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Électrochimie : lois régissant

les processus

par Bernard TRÉMILLON


Ingénieur ESPCI, professeur honoraire des universités
Ancien directeur de l’École Nationale Supérieure de Chimie de Paris
et Gérard DURAND
Docteur ès sciences, professeur à l’École Centrale de Paris
Directeur du Laboratoire de Chimie et Génie des Procédés de l’ECP

1. Lois du transport de matière ................................................................ J 1 604 - 2


1.1 Électromigration ionique dans les électrolytes......................................... — 2
1.2 Transport par diffusion naturelle ................................................................ — 3
1.3 Transport par diffusion convective............................................................. — 5
2. Cinétique des processus réactionnels aux électrodes .................. — 7
2.1 Application de la théorie des vitesses absolues des processus
chimiques ................................................................................................... — 7
2.2 Processus à étapes multiples ..................................................................... — 10
2.3 Effets d’adsorption sur l’électrode. Électrocatalyse.................................. — 11
2.4 Processus de dépôt cathodique des métaux............................................. — 13
2.5 Contrôle de la vitesse des réactions par le transport de matière
en solution.................................................................................................... — 14
3. Phénomènes capacitifs aux interfaces électrochimiques ............ — 15
3.1 Double couche électrique au voisinage de l’interface électrochimique.. — 15
3.2 Mise en évidence par les phénomènes électrocapillaires........................ — 16
3.3 Courant capacitif.......................................................................................... — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 1610

I l a été indiqué dans l’article « Électrochimie. Préliminaires à l’étude de


l’électrolyse » [J 1 602] qu’un processus électrochimique fait intervenir deux
grands phénomènes :
— la réaction électrochimique qui se produit à la surface de l’électrode, résul-
tat du transfert de charge électrique à travers l’interface entre celle-ci et l’électro-
lyte (dans un sens ou dans l’autre) ;
— le transport de la matière participant à cette réaction, soit vers l’interface
lorsqu’il s’agit d’espèces chimiques consommées par la réaction, soit à partir de
l’interface dans le cas d’espèces produites par la réaction : c’est le phénomène
de diffusion, qui peut éventuellement être convective si elle se produit dans un
milieu liquide en mouvement. Mais, dans le cas des ions, ce phénomène de
transport diffusionnel se conjugue avec le transport ionique général qui, sous
l’influence du champ électrique établi dans l’ensemble des phases en présence,
assure le transport de charge au sein de celles-ci, c’est-à-dire le passage du cou-
rant électrique à travers le ou les électrolytes de la cellule d’électrolyse.
Ces différents phénomènes sont régis par des lois cinétiques (les lois thermo-
dynamiques, régissant les phénomènes à l’électrode à l’état d’équilibre − pas de
transport de matière dans ce cas −, ont été décrites dans l’article [J 1 602]) qui
vont faire l’objet du présent article et dont la connaissance est nécessaire à la

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compréhension de la morphologie des caractéristiques courant-potentiel sur


lesquelles repose la conception des procédés électrochimiques.
Rappelons que l’intensité du courant qui traverse une cellule d’électrolyse (ou
la densité de courant calculée pour chaque interface d’électrode) est une mesure
expérimentalement accessible de la vitesse globale des processus mis en jeu
tant à chacune des surfaces d’électrode qu’au sein de l’électrolyte.
C’est par la description des lois du transport de matière (électromigration des
ions sous l’effet d’un champ électrique, diffusion, pure ou convective, des espè-
ces électroactives aux électrodes et d’une façon plus générale participant aux
réactions électrochimiques) que nous commencerons, avant de venir aux phé-
nomènes très complexes se produisant à la surface des électrodes (ou au voisi-
nage immédiat de celle-ci).

1. Lois du transport On peut poser (loi d’Ohm) :

de matière j = κ E (5)

avec κ conductivité (inverse de la résistivité) de l’électrolyte (au


point considéré), exprimée en siemens par centimètre (S · cm−1).
1.1 Électromigration ionique De la relation (4) se déduit l’expression :
dans les électrolytes
κ = F ∑ ( zi ui ci ) (6)

1.1.1 Généralités Comme la densité de courant, la conductivité est une propriété


additive que l’on peut subdiviser en conductivités partielles, appor-
Le champ électrique ( Ð ∇ φ , où l’opérateur ∇ désigne le gradient tées par chacune des espèces ioniques mobiles :
du potentiel électrique φ) agit comme force de déplacement sur les
charges électriques, c’est-à-dire ici sur les espèces ioniques. Sous κi = F zi ui ci (7)
son influence, chaque ion acquiert une vitesse qui lui est
proportionnelle : Les conductivités des solutions aqueuses varient de 4 x 10−8 Ω−
1 · cm−1 pour l’eau pure à près de 1 Ω−1 · cm−1 pour les solutions
concentrées de composés ionisés totalement dissociés (électrolytes
vi = Ð ui . ∇ φ (1) « forts »). Les sels fondus ionisés ont des valeurs de conductivité un
peu plus élevées que celles des solutions aqueuses d’électrolytes
vi désignant la vitesse de l’ion considéré (grandeur vectorielle, forts les plus concentrées [par exemple, NaCl fondu : 3,7 Ω−1 · cm−1
comme le champ électrique). La grandeur ui est la mobilité électri- à 850 °C ; mélange eutectique NaOH-KOH fondu : 1,4 Ω−1 · cm−1
que de l’ion, vitesse acquise dans le champ électrique unité à 227 °C ; mélange équimolaire NaNO3-KNO3 : 0,5 Ω−1 · cm−1
(1 V · cm−1), positive pour un cation et négative pour un anion. à 250 °C]. À noter que les valeurs de conductivité de tous les
électrolytes restent considérablement inférieures à celles des
On définit la densité de flux Ji de l’ion comme le nombre de moles
métaux (5,7 x 105 Ω−1 · cm−1 pour le cuivre, 105 pour le platine, 104
traversant par unité de temps une surface unité perpendiculaire à la
pour le mercure, etc.).
direction du transport. Cette quantité est égale au produit de la
vitesse de l’ion par sa concentration ci (en mol · cm−3, si la vitesse Pour un composé dissous à la concentration c, on définit la
est exprimée en cm · s−1 et Ji en mol · cm−2 · s−1), soit : conductivité molaire comme le rapport :

Ji = Ð ui ci ∇ φ (2) κ
Λ = 10 3 --- (8)
c
La quantité d’électricité portée par ce flux d’ion i (de charge zi ) est (la concentration c étant ici exprimée en mol · L−1, ce qui correspond
la densité de courant (flux de charge) : à 10−3 c lorsque c est exprimée en mol · cm−3).
Les électrolytes forts obéissent, lorsqu’ils sont en solution suffi-
j i = Fz i J i = Ð Fz i u i c i ∇ φ (3) samment diluée, à la loi (empirique) de Kohlrausch (1900) :

En admettant que la migration de chaque ion est indépendante de Λ = Λ ∞ Ð ac 1 ⁄ 2 (9)


celles des autres (ce qui n’est valable en toute rigueur qu’à dilution
infinie seulement), on peut additionner les densités de courant par- ou Λ ∞ est la conductivité molaire limite à dilution infinie. Pour une
tielles pour obtenir la densité de courant global : espèce ionique individuelle, la conductivité molaire a pour
expression :
j = ∑ ji = Ð F ∑ ( zi ui ci ) ∇ φ (4)
κi
λ i = 10 3 ---- = 10 3 F z i u i (10)
Avec les conventions de signe choisies (ui et zi négatifs pour un ci
anion), le vecteur densité de courant est proportionnel et dirigé en
sens opposé au vecteur champ électrique. λi tend également, à dilution infinie, vers une valeur limite λ i∞ .

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On définit encore le nombre de transport ti, fraction du courant C’est la raison pour laquelle apparaissent des gradients de
total transportée par un ion i particulier : concentration près des électrodes et interviennent par conséquent
des effets de diffusion.
j κ ui zi ci λi ci
t i = ---i = ----i = ----------------------------- = --------------------- (11)
j κ ∑ ( ui zi ci ) ∑ ( λi ci ) À l’extrême, on peut rendre pratiquement négligeable la parti-
cipation de l’électromigration au transport de substance élec-
Sauf le cas très exceptionnel d’électrolytes dans lesquels on peut troactive et faire que celui-ci soit assuré pratiquement
avoir affaire à un seul ion mobile, pour lequel ti = 1 par conséquent uniquement par diffusion (que la substance soit ionique ou
(cas d’électrolytes solides), deux ions mobiles au moins sont pré- non) : il suffit pour cela de conférer à cette substance un nombre
sents, et par suite 0 < t i < 1 [ avec ∑ ( t i ) = 1 ] . Dans le cas de la solu- de transport t ≈ 0, donc de faire c << ∑ ( c i ) . Cette condition est

tion d’un composé dissocié en deux ions de même nombre de réalisée lorsque la solution contient, en plus de la substance
charge (en valeur absolue), ti ≈ 0,5 quand les mobilités des deux électroactive, un électrolyte support à une concentration beau-
coup plus élevée que l’ion électroactif.
ions sont voisines (ce qui est fréquemment le cas).

Exemple : considérons la réduction à l’état métallique de Cu2+


1.1.2 Électrolyte support (mis en solution sous forme de sulfate) . Dans le cas de sulfate cuivri-
que (dilué) seul, les conductivités molaires des ions Cu2+ et
SO 42− étant respectivement 140 et 160 Ω–1 · cm2 · mol–1, le nombre
La conductivité limitée des électrolytes entraîne l’existence de la
chute ohmique de tension, égale au produit de la résistance interne de transport de Cu2+ est égal à 0,47. Les valeurs de n et de z étant ici
de la cellule, Rcell, par l’intensité I du courant. Le terme I Rcell devient identiques, 47 % du courant total est donc dû aux ions Cu2+ arrivant à
important soit lorsque l’intensité I devient très élevée (cas des élec- la cathode par électromigration, et 53 % à la diffusion (les flux sont
trolyses industrielles), soit lorsque la conductivité de l’électrolyte est dans le même sens). Dans le cas, maintenant, de sulfate cuivrique à la
trop faible. Ce dernier cas est observé lors de l’électrolyse de subs-
concentration 10–3 M en présence de K2SO4 0,1 M, en adoptant la
tances électroactives non ioniques (en solution dans un solvant
moléculaire comme l’eau) et de substances électroactives ioniques valeur λK+ = 73,5 Ω–1 cm2 · mol–1 et en conservant les valeurs précé-
mais en solution diluée (ci < 10−2 M environ). On est alors conduit à dentes pour λ Cu 2 + et λ SO4 2 Ð , on calcule que le nombre de transport
augmenter très notablement la conductivité de la solution par
l’adjonction d’un électrolyte supplémentaire suffisamment concen- de Cu2+ ne vaut plus que t Cu 2 + ≈ 4,5 x 10 Ð3 . Il n’y a ainsi plus que
tré (> 0,1 M, et si possible non électroactif, « indifférent » vis-à-vis 0,45 % du courant d’électrolyse qui correspond au transport d’ions
des réactions aux électrodes), que l’on appelle électrolyte support.
Cu2+ par électromigration, plus de 99,5 % de ce transport étant donc
Dans ces conditions, en effet, ce sont les ions de cette substance
assuré par diffusion.
additionnelle qui interviennent principalement pour assurer le
transport du courant électrique au sein de la solution électrolytique,
sans nécessiter un fort champ électrique donc avec une chute ohmi-
que de tension minimale. 1.2 Transport par diffusion naturelle
S’il est très fortement concentré par rapport aux autres solutés
ioniques, la somme des nombres de transport des ions de l’électro-
lyte support est pratiquement égale à 1. Dans la condition dernière, le courant d’électrolyse peut être relié
aux densités de flux massique qui s’établissent à la surface de
l’électrode, correspondant au seul phénomène de diffusion, et que
l’on notera J id * . Il s’exprime donc, pour une réaction électrochimi-
1.1.3 Transport d’espèce électroactive
par électromigration que du type : Ox + n e– → Red (ou Red – n e– → Ox),
par les relations :
Un constituant ionique peut participer à la fois au processus d* d*
d’électromigration et à une réaction d’électrode. Pour une réaction j = nFJ Ox = Ð nFJ Red (13)
Ox + ne− → Red par exemple, la densité de flux de Ox arrivant à la
surface de l’électrode par électromigration est reliée à la densité de en comptant positivement les densités des flux partant de l’élec-
courant d’électrolyse j par l’expression : trode et négativement celles des flux se dirigeant vers l’électrode.
Plus généralement, pour un processus représenté par un schéma
t Ox réactionnel (global) du type ∑ ( ν i A i ) + n e − = 0 (avec νi > 0 ou < 0) :
J em Ox - j
= ------------ (12)
z Ox F n d*
j = ---- FJ Ai (14)
νi
avec zOx nombre de charge de Ox,

tOx son nombre de transport


1.2.1 Expression générale du flux de diffusion
Mais, selon la loi de Faraday, la densité de courant j nécessite en naturelle. Première loi de Fick
régime permanent une densité de flux de Ox égale à j /nF. On voit
ainsi que, sauf le cas exceptionnel où zOx / tOx = n (par exemple n = De même que le transport de charge électrique est provoqué par
zOx et tOx = 1), l’électromigration ne peut assurer seule l’approvi- une « force » active qui est le champ électrique, le transport massi-
sionnement en matière électroactive soluble à la surface de l’élec- que par diffusion peut être considéré comme résultant de l’action
trode [le flux d’électromigration peut même avoir lieu en sens
opposé de celui nécessaire pour l’électrolyse : cas de l’oxydation d’une « force » qui est le gradient de potentiel chimique ∇ µ de la
anodique d’un cation, comme Fe2+ − e− → Fe3+, ou de la réduction substance (quantité vectorielle comme le champ électrique). En
cathodique d’un anion, comme Fe ( CN ) 63 Ð + e Ð → Fe ( CN ) 64 Ð ]. solution, s’il n’existe pas de gradient de température, cette force se

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sont établis les gradients de concentration, et par suite les flux de


ramène au seul gradient de concentration ∇ c i , et la densité de flux diffusion, est dénommée couche de diffusion.
de la substance i par diffusion naturelle est exprimée par l’équation
Les conditions aux limites que l’on peut donc se donner pour éta-
générale :
blir la solution de l’équation (20) sont les suivantes :
J id = Ð D i ∇ c i (15) a) A t = 0 (moment où l’on ferme le circuit), la concentration de la
substance est uniformément égale à la concentration initiale à
avec Di (en cm2 · s−1) coefficient de diffusion de la substance i. l’équilibre, l’électrolyse n’étant pas commencée :
Dans le cas de la diffusion linéaire, c’est-à-dire d’une électrode de
c ( x, 0 ) = c io (21)
surface plane auprès de laquelle les flux de diffusion s’établissent,
comme les gradients de concentration, orthogonalement à cette
surface et sont donc fonction uniquement de la distance x à celle-ci b) Quand le circuit est fermé, la différence de potentiel imposée
(x > 0), l’équation (15) prend la forme simple de la première des deux est telle que la concentration de la substance à la surface de
lois de Fick (empiriques initialement, 1855) : l’électrode, c i* , devient différente de c io ( c i* < c io pour une subs-
tance consommée, c i* > c io pour une substance produite). Mais, à
∂ ci une distance suffisante de l’électrode, la solution n’a pas encore été
J id = D i ------- (16) affectée par l’électrolyse (couche de diffusion limitée), d’où :
∂x
On notera que la relation de Nernst-Einstein fournit une corres- c i ( ∞, t ) = c io (22)
pondance entre les valeurs du coefficient de diffusion et de la mobi-
lité électrique d’une même espèce ionique : (condition dite de diffusion semi-infinie).
∞ ∞ La résolution est opérée en utilisant la transformation de Laplace,
RT u i RT λ i
D i∞ = -------- ------- = 10 3 -------- ------2- (17) conduisant à une relation générale entre le flux de diffusion et la
F zi F 2 zi concentration (et non plus son gradient) par l’intermédiaire d’une
intégrale de convolution (Matsuda, 1955) :
t
Ji ( τ )

1.2.2 Seconde loi de Fick 1 1⁄2
c i ( x , t ) = c io Ð  --------  ----------------------- dτ (23)
πD 0 (t Ð τ)
1⁄2
Considérant au sein d’un liquide un élément de volume dv déli-
mité par la surface fermée dA, la loi de conservation de la matière Finalement, par application de la relation (14), la densité de cou-
conduit à écrire l’égalité du flux de substance qui traverse dA et de rant d’électrolyse se trouve donc reliée à la concentration à la sur-
la variation par unité de temps de la quantité de cette substance face de l’électrode ( c i* ) de chacune des espèces dissoutes
contenue dans l’élément de volume dv : participant à la réaction électrochimique, par la formule :
∂ ci t
νi

J i d A = Ð ------- d v (18) 1 1⁄2 j(τ)
∂t c i* = c io Ð -------  ---------  ----------------------- d τ (24)
nF π D i 0 (t Ð τ )1 ⁄ 2
L’équation générale qui s’en déduit est la suivante :

∂ ci La variation du courant au cours du temps dépend ainsi de celle


------- = D i ∇ 2 c i (19) de la différence de concentration c io Ð c i* , ou réciproquement. La
∂t
concentration c io est une caractéristique analytique de la solution
(où l’opérateur ∇2 représente le laplacien).
Dans l’hypothèse de la diffusion linéaire, cette équation devient loin de la surface de l’électrode, la concentration c i* est caractéristi-
l’expression de la seconde loi de Fick : que de l’état de la solution au contact de l’électrode ; sa valeur
dépend du potentiel imposé, d’une façon qui sera envisagée dans le
∂c ∂2 c i paragraphe 2.
-------i = D i ---------- (20)
∂t ∂ x2
Si l’on connaît la variation de c io Ð c i* , on peut expliciter j (t ). On
La résolution de cette équation différentielle fournit la variation de
peut considérer notamment le cas c io Ð c i* = Cte et, plus particuliè-
la concentration ci dans l’espace et dans le temps [« profil de
concentration » ci (x,t )], conduit ensuite à la densité de flux de diffu- rement, c i* = 0 que l’on réalise par l’imposition d’un surpotentiel
sion J id − dont on ne cherche en fait que la valeur à la surface de
d’électrode suffisamment grand (en valeur absolue). Dans ce cas, on
l’électrode (x = 0) − et, finalement, permet de relier le courant d’élec-
obtient :
trolyse aux caractéristiques de ce flux [relations (13), (14)].
1⁄2
nF D i
j ( t ) = -------  ----- 
1
c io ---------- (25)
1.2.3 Résolution des équations des lois de Fick νi π t1 ⁄ 2
dans les conditions de l’électrolyse
(équation de Cottrell, 1902). De cette équation, il ressort que le cou-
rant d’électrolyse obtenu dans ces conditions décroît au cours du
Pour réaliser l’intégration des équations différentielles précéden-
temps et tend asymptotiquement vers zéro. Il reste, par ailleurs,
tes, il est nécessaire de connaître les conditions dans lesquelles
constamment proportionnel à la concentration c io .
s’effectue la diffusion. Les gradients de concentration des espèces
dissoutes qui participent à la réaction électrochimique partant de la On notera que ce qui est valable pour une électrode plane le reste
surface de l’électrode et s’atténuant lorsqu’on s’éloigne de celle-ci, sensiblement pour une électrode de forme différente, les formes
on retrouve la solution pratiquement homogène à une certaine dis- principales étant la forme cylindrique et la forme sphérique (rayon
tance δ de l’électrode (à condition que le volume du compartiment r0). On peut admettre que le transport par diffusion a lieu orthogo-
de cellule contenant la solution soit suffisamment vaste pour cela). nalement à la surface de l’électrode ; une seule variable spatiale
La couche finie d’épaisseur δ autour de l’électrode dans laquelle se reste donc nécessaire pour exprimer les équations : la distance r à

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l’axe ou au centre de l’électrode (r = r0 à la surface, r > r0 dans la 1.3.3 Approche simplifiée du transport
solution). La seconde équation de Fick devient alors : par diffusion convective stationnaire
∂ ci ∂ 2 ci a ∂ ci
------- = D i ---------- + --- ------- (26) Un modèle très simplifié de la diffusion convective a été introduit
∂t ∂ r2 r ∂r en électrochimie (Nernst, 1904), permettant d’établir des équations
exprimant les courants de diffusion stationnaire sans développe-
(a = 1 pour le cylindre, 2 pour la sphère), les conditions limites étant ment mathématique compliqué. Ce modèle repose sur l’hypothèse
maintenant exprimées par : c i ( r ,0 ) = c i ( ∞, t ) = c io . Après intégra- de la formation au contact de la surface de l’électrode, lorsque la
tion de l’équation (26), l’expression de j (t ) obtenue dans ce cas reste solution électrolytique est soumise à un régime de convection
sensiblement la même que dans celui de l’électrode plane (la diffu- hydrodynamique, d’une couche limite liée à l’électrode (couche
sion est pratiquement linéaire) tant que t < < r 02 ⁄ π D i . d’arrêt). De plus, si le régime de convection est stationnaire, cette
Remarquons que, suivant la relation (25), la valeur initiale jin (à t = couche limite conserve une épaisseur invariable δN.
0) du courant est infinie. Mais on ne peut observer en réalité que la Dans ces conditions, si la solution est en permanence maintenue
valeur finie permise par le processus réactionnel à l’électrode. Le homogène (concentrations identiques en tous points) hors de la
courant initial est ainsi fixé par la vitesse propre de la réaction couche limite par le régime convectif (suffisamment intense), en
électrochimique ; puis, le courant varie au cours du temps en subis- revanche, l’absence de convection dans la couche limite que doi-
sant d’abord un contrôle mixte par les deux processus (réaction à vent traverser les substances dissoutes participant à la réaction
l’électrode et transport diffusionnel), avant d’être contrôlé unique- d’électrode entraîne que le transport s’y effectue par diffusion pure,
ment par le transport diffusionnel. consécutivement à l’établissement des gradients de concentration
résultant de la réaction à l’électrode.

1.3 Transport par diffusion convective Ainsi, en régime stationnaire, les gradients de concentration
et les flux de diffusion restent confinés dans une couche d’épais-
seur maintenue constante, que l’on désigne par la dénomination
1.3.1 Équations générales de couche limite de diffusion stationnaire, ou encore de couche
de Nernst.
L’établissement d’un régime de convection (naturelle ou forcée Il en découle que les gradients de concentration, le flux de dif-
mécaniquement) se traduit par un transport général de la matière. fusion et, par suite, le courant d’électrolyse sont tous stationnai-
Pour un soluté i particulier, la densité de flux massique, qui corres- res.
pond à ce transport général, est égale au produit de la vitesse v du
liquide par la concentration ci du soluté. S’il subsiste un gradient de
concentration, un effet de diffusion se superpose à cet effet de la La solution des équations exprimant les lois de Fick, utilisables
convection, de sorte que la densité de flux global s’exprime par : dans ce cas (puisque l’on a affaire à une diffusion pure dans la cou-
che de diffusion), est alors aisément obtenue : de ∇2ci = 0, qui tra-
duit l’état stationnaire (en faisant ∂ci /∂t = 0 dans l’expression de la
J dci = J di + J ci = Ð D i ∇ c i + c i v (27)
seconde loi), on tire en effet que :
Cette équation vient se substituer, dans le cas de la diffusion dite
c io Ð c i*
convective, à l’équation (13) pour la diffusion naturelle pure. De ∇ c i = Cte = -----------------
- (30)
plus, à la place de la relation (20), une autre équation différentielle δN
s’établit également (à partir de la relation de conservation de la
matière) : avec c io la concentration à la limite extérieure de la
couche de diffusion (côté solution, x > δ N ), c’est-
∂ ci à-dire la concentration de l’espèce au sein de la
------- = D i ∇ 2 c i Ð v ⋅ ∇ c i (28) solution homogène,
∂t
c i* la concentration à l’autre limite, au contact de
La résolution des équations (27) et (28) nécessite la connais- l’électrode (x = 0), concentration dépendant du
sance de la fonction de vitesse imprimée au liquide (composantes potentiel de l’électrode.
vx, vy, vz), ce qui dépend évidemment du dispositif mécanique mis Par suite, pour le flux de diffusion stationnaire :
en œuvre pour produire la convection. Un traitement général de
cette résolution ne peut donc être donné. D i ( c io Ð c i* )
J id stat = Ð ------------------------------- (31)
δN
1.3.2 Régime stationnaire (∇ci > 0 et Ji < 0 pour une substance consommée à l’électrode,
∇ci < 0 et Ji > 0 pour une substance produite).
Un régime stationnaire est atteint quand les grandeurs en cause
La densité de courant stationnaire liée à ce flux de diffusion (solu-
ne varient plus en fonction du temps : le profil de concentration
tion de continuité à la surface de l’électrode assurée par la réaction
(dans l’espace) est devenu invariable, le flux de substance et, par
électrochimique) est finalement exprimée :
suite, l’intensité du courant d’électrolyse sont devenus constants
(pour des conditions aux limites fixes). Ayant été observé dans le
nF nF D i
traitement théorique précédent que la diffusion pure semi-infinie ne j stat = ------- J id stat = ------- ------ ( c io Ð c i* ) (32)
permet pas l’établissement, à une électrode plane, d’un régime sta- νi νi δN
tionnaire (à flux non nul), c’est la réalisation d’une convection sta-
En notant que le rapport Di /δN est homogène à une vitesse
tionnaire qui permet d’atteindre cet état.
linéaire, on le remplacera par le symbole k id (cm · s−1) : c’est la
L’équation différentielle générale du régime stationnaire est obte- vitesse de transport par diffusion à travers la couche de Nernst.
nue en faisant ∂ci /∂t = 0 dans l’équation générale (28), qui devient D’où :
ainsi :
nF
j stat = ------- k id ( c io Ð c i* ) (33)
Di ∇2 ci = v ⋅ ∇ ci (29) νi

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divisé par la viscosité cinématique ν (rapport de la viscosité à la


masse volumique du liquide). Approximativement :
c (x )
L
δ P ≈ --------------------
c° ( Re ) 1 ⁄ 2

Profil réel Ce résultat reste valable jusqu’à une limite supérieure du nombre
de Reynolds correspondant au domaine de l’écoulement laminaire
(ce qui signifie : vitesse stationnaire avec variation monotone dans
la direction orthogonale à la surface), l’écoulement devenant turbu-
lent au-delà de cette limite. La valeur limite de Re dépend des carac-
téristiques géométriques du système (elle est de l’ordre de 1500
Flux dans le cas d’un liquide s’écoulant le long d’une surface plane et
c*
stationnaire lisse, mais diminue rapidement en cas de rugosité de la surface).
Il a été montré que l’épaisseur δN de la couche de Nernst peut être
reliée à l’épaisseur δP de la couche de Prandtl par la relation :

1⁄3
δ N ≈ δ P  ---- 
0 δN x D
(34)
ν
Couche de diffusion Solution
stationnaire homogène
Pour les solutions aqueuses, et le long d’une surface plane, on a
(Couche de Nernst) donc δP ≈ 10 δN.
a substance consommée par la réaction électrochimique Il faut observer qu’en appliquant un potentiel d’électrolyse (fixe),
(Red dans le cas d'un processus anodique, j > 0; Ox dans
le régime de convection stationnaire étant préétabli (la couche
le cas d'un processus cathodique, j < 0)
limite est donc formée), l’établissement du courant stationnaire est
c (x )
précédé d’un régime transitoire correspondant à l’établissement
Flux des gradients de concentration dans la totalité de la couche limite.
stationnaire En effet, ces gradients n’existent pas au départ et la couche limite
c* est constituée de solution homogène comme le reste de l’électro-
lyte. Au tout début de l’électrolyse, l’évolution est donc semblable,
pratiquement, à celle obtenue en régime de diffusion pure semi-infi-
nie. C’est lorsque l’épaisseur de la couche de diffusion pure appro-
che celle de la couche limite stationnaire que la diffusion devient
peu à peu stationnaire et le courant devient donc constant (au lieu
de continuer à décroître, si l’épaisseur de la couche de diffusion
c° pure pouvait continuer à croître). La durée du régime transitoire est
d’autant plus faible que l’épaisseur de la couche de diffusion est
elle-même plus faible, donc que la convection est plus rapide.

1.3.4 Évolution quantitative de la solution au cours


0 δN x
de l’électrolyse en régime de diffusion
stationnaire (à potentiel fixe)
b substance produite par la réaction électrochimique
(Ox dans le cas d'un processus anodique, Red dans En raison du caractère stationnaire de la composition de la solu-
le cas d'un processus cathodique) tion dans la couche limite, la substance dissoute qui se trouve élec-
trolysée à la surface de l’électrode provient intégralement de la
solution homogène à l’extérieur de la couche (qu’elle ne fait que tra-
Figure 1 – Profils de concentration en fonction de la distance x verser, à la vitesse k d). Il se produit donc au cours du temps une
à l’électrode (plane) des substances électroactives dissoutes variation ∆N du nombre de moles de cette substance, d’où une
dans la couche de diffusion stationnaire (couche de Nernst) variation ∆co de sa concentration co au sein de la solution : v étant le
volume total de la solution électrolysée (le volume de la couche
limite de diffusion est considéré comme négligeable auprès du
On peut noter que le gradient de concentration constant dans volume total), la variation de concentration ∆co correspond à la
toute la couche limite de diffusion correspond à un profil de concen- variation ∆N = v ∆co.
tration (stationnaire) linéaire, comme il est représenté figure 1. L’électrolyse étant effectuée à un potentiel fixe, tel que c* = Cte
Dans la réalité, au lieu du point anguleux à x = δN, le profil de con- (< c), le courant d’électrolyse a la valeur :
centration présente en fait un passage progressif de la variation
linéaire, tout près de l’électrode, à c = co loin de l’électrode (ce qui I = nF A kd (co − c*)
correspond à un passage progressif de l’immobilité du liquide au
contact de l’électrode au régime convectif forcé loin de celle-ci). et la variation de co (décroissance : dco < 0) entraîne celle de l’inten-
sité du courant stationnaire, qui décroît au fur et à mesure que la
La couche d’arrêt hydrodynamique réelle est la couche limite de substance électrolysée se trouve consommée à l’électrode. Par
Prandtl, zone dans laquelle existe un gradient de vitesse du fluide en application de la loi de Faraday durant un intervalle de temps infini-
régime de convection stationnaire. L’épaisseur δP de cette couche est tésimal dt, on obtient (en négligeant les infiniment petits d’ordre
reliée à une grandeur appelée nombre de Reynolds (Re), qui corres- supérieur à 1) :
pond au produit de la vitesse d’écoulement hors de la couche limite
par la longueur L de paroi suivie dans la direction de l’écoulement, I dt = − nF v dco (35)

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Compte tenu de la relation entre I et co, l’équation différentielle Mais, à la différence des processus chimiques, la transformation
suivante se trouve donc établie : (état initial → état final) met ici en jeu une énergie électrique, corres-
pondant à la traversée de la ddp de Galvani ∆φ par la charge électri-
d co A que transférée ; ce qui est exprimé par :
------------------- = Ð k d ---- d t (36)
c Ð c*
o v

L’intégration conduit à la loi de variation de co en fonction du ∆Go = Cte ± nF ∆φ


temps :
(+ pour la réduction, − pour l’oxydation). On montre que les éner-
c o = c * + ( c 0o Ð c * ) exp
0,69
Ð ------------ t (37) gies d’activation (passage état initial → état activé) varient de même
t1 ⁄ 2 selon ∆φ, mais en ne faisant intervenir qu’une fraction α (< 1) de
l’énergie électrique nF ∆φ (voir figure 2) :
avec :

0,69 v ∆G a≠ = Cte Ð α a nF ∆φ (42)


t 1 ⁄ 2 = -----------
- ---- (38)
kd A
Le courant subit la même décroissance exponentielle, caractéri- ∆G c≠ = Cte Ð α c nF ∆φ (43)
sée par la période t1/2 (temps au bout duquel l’intensité I se trouve
divisée par 2) :

0,69
I = nF A k d ( c 0o Ð c * ) exp Ð ------------ t (39)
t1 ⁄ 2 Enthalpie libre
La rapidité de cette décroissance dépend donc, d’une part, du
régime de convection (t1/2 est inversement proportionnel à kd, donc
à δN) et, d’autre part, du facteur géométrique constitué par le rap-
A'
port de l’aire A de l’électrode au volume v de l’électrolyte (t1/2 est
également inversement proportionnel à ce rapport).
A – αa nF ∆ E
∆ Gc≠

2. Cinétique des processus


réactionnels ∆ Gc≠0
∆ Ga≠

∆ Ga≠0
aux électrodes – nF∆ E
∆G °

2.1 Application de la théorie des vitesses ∆Go°


absolues des processus chimiques
Réaction cathodique
(Cas d’une réaction de simple transfert de charge en une Oxsol + n (e–)El Redsol
seule étape) Réaction anodique
L’expression classique de la vitesse d’une réaction du premier Les courbes représentent l'évolution énergétique du système au cours
ordre vis-à-vis de Red, pour le processus d’oxydation, et du premier de la transformation soit par réduction (partant à gauche de Oxsol + n (e–)El
ordre également vis-à-vis de Ox, pour le processus de réduction, est et aboutissant à droite, après transfert des n e–, à Redsol), soit inversement
la suivante : par oxydation (de la droite vers la gauche). Les minimums des courbes
correspondent aux états stables, état initial et état final (variation
I j * * d'enthalpie libre ∆G°). La courbe en tiretés correspond au décalage subi
------------ = ------- = k a c Red Ð k c c Ox (40)
nFA nF par l'évolution énergétique de Oxsol + n (e–)El du fait d'une variation
du potentiel d'électrode de ∆E, la courbe relative à Redsol étant maintenue
Les concentrations intervenant dans l’expression de la vitesse arbitrairement au même niveau (∆E produit en effet une variation de l'énergie
sont celles existant à l’endroit où a lieu la réaction, c’est-à-dire à la correspondant aux n moles de e– dans El égale à –nF ∆E). Les points A et A'
surface de l’électrode, concentrations qui ont été désignées précé- correspondent aux états activés : A avant et A' après modification du potentiel
demment par le symbole c*. ka et kc désignent les constantes de d'électrode.
vitesse caractéristiques des deux processus de sens opposés, oxy- Les grandeurs énergétiques représentées sur la figure (et définies au § 1.2)
dation (sens anodique ⇒ ka) et réduction (sens cathodique ⇒ kc) ; répondent par construction aux relations :
∆ Ga≠ – ∆ Ga≠0 = – αa nF ∆ E = – nF ∆ E + ∆Gc≠ – ∆Gc≠0
elles ont la dimension d’une longueur par unité de temps (cm · s−1).
et, comme :
Il a été admis que les constantes de vitesse k obéissent, comme
∆ Gc≠ – ∆ Gc≠0 = αc nF ∆ E (cf, § 1.2)
dans le cas des processus chimiques, à la loi d’activation d’Arrhe-
nius (loi primitivement empirique, puis prévue par la théorie de il en découle que :
l’« état activé », Eyring, 1939), soit, ∆G ≠ représentant l’énergie αc = 1 – αa
(enthalpie libre molaire) d’activation de la réaction et C étant une
constante :
Figure 2 – Schéma expliquant l’influence d’une variation ∆E du
∆G ≠
k = C exp  Ð --------------- (41) potentiel d’électrode sur les énergies d’activation d’un système
RT électrochimique de simple transfert de charge Ox + n e − = Red

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Les coefficients αa et αc sont appelés coefficients de transfert de


charge ; en principe, pour une réaction « monoétape », αa + αc = 1 k
et, généralement, αa ≈ αc ≈ 0,5.
Comme conséquence de cette variation des énergies d’activation kc ka
en fonction de ∆φ, on obtient la variation des constantes de vitesse
ka et kc en fonction du potentiel d’électrode E exprimée par les
équations :

α a nF
k a = k o exp --------------- ( E Ð E o ) (44)
RT

α c nF k°
k c = k o exp Ð --------------- ( E Ð E o ) (45)
RT E° E
L’introduction de E − E o à la place de ∆φ permet d’avoir la même a variation des constantes de vitesse ka et kc
constante pré-exponentielle ko dans les deux expressions : en effet,
en faisant à la fois E = E o et c Ox
* = c*
Red = 1M , on doit alors trouver
I = 0 (équilibre dans les conditions normales).
j Oxydation nette
La constante ko est appelée constante de vitesse standard du sys- (j > 0)
tème électrochimique. À température ordinaire, les valeurs les plus
élevées de cette constante sont de l’ordre de 1 cm/s.
L’allure de la variation des constantes de vitesse ka et kc en fonc-
ja = nFkacRed
tion de E est représentée sur la figure 3 a, montrant l’accélération
exponentielle de l’oxydation lorsque E croît, tandis que la vitesse de
la réduction tend vers zéro, et inversement lorsque E décroît. À ces jeq
ja = ja + jc
variations des constantes de vitesse correspond la variation de la
densité de courant j exprimée par l’équation :
E
 * α a nF Eeq jeq
j = nFk o  c Red exp Ð --------------- ( E Ð E o )
 RT jc = nFkccOx

 α c nF 
Ð c Ox - ( E Ð Eo ) 
* exp Ð -------------- (46) Réduction nette
 RT  (j < 0)

Cette variation est représentée sur la figure 3 b (en supposant que b variation des densités de courant j (à concentrations fixes
les concentrations c Ox* et c * à la surface de l'électrode)
Red sont invariables, c’est-à-dire res-

tent égales respectivement o et à c o


à c Ox Red (concentrations
initiales) : ceci revient à considérer la valeur initiale de j pour chaque k ° = 10–2 cm . s–1
valeur de E imposée). j (mA . cm–2) j ° = 1 A . cm–2
On peut mettre la densité de courant j sous la forme : k ° = 10–5 cm . s–1
8
j ° = 10–3 A . cm–2
j = ja + jc 6
* * 4 k ° = 10–8 cm . s–1
avec j a = nFc Red k a et j c = Ð n Fc Ox kc
j ° = 10–6 A . cm–2
On observe j > 0 lorsque ja > jc (pour η > 0), et j < 0 lorsque 2
ja < jc (pour η < 0). À l’équilibre : ja = jc.
0
– 400 – 300 – 200 – 100 100 200 300 400
–2
η (mV)
Des valeurs différentes de ko
se traduisent par des change-
–4
ments de la courbe de variation j = f (E ), tel qu’il est représenté
sur la figure 3 c, signifiant que le surpotentiel à appliquer pour –6
obtenir une valeur donnée de la densité de courant doit être –8
d’autant plus grand (en valeur absolue) que la valeur de ko est
plus petite.
c influence de la valeur de la constance de vitesse standard k °
(ou de la densité de courant d'échange standard j °)
■ On peut aussi mettre l’expression de j sous la forme connue sous cas du système Ox + e– = Red, à 25 °C, avec cOx* = c Red* = 1 M,
la dénomination de relation de Butler-Volmer : α a = α c = 0,5

Figure 3 – Variation de la vitesse de réaction électrochimique


 c Red
* α a nF c Ox* α c nF 
j = j eq  -----------
o
- η Ð ---------
- exp -------------- o
exp Ð --------------- η  (47) (transfert électronique simple) avec le potentiel E ou le surpotentiel
 c Red RT c Ox RT  d’électrode η.

où jeq est la densité de courant d’échange au potentiel d’équilibre


(η = 0) : (les deux rapports de concentrations, dans l’expression de j, sont
o ) αc ( c o ) αa
égaux à 1 en considérant seulement le courant initial à chaque
j eq = nF k o ( c Red Ox (48) valeur de η imposée).

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linéaire entre la densité de courant j et le surpotentiel (ce qui équi-


j /jeq vaut à l’application de la loi d’Ohm) :
Équation (47) nF
3 j ≈ j eq -------- η (49)
RT
Dans ces conditions de linéarité de la relation courant-potentiel,
2 le transfert de charge est donc équivalent à une résistance, dite
Équation (50) résistance de transfert de charge au potentiel d’équilibre, (Rtc)eq,
dont la valeur est la suivante :
1
RT 1 RT
( R tc ) eq = -------- ------- = ------------------------------------------------------------------- (50)
nF j eq n 2 F 2 k o ( c Red ) αc ( c Ox ) αa

– 60 – 40 – 20 0 20 40 60 ● À l’opposé, loin du potentiel d’équilibre (valeurs élevées du


η (mV) surpotentiel ou, ce qui revient au même, de la différence E − Eo),
–1
une autre forme d’approximation peut être effectuée sur l’équation
(47) ou (46). En effet, cette équation exprime j comme la différence
entre deux exponentielles variant en sens contraire en fonction de
η : quand η croît, la première exponentielle (contribution du proces-
–2
sus d’oxydation) est croissante, tandis que la seconde (contribution
du processus de réduction) est décroissante ; inversement, lorsque
η décroît. Pour des valeurs de η suffisamment grandes (> 100
–3 mV), on peut donc négliger le terme le plus petit à côté du plus
grand. On obtient ainsi deux expressions simplifiées de la relation j
= f (η) :
a approximation linéaire aux faibles valeurs de η — pour η >> 0, le processus de réduction (cathodique) a une
vitesse pratiquement nulle et le processus d’oxydation (anodique)
lg j subsiste donc pratiquement seul, avec :
*
c Red α a nF
j ≈ j a = -----------
o
- j eq exp -------------- η (51)
c Red RT

Pente Pente Cette relation est souvent mise sous la forme de l’équation de
αcnF αanF Tafel (qui avait établi empiriquement, en 1905, une relation de ce
– –
2,3 RT 2,3 RT type pour la réduction cathodique de H+), relation linéaire entre E et
[équation (53)] [équation (51)] lg I :
E ≈ ba (lg I − lg I0) (52)
lg jeq la pente ba ayant la valeur du coefficient 2,3 RT/αanF ;
— pour η << 0, c’est au contraire le processus de réduction (catho-
– 300 – 200 – 100 100 200 300 dique) qui subsiste pratiquement seul, le processus d’oxydation
η (mV) (anodique) ayant à son tour une vitesse pratiquement nulle, condui-
sant à la relation approximative :
b approximation logarithmique (relation de Tafel) loin
du potentiel d'équilibre c Ox* α c nF
j ≈ j c = ---------
o
j eq exp Ð ----------------- η (53)
Figure 4 – Approximations de la relation de vitesse du transfert de c Ox 2,3 RT
charge en fonction du surpotentiel d’électrode η
ou encore à l’équation de Tafel (avec bc = − 2,3 RT/αcnF) :
E ≈ bc [lg (− I) − lg (− I0)] (54)
Dans les conditions normales :
■ Du point de vue pratique, l’observation d’une transformation
( c Red
o o = 1M = 10 Ð 3 mol ⋅ cm Ð 3 )
= c Ox effective exige que la densité de courant dépasse une valeur mini-
male (par exemple, 10−5 A · cm−2). Cette observation apparaît donc
jeq devient la densité de courant d’échange standard j o(A · cm−2) = possible pour une très faible valeur de η (quelques mV) si jeq est
beaucoup plus élevée que cette valeur minimale de j. Le système
102 nF · ko(cm · s−1) électrochimique est alors dit « système rapide » ; il y correspond
[à ko = 1 cm · s–1 correspond ainsi j o/n ≈ 102 A · cm–2, à ko = une valeur élevée de ko et une faible valeur de la résistance de trans-
fert de charge Rtc. Au contraire, lorsque jeq est beaucoup plus petite
10−10 cm · s−1 correspond j o/n ≈ 10−8 A · cm−2 soit 10–5 mA · cm–2, que la valeur minimale indiquée ci-dessus (cas où ko est très petite),
etc.] une forte valeur de η doit être appliquée pour observer un nota-
■ Des formes simplifiées de l’expression (47) exprimant j en fonc- ble effet d’électrolyse. Le système électrochimique est alors qualifié
tion de η correspondent à des approximations valables dans des de « système lent ». Le courant observable obéit, dans ce cas, uni-
domaines particuliers du surpotentiel (voir figure 4) : quement à l’équation de Tafel.
● En premier lieu, en se limitant aux très petites valeurs ■ L’ensemble d’équations précédentes, traduisant la cinétique
de surpotentiel, c’est-à-dire au voisinage du potentiel d’équilibre d’une étape de transfert de charge simple, a été développé, histori-
(η < 5 à 10 mV environ), on peut prendre pour approximation les quement, d’une manière semi-empirique et le modèle théorique
deux premiers termes du développement en série des exponentiel- établi pour en fournir la justification n’est, en fait, pas satisfaisant du
les de l’équation générale de vitesse. On obtient ainsi une relation point de vue fondamental dans le cas du transfert d’électrons. Ce

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modèle admet en effet le franchissement d’une barrière d’énergie 2.2.1.2 Processus de transfert électronique précédé ou suivi
(franchissement auquel correspond le processus d’activation), alors d’une étape chimique (mécanisme CE ou EC)
que, d’après les lois de la mécanique quantique, son caractère
Il s’agit d’un processus à deux étapes successives, faisant passer
ondulatoire permet à l’électron de franchir cette barrière (d’une hau-
par une espèce transitoire instable, soit provenant d’une transfor-
teur de l’ordre de 1 eV et de quelques dixièmes de nanomètres
mation chimique préalable au transfert électronique, soit provenant
d’épaisseur) par l’« effet tunnel » (Gurney, 1931). Sur cette concep-
du transfert électronique et subissant une transformation chimique
tion a été développé (Gerischer, 1960) un modèle théorique qui tient
consécutive donnant le produit final stable. L’étape chimique inter-
compte de la caractéristique essentielle de l’effet tunnel : le transfert
venant peut être de divers types : réarrangement moléculaire,
d’électron entre les deux phases (électrode et électrolyte) ne peut
déshydratation ou hydratation, protonation ou déprotonation
s’effectuer qu’entre des niveaux d’énergie électronique identiques,
(réaction acide-base), condensation ou coupure de liaison ; il peut
c’est-à-dire, un électron dans l’une des phases ne peut subir de
s’agir également de réactions d’oxydoréduction, par exemple de
transfert dans l’autre que si cette dernière présente un état électro-
dismutation :
nique libre de même énergie que l’état occupé initial (pour la vali-
dité de cette règle, il est admis que le transfert d’électron et la Ox + e− → A
réorganisation chimique qui s’ensuit pour le système rédox dans
l’électrolyte ont lieu indépendamment). L’application de cette règle 2 A → Ox + Red
conduit à considérer la distribution, dans chacune des deux phases,
des états d’énergie des électrons transférables, puis à mettre en cor- (A étant un état d’oxydation intermédiaire entre Ox et Red), d’où
respondance les deux distributions et à en déduire les probabilités globalement :
de transfert des électrons (dans les deux sens) par effet tunnel.
Ox + 2 e− → Red
La valeur de jeq et donc celle de ko qui se déduisent de cette théo-
rie apparaissent proportionnelles à une grandeur reliée à l’énergie Exemple : un cas de mécanisme CE est fourni par la réduction
de réorganisation λr de la structure de solvatation autour de Ox ou du formaldéhyde, lequel se trouve en solution aqueuse sous la forme
de Red accompagnant le transfert électronique, par une expression prédominante de l’hydrate CH2(OH)2 (méthylèneglycol). Pour cette
de la forme b · λr−1/2 exp (− λr /4 kBT). réduction (formaldéhyde + 2 e− → méthanol), le passage par la forme
carbonylée HCHO, seule électroactive, apparaît nécessaire. Le premier
Il en découle que ko doit être d’autant plus élevée que λr est plus transfert de charge est donc précédé d’une étape chimique de déshy-
petite (lg ko varie approximativement en raison inverse de λr). Ainsi, dratation (près de l’électrode) de la forme prédominante en solution.
plus les structures de solvatation des espèces Ox et Red du couple Cette réaction est assez lente et peut limiter la valeur du courant de
rédox sont voisines et plus rapide doit être le système électrochimi- réduction.
que.
Exemple : un cas de mécanisme EC dans lequel l’étape chimi-
que est une réaction de dismutation est fourni par la réduction de l’ura-
nium(VI) en uranium(IV), le transfert électronique formant transitoire-
2.2 Processus à étapes multiples ment de l’uranium(V) :

UO22+ + e− → UO2+
Les équations de vitesse précédentes sont établies en supposant 2 UO2+ + H+ → UO22+ + UOOH+
que le passage de la forme Ox à la forme Red, ou inversement,
s’effectue par échange direct de n e−, sans passage par un intermé- Globalement :
diaire de réaction. Ce cas simple ne se rencontre en fait qu’assez
rarement et la plupart des processus électrochimiques mettent en 2 UO2+ + 2 e− + H+→ UOOH+
jeu une suite d’étapes réactionnelles, constituant le mécanisme
réactionnel du processus, dans lequel des étapes de transformation
ou de réarrangement chimique à la surface de l’électrode (dites éta- Lorsqu’une réaction chimique consécutive au transfert électroni-
pes C) sont associées à des étapes de transfert d’électron (dites éta- que régénère la substance électroactive initiale, le processus élec-
pes E). trochimique est catalytique :

Ox + e− → Red

2.2.1 Types de processus électrochimiques Red + Y → Ox + P


à étapes multiples Globalement :

2.2.1.1 Les processus polyélectroniques


Y + e− → P
Ox + n e Ð = Red ( n > 2 ) à étapes monoélec-
troniques successives (sans étape C) Exemple : la réduction cathodique d’un dérivé halogéné RX
s’effectue par l’intermédiaire de celle d’un complexe organométallique
Le plus fréquemment, les transferts de charge sont monoélectro- du cobalt(II) [désigné par Co(II)] :
niques, de sorte que la mise en jeu d’étapes successives apparaît
comme la règle générale pour les systèmes polyélectroniques. Les Co (II) + e– Co (I)
états d’oxydation intermédiaires sont instables et n’ont donc qu’une
existence transitoire, au niveau de l’électrode, au cours de la réac- Co (I) + RX R Co (I) X R + Co (II) + X –
tion (concentration d’équilibre pratiquement nulle).

Par exemple, il a été montré que les systèmes Sn4+/Sn2+ (en solu- R R
tion aqueuse de HCl 1M) et Tl3+/Tl+ (en solution aqueuse de H2SO4
7,5 M) à une électrode de platine, procèdent suivant deux étapes (E) Globalement :
successives, en passant transitoirement par Sn3+ et par Tl2+ (espè- 2RX + 2 e – R R + 2X –
ces fugaces, de concentration négligeable à l’équilibre).

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2.2.1.3 Processus avec étape chimique intermédiaire entre 2.2.2 Établissement de l’équation cinétique
deux transferts électroniques (mécanisme ECE) en fonction du potentiel d’électrode

L’équation de vitesse d’une réaction électrochimique dépend (au


Une étape chimique intervient à la suite d’une étape électronique contraire de l’équation d’équilibre) du mécanisme réactionnel suivi.
et fournit l’espèce électroactive qui subit le transfert électronique D’une manière générale, dans la théorie des systèmes activés, à
suivant. chacune des étapes correspond une barrière d’énergie à franchir,
c’est-à-dire une énergie d’activation à acquérir dont est fonction la
Plus généralement, des mécanismes de type ECE se trouvent vitesse de l’étape correspondante. La vitesse des étapes de transfert
impliqués dans de nombreux processus électrochimiques, comme de charge se trouve modifiée par les variations de la ddp électrique
à l’interface électrode / électrolyte et dépend donc du potentiel de
l’indiquent les exemples suivants.
l’électrode. La vitesse des étapes chimiques en est naturellement
indépendante.
Exemples : a) L’oxydation anodique (à une électrode de pla-
tine) de l’hydroquinone H2Q en p-benzoquinone Q. Dans la succession d’étapes qui constitue le processus réaction-
nel, c’est la plus lente de celles-ci (une étape électronique ou une
En solution aqueuse acide, la réaction électrochimique globale : étape chimique) qui contrôle la vitesse globale ; et, pour les étapes
beaucoup plus rapides que celle qui détermine cette vitesse globale,
H2 Q – 2 e − → Q + 2 H + on peut admettre qu’il s’agit pratiquement d’équilibres et remplacer
s’effectue en suivant un mécanisme à quatre étapes successives alors leur équation cinétique par la relation d’équilibre (loi d’action
ECEC : la molécule H2Q subit en premier lieu la perte d’un premier de masse s’il s’agit d’une étape chimique, relation de Nernst pour
une étape de transfert de charge).
électron, formant l’espèce H2Q + (radical-cation) qui, instable, subit
immédiatement une déprotonation (comportement d’acide fort) libé-
rant l’espèce radicalaire HQ . Celle-ci, se trouvant déjà oxydable au 2.3 Effets d’adsorption sur l’électrode.
potentiel d’oxydation de H2Q (HQ est un état d’oxydation intermé- Électrocatalyse
diaire entre H2Q et Q, thermodynamiquement instable par dismuta-
tion), cède alors à l’électrode un second électron, formant le cation L’adsorption sur une surface au contact d’une solution, notam-
HQ+, forme acide de Q qui se dissocie totalement en raison de son ment sur une surface d’électrode, correspond à une accumulation
caractère acide fort. D’où la suite réactionnelle (les composés indiqués de soluté au voisinage immédiat de la surface (couche adsorbée),
entre parenthèses n’apparaissant que transitoirement à la surface de par suite d’interactions énergétiques entre le solide et ce soluté. Ces
l’électrode) : interactions peuvent être simplement de nature électrostatique,
liées aux charges électriques superficielles et à celle du soluté (ioni-
que ou dipolaire), mais elles présentent souvent un caractère de
+ liaison covalente (« chimisorption »), de plus grande force et dépen-
H2Q (H2Q )
dant alors de la nature chimique du soluté comme de celle du solide
– e– – H+ et de son état de surface (interactions de contact dites
(HQ ) (HQ +) « spécifiques »). Bien que l’adsorption d’espèces ne participant pas
à la réaction électrochimique puisse néanmoins affecter le proces-
– e– – H+ sus, l’adsorption des espèces impliquées dans la réaction est celle
Q qui concerne le plus directement le déroulement de celle-ci. Sur le
plan énergétique, le phénomène est en effet caractérisé par une
b) La réduction cathodique des cétones variation d’enthalpie libre molaire ( ∆G ads
0 ) qui vient modifier l’état
énergétique des espèces et donc leur comportement. D’une
Elle peut, de manière similaire, s’effectuer suivant un mécanisme à manière générale, lorsque l’espèce électroactive est adsorbée sur
quatre étapes successives ECEC (en milieu neutre) : l’électrode, le transfert d’électron est rendu plus difficile, tandis que
l’adsorption du produit de la réaction rend au contraire cette der-
nière plus aisée. L’adsorption des intermédiaires de réaction impli-
– qués dans le mécanisme réactionnel revêt une importance
R2CO (R2CO )
particulière : elle est souvent déterminante en ce qui concerne le
+ e– + H+ mécanisme suivi par la réaction globale.
(R2COH ) (R2COH – )
Exemples : a) La réaction de Kolbe réalisée électrochimique-
+ e– + H+ ment (2 RCO2– − 2 e– → RR + CO2↑) constitue un cas de processus
R2CHOH d’électrode mettant en jeu des espèces transitoires (produits d’étapes
C) à l’état adsorbé, en l’occurrence des espèces radicalaires :
Mais l’étape chimique faisant suite au premier transfert électronique
peut changer par passage du milieu neutre au milieu basique, dans –
lequel la transformation R CO2 – e – R CO2ads
O chimique qui prédomine est alors la dimérisa-
tion du radical-anion R2CO – en dianion, puis en pinacol : R CO2ads CO2 + Rads
2Rads RR

2R2CO

R2C CR2 R2C CR2 R CO2ads + Rads CO2 + RR
+ 2H+
O– O – HO OH (dans certaines conditions, on a également Rads – e – R + , ce
cation carbénium donnant lieu à diverses étapes chimiques
Cette transformation chimique n’est plus suivie d’une seconde étape consécutives ; notamment, sa déprotonation conduit à la formation
de réduction. d’une oléfine).

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b) Un autre cas est fourni par le mécanisme de réduction de l’oxy-


gène (dissous dans l’eau), processus également à étapes multiples lg j ° (A . cm–2)
successives (E et C) qui mettent en jeu des états intermédiaires adsor- –3
bés sur l’électrode : Rh
Pt
–5

Au
(O2 dissous ) O2 ads + e– O2 ads (ion superoxyde) Fe
Cu
Nb
Ta
–7

O2 ads + H+ HO2 –ads (superoxyde d'hydrogène)
Al
–9
HO2ads + e– HO2– (forme monoprotonée de l’ion peroxyde
O 22 Ð )
– 11
et si pH < 12 : Pb Hg
Ð
HO 2 + H+ → H2O2 (peroxyde d’hydrogène: oxygène à l’état d’oxy-
dation −I) – 13
55 60 65 70
À certaines électrodes (mercure, or), la réduction peut s’arrêter à ce
Énergie d'adsorption (kcal . mol –1)
stade, soit à la réaction globale (à pH < 12) : 1 kcal = 4,1868 J

e−
Ð
O2 + 2 +2 H+ → H2O2 ( HO 2 à pH > 12) Figure 5 – Caractéristiques cinétiques du système électrochimique
H+/H2 (système de l’électrode à hydrogène). Relation entre la densité
H2O2 étant thermodynamiquement instable, la réduction à d’autres de courant d’échange standard j o et l’énergie d’adsorption de
électrodes (platine, argent) se poursuit par les étapes suivantes : l’hydrogène sur différents métaux (liaison M-H), [D’après : K. Vetter,
Electrochemical Kinetics, Acad. Press (1967)]

H2O2 + e– OHads + OH –
OHads + e– OH – l’un ou de l’autre dépendant de la nature de l’électrode. La première
étape de la réduction est, dans tous les cas, la réaction de Volmer
et enfin, si le milieu est acide : (qui est une étape E) :

OH Ð + H + ⇔ H 2 O H + + e– Hads

La réaction globale est dans ce cas la réduction totale de O2 en oxy- Selon l’électrode, la seconde étape peut être soit la réaction de
gène (− II) : Tafel (étape C) :

O2 + 4 e − + 4 H + → 2 H 2 O 2Hads H2

Tant les états énergétiques des produits intermédiaires que les soit la réaction de Heyrovsky (seconde étape E) :
états activés des diverses étapes dépendent de ces effets d’adsorp-
tion, lesquels varient avec la nature chimique et physique de la sur- Hads + H+ + e– H2
face d’électrode. Il en découle que la cinétique globale des systèmes
électrochimiques est généralement dépendante, non seulement du Ce processus à deux étapes est donc caractérisé par des équa-
système lui-même, mais également de la nature de l’électrode et de tions cinétiques différentes selon le mécanisme mis en jeu et les
son état superficiel. À l’extrême, la même substance peut subir des vitesses relatives des étapes élémentaires. La grandeur qui inter-
processus électrochimiques différents selon l’électrode utilisée. vient essentiellement sur ce plan est l’énergie d’adsorption de
l’hydrogène sur le métal de l’électrode. Plus grande est celle-ci et
L’obtention de variations cinétiques par la modification de la sur- plus bas est le niveau d’énergie de l’espèce intermédiaire Hads. Par
face de l’électrode conduit à des effets d’électrocatalyse, accroisse- suite, l’énergie d’activation de la réaction de Volmer est également
ment de la vitesse globale d’un processus électrochimique [c’est-à- plus faible (au même potentiel) et donc cette réaction est plus
dire, obtention d’un courant d’une densité de courant (ddc) donnée rapide. En revanche, l’énergie d’activation de la réaction de Heyrov-
pour un surpotentiel plus petit] par changement de la nature et de sky est augmentée, cette seconde étape devenant donc au contraire
l’état superficiel de l’électrode. Par exemple, la vitesse de réduction plus lente. C’est donc pour des valeurs intermédiaires de l’énergie
de l’oxygène, en milieu alcalin, est augmentée d’environ 5 ordres de d’adsorption que le système doit apparaître le plus rapide, comme
grandeur en passant d’une électrode de fer à une électrode de pla- le confirme la figure 5. Les métaux de faible énergie d’adsorption
tine. (Hg, Pb...) conduisent à une extrême lenteur du système, dont la
L’utilisation d’électrodes à propriétés électrocatalytiques s’avère cinétique est contrôlée par l’étape de Volmer, la plus lente du pro-
nécessaire pour la production de certaines réactions électrochimi- cessus. Les métaux de forte énergie d’adsorption (Al, Nb, Ta...) font
ques. Un exemple particulièrement significatif de l’influence des également apparaître le système très lent, par suite, cette fois, de la
effets d’adsorption sur la cinétique d’un système électrochimique et lenteur de l’étape de Heyrovsky. Les métaux d’énergie d’adsorption
du rôle électrocatalytique de certaines électrodes est fourni par le intermédiaire (Pt, Rh, Ir...) sont ceux qui font apparaître le système le
comportement du système de l’hydrogène : plus rapide et qui exercent donc un effet électrocatalytique. Au
surplus, l’« activation » de la surface du platine sous forme de pla-
2 H+ + 2 e− = H2 tine divisé (obtenu par un dépôt électrolytique de platine sur une
électrode de platine ordinaire, correspondant à la formation d’une
probablement le plus abondamment étudié de tous les systèmes électrode dite de platine « platiné ») permet d’obtenir une valeur de
électrochimiques (Tafel, 1905 ; Butler, 1924 ; Volmer, 1930 ; etc.). la densité de courant d’échange standard plus de 103 fois plus éle-
Pour la réduction des ions H+, deux mécanismes, à deux étapes l’un vée que dans le cas du platine ordinaire (platine poli). C’est donc
et l’autre, sont classiquement admis : le mécanisme dit de Volmer- avec cette électrode que l’effet électrocatalytique le plus important
Tafel et le mécanisme dit de Volmer-Heyrovsky, la mise en jeu de vis-à-vis du système de l’hydrogène est obtenu.

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2.4 Processus de dépôt cathodique Plans cristallins


des métaux

Dans le cas des réactions électrochimiques :

M z + + z e− → M ↓
Diffusion
on peut considérer que le transfert de charge est réalisé d’une sur la surface Transfert
manière générale par le transfert des cations métalliques Mz+ de et décharge
l’électrolyte à la surface de l’électrode où ils viennent se décharger de M 2+
(par arrivée de z e− de l’électrode) en se déposant. Lorsque l’élec-
trode qui reçoit le dépôt est liquide (soit constituée du même métal
Adatomes M Ions M2+
M, soit constituée d’un autre métal liquide dans lequel M va se dis- en solution
soudre : cas de la formation des amalgames sur électrode de mer-
cure), cette étape de transfert de cations est en général
déterminante de la cinétique du système, l’incorporation de M à la
surface de l’électrode pouvant s’effectuer sans difficulté. L’équation
cinétique du processus est alors la même que pour un système de Germe
simple transfert de charge (Red = Ox + n e−). Mais il n’en va pas de Marche
même lorsque le métal se dépose à l’état solide, car l’ion déchargé
doit alors s’intégrer dans un système cristallin, c’est-à-dire se dispo-
ser à la surface de l’électrode selon une structure définie. Ce sont les
phénomènes d’électrocristallisation, phénomènes complexes qui
contrôlent le plus souvent la cinétique des processus de dépôt élec-
trochimique des métaux solides. En raison de leur très grande
importance pratique − l’élaboration, la purification, le plaquage élec-
trolytiques des métaux sont les applications concernées − ces phé-
nomènes ont donné lieu à un nombre considérable de travaux Figure 6 – Processus de dépôt cathodique d’un métal
fondamentaux, visant à établir des modèles théoriques permettant (électrocristallisation)
d’interpréter les résultats expérimentaux. Mais la complexité des
phénomènes est telle que les modèles les plus raffinés ne rendent
encore compte que d’une manière imparfaite de la réalité.
site cristallin. Une telle situation de pseudo-adsorption a fait dési-
Dans les cas d’intérêt pratique, la surface métallique sur laquelle gner cet état intermédiaire par le terme d’« adatome » (ou
se produit le dépôt n’est pas microscopiquement uniforme ; elle est d’« adion »). Le processus électrochimique de réduction avec dépôt
polycristalline. Comme la vitesse de dépôt varie suivant la face cris- métallique cristallisé se décompose alors en deux étapes élémentai-
talline, celui-ci tend à se développer en suivant préférentiellement res successives :
certaines directions ou sur certaines surfaces. De plus, si le métal
— l’étape de transfert de charge, avec formation des adatomes :
déposé possède une structure cristalline différente de celle de l’élec-
trode support, les premières couches formées présentent, par crois- M z+ + z e− → ad-M
sance épitaxiale, une faible stabilité énergétique qui se traduit par
l’apparition d’imperfections cristallines, de dislocations, ou l’inclu- — la diffusion superficielle des adatomes pour aller prendre place
sion d’impuretés ioniques. dans les sites d’une couche cristalline en croissance :
La formation d’un dépôt métallique fait intervenir deux phénomè- ad-M → Mcristal
nes fondamentaux :
— d’une part, les cristaux existants grossissent, par addition de La dissolution par oxydation anodique d’un métal passe par les
nouveaux atomes de métal, en respectant la structure cristalline mêmes étapes en sens contraire, c’est-à-dire par la formation d’ada-
c’est-à-dire en prenant place dans des sites définis qui continuent le tomes à partir des atomes des sites cristallins. Ces adatomes sont
cristal initial (croissance cristalline) ; régénérés au fur et à mesure de l’oxydation.
— d’autre part, de nouveaux cristaux sont formés, à partir de
« germes » produits spontanément sur la surface, indépendamment
des autres cristaux préexistants (nucléation). 2.4.1 Influence de l’étape de cristallisation sur
En ce qui concerne la croissance cristalline, il est généralement
la cinétique du processus électrochimique
admis qu’elle s’effectue, comme représenté sur le schéma de la
figure 6, par incorporation de nouveaux ions (déchargés) dans les En appliquant la relation de Butler-Volmer à l’étape de transfert de
angles ou dans les bordures de couches monocristallines à la sur- charge correspondant à Mz+ → ad-M, on est amené à faire ici inter-
face (croissance bidimensionnelle), plutôt que par superposition de venir la concentration superficielle cad (en mol · cm2) des adatomes
nouvelles couches (croissance tridimensionnelle). Mais la crois- à la surface de l’électrode :
sance du cristal devrait alors s’arrêter dès que la couche aurait
recouvert la totalité de la surface possible, s’il n’intervenait pas des c ad αa F  [ M z + ] * αc F 
- exp  ---------
j = j eq -------- - η Ð ------------------- exp  Ð ---------
- η (55)
dislocations qui ont la propriété de se propager en spirale, en faisant
c ado  RT  [ M z + ] o  RT 
progresser la surface du dépôt vers la solution, à la manière d’une
vis.
o désignant la concentration superficielle des adatomes à l’équi-
Dans ce processus de croissance, on fait intervenir [suivant la c ad
théorie de Kossel (1927) sur la croissance cristalline, appliquée aux libre, c’est-à-dire pour η = 0 (E = Eeq). En effet, par agitation thermi-
systèmes électrochimiques notamment par Brandes (1929) et que, un équilibre se trouve réalisé entre les adatomes et les atomes
Lorenz (1953)] un état intermédiaire de l’ion métallique déchargé des sites cristallins superficiels ; d’où l’égalité des potentiels chimi-
(par les électrons arrivant de l’électrode), qui vient se déposer sur la ques des deux sortes d’atomes. Comme le potentiel chimique des
surface de l’électrode dans une position ne correspondant pas à un atomes des sites cristallins est constant, à une température donnée,

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o est
il en est de même pour les adatomes, dont la concentration c ad pointes métalliques (dendrites) a pour conséquence d’accroître le
champ électrique environnant par rapport à celui existant près de la
par conséquent fixée par la température. Ainsi, par exemple, pour surface uniforme et par suite de favoriser encore le dépôt sur ces
o
une électrode d’argent, c ad = 10−11 à 10−9 mol · cm−2 (la variation pointes. Celles-ci, de ce fait, croissent beaucoup plus vite que le
provenant de celle de l’état de surface du métal). La valeur de cad reste de la surface du métal. Ainsi se forment des dépôts dendriti-
ques, déplorables du point de vue pratique car ils peuvent conduire
variant par suite du passage du courant ( c ad > c ad
o lorsque j < 0, et
rapidement, dans les opérations à but préparatif, à un court-circuit
inversement lorsque j > 0), on peut admettre l’établissement d’un interne de la cellule.
gradient de cad entre la bordure de la couche cristalline en cours de
croissance, où cad reste pratiquement fixée à la valeur c ad o en raison

des échanges entre les deux types d’atomes se produisant le long


2.5 Contrôle de la vitesse des réactions
de cette bordure, et la région de formation des adatomes, suffisam- par le transport de matière en solution
ment éloignée de la bordure pour que cad y soit fixée par le poten-
tiel. Il en résulte un flux de diffusion superficielle des adatomes soit Les équations qui expriment la vitesse des processus réactionnels
vers la couche cristalline si c ad > c ad
o donc si η < 0 (réduction de
à l’électrode font intervenir les valeurs c* des concentrations près
de l’électrode des substances solubles participant à ces processus
Mz+), soit en sens contraire si c ad < c ad
o donc si η > 0 (oxydation de
(ou les rapports c*/co). Si le transport de ces substances était infini-
M). En appliquant à ce processus les lois de la diffusion (en suppo- ment rapide, on aurait à tout moment c* ≡ co, de sorte que, selon les
sant que les adatomes diffusent sur une longueur constante , o ), le relations précédentes exprimant j (ou I) en fonction de E ou de η (en
faisant c*/co = 1), le courant pourrait prendre, pour des valeurs de
rapport c ad ⁄ c ad
o peut être évalué puis reporté dans l’équation (55).
η suffisamment élevées, des valeurs infiniment grandes. En fait,
La relation obtenue reste identique à la forme (55), à ceci près que le la vitesse finie du transport diffusionnel (stationnaire ou non)
terme c ad ⁄ c ad
o disparaît et que j entraîne l’impossibilité d’atteindre, dans le cas où la réaction élec-
eq est remplacé par une nouvelle trochimique consomme une substance dissoute, des courants infi-
′ <j .
valeur j eq niment grands à surpotentiels très élevés : la vitesse globale du
eq
processus électrochimique reste limitée par l’intervention de la dif-
fusion de cette substance. Les courants réels, à un potentiel donné,
L’étape de cristallisation peut ainsi faire apparaître le système sont donc inférieurs à ceux déduits de l’équation de vitesse de la
Mz+/M plus lent que ne l’est la seule étape de transfert de charge. réaction en faisant c*/co = 1. On peut dire d’une manière équivalente
que, pour atteindre une valeur donnée de la densité de courant
d’électrolyse, il est nécessaire d’appliquer, compte tenu des effets
Cette conclusion est confirmée par l’observation expérimentale de diffusion, un surpotentiel plus élevé (en valeur absolue) que si
que les réactions de réduction de nombreux cations métalliques ces derniers n’intervenaient pas (cinétiquement). Autrement dit, au
(Cu2+, Cd2+, Pb2+, etc.) sont plus rapides lorsqu’on opère avec une surpotentiel correspondant au seul processus réactionnel à l’élec-
électrode de mercure, où le métal se dissout par formation d’amal- trode (dit surpotentiel de transfert de charge (ηtc) dans le cas d’un
game (supprimant l’étape de cristallisation), que lorsqu’on dépose processus de transfert de charge simple) s’ajoute un surpotentiel
le métal à l’état solide. supplémentaire, le surpotentiel de diffusion (ηd), imposé par la len-
teur du transport diffusionnel.

2.4.2 Intervention de la nucléation cristalline Dans le cas d’un système de transfert de charge (simple) très lent,
pour lequel l’observation d’un courant notable correspond à des
valeurs de ηtc suffisamment grandes pour que la cinétique du
Les germes cristallins, qui amorcent la formation de nouvelles système obéisse à l’équation approximative de Tafel, on tire simple-
couches cristallines, apparaissent à partir d’adatomes qui ne diffu- ment des relations (51) et (53) les expressions du surpotentiel ηd qui
sent pas vers une couche en croissance. Les petits « noyaux » étant s’ajoute à ηtc pour obtenir une valeur donnée de j :
défavorisés énergétiquement par rapport aux cristallites plus impor-
tantes existant sur la surface, car ils correspondent à un état d’éner- *
c Red
2,3 RT
gie plus élevé pour les atomes du métal (tout comme l’énergie η d , a = ----------------- lg ------------ (56)
d’une goutte de liquide est plus élevée que celle du liquide interne, α a nF o
c Red
loin de la surface) à cause de l’excès d’énergie superficielle, la
vitesse de nucléation augmente avec le surpotentiel (– η). Aussi, les dans le cas du processus anodique (Red − n e− → Ox) et :
systèmes Mz+/M qui sont très lents et qui exigent par conséquent
c Ox*
l’imposition d’un surpotentiel élevé pour produire un dépôt avec 2,3 RT
η d, c = ----------------- lg --------- (57)
une densité de courant notable donnent-ils lieu à des dépôts à α a nF c Oxo
grains fins, plutôt qu’à des dépôts bien cristallisés comme dans le
cas des systèmes les plus rapides. Pour ces derniers, un effet identi- dans le cas du processus cathodique (Ox + n e− → Red). Les deux
que peut être obtenu par l’action de certains additifs tensioactifs qui rapports de concentrations peuvent être exprimés à l’aide des équa-
sont adsorbés sur le métal et qui inhibent la diffusion superficielle tions de transport diffusionnel qui ont été établies aux paragraphes
des adatomes. De la sorte, la croissance cristalline est freinée sans 1.2 et 1.3.
que la vitesse de nucléation soit notablement affectée ; les dépôts
obtenus présentent alors une plus grande finesse de grains. Par un Dans le cas opposé d’un système extrêmement rapide, tel que les
effet similaire, des traces d’impuretés dans la solution électrolytique valeurs de la densité de courant d’échange à l’équilibre jeq soient
peuvent influer considérablement sur les caractéristiques cinétiques définies par la relation (46), l’application de cette condition à l’équa-
de la réaction électrochimique de dépôt d’un métal et sur les carac- tion de Butler-Volmer conduit à écrire que les deux termes de la dif-
téristiques morphologiques de celui-ci. férence entre crochets de cette équation conservent des valeurs
voisines. On en déduit (avec αa + αc = 1) que ηtc ≈ 0, d’où η ≈ ηd seu-
Les conditions qui favorisent la nucléation cristalline favorisent lement, et que :
également le développement de la croissance du dépôt vers l’avant
de l’électrode, plutôt que la croissance latérale des cristallites exis- c Ox* *
c Red
- ≈ exp  -------- η
nF
tantes, puisque la première est énergétiquement équivalente au --------- ⁄ ----------- (58)
c Oxo o
c Red  RT 
processus de formation de nouvelles cristallites. L’apparition de

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Soit, compte tenu de la relation entre Eeq et les concentrations co : q représentant la charge par unité de surface (en C · cm−2). La
charge portée par l’électrode elle-même (qEl) est constituée soit par
c Ox* *
c Red un excès d’électrons (charge négative), soit au contraire par un défi-
2,3 RT
η = E Ð E eq ≈ ----------------- lg --------- Ð lg -----------
- (59) cit d’électrons (charge positive), selon le signe de la ddp ∆φ. La
nF c o c o
Ox Red charge compensatrice du côté de la solution électrolytique est due
soit à un excédent de cations sur les anions, pour ∆φ < 0 (cas où
Il suffit donc, dans ce cas limite des systèmes très rapides, l’électrode est chargée négativement), soit à un excédent d’anions
d’exprimer les rapports de concentrations en fonction de j (ou de I), sur les cations, pour ∆φ > 0 (cas où l’électrode est chargée positive-
d’après les équations du transport diffusionnel, pour en déduire la ment).
relation existant entre le courant et le potentiel E de l’électrode, sans Si l’épaisseur de la couche chargée à la surface de l’électrode peut
faire intervenir l’équation cinétique du processus réactionnel qui être considérée comme très faible [< 10−2 nm (1Å = 10−10 m et
obéit simplement à la loi d’équilibre électrochimique. Cela signifie 1 nm = 10−9 m), celle de la couche de solution dans laquelle la distri-
que la cinétique du processus électrochimique est totalement bution ionique n’est pas électriquement neutre est, en raison de la
contrôlée par la diffusion des espèces électroactives en solution. grosseur des ions (solvatés), nettement plus importante. De plus,
Dans le cas des systèmes lents, on a affaire à un contrôle mixte, par cette distribution est complexe du fait d’une différence de compor-
le processus réactionnel et par la diffusion, la vitesse tendant à ne tement des ions selon leur nature et de la présence des molécules
plus être limitée que par la diffusion pour des valeurs suffisamment polaires de solvant.
élevées du surpotentiel appliqué.
La structure admise à l’heure actuelle pour cette couche ionique
Le raisonnement est généralisable à tout processus électrochimi- chargée est décrite, succinctement, de la façon suivante. En
que, quel que soit le mécanisme, dans la mesure où toutes les éta- l’absence d’interactions spécifiques fortes avec la surface d’élec-
pes réactionnelles sont rapides, de sorte que l’ensemble du trode (adsorption spécifique), les ions excédentaires (cations ou
processus à l’électrode présente un comportement globalement anions) n’ont la possibilité de s’approcher de la surface de l’élec-
rapide, par rapport au transport diffusionnel. Cette hypothèse per- trode (sous l’influence du champ électrique interfacial) que jusqu’à
mettant d’appliquer au système la loi d’équilibre électrochimique une distance de l’ordre de quelques dixièmes de nanomètres, leurs
(valeur de Eeq définie à partir des valeurs de concentration co des centres venant ainsi se placer sur une surface parallèle à celle de
solutés intervenant dans le système global correspondant aux états l’électrode, que l’on appelle (dans le cas le plus fréquent des électro-
initial et final stables seulement), la variation du courant en fonction des planes) le plan de Helmholtz (PH). L’intérieur de la couche de
de E correspond alors au seul contrôle cinétique par la diffusion de Helmholtz (ou couche compacte), comprise entre la surface de
ces solutés. l’électrode et ce plan, contient donc seulement des molécules de
solvant orientées par le champ électrique, correspondant au diélec-
trique d’un condensateur. Si tous les ions excédentaires restaient
La connaissance du mécanisme réactionnel n’est donc localisés dans ce plan de Helmholtz, on aurait l’équivalent d’un con-
pas nécessaire, dans ce cas, pour l’établissement de densateur à plaques parallèles caractérisé par la capacité (par unité
l’équation j = f (E) traduisant cette variation. de surface) :

C = qEl / ∆φ
On sait que, dans ce cas, la variation du potentiel électrique φ
3. Phénomènes capacitifs (entre φEl et φsol), dans la couche comprise entre les deux plans limi-
tes, est fonction linéaire de la distance.
aux interfaces Mais les phénomènes sont moins simples, pour deux causes.
électrochimiques D’une part, il apparaît deux comportements des ions :
— ceux qui ne sont pas adsorbés (des cations généralement) sont
maintenus à distance de l’électrode par leur coquille de solvatation,
L’existence de phénomènes capacitifs dans une cellule électrochi- ainsi que par l’intercalation d’une couche de molécules de solvant
mique est notamment responsable de l’observation d’un courant fixées par adsorption au contact de l’électrode ;
dans des circonstances où ne se produit aucune réaction électrochi- — ceux qui subissent une adsorption spécifique (des anions)
mique. L’origine de ce courant de nature différente de celle du cou- viennent au contraire au contact direct de la surface de l’électrode,
rant d’électrolyse (lequel est aussi dit faradique, du fait que le sans interposition de molécules de solvant.
processus lui donnant naissance obéit à la loi de Faraday) est le
comportement électrique de l’interface électrode/électrolyte, où se On est ainsi conduit à distinguer deux plans de Helmholtz (et deux
produit une accumulation de charge de part et d’autre de l’interface, couches distinctes correspondantes): un plan interne (PHI) et un
à la manière d’un condensateur chargé. plan externe (PHE), comme le montre le schéma de la figure 7.
D’autre part, les ions accumulés près de l’électrode se trouvent
soumis à l’agitation thermique (gradient de concentration qui pro-
duit un effet de rétrodiffusion les faisant s’éloigner de l’interface). Il
3.1 Double couche électrique s’établit ainsi une couche de répartition des ions excédentaires (non
au voisinage de l’interface adsorbés), couche stationnaire par suite de l’équilibrage entre les
électrochimique « forces », de sens opposés, de rétrodiffusion et d’attraction élec-
trostatique exercée par la surface de l’électrode, correspondant à
une charge d’espace de densité décroissante en fonction de la dis-
L’accumulation de charge électrique (non transférable à travers tance au PH. Cette couche est appelée couche diffuse de Gouy-Chap-
l’interface, en l’absence de tout processus électrochimique) de man. Dans celle-ci, le potentiel électrique φ varie en obéissant à la loi
part et d’autre d’une interface est la conséquence de l’existence, de Poisson [ ∇ 2 φ = Ð ρ ⁄ ε , où ε est la permittivité relative du milieu et
dans les deux phases en contact, de porteurs de charge mobiles
et de celle d’une différence de potentiel électrique interfaciale ρ la densité de charge d’espace, exprimée par : ρ = F ∑ ( z i c i ) ]. Gouy
(∆φEl/sol = φEl − φsol). La charge accumulée d’un côté de l’interface est et Chapman ont établi la loi de variation de φ (fonction exponentielle
contrebalancée par celle accumulée de l’autre côté : inverse de la distance au plan de Helmholtz) et en ont déduit
l’expression de la ddp totale ∆ψ correspondant à cette couche dif-
qsol = − qEl (60) fuse.

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φ φ
Couche Couche
+ de Helmholtz Gouy - Chapman
+ φ sol φ sol
+
+ φ PHE ∆Ψ

Électrode (q El < 0)

Électrode (q El < 0)
∆ φ El/sol (< 0)

∆ φ El/sol (< 0)
+ + +
+
+ + +
+ +
+ + +
+ +
φ El
+ +
φ El
+ +
0 PH x 0 PH x
a modèle simple de Helmholtz b modèle de Stern, comprenant une couche
(cas ∆ φ El/sol < 0) compact (couche de Helmholtz)
et une couche diffuse (couche de Gouy-Chapman)
(cas ∆ φ El/sol < 0 et absence d'adsorption
Molécules polaires spécifique)
de solvant (H2O)

φ sol
+
– +
+

∆ φ El/sol
Cations (solvatés) +
non adsorbés
– + +
+
+
Anions –
φ El
adsorbés +
+
+
0 PHI PHE x

c même modèle que b dans le cas d'une adsorption


spécifique d'anions (cas ∆φ El/sol < 0)

PH : plan de Helmholtz Figure 7 – La double couche électrochimique :


distribution des charges et variation du
PHE : PH externe
potentiel électrique φ en fonction de la
Électrode PHI PHE PHI : PH interne distance (x) à la surface de l’électrode

L’ensemble couche compacte (de Helmholtz) + couche diffuse (de 3.2 Mise en évidence par les phénomènes
Gouy-Chapman) constitue la double couche électrochimique (selon
le modèle théorique de Stern, 1924). La répartition de potentiel qui
électrocapillaires
s’établit dans cette région interfaciale, correspondant à la différence
∆φ entre les potentiels internes des deux phases, est représentée
sur la figure 7. La théorie montre que ∆ψ est rendue très faible 3.2.1 Tension interfaciale et courbe
(< 50 mV) lorsque la concentration de l’électrolyte est suffisamment électrocapillaire
grande (> 0,1 M environ, soit les conditions habituelles d’utilisa-
tion d’un électrolyte support). La couche de Helmholtz peut alors
être considérée comme la région dans laquelle se produit la quasi- Les mesures de la tension interfaciale à la surface d’une électrode
totalité de la variation interfaciale ∆φ du potentiel électrique, entre immergée dans une solution électrolytique et l’influence des varia-
φEl et φsol (comme dans le premier modèle imaginé par Helmholtz, tions du potentiel de l’électrode sur cette grandeur permettent de
1863-79). mettre en évidence le phénomène de charge électrique à l’interface
et la formation de la double couche électrochimique. C’est dans le
cas de l’interface liquide / liquide constituée avec l’électrode de mer-
L’épaisseur de la double couche électrochimique est, dans ces cure que ces phénomènes ont été plus particulièrement étudiés (à
conditions, de l’ordre de quelques nanomètres. partir des travaux de Lippmann, 1875).

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Ψ γ (J . m–2)

0,4 NaF
(PCN)

KCl

NaBr

q El < 0 q El > 0 0,3 KI


(q sol > 0) (q sol < 0)
E
PCN –1 – 0,5 0 0,5
E /ENH (V)
Cd (µF . cm–2)
50 KCl 0,1M
q El
40
0
PCN E PCN
30

20 NaF 0,1M
Cd PCN
10

–1 – 0,5 0 0,5
PCN E E /ENH (V)

a courbes théoriques b courbes expérimentales faisant apparaître


l'effet de l'adsorption spécifique d'anions

Figure 8 – Courbes électrocapillaires γ = f (E), variation de la charge interfaciale et de la capacité différentielle de l’interface mercure / solution
aqueuse en fonction du potentiel d’électrode E

Au contact de deux phases, on peut d’une manière générale dis- 3.2.2 Capacité de double couche
tinguer une interphase limite qui possède un excédent d’énergie par
rapport à chacune des phases sous-jacentes. L’excédent d’enthalpie La courbe électrocapillaire permet de déterminer la charge qEl (ou
libre, rapporté à l’unité de surface, s’appelle tension superficielle ou qsol) et sa variation en fonction de E par application de la formule de
interfaciale (énergie par unité de surface, ou encore force par unité Lippmann :
de longueur, désignée par γ). Son origine est la compétition entre
∂γ
les interactions que subissent les constituants chimiques situés au q El = Ð ------- (61)
voisinage de l’interface, de la part de ceux qui se trouvent au sein de ∂E
la même phase (forces de cohésion de celle-ci) et de la part des Si l’on avait affaire à un condensateur idéal, de capacité indépen-
constituants de l’autre phase. Elle traduit la cohésion de l’interface dante de E, qEl serait une fonction linéaire de E et la courbe électro-
(qui adopte, à l’équilibre, l’état d’énergie minimale donc la plus capillaire une parabole à concavité tournée vers le bas. En fait, bien
petite superficie dans le cas d’une interface liquide / liquide). L’éner- que l’allure de la courbe électrocapillaire soit effectivement parabo-
gie γ varie selon la composition des deux phases, mais elle varie en lique (cf. figure 8), on constate expérimentalement que sa dérivée
outre avec la charge électrique accumulée à l’interface, en raison de première n’est pas rectiligne. Il s’ensuit que la capacité de la double
couche varie avec le potentiel imposé. On est ainsi conduit à définir
l’effet de répulsion qui s’établit entre les porteurs de cette charge, du
la capacité différentielle (par unité de surface, en F · cm−2) :
même signe d’un même côté de l’interface : la cohésion de l’inter-
face, donc l’énergie interfaciale, sont toutes deux diminuées par ∂ q El ∂2 γ
l’accroissement de charge électrique. C d = ----------- = Ð --------- (62)
∂E ∂ E2
La tension interfaciale varie donc en fonction de la ddp ∆φ et Des courbes de variation de Cd en fonction de E sont représentées
par suite en fonction du potentiel d’électrode E. La courbe électro- sur la figure 9. A noter que Cd est déterminée actuellement, le plus
capillaire γ = f (E) présente d’une façon générale un maximum qui fréquemment, par des mesures de l’impédance interfaciale.
correspond à la charge nulle de la double couche électrochimique On définit également la capacité intégrale (C ), valeur moyenne de
(qEl = − qsol = 0). Le potentiel auquel se situe ce maximum est appelé Cd dans l’intervalle de potentiel [PCN ; E] :
potentiel de charge nulle (PCN) de l’interface considérée (figure 8). E


1
( C ) = ---------------------- C d dE (63)
Il faut noter que q = 0 ne signifie pas que ∆φEl/sol = 0 car il subsiste E Ð PCN PCN
alors une orientation des molécules dipolaires de solvant adsorbées
à la surface de l’électrode, orientation génératrice d’un champ élec- L’ordre de grandeur des capacités de double couche électrochimi-
trique résiduel (⇒ ∆φ ≠ 0). que est, en solution aqueuse, de 5 à 50 µF · cm−2 (50 à 500 mF · m−2)

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[correspondant à une charge interfaciale de l’ordre de 5 à


50 mC · cm−2 pour 1 V de ddp interfaciale]. γ

3.2.3 Influence de l’adsorption à la surface


de l’électrode

L’adsorption d’une espèce chimique dans une phase liquide, accu-


mulation de cette espèce à l’interface entre ce liquide et une autre
phase (en l’occurrence, le métal de l’électrode), a pour cause des
interactions autres que les interactions électrostatiques responsa- E1 PCN E2 E
bles de la formation de la couche diffuse. Ces interactions sont de
deux types, selon qu’elles proviennent du liquide (du solvant) ou du Cd (µF . cm–2)
métal.
Dans le premier cas, il s’agit d’un effet de répulsion du soluté vers 200
la périphérie du liquide. Ainsi, des anions comme CIO 4Ð ,BF 4Ð ,I Ð , en
solution aqueuse, ont sur l’eau un effet déstructurant (c’est-à-dire
qui tend à détruire la structure d’association tétraédrique des molé-
cules d’eau), ayant pour conséquence l’accumulation de ces ions à
l’interface, au contact du métal, où l’état d’énergie minimale est 100
atteint, c’est-à-dire plus près de l’électrode que le PHE. D’une autre
manière, des ions ou des molécules organiques, porteurs de grou-
pes hydrophiles qui leur confèrent la solubilité dans l’eau, possè-
dent une partie hydrophobe (chaîne hydrocarbonée ; par exemple :
des alcools aliphatiques, des acides gras, etc.) qui est responsable
d’une répulsion de ces substances vers la surface du liquide où elles E1 E2 E
ont donc tendance à venir s’accumuler. solution de NaF seul après addition d'alcool caprylique
Dans le cas où les interactions proviennent du métal de l’élec-
trode, il s’agit de forces de liaison avec celui-ci, qui provoquent éga- Figure 9 – Courbe électrocapillaire et capacité différentielle
lement l’accumulation superficielle du soluté (par exemple, à la de l’interface mercure/solution aqueuse, faisant apparaître l’effet
surface d’une électrode de mercure, des substances sulfurées d’une substance tensioactive (non ionique)
comme la thio-urée ou la cystine).
Les substances adsorbées produisant des modifications de la ten-
sion interfaciale, on les qualifie de substances tensioactives. Cette 3.3 Courant capacitif
action se manifeste par des déformations de la courbe
électrocapillaire : lorsqu’une adsorption se produit (à l’intérieur d’un
domaine de potentiel d’électrode), la tension interfaciale se trouve Le phénomène de charge de l’interface électrode / solution occa-
abaissée. En ce qui concerne les anions, ceci se produit pour les sionne le passage d’un courant capacitif lorsqu’une variation de la
valeurs de E les plus élevées : la conséquence est un déplacement charge interfaciale doit se produire au cours du temps :
du maximum de la courbe électrocapillaire, c’est-à-dire du potentiel d q El
de charge nulle (PCN) vers une valeur plus basse qu’en l’absence j capa = ------------ (64)
d’adsorption spécifique (voir la figure 8 b). Par exemple, dans le cas dt
de l’interface mercure / solution aqueuse, la substitution à NaF 0,1 M C’est le cas, en premier lieu, lorsqu’on fait passer le potentiel de
(absence d’adsorption de F−) de KNO3 ou KI 0,1 M produit un dépla- l’électrode d’une valeur E1 à une valeur E2 (quasi instantanément),
cement du PCN de − 50 et − 260 mV respectivement (I− présentant du fait de la variation de qEl qui accompagne cette variation de E. Le
une adsorption particulièrement prononcée sur le mercure). courant capacitif transitoire correspondant présente, à partir de
En ce qui concerne les substances tensioactives non ioniques, l’instant où le changement de potentiel est produit, une décrois-
leur adsorption est affectée par le potentiel d’électrode différem- sance exponentielle ; compte tenu des faibles valeurs de Cd et des
ment selon leur polarité. Certaines (par exemple, la thio-urée sur le valeurs usuelles de la résistance Rcell, la durée de cette décroissance
mercure) sont adsorbées aux valeurs de E les plus élevées et désor- est très brève (inférieure à un millième de seconde, la constante de
bées aux basses valeurs ; elles provoquent alors, comme les anions temps τ = CdRcell étant de l’ordre de quelques dizaines de microse-
adsorbés, un déplacement du PCN vers les valeurs inférieures. condes).
D’autres (camphre, caféine, etc.) ont un effet opposé. D’autres enfin, Par ailleurs, l’imposition d’une variation continue du potentiel de
très peu polaires (alcool caprylique, par exemple), ne sont adsor- l’électrode entraîne l’existence d’un courant capacitif permanent,
bées que dans un domaine restreint de potentiel au voisinage du obéissant à la relation :
PCN, pour lequel le champ électrique auprès de l’électrode est le
moins intense : l’accroissement du champ électrique qui se produit d q El d E dE
vers les valeurs élevées et vers les valeurs basses de E entraîne en j capa = ------------ ------- = C d ------- (65)
dE dt dt
effet le remplacement à la surface de l’électrode des molécules non
polaires par des molécules dipolaires du solvant, plus fortement La valeur de ce courant capacitif est ainsi proportionnelle à la
attirées. vitesse de variation du potentiel E. Par exemple, si une variation de
potentiel de la forme E = Ein + b t est imposée, il apparaît un courant
Ce dernier phénomène se manifeste sur la courbe électrocapil- capacitif continu proportionnel à la vitesse b (constante) de varia-
laire par un aplatissement, qui se traduit par une modification de la tion de E, et dont la variation en fonction de E suit alors celle de la
charge de double couche et par suite de la capacité différentielle. capacité différentielle.
Aux potentiels auxquels se produit la transition adsorption-désorp-
tion, marqués par une forte courbure de la courbe électrocapillaire, Le courant capacitif intervient particulièrement dans l’étude expé-
de brusques accroissements de la capacité de double couche appa- rimentale des caractéristiques courant-potentiel des systèmes élec-
raissent, comme le montre la figure 9. trochimiques au moyen des méthodes électroanalytiques.

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