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Proposition bourse régionale – Liste principale – année 2008 – ED SHS Orléans

Intitulé du sujet : DROIT DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE ET


COLLECTIVITES TERRITORIALES

Directeur de thèse : François PRIET, Professeur de droit public

Laboratoire de rattachement : LABORATOIRE DES COLLECTIVITES LOCALES – EA 2080

Descriptif du sujet :
Le droit de la propriété intellectuelle, et notamment le droit d’auteur – mais il en va de même
de la réglementation de l’information et de l’internet –, s’impose chaque jour davantage aux
collectivités publiques, en particulier aux collectivités territoriales. Ce droit s’applique déjà
quotidiennement dans les bibliothèques, médiathèques, services de documentation et
d’archives, musées, services informatiques et services de communication. Il n’est pas
nécessaire d’y insister. Il s’applique aussi désormais, d’une manière qui pourrait sembler plus
surprenante, à des activités traditionnelles de ces collectivités : gestion des biens publics,
réalisation de travaux publics. Toute la difficulté est, pour elles, de concilier les exigences
liées au caractère d’intérêt général des missions qui leur sont confiées avec la protection
reconnue à l’auteur sur son œuvre par le droit de la propriété intellectuelle.
C’est ainsi que, par exemple, à propos de la gestion des biens publics, une jurisprudence
ancienne leur impose d’entretenir leurs œuvres d’art (CE, 3/04/1936, Sudre). Si, autre
exemple, une commune souhaite modifier la configuration d’un stade de sport pour renforcer
la sécurité des personnes qui y ont accès, peut-elle le faire sans méconnaître le droit d’auteur
de l’architecte de ce stade ? La nécessité d’assurer le maintien de l’ordre public va en ce sens.
Le droit d’exclusivité dont bénéficie le titulaire du droit d’auteur va en sens contraire. La
jurisprudence vient d’estimer que cette commune ne peut dénaturer son bien que pour
respecter des impératifs strictement indispensables (CE, 11/09/2006, M. Agopyan).
De même, en matière de marchés publics, alors que les principes de la commande publique
imposent de respecter des procédures de publicité et de mise en concurrence afin de favoriser
la transparence et lutter contre la corruption, le droit de la propriété intellectuelle reconnaît un
droit d’exclusivité aux auteurs de créations intellectuelles. Comment concilier ses deux
logiques contradictoires ? Le code des marchés publics tient compte de la nécessaire
protection du droit d’auteur puisqu’il dispose que les marchés et les accords-cadres qui ne
peuvent être confiés qu'à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques,
artistiques ou tenant à la protection de droits d'exclusivité peuvent être passés sans publicité ni
mise en concurrence (art. 35 CMP). Toutefois, le juge administratif, certainement conscient
que l’intérêt général ne peut pas entièrement ce soumettre au droit d’auteur, considère que la
conclusion d’un marché de prestations intellectuelles ne confère pas nécessairement au
prestataire un droit d’exclusivité pour un marché (CE, 13/07/2007, Syndicat d’agglomération
nouvelle Ouest-Provence)1.
Si le droit de la propriété intellectuelle s’impose donc aux collectivités territoriales, il peut
aussi leur bénéficier. Le Code de la propriété intellectuelle protège ainsi le nom, l’image, et la
renommée des collectivités territoriales (art. L. 711-4 CPI), et les juges ont eu l’occasion
1
Il s’agissait en l’espèce d’un établissement public (syndicat d’agglomération) qui avait passé un marché de
maîtrise d’œuvre avec une société d’architectes pour la construction d’un complexe sportif. Cet établissement
public a ensuite conclu avec la même société un nouveau marché sans publicité ni mise en concurrence, sur le
fondement de l’article 35-III-4° du code des marchés publics, pour transformer une salle de ce complexe sportif
en cours de construction. Le Conseil d’Etat annule en estimant que le premier contrat ne confère aucun droit
d’exclusivité à la société et qu’il faut donc passer un nouveau marché en respectant les règles de publicité et de
mise en concurrence.
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d’estimer que le fait d’intégrer, avec ou sans intention rémunératrice, le nom d’une commune
dans l’adresse internet d’un site peut constituer une contrefaçon et/ou des agissements
parasitaires susceptibles d’engager la responsabilité civile du créateur du site. Dans le même
sens, et pour prendre un autre exemple, il n’est pas impossible de penser que le droit de la
propriété intellectuelle pourrait bénéficier aux collectivités territoriales qui souhaiteraient
protéger leurs œuvres ou leurs biens de la reproduction que pourraient être tentée d’en faire
des vendeurs de cartes postales ou des groupes politiques dans le cadre d’une campagne
électorale.
Dans la sphère publique, le droit de la propriété intellectuelle n’est pas seulement applicable
aux collectivités publiques, il l’est également à leurs agents, qu’ils soient musiciens,
romanciers, ou archéologues. Le Code de la propriété intellectuelle précise en effet qu’ils
peuvent être titulaires d’un droit d’auteur (art. L. 113-9 CPI). Mais le législateur a pris soin de
tenir compte de la situation spécifique des collectivités publiques puisque, dans la mesure
strictement nécessaire à l'accomplissement d'une mission de service public, le droit
d'exploitation d'une oeuvre créée par un agent public dans l'exercice de ses fonctions ou
d'après les instructions reçues est, dès la création, cédé de plein droit à l'Etat ou aux
collectivités territoriales (art. L. 131-3-2 CPI). La conciliation de ces deux dispositions devra
faire l’objet, au fur et à mesure des affaires, d’une jurisprudence intéressante.

Comme le montre les situations ici rapidement envisagées, un tel travail de recherche présente
un indéniable intérêt pratique puisqu’il devrait permettre aux agents des collectivités
territoriales de mieux connaître un droit qu’ils doivent appliquer et qu’ils n’ont pas
nécessairement déjà rencontré. Mais ce sujet présente aussi un intérêt théorique véritable dans
la mesure où il contribue à illustrer l’interdépendance des sphères publique et privée et
l’irréductible arficialisme de cette séparation entre droit public et droit privé.

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