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II y a deux volets à la théorie searlienne des actes de langage : un volet d'examen des
conditions de félicité d'un acte de langage, avec pour exemple spécifique la promesse (Searle
1972) ; un volet de taxinomie des actes de langage (Searle 1982). Nous allons aborder tour à
tour ces deux aspects, tels qu'ils ont été développés par Searle.
À partir de ces deux principes, Searle adopte la méthode qui consiste à partir des
énoncés qui sont littéralement des promesses.
Selon Searle, énoncer une phrase dotée de signification, cela revient à accomplir quatre
types d'actes, dont le dernier est optionnel :
(01) Un acte d'énonciation, qui consiste à énoncer des mots ou des phrases ;
(02) Des actes prépositionnels qui correspondent à la référence et à la prédication ;
(03) Des actes illocutionnaires, qui consistent à poser une question, ordonner, promettre,
etc. ;
(04) Des actes perlocutionnaires, enfin, qui consistent à persuader, à convaincre, à effrayer,
etc.
Searle note que les notions d'actes propositionnels et d'actes illocutionnaires sont
étroitement liées à la forme linguistique : l'acte illocutionnaire, en effet, correspond
nécessairement à une phrase complète ; les actes propositionnels, quant à eux, correspondent
à l'énonciation d'un groupe nominal, s'il s'agit d'actes de référence, à renonciation d'un
groupe verbal ou prédicat grammatical, s'il s'agit d'actes de prédication.
C'est la même proposition qui est exprimée en (01), (02), (03) et (04), alors que chacun de
ces énoncés accomplit un acte illocutionnaire différent, soit, respectivement, une
affirmation, une question, un ordre, une exclamation.
Exprimer une proposition, c'est accomplir un acte propositionnel et, ipso facto, un
acte illocutionnaire.
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Searle propose, à partir de cette distinction entre proposition exprimée et acte
illocutionnaire accompli, de distinguer deux éléments de la structure syntaxique de la phrase
: le marqueur de contenu propositionnel et le marqueur de force illocutionnaire, le premier
indiquant la proposition exprimée, alors que le second indique l'acte illocutionnaire
accompli. On remarquera que cette distinction n'est réellement sensible syntaxiquement que
dans les performatifs explicites :
(05) J'ordonne que tu fermes la fenêtre.
(06) Je te promets que je fermerai la fenêtre.
⌐F (p)
F (⌐p)
En effet, suivant que la négation est illocutionnaire ou non, l'acte illocutionnaire n'est
pas le même. On le constate en considérant des exemples comme les suivants :
(07) Je ne te promets pas que je viendrai.
(08) Je te promets que je ne viendrai pas.
Dans cette mesure, si, comme le dit Searle, « parler une langue, c'est accomplir des
actes conformément à des règles » (Searle 1972), la réalisation d'un acte illocutionnaire
correspond à l'énoncé d'une phrase qui, suivant des conventions, satisfait les règles
constitutives attachées à l'acte illocutionnaire en question. Ainsi les conventions dépendent
des langues particulières, alors que les règles constitutives de tel ou tel acte de langage sont
universelles à travers les langues. Ce sont les conventions qui définissent la signification des
phrases et c'est la satisfaction des règles constitutives qui permet l'accomplissement de tel
ou tel acte illocutionnaire. Ce problème de la relation entre acte illocutionnaire et
convention, qui se ramène en dernier ressort à celui du rapport entre ce que l'on veut dire
et la signification des mots que l'on emploie, amène Searle au problème général de la
signification, et plus particulièrement à celui de la signification non naturelle telle que l'a
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définie Grice (Grice 1957).
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force illocutionnaire.
La règle 1 correspond aux conditions que nécessite toute communication : la langue est
commune, ni l'auditeur ni l'interlocuteur ne souffrent d'une infirmité qui leur interdirait de
communiquer, ils parlent sérieusement (il ne s'agit pas d'une situation de fiction). La règle
2 isole la proposition de l'acte illocutionnaire lui-même. La règle 3 caractérise plus
précisément la promesse. Les règles 4 et 5 sont les conditions préliminaires : la règle 4 permet
de distinguer la promesse de la menace et la règle 5 correspond à une loi de moindre effort
qui rappelle la maxime de qualité gricéenne « soyez pertinent ». La règle 6 permet de
distinguer les promesses sincères de celles qui ne le sont pas : Searle l'appelle condition de sincérité.
La règle 7 est la condition essentielle et constitue une nouvelle caractérisation de la
promesse. La règle 8 n'est que la reprise de la reformulation searlienne de la notion de
signification non naturelle. La règle 9, enfin, porte sur la conventionalité et indique
l'importance pour l'accomplissement d'une promesse des règles sémantiques qui gouvernent
l'emploi du marqueur de force illocutionnaire attaché à la promesse.
Searle revient cependant sur la condition de sincérité : en effet, si cette condition n'est
pas respectée, cela implique que la promesse n'est pas sincère, mais pas qu'il n'y a pas
promesse. En d'autres termes, le locuteur d'une promesse, qu'il soit ou qu'il ne soit pas
sincère, exprime, par son énoncé, l'intention de faire l'action et dans cette mesure, la
promesse, sincère ou non, implique toujours l'engagement du locuteur. Searle propose donc
la reformulation suivante de la condition 6 :
Searle en arrive alors aux règles sémantiques qui sont dérivées des règles constitutives de
la promesse et gouvernent l'emploi des marqueurs de force illocutionnaire attachés à la
promesse (ou Pr) :
Règle 1. Pr s'emploie uniquement dans le contexte d'une phrase (ou d'un segment de
discours plus vaste) T, dont l'énoncé permet de prédiquer un acte futur C à propos d'un locuteur
L (règle de contenu propositionnel).
Règle 2. Pr s'emploie uniquement si l'auditeur A préfère l'accomplissement de C par L à son
non-accomplissement, et si L pense que c'est le cas (règle préliminaire).
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Règle 3. Pr s'emploie uniquement s'il n'est évident ni pour L, ni pour A, que L serait conduit
de toute façon à effectuer C (règle préliminaire).
Règle 4. Pr s'emploie uniquement si L a l'intention d'effectuer C (règle de sincérité).
Règle 5. Employer Pr revient à contracter l'obligation d'effectuer C (règle essentielle).
Searle remarque que l'ordre des règles sémantiques n'est pas fortuit et que les premières
doivent s'appliquer pour que les suivantes le puissent.
Searle part d'une distinction entre verbes illocutionnaires et actes illocutionnaires : cette
distinction repose sur la distinction entre l'aspect illocutionnaire du langage qui transcende
les différences entre langues particulières et les verbes illocutionnaires qui appartiennent à
des langues particulières.
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(2) La direction de la relation d'ajustement entre les mots et le monde :
elle concerne le contenu propositionnel de l'acte et est une partie ou une
conséquence de son but illocutionnaire. Dans une assertion, les mots doivent
« s'ajuster » avec le monde ; dans une promesse, en revanche, le monde, par
le biais des actes du locuteur, doit « s'ajuster » aux mots.
(4) La force avec laquelle le but illocutionnaire est présenté : elle dépend
souvent du degré d'explicitation plus ou moins grand de l'acte, ou, si l'acte
est explicite, du verbe performatif employé.
On comparera, par ordre de force croissante, les exemples (09), (10) et (11) :
(09) Nous pourrions aller au cinéma.
(10) Je suggère que nous allions au cinéma.
(11) Je veux que nous allions au cinéma.
(8) Les différences dans le contenu propositionnel qui sont déterminées par
des mécanismes liés à la force illocutionnaire : on pensera ici à la différence
entre le rapport, qui concerne des états de choses passés ou présents, mais
pas futurs, et la prédiction, qui concerne des états de choses futurs.
(9) Les différences entre les actes qui ne peuvent être accomplis que par des
actes de langage et ceux qui peuvent aussi être accomplis autrement : on
peut décider, poser un diagnostic, etc., sans dire qu'on le fait, tandis qu'on ne
peut pas prêter serment sans dire qu'on le fait.
(10) Les différences entre des actes qui requièrent des institutions
extralinguistiques pour leur accomplissement et ceux qui n'en requièrent
pas : on pensera ici à l'excommunication, à la déclaration de guerre, etc.
(11) Les différences entre les actes dont le verbe correspondant a un usage
performatif et ceux dont le verbe n'a pas un tel usage : on pensera ici aux
verbes comme se vanter ou menacer.
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6.2. L'alternative searlienne à la classification austinienne
Searle fait un certain nombre de critiques à la classification austinienne des actes
illocutionnaires ; (a) la première est que ce n'est pas une classification d'actes
illocutionnaires mais une classification de verbes dont certains ne sont même pas
illocutionnaires. Par ailleurs, (b) la taxinomie austinienne ne repose sur aucun principe clair
ni même sur un ensemble de principes et ceci a pour conséquence le chevauchement entre
catégories, certains verbes appartenant à plusieurs catégories différentes. (c) Certaines
catégories, enfin, contiennent des verbes très différents dont une partie ne satisfait pas les
définitions données par Austin.
Searle propose donc sa propre classification, basée sur quatre seulement des critères
indiqués précédemment et permettant une description de la structure syntaxique profonde
des énoncés correspondants.
À noter que Searle part du principe que tous les actes illocutionnaires ont la structure
syntaxique profonde : Je verbe illocutionnaire + S.
En bref, les verbes illocutionnaires ne sont pas toujours des marqueurs de but
illocutionnaire mais marquent d'autres caractéristiques de l'acte illocutionnaire. Selon Searle,
la conclusion la plus importante, au terme de cette classification, c'est qu'il n'y a pas, comme
le voudraient Wittgenstein et ses successeurs, un nombre infini de jeux de langage, mais un
manque de clarté quant aux critères utilisés pour délimiter les jeux de langage.
L'autre contribution de Searle consiste en une description des conditions selon lesquelles un
acte illocutionnaire est ou n'est pas couronné de succès. Il distingue les règles préparatoires qui
portent sur la situation de communication (les interlocuteurs parlent la même langue, ils parlent «
sérieusement », etc.), la règle de contenu propositionnel (la promesse implique que le locuteur
s'attribue à lui-même l'accomplissement d'un acte futur), les règles préliminaires qui portent sur
des croyances d'arrière-plan (le locuteur d'un ordre souhaite que l'acte qu'il ordonne d'accomplir le
soit et il n'est pas évident qu'il le serait sans cet ordre), la règle de sincérité qui porte sur l'état
mental du locuteur (pour l'affirmation ou pour la promesse, il doit être sincère), la règle essentielle
qui spécifie le type d'obligation contractée par l'un ou l'autre des interlocuteurs (la promesse ou
l'assertion impliquent l'engagement du locuteur quant à ses intentions ou à ses croyances), les règles
d'intention et de convention qui décrivent les intentions du locuteur et la façon dont il les met en
application grâce à des conventions linguistiques, comme indiqué précédemment. Cette description
lui permet de donner une nouvelle classification des actes de langage et a servi de base à une
logique des actes illocutionnaires.
Bibliographie
Moeschler, J., Reboul, A., 1998, La pragmatique aujourd’hui, Paris, Seuil.
Moeschler, J., Reboul, A., 1994, Dictionnaire Encyclopédique de Pragmatique, Paris, Seuil.
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