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Au secours, le cinéma arrive en classe de littérature

F. César GUTIÉRREZ VIÑAYO.


Gemma ÁLVAREZ ORDÓÑEZ.
Universidad de León.

0. Introduction
Adapter une œuvre littéraire au cinéma demeure, malgré de notables succès, une
gageure pour les écrivains et les réalisateurs. Peut-on concilier mots et images ?
Comment passer de l´écrit à l´écran ? L´adaptation littéraire est d´emblée problématique
dans la mesure où deux univers artistiques différents, le cinéma et la littérature, se
confrontent et se confondent pour le meilleur et pour le pire. Entre le livre et le film, le
rapport est complexe, fait de fidélité, de trahison, d´amour fusionnel et d´indifférence,
de liberté et de malentendus.
Il est communément admis que les adaptations représentent environ la moitié des
œuvres cinématographiques. Pourtant le chiffre exact se situe entre 15 et 20%. Il n´en
reste pas moins que l´adaptation est un pan non négligeable de la création.
Mais de toute façon, et en ne s´enlisant pas dans une discussion interminable sur
les chiffres, il est indiscutable qu´en France, un grand nombre de films proviennent, non
seulement d´adaptions des principales œuvres littéraires, que ce soit Les Trois
Mousquetaires ou Les Misérables, Bel-Ami, mais aussi des productions intéressantes,
plus modernes. On peut se demander ce qui pousse tant de cinéastes à adapter des
histoires célèbres, qui proviennent de la littérature, au risque de décevoir les lecteurs et
les cinéphiles.
C´est sans doute à cause du nombre de spectateurs. Le film de Jean-Pierre
Jeunet, Un long Dimanche de fiançailles, tiré du roman de Sébastien Japrisot, a conquis
près de 5 millions de spectateurs. Podium réalisé par son auteur Yann Moix, a réuni 3,5
millions de spectateurs. Les Rivières pourpres, 4 millions d´entrées, Arsène Lupin, le
héros créé par Maurice Leblanc et Vipère au Poing, dernier film de Philippe de Broca
tiré du roman autobiographique de Hervé Bazin, de même.1
Cet engouement révèle l´ influence que prennent les adaptations dans le
panorama culturel français, en constante évolution, dans les programmes d
´enseignement des lettres au Collège et au Lycée.

L´un des objectifs généraux de l´enseignement du français au collège est en effet la maîtrise
du mode d´expression et de communication que constituent les discours dont l´image est le
support essentiel : l´image n´est pas tenue pour une illustration accessoire, mais pour un
objet d´analyse, dont l´étude permet, sur le plan pédagogique, d´éduquer le regard,
d'enrichir la sensibilité, de stimuler l´imagination, d'éveiller l'esprit critique et de
développer l'expression.2

Elles invitaient clairement à une étude comparative de l´art littéraire et de l´art


cinématographique.
Cette évolution constante, implique aussi les concours de recrutement de
professeurs de lettres. Depuis 1993, un film est régulièrement inscrit au programme de l
´épreuve orale de leçon du concours interne de l´Agrégation de Lettres classiques.
Malheureusement, cela n´a pas été étendu aux autres concours d´agrégation littéraire, en
raison de difficultés d´organisation, d´un risque de surcharge des programmes et surtout
d´une forte opposition de certains universitaires.
Mais la confrontation entre les partisans et les opposants des adaptations ou du
cinéma, en particulier, se reflète aussi chez les enseignants.
En contradiction avec cette loi, cette étude restait cependant facultative et peu de
professeurs s´aventuraient à conduire les élèves dans ce domaine nouveau. Pour de
multiples raisons, beaucoup d´enseignants se montraient sinon hostiles, du moins
réservés et craintifs. Certains, considéraient qu´ils avaient à enseigner la langue et la
littérature, non le cinéma. Pour eux, le septième art, n´était qu´un art mineur, un simple
divertissement et il ne pouvait accéder à la dignité d´objet d´enseignement.

1
Cette information nous vient de cette page Web. (On line). Publicación electrónica.
Linternaute Magazine, http://www.linternaute-com/sortir/livre/adaptations-livre-cinema/succes-pour-
ladaptation. Consultado el 01/03/2006.
JANVIER-R, Line, (On line) Publicación electrónica. Archives de Réforme, « Une relation ambiguë »,
http://www.reforme.nety/archive/article/php.htm. Consultado el 01/03/2006.
2
VOISIN J-P (2005), (on line) publicación electrónica. http://www.educnet-
education.fr/lettres/form/jeu2.htm. Consultado el 01/03/2006.
Pourtant, les instructions officielles le précisaient :

C´est à partir de la classe de quatrième que le professeur de lettres peut procéder à l´étude
de la forme narrative qu´est le film. Il fait prendre conscience à ses élèves des ressources
dont dispose le réalisateur de cinéma ou de télévision pour raconter une histoire, pour créer
la tonalité d´un film, pour préciser la psychologie des personnages, pour marquer les
rapports entre eux, et pour suggérer sa vision de la société et du monde.3

Un pas de plus est donné par la création, en 1994, d´un enseignement des lettres
dans les classes terminales L et ES. Cet enseignement porte sur un programme de trois à
six œuvres renouvelables annuellement. Le cinéma est explicitement cité parmi ces
domaines dans le texte réglementaire.
Les membres du Conseil Supérieur de l´Éducation Nationale, à leur session de
Mai 1997, ont voté à l´unanimité pour l´inscription d´un film au Programme de l
´épreuve de lettres au Baccalauréat.
Un film fut enfin mis au programme pour les sessions de 1996 et de 1997, Partie
de Campagne de Jean Renoir, associé à la Nouvelle de Guy de Maupassant ; Une Partie
de Campagne. Il n´y eu pas de film au programme à la session de 1998. Après d´assez
longues discussions, et en liaison avec la signature d´un accord entre le Ministère de l
´Éducation Nationale, de la Recherche et de la Technologie et les Associations
Professionnelles concernées ; producteurs, distributeurs, le film de Jean Renoir, La
Règle du jeu, a été mis au programme de la session de 1999. La réglementation autorise
à l´y maintenir jusqu´à trois sessions de suite.
Ceci prouve que le cinéma a acquis ses lettres de noblesse définitives, non sans
peine, et que le texte se voit non plus affronté, mais confronté au texte
cinématographique.

1. Historique
Tout commence avec l´adaptation de Faust. Faust réalisé par Méliès au
Printemps 1904, attire l´attention, en 1906, d´un des ayants droit de l´Opéra Gounot,
parce que le Directeur de la salle qui le présente sur les Boulevards se réclame de cette

3
VOISIN J-P ( 2005 ), (on line) publicación electrónica. http://www.educnet-
education.fr/lettres/form/jeu2.htm. Consultado el 01/03/2006.
version, non sans raison, car la mise en scène de Méliès est calquée sur celle de l´Opéra
de Paris. Les héritiers du compositeur et les librettistes portent plainte. Peu après,
différents auteurs dramatiques emboîtent le pas. Tous ont reconnu la présence sur écran
de la contrefaçon d´une de leurs œuvres. Jamais jusqu´à ce jours, une compagnie
cinématographique n´avait sollicité d´un écrivain l´autorisation d´adapter son œuvre.
Petit à petit, et à partir de l´adaptation du Faust, l´industrie cinématographique
commence à parler de recourir aux services des écrivains et de porter la littérature à l
´écran, cette fois de manière licite. Le cinéma au service de la littérature afin de lui
redorer le blason terni.

Vint le cinématographe, vint la Société cinématographique des auteurs et gens de lettres, et


voici que le foyer éteint se ranime, et la belle et réchauffante flamme de la popularité
revivifie l´or terni des grands noms oubliés ou en passe de l´être.4

Il existe un autre fait marquant dans les années 1909 – 1914, qui vient aider à
comprendre les raisons des adaptations littéraires au cinéma : c´est l´allongement
extrêmement rapide du métrage des films.
En 1909, il est rare qu´un film atteigne la demi-heure. En 1914, on atteint
parfois les trois heures. En France, cette évolution vers le long métrage, qui est devenue
internationale, s´est heurtée à des résistances. Les directeurs de salles craignaient que
tous les goûts n´y trouvent pas leur compte comme ils le trouvaient dans une séance
composée de bandes courtes prises dans tous les genres. Par conséquent, et afin de les
rassurer, rien ne pouvait être plus apaisant que des adaptations de valeurs sûres comme
des romans ayant déjà connu des adaptations théâtrales étoffées. Entre autres ; L
´Assommoir, Notre-Dame de Paris, Les Misérables, Les trois Mousquetaires.

2. Définition
Créer un film à partir d´un livre consiste nécessairement à transformer, à
modifier, à faire une résurrection de l´œuvre littéraire pour produire une œuvre
cinématographique dite équivalente, ou plus exactement ressemblante.

4
CAROU A (2003). (on line) Publicación electrónica. L´invention du « film littéraire », ou comment le
cinéma français rencontre les écrivains. http://www.elec.enc.sorbonne.fr/document.htm/id. Consultado el
01/03/2006.
L´adaptation se dit de l´économie d´efforts permettant l´ajustement d´un état aux
nouvelles formes d´un milieu social et culturel. Elle est rapport, projection, procès de
« transfèrement » et pose en cela la question de l´invariance et de la nouveauté, de la
concordance et de la déformation, bref de la différence : différence de discours mais
aussi de formes, de matières et de techniques.

L´adaptation suppose toujours une restitution différée et un partenaire différent. Le texte


original se donne à lire à travers une réécriture qui présuppose une lecture dans laquelle s
´inscrit le mode d´appropriation spécifique d´un individu, lui-même inscrit le plus souvent
dans un autre temps et un autre espace…
[…] Les modifications sont à la fois d´ordre quantitatif et qualitatif. L´œuvre initiale subit
en général un travail de réorganisation et représente un nouvel état du système que forment
entre eux le roman et son ou ses adaptations avec un public qui, en tant que consommateur
potentiel, figure à l´horizon de la production cinématographique comme la cible à atteindre
pour rentabiliser le film.5

Afin de mettre en évidence cette nouvelle querelle des Anciens et Modernes,


nous allons émettre les opinions des uns et des autres.

3. Positionnement
3. 1. Détracteurs
Depuis l´invention par les frères Lumière du procédé de projection
cinématographique, les critiques adressées aux films n´ont cessé de pleuvoir sur le
Septième art. On a parlé de « divertissement et abêtissement du public ».6 Pourtant nous
devons au cinéma quelques-uns des plus grands chefs-d´œuvre de la civilisation
universelle et il est hors de doute que Marcel Pagnol ou René Clair, tous deux, de l
´Académie Française, ont tiré des films qui, tirés de romans préexistants, ont toujours
abouti à nous offrir des œuvres originales.

3.1.1. Les monologues intérieurs


Les deux grands axes sur lesquels s´appuient les détracteurs sont la capacité à
reproduire les monologues intérieurs et celui du style.

5
CLERC J-M-CARCAUD-MACAIRE M. (2004). L´adaptation cinématographique et littéraire, Paris,
Klincksieck
6
DUHAMEL G. (1929) Scènes de la vie future, Paris.
Lorsque Paul, personnage d´un roman adapté de Moravia, nous dit dans le
Mépris : « J´avais toujours pensé que Camille pouvait me quitter », comment rendre ce
genre de monologue intérieur en se passant des mots ?
Un autre exemple révélateur nous est donné dans un des classiques les mieux
adaptables pour l´abondance de leurs descriptions du décor. Il s´agît du début d´Eugénie
Grandet :

Il se trouve dans certaines villes de province des maisons dont la vue inspire une
mélancolie égale à celle que provoquent les cloîtres les plus sombres, les landes les plus
ternes ou les ruines les plus tristes. Peut-être y a-t-il à la fois dans ces maisons et le silence
du cloître et l´aridité des landes et les ossements des ruines.7

Non seulement l´adaptation en images devra probablement se dispenser des


comparaisons, faire apparaître un cloître, des landes et des ruines serait quelque peu
pesant, ou obscur, mais l´opérateur de probabilité que contient la seconde phrase « peut-
être » va faire problème. Charge au réalisateur, s´il ne veut recourir à la voix off, de
donner le sentiment de la tristesse de la maison, en espérant que le spectateur
comprendra.

3. 1.2. Le style
Le film constitue une source de roman au rabais, une dégradation du roman, un
roman appauvri, privé de ce qui fait sa force, son sang, sa vitalité : le style. Le cinéma
ne peut et ne pourra jamais traduire la beauté d´une phrase. Le cinéma est bien en retrait
par rapport à littérature. Un roman ne se résume pas à une suite de péripéties, mais il est
d´abord, sinon surtout, l´expression d´un style, d´une forme.

3.1.3. Vision. Lecture


Si le film est le roman de tout le monde, il constitue aussi, en un certain sens,
une perversion du goût du public. Avoir vu le film pourrait être le prétexte à ne pas lire l

7
JULLIER L. (2005). (on line) Publicación electrónica. L´adaptation télévisée des classiques de la
littérature romanesque. De quelques contraintes et de leurs conséquences.
http://www.cadrage.net/dossier/adaptationstv/adaptationtv.html. Consultado el 01/03/2006.
´œuvre. Croyant connaître l´œuvre, alors qu´ils n´en ont vu que la caricature, l´ossature
la plus grossière. C´est donc un faux semblant qui dispense de la vraie culture en offrant
un art bon marché et une connaissance très insuffisante des chefs-d´œuvre.
Un autre exemple révélateur su statut primordial du livre, de l´écrit, face au film
nous vient de Jean-Luc Godard, paradoxalement, un grand cinéaste.
À la question posée : Que vous donne la littérature que ne vous donne pas jamais le
cinéma ? Il répond :

Le livre, justement. On peut revenir en arrière. En littérature, il y a beaucoup de passé et


peu de futur, mais il n´y a pas de présent. Au cinéma, il n´y a que du présent qui ne fait que
passer. À l´écran, le présent, c´est ce qui vous est présenté au moment où il s´en va.8

La littérature est toujours encensée, au détriment du cinéma. Écrire, peindre, penser…


dans cette famille de l´art, le cinéma reste un étranger, un immigré, le serviteur.

3. 2. Adeptes
Paradoxalement le Septième art appelle de plus en plus la littérature à ses
secours : est-ce une preuve de faiblesse ou un mariage nécessaire ?
Il est vrai qu´adapter une œuvre littéraire, peut entrapercevoir des difficultés, mais plus
nuancés que celles énoncées par les détracteurs.
Écoutons quelques avis favorables, qui vont nous aider à comprendre cette
seconde option.
Bernard Weber, l´auteur de best-sellers, dit que l´essentiel, pour lui, lors de l
´adaptation d´un de ses livres, est de garder absolument « le noyau dur », « les
fondations », « la ligne de force » de l´œuvre romanesque pour ensuite broder et
adapter.9

Au tour de Chris Nahon de conforter ces propos en affirmant :

8
ASSOULINE P, (Mai 1997). (on line) Publicación electrónica.
http://www.lire.fr/imprimer.asp/idc.LIRE.fr. Consultado el 01/03/2006
9
ASSOULINE P, (Mai 1997). http://www.lire.fr/imprimer.asp/idc.LIRE.fr. Consultado el 01/03/2006
À l´origine du projet, il y a d´abord effectivement le plaisir du lecteur spectateur, et mon
admiration pour le style, la complexité dramatique de cette histoire duelle, les
rebondissements, la singularité de l´œuvre de Jean-Christophe Grangé… Mais j´ose
avancer que nos talents sont divers et complémentaires.10

Pour Marcel Beaulieu,

[…] l´essentiel, c´est de trouver l´âme de l´œuvre, ce qui n´est pas évident. La première
question que j´ai posée, c´est de me décrire le roman en quelques mots, le moins possible.
Elle m´a dit qu´il s´agissait d´un livre sur la beauté de l´échec. Le moteur était alors trouvé.
Il faut savoir recréer une œuvre, tout en la respectant, en respectant son essence.11

Jean-Claude Carrière, scénariste et adaptateur, estime que l´adaptation est un


faux problème.

Je n´ai jamais très bien compris, la différence qu´on fait entre histoire originale et
adaptation. En réalité, au cinéma, tout est adaptation. Qu´on me demande de chercher une
histoire dans un roman, qu´on me raconte un fait divers, un souvenir personnel, que je
fouille dans ma propre mémoire, ou dans mon imagination, que j´écoute simplement les
milliards de particules invisibles qui traversent à chaque instant l´endroit où je me trouve,
de toute manière mon travail sera une adaptation. Il faudra que je transforme cette idée
vague ou ce livre, ou une anecdote, en un fil.12

À la lueur de ces affirmations, le film peut être considéré comme une source d
´inspiration du roman. Pourquoi le cinéma ne devrait-il pas s´inspirer d´un roman?
Lorsqu´on adapte une oeuvre littéraire peut-on vraiment dire qu´il s´agit d´une hérésie,
doit-on crier au scandale? Bien des esprits pensent qu´on abîme un chef-d´oeuvre, qu´on
dénature une oeuvre en fabriquant un film à partir d´un roman. En fait, il s´agit surtout d
´une version différente, d´une métamorphose, d´une simple adaptation: c´est toujours la
même oeuvre, mais incarnée dans des scènes mouvantes, vivantes et dont le dynamisme
même apporte une dimension supplémentaire à la littérature traditionnelle. Le roman ne
touche qu´un public limité de personnes qui aiment entrer dans une librairie.

10
« Comment dynamiser les politiques culturelles en matière d´adaptation littéraire » Atelier de de l´ASA.
Festival International du Film Francophone de Namur, 25 septembre 2005. Notes recueillies par Aurore
Engelen Loosen.
11
ASSOULINE P. (Mai 1997). (on line) Publicación electrónica.
http://www.lire.fr/imprimer.asp/idc.LIRE.fr. Consultado el 01/03/2006.
12
ASSOULINE P, (Mai 1997). (on line) Publicación electrónica.
http://www.lire.fr/imprimer.asp/idc.LIRE.fr. Consultado el 01/03/2006.
Le film est surtout considéré comme une remise en question du roman. En
reprenant les paroles de Michel Butor, l´auteur de la « Modification », toute adaptation
cinématographique est : « Une nouvelle critique du roman ». Le passage du papier à la
pellicule est une sorte de jouvence incomparable pour un texte imprimé. L´adaptation
constitue un rajeunissement de l´oeuvre qui se trouve ainsi dépoussiérée, parfois
débarrassée de détails que l´auteur du roman avait jugé utiles en son temps, mais dont l
´épuration permet de mieux sentir la beauté originelle et la grandeur réelle du texte. À
cet égard, le cinéma ne vient pas desservir le roman: bien au contraire, il permet de le
servir au mieux des intérêts réciproques de ces deux grands arts, qui semblent alors
avoir été conçus pour vivre l´un par l´autre et l´un pour l´autre.
Le film tiré d´un roman préexistant constitue une tentative d´excellente
vulgarisation de la littérature en permettant, à tous, de voir ce que certains seulement
pouvaient, avant la découverte du cinéma, apprécier en esthètes raffinés. Bien plus: c
´est grâce au cinéma que la lecture devient plus motivante. C´est le cas des Liaisons
Dangereuses de Laclos. Grâce à Vadim et à son film, grâce aussi à Gérard Philippe et à
Jeanne Moreau que brusquement des centaines d´exemplaires de ce livre furent vendus
en quelques mois. On dit même qu´il se vendit plus d´exemplaires des Liaisons
Dangereuses dans les semaines qui suivirent la sortie du film que pendant les 200 ans
qui s´étaient écoulés de la mort de Laclos à la transposition de son oeuvre à l´écran. En
sorte que le film constituerait non point la dénaturation et la défiguration du roman,
mais sa transfiguration ou le meilleur moyen de le diffuser à un public toujours plus
large.

4. Conclusions. Choix personnels


Pour conclure, nous allons donner quelques idées sur les avantages des
adaptations en classe de littérature. Pour cela, rien ne vaut les pensées avisées d´un
cinéaste,Yves Angélo, qui nous donne son avis sur les mérites des adaptations.

- Didactique
Je pense que d´une certaine manière l´adaptation est un exercice éducatif très intéressant
pour des étudiants.
La différence entre l´adaptation et le livre lui-même apporte un éclairage particulier et
profond sur l´œuvre littéraire elle-même. C´est évident. On s´interroge. À partir du moment
où cela engendre une réflexion, c´est bénéfique dans les deux sens.

Du point de vue éducatif, la rencontre et le débat sont importants, surtout parce que l
´adaptation est très différente du livre. Si elle était fidèle, il n´y aurait rien eu à en dire.13

- Commentaire de textes

Il s´agit d´un rapport similaire à celui que peut entretenir un compositeur de musique et un
orchestre. L´interprétation peut tout à fait ouvrir un imaginaire auquel l´auteur était resté
jusqu´alors hermétique.

Ernest Hemingway espérait que les films soient très différents de ses livres, pour lui donner
des idées, pour que son propre art puisse nourrir de ces infidélités faites à son écriture.

Plus on s´éloigne d´un roman, plus on le retrouve, d´une certaine façon. D´ailleurs, si c´est
pour lui rester trop fidèle, à quoi bon en faire un film, finalement ?14

Il faut considérer le film comme une relecture innovante du livre. Le film est
donc infidèle, mais est-ce un crime Son intérêt consiste a susciter la curiosité et la
réflexion des apprenants, attendu qu’ il n’ est pas une redite du texte, dans un medium
inférieur a la langue et a la littérature, mais une œuvre a part entière.
Tout au plus, les adaptations pourraient,

[…] puisque souvent l’ adaptation est une relecture toute personnelle de l’ œuvre littéraire,
pourquoi lui donner le même titre, et tromper en quelque sorte sur la marchandise, décevoir
l’ attente fébrile des lecteurs. Est/ce une raison commerciale qui pousse a intituler le film
comme l’ œuvre qui l’ a inspiré Pourquoi, puisqu’ il s’agit d’ une variation, d’ une
intertextualité entre disciplines artistiques différentes, ne pas aussi faire subir au titre le
principe de la variation.15

En fait le problème de l´adaptation d´un roman en film est un faux problème. À


tous ceux qui concluent à la supériorité de l´écrivain sur le cinéaste en comparant un

13
ASSOULINE P, (Mai 1997). (on line) Publicación electrónica.
http://www.lire.fr/imprimer.asp/idc.LIRE.fr. Consultado el 01/03/2006.
14
ASSOULINE P, (Mai 1997). (on line) Publicación electrónica.
http://www.lire.fr/imprimer.asp/idc.LIRE.fr. Consultado el 01/03/2006.
15
ASSOULINE P, (Mai 1997). (on line) Publicación electrónica.
http://www.lire.fr/imprimer.asp/idc.LIRE.fr. Consultado el 01/03/2006.
chef-d´œuvre littéraire à sa médiocre adaptation cinématographique, il faut opposer la
longue liste des chefs-d´œuvre du cinéma tirés de médiocres œuvres littéraires.
Il est de grands créateurs et de petits artistes au cinéma comme en littérature, en
peinture, en musique. Le Molière du XXème siècle n´est-il pas Chaplin ?
À quand, pour le progrès de la Didactique, les propos qui suivent, trouveront-ils
une répercussion ? Il ne s´agît plus d´une œuvre littéraire et d´une seule adaptation
cinématographique, mais de plusieurs versions au cinéma, autant de voix qui viennent
enrichir l´œuvre première.

Le débat n’ est pas celui de la lecture contre le visionnement, il est celui du livre et de son
adaptation a multiplier. Il ne faut pas imaginer un seul instant que l’ adaptation récente du
Hussard sur le toit ou que l’adaptation du Roi des Aulnes d’ après Michel Tournier par
Volker Schlöndorff, soit la seule expression cinématographique possible de l’ œuvre
littéraire. D’autres cinéastes doivent s’ y atteler, chacun selon sa personnalité, selon sa
perception de l’œuvre littéraire de Giono ou de Tournier. Si l’ œuvre de tel ou tel cinéaste
n’ est pas perçue comme bonne, il ne faut pas en préjuger de la valeur du cinéma mais
prouver que c’ est d’ abord le film lui même qui est inégal, médiocre, dans son propre
langage
Le but des professeurs de lettres est, face aux enfants de l’image, de faire aimer lire les
livres. Le moyen de les amener a lire est de leur y faire apprécier l’univers de l’auteur
également a travers le prisme déformant du film. L’analyse textuelle comparative doit les
rendre conscients que le film ne dispense pas de lire le texte.16

Bibliographie
DEMOUGIN, F (1996) Adaptations cinématographiques d´œuvres littéraires, CRDP
Midi-Pyrénées.
ROLLET, S (1996) Enseigner la littérature avec le cinéma, Nathan, Coll. « Perspectives
didactiques ».
VANOYE, F (1989) Récit écrit, récit filmique, Nathan, collec. « Fac »
PEÑA-ARDID, C (1996) Literatura y Cine, Madrid, Cátedra.
SÁNCHEZ NORIEGA, J L (2000) De la literatura al cine. Teoría y análisis de la
adaptación, Barcelona, Paidós.
SONTAG, S (1984) “De la novela al cine”. Revista de Occidente, nº 40.
MAURIAC, C, (1966) Petite littérature du cinéma, nº 185 spécial « Cinéma et Roman ».

16
BESSIÈRE E (1997), Deux « Le Colonel Chabert » Honoré de Balzac, Yves Angélo. Collection UN
LIVRE/UN FILM, C.D.D.P. de l´Eure.

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