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La Biennale

Paris 2017
Claude
Monet
collectionneur

Nos
Les trésors
d’Ordrupgaard
à Jacquemart-
André

M 05525 - 762 - F: 7,90 E - RD


la
SOUS LE SIGNE DU LION
BOUCLES D’OREILLES OR BLANC ET DIAMANTS
COLLIER OR JAUNE, DIAMANTS ET PERLES DE CULTURE

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Le nouveau Salon des Beaux-Arts
du 16e siècle à nos jours

Du 8 au 12 novembre 2017
de 12h à 20h
Nocturne le jeudi 9 novembre jusqu’à 22 h

Palais Brongniart
Place de la Bourse, 75002 Paris Le Salon du Dessin, de la Peinture et de la Sculpture

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Pendant tout l’été a couvé une nouvelle affaire liée au marché de l’art. Ce n’est pas une
question de faux comme l’an dernier avec les meubles XVIII e de Versailles, mais une affaire
de propriété. Celle du pleurant 17, une petite statue du XIV e siècle en albâtre qui ornait à
Dijon le tombeau de Philippe le Hardi. Elle était en possession de la même famille depuis
1813. Celle-ci en avait permis le moulage en plâtre pour reconstituer sur place le monu-
ment funéraire avec ses quarante et une sculptures. La dernière propriétaire en date du
pleurant l’avait prêté pour de nombreuses expositions dont la dernière, en 2004, a eu lieu
aux musées de Dijon et de Cleveland. À sa mort, ses filles durent payer un supplément de
plus de huit cent mille euros de droits de succession

Va-t-il y avoir pour cette petite œuvre, estimée à plus de deux mil-
lions d’euros en se basant sur des sculptures similaires
vendues récemment. Après avoir songé à s’en séparer
RETROUVEZ par voie de dation, puis avoir proposé en vain au musée des Beaux-Arts de Dijon de l’ache-
LES CHRONIQUES ter avec l’aide de mécènes (l’État déclarant ne pas pouvoir l’acquérir), elles décident de la
HEBDOMADAIRES vendre aux enchères chez Pierre Bergé & Associés, qui demande alors un certificat d’ex-
de Guy Boyer sur
Radio Classique portation. En réponse, la maison de ventes reçoit une mise en demeure de la Direction
le vendredi en fin générale des patrimoines la priant de restituer l’œuvre à l’État car la famille serait « déten-
de flash de 13 h,
le samedi à 9h57 teur précaire d’un bien relevant du domaine public ». En clair, le pleurant ne lui appartien-
et 19 h, son émission drait pas.On peut s’interroger sur l’action du ministère de la Culture.Tant que la détentrice
« La Grande Galerie
conservait son bien en bon état et le prêtait,on ne l’a pas ennuyée ni contesté sa propriété.
de Radio Classique »
le vendredi à 19 h, Le jour où ses ayants droit décident de s’en séparer,l’État sort les griffes et veut confisquer
et son intervention l’objet.Y aurait-il deux poids deux mesures, puisque

une affaire
dans l’émission
de Patrick Poivre d’autres morceaux du tombeau de Philippe le Hardi
d’Arvor, « L’Invité (un dais et des pendentifs) ont été achetés en 1991
Culture », le lundi
à 19h 50.
et 2001 par le musée des Beaux-Arts de Dijon à
d’autres propriétaires qui les avaient obtenus dans les mêmes circonstances que la
famille du gisant incriminé? « L’État veut spolier une propriété privée. On a un sentiment
d’inégalité, d’arbitraire, assure maître Basile Ader. Pourquoi en 2013 l’État n’a-t-il pas réagi
lors de la vente chez Christie’s de deux pleurants du tombeau du duc de Berry, également
démembré pendant la Révolution,puis,en 2016,a fait usage de son droit de préemption sur
deux autres pleurants de même provenance, sans revendication ? » En accord avec son
confrère maître Delvolvé, qui re-

du pleurant ?
existe aussi
sur iPad et tablettes présente la famille devant la juri-
Android diction administrative pour
contester la décision du minis-
tère de la Culture, il considère que le bien était juridiquement aliénable jusqu’en 1804,
date de l’adoption du code civil et de son article 538. « Or, le pleurant 17 a été dissocié du
tombeau en 1793. Les héritières peuvent donc se prévaloir de la prescription acquisitive en
raison de l’ancienneté et de la notoriété, c’est-à-dire la bonne foi de leur possession. Je ne
sais pas si le ministère se rend compte des conséquences d’une telle mise en demeure ! »
Affaire à suivre, comme on dit dans ces cas-là. Sans doute devant un tribunal judiciaire.

GUY BOYER, DIRECTEUR DE LA RÉDACTION


GBOYER@CDESARTS.COM

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O5


L’Art
un placement plaisir qui mérite
de bien s’entourer

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SEPTEMBRE 2017

112
La Biennale Paris

78
accueille volontiers
le design et les Ci-dessous Isabelle et
arts décoratifs Hervé Poulain au milieu
du XXe siècle. de leur collection
sur le thème des
Indiens d’Amérique.

84
Restauré,
le chœur de l’église
Saint-Germain-
des-Prés, à Paris,
retrouve des

58
accents byzantins.

Corot fait partie


des fleurons de la
collection privée
de Claude Monet,
révélée au musée
Marmottan
Monet à Paris.
84 RESTAURATION
Aux couleurs de Byzance

90 RÉCIT D’UNE VIE


Nom : Hansen
Prénom : Vilhelm
5 ÉDITORIAL
96 STYLE
9 PORTFOLIO Dans les étoiles
Le théâtre de sculptures de Nicolas Aubagnac
17 EXPOSITIONS 100 ITINÉRAIRE
Les rendez-vous de la rentrée 2017 Ljubljana, années 1940
58 ÉVÉNEMENT 106 NOUVEAU TALENT
La collection secrète Ingela Ihrman / Dune Varela /
de Claude Monet Elena Gileva
En couverture :
Gustave
68 VISITE D’ATELIER 112 DOSSIER SPÉCIAL BIENNALE
Caillebotte, Hélène Delprat, La Biennale revient !
Rue de Paris, comme au théâtre
133
temps de pluie,
1877, h/t, MARCHÉ DE L’ART
54 x 65 cm, détail 74 ÉTUDE D’UNE ŒUVRE
156
©PARIS, MUSÉE
MARMOTTAN MONET.
THE BRIDGEMAN
Nicolas Poussin : CARNET DU CONNAISSEUR /
ART LIBRARY. Le Massacre des Innocents LIVRES /SUR LE WEB

78 COLLECTION PRIVÉE 171 CALENDRIER / SORTIR /


Hervé Poulain dans sa tribu COURRIER / MOIS PROCHAIN
CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O7
SAINT-SAËNS, DEBUSSY, MASSENET
BIZET, GOUNOD, RAVEL, BERLIOZ
POUR LA PREMIÈRE FOIS DANS LA COUR MARLY
DU MUSÉE DU LOUVRE

LE MARDI 19 SEPTEMBRE 2017 À 20H

UN GRAND ANNIVERSAIRE EN MUSIQUE


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portfolio

le
scu
Fastueusement installée dans l’hôtel Collot, à Paris,
res
Aménagées autour d’un jardin-patio dans les
anciennes dépendances de l’hôtel, les nouvelles
la galerie Kugel vient de gagner six nouvelles salles salles, de sobre décoration néoclassique, abritent un
consacrées aux sculptures et aux peintures. choix de peintures et de sculptures de premier ordre,
Elles s’y répondent comme au théâtre. Pour marquer de l’Antiquité au XIXe siècle et provenant pour la
l’événement, cet espace sera ouvert les 16 et 17 plupart de collections privées. Figurent ici, de dos,
l’Hercule Barberini, une tête antique d’Éros de type
septembre, dates des Journées du Patrimoine. Centocelle monté en buste au XVIIIe siècle ainsi que,
/ Texte Hervé Grandsart / Photos Jacques Pépion en arrière-plan dans la seconde salle, un buste
égyptien d’époque ramesside (1306-1186 av. J.-C.).
portfolio

Attribué à Antonio Minello


(1465-1529), ce marbre
magnifique témoigne
de l’adoption par Venise,
au début du XVIe siècle,
de l’esthétique classicisante.
Originaire de Padoue, Minello
s’était installé dans la cité
des Doges vers 1520, époque
où la famille de sculpteurs
des Lombardi ne régnait plus
en maître.
Attribué à Antonio Minello
De’Bardi, Buste de Cléopâtre,
vers 1520, marbre blanc,
albâtre, marbre vert antique,
H. 66 cm, détail.
Cet Hercule romain en pied,
restauré pour le cardinal
Francesco Barberini entre
1627 et 1628 par Arcangelo
Gonelli, orna le palais
Barberini, à Rome, jusqu’au
début du XXe siècle.
En arrière figurent deux
autres antiques du IIe siècle :
un buste de l’empereur
Caracalla et celui d’une
jeune fille provenant
de l’ancienne collection
des ducs d’Abercorn.
Hercule Barberini, Rome,
II e siècle, tête, mains et pieds
restaurés au XVII e siècle,
marbre, H. 155 cm.

Monumentalité
antique
portfolio

fameux groupe
aphné (v. 1622-
nin, ce bronze
relation par
tes avec l’art du
nçais François
28-1715).
attestée, dans
s de Girardon,
en cire du groupe,
blement par
rmet de penser
le bronze fut
de 1700 sous
ection. Un second
onnu est conservé
Montpellier.
on, Apollon et Daphné
n,vers 1700,bronze
ré, H. 88,5 cm.
portfolio

Inédite, cette spectaculaire


allégorie de la Fidélité, thème
cher au XVIIIe siècle avec celui de
l’Amitié, évoque l’art d’Étienne
Maurice Falconet (1716-1791).
Sur le mur : médaillon figurant
un enfant pleurant, vers 1730,
rare œuvre de Charles Claude
Dubut, sculpteur d’origine
française appelé à la cour
de Bavière en 1716.
Allégorie de la Fidélité,
vers 1760-1770, terre cuite,
H. 155 cm, détail.

Graciles
allégories

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DE LA GALERIE KUGEL,
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Desire,1983,néons JÉRÔME COIGNARD, ÉLODIE DE DREUX-BRÉZÉ,JEANNE FOUCHET-NAHAS,
240 x 179 x 65 cm
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THE MUSEUM GUILLAUME MOREL, ÉLISABETH VEDRENNE
OF MODERN ART.
©2017 BRUCE
NAUMAN.

Comme chaque année, un même constat : les expositions d’art les collections de Claude Monet (p. 58), Jacquemart-André fait
moderne l’emportent dans la programmation mondiale. Cet venir les impressionnistes d’Ordrupgaard (p. 90), Orsay danse
automne, pas moins d’une dizaine d’événements picassiens avec Degas, le Grand Palais se réserve Gauguin, Beaubourg se
vont mettre le peintre andalou à toutes les sauces. Picasso entre concentre sur Derain fauve, la Fondation Louis Vuitton choisit les
cubisme et néoclassicisme à Rome, Picasso en 1932 au Musée chefs-d’œuvre du MoMA de New York (ill.) tandis que le musée
Picasso-Paris, Picasso comparé à Toulouse-Lautrec à Madrid ou Maillol opte pour le Pop Art du Whitney. En région, Lille res-
Picasso et Botero à Aix-en-Provence… Paris joue la même par- sort Jean-François Millet, Les Sables-d’Olonne mettent Gaston
tition et, qu’ils soient privés ou publics, les musées parisiens ont Chaissac sur un piédestal et le Lam de Villeneuve-d’Ascq raconte
prévu une rentrée centrée sur l’art moderne. Marmottan analyse l’histoire de Wilhelm Uhde et des Primitifs modernes. GUY BOYER

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O17


art ancien

À gauche
Jean Clouet,
Portrait équestre
de François I er,
peinture sur
papier,27 x 22 cm
©PARIS, MUSÉE
DU LOUVRE.PHOTO
DE PRESSE RMN.

> REVISITER L’ART FRANÇAIS


SOUS FRANÇOIS Ier
Du 18 octobre au 15 janvier
François Ier a fixé dans nos mémoires un XVVIe siècle fas-
ciné par l’Italie avec, en vitrine, l’art de Fontainebleau.
Sous la houlette de Cécile Scailliérez, l’e exposition du
Louvre remet l’accent sur l’importance des Pays-Bas
(Belgique et Pays-Bas actuels) dans l’artt français du
temps, balloté entre les derniers feux g gothiques et
les nouveautés de la Renaissance. Imporrtées ou bien
créées en France par des artistes d’origine nordique
installés en nombre chez nous, selon un flux déjà
ancien, les œuvres de ces artistes attiraie ent pour leur
esprit réaliste, cultivé, en particulier dans le domaine Ci-contre Éros
du portrait, dont les Clouet et Corneille de La Haye, citharède, Myrina,
dit de Lyon, furent d’éminents représen ntants. Fran- Asie Mineure
çois Ier lui-même n’appela-t-il pas, vers 15 529, Joos Van (Turquie), fin du
Ier siècle av. J.-C.,
Cleve à sa cour ? Ces artistes, dont certa ains venaient argile peinte
de la grande cité internationale d’Anvers, infléchirent PARIS, MUSÉE DU
cependant la rencontre du Nord et du Midi, M les plus LOUVRE. ©PHOTO
DE PRESSE RMN.
remarquables d’entre eux, remis en lumière par l’ex-
position, engageant l’art français dans une u féconde À droite, en haut
synthèse des traditions nationales avec des apports Pieter Bruegel
italiens et nordiques. H. G. l’Ancien,
L’Âne à l’école,
1557, gravure,
PARIS « FRANÇOIS Ier ET L’ART DES PAYS-BAS », 23,7 x 30,3 cm
musée du Louvre, 01 40 20 50 50. ©VIENNE, ALBERTINA.
photo moderne contemporain

QUAND BRUEGEL
DESSINE ET GRAVE
Du 8 septembre au 3 décembre
Le richissime musée Albertina de Vieenne
nous offre cette année une exposi tion
d’œuvres graphiques du peintre flam mand
Pieter Bruegel l’Ancien (1529-1569), préélude
à celle programmée en 2018 au Kunsthisto-
risches Museum, qui honorera les tableaux
du maître. Bien que Bruegel fît détruiree à la
veille de sa mort certaines feuilles (com mpro-
mettantes ?) et malgré les inévitables peertes
dues à l’histoire, près d’une centaine de des-
sins connus, de grande diversité d’insp pira-
tion et souvent datés et signés, lui sont dee nos
jours attribués, faible part de sa producction
puisque qu’il en livra cent trente-cinq au
seul Jérome Cock pour être gravés. Bru uegel
dessinateur fut, en outre, imité par d’au utres
artistes, en premier lieu par son propree ils,
Pieter le Jeune. Une exposition qui devvrait
faire le point sur toute cette producction ques instruments, elle livre sur le sujet un
emblématique du xvie siècle. état complet de connaissances très élargies
VIENNE « BRUEGEL. DESSINER ces derniers temps. Bien qu’attestée à Ugarit
LE MONDE », Albertina, 43 1 534 830. (actuelle Syrie) au xive siècle av. J.-C., la théo-
rie d’échelle musicale n’a laissé, hélas, que de
LENS EN MUSIQUE ! très rares traces écrites, alors que la musique,
religieuse ou non, devait rythmer toute vie
Du 13 septembre au 15 janvier
publique et privée. Des dispositifs sonores
Adossée à des programmes de recherches inédits permettront d’en évoquer néanmoins
des Écoles françaises à l’étranger, une certains aspects et de se familiariser avec le
spectaculaire exposition sur le thème d de la plus ancien chant connu à ce jour au monde.
musique sous l’Antiquité a été menée à bien LENS « MUSIQUES ! ÉCHOS DE
par le musée du Louvre-Lens, en collab bora- L’ANTIQUITÉ », Louvre-Lens, 03 21 18 62 62.
tion avec la Fondation espagnole « la Caiixa ».
Riche de quelque quatre cents œuvres et ob- LA PEINTURE HEUREUSE
jets divers, parmi lesquels igurent d’authenti- D’ANDERS ZORN
Du 15 septembre au 17 décembre
Fruit d’une collaboration franco-suédoise,
l’exposition du Petit Palais consacrée à l’artiste
suédois Anders Zorn (1860-1920), après celle
qui honora, en 2014, cet autre grand Suédois,
le peintre Carl Larsson, remet sous les feux de
la rampe un artiste célèbre et célébré, parfois,
sous le nom réducteur de « maître suédois de
l’impressionnisme ». Ayant parfait sa forma-
tion à Paris, ville où il connut un vif succès,
marqué par la consécration d’une grande
exposition en 1906, Zorn fait partie des ces
artistes européens « in de siècle » qui, déga-
gés du pur académisme, surent exploiter les
lamboyances d’une touche large libératoire.
Mais Zorn pratiqua tous les genres hors de
toute formule et fut également un remar-
Ci-contre quable aquarelliste, sculpteur, et même pho-
Anders Zorn, tographe. Occasion de redécouvrir à Paris cet
Vacances d’été, artiste au talent multiple. H. G.
1886,aquarelle
sur papier, PARIS « ANDERS ZORN, LE MAÎTRE DE
76 x 54 cm LA PEINTURE SUÉDOISE », Petit Palais,
©COLLECTION PRIVÉE. 01 53 43 40 00.

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O19


art ancien design archi

Ci-contre Masque
anthropomorphe, ET AUSSI…
Gabon, XXe s.,
bois, H. 25 cm LE VERRE À CLUNY
©PARIS, MUSÉE DU QUAI
BRANLY-JACQUES CHIRAC. Du 20 septembre au 8 janvier
PHOTO T. OLLIVIER,
M. URTADO. Du vitrail aux gobelets transparents,
le verre prend au Moyen Âge des
En bas Albrecht formes et des usages variés.
Dürer, Aile de rollier
bleu, v. 1500-1512,
Le musée de Cluny à Paris en dresse
aquarelle sur un premier inventaire.
vélin, 29,6 x 20 cm
©VIENNE, ALBERTINA. VIENNE CÉLÈBRE RAPHAËL
Du 29 septembre au 7 janvier
branche essentielle de la chrétienté.
Après l’Ashmolean Museum
Car, faut-il le rappeler, le christia-
d’Oxford (« Connaissance des
nisme est né et s’est difusé au Proche- Arts » n°760), l’Albertina de Vienne
Orient, s’implantant en Égypte, au célèbre Raphaël côté art graphique
Liban, en Syrie, Jordanie, Irak… à travers en cent vingt dessins.
une multiplicité d’Églises (copte, grecque,
syriaque, arménienne, maronite). L’exposition VAN EYCK ET
vise à montrer toute « l’implication des chré- LES PRÉRAPHAÉLITES
tiens d’Orient dans la vie culturelle, politique et
intellectuelle du monde arabe ». Du 2 octobre au 2 avril
PARIS « CHRÉTIENS D’ORIENT. Possédant les célèbres Époux
DEUX MILLE ANS D’HISTOIRE », Institut Arnolfini, la National Gallery de
du monde arabe, 01 40 51 38 38. À lire : Londres s’attache à Van Eyck et
notre HORS-SÉRIE n° 778 (52 pp., 9,50 €). son influence sur les artistes, en
particulier les Préraphaélites du XIXe.
L’AFRIQUE ÉQUATORIALE
Du 3 octobre au 28 janvier RUBENS AU LUXEMBOURG
Du 4 octobre au 15 janvier
Plus de trois cents pièces, du xix e au
xx e siècle, statues d’ancêtres et masques, Plutôt que d’offrir une rétrospective
DÜRER CÔTÉ DESSIN correspondant à deux types de rituels, sont Rubens, le musée du Luxembourg
présentées. « Les statues, écrit Yves Le Fur, à Paris a préféré se concentrer
Du 20 septembre au 6 janvier sur ses portraits princiers.
commissaire de l’exposition, sont majori-
L’Albertina possède un fonds exceptionnel tairement reliées aux cultes domestiques des
de près de cent quarante dessins d’Albrecht ancêtres et installées dans des dispositifs de GEORGES MICHEL RETROUVÉ
Dürer. Aussi est-ce l’œuvre graphique du reliquaires ou igures reliquaires. Les masques Du 7 octobre au 7 janvier
grand artiste qui est au cœur de cette expo- expriment les nombreux aspects des entités
sition, son œuvre graphique considéré à spirituelles qui interviennent dans le fonc- Belle initiative de Bourg-en-Bresse
l’égal de son œuvre peint ou gravé. À rai- tionnement des sociétés (initiation, justice, qui propose la redécouverte du
paysagiste Georges Michel (1763-
son : certaines feuilles célèbres, comme la cérémonies, fêtes…). » M. J.
1843), « le Ruysdael de Montmartre »
Touffe d’herbe fourmillante de vie, l’Aile PARIS « FORÊTS NATALES. ARTS DE bien oublié aujourd’hui.
d’oiseau aux multiples nuances colorées, ou L’AFRIQUE ÉQUATORIALE ATLANTIQUE »,
le Lapin, dont on pourrait compter les poils musée du Quai Branly-Jacques Chirac,
01 56 61 70 00. RASPAL REVIENT À ARLES
et qui semble pouvoir bouger, sont d’une
densité vertigineuse dans la restitution de Du 7 octobre au 7 janvier
la réalité et constituent des sommets de l’art Après Grasse, Arles et le musée
de la Renaissance. Comme pour Léonard de Réattu accueillent le peintre Antoine
Vinci, son contemporain, le dessin était pour Raspal (1738-1811), un enfant
Dürer un moyen de connaissance, de décou- du pays qui a réussi dans la scène
verte et de compréhension du réel. de genre provençale.
VIENNE « DÜRER, DESSINS », Albertina,
43 1 534 83. L’INDONÉSIE À BRUXELLES
LES CHRÉTIENS D’ORIENT Du 10 octobre au 21 janvier
Du 26 septembre au 14 janvier Arts plastiques, cinéma, théâtre,
danse, gastronomie : le festival
Le thème est, hélas, d’actualité, à cause des Europalia met tous les deux ans
persécutions dont ils sont encore parfois la un pays à l’honneur. En 2017, c’est
cible. Les chrétiens d’Orient forment une l’Indonésie qui rayonne à Bruxelles.

20 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


Early Morning : Woman Lying on Bed, 1992
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art ancien design archi

Ci-contre
Jean-François
ET AUSSI…
Millet, L’Homme
à la houe,
PIETER POURBUS À BRUGES
1860-62, h/t, Du 13 octobre au 21 janvier
82 x 100 cm
©LOS ANGELES, Détenteur du somptueux Jugement
THE J. PAUL dernier de Pieter Pourbus, le musée
GETTY MUSEUM.
Groeninge de Bruges a choisi de
En bas Narcisse mettre en avant les maîtres oubliés
Díaz de la Peña, de la Renaissance flamande.
Route à la
lisière d’un bois,
aquarelle et
DOLE CÉLÈBRE JULES ADLER
crayon noir, Du 13 octobre au 11 février
21 x 27 cm
PARIS, MUSÉE Avec le Palais Lumière d’Évian
D’ORSAY. ©PHOTO et la Piscine de Roubaix, le musée
DE PRESSE RMN.
jurassien rend hommage à Jules
PARIS « DESSINER EN PLEIN-AIR. Adler (1865-1952), artiste naturaliste
MAGISTRAL MILLET VARIATIONS DU DESSIN SUR peignant les sardinières de
13 octobre-22 janvier NATURE DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ Douarnenez ou une grève au Creusot.
DU XIXe SIÈCLE », musée du Louvre,
De l’immense popularité de Jean-François 01 40 20 50 50.   LES TABLEAUX
Millet (1814-1875) subsiste l’icône mondia- DES ABBÉS DESJARDINS
lement frelatée de L’Angélus. Coproduite par RÉGNIER PÈRE ET FILLES
la Réunion des musées nationaux et le palais Du 14 octobre au 28 janvier
30 novembre-13 mars
des Beaux-Arts de Lille, cette rétrospective Le musée des Beaux-Arts de Rennes
sonne la cloche d’un vrai retour à ce grand Flamand de naissance, Français de culture, accueille les tableaux de maîtres
maître. Au paysagiste émerveillé et au chantre Nicolas Régnier (1591-1667) se forma à français des XVIIe et XVIIIe siècles
du paysan au travail, au peintre et au dessina- Anvers avant de chercher fortune en Italie. envoyés au Canada par les abbés
teur éblouissant. Ses igures du Vanneur, du À Rome d’abord, puis à Venise, où il s’établit Desjardins après la Révolution.
Semeur, de L’Homme à la houe puissamment déinitivement vers 1626. Artiste éclectique,
maçonnées se souviennent de Michel-Ange, caravagesque durant ses années romaines, VOYAGE AVEC RÉGAMEY
ses paysages de Poussin. Car ce poète âpre et il délaissa par la suite ce vérisme pour Du 18 octobre au 26 février
suave, lecteur de Virgile, regardait les maîtres. des mythologies et des scènes historiques
Parce que Millet y fut tôt apprécié des artistes somptueusement scénographiées. Beau- Émile Guimet, donateur principal
et des collectionneurs, Régis Cotentin consa- tés fameuses, ses quatre filles furent aussi du musée du même nom, partit en
cre une section à son influence sur l’art du ses modèles préférés, atouts majeurs de cet 1876 avec le peintre Félix Régamey
xxe siècle aux États-Unis. art sensuel et séducteur. Cette première en Asie. Ils en rapportèrent
rétrospective de l’artiste réunit une qua- croquis et objets, ici mélangés.
LILLE « JEAN-FRANÇOIS MILLET »,
palais des Beaux-Arts, 03 20 06 78 00. rantaine de tableaux provenant des grands
musées internationaux et de collections NAPOLÉON À ARRAS
DEHORS LE DESSIN ! privées. C’est aussi la première exposition Du 20 octobre au 20 novembre
18 octobre-29 janvier majeure du musée rouvert cet été. J. C.
Dans le cadre de son accord avec
NANTES « NICOLAS RÉGNIER. Versailles, le musée d’Arras a choisi
e
Dès le xvii siècle, les artistes européens LA POÉTIQUE DE LA SÉDUCTION »,
la geste napoléonienne, de Toulon à
commencent à éprouver le besoin de dessi- musée des Beaux-Arts,
02 51 17 45 17. Sainte-Hélène, pour une exposition
ner en plein-air. Fréquent au siècle suivant, ce qui durera treize mois.
travail « sur le motif » devient au
début du xixe siècle l'un des exer-
MICHEL-ANGE AU MET
cices obligés du cursus d’un jeune
artiste. Organisée avec le concours Du 13 novembre au 12 février
exceptionnel de la Bibliothèque Le Metropolitan Museum de New
nationale de France, l’exposition York expose cent cinquante dessins
réunit une centaine de feuilles de Michel-Ange montrant sa capacité
au statut très variable, du simple à inventer des formes nouvelles.
croquis au dessin scientiique, de
l’esquisse au dessin achevé, œuvre LES ANDES AU QUAI BRANLY
à part entière. Une trentaine de
carnets évoque la réalité du « ter- Du 14 novembre au 1er avril
rain ». Et un ensemble d’eaux- « Avant les Incas » souligne, au musée
fortes rappelle que certains, bra- du Quai Branly-Jacques Chirac,
vant les relets, n’hésitaient pas à la diversité des cultures andines
grifer directement le cuivre. deux mille ans avant notre ère.

24 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


D U 7 A U 1 6 S E P T E M B R E 2 0 1 7

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découverte de 7 000 ans d’arts décoratifs. Rue du Bac, rue de Beaune, rue de Lille, rue
Montalembert, rue du Pré-aux-Clercs, rue des Saints-Pères, rue de l’Université, rue de Événement
organisé en
Verneuil, quai Voltaire. Paris VI et VII. partenariat avec
le 10e Parcours
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et des Arts du Feu.
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les masses et le mouvement»

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> DE TOUTES LES COULEURS
Du 12 octobre au 2 avril
Au laboratoire de la Manufacture de Sèvres, mille et
une couleurs ont été créées depuis 1740. Bleu céleste,
bleu de Sèvres, rose Pompadour, jusqu’à l’orange
Sottsass, au vert Hyber et aux créations des desi-
gners-coloristes Scholten & Baijings. Une exposition
en partenariat avec le Centre Pompidou confronte
les productions de Sèvres et des pièces de grands
céramistes français et internationaux, historiques et
contemporains (Ernest Chaplet, Émile Decœur, Théo-
dore Deck, Daniel de Montmollin, Philippe Lambercy,
Jean Girel, Edmund de Waal…) à des œuvres d’ar-
tistes plasticiens et de designers considérés comme
des figures de la couleur au XX e siècle (Josef Albers,
Sonia Delaunay, Gérard Fromanger, Sheila Hicks, Yves
Klein…). M. B. Ci-dessus Takeshi
Hosaka,Hoto Fudo,
Yamanashi,Japon
SÈVRES « L’EXPÉRIENCE DE LA COULEUR », ©NACASA&PERTNERS INC.
Cité de la céramique, 01 46 29 22 00. TAKESHI HOSAKA ARCHITECTS.
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Page de gauche va des premiers édiices en béton d’Arata


Bertrand Lavier,
La Bocca, 2007, Isozaki et Kenzo Tange à l’architecture
porcelaine de Sèvres, transparente ou narrative de Shigeru
80 x 80 x 170 cm Ban, Kengo Kuma et SANAA.
©SÈVRES, MUSÉE NATIONAL
DE LA CÉRAMIQUE. METZ « JAPAN-NESS, ARCHITECTURE
PHOTO DE PRESSE RMN. ET URBANISME AU JAPON DE 1945
À NOS JOURS », Centre Pompidou-Metz,
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Léon Elchinger et
Jean-Désiré Ringel
d’Illzach,Vase avec
TRISTAN AUER,
quatre visages CRÉATEUR DE L’ANNÉE
d’expression, Du 8 au 12 septembre
1900-1905,céramique,
H.34 cm « Chaque fois que je rencontre Philippe Starck,
©MUSÉES DE STRASBOURG.
PHOTO M. BERTOLA. je le remercie de m’avoir viré. Le destin m’a
mis sur des chemins de traverse sur lesquels je
En bas,à droite n’aurais jamais osé aller », dit l’architecte d’inté-
Stand Cartier conçu
par Tristan Auer à la
rieur, décorateur et designer Tristan Auer. Élu
Biennale de Paris 2012 Créateur de l’année du salon Maison & Objet
©TOMMASSO SARTORI. Paris, il signe la scénographie d’un espace
mêlant classicisme épuré et modernité, dans
le hall 8, doté d’arches et de tonalités claires.
STRASBOURG, À l’origine de la métamorphose du club pari-
UNE CULTURE HUMANISTE sien Les Bains en hôtel-club-restaurant chic en
Du 23 septembre au 25 février 2014, il vient d’achever la coordination de la
rénovation de l’hôtel de Crillon en juillet, en
Les musées de la Ville de Strasbourg organisent défendant avec force les artisans d’art français.
une grande manifestation consacrée à la vie « Pour moi, le luxe, c’est le sur-mesure », martèle
culturelle strasbourgeoise entre 1880 et 1930, ce passionné de voitures anciennes qui aime
montrant comment la ville est devenue un labo- personnaliser les belles cylindrées. Concepteur
ratoire dans lequel pensées et formes nouvelles de showrooms pour des marques de prestige
ont surgi des fécondations entre cultures alle- (Cartier) et designer de mobilier pour les édi-
mande, française et européenne. Le musée d’Art teurs Pouenat et Holly Hunt, il conçoit actuel-
moderne et contemporain met l’accent sur les lement l’aménagement intérieur d’une grande
arts décoratifs et les décors du complexe de loi- maison de champagne à Reims et d’un hôtel
sirs moderniste de l’Aubette conçu par Jean Arp, monacal rue du Temple à Paris… M. B.
Sophie Taeuber-Arp et héo Van Doesburg. Le PARIS « MAISON & OBJET PARIS », Parc
musée des Beaux-Arts traite de la personnalité des expositions de Paris Nord-Villepinte,
de l’éminent conservateur Wilhelm Bode, à l’ori- 08 11 04 00 96.
gine des collections des musées strasbourgeois,
tandis que le palais Rohan évoque l’histoire des
lieux de musique à Strasbourg et ses acteurs.
STRASBOURG « LABORATOIRE D’EUROPE,
STRASBOURG 1880-1930 », 03 68 98 51 55.

ARCHITECTURE ET « JAPONITÉ »
Du 9 septembre au 14 mai
Selon l’architecte Arata Isozaki, l’architecture
japonaise se distingue par un mouvement
permanent et un refus de se figer dans des
styles. Cette singularité qu’il nomme « Japan-
ness » (« Japonité ») sert de fil rouge à une
exposition sur l’architecture et l’urbanisme
au Japon de 1945 à nos jours. Immergé dans
une ville organique conçue par Sou Fujimoto,
le visiteur est invité à traverser l’histoire cycli-
que de l’architecture japonaise, de la destruc-
tion de la bombe atomique à Hiroshima et
Nagasaki en 1945, jusqu’à ses expressions les
plus actuelles. Le parcours chronologique

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O29


art ancien design archi

Ci-contre Globe
céleste, Exposition ET AUSSI…
universelle de Paris,
in « Le Figaro illustré », BORDEAUX EN COULEUR
n°128, novembre 1900
©COLL. PRIVÉE. Jusqu’au 5 novembre
En bas Manoël Avec Pierre Charpin à la mise en
Penicaud, scène, le musée des Arts décoratifs
Musulmane priant de Bordeaux aborde le design par
contre le tombeau la couleur, d’Albers à Vautrin.
de Rebecca, 2014,
photographie.
L’ARCHI ENVAHIT BORDEAUX
d’une enquête anthropo- Du 14 au 24 septembre
logique, le parcours mêle
f i lms do c ument aires, Agora, la Biennale d’architecture,
objets ethnographiques, d’urbanisme et de design de
archives, photographies Bordeaux, a choisi le paysage
comme sujet de réflexion avec
et œuvres d’art, dont la
l’architecte-paysagiste Bas Smets
maquette de House of One
comme invité d’honneur.
commandée aux archi-
tectes Kuehn et Mavelzzi
DROOG DESIGN
(« Connaissance des Arts » CHEZ MONDRIAN
n°754, pp. 100-101) qui
rassemble sous un même toit une synagogue, Du 23 septembre au 3 décembre
GLOBES ARCHITECTURAUX une mosquée et une église chrétienne. M. B. Dans le cadre de l’Année Mondrian,
Du 10 novembre au 26 mars PARIS « LIEUX SAINTS PARTAGÉS. Utrecht met en avant au Centraal
COEXISTENCES EN EUROPE Museum sa gloire locale, le groupe
La Cité de l’architecture et du patrimoine ET EN MÉDITERRANÉE », Musée Droog Design fondé à Amsterdam en
raconte l’épopée des bâtiments sphériques, national de l’histoire de l’immigration, 1993. Simplicité et humour à la clé.
lieux de savoir et de pouvoir. Quatre-vingt- 01 53 59 58 60.
dix projets, construits ou non, du milieu du JORIS LAARMAN
xviie siècle à nos jours, sont documentés et PROUVÉ À LA FONDATION LUMA AU COOPER-HEWITT
illustrés par de nombreuses maquettes, dessins, À partir du 20 octobre Du 27 septembre au 24 janvier
plans et ilms. Si le globe architectural trouve sa
matrice en Occident dans le panthéon romain, Depuis le mois de juin, les maisons de Jean Le temple du design new-yorkais,
cherchant symboliquement à représenter le Prouvé (1901-1984) ont envahi les anciens le Cooper-Hewitt Museum, consacre
ciel par une forme de voûte, il perdure dans ateliers de la SNCF aujourd’hui occupés une rétrospective au talentueux
l’invention du planétarium et dans une série par la Fondation Luma et sa grande tour Hollandais Joris Laarman sous le
de cénotaphes inspirés des premiers vols de de métal brillant signée Frank Gehry. Elles titre de « Design à l’âge numérique ».
montgolières et de ballons au xviiie siècle. Il annoncent l’ouverture de l’exposition Jean
se poursuit par le dôme géodésique de Richard Prouvé montée avec l’aide de la galerie RÊVER À ORLÉANS
Buckminster Fuller dans les années 1940, Patrick Seguin. « Considérant qu’il n’y a Du 13 octobre au 1er avril
jusqu’au Convention and Exhibition Center pas de diférence entre la construction d’un
de Rem Koolhaas en 2007. M. B. meuble et celle d’un immeuble, dit le mar- La première Biennale d’architecture
d’Orléans prend pour thème
PARIS  « GLOBES, ARCHITECTURE chand parisien, Jean Prouvé a développé une
« Marcher dans le rêve d’un autre »
ET SCIENCES EXPLORENT LE MONDE », pensée constructive fondée sur une logique
avec 45 architectes contemporains.
Cité de l’architecture et du patrimoine, de fabrication et de fonctionnalité qui génère
01 58 51 52 00. une esthétique épurée de tout artiice. » C’est
VIENNE À MANHATTAN
pourquoi ses maisons démontables allient
CONTRE LES bois et aluminium, permettant qu’elle soient Du 26 octobre au 29 janvier
FONDAMENTALISMES démontées et déplacées à volonté. G. B. La très riche Neue Galerie de
Du 23 octobre au 21 janvier ARLES « LES HABITATS DE JEAN PROUVÉ », New York propose un panorama
Fondation Luma, 04 88 65 83 09. de la Wiener Werkstätte, l’atelier
Juifs, chrétiens et musulmans dans les d’ameublement viennois autour de
mêmes sanctuaires ? Une exposition aborde Josef Hoffmann et Koloman Moser.
le phénomène des lieux saints partagés par
les idèles des trois religions monothéistes en LYON SE TRANSFORME
Méditerranée et en Europe. Juifs, chrétiens,
druzes et musulmans vénérant le prophète Du 17 novembre au 17 juin
Elie sur le mont Carmel à Haïfa, chrétiens et Des aménagements du XVIIIe à ceux,
musulmans priant Jésus à la basilique de la récents, des Confluences, le musée
Nativité à Bethléem et Marie à Notre-Dame- Gadagne évoque les grands projets
de-la-Garde à Marseille… Conçu à partir urbains qui ont façonné Lyon.

30 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


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> LA MODERNITÉ D’IRVING PENN


Du 21 septembre au 29 janvier
C’est le plus grand événement de la rentrée photogra-
phique parisienne. Créée à l’occasion du centenaire
d’Irving Penn (1917-2009), cette exposition a été
conçue par le Metropolitan Museum of Art de New
York et le Grand Palais à Paris (voir notre hors-série
n° 779). Avec plus de deux cent quarante tirages et
une sélection d’œuvres graphiques, elle retrace les
soixante-dix années de la carrière de l’artiste améri-
cain qui mélangea avec talent le graphisme et la pho-
tographie. Penn a créé une œuvre d’une incroyable
modernité, de ses portraits « existentiels » aux couver-
tures de « Vogue », des reportages au bout du monde
aux sublimes pavots. L’exposition à Paris bénéficie du
mécénat de la Fondation Roederer. J. F.-N.
PARIS « IRVING PENN LE CENTENAIRE », Grand Palais,
01 44 13 17 17.
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LA PHOTO ARABE CONTEMPORAINE


Du 13 septembre au 12 novembre
Organisée par l’Institut du monde arabe
(Ima) et la Maison européenne de la photo-
graphie (Mep), cette deuxième édition de la
Biennale des photographes du monde arabe
contemporain met à l’honneur deux pays
du Maghreb : la Tunisie et l’Algérie. Et rend
hommage à Leila Alaoui, jeune photographe
franco-marocaine victime à l’âge de 33 ans
d’une attaque terroriste à Ouagadougou (Bur-
kina-Faso) en janvier 2016, au moment où
étaient exposés ses portraits de Marocains
dans le cadre de la première Biennale. La
manifestation se déroule simultanément dans
huit lieux parisiens : l’Ima, qui présente plu- VISA POUR L’IMAGE, 2016, sur la réserve indienne de Pine Ridge,
sieurs photographes tunisiens et des talents LE GRAND RENDEZ-VOUS l’un des endroits les plus pauvres aux États-
méconnus originaires des pays arabes, la Du 2 au 17 septembre Unis. Notons également les images de Larry
Mep, qui réunit Hicham Benohoud, Farida Towell sur les Sioux démunis face au projet
Hamak et Xenia Nikolskaya, la Cité interna- Ouvert au grand public, ce rendez-vous de l’oléoduc Dakota Access Pipeline relancé
tionale des arts, la Mairie du IVe, la galerie annuel international des photojournalistes, par Donald Trump.
hierry Marlat, la galerie Photo12, la galerie des éditeurs, des agences et des iconographes PERPIGNAN « VISA POUR L’IMAGE.
Clémentine de la Féronnière et la galerie présente cette année vingt-cinq expositions FESTIVAL INTERNATIONAL
Binôme, dessinant une mosaïque de regards qui parlent de l’actualité de notre monde, DU PHOTOJOURNALISME », divers lieux
contemporains sur le monde arabe. en particulier celle des êtres menacés par dans la ville, 04 68 62 38 00.
les guerres et les injustices. On retiendra le
PARIS « 2e BIENNALE DES RENGER-PATZSCH, SI SIMPLE
PHOTOGRAPHES DU MONDE ARABE
reportage de Ferhat Bouda, lauréat du Prix
CONTEMPORAIN », Pierre et Alexandra Boulat 2016, sur les Du 17 octobre au 21 janvier
Institut du monde arabe et Maison Berbères au Maroc, « une culture en résis-
européenne de la photographie, tance », celui de Darcy Padilla, lauréate du « La photographie réduit le monde en couleur
biennalephotomondearabe.com Prix Canon de la femme photojournaliste à un rectangle en noir et blanc. Et logique-
ment, dans la mesure où c’est le moins pré-
tentieux des moyens d’expression artistique,
elle exige un goût rigoureux et une aptitude à
l’abstraction, à l’imagination et à la concen-
tration. » Cette profession de foi d’Albert
Renger-Patzsch (1897-1966), l’un des fonda-
teurs de la Nouvelle Objectivité, mouvement
artistique apparu en Allemagne au début des
Page de gauche, années 1920, est dévoilée au Jeu de paume
en haut Irving Penn, qui lui consacre une vaste rétrospective. Un
Ungaro Bride Body moment rare pour un artiste rare, qui a su
Sculpture (Marisa opposer au pictorialisme de son époque le
Berenson), Paris,1969 réalisme et la simplicité, en tentant de mon-
©CONDÉ NAST.
trer les objets du quotidien et le monde tels
À gauche Ahmad qu’ils sont. J. F.-N.
El-Abi,The Guilty PARIS « ALBERT RENGER-PATZSCH.
Pleasure,2016 LES CHOSES », Jeu de paume, 01 47 03 12 50.
©AHMAD EL-ABI.

À droite,en haut Vlad Ci-contre Albert


Sokhin,Peia Kararaua Renger-Patzsch,
dans un quartier inondé Stapedia variegata.
du village d’Aberaro, Asclepiadaceae,1923
îles Kiribati,2015 MUNICH, PINAKOTHEK
©VLAD SOKHIN. DER MODERN. ©ARCHIV
PANOS PICTURES. ANN UND JÜRGEN WILDE.

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Cyrille Weiner, ET AUSSI…
Le Cheval de trait
de Roger des LE FANTÔME LIU BOLIN
Près sur le Du 6 septembre au 29 octobre
Grand Axe, série
La Fabrique du Le performeur chinois Liu Bolin se
pré, 2004-2014, fond dans l’environnement. Ses
Nanterre, 2008 clichés sont à découvrir à la Maison
©CYRILLE WEINER.
européenne de la photographie.
En bas Robert
Doisneau, LA CHAPELLE À MONS
Mademoiselle
Anita, 1951 Du 14 octobre au 25 février
©ROBERT DOISNEAU.
David La Chapelle est l’invité du
BAM de Mons en Belgique. « After
the Deluge » part de la fresque de
Michel-Ange à la Sixtine et évoque
la disparition de l’être humain.

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SIDIBÉ, L’ŒIL DE BAMAKO musée d’Ixelles, 32 2 515 64 21. Du 17 octobre au 21 janvier
Du 20 octobre au 25 février
Le vidéaste turc Ali Kazma
Il y a vingt ans, la Fondation Cartier dévoi- LES PAYSAGES FRANÇAIS s’interroge sur le sens de l’activité
lait les clichés noir et blanc de Malick Sidibé ET LES PHOTOGRAPHES humaine. En parallèle aux
(1936-2016). Un an après sa mort, elle lui Du 24 octobre au 14 février photographies de Renger-Patzsch,
rend hommage en exposant ses œuvres ico- à ne pas manquer au Jeu de paume.
niques, accompagnées de tirages d’époque Cette exposition de grande ampleur invite
et de documents historiques inédits, extraits à une promenade dans le temps, sur quatre LA BIRMANIE À GUIMET
des archives du grand photographe malien. décennies, pour y découvrir les paysages fran-
Du 18 octobre au 22 janvier
Surnommé « l’œil de Bamako », Malick çais et leurs métamorphoses. Avec plus de
Sidibé commença sa carrière par des repor- cent soixante auteurs et quelque mille tirages, Une centaine de photographies
tages sur la jeunesse bamakoise dès l’in- c’est aussi un voyage dans l’histoire récente de anciennes tirées des collections
dépendance de son pays en 1960. Nommé la photographie de paysage, ou comment de du musée Guimet fait revivre
« Trésor national » au Mali en 2003, il rem- grands photographes – parmi lesquels Bernard la Birmanie à l’époque de la
porte l’année suivante le Prix international Plossu et Gabriele Basilico, Elina Brotherus, domination britannique.
de la photographie Hasselblad, décerné pour Stéphane Couturier, Raymond Depardon, Jac-
la première fois à un photographe africain. queline Salmon ou hibaut Cuisset –, créent DEAUVILLE REÇOIT LINDBERGH
Quelques mois avant son décès, il est récom- de nouvelles écritures photographiques qui Du 21 octobre au 26 novembre
pensé du Lion d’or à la Biennale de Venise. « parlent du patrimoine comme du quotidien
et surtout s’invitent dans le débat pour proposer Avec le photographe de mode
PARIS « MALICK SIDIBÉ », Fondation Cartier
des manières nouvelles d’habiter poétiquement Peter Lindbergh en invité d’honneur,
pour l’art contemporain, 01 42 18 56 50.
le monde ». Un très beau programme! J. F.-N. le festival Planche(s) Contact
de Deauville accueille Claude Nori
ROBERT DOISNEAU L’ESPIÈGLE PARIS « PAYSAGES FRANÇAIS. UNE et agnès b.
Du 19 octobre au 4 février AVENTUREPHOTOGRAPHIQUE,1984-2017 »,
Bibliothèque nationale de France, site
Le musée d’Ixelles et l’Atelier Robert François-Mitterrand, 01 53 79 59 59. LUCIEN HERVÉ AU CHÂTEAU
Doisneau ont concocté une exposition qui Du 17 novembre au 27 mai
renoue avec « la candeur, la malice et la
Le château de Tours accueille
beauté du quotidien » célébrées pendant les clichés d’architecture de Lucien
plus d’un demi-siècle par Robert Doisneau Hervé (1910-2007), le photographe
(1912-1994). Au gré d’un parcours mêlant hongrois qui a accompagné
les clichés emblématiques à des séries moins Le Corbusier à partir de 1949.
connues, l’exposition suit le regard huma-
niste, poétique et espiègle du photographe STEPHEN SHORE AU MOMA
qui n’aimait rien tant que « buissonner » dans
Paris et sa banlieue, trouvant à chaque coin Du 19 novembre au 28 mai
de rue ou de zinc de comptoir une histoire Cette première exposition
à raconter. « Toute ma vie je me suis amusé, monographique de Stephen Shore
je me suis fabriqué mon petit théâtre », dit-il (né en 1947) aux États-Unis
un jour. Au cœur de son œuvre : les enfants, réunit ses travaux conceptuels
les baisers d’amoureux, les fêtes populaires et et ses paysages récents d’Israël
les guinguettes, de quoi faire tourner la tête ! et d’Ukraine.

36 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


POUSSIN

Le Massacre
des Innocents
H Bronx (Paris) - © RMN-Grand Palais (Domaine de Chantilly) / Michel Urtado

PICASSO, BACON
EXPOSITION
11 SEPTEMBRE 2017
7 JANVIER 2018
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Passionné par le mobilier et les objets d’art du XVIII° siècle, Camille Bürgi a dédié
sa vie au marché de l’art, des puces en passant par le Faubourg Saint-Honoré.
Installé rue Rossini, face à Drouot, il of�icie aussi en tant qu’expert.

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Bonaparte, de Pierre-Laurent Hainguerlot, puis par descendance.

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e
> MOMA : CET ART
QU’ON APPELLE MODERNE
Du 11 octobre au 5 mars
Cet automne, le MoMA de New York
prend ses quartiers à Paris. Deux
cents œuvres de ses collections vont
en effet traverser l’Atlantique pour
séjourner dans les hautes salles
du vaisseau amiral de la Fondation
Louis Vuitton, au cœur du bois de
Boulogne. Depuis son ouverture en 1929, à l’initiative
de mécènes assemblés autour de Abby Aldrich Rocke-
feller, le célèbre musée est resté attaché à explorer
et partager l’art moderne et contemporain. Et ce, à
travers toutes ses expressions, quelle que soit leur
puissance provocatrice. Il est devenu la vitrine de l’art
moderne, celui qui s’élabore chaque jour sous la forme
de peintures, sculptures, installations, photographies
ou vidéos. De Cézanne à L’Oiseau dans l’espace de
Brancusi, de Hopper aux boîtes de soupe Campbell
de Warhol, de Pollock aux emoji de Shigetaka Kurita,
on cherche à comprendre ce que veut dire « être
moderne ». Réponse le 11 octobre. V. B.
PARIS « ÊTRE MODERNE : LE MOMA À PARIS »,
Fondation Louis Vuitton, 01 40 69 96 00.
photo moderne contemporain

LE POP AMÉRICAIN À PARIS


Du 22 septembre au 21 janvier
Coïncidence, concours de circonstances ?
Réjouissons-nous. L’autre géant new-yorkais
de l’art du xxe siècle ofre aux Parisiens, pen-
dant quatre mois, soixante de ses œuvres
les plus emblématiques. Créé en 1930 par la
Ci-contre sculptrice Gertrude Vanderbilt Whitney, le
Mel Ramos, Whitney Museum a pour mission de mon-
Tobacco Rhoda, trer l’art et les artistes américains : vingt-deux
1965, sérigraphie, mille œuvres, aujourd’hui abritées dans un
71,1 x 56 cm
©NEW YORK,
nouveau bâtiment, à Manhattan Downtown,
WHITNEY MUSEUM. dessiné par Renzo Piano. À Paris, viennent les
toiles et sculptures du Pop Art, de ses origines
À gauche
Constantin
à son zénith : Jasper Johns et Bob Rauschen-
Brancusi, L'Oiseau berg, Tom Wesselman, Claes Oldenburg,
dans l'espace, Andy Warhol et Roy Lichtenstein mais aussi
1928, bronze, Jim Dine, James Rosenquist ou Alex Katz.
137 x 22 x 16,5 cm
NEW YORK,
PARIS « POP ART. COLLECTION DU WHITNEY
THE MUSEUM OF MUSEUM OF AMERICAN ART, NEW YORK »,
MODERN ART. musée Maillol, 01 42 22 57 25. TALENTS MÉCONNUS AU LAM
Du 29 septembre au 7 janvier
MAGRITTE OU LA BELGIQUE
Du 21 septembre au 10 octobre De Wilhelm Uhde (1874-1947), on se souvient
qu’il fut un des premiers collectionneurs du
La Belgique commémore cette année le cin- cubisme, avec Daniel-Henry Kahnweiler, un
quantième anniversaire de la mort de René de ces marchands du début du xxe siècle dont
Magritte (1898-1967). À Bruxelles, deux le regard critique joua un rôle décisif dans le
rendez-vous s’imposent. L’un au musée destin de beaucoup d’artistes. Découvreur de
Magritte : l’exposition s’attache au dialogue, Marie Laurencin en 1911 et de Balthus en
dès 1964, de Marcel Broodthaers (1924- 1934, collectionneur des toiles du Douanier
1976) avec l’œuvre de Magritte, sous l’égide Rousseau, ami d’Apollinaire et de Picasso, il
de Mallarmé, et à l’influence qui a marqué s’installa à Senlis en 1912 et resta fasciné par
des peintres des années 1980 tels que George les œuvres de sa femme de ménage, Séraphine
Condo ou Sean Landers. Le second a lieu à Louis. Il se consacra entièrement, après 1920,
l’Atomium, qui propulse le visiteur dans le à ceux qu’il nommait « les peintres du Cœur
monde de Magritte, paysage surréaliste fait sacré », puis « les Primitifs modernes », artistes
de nuages, d’oiseaux, de chapeaux et de toutes autodidactes baptisés « naïfs » : Rousseau et
sortes de perceptions dérangeantes. Séraphine Louis mais aussi André Bauchant,
BRUXELLES « MAGRITTE, ATOMIUM MEETS Camille Bombois et Louis Vivin. V. B.
SURREALISM », Atomium, 32 2 475 4775 VILLENEUVE-D’ASCQ « DE PICASSO
et « MAGRITTE ET L’ART CONTEMPORAIN », À SÉRAPHINE, WILHELM UHDE
Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, ET LES PRIMITIFS MODERNES », LaM,
32 2 508 32 11, du 13 octobre au 18 février. 03 20 19 68 68.

En haut Séraphine
Louis, L’Arbre de
vie, 1928, huile
et Ripolin sur toile,
144 x 112 cm
SENLIS, MUSÉE D’ART ET
D’ARCHÉOLOGIE. PHOTO
CHRISTIAN SCHRYVE.

Ci-contre
René Magritte,
Le Double Secret,
1927, huile sur toile,
114 x 162 cm
PARIS, MNAM CENTRE
POMPIDOU. ©PHOTO
DE PRESSE RMN.

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O41


ANNIE
LEIBOVITZ
LES PREMIÈRES ANNÉES :
1970 – 1983
ARCHIVE PROJECT #1
27 mai – 24 septembre 2017
Grande Halle, Parc des Ateliers, Arles

luma-arles.org

Produit par la Fondation LUMA

Image: Annie Leibovitz, photos de la série “driving“ © Annie Leibovitz

Les archives photographiques de LUMA Arles bénéficient du soutien de Parfums Christian Dior.
Partenaires média: Les Inrockuptibles; Connaissance des Arts.
L.A. DANCE
PROJECT
du 7 au 22 juillet, et les 22 et 23 septembre 2017
Grande Halle, Parc des Ateliers, Arles

luma-arles.org

Produit par la Fondation LUMA

Image: Avec l’aimable autorisation de la Fondation LUMA. Photo Hervé Hôte.


photo moderne contemporain

UN NOUVEAU DERAIN ET AUSSI…


Du 4 octobre au 29 janvier QUAND MATISSE RENCONTRE
Soixante-dix œuvres, réparties sur dix années BONNARD
décisives, conduisent à s’interroger sur le rôle Du 7 septembre au 14 janvier
qu’a pu jouer André Derain (1880-1954) dans
l’éclosion des deux mouvements avant-gar- Grâce au mécénat de la Société
Générale, le Städel de Francfort
distes que sont le fauvisme et le cubisme. Son
ose la confrontation de Matisse
utilisation très personnelle de la photographie,
et Bonnard. Couleur et joie de
sa découverte précoce des arts africains et vivre au programme.
océaniens à Londres dès 1906, le placent dans
une position créative audacieuse, que l’opi-
NEW YORK EN FOLIE
nion et les critiques, attachés à sa production
ultérieure, lui ont déniée. Annonciateur du Du 13 septembre au 21 janvier
Réalisme magique, il investit tous les champs Se limitant aux années 1950-1980,
plastiques : peinture, sculpture mais aussi xylo- le Met Breuer propose la vision
graphie, céramique, cinéma… Existe-t-il donc artistique du délire en cent œuvres,
deux Derain, celui d’avant la Première Guerre de Philip Guston à Nancy Spero.
et celui des années 1930 jusqu’à sa mort ? Des
archives inédites et une plongée dans son tra- LE PREMIER CHAGALL À BÂLE
vail, étayée de contrepoints visuels inattendus,
devraient nourrir cette rélexion. Du 16 septembre au 21 janvier
SPECTACLE ÉPHÉMÈRE PARIS « ANDRÉ DERAIN 1904-1914. LA C’est le Chagall des années
Du 15 septembre au 8 avril DÉCENNIE RADICALE », Musée national d’art 1911-1919 qu’a choisi d’exposer
moderne, Centre Pompidou, 01 44 78 12 33. le Kunstmuseum de Bâle, lorsqu’il
C’est à une exposition rare, précieuse et se frotte à Picasso et Delaunay,
fragile que nous convie le Petit Palais, en GAUGUIN, PROFESSION MAGICIEN puis s’en retourne en Russie.
extrayant de ses collections cent trente pas-
Du 11 octobre au 22 janvier
tels, trésors la plupart du temps préservés des PICASSO ROMAIN
méfaits de la lumière. On connaît inalement Certains peintres sont si populaires qu’ils sou- Du 21 septembre au 21 janvier
mal cette pratique à la croisée du dessin et lèvent une diiculté paradoxale : montrer leur
de la peinture, qu’on associe le plus souvent production sous un jour nouveau relève de la Entre cubisme et néoclassicisme,
aux chefs-d’œuvre de Quentin de La Tour gageure. Pour exposer Gauguin, l’Art Institute Picasso développe un travail
(1704-1788) et à l’âge d’or du xviiie siècle. de Chicago et le musée d’Orsay ont décidé original en Italie, en compagnie
Au xixe, pourtant, c’est l’un des champs d’ex- d’un thème complexe et fascinant : comment de Cocteau et de Stravinsky. Aux
périmentation de la modernité. Qu’elle soit crée-t-on lorsqu’on est Paul Gauguin (1848- Scuderie del Quirinale à Rome.
impressionniste avec Berthe Morisot, Mary 1903) ? La question implique de plonger dans
Cassatt, Auguste Renoir, puis Paul Gauguin, les divers modes d’expression de l’artiste et BÂLE ET PAUL KLEE ABSTRAIT
ou symboliste avec Odilon Redon ou Xavier- d’y entraîner le visiteur. De ses débuts dans Du 1er octobre au 21 janvier
Ker Roussel, la technique fascine. Le public le sillage de Degas et Pissarro jusqu’aux com-
dispose de six mois pour être séduit avant positions qui sont la manifestation du « moi La Fondation Beyeler se penche
que les œuvres ne retournent à l’obscurité. sauvage », deux cents œuvres (peintures, sur l’abstraction dans l’œuvre de
Paul Klee. Une abstraction relative
céramiques, bois sculptés, estampes, dessins)
PARIS « L’ART DU PASTEL DE DEGAS puisque partout pointent les
À REDON », Petit Palais, 01 53 43 40 00.
tissent le parcours de ses recherches formelles
signes, la nature ou la musique.
et permettent une immersion dans l’atelier de
sa création, toujours en quête
DIVIN BOURDELLE
d’un âge d’or primitif. V. B.
PARIS « GAUGUIN Du 4 octobre au 4 février
L’ALCHIMISTE », Galeries Héraklès et Apollon ont inspiré
nationales du Grand Palais,
le sculpteur Antoine Bourdelle. C’est
01 44 13 17 17.
pourquoi le musée Bourdelle à Paris
Ci-dessus Berthe propose cet angle original de la
Morisot, Dans le relecture moderne de l’Antiquité.
parc, v. 1874, pastel,
71 x 89 cm, détail DALÍ FACE À DUCHAMP
©PARIS, PETIT PALAIS.
PHOTO PETIT PALAIS/
ROGER-VIOLLET.
Du 7 octobre au 7 janvier
Autre confrontation, celle des
Ci-contre André
Derain, Bateaux dans
œuvres de Dalí et de Duchamp
le port de Collioure, que propose cet automne la
1905, h/t, 72 x 91 cm Royal Academy de Londres. Entre
ZURICH, COLL. MERZBACHER. surréalisme et jeu d'échecs.

44 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


24 septembre
24 juin
PASSION

museegranet-aixenprovence.fr
DE L’ART
2017 Galerie Jeanne Bucher Jaeger depuis 1925
Musée Granet Aix-en-Provence
Direction de l’information et de la communication. Impression : Sérégraphie moderne.
KANDINSKY
GIACOMETTI

VERDIER
FROMANGER
DUBUFFET
DE STAËL
BRAQUE
LAURENS
PICASSO

VIEIRA DA SILVA

Nicolas de Staël, Atelier fond orangé 1955. Huile sur toile, 195 x 114 cm. Collection particulière.© ADAGP, Paris 2017. Photo : Adam Rzepka
photo moderne contemporain

ET AUSSI…
FEMMES SURRÉALISTES
Du 9 octobre au 28 janvier
Le surréalisme a attiré beaucoup de
femmes. La preuve en images, avec
des œuvres de Frida Kahlo ou Dora
Maar, au musée Picasso de Malaga.

PICASSO EN 1932
Du 10 octobre au 11 février
Le musée Picasso de Paris déroule
une année de la vie de l’artiste :
1932, l’année du Rêve et de
l’introduction de nouvelles formes
« écrasantes ».

CHAISSAC AUX SABLES


Ci-dessus Victor
Prouvé,Peintre L’ORIENT À L’EST Du 15 octobre au 14 janvier
au travail,1889,
Du 7 octobre au 4 février Dépositaire d’un riche fonds d’œuvres
huile sur toile
collée sur carton, de Gaston Chaissac (1910-1964),
29,6 x 20,3 cm Capitale de la Lorraine, Nancy s’interroge le musée de l’Abbaye Sainte-Croix,
NANCY, MBA. sur les mouvements de population et les aux Sables-d’Olonne, organise
PHOTO VDN. influences subies par cette région fron- une rétrospective attendue.
Ci-contre Mario talière, terre de brassages. Au musée des
Fortuny,robe Beaux-Arts, c’est l’occasion de souligner l’at- PICASSO ET LAUTREC
Eleonora,v.1912, trait qu’ont exercé les contrées lointaines sur
soie,taffetas Du 17 octobre au 21 janvier
©PARIS, PALAIS
les peintres lorrains des xixe et xxe siècles.
GALLIERA/S.PIERA / Révélation de la couleur et de la lumière L’influence de Toulouse-Lautrec
ROGER-VIOLLET. pour ces « explorateurs », qui se transforme sur le jeune Picasso, notamment lors
subtilement en regard ethnographique, au de ses séjours parisiens entre 1900
temps de la colonisation et enin, une reprise et 1904, est à l’affiche du musée
des formes que des artistes comme Majorelle Thyssen-Bornemisza de Madrid.
ou Victor Prouvé intègreront à leur œuvre.
NANCY « LES COULEURS DE L’ORIENT »,
SOUTINE À LONDRES
musée des Beaux-Arts, 03 83 85 30 72. Du 19 octobre au 21 janvier
SOPHISTICATION SUPRÊME UNE + UN À QUÉBEC La Courtauld Gallery met à l’honneur
les séries de portraits de serveurs et
Du 4 octobre au 7 janvier Du 12 octobre au 7 janvier employés d’hôtels et de restaurants
que Soutine a réalisés à Paris
Son nom est un mythe. Mariano Fortuny y C’est l’exposition que l’on attendait depuis
dans les années 1920-1930.
Madrazo (1871-1949), né à Grenade mais longtemps. Non parce que Joan Mitchell
révélé à Venise où il fonde, vers 1906, un ate- (1925-1992) et Jean-Paul Riopelle (1923-
lier de textiles, est une sorte de magicien du 2002) furent, de 1955 à 1979, un couple TRIO BARCELONAIS
costume. Ses châles Cnossos en voile de soie mythique de la peinture, avec leurs passions, Du 25 octobre au 28 janvier
imprimés de motifs de céramiques crétoises, leurs orages et leur séparation tumultueuse,
Trio gagnant pour le musée Picasso
ses brocarts dignes des tableaux de Véronèse, mais parce que leurs œuvres respectives et de Barcelone, qui zoome sur le
ses velours semés de poudres métalliques inclassables méritent enin toute l’attention dernier long séjour de Picasso dans
et son plissé magique ont habillé la com- qui leur ont parfois fait défaut. Et qu’on peut la ville (1917), sur sa collaboration
tesse Grefulhe ou la Duse et ébloui Marcel attendre beaucoup de cet accrochage partagé, avec ses neveux graveurs, et sur
Proust. Ses vêtements à la coupe luide s’ins- à l’instar de celui qui mit Bacon face à Freud le poète et boxeur Arthur Cravan.
pirent du Moyen Âge, de la période byzan- à la Fondation Maeght en 1995. Quelques
tine, de la Renaissance, et transforment les documents d’archives, des œuvres sur papier, TOUT SUR LA ROSE+CROIX
femmes en redoutables Circée. Une centaine mais surtout des tableaux grand format qui
de pièces, issues de Galliera et du Museo del révèlent leurs méthodes de travail et leur dia- Du 27 octobre au 7 janvier
Traje de Madrid, consacrent la richesse de logue jamais achevé sur l’abstraction. V. B. Focus sur le Salon de la Rose+Croix,
son inventivité. QUÉBEC « MITCHELL/RIOPELLE. lancé en 1892 par le Sar Péladan
PARIS « FORTUNY, UN ESPAGNOL UN COUPLE DANS LA DÉMESURE », et axé sur le symbolisme mystique,
À VENISE », Palais Galliera, musée de la Musée national des beaux-arts du Québec, à la Collection Peggy Guggenheim
Mode de la Ville de Paris, 01 56 52 86 00. 1 418 643 21 50. de Venise.

46 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


10 SEPTEMBRE
8 OCTOBRE 2017
MUMA, LE HAVRE

Avec la participation exceptionnelle du musée Marmottan Monet


EXPOSITION-ÉVÉNEMENT
Claude Monet, Impression, soleil levant, 1872, huile sur toile, 50 × 65 cm, Paris, Musée Marmottan Monet, don Victorine et Eugène Donop de Monchy, 1940 © Bridgeman Images
photo moderne contemporain

ET AUSSI…
FRANCE-ANGLETERRE
Du 2 novembre au 7 mai
Ci-contre César,
Esturgeon, 1954, À la Tate Britain, « Impressionnistes
fer forgé et soudé, RENDRE À CÉSAR… à Londres » raconte l’exil des
81 x 340 x 58 cm artistes français dans les années
PARIS, CENTRE Du 13 décembre au 26 mars 1870 et explore les échanges
POMPIDOU, MNAM/CCI.
artistiques qui en ont découlé.
©SBJ. PHOTO
DE PRESSE RMN.
Connu et méconnu. Le sculpteur César
(1921-1998), figure emblématique de l’art
des années 1970, a connu une notoriété COBRA À LA LOUPE
populaire qui a souvent masqué les varia- Du 11 novembre au 18 février
tions et l’inventivité de son travail. Le public
Le mouvement CoBrA au sens large
se souvient de ses Compressions, voire de
est développé au Mans, au musée
RYTHMES AFRICAINS ses Expansions, auxquelles il l’associe, sans de Tessé, dans une exposition qui ira
À L’ORANGERIE jamais soupçonner l’héritage de la sculp- ensuite au musée de Pont-Aven.
Du 17 octobre au 19 février ture classique qui nourrit son geste. Cent
trente pièces du monde entier sont ici réu- REVOIR MUNCH
À Zurich, en février 1916, une bande de jeunes nies pour témoigner de la singularité de son
artistes parmi lesquels Tristan Tzara, Hans Arp œuvre utilisant des matières aussi diverses Du 15 novembre au 4 février
et Sophie Taueber, intitulent Dada le mouve- que la paille ou le polyuréthane, et le renou- À New York, le Met Breuer présente
ment iconoclaste qu’ils animent. La guerre vellement perpétuel de sa pratique. Pour le quarante-cinq œuvres du maître
fait rage en Europe, dévastant les corps et les vingtième anniversaire de sa mort, le Centre norvégien traitant de sujets
consciences. Comment peut-on continuer à se Pompidou a estimé avec justesse qu’il était récurrents, comme l’autoportait, qui
nourrir des références et valeurs occidentales temps d’ofrir à cette grande igure du Nou- soulignent l’évolution de son style.
qui ont conduit à ce désastre ? Il faut à cette veau Réalisme la rétrospective qu’il n’avait
génération un nouveau langage formel, qu’elle jamais eue. V. B. TAL COAT À AIX
trouve en partie dans les arts primitifs. Objets PARIS « CÉSAR. LA RÉTROSPECTIVE »,
africains et créations dadaïstes s’exposent Du 16 novembre au 11 mars
Centre Pompidou, 01 44 77 12 33.
conjointement. On produit des masques, des Si le musée Granet d’Aix-en-Provence
sculptures sur bois, on met en scène des « soi- met l’accent sur la période aixoise
rées nègres » au Cabaret Voltaire. Afrique rêvée, de Pierre Tal Coat (de 1941 à 1956),
copiée, fantasmée, possédée et transformée… l’exposition retrace bien toute la
« Du noir puisons la lumière », écrivait Tzara. carrière du peintre.
L’exposition explore cette confrontation inédite
et ce qu’il en advint. ANDRÉ MARFAING
S’ARRÊTE À QUIMPER
PARIS « DADA AFRICA. SOURCES ET
INFLUENCES EXTRA-OCCIDENTALES », Du 23 novembre au 26 mars
Musée de l’Orangerie, 01 44 77 80 07.
Après Carcassonne, c’est
Quimper qui accueillera une
DEGAS ET LA POÉSIE DU DESSIN
exposition consacrée au peintre
Du 27 novembre au 25 février abstrait André Marfaing (1925-
1987), conçue avec sa famille.
Paul Valéry (1871-1945) avait bien connu
Degas (1834-1917) par le biais des Rouart,
TOUT MODIGLIANI À LA TATE
chez lesquels le peintre dînait chaque
semaine et auxquels le jeune écrivain était Du 23 novembre au 2 avril
apparenté par son mariage. En 1938, il Au sein d’une rétrospective riche
publie « une manière de monologue » com- d’une centaine d’œuvres, dix
posé des souvenirs et des idées qu’il a de lui, grands nus de Modi seront exposés
une anti-biographie qui est aussi une inter- à la Tate Modern. Une première
rogation vagabonde sur les expressions du en Grande-Bretagne.
talent, et qu’il intitule Degas, danse, dessin.
Le trait, la ligne, la forme sont évoqués à TOUS MODERNES !
travers la danse, le cheval et les œuvres sur Ci-dessus Hannah Höch,
papier du peintre dont on commémore en Aus der Sammlung:Aus
Du 1er décembre au 5 mars
novembre le centième anniversaire de la einem Ethnographischen Le musée des Beaux-Arts de Lyon
mort, confrontées au texte de Valéry. Museum Nr.IX.,1929, invite le Musée national de Mexico
collage et aquarelle
PARIS « DEGAS, DANSE, DESSIN. UN (Munal) pour confronter deux
sur papier,27,6 x 19 cm
HOMMAGE À DEGAS AVEC PAUL VALÉRY », PARIS,GALERIE NATALIE
scènes de l’art moderne et étudier
musée d’Orsay, 01 40 49 48 14. SEROUSSI leurs influences réciproques.

48 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


EN PARTENARIAT AVEC ST-ART

Vue d’une des éditions précédentes de ST-ART (©ST-ART) et en bas, Damien Cabanes, Esther et Claire de
dos dans l’atelier, 2016, huile sur toile, 219 x 290 cm (©J.-F. Rogeboz et courtsy Galerie Éric Dupont, Paris).

Avec ses 25 000 visiteurs par an depuis sa


création en 1996, la foire strasbourgeoise
ST-ART gagne en qualité et en dynamisme,
édition après édition.

Son rôle est de donner une couleur à la foire en


LES NOUVEAUTÉS faisant un choix d’artistes de manière didactique.
g

DE L’ÉDITION 2017 DE ST-ART Cette année, l’artiste qui reçoit la Carte blanche de la
foire est Damien Cabanes. C’est Olivier Kaeppelin
Devenue un rendez-vous majeur de la vie cultu- qui l’a choisi et lui offre, par cette Carte blanche,
relle strasbourgeoise, ST-ART s’ancre davantage une belle visibilité sur la foire strasbourgeoise. Né
sur le territoire culturel régional puisque cette an- en 1959 et formé à l’École nationale supérieure des
née, la foire avance ses dates d’une semaine (du beaux-arts, Damien Cabanes mêle dans son travail
17 au 20 novembre 2017) afin de ne plus coïn- son attraction pour l’architecture religieuse et son
cider avec le Marché de Noël de Strasbourg. Pour intérêt pour les sensations de l’enfance. Il a créé des
cette nouvelle édition, la foire se dote d’un comité sculptures polychromes en plâtre, terre, polystyrène
scientifique renouvelé, composé de personnalités et résine époxy et des gouaches de grandes dimen-
emblématiques de l’art contemporain : Olivier sions. L’artiste ne cherche pas à donner d’emblée
Kaeppelin, le directeur de la Fondation Maeght une signification à ses créations, mais désire incar-
qui était le critique d’art invité de la précédente ner le sens au plus près de son apparition grâce à
édition, Jean-Luc Monterosso, la matière. Représenté par
le directeur et l’un des fonda- la galerie Éric Dupont, Da-
teurs de la Maison européenne mien Cabanes a exposé
de la photographie, qui a éga- dans de nombreuses insti-
lement créé le Mois de la pho- tutions culturelles, dont le
tographie en 1980, et Michel musée des Beaux-Arts de
Nuridsany, écrivain et commis- Mulhouse, la Fondation
saire d’expositions. Le critique Claudine et Jean-Marc Sa-
d’art invité cette année est lomon et le musée d’Art
Henri-François Debailleux. moderne de Saint-Étienne.
Vue de la Venet Foundation avec la Diagonal 74.3 degrés de Bernar Venet de 2006 et, en bas,
vue de l’intérieur (©Jérôme Cavaliere et ©Antoine Baralhe).
g

LA VENET Cette année, la Venet Foun- connaître d’un public plus large que celui de ses
dation est l’invitée d’hon- propres visiteurs. De plus, la fondation étant fer-
FOUNDATION, neur de ST-ART. Située au mée durant l’hiver, participer à ST-ART prolonge sa
INVITÉE Muy dans le Var, la fondation visibilité. La foire est en outre très implantée dans
D’HONNEUR a pour objectif de conser- la région de Strasbourg et elle rayonne largement
DE ST-ART ver et promouvoir la col- alentour. La Venet Foundation y voit une occasion
lection d’œuvres d’art (es- de se faire connaître sur un vaste territoire où elle
sentiellement de l’art minimal et conceptuel) de n’est pas présente. Dans l’espace qui lui est réser-
Bernar Venet et de son épouse Diane, et d’assurer vé sur la foire strasbourgeoise, la Venet Foundation
la pérennité de l’œuvre de Bernar Venet. Elle prête exposera des œuvres significatives de sa collection.
des œuvres d’art de sa collection à des institutions On pourra y voir des œuvres des minimalistes amé-
culturelles du monde entier et accueille des exposi- ricains, notamment de Donald Judd, de Robert
tions d’artistes ne faisant pas obligatoirement par- Morris (un exceptionnel grand feutre de l’artiste da-
tie de sa collection. C’est la première fois, depuis tant de 1969 fait partie de la sélection) de Lawrence
sa création en 2014, que la Venet Foundation s’as- Weiner, Sol LeWitt ou encore Carl Andre. Les Nou-
socie à une foire. Bernar Venet a accepté cette in- veaux Réalistes seront également présentés, avec
vitation par amitié pour Jean-Eude Rabut, le direc- des pièces d’Arman et de César dont on pourra voir
teur général de GL Events (le groupe qui possède une des fameuses Compressions. Cette sélection
ST-ART) que l’artiste connaît depuis son exposition de pièces des Nouveaux Réalistes est l’occasion
au Champ-de-Mars à Paris d’évoquer les relations qu’a
en 1994, et grâce aux échos entretenues Bernar Venet, au
positifs émanant de la Fon- début des années 1970 à Nice,
dation Maeght et d’Olivier avec les
Kaeppelin, son directeur, qui a r t i s t e s ST-ART
Foire européenne
avait été l’invité de la pré- de ce d’art contemporain
cédente édition de ST-ART. m o u v e - 17-20 novembre
Participer à la foire strabour- ment ar- Parc des expositions
geoise est l’occasion pour la tistique. de Strasbourg
Venet Foundation de se faire www.st-art.com
art ancien design archi

porain
> FRED DEUX, LE RÊVEUR ÉVÉILLÉ
Du 20 septembre au 8 janvier
À découvrir d’urgence si vous ne le connaissez pas ! Per-
sonnage haut en couleur, doté de talents multiformes
et dessinateur invraisemblable… c’est tout son monde
halluciné, entre autobiographie et fiction, que retrace
cette première grande exposition personnelle au musée
des Beaux-Arts de Lyon, sous forme de rétrospective
chronologique. Des dessins ahurissants oscillant entre
horreur, mystères poétiques, visions apocalyptiques,
fantasmes cruels, surréalité brûlante, tous d’une liberté
fascinante, presque effrayante. Dévoreur de papiers,
bricoleur d’étrangeté, écrivain, il vécut jusqu’à sa mort
en 2015 auprès de sa compagne, l’artiste Cécile Reims.
L’exposition est relayée par la cinquantaine de dessins
recréant sa vie sur sa table à dessin, dans son atelier ou
sa maison, montrés à la galerie Alain Margaron à Paris,
du 12 octobre au 9 décembre E. V.
LYON « LE MONDE DE FRED DEUX »,
musée des Beaux-Arts, 04 72 10 17 40.
photo moderne contemporain

UNE BIENNALE RACHEL WHITEREAD


DES MONDES FLOTTANTS ET LA PURETÉ MINIMALE
Du 20 septembre au 7 janvier Du 12 septembre au 21 janvier
Emma Lavigne, directrice du Centre-Pom- Vingt-cinq ans de sculptures retraçant la
pidou Metz, était la mieux à même de trou- carrière de l’une des plus célèbres plasti-
ver des artistes s’exprimant sous la ban- ciennes du Royaume Uni, il est vrai peu
nière d’une « modernité élargie ». Sensible montrée en France. Cette Londonienne de
à l’élasticité de la pensée plastique actuelle, 54 ans, moins austère qu’elle ne paraît, n’uti-
elle n’a pas hésité, par exemple, à placer la lise pour ses installations architecturales
piscine bleutée de Céleste Boursier-Mouge- que des matériaux industriels, béton, métal,
not à l’intérieur du dôme géodésique de plastique, résine, colle, dont elle recouvre des
Buckminster Fuller. Car elle a voulu ancrer objets familiers. Ses « matelas » des années
cette 14 e Biennale de Lyon dans le paysage 1990 avaient fait forte impression. Toujours
même de la ville façonnée par l’omnipré- à l’affût de maigres traces de vie, elle avait
sence de l’eau. Les artistes lottent donc en édifié en 2005, dans le Turbine Hall de la
nuages, lux, vibrations. Ainsi des bruisse- Tate Modern, une ville-labyrinthe très spec-
ments de la tour de Cildo Meireles, de la taculaire, en empilant quatorze mille boîtes
Sonic Fountain de Doug Aitken, du vaisseau blanches en polyéthylène, des moulages de
fantôme de Damiàn Ortega, de Circulation cartons de rangement. Il y règne un senti-
de Hans Haacke qui irrigue le sol, du drap ment glacial d’ordre, tempéré lorsque l’on sait
blanc mouvant de Lygia Pape, du plastique que l’artiste s’est inspirée d’un carton trouvé
transparent d’Alberto Burri, de l’architecture dans le grenier de sa mère après son décès.
lumineuse de Susanna Fritscher qui, après Polaire et fantomatique.
le musée de Nantes, investit ici l’un des silos LONDRES « RACHEL WHITEREAD »,
de la Sucrière. Vous associerez sans peine les Tate Britain, 44 20 7887 8888. en tissu dans laquelle est projetée une vidéo.
Concetti Spaziali de Lucio Fontana à l’œuvre Claire Tabouret y réaffirme son attirance
sensuelle d’Ernesto Neto, les cerfs-volants CLAIRE TABOURET pour le thème de la déambulation et du
de Shimabuku aux formes suspendues de LA CONQUÉRANTE désert. Désert où elle a récemment acheté
Calder… « L’art et l’espace se biomorphent », Du 26 août au 29 octobre une vraie cabane de chercheur d’or où elle
écrit Emma Lavigne. veut se retirer pour travailler. Après ses
LYON BIENNALE « MONDES FLOTTANTS », Après le gros succès, à la Villa Médicis, de groupes d’enfants mélancoliques, cette guer-
La Sucrière-Les Docks et Musée d'Art son exposition-dialogue avec Yoko Ono, rière rend hommage aux femmes créatrices,
contemporain de Lyon, 04 72 69 17 17. cette nouvelle star de la peinture française, rebelles et acharnées, telle la peintre Agnes
Et « RENDEZ-VOUS 17 », à l'Institut volontairement exilée à Los Angeles depuis Martin. À la Friche de la Belle de Mai, elle
d'art contemporain de Villeurbanne. 2015, a une rentrée chargée. Une rétrospec- développe le travail fait lorsqu’elle était en
tive au Creux de l’Enfer avec une vingtaine résidence dans ce lieu en 2011, essentielle-
de tableaux, dont certains représentent de ment sur le thème de l’eau. E. V.
grandes femmes drapées de noir sur fond MARSEILLE « CLAIRE TABOURET »,
de paysage épuré et liquide. Et une cabane Friche de la Belle de Mai, 04 95 04 95 95.

Page de gauche,
à gauche Fred Deux,
La Patiente, 1972,
crayon, peinture sur Ci-dessus Rachel
papier, 51 x 37 cm Whiteread, Untitled
LYON, MUSÉE DES
BEAUX-ARTS. PHOTO (Amber Bed),
ALAIN BASSET. 1991, caoutchouc,
51 x 36 x 40 cm
Page de NÎMES, MUSÉE D’ART
gauche, à droite CONTEMPORAIN.
Hans Haacke, Sky
Line, Central Park, Ci-contre
New York,1967 Claire Tabouret,
COURTESY HANS Le Passeur, 2011,
HAACKE ET PAULA acrylique sur toile,
COOPER GALLERY,
NEW YORK.
200 x 250 cm
MARSEILLE, FRICHE
LA BELLE DE MAI.

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O53


photo moderne contemporain

Ci-contre Ai Weiwei,
Sunflower Seeds,
2010, porcelaine,
ET AUSSI…
1200 x 800 x 10 cm,
détail
PERFORMANCES SUISSES
LAUSANNE, MUSÉE Du 20 septembre au 28 janvier
CANTONAL. PHOTO
STUDIO AI WEIWEI.
« Performance Process », au
Ci-dessous Sophie Tinguely Museum de Bâle, donne
Calle, Dommages un aperçu de la diversité et de la
collatéraux. Cœur richesse de l’art de la performance
de cible, 1990- en Suisse, de 1960 à nos jours.
2003, photographie,
79,5 x 50,5 cm. JASPER JOHNS CÉLÉBRÉ
PARIS, MUSÉE DE
LA CHASSE ET DE LA Du 23 septembre au 10 décembre
NATURE/T.HOFFMANN.
COURTESY PERROTIN.
La Royal Academy of Arts de
Portraits Londres consacre une rétrospective
AI WEIWEI, L’ICONOCLASTE à Jasper Johns, connu pour ses
de délinquants
Du 22 septembre au 28 janvier fichés, images emblématiques de drapeaux,
utilisés comme de cibles et de chiffres.
Dernière exposition dans les murs actuels cibles pour
du Mcb-a de Lausanne, qui déménage, avec l'entraînement L’ŒUVRE IMPRIMÉ
l’immense fête à laquelle nous convie l’artiste des policiers du DE LOUISE BOURGEOIS
chinois Ai Weiwei aussi bien dans les salles commissariat
d’exposition que dans le palais de Rumine, de la ville de M.,
Du 24 septembre au 18 janvier
dans divers autres musées, d’archéologie et États-Unis. Le MoMA de New York explore
d’histoire, de zoologie, de géologie et de la le processus créatif de Louise
monnaie ! Ludique, ironique mais aussi très Bourgeois à travers son œuvre
engagé et iconoclaste, il détourne les valeurs imprimé, un aspect peu connu
traditionnelles et symboliques chinoises. Ainsi de son travail. Le musée possède
Sunlower Seeds, cette immense pièce étalée une partie de ces travaux
sur le sol, faite de dix tonnes de graines de rarement montrés.
tournesol en porcelaine peintes à la main dans surveillée (2014). L’ours blanc, mascotte du
les manufactures de Jingdezhen, évoque les lieu, lui a inspiré un diptyque de très grand KUSAMA KALÉIDOSCOPIQUE
citoyens de la République populaire de Chine format dans la lignée de ses Fantômes. Du 1er octobre au 1er janvier
lorsqu’ils tournaient tous leur tête, comme les PARIS « BEAU DOUBLÉ, MONSIEUR
tournesols, vers leur soleil Mao Zedong… Un LE MARQUIS ! », musée de la Chasse The Broad, à Los Angeles, accueille
gigantesque dragon de cinquante mètres, des et de la Nature, 01 53 01 92 40. Infinity Mirrors de Yayoi Kusama,
cerfs-volants porteurs de citations de prison- une installation qui mélange des
niers politiques, des photographies, des vidéos KLAUS RINKE ET DÜSSELDORF environnements kaléidoscopiques
témoignent de la richesse de son travail. et des œuvres sur papier
Du 14 octobre au 1er avril des années 1950 à nos jours.
LAUSANNE « C’EST TOUJOURS LES
AUTRES », Musée cantonal des beaux-arts, D’une part, dans la Nef, la réactivation d’une
41 21 316 34 45. installation/performance qui avait fait date au LA CHINE APRÈS 1989
Centre Pompidou en 1985, l’Instrumentarium, Du 6 octobre au 14 janvier
SOPHIE CALLE EN FAMILLE plus jamais vue et entendue depuis. D’autre
Le Guggenheim de New York
part, dans la Galerie blanche, Klaus Rinke,
Du 10 octobre au 11 février présente « Theater of the World »,
qui enseigna pendant trente ans à l’école d’art
une exposition d’art contemporain
Dans la lignée de ses confessions autobio- de Düsseldorf, partage avec d’autres l’histoire chinois (1989- 2008) qui explore
graphiques et après avoir fait tout un travail de cette institution mythique qui chamboula le rôle de la Chine dans l’émergence
impliquant sa mère, Sophie Calle part à la plusieurs générations de créateurs. On peut du marché mondial de l’art
chasse de celui qui fut son père, le grand col- ainsi saisir l’importance de cette école hors contemporain.
lectionneur Bob Calle. Quoi de mieux pour norme à travers les œuvres de Nam June Paik,
elle, détective née, que de se fauiler dans les Blinky Palermo, Sigmar Polke, homas Ruf, SUPPORTS/SURFACES
salles du musée de la Chasse et de la Nature, Reinhard Mucha et naturellement Joseph À NIMES
parmi les animaux empaillés, les objets Beuys, dialoguant avec celles de Klaus Rinke.
décoratifs et les vitrines ? Elle, qui a toujours Une belle occasion pour mieux connaître Du 13 octobre au 31 décembre
« pisté » ses « victimes » en catimini et fait cette scène allemande qui a connu un essor L’exposition du Carré d’art
son nid dans celui des autres, elle peut, dans sans pareil depuis la Seconde Guerre mon- de Nîmes, « Supports/Surfaces :
ce décor inquiétant, introduire à son aise diale, tellement multiple quant aux pratiques, les origines 1966-1970 »,
ses propres images. Jeux de regards croisés aux médiums et aux styles. E. V. permet de comprendre mieux
en forme de vraie rétrospective, puisqu’elle TOURS « KLAUS RINKE, DÜSSELDORF ce mouvement artistique
exposera certaines de ses œuvres anciennes MON AMOUR », Centre de création important bien qu’éphémère
telles que Suite vénitienne (1980) ou Liberté contemporaine-Olivier Debré, 02 47 66 50 00. que fut Supports/Surfaces.

54 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


photo moderne contemporain

Ci-contre Camille
Henrot, Monday, ET AUSSI…
2016, installation à la
Fondation Memmo LA COLLECTION KARMITZ
ROME, FONDAZIONE
MEMMO. PHOTO Du 15 octobre au 21 janvier
DANIELE MOLAJOLI.
La Maison rouge expose la collection
En bas Fernando du créateur des cinémas MK2 :
Botero, Musiciens, vidéos, photographies, peintures
2008, h/t, 178 x 100 cm et plusieurs installations de grande
COLL. DE L’ARTISTE.
ampleur où le noir et blanc domine.

CAMILLE HENROT ET L’ITALIE FEMME D’INTÉRIEUR


Du 18 octobre au 7 janvier Du 20 octobre au 28 janvier
« Women House » réunit à la
Une Carte blanche et beaucoup d’espace pour
Monnaie de Paris quarante femmes
Camille Henrot (née en 1978), qui dévoile
artistes qui s’interrogent sur ce
ici sa « période italienne » inédite. Soutenue qu’est la maison : prison ou refuge ?
depuis longtemps par le Palais de Tokyo, elle y
montre aussi ses œuvres plus anciennes, réa- REGARDS CROISÉS BOTERO/PICASSO LA SCULPTURE SELON BALLET
daptées au lieu, avec des salles où elle invite
Du 24 novembre au 25 mars Du 21 octobre au 25 février
d’autres artistes de sa génération. Véritable
« tête chercheuse » selon la commissaire Daria N’y aurait-il qu’un pas entre les êtres volumi- Élisabeth Ballet partage avec le
de Beauvais, cette boulimique de savoirs, pas- neux de Fernando Botero et les personnages public au MAC/VAL sa démarche
sionnée par tous les rituels, devait fatalement monumentaux du Picasso des années 1920 ? conceptuelle autour de la sculpture.
être un jour subjuguée par l’Italie et son his- Le propos est ici d’explorer le lien entre les deux
toire de l’art. Ce qui advint après les quelques artistes hispaniques, liés aussi par la Méditerra- FRANZ GERTSCH À VEVEY
mois passés à Rome grâce à la Fondation née puisque le Colombien vit depuis fort long-
Memmo. D’où ses sculptures allégoriques en temps dans le Sud de la France et en Italie… Du 27 octobre au 4 février
bronze, fondues à Naples, son utilisation de la Botero a évidemment regardé, dès ses débuts, Franz Gerstch a inventé dans
fresque et sa passion pour les sept jours de la la palette de son aîné et sa virtuosité quant à les années 1980 une technique
semaine et leurs signiications symboliques. l’extrême plasticité de sa peinture. On retrouve de gravure sur bois qui apparaît
PARIS « CARTE BLANCHE À CAMILLE chez les deux la passion pour le corps, l’aisance comme de la photographie.
HENROT », Palais de Tokyo, 01 81 97 35 88. dans la déformation des volumes et un goût Le musée Jenisch à Vevey rend
violent pour la sensualité. À la cinquantaine de compte de trente ans de création.
PLEINS FEUX SUR L’ART peintures et dessins de Botero, font écho une
CONTEMPORAIN JAPONAIS quinzaine d’œuvres de Picasso. Les thèmes se UNE RÉTROSPECTIVE
rejoignent, natures mortes, nus, autoportraits, DE DANIEL DEZEUZE
Du 18 octobre au 14 mai
revisitation des maîtres… Un dialogue osé Du 28 octobre au 28 janvier
Ce gigantesque « Japanorama », présenté mais qui mérite que l’on s’y attarde. E. V.
comme dans des « îles » transparentes par Le musée de Grenoble présente une
AIX-EN-PROVENCE « BOTERO DIALOGUE
l’agence Saana, au creux même de la coquille AVEC PICASSO », Hôtel de Caumont,
rétrospective de l’œuvre de Daniel
créée par Shigeru Ban, débute dès le Forum 04 42 20 70 01. Dezeuze, qui évoque ses premiers
par l’installation d’un jardin minéral de travaux des années 1960 et jusqu’à
ses sculptures les plus récentes.
Kishio Suga. La plupart des œuvres de cette
scène artistique japonaise des années 1970 à
nos jours, tels les dessins de Tadanori Yokoo, LES DÉBUTS DES KABAKOV
sont montrées en Europe pour la première Du 8 novembre au 18 février
fois. L’exacerbation individualiste et déstruc-
La Tate montre les premières
turée des années 1980 est suivie de l’imagerie
œuvres d’Ilya Kabakov à Moscou
« néo-pop » des années 1990, reflet de l’an- avant son émigration vers l’Ouest
xiété d’une génération prenant conscience des en 1987, comme les projets
problèmes environnementaux. Mais aussi les réalisés avec Emilia aux États-Unis
personnages de science-fiction de Yanobe, depuis 1988.
les illustrations de Hibino, les obsessions de
Takashi Murakami et les très grands photo- DAVID HOCKNEY À NEW YORK
graphes : les visions post-apocalyptiques de
Naoya Hatakeyama ou la force subversive d’un Du 27 novembre au 25 février
Hosoe… Suivi d’un très vaste programme de Après Londres et Paris, c’est au
rencontres, spectacles, concerts… tour de New York d’accueillir,
METZ « UNE SAISON JAPONAISE, au Metropolitan Museum of Art, la
JAPANORAMA », Centre Pompidou-Metz, rétrospective consacrée à l’artiste
03 87 15 39 39. britannique David Hockney.

56 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


Centro Porsche Firenze
La
collection
secrète
de

laude
mo
événement

Jean-Baptiste
Camille Corot
Ariccia, palais Chigi,
1826-1827, huile sur
papier sur bois,
23,5 x 35,5 cm, détail
©BADEN, MUSEUM
LANGMATT.

net Fruit d’une véritable enquête policière, la nouvelle exposition


du musée Marmottan Monet, à Paris, lève le voile sur la
collection privée de Claude Monet. En une centaine d’œuvres
de Delacroix, Corot, Manet, Renoir, Caillebotte, Cézanne ou
Rodin, que le maître de l’impressionnisme conservait à Giverny.
/ Texte Guillaume Morel
« Vous vous étonnez de ne voir
chez moi que mes peintures et des
estampes japonaises ? Et pourtant,
j’ai aussi ma collection. Renoir et
Sisley n’avaient pas d’étrangers chez eux.
Leurs toiles leur suffisaient sans doute…
Moi j’aime toutes les belles choses. Si j’ai dû
longtemps me contenter de les regarder au
passage, c’est que je ne pouvais les acheter…
Seulement je suis un égoïste. Ma collection
Ci-contre Carolus est pour moi seul… et pour quelques amis.
Duran, Portrait Je la garde dans ma chambre, autour de
de Claude Monet, mon lit. » C’est en 1924, alors qu’il prépa-
1867, h/t,
46 x 38 cm, détail rait l’ouvrage À Giverny, chez Claude Monet,
©PARIS, MUSÉE que l’écrivain Marc Elder eut l’honneur de
MARMOTTAN MONET.
recueillir ces précieuses confidences du
Page de droite maître. Pour la première fois, ce dernier
de haut en bas évoquait librement les tableaux d’Eugène
Eugène Delacroix,
Falaises d’Étretat.
Delacroix, de Jean-Baptiste Camille Corot,
Le Pied du Cheval, d’Édouard Manet, de Gustave Caillebotte,
1838, aquarelle et d’Auguste Renoir, de Berthe Morisot ou de
gouache, 15 x 20 cm Paul Cézanne qu’il rassemblait discrète-
©PARIS, MUSÉE
MARMOTTAN MONET. ment depuis plusieurs décennies.
« Nous avions une idée de cette collec-
Paul Cézanne,
Nature morte, tion, mais nous ne savions pas de quelle
pot à lait et fruits, manière elle avait été composée », explique
v. 1900, h/t, Marianne Mathieu, chargée des collections
45,8 x 54,9 cm
©WASHINGTON,
du musée Marmottan-Monet, qui a œuvré
NATIONAL GALLERY pendant trois ans au côté de l’historien de
OF ART.
l’art Dominique Lobstein pour concevoir
Pierre-Auguste cette exposition. « La collection a été en
Renoir, Madame partie dispersée après la mort de Monet,
Monet et son fils,
1874, h/t, et il n’existait aucune liste des œuvres lui
50,4 x 68 cm ayant appartenu. L’inventaire après décès,
©WASHINGTON, enregistré aux Andelys, a disparu pendant
NATIONAL GALLERY
OF ART. la Seconde Guerre mondiale. Nous avons
mené un travail qui relève de l’enquête poli-
cière, pour reconstituer le corpus, connaître
et comprendre les circonstances d’entrée des
tableaux dans la collection de Monet », pré-
cisent les commissaires de l’exposition.

Un retour aux sources


L’étude minutieuse de diférents inventaires
(celui après décès de Michel Monet, le der-
nier ils de l’artiste, celui du marchand Paul
Durand-Ruel…), les témoignages de ceux
qui avaient rendu visite à Monet à Giverny,
une multitude de procès-verbaux de ventes
aux enchères, ont permis à Marianne
Mathieu et Dominique Lobstein d’esquis-
ser les contours de la collection. Il s’agis-
sait à la fois de rétablir la chronologie de sa
constitution, de dresser une liste des œuvres
qui la composaient et de retrouver leur lieu
actuel de conservation. « Il a fallu faire le
tri entre ce qui relevait de la tradition orale
et ce que l’on a pu prouver par des docu-
ments, explique Marianne Mathieu. Nous
avons retiré un tableau de Berthe Morisot,
par exemple, que l’on croyait être de la
collection mais qui, finalement, s’est révélé
ne pas en faire partie. »
Au total, cent vingt-cinq peintures, dessins
et sculptures ont été recensés, sans compter
les estampes japonaises, seule part connue
jusqu’ici de la collection de Monet. Près
d’une centaine d’œuvres composent l’expo-
sition du musée Marmottan. En tant que
légataire universel de Michel Monet, l’ins-
titution conserve depuis 1966 une partie de
la collection qu’avait réunie son père, dont
certains chefs-d’œuvre comme Sur la plage
d’Eugène Boudin, La Leçon de piano de
Gustave Caillebotte, ou encore La Fillette
au panier de Berthe Morisot. À ce premier
noyau s’ajoute un ensemble d’œuvres prove-
nant de grands musées internationaux et de
collections privées qui, pour nombre d’entre
elles, n’avaient encore jamais été présentées
en France.
Chronologique, le parcours met en évi-
dence les diférentes phases de constitution
de la collection. À 20 ans, Monet n’a pas un
sou et ne peut acquérir aucun tableau. En
revanche, il reçoit des cadeaux. Entre 1859
et 1875, certains de ses amis peintres,
comme Charles Lhullier, Gilbert de Séve-
rac ou Carolus-Duran, vont lui offrir des
62 O / SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS
laude
m onet
Ci-contre
Katsushika Hokusai,
Sous la vague au
large de Kanagawa,
1829-1833, estampe
des Trente-Six
Vues du mont Fuji,
24 x 36 cm
© GIVERNY, FONDATION
CLAUDE MONET.

LE MANET… QUI N’ÉTAIT PAS


CHEZ MONET !
L’un des tableaux de l’exposition eut
un destin particulier. En 1911, à la mort
d’Alice Hoschedé, l’un de ses fils,
Jacques, est criblé de dettes et cherche
par tous les moyens l’argent nécessaire
I i i pour les rembourser. Il se retourne
contre Monet, prétendant que des
tableaux ont disparu de la maison
de Giverny, notamment un portrait de
lui peint par Édouard Manet, en 1876
l i (ill. :huile sur toile, 60 x 97 cm. ©Tokyo,
The National Museum of Western
Art). Dès lors, Garçon dans les fleurs
(Jacques Hoschedé), qui représente
le jeune homme en buste, coiffé
d’un chapeau de paille, se retrouve
au centre d’une affaire judiciaire qui
durera deux ans et finira au tribunal.
Verdict:Jacques Hoschedé est débouté.
Le tableau, qu’il assurait avoir vu
dans la chambre de sa mère, n’a
jamais été chez Claude Monet,
qui n’en possédait vraisemblablement
qu’une photographie. G.M.

LES DE L’EXPOSITION
Le sujet est inédit et l’exposition
permet de découvrir des œuvres
exceptionnellement prêtées par
les musées de Washington,Stuttgart,
São Paulo ou Tokyo qui n’avaient
jamais été présentées en France.

LES
Reflet de ses goûts et de ses amitiés,
la collection de Monet est parfois inégale.
D’immenses chefs-d’œuvre côtoient
certaines toiles et dessins plus faibles
(de Gilbert de Séverac, Lucien Pissarro,
Henri Fantin-Latour…).

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O63


portraits de lui et de sa première épouse
Camille. De cette époque datent également Je suis un égoïste. Ma collection
un portrait du couple sur le bateau-atelier
de Monet, peint par Manet, et plusieurs est pour moi seul… et q
toiles de Renoir, dont Claude Monet lisant
et Madame Monet et son fils au jardin.
amis.Je la garde dansmachambre,
autour de mon lit
De Delacroix à Cézanne
Les premiers achats de Monet interviennent Monet n’est jamais présent dans la salle. Ce Ci-dessus Eugène
après son installation à Giverny en 1883, n’est pas lui qui enchérit. Mais il a repéré les Delacroix, Tigre
effrayé par un
l’année de la mort de Manet. Mais c’est au tableaux et sait parfaitement ce qu’il veut. » serpent, 1858,
début de la décennie suivante que sa col- Dans le même temps, le peintre s’intéresse à plume et encre de
lection prendra sa vraie dimension. Avec ses contemporains. Un ensemble d’œuvres Chine sur calque,
le succès, sa situation inancière s’améliore. de Johan Barthold Jongkind et d’Eugène 17,5 x 22,7 cm
©PARIS, MUSÉE
Il se tourne alors vers les maîtres qui l’ont Boudin, tous deux considérés comme les MARMOTTAN MONET.
précédé. En 1891, il achète trois aquarelles, précurseurs de l’impressionnisme, font leur
gouaches et dessins d’Eugène Delacroix, entrée dans sa collection. Puis il s’ofre des
Falaises d’Étretat. Le Pied du Cheval, œuvres d’Auguste Renoir, de Berthe Mori-
Falaises près de Dieppe, et Tigre effrayé par sot, de Camille Pissarro, de Paul Cézanne,
un serpent. Quelques années plus tard, il qu’il n’achète jamais directement auprès de
acquiert un paysage d’Italie de Jean-Baptiste ses amis, mais par l’intermédiaire de leurs
Camille Corot, Aricci, palais Chigi. « C’est marchands, Paul Durand-Ruel ou Ambroise
une période où les ventes aux enchères sont Vollard. « Monet a construit son propre
nombreuses, explique Dominique Lobstein. mythe. Il disait acheter des tableaux qui ne

64 O / SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


laude
m onet

valaient pas grand-chose, mais ce n’est pas


vrai. Il cachait son jeu. Neige fondante à
Fontainebleau de Cézanne, par exemple,
a fait un record de prix. Pareil pour
certains Renoir, comme Baigneuse
assise, ou Mosquée, fête arabe »,
Ci-contre
Auguste Rodin, poursuit Marianne Mathieu.
Jupiter taureau, À partir de 1892, Claude Monet
le faune et la acquiert également des por-
femme ou Faune traits d’Alice Hoschedé, qu’il vient
et nymphe,
v. 1886, plâtre, d’épouser en secondes noces. Il est
34 x 25 cm, détail séduit par une toile de Carolus-Duran
©PARIS, MUSÉE des années 1870, montrant la jeune
MARMOTTAN
MONET. femme assise, dans le cadre verdoyant
du parc du château de Montgeron. Il col-
lectionne aussi des portraits des enfants
d’Alice, notamment un de Jean-Jacques
Henner à l’effigie de Suzanne Hoschedé,
connue pour avoir été le modèle de la
Femme à l’ombrelle de Claude Monet. « Il
s’agit d’une suite de portraits de famille
dont on n’avait jamais entendu parler. Ces
œuvres sont totalement inédites », souligne
Dominique Lobstein.

La chambre des secrets


Pour Monet, collectionner est de l’ordre de
l’intime. Il prête peu ses œuvres, préférant
les conserver dans sa maison de Giverny.
Comme l’attestent diférents comptes-ren-
dus de visites, la plupart de ses tableaux et
dessins étaient accrochés dans sa chambre.
En 1893, Julie Manet est la première à
décrire la pièce que le maître a aména-
gée l’année précédente. Elle mentionne
des toiles de Morisot, de Pissarro et de
Renoir. Le romancier et journaliste Mau-
rice Guillemot parlera quant à lui, en 1898,
d’une « véritable galerie d’œuvres précieuses
dont Claude Monet a la légitime coquet-
terie ». En 1922, c’est au tour du cri-
tique Gustave Gefroy de témoigner :
« Au-dessus de ce salon-atelier, c’est la
chambre de Monet, vaste et éclairée
par une large fenêtre ouverte sur
les champs de Giverny. En même
temps qu’une chambre, c’est un

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O65


laude
m onet

musée, le musée de ses admira-


tions et de ses compagnonnages ».
Il précisera avoir aperçu le pay-
sage italien de Corot, quatre
Jongkind, les trois Delacroix,
un portrait de Wagner par Fan-
tin-Latour et une série de des-
sins de Constantin Guys, artiste
aujourd’hui oublié que Baude-
laire qualifia en son temps de
« peintre de la vie moderne ».
Claude Monet possédait aussi
quelques sculptures, d’Auguste
Renoir, de Paul Paulin, mais
surtout, plusieurs d’Auguste
Rodin. Parmi celles-ci figurent
la Jeune Mère à la grotte (1885),
un bronze que le sculpteur avait
ofert à Monet en échange d’une
toile peinte à Belle-Île en 1886,
et deux plâtres, dont Bacchantes
s’enlaçant, dédicacé sur sa base
« Au grand maître C. Monet, son
ami Rodin ». Retrouvée dans une
collection particulière, l’œuvre
est ici présentée pour la première
fois dans une exposition.
Contrairement à ses tableaux,
Monet n’exposait pas ses sculptures dans sa l’oublie souvent, mais le cycle de l’Orangerie, Ci-dessus
chambre, mais à l’atelier. Le peintre collec- inauguré après la mort de l’artiste, ne rencon- Pierre-Auguste
Renoir, Portrait
tionnait aussi les estampes japonaises, qu’il trera pas le succès espéré. Ce sera une blessure de Mme Clémentine
présentait dans le vestibule, la salle à man- pour sa famille, rappelle Marianne Mathieu. Stora dit aussi
ger et la cuisine. « Il en achète dès 1871, à C’est pourquoi Michel Monet ne choisira pas L’Algérienne, 1870,
son retour de Londres, précise Dominique les musées nationaux comme légataire uni- h/t, 84,5 x 59,7 cm
©SAN FRANCISCO,
Lobstein. Il n’a pas la volonté de constituer versel, et préférera le musée Marmottan pour FINE ARTS MUSEUMS.
des ensembles exhaustifs. Il ne réunit aucune préserver son héritage. » Page de droite
série complète d’Utamaro, d’Hiroshige ou Gustave Caillebotte,
d’Hokusai. C’est l’impact visuel d’une image À VOIR La Leçon de piano,
qui l’intéresse. » v. 1879, h/t,
+++ « MONET COLLECTIONNEUR »,au 81 x 65 cm, détail
En 1927, un an après la mort de Claude musée Marmottan Monet,2,rue Louis-Boilly, ©PARIS, MUSÉE
Monet, son fils Michel vend une partie de 75016 Paris,0144965033,www.marmottan.fr MARMOTTAN MONET.
du 14 septembre au 14 janvier.
la collection de son père, certains tableaux
RÉSERVEZ VOTRE BILLET SUR
d’artistes qui étaient alors très recherchés CONNAISSANCEDESARTS.COM
tels Corot, Manet, Renoir ou Cézanne. En
revanche, il laisse à Giverny ce qui, à l’époque, À LIRE
n’a pas de valeur : les estampes japonaises et - MONET COLLECTIONNEUR, le catalogue
de l’exposition, par Marianne Mathieu et
les œuvres ultimes de son père, ses tableaux Dominique Lobstein, éd. Hazan (312 pp., 35 €).
de Nymphéas. L’un d’entre eux referme d’ail- - LE HORS-SÉRIE de « Connaissance des Arts »
leurs symboliquement l’exposition. « On (n°776, 44 pp., 9,50 €).

66 O / SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


visite d’atelier

Hélène Delprat
s’est installée dans
un immense atelier
au nord-ouest de Paris,
à Argenteuil.
élène

elprat
comme
au théatre
Avec la verve qu’on lui connaît, la plasticienne Hélène Delprat
expose ce mois-ci, dans deux lieux parisiens, un travail
multiforme où règnent le drolatique et le décadent.
/ Texte Élisabeth Védrenne / Photos Catherine Panchout
À La Maison rouge, elle met en scène la
partie la plus théâtrale et la plus cinémato-
graphique de son univers, qu’elle trufe de
surprises et de chausse-trappes. Ce n’est pas
le train fantôme mais presque ! Après un
couloir nommé Alpha Ville, se dressent les
grilles d’un château (merci monsieur Coc-
teau !), puis s’ouvrent d’autres portes en car-
ton et divers travellings le long des allées de
jardins aussi hitchcockiens que victoriens,
parfois sous la neige (merci Orson Welles !),
pour pénétrer au cœur d’une série de mys- 3 ŒUVRES PHARES D’HÉLÈNE DELPRAT
tères cauchemardesques et provocateurs,
où l’on est prié de ne pas s’ofusquer devant
des images prônant, crânement, la beauté
de la laideur. On y rencontre fatalement le
morbide et le décadent, l’autodérision et
des illusions à la Méliès ou des allusions
au Goya le plus noir. Beaucoup d’autopor-
traits, où elle campe une Cabiria digne
de Giulietta Masina, mâtinée de Claude
Cahun au crâne rasé, tantôt clown, tantôt Le jour où les poulpes Le jour où j’ai inventé les Le Portrait
dandy. Nous voici conviés auprès de Marcel ont emporté mes oreilles, Femmes savantes, 2010, tirages corrompu, 2013,
1993-1994, pigments numériques, 178,7 x 100 cm (x2). pigments, or et
Schwob, comme auprès d’Edgar Alan Poe et acrylique sur toile, acrylique sur papier,
TOUTES LES PHOTOS : COURTESY
ou d’Oscar Wilde, mais avec cette vitalité au 180 x 200 cm. GALERIE CHRISTOPHE GAILLARD. 250 x 210 cm.
fond mélancolique chère à Fellini autant qu’à

70 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


Ci-dessus Les fées
gonflables aiment
McCarthy,moi aussi,
2016,acrylique
et pigments sur toile,
200 x 690 cm.

LA MAISON ROUGE,CLAP DE FIN


Depuis son ouverture en 2004,
La Maison rouge n’a cessé d’agiter
le public artistique parisien,
pourtant réputé fort blasé,
Shakespeare. Toutes ces « contaminations », radiophoniques avec grifonnages, collages, par l’audace de ses expositions
comme les définit le critique Dominique conférences ubuesques, entretiens admi- et la variété de ses commissariats
Païni, sont fortement revendiquées par l’ar- ratifs… forment ainsi son Journal, ses Très extérieurs. Collectionneur avisé
tiste. Les grimaces succèdent aux entour- Riches Heures, son hommage loufoque à la et ancien galeriste, Antoine de
loupes de Fantômas, les rires du grotesque singularité. On peut aussi, au cours de cette Galbert y a régné en défricheur,
sous-tendent la désespérance à peine dégui- inénarrable promenade, se laisser envoûter mettant au goût du jour un art dit
sée d’un carnaval macabre, à la manière par la voix douce et hypnotique du comé- « singulier » et y faisant découvrir
caricaturale de José Guadalupe Posada, ou dien Jean-Louis Trintignant, lequel susurre, aussi bien des collections privées
drolatique à la James Ensor… Un « fatras », tel un serpent, les longs titres de ses tableaux inhabituelles que des artistes
selon l’expression même de cette glaneuse mis bout à bout comme un poème sans in, hors normes. Il ferme donc les
qui butine avec volupté, faisant son miel des qu’elle conserve dans son hilarant Musée portes de sa Maison rouge, pour
leurs les plus enivrantes, transgenres, malé- des Titres. Hélène Delprat est une drôlesse finir en beauté, en octobre 2018,
iques, vénéneuses, toutes époques confon- qui n’a peur de rien et n’oublie jamais, dans avec l’exposition « L’Envol ».
dues. Ses images jaillissent avec naturel son éloge de la monstruosité et de l’excès, Auparavant, fin 2017, il présentera
d’un savoir encyclopédique, d’une attitude de nous embarquer à bord d’un voyage très la collection de Marin Karmitz,
père des MK2, intitulée « Étranger
transversale, de techniques visuelles mali- accidenté mais surtout… libre.
Résident ». Mais la fermeture de
cieusement entremêlées qui se gravent sur
cet espace ne signifie pas la fin de
notre rétine, suscitant efroi et jouissance, Dans les coulisses
son aventure: Antoine de Galbert
comme le coup de rasoir dans le ilm sur- L’autre partie de son travail concerne la pein- va se consacrer plus que jamais
réaliste de Buñuel Un chien andalou. Ou ture, qu’elle expose chez Christophe Gaillard, à sa fondation, avec le désir de
à la manière d’une transfusion entre vam- le galeriste qui l’a remise sur scène… Hélène la réorienter vers le mécénat. E.V.
pires. Films, documentaires, vidéos, jeux Delprat a toujours peint, s’y est longuement

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O71


adonnée en 1982-1984 à la Villa Médicis.
L’Italie a alors planté ses flèches dans son Unepeintureabstraite,figurative,
cœur. De Bomarzo aux frises maniéristes,
des grotesques aux stalactites et aux coquil- ancienneetcontemporaine,oùrienne
lages, des sculptures baroques aux sque-
lettes des mosaïques romaines, d’Actéon à
semélange,riennesedérange
Sisyphe, elle s’est composé un imagier qu’elle
a ajouté à celui des contes du Moyen Âge, Comme un monumen-
des visions fantasmagoriques des Roman- tal rideau de scène sur
tiques, aux brouillards animés des ilms de lequel tout est donné à
Cocteau. Après des années 1980 denses et voir en même temps, sur
couronnées de succès, elle disparaît, s’isole, une même surface, sans
emmagasine. Elle met à profit cette pause perspective. Un magma
pour plonger dans le monde du spectacle, énigmatique où se jux-
approche le théâtre, habite ses coulisses, taposent, sans se gêner
crée des costumes, hante avec bonheur les ni s’entrechoquer, divers
plateaux de cinéma, son mari étant l’acteur mondes. Des fragments
Roger Dumas. Aujourd’hui, elle enseigne d’histoires clignotent,
le dessin à l’École nationale supérieure des des silhouettes appa-
beaux-arts, à Paris. raissent et disparaissent
au même moment dans
Vers les lunes noires un charivari étrange-
Avoir plusieurs ateliers lui est vital, à l’image ment silencieux. On
de sa bougeotte et de sa curiosité boulimi- « serait », comme disent
que. L’un, immense, est à Argenteuil, dans les enfants, à la fois pen-
de vieux entrepôts de métaux de la SNCF dant la nuit et le jour, là
qui longent les voies ferrées. Elle y entasse où cohabiteraient des
anciens décors, grands papiers et cartons lucioles égarées et des voies lactées, où tout entre les ilaments, les explosions, les pou-
découpés, butins en tous genres, projets. serait sens dessus dessous, en même temps droiements, les colliers de perles, les halos.
Mais elle peut surtout s’y étaler, par terre sous la mer, sur la terre et au cœur d’une Les araignées surveilleraient des sque-
comme sur les murs, travaillant à des voûte céleste. Là où des pâquerettes à la lettes tremblotants, sans états d’âme. Des
toiles de plus en plus énormes, la der- Jean-Jacques Granville feraient de l’œil à comètes zèbreraient des mers étales. Tout y
nière mesurant trente mètres de long… des marguerites tout en collerettes lottant serait immobile mais vivant. Une peinture
Un autre atelier se trouve en plein centre dans un ciel d’Odilon Redon. Là où coraux, abstraite, figurative, ancienne et contem-
de la France, un autre encore dans le Midi. soleils et poissons, madrépores et fées ailées poraine, où rien ne se mélange, rien ne se
Enin, elle cite avec humour un espace pas se propulseraient vers des lunes noires. Là dérange. Parfois onctueuse, parfois ciselée,
plus grand qu’un placard, très propice à où des aurores boréales observeraient avec écorchée ou suprêmement indiférente. Ce
sa concentration ! Sa peinture est comme placidité des insectes bizarres piqués sur des serait une peinture s’approchant de l’esprit
l’exploration d’un pays où l’on rêve éveillé. tableaux noirs d’écoliers. Le noir est partout, de Watteau aujourd’hui.

72 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


À VOIR Hélène Delprat
++« HÉLÈNE DELPRAT. I DID IT MY WAY », prépare ses toiles
La Maison rouge, Fondation Antoine-de-Galbert, à même le sol
10, boulevard de la Bastille, 75012 Paris, avant de peindre
0140010881,lamaisonrouge.org contre le mur.
du 23 juin au 17 septembre.
RÉSERVEZ VOTRE BILLET SUR À gauche J’écris
CONNAISSANCEDESARTS.COM pour adoucir le cours
du temps,2016- 2017,
- « HÉLÈNE DELPRAT.MOI QUI ADORE BARNETT
NEWMAN,ON PEUT DIRE QU’ON EN EST LOIN ! »,
technique mixte
galerie Christophe Gaillard, 5, rue Chapon,75003 Paris, et collages,50 x 65 cm
COURTESY GALERIE
01 42 78 49 16, du 9 septembre au 21 octobre. CHRISTOPHE GAILLARD.
À LIRE Ci-dessous
- HÉLÈNE DELPRAT, textes de Jean de Loisy, Peinture pourrie, 2014,
Philippe Morel, Alain Valmier, Guy Cogeval, pigments, acrylique
Valérie da Testa, éd. Dilecta (280 pp., 250 ill.). et paillettes argent
- CATALOGUE DE L’EXPOSITION, textes de Corinne sur toile, 200 x 295 cm
Rondeau, Émilie Bouvard…, La Maison rouge/ COURTESY COLLECTION
Éditions Fage (français/anglais, 160 pp., 20 €). ANTOINE DE GALBERT.

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O73


étude d’une œuvre

Nicolas Poussin,
Le Massacre des
Innocents, vers
1625, huile sur
toile, 147 x 171 cm
CHANTILLY, MUSÉE
CONDÉ. ©PHOTO
DE PRESSE RMN.

74 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


Nicolas Poussin

Le
assacre
des
Innocents
Après un an de restauration, en 2016,
le chef-d’œuvre de Nicolas Poussin,
débarrassé de ses vernis blanchis, a
regagné sa cimaise au musée Condé de
Chantilly, où il fait l’objet d’une exposition.
/ Texte Manuel Jover

C’est une œuvre à part dans la production du


peintre, une œuvre unique, pourrait-on dire, à
caractère « expérimental ». Elle est datée par le
spécialiste Pierre Rosenberg de 1627-1628, soit
la période où l’artiste, arrivé à Rome en 1624 (où
il passera le reste de sa vie, hormis un passage à
Paris de 1640 à 1642), tente de s’imposer sur la
scène artistique romaine. Avec succès, puisque,
dès 1628, il décroche la commande d’un grand
retable pour la basilique Saint-Pierre, honneur
suprême pour un peintre ! Notre tableau, quant
à lui, fut commandé par le marquis Vincenzo
Giustiniani pour le décor de son palais romain.
Le choix du thème repose sans doute sur des
raisons personnelles : en 1564, vingt jeunes gens
de la famille Giustiniani avaient été enlevés,
convertis de force et, pour certains, tués par les
Ottomans. La collection du marquis comptait
un autre grand Massacre des Innocents, dû à
Cornelisz Schut, ce qui démontre bien l’impor-
tance que le sujet revêtait à ses yeux. Giustiniani
était un grand collectionneur, il possédait des
œuvres de Caravage. Peindre un tableau pour
lui, c’était s’exposer aux yeux des cercles d’ama-
teurs les plus éclairés ; l’enjeu était important et

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O75


étude d’une œuvre

Un masque tragique
nul doute que Poussin ait voulu ici prouver C’est plus un masque de tragédie
ses capacités d’invention. qu’un vrai visage. Poussin peint
Le sujet est tiré du Nouveau Testament. des archétypes, des figures
Ayant appris la naissance d’un nouveau incarnant des généralités, et
non des cas particuliers. Mais il
« roi » (l’Enfant Jésus), Hérode décida de le prouve ici l’efficacité expressive
faire périr. Dans ce but, il « envoya tuer dans de l’archétype.
Bethléem et dans tout le pays d’alentour tous
les enfants âgés de deux ans et au-dessous »
(Matthieu, 2-16). Mais un ange prévint
Joseph, et la Sainte Famille était déjà loin
lorsque les soldats d’Hérode accomplirent
leur sinistre mission. Le thème était fré-
quemment illustré, et parmi les références
majeures, Poussin a dû connaître la célèbre
gravure de Marcantonio Raimondi d’après
Raphaël, ainsi que la toile
très admirée que Guido Reni La femme au loin
peignit en 1611. Le peintre a ménagé
Ce qui surprend d’emblée, une « fenêtre » entre
les jambes du bourreau,
par rapport aux antécédents où paraît une autre
qui tous emplissent l’espace mère, tournée vers
de scènes de meurtre, c’est le groupe principal et
la réduction drastique opé- vers… le spectateur.
Nous voilà regardés
rée par le peintre : la narra- regardant, ce qui
tion se concentre en un seul redouble le malaise.
groupe principal, investi de
toute la tension dramatique
et « obsédant dans son éco-
nomie » (Alain Mérot). Ce
groupe est vu « di sotto in
su » (du dessous), ce qui le monumentalise, admirait et dont il a repris la tranchante
et la gamme colorée repose sur les trois cou- clarté architecturale, la sensation de vide
leurs primaires, rouge, jaune et bleu. Cette spatial, l’évidence narrative. L’un des prin-
concentration maximale de la violence cipaux enjeux artistiques du temps était les
dans le groupe principal contraste avec « affetti », l’expression des passions. Poussin,
le vide tout autour, où les igures errantes ici, semble relever le déi de peindre les pas-
des mères éplorées sont comme les échos sions les plus extrêmes avec une intensité
décroissants du grand cri poussé par la pre- égale à celle de Caravage, mais dans un tout
mière. Ce groupe est inoubliable : l’énergie autre langage esthétique, non pas natura-
déchaînée du bourreau, le bébé plaqué au liste, mais fondé sur la tradition classique,
sol, le masque tragique de la mère et son l’Antiquité, Raphaël, Le Dominiquin. On
bras lancé qui accompagne visuellement notera un détail très discret mais impor-
son cri… Tout ceci est saisissant. tant : le bébé porte une entaille au flanc
Tout relève d’une sorte de réalisme tragique, droit, par où s’échappe un filet de sang,
que l’on pourrait opposer à celui de Cara- exactement comme le Christ sur la croix.
vage, maître qui avait excellé à peindre le Façon de dire que persécuter un innocent
moment culminant de la violence, et que revient à rouvrir les plaies du Christ ? Sans
Poussin abhorrait, disant qu’« il était né pour doute ce détail ancre-t-il l’image dans une
détruire la peinture ». Aussi bien peut-on perspective chrétienne renforcée. Mais, par
parler de tragique idéalisé. Les attitudes styli- son dépouillement formel, par son eica-
sées et les formes épurées se réfèrent à l’Anti- cité expressive, l’œuvre acquiert une portée
quité, présente par le temple du fond, d’ordre universelle. Grâce au génie de Poussin, mais
corinthien, par les igures comme la femme aussi, hélas, parce qu’on ne cesse, jusqu’à
en robe bleue, inspirée du groupe des Nio- aujourd’hui, de massacrer des innocents, ce
bides, ou même par la scène principale, dont cri de peinture semble devoir éternellement
le parfait équilibre et l’extrême clarté formelle retentir. Et il se répercute, dans l’histoire Une grande brutalité
Le bébé est plaqué au sol avec le pied, comme
rappellent la statuaire gréco-romaine.   de la peinture, jusqu’aux mères hurlantes on le ferait d’un animal à abattre. Ce « détail »
Une autre référence est l’art du Domi- du Guernica de Picasso, jusqu’aux igures hallucinant diffuse une dose de brûlante réalité
niquin, son contemporain, que Poussin criantes de Francis Bacon, et au-delà. dans une scénographie par ailleurs très théâtrale.

76 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


La femme en bleu
Les figures secondaires sont
étrangement flottantes,
sans épaisseur. Celle-ci est
clairement inspirée de la
statuaire antique. Elle lance
des imprécations vers le ciel
et semble, de désespoir,
s’arracher les cheveux.

L’enfant mort
Le petit cadavre a déjà
les chairs vertes et ses
formes sont étrangement
stylisées : cylindre du bras,
sphère de la tête. Comme
si l’ordonnance géométrique
de l’architecture se
communiquait aux figures.

POUSSIN ET SA POSTÉRITÉ
À CHANTILLY
Le musée Condé est le
deuxième musée le plus riche
en œuvres de Poussin, avec
sept peintures et trente-six
dessins. L’exposition réunit
une cinquantaine d’œuvres,
antérieures ou contemporaines
de notre tableau, comme
la gravure d’après Raphaël ou
le grand Guido Reni (ill.: huile
sur toile, 268 x 170 cm. Bologne,
Pinacothéque nationale.
©Scala, Florence, courtesy
Ministero Beni e Att. Culturali),
mais également des œuvres
postérieures témoignant
de son influence au fil des
siècles (Pietro Testa, Stanzione,
À VOIR Jean-Baptiste Pierre, Léon
+++LES EXPOSITIONS Cognet…). Avec un focus sur
« NICOLAS POUSSIN,
LE MASSACRE DES
l’époque moderne : Pablo
INNOCENTS. POUSSIN, Picasso, présent avec le fameux
PICASSO, BACON » Charnier prêté par le MoMA,
et « POUSSIN ou Francis Bacon pour qui le
AU MUSÉE CONDÉ »
Le temple L’architecture (qui montre les dessins Massacre était « le plus beau
est très présente : de Poussin conservés par cri de l’histoire de la peinture ».
colonnes délimitant le musée), musée Condé, Ainsi que des créations
la scène principale et, Chantilly, 03 44 27 31 80,
www.musee-conde.fr contemporaines d’Henri Cueco,
au fond, obélisque et
temple. Le peintre s’est du 10 septembre Pierre Buraglio, Vincent Corpet,
délecté à restituer au 7 janvier. Annette Messager… M. J.
l’ornementation d’un
ordre corinthien, sur À LIRE
l’entablement
et les chapiteaux. LE CATALOGUE DE
L’EXPOSITION « NICOLAS
POUSSIN, LE MASSACRE
DES INNOCENTS. POUSSIN,
PICASSO, BACON »,
sous la direction
de Pierre Rosenberg,
éd. Flammarion
(224 pp., 180 ill., 45 €).

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O77


Hervé
Poulain
dans sa
En Sologne,dans sa maison
de campagne,le commissaire-
priseur Hervé Poulain a rassemblé
plus de deux cents dessins,
sculptures et autres objets
r
d’art sur le thème des Indiens

b
d’Amérique. Il en prête la moitié
pour l’exposition rochelaise
« Le Scalp et le calumet ».
/ Texte Axelle Corty
/ Photos Baudouin

L’endroit est idyllique, entouré de


prairies et planté de chênes cente-
naires. Une imposante tête de chef

u
indien sculptée veille, du haut de son
piédestal, sur l’habitation principale,
une jolie ferme solognote récemment
restaurée. Passé la petite porte de la
longère, l’œil est assailli par un feu
d’artiice de visages parés de plumes,
de diligences, de mustangs en pleine
course et d’uniformes de la cavalerie.
Ils ornent, aux murs, des images d’Épi-
nal, des carrés Hermès ou des aiches
de spectacles. Dans le salon, tableaux,
dessins et sculptures prennent le pas.
Sur la cheminée, le Sitting Bull d’Andy
Warhol (1986) fascine comme un
néon, répondant au rouge profond
d’un tableau d’Ivan Messac de 1971 où
deux Indiens à cheval dominent une
carrosserie de grosse cylindrée, cliché
du rêve américain. Les autres œuvres

78 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


collection privée

Isabelle et Hervé
Poulain dans leur
maison de campagne
solognote qui abrite
leur collection sur
le thème des Indiens
d’Amérique.

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O79


Les collections thématiques ont
cettevertudevous apprendre énormément
surlesujet quevousélisez

sont plus anciennes. Une École espagnole Ci-contre Andy


du xvii e représente Christophe Colomb Warhol, Sitting
Bull, 1986,
enchaîné et réconforté par les Indiens. Une sérigraphie,
grande gouache, Le Général Lafayette et les 92 x 92 cm.
chefs de la confédération des six tribus par
Ci-dessous
Guy Arnoux (1930), est l’étude préparatoire Guillaume
d’un panneau de laque qui ornait le grand Laplagne,
salon du paquebot Lafayette. Sioux à l’affût,
mascotte de
capot automobile
L’Apollon des plaines Renault, 1920-
Près d’une fenêtre, un superbe Indien en 1930, bronze,
bois polychrome, du début xixe, se révèle 10 x 11,5 cm.
être un porte-torchère. La qualité de la
sculpture est incroyable. Hervé Poulain
demeure médusé devant son mystérieux
« Apollon des plaines ». « C’est une énigme
d’attribution parmi d’autres dans la col-
lection. L’exposition pourrait aider à les
résoudre », sourit le président d’honneur
de la maison de ventes Artcurial. L’œuvre
compte effectivement, tout comme le Catlin plus cher qu’un Renoir, mais doivent
Messac et le Warhol, parmi celles qu’il s’attacher aux petits maîtres, élus avec dis-
prête pour l’exposition « Le Scalp et cernement. Le commissaire-priseur est un
le calumet ». Il ne pouvait qu’être collectionneur averti. Tout en se taillant une
séduit par ce projet d’Annick Not- notoriété en courant onze fois les 24 heures
ter, directrice des musées d’Art du Mans au volant de BMW peintes par
et d’Histoire de La Rochelle, Calder, Koons, Warhol, Stella ou
d’explorer l’iconographie Wolinski, il a constitué, depuis les
occidentale sur les Indiens années 1970, de beaux ensembles
d’Amérique du de mobilier Art Déco, de peinture
Nord. C’est cubiste, de portraits de musiciens
justement et de toiles des Nouveaux Réa-
le thème de listes. Il prend sa passion amé-
sa collection, ricaine très au sérieux. « Les
débutée en 2002 collections thématiques ont
un peu par hasard. cette vertu de vous apprendre
« No u s v e ni o n s d e énormément sur le sujet que
nous installer ici et vous élisez. Le sens ajoute à
recherchions une “ collection d’ameublement l’émotion. » Ce qu’il découvre
” à la manière de la “ musique d’ameuble- en se documentant, bien loin
ment ” d’Erik Satie : un environnement ori- des légendes du Far West,
ginal et agréable. » De retour d’une virée aux c’est la mort d’une civilisa-
Puces, il pose sur la cheminée sa dernière tion. « Les Indiens d’Amérique
acquisition, une aquarelle Art Déco signée du Nord ont subi les exactions
Oliver Drubbel, représentant deux Indiens des conquistadores et des puritains.
de proil. L’efet est saisissant. L’envie d’une Ils ont été instrumentalisés dans les
collection naît alors. Depuis, Hervé Poulain guerres des Européens sur leurs ter-
et son épouse Isabelle sont sur la piste des ritoires. Ensuite, on leur a volé leurs
Indiens. Ils achètent à Paris, en province, terres. Dans les réserves où on les a
aux enchères et en galeries. Ils ne peuvent installés, on leur a distribué de la
rivaliser avec les collectionneurs améri- nourriture avariée. Il s’agissait de les
cains, prêts à payer une toile de George éradiquer », explique Isabelle Poulain.

80 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


r
Hervé
Poulain
dans sa

b
u

Ci-contre
Porte-torchère
Indien, XVIIIe
siècle, bois
polychrome,
194 x 90 cm.

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O81


r
Hervé
Poulain
dans sa

b
À droite Parmi
les œuvres qui
surplombent le

u
cabinet d’Hubert
Le Gall,quelques
dessins exécutés
par les Indiens
du Buffalo Bill’s
Wild West Show.
À gauche
Enseigne
américaine de
débit de tabac,
XIXe siècle,
bois peint,
H. 160 cm.

Souvenirs d’enfance Robert Wesley Amick (1879-1969), Where


Dans le salon, l’émerveillement et the Sun Goes. Qui a inspiré l’autre ? Autre
la candeur dominent pourtant. On belle trouvaille des Poulain : les aquarelles
devine des souvenirs d’enfance, des d’un autre Français, Marius Hubert-Robert
rêves de grands espaces et une (1885-1966), artiste voyageur mécéné par
fascination pour les coutumes la richissime famille Astor, qui représenta,
indiennes. Ici, sur un dessin entre autres, des villages indiens de Colom-
à la plume signé A. de Saint- bie-Britannique. Le salon offre aussi au
Saph, le deuil d’une veuve regard de beaux meubles aux lignes simples
indienne, seule sous un arbre signés Arbus, Adnet ou Printz. Il est ponctué
où sont accrochées les armes de sculptures Art Déco en bronze, comme
de son mari. Là, une pai- ce Chef indien allongé et guettant de Mar-
sible famille contemple cel Bouraine, cédé par un ami du couple, le
le soleil couchant au décorateur Cyril Vergniol. C’est un autre ami,
bord d’un fleuve. Ces Rémy Le Fur, longtemps l’associé d’Hervé
Indiens d’Amérique, Poulain, qui a offert la vache empaillée à
peints vers 1900 par l’air débonnaire qui accueille les visiteurs au
Edmond Antoine salon et fait oice de bison solognot. Autre
Tapissier, représentent référence au géant herbivore, l’incroyable
les mêmes Indiens Cabinet-Bison en bronze patiné, commandé
que ceux d’une œuvre au designer et sculpteur Hubert Le Gall
célèbre de l’Américain pour un anniversaire d’Isabelle Poulain. Il

82 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


Ci-contre Dans le
parc, Hervé Poulain
pose derrière un
Chef indien de
Georges Garreau,
1930, marbre r
ose, H. 68 cm.

s’ouvre sur des tiroirs dorés à la feuille, dont


les poignées sont des lèches. Au-dessus, un
magnifique portrait à l’encre, par l’Anglais
John Hassal, immortalise Jacob White Eyes,
un Sioux vedette du Bufalo Bill’s Wild West
Show. On a du mal à se igurer aujourd’hui
le retentissement de ce spectacle de huit
cents hommes, de cinq cents chevaux et de
dizaines de bisons, qui it le tour de l’Europe.
En 1889, il attira trois millions de spectateurs
au pied de la tour Eiffel. Bill Cody, alias
Buffalo Bill, chasseur de bisons reconverti
en entrepreneur de spectacles, inventa le cri
d’Indien main devant la bouche, un génial
coup de marketing, parmi d’autres.
Avant lui, en 1845, un autre Américain, cette
fois authentiquement fasciné par les cultures
indiennes, avait connu la gloire à Paris. Il
s’agit du fameux peintre George Catlin, créa-
teur d’un musée indien itinérant. Des Iowas
l’accompagnaient. Ils dansèrent aux Tuileries
devant Louis-Philippe et fascinèrent, entre
autres, Eugène Delacroix et George Sand.
Ces tournées aujourd’hui oubliées, ancêtres
du spectacle de masse, ont engendré une
imagerie populaire si vivace qu’elle efface
dans l’imaginaire occidental la disparition
des Indiens. « Lorsque nous pensons aux
civilisations disparues, nous ne pensons pas
aux Indiens d’Amérique du Nord. Pourtant,
tout cela s’est passé avant-hier ! Cela donne à
réfléchir sur la finitude », commente Hervé
Poulain. Pour lui, la « collection d’ameuble-
ment » s’est révélée plus philosophique que
prévu. Il commente volontiers cette aventure
par ces vers de La Fontaine : « J’aime le jeu,
l’amour, les livres, la musique, la ville et la
campagne, enfin tout ; il n’est rien qui ne me
soit souverain bien, jusqu’au sombre plaisir
d’un cœur mélancolique ».

À VOIR
« LE SCALP ET LE CALUMET », au musée
du Nouveau Monde, 10, rue Fleuriau,
0546414650, et au musée des Beaux-Arts,
28, rue Gargoulleau, 17000 La Rochelle,
0546416465, www.ville-larochelle.fr/
culture du 1er juillet au 23 octobre.

À LIRE
LE CATALOGUE DE L’EXPOSITION,
collectif sous la direction d’Annick Notter,
Somogy éditions d’art (256 pp.,35 €).

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O83


restauration

acuoxuleurs
e d
nce a
Entièrement conçu par Hippolyte Flandrin,
le décor de Saint-Germain-des-Prés
constitue un jalon essentiel dans l’histoire
des églises parisiennes au XIXe siècle.
La restauration du chœur permet de
redécouvrir les beautés d’un Moyen Âge
réinventé,aux forts accents byzantins.
/ Texte Jean-François Lasnier

Alexandre Denuelle
et Hippolyte Flandrin,
Ange portant un livre,
symbole de saint
Matthieu (à gauche) et
Le lion ailé, symbole de
saint Marc (à droite)
©COARC/CLAIRE PIGNOL.
restauration

Le 5 avril 1852, Delacroix note dans son naissance à une création originale, à la fois
Journal ses impressions mitigées après une puissante et rainée, où la couleur si chère à
visite à Saint-Germain-des-Prés : « J’ai vu les Delacroix transigure l’architecture.
barbouillages gothiques dont on cerne les murs Tout au long du xixe siècle, les églises pari-
de cette magnifique église. Confirmation de ce siennes sont le théâtre de nombreux chan-
que je disais à mon ami: j’aime mieux les ima- tiers de restauration et de décoration, dans
ginations de Lehmann que les contrefaçons de un mouvement porté à la fois par l’essor de
Baltard, Flandrin et Cie. » La restauration du la conscience patrimoniale et par le regain de
chœur de l’ancienne abbatiale invite à tem- la ferveur religieuse. Saint-Germain-des-Prés
pérer ce jugement lapidaire, en rendant à ne fait pas exception. Vendue comme bien
nouveau visibles les peintures de Flandrin. national en 1792, l’église avait été transfor-
Loin des « barbouillages » et des « contrefa- mée en manufacture de salpêtre. Restituée
çons », l’historicisme revendiqué ici donne à la Ville après le Concordat, elle se trouve
alors en si pitoyable état qu’il est question
de la raser. Mais, en dépit de l’opposition de
ses confrères, l’architecte Étienne-Hippolyte
Godde parvient à convaincre la municipalité
d’entreprendre des travaux de restauration.
Si ce dernier a fait réaliser des décors peints
– aujourd’hui disparus –, l’essentiel des pein-
tures a été exécuté sous la direction
de Victor Baltard (1805-1874),
futur architecte des Halles.
En 1841, celui-ci est nom-
mé Inspecteur des fêtes et
des beaux-arts de la Ville
de Paris, une charge com-
prenant le décor des églises
paroissiales. Pour ce poste, il a
bénéicié de la recommandation
d’Ingres, qui espère ainsi favo-
riser ses élèves dans la course
aux commandes publiques. Et
il est vite satisfait, puisque dès
sa nomination, Baltard fait appel
entre autres à Flandrin et Mottez pour le
décor de Saint-Séverin. Conformément à
Ci-contre Alexandre la coutume, cette commande a été partagée
Denuelle, Colonne entre douze peintres. Au contraire, à Saint-
fleurie surmontée
d’un chapiteau
Germain-des-Prés, le décor est confié au
à feuilles d’acanthe seul Hippolyte Flandrin, y compris les car-
turquoises tons des vitraux. Prix de Rome en 1832, le
rehaussées d’or. peintre s’était lié à Baltard en Italie. Et les
©COARC/CLAIRE PIGNOL.
deux hommes vont œuvrer de concert pen-
Page de droite dant vingt ans dans l’ancienne abbatiale.
Alexandre Denuelle
et Hippolyte Flandrin,
Saint Doctrovée ; saint Réinventer le Moyen Âge
Germain ; Childebert Ier Tout au long de sa carrière, l’architecte joue
et Ultrogothe ; la Foi, un rôle éminent dans la promotion de la
l’Espérance et la
Charité, La Patience, peinture murale. « Pour Baltard, admirateur
l’entrée du Christ de l’art de la fin du Moyen Âge et du début
à Jérusalem (de haut de la Renaissance, il s’agit de concevoir des
en bas et de gauche œuvres respectant l’architecture d’origine,
à droite), mur nord
du chœur. mais sans tomber dans la copie archéolo-
©COARC/CLAIRE PIGNOL. gique », estime l’historien Pierre Pinon dans
la biographie de l’architecte. Et Flandrin,
disciple favori d’Ingres, apparaît comme
l’interprète idéal de ces conceptions. Son
intervention se découpe en plusieurs phases.
Associé au peintre Alexandre Denuelle pour
les parties décoratives, Flandrin commence
par le sanctuaire de 1842 à 1846, poursuit
par le chœur entre 1846 et 1848, avant de se
porter dans la nef après 1856. En raison de
sa mort brutale en 1864, la dernière travée de
la nef est exécutée par son frère Paul, tandis
que le transept nord est conié à son élève,
Sébastien Cornu.
Alors que la nef et le transept restent pour
l’instant voilés de poussière, la restauration
de la partie orientale de l’église redonne vie
au décor imaginé par Baltard et Flandrin.
Dans le sanctuaire, deux grandes scènes,
L’Entrée à Jérusalem et La Montée au calvaire,
se font face. Les personnages s’y déploient
en frise sur un fond d’or, qui produit un fort
contraste avec la matité de la peinture. Dans
le chœur, les symboles des évangélistes et

LES JOURNÉES DU PATRIMOINE 2017


Les 16 et 17 septembre, les Journées
du Patrimoine fêtent leur 34e édition.
L’occasion de découvrir de nouvelles
restaurations ou des monuments
habituellement fermés au public (ill. : le
musée Antoine Lécuyer à Saint-Quentin.
©Musée Antoine Lécuyer/Gérard
Dufrêne). En choisissant la jeunesse
comme thème, le ministère de la Culture
a souhaité profiter de l’événement pour
non seulement sensibiliser les nouvelles
générations aux beautés de notre
héritage, mais aussi mettre en valeur les
métiers du patrimoine. Si les chantiers
de bénévoles constituent souvent une
première approche indispensable, de
véritables perspectives professionnelles
sont ouvertes dans ce domaine.
Si tant est que les budgets affectés
aux restaurations patrimoniales
cessent de se réduire. J.-F. L.
Informations : journeesdupatrimoine.
culturecommunication.gouv.fr

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O87


restauration

L’influence des mosaïques


de Ravenne est incontestable
les apôtres se détachent sur un fond d’or, en Sur la maçonnerie, le peintre a appliqué un
mosaïque feinte, où des rinceaux décoratifs enduit de plâtre, puis un mélange de blanc
s’enroulent autour de palmes. L’influence de plomb, de cire et de résine. Enin, cette
des mosaïques de Ravenne est incontes- même préparation sert de liant aux pig-
table, jusque dans le hiératisme des igures. ments pour l’exécution du décor. « On sait
Celles-ci n’en trahissent pas moins, par leur que ce travail était très compliqué, parce qu’il
classicisme rigoureux et leur plasticité, l’as- fallait apporter des braseros dans l’église pour
cendant exercé par Ingres sur son élève. De cautériser la couche de préparation, poursuit
même, la chatoyante mise en couleur des élé- Marie Monfort. Cela crée un film très hydro- En haut, à gauche
ments architectoniques (piliers, chapiteaux, phobe sur lequel l’artiste pose la peinture. La Hippolyte Flandrin,
La Montée au calvaire,
colonnettes, voûtes et ogives), caractéristique cire est un matériau assez fragile et, sous l’effet détail du mur sud
du xix e siècle, s’inscrit dans le sillage des du temps et des substances qui lui avaient été du chœur.
architectes Duban et Hittorf. appliquées, elle avait produit un exsudat pro- ©COARC/JEAN-MARC
MOSER.
téique, qui créait une sorte de voile brillant.
Une peinture à la cire Mais la mise en œuvre très scrupuleuse de
Le choix technique opéré par Flandrin parti- Flandrin a permis au décor de bien résis-
cipe de l’intérêt de ce décor. En efet, il a uti- ter et a facilité le travail des res-
lisé une peinture à la cire, mieux adaptée que taurateurs. » Ceux-ci ont
la fresque à nos contrées septentrionales. Au dépoussiéré les surfaces
xviiie siècle, dans un esprit de retour à l’an- puis les ont nettoyées à
tique, peintres et savants avaient ressuscité l’aide de solvants, en respec- Ci-dessus
la peinture à la cire, en s’appuyant sur les tant la rugosité que l’artiste avait donnée Vue d’ensemble
de la voûte étoilée.
écrits de Pline. Mais « il s’agissait d’une pein- à sa peinture grâce à l’ajout de sable. Non ©COARC/CLAIRE PIGNOL.
ture à l’encaustique qui était pratiquée à froid, contente de révéler les subtilités de la palette,
explique Marie Monfort, directrice de la cette restauration a aussi mis au jour l’allu- Ci-dessus Hippolyte
Flandrin, La Force,
Conservation des œuvres d’art religieuses et sion à la Jérusalem céleste, placée dans les première arcade
civiles de la Ville de Paris, alors que Flandrin écoinçons sous les igures d’apôtres. au-dessus du
utilise la technique avec cautérisation à chaud Si de nouvelles levées de fonds le per- Portement de croix.
©COARC/CLAIRE PIGNOL.
mise au point au xixe siècle par des doreurs. mettent, le reste de l’église baignera peut-
Il en a trouvé la recette dans le Traité de la être un jour prochain dans la lumière
peinture de Paillot de Montabert (1829) ». radieuse de Flandrin.

88 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


À LIRE
LEPATRIMOINEENFRANCE2017,
le hors-série de « Connaissance
des Arts » (n° 767,116 pp.,10 €).

À VOIR confiée à Émilie Checroun.


L’ÉGLISE SAINT-GERMAIN- L’opération a été financée par
DES-PRÉS se situe 3,place la Ville de Paris et par le Fonds
Saint-Germain-des-Prés, de dotation pour le rayonnement
VIe arr.Le chantier a été dirigé de Saint-Germain-des-Prés.
par Pierre-Antoine Gatier, Vous pouvez apporter votre
architecte en chef des contribution, via le site de
Monuments historiques,et financement participatif :
la restauration des peintures www.commeon.com

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O89


Page de droite

Nom:
Paul Gauguin, Portrait
d’une jeune fille, Vaïte
(Jeanne) Goupil, 1896,
huile sur toile, 75 x 65 cm.
Ci-dessous Wilhelm

Hansen
Hansen à 56 ans.
©COPENHAGUE, ORDRUPGAARD.

Prénom:
Vilhelm
Profession:
assureur
Particularité: ordre de Dannebrog, Hansen sera honoré
d’un titre de conseiller d’État en 1912.
Dès les années 1900, il fait de fréquents

méthodique séjours professionnels à Paris, occupant ses


loisirs à visiter salons de peinture, galeries
et musées. Ami d’enfance de Peter Hansen
(1868-1928), figure éminente du groupe
d’artistes Fynboerne, il a commencé à ache-
ter quelques maîtres danois du xixe siècle.
Philanthrope, fondateur d’une compagnie d’assurance-vie pour tous,
Vilhelm Hansen a bâti une exceptionnelle collection de peinture française. En 1901, enhardi, il acquiert son premier
Quelques fleurons font halte à Paris, au musée Jacquemart-André. tableau d’un contemporain, Vilhelm Ham-
mershøi. L’année suivante, à Paris, il assiste
/ Texte Jérôme Coignard à la vente de la collection de hérèse Hum-
Le volapük mène à tout! Du moins à l’amour bert, auteure d’une retentissante escroque-
et au mariage, puisque c’est en enseignant rie, et s’enthousiasme devant les Corot, les
cette langue à Copenhague que Vilhelm Rousseau, les Manet et les impressionnistes.
Hansen (1868-1936) s’éprend d’une de ses Mais il faut attendre 1914 et l’exposition
élèves, Henny Soelberg Jensen, et l’épouse d’œuvres majeures du xixe siècle français au
en 1891. Un manuel de volapük plus tard, Statens Museum for Kunst (Galerie natio-
Hansen débute une brillante carrière dans nale du Danemark) pour que commence à
les assurances. Loin de renier son idéal, ce germer un projet plus concret. La déclara-
philanthrope visionnaire fonde en 1896 la tion de guerre laisse entrevoir à Hansen la
Dansk Folkeforsikringsanstalt, compagnie possibilité de faire de bonnes afaires. L’an-
d’assurance populaire danoise qui met l’as- née suivante, il dévoile à l’historien de l’art
surance-vie à la portée de tous. Elle fusionne suédois Axel Gauffin le plan de sa future
par la suite avec Hafnia, dont Hansen devient collection de peinture française. Elle com-
le directeur général. Décoré du prestigieux portera, méthodiquement, douze tableaux

90 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


récit d’une vie

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O91


récit d’une vie

de chacun des grands artistes, de Corot à acquiert de Paul Rosenberg un somptueux En 1916, Wilhelm et Henny achètent des
Cézanne… En mars 1916, il revient trans- pastel de Degas, Femme à sa toilette. Émile terres à Ordrup, près de Copenhague, ain
porté d’une visite au peintre et collection- Duval-Fleury, directeur adjoint de la com- d’y construire leur résidence d’été. Mais
neur Paul Molinard dont les murs sont cou- pagnie d’assurance à Paris, prend en charge le projet se transforme rapidement : ce
verts de Daumier, Courbet, Renoir, Sisley… les questions matérielles. Peu convaincu sera une résidence principale, dotée bien
Cette fois, il est prêt ! de « l’intelligence artistique » de ce dernier, sûr d’une galerie de tableaux pour abriter
Hansen s’adresse à héodore Duret pour le leurs trésors. Les travaux de cette demeure,
Chez les grands marchands parisiens conseiller dans ses achats. Non content de Ordrupgaard, sont confiés à l’architecte
De Paris, le 22 septembre 1916, il écrit à sa se fournir chez les meilleurs marchands, Gotfred Tvede (1863-1947). En mars 1918,
femme : « J’occupe mon temps libre à aller Hansen se rapproche ainsi d’un des grands Wilhelm Hansen forme un consortium
voir des peintures, et tôt ou tard je devais te critiques d’art de la in du siècle passé, auteur avec l’industriel et collectionneur Her-
l’avouer, je me suis montré léger et j’ai fait de de nombreux ouvrages sur l’avant-garde mann Heilbuth et les marchands Winkel et
nombreux achats ». Et pas des moindres ! des années 1870 : le vieux Duret, l’ami des Magnussen. Cette association leur permet
Deux Sisley, un « délicieux paysage » de impressionnistes, dont Manet it un fameux d’acquérir en bloc des collections, comme
Pissarro, une Cathédrale de Monet, un Por- portrait. C’est aussi le talent du collection- celles de Louis Sarlin (Daumier, Delacroix)
trait de femme de Renoir… Parmi ses pre- neur de savoir bien s’entourer. Grâce à ou d’Alphonse Kann (Hansen en conserve
miers marchands parisiens igure Ambroise Duret, insistant sur le fait que les tableaux de des œuvres de Cézanne, Courbet, Gauguin,
Vollard. À la galerie Bernheim Jeune, il Manet sont introuvables, « immobilisés dans et une nature morte de Matisse). Le consor-
achète notamment Le Pont de Waterloo, les musées et les collections particulières », tium achète encore les deux cents tableaux
temps gris de Monet et le Portrait de Marie Hansen acquiert une Corbeille de poires. de la collection de Georges Viau, dentiste,
Hubbard de Berthe Morisot. Si la guerre le Ce Manet devient son tableau préféré, et il grand collectionneur des impressionnistes,
contraint à suspendre ses séjours, les excel- l’ofre à ses invités en « dessert supplémen- dont Hansen acquiert deux Gauguin et un
lents contacts qu’il a noués à Paris lui per- taire après la glace ». Autre achat signiicatif, superbe Morisot, Jeune Fille sur l’herbe.
mettent de faire des transactions à distance Ugolin et ses fils dans la tour de Delacroix lui Le consortium est très actif aux ventes de
pendant la période 1916-1919. En 1918, il est également proposé par Duret. l’atelier de Degas en 1918. Mais c’est chez

92 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


Page de gauche
Paul Cézanne,
Baigneuses,
vers 1895, huile sur
toile, 47 x 77 cm.
À droite Edgar
Degas, Femme
se coiffant, 1894,
huile sur toile,
54 x 40 cm, détail.

LES DE L’EXPOSITION
Substantielle, l’exposition présente
une quarantaine d’œuvres des grands
noms de l’impressionnisme rarement
vues en France. Des tableaux « de
derrière les fagots », reflets du goût
du collectionneur,Vilhelm Hansen.

LES
Hansen n’est pas un pionnier. Achetant
dans les années 1916-1925, alors
que les œuvres les plus importantes
sont déjà dans les musées ou en mains
privées, il doit parfois se rabattre
sur des œuvres secondaires.

La galerie française
à Ordrupgaard.
©COPENHAGUE,
ORDRUPGAARD.

CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O93


récit d’une vie

Ci-contre, en haut Vollard qu’il achète la même année un


Henri Matisse, Fleurs pastel majeur de Degas, Trois Danseuses,
et fruits, 1909, huile
sur toile, 73 x 60 cm. un des phares de la collection Hansen. À
l’été 1918, les époux Hansen s’installent à
En bas Ordrupgaard et le 14 septembre, la collec-
Wilhelm Hansen
avec son chien. tion ouvre au public. Dans son discours
©COPENHAGUE, inaugural, Hansen promet de léguer sa col-
ORDRUPGAARD.
lection à l’État danois. Il fonde l’association
Page de droite, en Fransk Kunst (l’Art français).
haut Berthe Morisot,
Femme à l’éventail. Une collection tel un phoenix
Portrait de madame
Marie Hubbard,
En 1922, la faillite de la plus importante
1874, huile sur toile, banque du Danemark, la Landmandsban-
50,5 x 81 cm. ken, à laquelle Hansen a emprunté pour fon-
En bas Alfred Sisley, der le consortium, le contraint à vendre une
Le Déchargement part importante de sa collection pour payer
des péniches sa dette. L’État, qu’il a désigné comme léga-
à Billancourt, 1877,
huile sur toile,
taire, refuse d’acheter sa collection au prix
50 x 65 cm, détail. largement sous-estimé d’un million de cou-
TOUTES LES ŒUVRES : ronnes. Il en conçoit une grande amertume.
©COPENHAGUE,
ORDRUPGAARD. PHOTO En 1923, Oscar Reinhart achète dix-neuf
ANDERS SUNE BERG. œuvres qui formeront le socle de son
exceptionnelle collection de Winterthur ;
À VOIR la Fondation Carlsberg acquiert égale-
+++ « LES ment des œuvres importantes destinées à
IMPRESSIONNISTES la Ny Carlsberg Glyptotek. De nombreuses
DE LA COLLECTION œuvres prennent le chemin du Japon
ORDRUPGAARD »,
musée Jacquemart- chez l’homme d’affaires Kojiro Matsukata
André, 158, boulevard (aujourd’hui au musée d’Art occidental
Haussmann, Paris, de Tokyo), d’autres partent pour les États-
01 45 62 11 59, www.
musee-jacquemart- Unis. Mais bientôt, Hansen recommence à
andre.com collectionner : il achète le Portrait de George
du 15 septembre Sand par Delacroix, un Lutteur de Daumier,
au 22 janvier.
RÉSERVEZ
le Jardin de Monet… En 1927, c’est une
VOTRE BILLET SUR étude de Degas pour le Portrait de la famille
CONNAISSANCE
DESARTS.COM Bellelli provenant de la vente René de Gas.
La collection rouvre au public le 24 mai
1925, désormais sur rendez-vous. En 1931,
À LIRE Hansen s’ofre son dernier tableau français,
- LE CATALOGUE un Degas qui appartint à Gauguin, Danseuse
DE L’EXPOSITION,
sous la dir. de
ajustant son chausson (vers 1879). Il meurt
Anne-Birgitt le 4 février 1936, des suites d’un accident
Fonsmark et Pierre de la circulation. En 1939, sa veuve lègue à
Curie, éd. Fonds
Mercator (176 pp.,
l’État danois Ordrupgaard et tout le contenu
100 ill. env., 32 €). de la demeure, exauçant ainsi le vœu initial
- LE HORS-SÉRIE de son époux. Elle meurt en 1951. Deux
de « Connaissance
des Arts » (n° 777, ans plus tard, Ordrupgaard, devenu musée
36 pp., 9,50 €). national, ouvre ses portes au public.

94 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS


CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O95
style

À l’occasion de ses vingt ans de création,


l’architecte d’intérieur et créateur
Nicolas Aubagnac confronte ses nouvelles
pièces de mobilier et luminaires à
des œuvres d’art contemporain de la galerie
Pierre-Alain Challier, en un dialogue inspiré.
/ Texte Myriam Boutoulle

Dans
les
étoiles
de
Nicolas
96 O SEPTEMBRE 2017 / CONNAISSANCE DES ARTS
À gauche
Nicolas Aubagnac,
Byzance, 2014,
tapis noué à la
main, laine et soie,
Ø 400 cm
©HERVÉLEWANDOWSKI.

Ci-contre
Nicolas Aubagnac
©SOPHIE ZENON.

Aubagnac
CONNAISSANCE DES ARTS / SEPTEMBRE 2017 O97
style

« J’assume parfaitement, dans mes créations, et Saturne, 2015) et un tapis de Savonnerie


les apports du passé », déclarait Nicolas (Céleste, en 2014), il présente aujourd’hui un
Aubagnac il y a tout juste dix ans. Antiquité nouveau tapis tuté main par la manufacture
grecque et égyptienne, art cistercien, Renais- Pinton (Magellan). « C’est une variation sur
sance et artistes décorateurs des années 1930 la ligne, un jeu de trames et de réseaux, l’idée
Cabinet Orage,
et 1940 ont longtemps inspiré son dessin. 2017, piètement d’un dessin à la craie sur un tableau noir avec
« Aujourd’hui, j’ai le sentiment de m’affran- en érable massif, des lignes qui apparaissent et disparaissent. Les
chir définitivement des références qui m’ont panneaux de laque, vêtements austères et luxueux du couturier
50 x 50 x 110 cm
collé à la peau trop longtemps : en particulier ©HERVÉ LEWANDOWSKI.
Cristóbal Balenciaga, exposés au printemps
l’Art Déco et Jean-Michel Frank, que je ne renie dernier au musée Bourdelle à Paris, m’ont
pas. Celles-ci m’ont nourri et je les ai digérées inspiré ce tapis d’un noir profond », conie le
à présent. Maintenant je souhaite affirmer créateur. « C’est mon processus de création.
mon propre style. Pour cela, j’ai choisi de faire Chez moi, les matières génèrent la forme. »
dialoguer mes créations récentes avec un choix
d’œuvres d’art contemporain puisées dans le Paysages intérieurs
fonds de la galerie Pierre-Alain Challier : les Pour Nicolas Aubagnac, chaque objet naît
dessins d’Isabella Ducrot, les céramiques de d’une histoire, du télescopage de deux images
Yoshimi Futamara, les photographies des Nils- (comme pour la lampe Notte), de la volonté
Udo, Kimiko Yoshida et François Rousseau ou de prolonger un choc esthétique (la console
les bijoux des artistes Piero Dorazio et Arthur- Sinan) ou du désir de retranscrire la beauté du
Luis Piza. » À l’occasion des vingt ans de son monde. Ainsi a-t-il donné comme consigne
studio parisien fondé avec son associée Del- à la laqueuse Mireille Herbst : « Imaginez
phine Read, le dialogue se révèle fécond et fait que vous êtes devant un chaudron et que vous
émerger, parmi les nouvelles pièces présen- êtes en train de touiller des étoiles… Vous
tées, une tendance au hiératisme et à l’épure, avez la sensation d’un ciel suspendu, à la fois
en particulier dans la console Orage en laque impalpable et mobile ». Au lieu de le prendre
brun rouge, véritable « abstraction de forme ». pour un fou, elle a patiemment mis au point
« À l’occasion de cet anniversaire, je reviens à une technique inédite de « laque céleste », un
des formes épurées. Peu de décor, beaucoup de efet mystérieux de ciel piqueté d’étoiles, que
matière », résume Nicolas Aubagnac. l’on retrouve sur le plateau de la table Aladin
(2017). Celle-ci ne déparerait pas auprès du
Les matières génèrent la forme Détail d’un buffet Saturne (2011) en laque bleu nuagé à
Certes, les matériaux précieux employés sont panneau décor de planètes à la feuille d’or blanc, pas
les mêmes qu’à ses débuts et trahissent encore de laque plus que du tapis du même nom édité par
« flocon » du
sa iliation à l’Art Déco: galuchat, parchemin, cabinet Orage.
Parsua. Depuis la création de sa lampe en
ébène de Macassar, laque, marqueterie de marqueterie de paille Hélios (2006) au motif
paille, feuille d’or ou d’argent… Mais le voca- solaire, et de son guéridon Galilée (2009)
bulaire de formes du créateur est contempo- dédié à l’astronome italien, Nicolas Aubagnac
rain, tandis que son attention se porte sur de n’a cessé de multiplier les références aux
nouvelles matières comme le verre. Deux col- étoiles, aux constellations et aux planètes. En
laborations marquent ce nouvel attrait. L’une témoigne son cabinet Orion (2010) en ébène
avec le verrier Bernard Pictet, qui a transposé