’étudie
(institut des statistiques de Ben
Aknoun), des étudiants de ma
classe arrivent en Audi A4, la
musique à fond. Non, monsieur
le ministre, nous
ne sommes pas
des casseurs ni
des pilleurs.
Nous sommes
Ce n’est pas en
pourrissant les choses
que vous diminuerez
notre détermination
d’aller de l’avant.
sortis, en solidarité avec le reste
du peuple algérien, dans la rue
pour exprimer notre rage, notre
soif de liberté, de justice et de
plus d’équité sociale. La police
nous a provoqués et a sorti la
matraque. Pourtant, nous
n’avons fait que marcher et
scander des slogans contre
l’ordre établi. Je peux vous
assurer, monsieur le ministre,
que mes amis et moi n’avons
que crié à l’injustice, à la
corruption, au chômage et à la
jour des événements que nous
nous sommes aperçus que
d’autres jeunes étrangers à
notre quartier se mêlaient à la
foule. C’était le début des
affrontements violents, du
saccage et du pillage des
magasins. Pendant que nous
continuions à affronter les
policiers, eux exécutaient leur
plan, comme s’ils avaient un
listing de locaux ou d’endroits
précis à attaquer. C’était la
confusion totale. On ne se
reconnaissait plus et les
policiers nous couvraient alors
de gaz lacrymogène. L’air était
devenu irrespirable, certains
étouffaient, ce sont ceux-là
mêmes qui furent arrêtés,
violentés et mis en prison. Dans
ces conditions opaques, nous
arrêtons les confrontations. La
manipulation n’a plus de place.
Ce n’est pas en pourrissant les
choses que vous diminuerez
notre détermination d’aller de
l’avant, jusqu’au bout de nos
revendications. Permettez ma
maladresse. C’est vous qui
devriez partir, messieurs les
gouverneurs. L’Algérie
appartient à ses jeunes. Nous
PHOTO : D. R.
commerce informel son gagne-pain. «Je vends tout ce qui me
particulier : Adel n’est pas chômeur et avoue même On a pensé à tous», répond-t-il. «On a pas brûlé la
très bien s’en sortir. Il n’a jamais signé de contrat de poste pour que l’argent de nos parents ne parte pas tombe sous la main : vêtements, chaussures, nourriture…
L’essentiel pour moi est de parvenir à satisfaire mes petits frères
sa vie mais il multiplie les activités : en fumée, on ne s’en est pas pris à la
manœuvre, chauffeur, revendeur, mairie pour ne pas perdre nos et sœurs.» Ces derniers ont tous quitté l’école excepté la plus
entre autres : «Pour être franc, je ne On a affronté la police papiers. On a juste ciblé les
jeune. Nerveux, il ne peut finir une phrase sans passer à un autre
suis pas dans le besoin, et j’active
très bien pour boucler mes fin de
jusqu’à ce qu’elle symboles de l’Etat. Quoi de mieux sujet. Il sourit, rougit et hausse le ton : «Même si je n’ai pas percé
dans les études, je peux ACHOUR, 39 ans. Vendeur de chaussure dans la rue
renonce, on a même que les bus de Ouyahia qu’on a
Si on m’avait donné travailler car je suis
mois.» Adel se démarque des autres brûlés avec joie ?» ajoute-t-il. Il en
jeunes du quartier, dans leur majorité réussi à contourner les n’a apparemment pas assez dit mais l’occasion de travailler,
intelligent et je sais faire
beaucoup de choses, mais
Si ce pouvoir ne veut pas de nous,
chômeurs, tourmentés par l’absence deux blindés s’arrête là. Il se retourne vers ses
de perspectives et la pauvreté, il a
antiémeute.
amis pour se joindre à leur je n’aurais pas récidivé, le gouvernement nous
traite comme des chiens, il n’a qu’à le dire
été pourtant un des leaders du discussion. Ils parlent d’un de leurs mais le chômage nous les jeunes !» Vivant Achour s’agite dès qu’on lui on vend, on se fait saisir la sucre pour régler le problème.
mouvement de contestation. «Si je amis de Douaouda, Amine, dont le
suis sorti dans la rue, c’est parce que je ne supporte petit frère a été arrêté lors des émeutes. «Il a acheté
m’a fait rater la vie. dans un appartement F4 demande de revenir sur ce qu’il a marchandise. Qu’est-ce qu’ils On veut avoir notre part du
avec 21 membres de sa vécu le mercredi 5 janvier dans veulent ? Qu’on vole ? Qu’on se gâteau. Une partie des 150
pas l’injustice et la mal-vie des gens de Fouka», du kiff et s’est arrangé pour se faire arrêter par la famille, Walid reconnaît
explique-t-il. Le prix du sucre et de l’huile ne police et rejoindre son petit frère en prison… pour le passer la grande partie de son temps dehors. «Lorsque je rentre à
son quartier de Bab El Oued. Il a drogue ? Qu’on tue ?» lâche-t-il. milliards qui dorment dans les
les mains qui vont dans tous les Il refuse qu’on ramène les caisses de l’Etat.» Avant
l’intéresse pas. Il préfère parler de l’indifférence des protéger», confie l’un d’entre eux. Fella Bouredji la maison vers 2h du matin, il m’arrive de marcher sur mes petits
sens et le visage qui s’empourpre dernières émeutes à une histoire d’ajouter : «Ils disent qu’on ne
autorités locales, frères, dans le noir. S’ils se réveillent et commencent à se
même s’il précise plaindre, je claque la porte et je ressors en colère pour passer de colère. A 39 ans, il partage un d’huile et de sucre. Pour lui, le veut pas travailler, qu’on est des
trois-pièces en compagnie de feignants. C’est faux. Moi,
fermement qu’il ne encore quelques heures dans le quartier», raconte-t-il comme
pour justifier le périple judiciaire qu’il endure depuis l’âge de 17 douze de ses frères et sœurs. Ils disent qu’on ne veut j’installe ma marchandise à 7h et
veut pas faire de
politique. Un de ses ans. Ayant fait la prison de Serkadji deux fois, Walid en garde de Alors, quand ça a commencé à je remballe à 23h. Je travaille
mauvais souvenirs. «En prison, on n’apprend pas de bonnes chauffer dans le quartier des pas travailler, qu’on douze heures par jour comme les
amis rejoint la
conversation : «Sur ce choses. Au contraire, on devient plus violent. J’ai fait l’objet de Trois-Horloges, il a rangé son est des feignants. C’est Chinois !» Achour a repris depuis
torture, j’ai partagé une cellule avec un condamné à mort et j’ai étal de vente de chaussures et trois jours sa place habituelle à
même mur, on a écrit
rencontré des gens infréquentables», se souvient le jeune rejoint les émeutiers pour harceler faux. Moi, j’installe ma l’ex-place Jean Jaurès, convaincu
tous nos slogans, ils
l’ont repeint le homme. «Si on m’avait donné l’occasion de travailler, je n’aurais les policiers du 5e arrondissement, marchandise à 7h et je que le calme précaire qui règne
pas récidivé, mais le chômage m’a fait rater la vie.» Walid, qui ne jusqu’à 1h du matin, un foulard dans le quartier peut s’embraser à
lendemain, comme
recule devant rien pour sortir la tête de l’eau, a essayé de autour du visage pour se protéger
remballe à 23h. tout moment si le pouvoir
quoi quand ils veulent traverser la mer à bord d’une barque de fortune mais les policiers
repeindre les murs, les des gaz lacrymogènes. «Je leur continue à ignorer les
ont avorté la tentative d’immigration. A la question de savoir ai balancé tout ce que j’ai pu problème est ailleurs. Il est dans revendications des gens. «Si ce
moyens ne manquent quelle est sa vision du pays et de son avenir, le jeune ébauche un
pas!» Adel reprend : trouver sous la main. J’avais la la revendication d’une population pouvoir ne veut pas de nous, il
sourire et lance avec un regard insistant : «L’Algérie ne changera rage. C’est des hagarine. Il faut d’un meilleur partage des n’a qu’à le dire. Qu’il nous
«Grâce à ces émeutes,
PHOTO : D. R.

cherté de la vie. Nous sommes
victimes de cette situation et
nos familles risquent de
restons ici tous mobilisés ». Z.
A. M.
pas et les jeunes n’ont plus d’espoir dans ce pays, ils ne cherchent que ce pouvoir nous dise ce qu’il richesses du pays. «Ils se expulse vers un autre pays. On
on a réussi à qu’à planer avec n’importe quel moyen, même au prix de leur
transmettre notre attend de nous. Quand on veut trompent s’ils croient qu’il suffit est prêts à lui laisser celui-ci.»
vie.» Lamia Tagzout
partir, on nous met en prison. Si de baisser le prix de l’huile et du Salim Mesbah
message, on existe ;
 6 CONTRECHAMP
On ne les pas entendus ni avant, ni pendant, ni après les émeutes. Mais que
font les représentants de notre société civile ? Pour comprendre, El Watan
Week-end a organisé une table ronde avec Abdelmoumène Khelil,
secrétaire général de la Ligue algérienne des droits de l’homme, Fayçal,
président du Comité de quartier de Bab El Oued, Abdelmalek Rahmani,
coordinateur national du Conseil national de l’enseignement supérieur,
Ahmed Khaled, président de l’Union nationale des associations des parents
d’élèves, Rachid Malaoui, président du Syndicat national autonome du
personnel de l’administration publique, et Sofiane Limane, initiateur du
groupe Action pour le changement en Algérie. Ils savent d’où vient le
problème et ont accepté le débat.
Lamia Tagzout, Nassima Oulebsir, Nina Sellés
Une société civile «incapable de penser
le changement»
Abdelmoumène Khelil
Pourquoi n’a-t-on pas entendu la société
civile lors de ces émeutes ? Aucune
organisation ou association n’a bougé. Ou
alors, elles se sont contentés de diffuser des
communiqués. Un constat établi même par
Fayçal, qui en veut aux organisations et
associations «d’avoir fermer leurs portes
depuis des années face aux jeunes avides de
renseignement et d’orientation». Rachid
Malaoui explique cela par la politique
des pouvoirs publics «qui ont d’abord
cassé toutes les organisations structurées,
ce qui nous a déstabilisés». Puis les
restrictions dans la liberté d’expression.
Abdelmoumène Khelil explique qu’il
n’est vraiment pas possible d’être actif
sur le terrain à l’écoute des jeunes «alors
que la Ligue elle-même n’arrive pas à
se réunir, reprenant ainsi une expression
de Me Bouchachi lorsqu’il a été interdit
d’organiser une rencontre sur la peine
capitale en disant que dans un pays de 2
millions de mètres carrés, il n’y avait pas
500 m2 pour se réunir. Au rythme où vont
les choses, il n’y aura plus d’organisation
et même celles existantes ne peuvent pas
se régénérer et elles disparaîtront au
fil du temps. Il ne faut donc pas tomber
Internet pour «surpasser les canaux classiques de l’opposition »
Ahmed Khaled
Face à la mobilisation Internet, aux
différents groupes qui se créent sur
Facebook et Twitter mais aussi sur
Youtube, et appellent à une mobilisation
dans les rues, à des marches et des
Société civile, à la barre !
weekend@elwatan.com
dans le piège du discours officiel en
incriminant la société pour son absence.»
Sofiane Limane explique l’inertie de
la société civile par «son incapacité à
concevoir toute idée de changement. C’est
un état d’esprit, un désespoir peut-être ?
Une démotivation… essentiellement due à
l’environnement hostile. Si vous n’êtes pas
dans une association qui soutient le pouvoir,
quel média serait prêt de vous recevoir pour
véhiculer votre message ?» Et d’accuser les
pseudo-contre-pouvoirs : «Croyez-vous
que les associations inculquent l’esprit
de Novembre à notre jeunesse ? Non.
La plupart ne sont là que pour être les
garantes d’une assiette électorale.» Pour
Abdelmalek Rahmani, «la société civile
est beaucoup plus préoccupée par d’autres
détails. L’élite cherche un statut social mais
pas intellectuel…» En affirmant que les
jeunes ont désormais perdu confiance de
la société civile, le coordinateur du CNES
revient sur la question de la division de la
société civile en expliquant que ce «jeu»
semble plaire à certains qui y trouvent
leur compte. Les intervenants évoquent
également le problème de la formation.
«Les syndicats s’impliquent seulement
dans des revendications salariales et pas
plus», regrette Rachid Malaoui. ■
Un programme de rattrapage pour les élèves
Les élèves ayant eu des cours perturbés suite aux
émeutes vont suivre un programme de rattrapage tracé
par le ministère, selon Ahmed Khaled. En attendant de
définir précisément ce programme, le secteur essaie de
se remettre des dégâts occasionnés : 45 établissements
scolaires saccagés à l’échelle nationale dont 10 à Alger.
Ahmed Khaled appelle les parents d’élèves à contrecarrer
certains chefs d’établissement refusant la création des
associations des parents d’élèves.
protestations, Abdelmalek Rahmani
juge qu’à «l’ère de la technologie, il faut
réformer, tout repenser. Les institutions
de l’Etat classique sont décalées, alors
soit on suit le rythme, soit on paie
cash». Pour Rachid Malaoui, le fait que
des internautes rapportent une certaine
censure sur le Net est une preuve que
la mobilisation en ligne arrive à faire
pression grâce au poids qu’elle a acquis.
«Internet est un peu le dernier recours de
ces jeunes qui ne peuvent pas s’exprimer
librement ailleurs.» Et d’ajouter : «Cette
nouvelle génération de militants doit
être encouragée et soutenue» car, selon
lui, «les jeunes ont besoin d’un espace
de liberté adéquat avec notre esprit,
notre volonté et notre espérance !» Quant
à Sofiane Limane (lui-même initiateur
d’un groupe militant sur Facebook qui
a d’ailleurs appelé à une marche hier à
Abdelmalek Rahmani
Une rencontre pour des solutions
Une rencontre réunissant des représentants des
différents syndicats (tous secteurs confondus),
des associations, de la Ligue pour la défense
des droits de l’homme, des organisations
estudiantines, des partis politiques ainsi que
des militants autonomes, aura lieu dans les
prochains jours à Alger. Objectif : donner un
nouveau souffle à leurs revendications et trouver
un nouveau mécanisme pour atteindre les
centres de décision. Les architectes de ce rendez-
vous reviendront aussi sur la façon de militer
pour les droits des citoyens afin d’accomplir un
travail de proximité plus efficace.
13h30, place du 1er Mai à Alger-Centre),
il juge qu’«il est temps pour nous, nouvelle
génération algérienne, que nous soyons
enfin pourvus d’un espace de rencontre et
d’échange qui nous permettra de surpasser
El Watan Week-end - Vendredi 14 janvier 2011
El Watan Week-end - Vendredi 14 janvier 2011
les canaux classiques de l’opposition, qui
se trouvent aujourd’hui dans notre si cher
pays, essoufflés par le manque d’efforts
et d’idées neuves, étouffés par la matrice
dirigeante ou même gangrenés par la
corruption». Et de préciser : «La nouvelle
tendance serait d’exporter cette volonté de
changement au-delà des claviers pour se
placer sur la scène politique et participer
à la construction de l’Algérie de demain,
une Algérie différente… Une Algérie
plurielle.» Il insiste sur le fait qu’en plus
de se mobiliser sur le Net, il faut mener
des combats sur le terrain. «Chaque
investissement dégage une rentabilité, et
la nôtre serait d’exporter notre révolte
pacifique sur le terrain concret pour
toucher les centres de décisions.» ■
La LADDH vient en aide aux familles
des prisonniers
La LADDH vient d’entamer des démarches pour
aider et sensibiliser les familles des jeunes
emprisonnés. Elle lance un appel aux autres
familles concernées afin qu’elles se présentent
à la Ligue. Un travail de recherche et de collecte
d’informations a commencé. Des dépassements
graves auraient été commis dans les
commissariats et des certificats médicaux auraient
été falsifiés. L’aide juridique est gratuite. Contact :
021 23 80 86 ou contact@la-laddh.org.
PHOTOS : H. LYES
Des solutions et… de la «désobéissance sociale» !
Plus de 1300 la population la plus vulnérable. Il faut
personnes passées voir émerger une conscience citoyenne».
devant les juges, Il dénonce la pression que subit la société.
dont 900 sont déjà «Le seul moyen de la rendre efficace, c’est
derrière les barreaux : de lui offrir une liberté d’expression»,
le gouvernement la solution serait donc, selon lui, «une
a imaginé que la mobilisation générale». Selon Fayçal,
solution serait de président du comité du quartier de Bab El
punir ces jeunes Oued, il faut «créer de comités de quartier
qu’il considère à travers les wilayas du pays et travailler
comme délinquants. en coordination», ce qui contribuera,
«Complètement selon lui, à «établir un dialogue entre la
absurde», s’indignent population, notamment les
les participants. jeunes et les représentants
Moumène Khelil, du gouvernement. Pour
assure que la solution porter le message de la
aux problèmes de la société serait d’abord société». Selon Sofiane
de rendre des comptes, assurer une Limane, «il faudrait
transparence. «Et en priorité, lever l’état l’union de toute la partie
d’urgence.» Et d’ajouter : «Il faut que les civile : associations,
jeunes émeutiers soient libérés.» Rachid syndicats, partis, avocats,
Malaoui partage son avis, puisqu’il insiste : médecins, journalistes,
«Notre première revendication sera de militants des droits de
demander la libération de ces jeunes et de l’homme, enseignants...
les amnistier. Il faudrait que leur casier autour d’un seul projet
judiciaire soit vierge, un jeune qui a été en de changement, un projet
colère à cause d’une injustice sociale ne clair, daté et concret avec
peut pas être emprisonné, car plus tard, des objectifs qui sont :
il sera délinquant.» Il affirme qu’il serait la levée de l’état d’urgence, l’ouverture
prêt à appeler à une grève générale. De du champ audiovisuel en Algérie et
son côté, Ahmed Khaled assure qu’il faut l’instauration d’un Etat de droit avec une
que les jeunes se rapprochent de la société justice indépendante». Et pour obtenir tout
civile et que donc «l’Etat doit donner plus cela, il prône «la désobéissance sociale !
de prérogatives aux associations afin de Marcher, occuper les rues... pacifiquement
convaincre les jeunes. C’est aussi une pour porter notre cause sur tous les
question d’éducation parentale». Pour supports médiatiques beaucoup de volonté
Abdelmalek Rahmani, «l’autonomie de et plus d’action». ■
la société civile épargnera à l’Algérie ces
crises cycliques. Les jeunes représentent
Après le souci de la sécurité, place
aux droits fondamentaux
L’augmentation des prix de l’huile et
du sucre : telle serait, d’après la version
officielle, la seule raison des émeutes qui
ont ébranlé le pays la semaine dernière ?
Rachid Malaoui évoque d’autres facteurs
plus «profonds». «Le problème ne se
résume pas à la perturbation des prix
des produits de large consommation,
le mal est plus grave. Les syndicalistes
et les représentants de la société civile,
censés revendiquer les droits des citoyens
sont réprimés à la moindre manifestation
(pacifique), pour ceux qui ne se sont pas
faits corrompre par le gouvernement.» Et
d’ajouter : «Les jeunes se sont retrouvés,
donc, seuls, sans encadrement et usant de
la violence comme dernier recours». De
son côté, Fayçal soulève le problème de
«l’absence de dialogue entre les jeunes
et les responsables». Selon lui, «une
certaine frustration les fait sombrer dans la
Rachid Malaoui
délinquance et la vengeance de la manière
la plus violente. Les jeunes constatent que
la loi n’est pas appliquée à tout le monde.
Ils se disent permis de casser une vitrine
et de voler un magasin car, selon leur
En Tunisie, les émeutes sont
«portées par un projet de société»
La Tunisie est, depuis, presque un mois le
théâtre d’une contestation sans précédent
violemment réprimée. Les manifestations
dans ce pays voisin ont commencé après
le suicide d’un jeune suite à la saisie
des marchandises qu’il vendait sur un
marché. D’autres suicides ont suivi ce
triste événement. Depuis, les Tunisiens ne
désertent plus les rues pour dénoncer, entre
autres, le chômage, l’injustice et la cherté de
la vie. Les jeunes manifestants ont, aussitôt,
été rejoints, dans leur rébellion, par le reste
de la société, notamment l’élite. «Nos
émeutes sont aveugles et irréfléchies !,
s’emporte Sofiane
Limane. Les leurs
sont encadrées et
visent un projet de
société bien défini.
Ceci répond au
degré de civisme du
peuple tunisien. Je
ne sous-estime pas,
par-là, le civisme
de notre société,
mais disons que
les contextes sont
différents et aussi
que la motivation
Sofiane Limane fait défaut chez
nous, contrairement à
eux ! Nous sommes jeunes, et nous sommes
prêts à suivre l’exemple. Hélas pour une
grande partie, la représentation de la
société civile repose sur al charia al thawria,
et non pas la compétence et la sagesse !»
Pour expliquer l’absence de la société civile
aux côtés des émeutiers en Algérie, Rachid
Malaoui évoque la stratégie de division du
pouvoir. «Chez nous, la peur du régime et
des lois ont fait des syndicats des syndicats
digestifs. Le gouvernement algérien a
CONTRECHAMP 7
discours, «ceux qui ont volé des milliards
dans des affaires de corruption demeurent
impunis !» Sofiane Limane pense que ces
émeutes ne sont qu’«une énième preuve du
ras-le-bol de la population algérienne et un
signal parmi tant d’autres, qui avertissent
ce pouvoir, briseur de rêves. Il faut chercher
les causes dans l’injustice que vit la société
au quotidien, la corruption qui a gangréné
l’environnement, la marginalisation que
vit la population depuis... toujours !»
Abdelmalek Rahmani reconnaît que «les
luttes intestines» au sein même de la société
civile ont fragilisé sont impact. «Celle-
ci s’est effritée et a perdu la confiance
des jeunes», déplore-t-il. A ce sujet, le
coordinateur national du CNES ne manque
pas de proposer aux différentes associations
et représentants de la société civile de
s’autocritiquer afin d’accomplir leur
mission en mettant de côté leurs ambitions
personnelles.
Abdelmoumène
Khelil, «ce qui se
passe aujourd’hui
en Algérie est le fruit
d’une accumulation
de dix années de
malvie. Au sortir
de la période du
terrorisme, le
citoyen algérien
a pris conscience
de la légitimité de
réclamer ses droits
fondamentaux,
contrairement à la
période précédente
où il se contentait
d’être en sécurité». Par ailleurs, la
question cruciale du chômage «serait à
l’origine de ce marasme que vit la société
algérienne depuis des années», selon
Ahmed Khaled. ■
Fayçal
réussi à diviser les segments de la société
et à miner les militants. Certains ont même
refusé de signer le communiqué que nous
avons rendu public, il y a quelques jours,
portant notre soutien à la contestation
contre les injustices sociales», dénonce
le président du Snapap. Abdelmoumène
Khelil rebondit sur la question de l’opinion
publique en s’interrogeant sur «la raison du
changement de position du peuple algérien
vis-à-vis du mouvement de colère des
jeunes qu’il cautionnait à ses débuts». ■
8 AUJOURD’HUI El Watan Week-end - Vendredi14 janvier 2011

FOUKA Moha, pris en otage

pour un retour au calme
Fouka, localité
marquée par la
pauvreté, le
chômage et le
désoeuvrement, a
été le point de
départ des émeutes
qui ont bouleversé
le pays en ce début
de mois. Si le calme
est revenu dans le
Quartier
Communal, théâtre
d’affrontements
violents avec les
forces de l’ordre
pendant des jours,
les émeutes
menacent de
reprendre très vite,
dès que Moha, un
non-émeutier
arrêté par la police,
sera libéré.

Fouka. Fella Bouredji janvier dernier, qui, pour la première fois déstabiliser notre mouvement de contestation.» annonce que le Président ferait un discours au
fella.bouredji@elwatan.com depuis plus d’une décennie, a réussi à créer un Ces jeunes déterminés et tenaces ont fait JT de 20h. La contestation cesse, tous les
impressionnant effet dominos, de ville en ville. entendre leur voix mais n’ont pas eu gain de regards se tournent alors vers l’écran fade et
«Les mesures du gouvernement sont dérisoires Hausse des prix de l’huile et du sucre, mal-vie, cause, et pourtant ils ont cessé leur mouvement inanimé de l’ENTV. Non, pas de Boutef au JT
et ne règlent pas nos problèmes. On s’est chômage, crise du logement, manque de de contestation. Pourquoi s’arrêter en si bon ni de Ouyahia d’ailleurs. Scandalisés par ce
calmés, mais je vous promets que ça va perspectives, rupture avec les dirigeants… la chemin ? Mercredi 5, une heure du matin, qu’ils interprètent comme du mépris, les jeunes
reprendre très vite et de plus belle», annonce liste est longue. Mais comment les émeutes de Moha, 27 ans, s’est réfugié dans la R4 de son réinvestissent la rue. Puis, la rumeur folle, entre
brutalement Hakim, 25 ans, émeutier du Haï Ali Amar se sont précisément déclenchées ? frère à l’entrée de la maison pour parler au deux jets de pierres : «Moha serait torturé si on
Quartier Communal de Fouka. Lundi, en début Hakim, reprend son souffle et raconte : «Ce téléphone, à sa fiancée. Une impasse parallèle à n’arrête pas l’émeute», explique Hadji, 23 ans.
d’après-midi, le calme s’est réinstallé dans sont les vieux du quartier qui nous ont poussés la route bloquée par les révoltés du quartier Haï Ils poursuivent leur démonstration de colère
cette localité de la région de Tipasa, au point à nous révolter mais sans faire de mal à Ali Amar. Les jeunes continuaient à jouer avec jusqu’à 1h du matin et décident que ce sera la
précis du premier embrasement de colère qui a quiconque. Il était juste question de faire les nerfs des flics qu’ils semaient à chaque fois dernière, jusqu’à la libération de Moha. Hadji
contaminé les autres villes du entendre nos voix. On s’est qu’une tentative de les arrêter était entreprise, promet d’ailleurs : «Quand Moha sera libéré,
pays. Un calme trompeur. Si organisés, on a cotisé - chacun a pendant que Moha, résigné, en marge, refaisait on reprendra nos émeutes et tous ces flics qui
les émeutes qui ont débuté le vidé ce qu’il avait dans la poche probablement le monde grâce aux échos de n’ont pas hésité à tirer sur les tuyaux de gaz
lundi 3 janvier se sont - pour payer le transporteur voix de sa bien-aimée. Samir raconte : «Un pour mettre le feu verront.»
atténuées le vendredi 7, la Rien n’est réglé d’un container, puis on s’est groupe de cinq jeunes a emprunté l’impasse
menace continue de planer servis chez le vulcanisateur pour pour prendre la fuite. Ils ont réussi, les flics UN STADE POUR 600 MILLIONS DE
dans le coin. Capuche sur la mais le calme les pneus avec lesquels on a sont tombés sur Moha.» Un voisin a assisté à la CENTIMES
tête, veste en cuir recouvrant bloqué la route. Et tout le monde scène mais n’a pas osé sortir le secourir, de peur Il reprend son souffle et se corrige : «Non, ce
un survêtement défraîchi, est revenu à nous a rejoints pour scander nos d’être, lui aussi, embarqué : «Ils l’ont battu et n’est pas vrai, on ne leur en veut même pas. Ce
Hakim n’est pas près d’en
dire plus pour l’instant. Sa
Fouka depuis slogans contre Ouyahia, lihabbel
ezawalya (qui a rendu fou les
entraîné jusqu’à la route principale.» La sœur
de Moha, le regard plein de larmes qu’elle
sont des zawalya (pauvres) comme nous et on
le leur a dit ! Cela dit, un des officiers paiera
véhémence l’empêche d’avoir quelques jours. pauvres)». A première vue, retient avec fierté, poursuit : «Il ne faisait pas quand même, un d’entre eux qui n’est pas
un discours récapitulatif clair Hakim peut paraître désoeuvré partie des émeutiers, quand on est sortis pour comme les autres.» Qui est cet officier ? Hakim
ou quelques projections Ce calme ne et aveuglé par la colère, mais le chercher, on a retrouvé la porte de la voiture répond avec une colère qui redouble
précises sur la situation. Il plus il confie ses impressions, ouverte, ses deux téléphones sur le siège et son d’intensité : «Il est là depuis cinq ans, et il fait
faudra attendre. Difficile de tient qu’à un fil. plus son discours gagne en bonnet jeté par terre un peu plus loin. Ça fait sa loi dans le quartier, il ne paye rien et nous
reprendre son souffle après sagesse et clairvoyance. «Les déjà une semaine et on refuse de nous laisser le méprise tous. Au premier soir des émeutes, il
des soirées entières à crier sa révolte, à coups jeunes du quartier sont des gens bien et ils ne voir au commissariat. Nous sommes morts est venu négocier notre silence avec le maire,
de jets de pierre contre la police et de pneus veulent de mal à personne, mais l’injustice d’inquiétude.» Le père de Moha aura finalement et comme nous avons été intraitables, on a eu
brûlés pour bloquer la route. Au Quartier nous pousse à bout. L’émeute est le seul moyen réussi à le voir hier :«Il a effetivement été droit à des insultes inaudibles, inacceptables.
Communal, Haï Ali Amar, dit «Château», les d’exprimer notre révolte.» Un de ses amis battu», confirmait-il au téléphone. Etant donné qu’il n’y a pas de justice pour
émeutes ont été propres et n’ont ciblé aucun prend la relève : «On a de l’eau une fois tous nous défendre, nous nous défendrons seuls.»
bien privé. «Notre ennemi, c’est l’Etat, les cinq jours. En été, c’est une fois par mois, BOUTEF ATTENDU SUR L’ENTV Dans ce quartier, exemple représentatif de
explique Farouk, habitant du quartier. On s’est pas de boulot. Pas de mariage. On s’entasse Ses larmes tombent, mais Safia, 29 ans, précise plusieurs autres, oubliés par les politiques, le
donc limités à brûler les bus de Ouyahia (de dans nos appartements et en plus il faut quand même : «C’est nous qui avons imploré pain est introuvable depuis des jours, le lait
l’Office national des œuvres universitaires, supporter que le maire vienne nous narguer les jeunes du quartier de cesser les émeutes, n’est disponible qu’en petite quantité, l’huile
ndlr) pour l’exprimer. Les gens n’ont pas été avec son indifférence ?!», raconte Imad, avec parce que certains contacts nous ont confirmé et le sucre ne sont plus sur la liste des achats.
agressés et les biens privés ont été sauvegardés, un sourire qui mêle subtilement ironie et que Moha était maltraité et que ça risquait Les routes sont mal goudronnées, et des
on n’est pas des vandales.» Le phénomène des tristesse. d’empirer si les émeutes ne prenaient pas fin.» ordures jonchent le sol à chaque encablure.
émeutes n’est pas nouveau, notamment dans Hakim confirme : «Nous avons cessé notre «Une absence totale de l’Etat, réplique Ali, la
cette même région où, en 2006, de violents 100 000 DA POUR NOUS DÉSTABILISER mouvement vendredi dès qu’on a su qu’on lui trentaine. Juste avant les émeutes, on a appris
affrontements ont eu lieu pour des histoires de Les langues se délient et les détresses se font faisait subir des supplices. On s’est dit qu’il que le stade du quartier a été refait pour 600
logements mal attribués. Diar Echems (Alger), écho. Ali baisse la capuche de Hakim pour fallait qu’ils le relâchent. Une fois fait, on leur millions de centimes. Vous vous imaginez,
devenu l’emblème de la protestation violente montrer sa blessure à la tête. Il donne en montrera de quel bois se chauffent les jeunes quatre projecteurs et un grillage pour cette
sur le logement, mais aussi dans plusieurs spectacle ses mains écorchées par les jets de de Fouka !» Vendredi a justement été une somme ! On est livrés à nous-mêmes, au
autres régions du pays où le ras-le-bol citoyen pierres puis explique : «Vous croyez que ça journée décisive dans le quartier. Après l’appel chômage, et ils nous prennent pour des débiles.
mène souvent à l’émeute. nous fait plaisir d’en arriver là ? Ils peuvent de la prière, les jeunes ont décidé de reprendre Comment ne pas se soulever ?» Rien n’est
continuer à nous faire passer pour des casseurs, leur contestation. Encore une fois, des pneus réglé mais le calme est revenu à Fouka depuis
DES ÉMEUTES PAYANTES mais nous, nous avons bien compris ce qu’il se brûlés pour bloquer les routes et des slogans quelques jours. Ce calme ne tient qu’à un fil,
Mais ces émeutes qui apparaissaient jusque-là passe. A Koléa, quelqu’un que je connais a pour fustiger Ouyahia, qu’ils ont choisi comme que ces jeunes couperont certainement lorsque
de façon sporadique ont pris une autre tournure perçu la somme de 100 000 DA pour organiser fort symbole de l’Etat à abattre. Après deux Moha sera libéré. ■
depuis l’explosion de colère à Fouka le 3 la casse et les agressions qui visent à heures d’affrontements désespérés, une rumeur
El Watan Week-end - Vendredi 14 janvier 2011
L’incroyable saga d’un baron de l’informel
Après les émeutes et les «solutions» du
gouvernement, qui sort gagnant de ce bras
de fer ? L'informel, selon plusieurs experts qui
pointent la puissance de ses réseaux. «El Hadj»,
56 ans, l'un des plus grands barons de l'informel
algérien, se dévoile et met à nu un gigantesque
engrenage mafieux. El Watan Week-end l'a
rencontré. Il nous livre en brut ses explosives
confessions.
Zouheir Aït Mouhoub
zaitmouhoub@elwatan.com
Mon âge, peu importe, je le compte
en jours, non pas en années, car les
jours pour moi ont une signification
importante. A chaque jour son virage
et pour d’autres, leurs tourments.
Mon enfance ne m’évoque pas de
souvenirs, à part celui de mon
village. Je suis natif de Ferdjioua.
Ma jeunesse, en revanche, est pleine
d’aventures. A chaque jour, une
rencontre. Et à chaque rencontre,
une péripétie nouvelle. Peu avant les
événements d’Octobre 88, je
marchandais, rue de Chartres à la
Basse-Casbah. Comme chaque
matin, j’étalais ma marchandise, je
saluais mes voisins et je hélais les
clients : «Six serviettes à 1 DA !» Ce
n’était pas chose facile, affronter ces
regards, ces dames distinguées et ces
vieux délicats. En 1989, j’ai été
contacté par un officier de la Sécurité
militaire qui se présenta alors comme
émigré. Il me proposa une nouvelle
activité, le change de devises, et de
laisser tomber mon étal à la Basse-
Casbah. Un business juteux puisque
cela me permettait de gagner 1000
DA par jour. Une fortune inespérée
pour moi qui gagnais à peine 200
DA la journée, somme insuffisante
pour subvenir aux besoins de ma
petite famille. La place de l’Opéra
(square Port Saïd) devint mon
nouveau territoire, la place financière
la plus forte de toute l’Algérie, juste
à côté du Palais de justice d’Alger.
Le choix de la place n’était pas
fortuit : c’est le carrefour entre la
sortie de la gare routière, la gare des
taxis et, le plus important, la sortie
du quai des voyageurs du port
d’Alger.
2 MILLIONS EN URGENCE
Je me suis installé au café mitoyen
de l’hôtel Terminus, pas loin de la
rue de la Liberté. Drôle ! Ou étrange.
Une symbolique qui fera de cette
place le signe du commerce informel
où tout s’échange, se négocie, où
tous les coups bas sont permis aussi.
L’affaire devint florissante. Mon
carnet d’adresses était rempli de
clients potentiels, avec qui les
rencontres étaient programmées à
l’avance. Mon parrain venait en fin
de semaine récupérer ses dividendes.
Avant de disparaître. Un ami m’a
alors prévenu : «Fais attention, c’est
un agent !» Je décida de reprendre
seul l’affaire, en recrutant autour de
moi. J’ai rendu visite à mes anciens
amis du marché de la rue de Chartres
et je leur ai proposé l’affaire. Un soir
maussade, mon parrain refit
surface et me déclara : «Il faut
arrêter de vendre les devises !» Sans
la moindre explication. «Mon
supérieur a besoin de deux millions
de francs en urgence», m’a-t-il
ensuite ordonné. Je me suis tout de
suite exécuté. Une semaine après,
j’ai remis le sac des «Pascals» à
l’agent qui me proposa de partir à
Marseille dans la semaine. Visa en
poche, j’embarquai sur un vol Alger-
Marseille d’Air France. A mon
arrivée, une personne m’approcha et
me demanda de le suivre. Il
m’expliqua que je devais prendre
attache avec des grossistes et
envoyer la marchandise en Algérie.
Il prit le soin de m’indiquer la liste et
les adresses de commerçants.
UN TERRAIN EN CADEAU
J’ai pris la commande, quarante
conteneurs de café. Mon contact me
ramena un sac d’argent : «Tu payes
avec ça, le compte est bon.» A mon
retour à Alger, j’ai rendu visite à mes
employés au square Port-Saïd et j’ai
fait les calculs de mon business. La
récolte était bonne : dix millions de
francs français. Je n’ai plus revu
mon premier contact. Un autre a pris
le relais, Daoud. J’ai appris
plus tard que Daoud était
commandant dans l’armée. Je
recevais les ordres et
j’appliquais à la lettre ses
instructions. En guise de
remerciement, un lot de
terrain à Kouba m’a été offert.
Malgré tout, je n’étais pas
tranquille. Mais je devais
continuer, je ne pouvais plus
faire marche arrière. J’ai
multiplié les déplacements à
Marseille, d’autres agents
prenaient attache avec moi.
Ce n’était en vérité que des
intermédiaires de généraux
que j’allais rencontrer plus
tard. J’importais mes premiers
conteneurs de café et de
légumes secs sans déranger le
business des généraux. Eux, à
coup de milliards, déversaient
des tonnes de sucre, de blé, de
bois au port d’Alger. Je me
suis aperçu qu’à Marseille je
n’étais pas le seul à faire ce
«travail» pour le compte des hauts
gradés. Je voulais voler de mes
propres ailes. Alors avec des
associés, nous avons recruté des
proches et nous les avons placés à
des postes sensibles, dans la justice,
la police, les douanes, les ministères
et au sein même de l’armée. Les
généraux pour lesquels nous sous-
traitions n’ont affiché aucun refus et
se sont mis à les installer dans leur
nouveau poste.
IMPOSSIBLE DE RECULER
Ils étaient trop occupés pour se
rendre compte de ce que nous
complotions. Les opérations
d’importation continuaient et nous
nous occupions de l’écoulement des
marchandises dans le marché. Pour
cela, on avait mis en place un vrai
circuit de distribution. Les marchés
de Tadjenent, El Eulma, El Hamiz,
Barika et Semar recevaient des
marchandises importées du monde
entier. Nous les gérions par la
manière forte et personne ne pouvait
nous concurrencer. Nous bénéficions
des largesses du pouvoir et nous,
nous nous servions comme nous
voulions en lots de terrain et en
appartements. Et pour couronner le
tout, des permis de port d’arme nous
ont été délivrés par la police,
terrorisme oblige, mais aussi pour
les affaires. Au square Port Saïd,
nous recrutions des jeunes de nos
patelins. Nous montions en grade et
nos noms étaient sur toutes les
lèvres. Des hommes politiques de
toutes les obédiences et même des
hauts responsables de l’Etat
s’ajoutaient à notre cercle de
connaissances. Nous déléguions
leurs transactions à des personnes
tiers. Pour protéger nos clients et
garantir leur anonymat, nous avons
établi des registres de commerce
sous de faux noms, de fausses
adresses, au nom de personnes
décédées ou qui souffrent de troubles
mentaux ! Je sais, je sais, nous avons
trahi le peuple. Mais nous ne
pouvions pas reculer, le coup est
parti. Un jour, je rendis visite à un
général qui n’est plus de ce monde
aujourd’hui. Ce jour de brume, il me
parla politique, d’un général pour
lequel les affaires semblaient ne plus
marcher, d’une bourde qu’il aurait
commise, d’un président mou et
gênant. Des intrigues, encore des
intrigues. Je ne comprenais pas son
discours, ni ses confessions ni
d’ailleurs la raison qui l’a poussé à
me parler de cela. J’appris plus tard,
en Suisse, que Liamine Zeroual
PHOTO D. R.
avait démissionné. Un agent de
l’ambassade est venu me voir et me
demanda de procéder comme prévu
au versement. Une berline grise fut
mise à ma disposition. J’ai été
hébergé chez un ami importateur qui
venait d’acquérir un hôtel à Genève.
Je suis resté quatre mois dans sa
maison, où confort et luxe
s’entremêlaient.
CEVITAL ET KHALIFA
J’ai eu droit à un massage thaïlandais,
des sensations auxquelles mon corps
et mon esprit n’avaient jamais goûté.
Maintien ou limogeage du président,
cela ne m’évoquait plus rien. Mais
devant l’insistance de mon ami, je
compris l’enjeu, moi qui n’étais pas
politisé. «As-tu entendu parler de
Bouteflika ?» me demande le haut
gradé. «Non», ai-je répondu tout de
suite. «Si le vent le ramène par là, je
te le présenterai», me dit-il. Cela ne
s’est jamais passé. De retour à Alger,
j’ai rendu visite à ma mère, très
malade. Grâce à mes connaissances,
elle a été hospitalisée à l’hôpital
militaire de Aïn Naâdja. Mes enfants
avaient grandi, ils avaient quitté
l’école et je leur ai confié la gestion
des stocks et la vente directe aux
AUJOURD’HUI 9
grossistes. Ils ont pris la température
et ont compris que leur père n’était
qu’un grand baron du change de
devises et de l’importation. De quoi
leur donner fierté et orgueil. Mais
au fond, j’étais toujours morose. J’ai
accompli le hadj avec un général de
l’armée. Depuis, je m’appelle «El
Hadj». C’était à l’époque la mode,
tout le monde avait pour nom «El
Hadj». Se faire appeler ainsi était
devenu une protection et assure
l’anonymat. Dans les salons, on ne
parlait que de Bouteflika, futur
président. Il nous a été présenté
comme le messie. «Ne craignez rien,
vos affaires sont à l’abri», nous
rassurait-on. Justement, on parlait
beaucoup de business en haut lieu.
Des groupes industriels et financiers
émergeaient et prenaient de
l’ampleur : Blanky, Cevital et
Khalifa étaient considérés pour nous
comme une menace. Ce qui s’est
confirmé par la suite.
«AMIS» PROTECTEURS
Certains ont commencé à parler
investissement et cela nous a
beaucoup dérangés ! Nous avons
décidé alors d’agir et de surveiller
toutes les transactions aux ports et
d’identifier leurs fournisseurs à
l’étranger. Entre-temps, nous avons
inondé le marché de marchandises à
bas prix. Pas de place pour les intrus.
Nous avons fait de Dubaï notre
nouvel Eldorado. En France, le
jeu était devenu trop dangereux
et de nouveaux acteurs arrivèrent.
On parlait de gros investissements
français en Algérie et nos «amis»
généraux se tournaient leurs
pourvoyeurs. Khalifa est ensuite
devenu le copain des hauts
responsables de l’Etat. Quelque
chose se tramait alors que nos
contacts commençaient à nous
lâcher. Nous l’avons vécu
comme une trahison, un drame.
L’entourage du président avait
fermé le jeu. Mais nous avons
vite réagi. Une crise alimentaire
se profilait alors à l’horizon,
l’arrêt de l’importation en masse
des produits de première
nécessité allait provoquer une
crise, surtout à la veille du
Ramadhan. Nous avons relancé
nos circuits et l’équation du jeu
du pouvoir ne pouvait plus se
faire sans notre consentement.
Khalifa a été notre premier
objectif. Grâce à nos contacts, nous
avons réussi à prendre attache avec
l’entourage du président et ses
conseillers les plus proches. Khalifa,
suite au lobbying d’un conseiller à la
Présidence ainsi que d’un haut
responsable militaire, ouvrit la ligne
Alger-Dubaï.
DUBAÏ BUSINESS
Une nouvelle aubaine, le
transfert d’argent vers
l’étranger allait enfin
reprendre, les milliards que
nous avions engrangés Pour en savoir
pouvaient enfin circuler
ailleurs. Le vol inaugural
avait connu un engouement
particulier. Sur la liste des
voyageurs, il y avait des
noms, bien connus, qui sont
devenus nos amis. Les
réseaux ainsi tissés, le
business reprenait de plus
belle. Nous avons alors
effectué des placements
dans des banques et avons
procédé à l’achat de biens
immobiliers. Nous avions
tous des téléphones
cellulaires ATM. Nous
avons consolidé les marchés
sous notre houlette. L’Algérie ne
manquait de rien. Nos informateurs,
placés un peu partout dans
l’administration, nous ont appris que
de nouvelles têtes émergeaient dans
le business. Il ne s’agissait en fait
que des conseillers du président, des
chefs et des décideurs politiques.
L’essence de leur politique :
«L’argent est le pouvoir». Nous
avons alors participé à leur
financement, le RND, le FLN et le
MSP. Ces derniers étaient les plus
loyaux, leur business passait par
nous. Les politiques étaient là pour
nous défendre. Et même si le
gouvernement tentait de promulguer
des lois à l’encontre de nos intérêts,
ça bloquait, grâce à nos amis, qui
étaient en contrepartie
généreusement remerciés.
«UN SALE JEU»
Mais l’entourage du Président,
ambigu et barricadé, était difficile
d’accès. Heureusement que nos amis
militaires étaient là pour nous aider.
Entre-temps, Abdelmoumen Khalifa
prenait de l’ampleur et dérangeait :
on le vit à la télévision en compagnie
du Président. Du jamais vu ! Pendant
ce temps, la Kabylie était en feu
(événements de 2001), nos amis
militaires étaient préoccupés par la
situation et ne donnaient aucun
signe. Après la Kabylie, il «fallait en
finir avec la bête». L’affaire Khalifa
a alors éclaté. Nous avons appris que
Khalifa s’était trop éloigné des deux
clans au pouvoir et avait échappé à
leur contrôle. Il fallait des boucs
émissaires et la justice s’en est
occupée. C’était le début de la guerre
des clans. Mais pour nous, les
affaires reprenaient dans l’ombre.
Nous tenions toujours debout, car,
au pouvoir, ils ont tous compris que
sans nos services le trafic et les
affaires n’auraient pas lieu. Au
square Port-Saïd, des nouveaux
clients apparaissaient, des
investisseurs étrangers pour la
plupart (tunisiens, syriens, égyptiens,
libanais...), tous liés à Djezzy, pour
acheter des euros. De très hauts
cadres de l’Etat continuaient à nous
solliciter pour le transfert
d’importantes sommes d’argent…
Mais le jeu est devenu de plus en
plus sale. Dangereux. J’ai alors
décidé de me montrer plus discret et
j’ai accompli un autre hadj. Je
voulais être loin. Maintenant, la
location de mes biens immobiliers
me suffit. Mes enfants ont pris le
relais, mais ils ont été rattrapés par
d’autres gens, beaucoup plus féroces.
Ils font à leur tour ce que leur père
n’aurait jamais dû faire : le business
de l’argent sale ! Le jour où vous ne
verrez plus de «cambistes» au square
Port-Saïd, on pourra alors dire que
l’Algérie a changé ! ■
L’enquête publiée le 2
avril 2010 par El Watan
Week-end
«Blanchiment d’argent :
Dubaï Connection au
square Port-Saïd».
10 GÉO El Watan Week-end - Vendredi 14 janvier 2011 El Watan Week-end - Vendredi 14 janvier 2011 GÉO 11
On a réussi à leur parler en ligne
Ils sont injoignables au Amel : «Les pays arabes ont peur que leurs peuples suivent Fatima : «Honte à la France» Rad : «Les jeunes n’acceptent plus Ben Ali» Heni Hnana : «Les dégâts économiques feront bouger
Honte à la France, pays des droits de l’homme, qui, au lieu
téléphone, n’ont parfois plus notre exemple» de dénoncer les comportements de ce régime assassin,
La situation est frustrante, on ne comprend plus rien, les manifestants pacifiques sont
toujours tabassés, les casseurs inconnus ne le sont jamais. On nous dit qu’il y a un
les choses»
Les émeutes, selon moi, sont un passage obligé pour, enfin, décrocher notre C’est le ras-le-bol général, la révolution est un vase que l’injustice fait déborder.
de mail, ils mais arrivent liberté. J’ai peur, mais en même temps, je suis soulagée. On comptait propose de l’aider à assurer la sécurité aussi bien de la couvre-feu, mais en réalité, il y a un ouvre-feu. Les sources des médias qui en parlent Chacun milite a sa façon (rue, Facebook, blog, journal...) pour une raison qui lui est
encore à déjouer la censure essentiellement sur le soutien de la France, mais on entend qu’elle ne veut pas Tunisie que des manifestants. Si ce n’est pas de sont les internautes, la censure n’existe pas qu’en Tunisie. Peut-être que les propre. Les Tunisiens sont victimes d’injustices quotidiennes. Aujourd’hui le peuple
intervenir dans la politique interne du pays et qu’elle reste «vigilante», l’ingérence, alors c’est quoi ? Actuellement, la Tunisie est manifestations en Tunisie ne sont pas considérées comme dangereuses parce qu’il n’y a a eu le courage de sortir dans la rue, parce qu’il n’en peut plus. Notre seul problème
internet. Paroles de comme l’a dit François Fillon. On a compris qu’il y a des intérêts communs signataire de nombreuses conventions internationales pas d’islamistes ? Je m’inquiète pour la Tunisie. A chaque fois que l’on se dit que c’est la aujourd’hui, c’est que les revendications ne sont pas organisées et qu’il n y’a pas de
Tunisiens en colère. entre la puissance tunisienne et les hommes politiques français. En ce qui concernant le respect des droits de l’homme et des fin, le gouvernement prend des décisions qui nous frustrent, l’armée s’installe puis se leaders dans l’opposition ! Personne pour fédérer, personne pour guider, personne !
concerne les pays arabes, on ne veut rien d’eux, qu’ils s’occupent de leurs libertés individuelles. C’est le rôle de la communauté retire. Les jeunes n’acceptent plus Ben Ali comme président et ils sont prêts à tout pour Certains noms circulent sur d’éventuels successeurs, mais ils sont pour la plupart à
problèmes internes d’abord, et puis ils ne feront rien, car ils ont peur que leurs internationale, entre autres, et surtout de la France, vu cela. Ils sont blessés et arrêtés partout, les flics nous traitent comme des animaux, lors l’étranger : Moncef Marzouki, Chebbi, Tarek Mekki... Il faut traduire la belle famille
Lire l’ intégralité des réactions peuples suivent notre révolution. J’espère que ce régime tombera. Que les l’histoire commune des deux pays et les accords des manifs. Il faut que Ben Ali parte. de Ben Ali en justice. La Tunisie meurt. Nina Sellés et Mehdia Belkadi
sur www. elwatan.com voleurs seront présentés devant les tribunaux. Qu’ils soient jugés et punis. économiques actuels, de lui rappeler ces engagements.

ils ont déclaré Tunisie Tunis

HILLARY
CLINTON
(secrétaire
Les Tunisiens veulent Le discours télévisé du président Ben Ali, hier soir,
promettant notamment l’ouverture du champ
politique et médiatique et la fin du «mandat à vie»,
suffira-t-il à effacer un bilan de 67 victimes civiles
Plus de cinquante morts
depuis le début
des violences
Situation mercredi
à 19h00 GMT
Couvre-feu nocturne dans la capitale et sa banlieue

Affrontements police-
manifestants
TUNIS
Carthage

Ben Arous
et la féroce répression ? Mais la rue tunisienne, TUNIS
d’Etat, Etats- l’élite et les politiques semblent plus que jamais Aéroport

Ben Ali

Méditerranée
Campus
Unis) Kairouan Cités Ettadhamen,
Intilaka, El Mnihla universitaire
«Nous sommes décidés à en finir avec l’occupant du palais de Thala Chebba
inquiets quant Jbéniana
Carthage. Kasserine
Radio-
télévision
aux troubles et à Quartier
l’instabilité qui touchent la Tunisie. Mehdia Belkadi Gafsa Sfax La Fayette
Lac
Nous ne prenons pas partie, mais nous weekend@elwatan.com Métlaoui de Tunis
espérons qu’il y aura une solution Av. Habib Bourguiba
Douz
pacifique. Tunis doit se concentrer sur
la création d’emplois pour les jeunes.» JAMEL MSELEM. Militant tunisien des droits de l’homme Cité Ezzouhour
Ambassade
de France
Ministère de l’Intérieur
Affrontements

MAJA KOCIJANCIK (porte- L’appel des hôpitaux à cesser les tirs à balles réelles pendant la nuit de mercredi à jeudi dans le
Grand Tunis. ALGÉRIE
parole de la diplomatie, UE)
«Nous appelons à la retenue dans le
recours à la force et au
témoigne de la violence des manifestations ● Quel est le rôle de l’armée ? Sa 100 km
LIBYE
2 km
Sebkhet el Sijouni

respect des libertés ● Pouvez-vous faire le point sur le de certaines manifestations. Cependant, toutes les parties de la société tunisienne présence semble plus tolérée par les
fondamentales. Nous climat qui règne en cette soirée de le récent recours au pillage et à la sont représentées. Quelle que soit Tunisiens que celle de la police,
appelons en jeudi ? destruction des biens publics reste l’issue de cette contestation, départ de pourquoi ?
particulier à la Les manifestations continuent incompréhensible. Certains attribuent Ben Ali ou pas, on veut le changement Il paraît que pour beaucoup de Tunisiens,
libération immédiate d’avoir lieu dans la majorité des villes ces actions à des cagoulés proches du l’armée symboliserait le salut du chaos que Jeudi 13 à 20h30, le nombre de morts
des bloggeurs, tunisiennes. Beaucoup d’entre elles pouvoir ou appartenant aux forces de ● Croyez-vous que même si Ben vit le pays. Seule l’armée aurait ce pouvoir.
journalistes, avocats mènent à des affrontements avec la l’ordre. Ali ne quitte pas le pouvoir, les choses
et autres personnes police et plusieurs morts et blessés sont ne seront plus pareilles ? ● En tant que militant des droits de
détenues, qui à déplorer. Toutefois, des manifestations ● Jusqu’où peut aller ce Absolument ! Le changement a déjà l’homme, quelle est votre réaction par
manifestaient mouvement encore ? eu lieu. Après un demi-siècle de peur rapport à la position de la France, «pays
grandioses et pacifiques où toutes les
pacifiquement en Tunisie.» composantes de la société civile sont Difficile de le dire. Si les choses intériorisée, le Tunisien aujourd’hui des droits de l’homme» ?
représentées se déroulent également. Je continuent dans le même sens, cela n’a plus peur, il ose sortir dans la rue et La réaction de la France a été tardive et
JEAN-MARC citerai en exemple celle de Sfax peut mener à un carnage qui s’exprimer. J’espère que les violences, les propos de la ministre des Affaires
AYRAULT mercredi, encadrée par les syndicats et chambardera toutes les structures de les tirs à balles réelles et les pillages étrangères nous ont étonnés. Les liens
qui a compté 40 000 participants, ou l’Etat. Ce que nous espérons, nous cesseront, afin de concrétiser ce qu’entretient la France avec le régime Ben
(France, PS) Ali ne sont un secret pour personne, mais Selon le gouvernement
«Je crois que celle d’hier à Sousse, qui a duré deux Tunisiens, c’est que les 70 (voire plus) changement. On attend les prochaines Selon la Fédération
heures et s’est déroulée dans le calme. victimes de ce mouvement puissent mesures du pouvoir qui pourraient, face au grand nombre de morts et de internationale des ligues tunisien
c’est inévitable.
nous apporter un réel changement, le cette fois-ci, mettre fin aux violences. blessés, la situation relève de l’humanitaire,
Il faut que le Les principaux affrontements ont lieu
nous attendons des positions fermes et des droits de l’homme.
président Ben dans les banlieues de Tunis. L’appel vrai, mais aussi le travail, la liberté et la L’armée pourrait éventuellement
Ali parte, mais des hôpitaux, débordés, à cesser les tirs dignité. Qu’on mette fin à la corruption maîtriser un peu plus la situation, mais réelles, notamment celle de l’Algérie, le
dans le cadre à balles réelles témoigne de la violence qui ronge le pays Nous voulons une pour l’instant, elle observe seulement pays le plus proche.
d’une solution vraie vie politique et démocratique, où et n’agit pas, mis à part son déploiement Lire aussi le témoignage d’Ismaël, 29 ans, vidéaste et
démocratique. Parce que si c’est pour écrivain : «Le peuple tunisien s’est levé pour prendre
mettre en place une solution encore sa liberté»
plus dure, encore plus autoritaire, ce sur www. elwatan.com
serait une catastrophe. La voix de la
France devrait être une parole claire ZIED EL-HENI. Membre de la direction du syndicat tunisien des journalistes
et aujourd’hui elle est totalement
embarrassée, comme s’il fallait que ça
s’arrange avec le président Ben Ali et
Répondre à la violence sauvage par du jasmin TAOUFIK BEN BRIK. Journaliste et opposant tunisien
le régime qui est le sien.» Avec toute ta force, toute ta volonté et toute ton tion en Tunisie, ce n’est pas seulement quelques
FRANCO FRATTINI (ministre
authenticité, et malgré ta blessure béante, tu as
refusé qu’on résume ta tragédie et ta colère dans
mesures superficielles ! Il faut redonner confian-
ce aux Tunisiens dans les institutions de l’Etat. Il
L’après-Ben Ali ? On y est !
des Affaires étrangères, ton droit au logement et au pain… Tu as lancé un faut un changement radical dans le système poli- ● Le mouvement perdure et ga- est parti pour ne pas s’éteindre, il savons pas exactement où il nous
Italie) cri qui a fait le tour du monde : on n’humilie pas tique du pays qui rende à l’Etat sa stature, à la loi gne en intensité malgré la répres- s’agit d’une révolution. Le président emmènera. Et koul chay mabrouk.
«Nous devons le peuple, et sa dignité passe avant le pain ! Que sa sacralité et au citoyen son respect. Et en finir sion. Jusqu’où peut-il aller ? Le peut faire une énième apparition télé-
condamner, sans si et tu es grand peuple de Tunisie ! Ils ont cru que tu ainsi avec la corruption et les corrompus.
étais lâche et passif devant l’humiliation. Mais tu Pour ce, il faudrait que les manifestations pacifi- pouvoir est-il réellement menacé ? visée, son départ est inévitable. ● Le parti démocrate a parlé
sans mais, toute forme On assiste à un cataclysme sans d’un éventuel gouvernement du sa-
de violence contre des riais de leurs certitudes. Tu es un peuple superbe- ques se poursuivent. Face au pouvoir qui montre
civils innocents, mais ment patient. Et aujourd’hui, tu leur montres que des «casseurs criminels», qui tire à pareil en Tunisie. Malgré le couvre- ● Est-ce que la question de lut comme issue à la crise, qu’en
nous devons aussi la lâcheté n’est pas de ton tempérament et que balles réelles, et alors que se pour- feu mis en place, hier, dans la capita- l’après-Ben Ali se pose ? pensez-vous ?
soutenir un même la patience a des limites et un rempart qui suivent les cortèges des mar- le, des manifestations énormes conti- L’Occident s’obstine à poser cette Il faudra peut-être créer une
gouvernement, tel que le s’appelle «Dignité». Leur erreur fatale est qu’ils tyrs, nous devons répondre nuent d’avoir lieu à Tunis. question totalement inappropriée. On convention nationale, mais à l’heure
gouvernement tunisien, t’ont minoré et qu’ils t’ont spolié. Ils pensaient à la violence sauvage par Aujourd’hui, personne ne peut arrê- veut une Tunisie docile. Or, les Tuni- actuelle, le peuple n’entend les décla-
qui a payé un prix sanglant pour le qu’ils pouvaient t’agenouiller en usant de la ter- du jasmin. Du jasmin pour
terrorisme. Nous sommes toujours du reur. Mais leur rêve a été brisé et ton cri a fait les enfants du peuple qui ter ce mouvement. Le président Ben siens, eux, veulent d’abord sortir de rations d’aucune partie, il s’exprime
côté de ceux qui luttent contre le trembler les palais des corrompus et leurs trônes ont été chargés de nous ré- Ali avait les moyens auparavant de ce cauchemar qui dure depuis vingt- et c’est lui que nous devons écouter.
terrorisme.» vides. primer. Parce que ces poli- négocier avec quelques individus de trois ans. Ce qui se passera après, on
Où sont les institutions de l’Etat ? Où est la loi ? ciers sont aussi nos en- la société civile. Désormais, la rue verra ! Je crois en cette jeunesse, en ● Comment jugez-vous la réac-
FRANCOIS Où est la Constitution du pays ? Où sont le Parle- fants. La dignité des campe sur des positions non négocia- ces hommes et ces femmes qui ont tion de la communauté internatio-
FILLON. ment et ses députés censés représenter le peu- Tunisiens est indivisible, et bles et n’a plus qu’une seule revendi- décidé de défier un tyran qu’on nale et de la France en particulier ?

INFOGRAPHIE : EL WATAN WEEK-END

(Premier ple ? Où est la justice indépendante ? Où sont la
ministre, République et tous les droits arrachés grâce aux
sacrifices des Tunisiens ? Tout cela n’est que
France) mots dont la valeur est moindre que l’encre avec
ont tous le même rêve. Aucu- cation : «Vingt-trois ans, basta ! Ben croyait invincible. L’après-Ben Ali ? Cette réaction timide était prévisi-
ne puissance sur Terre ne
pourra s’opposer à Ali berra !» Ce sont des villes entiè- On y est déjà ! Pour une fois qu’un ble. On souhaite voir en la Tunisie un
leur désir de di- res qui sortent dans les rues, et ce, peuple se réveille et de cette façon-là, partenaire docile. La France, en par-
ILLUSTRATION : SAAD

«Je m’alarme de laquelle j’écris. Seule l’armée a sauvegardé sa gnité et de liberté. dans toute la Tunisie. Le mouvement il faut le soutenir. Le peuple en ce ticulier, se trompe. Ses intérêts sont
l’utilisation crédibilité et sa position comme expression de a même atteint l’immense quartier moment même se gouverne alors que réellement menacés, elle sera chassée
disproportionnée l’âme du peuple. C’est pour cela que l’armée a Propos
de la violence en Tunisie et appelle populaire Ettadamoun, qui compte le pouvoir est en vacances. Faisons un de ces jours de la Tunisie et du
l’ensemble des parties à faire preuve
été bien accueillie par les citoyens, qu’ils consi- recueillis par 800 000 habitants, surnommé les confiance au peuple. Il s’est fait notre Maghreb entier.
de retenue et à choisir la voie du dèrent comme leur protecteur et leur support. Zine Cherfaoui poudrières de Tunis. Le mouvement guide, suivons-le, même si nous ne
dialogue.» Ce qu’il faut, aujourd’hui, pour réformer la situa-
12 FORUM El Watan Week-end - Vendredi 14 janvier 2011

NOS LECTEURS NOUS ÉCRIVENT

Émeutes : l’embrasement Les partis politiques

■ Avec l’émeute, c’est toute la
frustration des Algériens qui est
exposée au monde entier d’une
manière anarchique ! Le pouvoir a
trop travaillé pour la division des
Algériens pour ne pas se frotter les
mains de voir cette manière
inconsciente de revendiquer. Le
climat d’émeutes ne fera qu’ajouter
une autre pénibilité, une de plus au
quotidien de ces populations.
Quant au pouvoir, il peut dormir
tranquillisé, cette anarchie sera
sans lendemain !
■ La thérapie du chaos ! Le
principal indicateur d’immaturité
politique et de l’absence de
potentiel alternatif : c’est le recours
systématique à l’émeute pour
protester en toute légitimité. Le
pouvoir a compris et a préparé et
renforcé l’armada antiémeute et
augmenté le salaire des policiers.
Comme d’hab, et depuis 62, les
émeutes se succèdent et se
ressemblent, mais rien de nouveau.
Les émeutes de la faim, ils ont dit.
Si cela ne relève pas de la
gastroentérologie, qu’est-ce que
c’est alors ? Et moi qui la ramène
et qui sais pourtant que ventre
affamé n’a pas d’oreilles. Ces
élans cathartiques ou suicidaires
vont de pair avec la harga ou les
manifestions de mioches de 12 ans
dont on ne peut pas dire qu’il n’y a
rien d’infantile ou de primaire
dans leur révolte. Le pouvoir joue
sur tout ça en empêchant toute
genèse de conscience sociale, en
multipliant les concessions à
l’intégrisme. Tout cela nous le
savons, et en haut fakou beli feqna
lhoum. En tout cas, ce n’est pas le
printemps, et les gros oiseaux qui
planent sur nos têtes ne sont pas
des hirondelles mais des vautours.
■ Les dérapages rusés dans un
climat politique marqué de
délinquance et de déliquescence
ont un prix ! Ces émeutes
enregistrées ça et là ne sont qu’un
signe d’une grogne et d’un ras-le-
bol longtemps couvés et portés
aussi bien par le simple citoyen
que par une élite avant-gardiste
honnête (existant même au sein du
régime ou dans le camp des vrais
républicains nationalistes
démocrates) qui, heureusement,
n’est pas tentée par la corruption et
la rapine... Le régime algérien
s’est trompé d’hommes et de
bouffonneries, de dilapidation et
de la non-gouvernance outrancière
(inutile d’évoquer la mal
gouvernance)… Ainsi, il est temps
au régime qu’il se démarque
définitivement et rompe avec la
tribu des truands et roublards
venue de je ne sais où… constitués
de corsaires-coopérants arrogants
et irresponsables qui ont dévalorisé
et dévasté à la fois et le régime et
surtout toute une nation… Les
hommes libres et lucides (qu’ils
soient de l’intérieur du régime ou
appartenant à l’opposition fertile
et mature) qui ont dit et averti haut
et fort courageusement des 1001
dépassements antinationaux et
anticonstitutionnels d’une équipe
de ratés et consorts qui sévit toute
honte bue au nom de la République,
ne se sont jamais trompés ni
d’opinion, ni de pays, encore
moins de peuple… D’autant qu’ils
sont appelés à mobiliser davantage
leurs troupes et leur potentiel du
moment que le patriotisme nous
interpelle tous.
■ La démocratie s’imposera, on
est à l’âge d’Internet. Le bluff c’est
fini et les vieilles recettes du FLN
sont révolues ! Rien ne se cache,
tout se sait en un clic de souris et
pourtant l’ENTV ne dit rien,
comme si de rien n’était, et
pourtant ! La mauvaise gestion
c’est ça ! Et on n’a rien vu ! Il y a
un ras-le-bol général. Il va falloir
procéder à un changement radical
dans la politique du pays, et cette
corruption doit cesser ; aucun
centime ne doit être dépensé sans
l’aval du Parlement, pas les beni
oui oui ! Rien que dans la culture,
c’est à coup de 100 millions
d’euros tous les ans que Khalida
nous organise des festivals sans
aucun intérêt ! Que reste-t-il du
Panaf, de l’Année de l’Algérie en
France ou d’Alger capitale de la
culture Arabe sous la patronage de
fakhamatouha Khalida ! C’est
dingue ! Et cette année, c’est un
défilé de la clique à Qaradaoui à
Tlemcen avec 100 millions d’euros
aussi. Il y a des priorités : tous ces
jeunes qui se jettent à la mer et
tous ces suicides ! Ils se moquent
du peuple ! Les gens sont
malheureux ils veulent tous partir
c’est invraisemblable ! Un pays
riche avec un peuple pauvre !
Barakat et parfois j’ai envie de
crier !
l’impuissance de l’Etat. Incapable
d’assurer et de gérer les moyens
basiques de subsistance,
d’anticiper les éventuels
soubresauts de la société, d’assurer
la sécurité des biens et des
personnes, il se trouve fatalement
dans le collimateur du dernier des
manifestants. Il est regrettable de
voir des manifestations se dérouler
avec de tels dégâts, ce qui dénature
les motifs même de leur
déclenchement. Evidemment,
partout dans le monde, il y a
toujours des voyous et des caïds
qui s’engouffrent dans ces espaces
de non-droit pour saccager et voler
les biens d’autrui et ceux-là
doivent être traduits devant la
justice et lourdement condamnés.
Il reste qu’il y a bien d’autres
moyens pacifiques pour manifester
son mécontentement face à
l’adversité, mais le pouvoir ayant
tant muselé l’expression qu’elle en
devient forcément violente. De cet
état ont émergé des ressentiments
profonds des populations. Il doit
tirer les conclusions de son échec
et en conséquence, laisser place à
plus compétent que lui, incapable
d’avoir anticipé pour mieux gérer.
■ La leçon de 1988 n’a pas été
apprise par nos gouvernants qui se
complaisent dans la mal-
gouvernance. Alors que le pays
dort sur un matelas de centaines de
milliards de dollars, le peuple, lui,
crève la dalle. Et l’argent part à
l’étranger alimentant les comptes
des barons du régime. Et pendant
ce temps-là, les prix augmentent à
une vitesse vertigineuse sans que
nos responsables réagissent pour y
mettre le holà.
■ Nous attentons une intervention
de Bouteflika pour présenter sa
démission et celle de son
gouvernement. L’échec est cuisant,
il est temps de rentrer chez soi.
réagissent
■ Quels partis politiques ? En
Algérie, tout le monde sait qu’il n’y
pas de partis politiques dignes de ce
nom, capables de dire les choses et
de dénoncer le fonctionnement
mafieux dans ce pays ; ils préfèrent
en faire partie. Le vrai pouvoir c’est
le peuple. Comme pour la Tunisie,
les jeunes sont le fer de lance du
changement dans un pays où
malheureusement on demande
tout à Dieu et n’importe quoi. Les
partis politiques sont aux ordres
du pouvoir, comme dans tous les
pays totalitaires. Que la justice
passe (bien sûr celle des hommes
avant celle de Dieu). Justice !
■ C’est de votre faute si on est arrivés là
où nous sommes. Vous défondez Rien ne va plus
uniquement vos intérêts personnels. A
l’APN vous applaudissez, vous ■ Prenez-vous le peuple pour des
cautionnez, vous huez, vous faites même analphabètes ? Prenez-vous le peuple
la sieste, et quand le peuple décide de pour des illettrés incultes et ignares ou
parler (bien sûr manipulé comme alors vous regardez-vous tout
d’habitude), vous sortez de vos niches et simplement dans un miroir pour penser
commencez à réagir avec des phrases cela ? Ceci me fait penser à une histoire
toutes faites et des discours que vous du temps du FLN lors d’une réunion
avez déjà appris auparavant. Ce n’est pas extraordinaire à la Coupole. Dans un
comme ça que l’Algérie se portera bien,
dessin humoristique ,on pouvait lire :
un tel comportement définit un pays voué
les Algériens savent que les
à l’échec, peut-être même un pays qui
envahisseurs sont là. Oui, le peuple sait
risque d’être irakisé.
quand un ministre est plus préoccupé
par ses affaires qu’autre chose, quand
■ Ils devraient inventer autre chose, car un président est plus préoccupé par son
les «petits jeunes» le savent, le rôle des
image qu’autre chose, quand un DRS est
partis n’est pas de regarder de loin et de
plus puissant qu’un président, qu’un C.
pointer du doigt, mais d’encadrer et de
Khelil rit à la face de 35 millions
diriger la contestation et le
d‘Algériens. Oui, on le sait, pas besoin
mécontentement afin d’éviter les
d’un étranger pour voir comment on vit,
émeutes. Des partis d’opposition
ou alors il faut vraiment être aveugle,
organisent des actions et ne se limitent sourd et muet ou mort. Je vous prête 48
pas à jouir de la détresse du peuple dans heures de ma vie contre 48 heures de la
le but de dénigrer l’Etat qui, faute vôtre et là vous verrez les choses d’une
d’opposition réelle, n’est pas contrôlé et autre façon.
arrive à pousser la population à bout, à
force d’abus, d’interdits, de répression,
Rebrab : «Nous n’avons
etc. D’après ces supers partis, quel est
leur rôle en dehors du fait de jouir des
privilèges, octroyés par cet Etat qu’ils
pas augmenté les prix»
dénigrent, alors qu’ils font pareil ? En
■ Avec l’argent qu’on est en train de
plus, comment le parti de l’Alliance
donner à des gens épaulés, pourquoi on
présidentielle peut-il être dans n’est pas en mesure de créer plusieurs
l’opposition ? C’est ça qui révolte aussi, Rebrab ? (avec tous mes respects à ce
être méprisé, ignoré et si on grand monsieur).
s’adresse à nous, nous
sommes considérés comme
des débiles incapables de
discernement.
Facebook
■ Vous n’avez pas le droit de parler
maintenant. Retournez à vous casernes !
Sur le mur
■ Où étiez-vous quand ils ont ■ Le peuple a montré son
changé la Constitution mécontentement. Stop, il faut en finir
pour permetre au maintenant ou bien cela finira dans un
président actuel bain de sang. Il y a déjà eu trop de
ILLUSTRATION : SAAD

pouvoir durant une longue

décennie, un pouvoir taché de
gabegie, d’absentéisme, de
Le silence officiel comblé par
le web et les TV satellitaires
■ L’ENTV est très zen. Les
commentateurs ont le sourire
large, la langue de bois
complètement artificielle, pas
de problèmes, l’Algérie va très
bien. L’ENTV est juste bonne
pour ma mère qui suit les
feuilletons algériens. Le
gouvernement n’a même pas
honte à voir ce qu’il se passe
sur le satellite et sur Internet.
Les chaînes satellitaires
trouvent là l’occasion de capter
l’audience algérienne,
notamment MediI Tv pour faire
passer toute la propagande
marocaine sur le Sahara
occidental. Qu’attendent nos
gouvernants pour démissionner
et laisser ce peuple tranquille
afin qu’il puisse faire ses
propres choix par les urnes non
■ Grand clerc pour dire que les
émeutes sont le reflet de
opaques et non bourrées à
l’avance ?
■ La dynamique de l’émeute
(au sens large) est désormais
bien documentée. A moins
qu’elles ne soient dûment
instrumentalisées par un
quelconque cabinet fantôme,
elles devraient naturellement
s’essouffler comme un feu de
brousse, après avoir culminé
dans leur phase paroxystique.
Mais les médias qui relaient en
temps réel de tels événements
doivent prendre garde à ne pas
devenir des vecteurs de
propagation du «frisson de
l’émeute» sur tout le territoire.
Tout n’est que question de
responsabilité déontologique
ou de volonté machiavélique !
Ce qu’en disent les sociologues
■ Je suis d’accord avec N. Djabi. La
faillite des intervenants est pire que
celle de l’Etat. Les émeutes non
encadrées, canalisées, orientées se
retournent à chaque fois contre nous.
Et cela n’est pas le rôle de l’Etat, mais
des syndicats, des partis, des
personnalités, de l’intelligentsia. En
Algérie, ils se limitent à jouir de la
détresse du haut de leurs strapontins
octroyés par ce même Etat qu’ils
dénigrent quand ils ne peuvent pas
faire autrement. Tout le monde sait que
l’Etat ne répond pas aux besoins des
citoyens. Mais l’opposition, les
syndicats, etc. ne sont-ils pas aussi
méprisants à l’égard de ces désespérés
? Qui parmi eux est descendu dans la
rue et a été accueilli et reconnu par les
jeunes ? Ça c’est l’opposition, être
considéré comme un leader dans les
coups durs, dans la furie de l’émeute se
de se présenter
autant de fois qu’il
le veut ? Où êtiez-
vous, hein ?
faire entendre. Qu’on ne prétende pas
que les médias sont verrouillés, car les
révolutions dans le monde n’ont pas eu
besoin de téléphone mobile, SMS,
email, Internet, facebook, etc.
■ Si je comprends bien, le mouvement
social en Algérie restera toujours
suspect car il y a des islamistes en
Algérie... Nacer Djabi est sociologue
et il doit savoir que les islamistes sont
«là»... donc tout mouvement social
sera suspect... Le pouvoir qui la joue,
selon les besoins, laïc ou islamiste,
joue sur du velours. Tant que des
intellos qui savent que les islamistes
sont là se refusent à les penser comme
des acteurs, on continuera à tourner en
rond...
Retrouvez toutes les réactions sur
www. elwatan.com et sur Facebook
morts. Le Président en tirera les
conséquences.
■ Il faut un rassemblement des
intellos algériens, vivant en Algérie ou
à l’étranger. Il faut commencer par le
commencement. Il faut avoir de la
force, pas physique mais intellectuelle.
L’anarchie est une occasion au pouvoir
de tout manipuler, il faut agir au plus
vite, c’est très délicat.
■ C’est vrai, le gouvernement est là
mais il ne fait rien, et ça ne date pas
d’aujourd’hui. Un bon gouvernement
serait le bienvenu en Algérie.
■ Algériens et Tunisiens sont appelés à
utiliser Cacerolazo (nom de la forme
populaire de protestation argentine et
islandaise depuis peu qui consiste à
faire du bruit en frappant des pots,
casseroles...) afin de réclamer
l’attention des pouvoirs. Signe
pacifique pour éviter des émeutes
mortelles. Et que les manifestations
n’aient lieu qu’en journée pour
demander que les casseroles soient
remplies.
 ONE MAN
SHOW
Kamel Zouaoui
demain
à Tlemcen
P15
El Watan
n te
de poche
Par Nawel Louerrad
planète
BÉCHAR La palmeraie
de Mougheul en danger
L’assèchement de la source de Mougheul, à une
quarantaine de kilomètres au nord de Béchar, met
en danger son imposante palmeraie, ont signalé des
représentants de la population et des responsables
de cette commune. Le tarissement de la principale
source qui irriguait l’immense palmeraie de la
localité de Mougheul, qui compte plus de 200 000
palmiers dattiers, met en péril cet espace
oasien. Cette préoccupation, qui a été soulevée lors
d’une récente visite du chef de l’exécutif de wilaya à
cette commune, est un phénomène naturel et
seules de fortes précipitations pourraient régénérer
cette source et réalimenter les puits de la région, a
précisé le directeur local du secteur des ressources
en eau. Actuellement et après le tarissement de
cette source et d’une douzaine de puits, seul un
forage débitant 25 litres/seconde est consacré à
l’approvisionnement en eau potable de la
population locale, dont les représentants
souhaitent la réalisation de nouveaux forages dans
cette région à fortes potentialités hydriques
souterraines. Des projets de forages sont en cours
d’inscription pour tenter de remédier à ce
phénomène naturel, a-t-on fait savoir. La palmeraie
millénaire de Mougheul est l’une des plus anciennes
de la région et constitue une source économique
importante pour plusieurs familles d’agriculteurs
de cette commune. Elle est également un site
naturel d’une grande importance pour les activités
touristiques en réel développement dans cette
région ksourienne de la wilaya de Béchar. APS
PROPAGANDE BONNE ACTION
Avec les émeutes, Des concerts au
l’ouverture à la profit des malades
télé, c’est bien fini ce week-end à Alger
P17 P14
Récup
visuell
P16
BATNA Les artistes se rebiffent
Sous une pluie fine et une brise glaciale, des maison de la culture nous a accueillis pour qu’il faut tout revoir dans cette école.»
artistes venus de tous les horizons (arts quelques jours et, d’un coup, on change Khaled Bouali remarque, quant à lui, que
plastiques, musique, théâtre, danse) ont d’avis pour nous informer de la venue d’un «les artistes de Batna sont écartés par toutes
occupé hier le centre-ville de Batna, sur la chorégraphe d’Alger. En attendant, on a les instances culturelles de la ville et
place face au théâtre, pour exprimer dans plus le droit d’y accéder !» Ali Mehira, particulièrement la direction de la culture,
une ambiance bon enfant leur colère. Ils sont artiste plasticien, est venu pour dénoncer la la maison de la culture, le théâtre et l’Ecole
venus pour dire à leur manière : «halte à la gestion de l’Ecole des beaux-arts. «Dans des beaux-arts. La situation va de mal en
marginalisation !» Les premiers à leur rendre cette école, constate-t-il, les étudiants sont pis». Ils ne demandent qu’une seule chose :
visite étaient les policiers, suivis juste après exploités, les travaux qu’ils réalisent sont «Nous voulons être reçus par le wali.»
du P/APC, Ali Melkhsou, venu sur les lieux confisqués par l’établissement. Je considère Lounes Gribissa
s’enquérir de l’événement. Abdelmounâam
Berkane, scénariste, endossant l’armure de
Don Quichotte, un bidon à la main pour dire
«bidoun taâlik» (sans commentaire, ndlr), a
essayé de lui transmettre le message : «Nous
sommes venus occuper cet espace, car les
infrastructures de la culture nous sont
hypocritement fermées.» Deux musiciens
entonnant quelques airs étaient aussi de la
partie pour dire leur colère vis-à-vis de la
maison de la culture, qui exige un paiement
préalable pour tout spectacle. Khaled El
Biar s’interrogera à cet effet : «D’où est-ce
que je peux avoir 3 à 4 millions de
centimes ?» Hocine Houara, artiste peintre,
PHOTO : EL WATAN WEEK-END
ex-enseignant de l’Ecole des beaux-arts,
également venu exprimer sa solidarité, s’est
insurgé. «L’activité culturelle se limite à
l’organisation de salons et les projets sont
distribués aux proches», a-t-il lancé devant
les journalistes. Djenane Zeid, représentant
un groupe de danseurs, se plaint de ne pas LES MANIFESTANTS FACE AU THÉÂTRE
avoir un espace pour les répétitions : «La
14 SORTIR El Watan Week-end - Vendredi 14 janvier 2011 El Watan Week-end - Vendredi 14 janvier 2011 SORTIR 15
TAMANRASSET VIBRE AU SON DES Aghrib, Tindé d’Amsel, Ahellil. photographie, Sabine Pakora animera les
MAÏSSA BEY ABOU FALL MUSIQUES DU SUD Dimanche 16 : El Badr de Tindouf. ateliers danse et chorégraphie. Quant aux
RENCONTRES
Lundi 17 : Ganga, Tbal de Ain Salah. autres ateliers, il s’agira de rencontre et de

FESTIVAL
Mardi 18 à 17h. Alger. Rencontre avec Mardi 18 à 17h. Constantine. Soirée de contes avec Abou Jusqu’au lundi 17. Tamanrasset. ATELIERS. Supervisés par Arezki Larbi, fusion entre le geste traditionnel des
Maïssa Bey, auteur de Puisque mon cœur Fall. Gratuit sur réservation. Initié au conte par sa grand-
2e Festival international des arts de plasticien, ces ateliers seront animés par artisans de Tamanrasset et celui des
est mort. En partenariat avec les éditions mère Rokhaya Sy, qu’il appelait «Bouche du monde», Abou
Fall mène de front un double travail de recherche et de l’Ahaggar des créateurs contemporains à l’instar de designers contemporains. Tous les travaux
Barzakh. Elle a, entre autres, obtenu le
Prix des libraires algériens en 2005, pour création artistique autour des récits. Initiation familiale CONCERTS au campement. Vendredi 14 : Djahida Haouadef pour l’atelier dessin, réalisés feront l’objet d’expositions
l’ensemble de son œuvre. Au CCF. 7, rue qu’il renforce par des études de cinéma, des travaux et des Joe Batouri, El Ferda, Shtima et Hamda Nabila Kalache pour l’atelier vannerie, pendant le festival.
Hassani Issad. Tél. : 021 73 78 20/21. recherches autour de l’oralité. Au CCF, 1, boulevard de Adjela, Miloudi, Tindé de Tazrouk, Bab Hassiba Boufedji, pour l’atelier cuir et bois Contact : www.festival-tamanrasset- Joe Batoury
l’Indépendance. Tél. : 021 31 91 25 91. Merzoug. Samedi 15 n: Shena et Adjela, et Rafik Zaïdi pour celui de la ahaggar.co

MUSIQUE
Vendredi 14 et samedi 15 à 20h30. Paris.
«Héritage d’Alep», avec Omar Sarmini et
son ensemble d’Alep, spécialiste du chant FILMS CINÉ SÉANCES GENRE
classique et des airs alepins. A la Maison des
cultures du monde. Contact : IMA. 1, rue des Vendredi 14 janvier à 14h, 17h et
Quantum of Solace, de Marc Foster Salle El Mouggar, Alger Film d’action
Fossés Saint-Bernard, place Mohammed V. 20h
Tél. : 01 40 51 38 38. Serveur vocal : 01 40 51 Tous les jours du 17 au 29 janvier à
38 11. Voyage à Alger, de Abdelkrim Bahloul Salle El Mouggar, Alger 14h, 16h, 18h et 20h, sauf les 20, 27 Drame
Samedi 15 à 20h30. Paris. Concert de Kamel
et 29 à 14h et 16h
Zaïdi, entrée : 13 euros. Au Centre culturel Pays de la montagne, de Rabah Bouberras Cinémathèque d’Oran Samedi 15 à 14h30 Documentaire
algérien. 171, rue de la Croix-Nivert. Tél. : 01
45 54 95 31. Mimezrane, la fille aux tresses, de Ali Mouzaoui Cinémathèque d’Oran Samedi 15 à 16h30 Drame
Salle Cosmos, Riadh El Feth, Comédie
The Social Network, de Marc Zukerberg Jusqu’au 31 janvier à 19h30
Lundi 17 à 19h. Alger. Musique classique : Alger dramatique
Quatuor Voce. Avec Cécile Roubin : violon ; Tous les jours à 10h30 et 13h
Guillaume Becker : alto ; Florian Frère : Filmathèque Mohamed Zinet,
violoncelle ; Sarah Dayan : violon. Soutenus Harry Potter et les reliques de la mort, de David Yates Riadh El Feth Science-fiction
par le Quatuor Ysaÿe, les Voce remportent Vendredi à 15h30 et 18h, samedi à
Cinéma Cosmos, Alger
en quelques années seulement de 13h, 15h30 et 18h
nombreux prix aux concours internationaux
de Genève, Crémone, Vienne, Bordeaux, Salle Cosmos, Riadh El Feth, Comédie
Looking for Eric, de Ken Loach Tous les jours à 14h et 17h
Graz et Londres. Ils s’imposent rapidement Alger dramatique
sur la scène internationale, en quatuor. Au
CCF. 7, rue Hassani Issad. Tél. : 021 73 78
20/21.
dont plusieurs inédites. Au MaMa, rue Larbi Samedi 15 à 10h. Alger. Conférence sur management centré sur l’humain», Lundi 17 à 15h. Alger. Atelier d’arts plastiques
ENFANTS Ben M’hidi. l’armement et l’approvisionnement durant conférence de Pierre Guilbert. A l’heure de avec l’artiste Babane Abderrezak, qui réalisera
la guerre de Libération. Hommage au défunt la mondialisation et de la diminution des une toile sur le thème «Le climat et le
Oran. L’artiste peintre Abdelkader Mahmoud Chérif, chef de la Wilaya I et marges, les entreprises qui s’en sortiront ne réchauffement climatique». Salle Atlas, 27,
Vendredi 14 à 10h. Alger. Sheherazed, par Belkhorissat, actuellement directeur de rue Mohamed Seghir Saâdaouil, Bab el Oued.
ministre de l’Armement et de sont pas celles qui auront les meilleurs
l’association du théâtre Abderrahmane Kaki l’Ecole des beaux-arts de Sidi Bel Abbès, l’Approvisionnement du GPRA. Avec logiciels ou procédures, mais celles qui
de Mostaganem, mis en scène par Mohamed expose à Oran une palette de ses œuvres au
Oukrit. Salle El Mouggar, 2, rue Asselah titre d’une rétrospective. Il a participé à des
l’association Machaâl Chahid. Au centre de pourront le mieux possible bénéficier de la SALONS
presse d’El Moudjahid. motivation de leurs équipes. Une machine
Hocine. expositions collectives et personnelles en ne fera jamais que ce pour quoi elle a été
Algérie, en France, aux Pays-Bas, au Yémen, en Jusqu’au mardi 25. Alger. Salon du
Dimanche 16 à 19h. Annaba. «La programmée. L’être humain, lui, est capable collectionneur. Philatélie, photos, cartes
Vendredi 14 à 15h. Aïn Benian. Spectacle Tunisie ou encore en Russie. Il a reçu le
deuxième prix de peinture au Grand Prix de
communication» par Pierre Guilbert. Au de beaucoup plus... Au CCF. 1, boulevard de postales… Au centre des loisirs scientifiques,
pour enfants. A la bibliothèque Dar El Anis. CCF, 8, bd du 1er Novembre 1954. Tél. : 038 l’Indépendance. Tél. : 021 31 91 25 91
peinture de la ville d’Alger (1994) ainsi que le rue Didouche Mourad.
deuxième prix de peinture au Grand Prix de la 86 45 40/038 80 22 59.
Samedi 15 à 15h. Oran. El assouad ou el ville d’Oran (1998). A l’espace Lotus. En savoir Mercredi 19 à 17h. Alger. «Processus de
hattaba, de Mourad Senouci, mis en scène plus : www.espace.lotus.sitew.com. Lundi 17 à 9h30. «Sociabilité de quartier et développement : finances, le rôle de la
DÉDICACES
par Samir Bouanani. A 17h. Lahla Izid Ktar, compétition militante. Le PPA à Alger, entre banque» par le docteur Abdelkader Abid,
de Bouziane Benachour, mis en scène par facilitateur. A la bibliothèque du palais Samedi 15 à 14h. Alger. L’auteur et journaliste
Azzedine Abbare. Au Théâtre régional Festival de la solidarité 2011 : Nedhra Jdida. Pour la première fois en Algérie. Moufdi-Zakaria. Zoubir Souissi signe son nouveau livre
d’Oran. Place du 1er Novembre 1954. Tél. : L’initiative existe dans plusieurs pays, sous le nom de Solidays et consiste à faire Caméléon, paru aux éditions Casbah. A la
041 39 70 89. des journées solidaires. Le message : «Portons un regard nouveau sur les librairie Point-Virgule, 4, route de Zouaoua,
malades» à travers cette série de concerts. Les artistes s’adresseront au public au Jeudi 20 à 9h. Alger. «La sécurité des Chéraga.
nom des personnes malades pour dire : «Que je sois malade ne change rien, je suis documents professionnels» avec El Indjaz.
Samedi 15 à 10h. Alger. Amî Slimane, par
une personne comme les autres.» Au nom de la solidarité, Zahra et ses jeunes ont A l’auditorium du palais Moufdi Zakaria. Samedi 15 à 15h. Alger. Mahieddine
par l’association du théâtre Abderrahmane
rassemblé leurs idées et leurs efforts pour apporter une aide aux cancéreux, Ammimour dédicace son livre, paru chez Dar
Kaki de Mostaganem, mis en scène par Houma. A la bibliothèque nationale.
Mohamed Oukrit. Salle Atlas, 27, rue