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LA VERSION SEARLIENNE DE LA THÉORIE DES ACTES DE LANGAGE

II y a deux volets à la théorie searlienne des actes de langage : un volet d'examen des
conditions de félicité d'un acte de langage, avec pour exemple spécifique la promesse (Searle
1972) ; un volet de taxinomie des actes de langage (Searle 1982). Nous allons aborder tour à
tour ces deux aspects, tels qu'ils ont été développés par Searle.

1. Actes prépositionnels et actes illocutionnaires, marqueurs prépositionnels et


marqueurs de force illocutionnaire
Searle part du principe que l'unité de communication est la production même du
mot ou de la phrase et, dans cette optique, la production d'une occurrence de phrase est
un acte de langage. Dès lors, comme il le note lui-même, la théorie du langage est une partie
indissociable d'une théorie de l'action. Il ajoute à ce principe un second principe, le
principe d'exprimabilité, selon lequel tout ce que l'on veut dire peut être dit.

Qu’est-ce que le principe d'exprimabilité ?


Pour toute signification X, et pour tout locuteur L, chaque fois que L veut signifier
(l'intention de transmettre, désire de communiquer) X, alors il est possible qu'existé une
expression E, telle que E soit l'expression exacte ou la formulation exacte de X.

À partir de ces deux principes, Searle adopte la méthode qui consiste à partir des
énoncés qui sont littéralement des promesses.
Selon Searle, énoncer une phrase dotée de signification, cela revient à accomplir quatre
types d'actes, dont le dernier est optionnel :

(01) Un acte d'énonciation, qui consiste à énoncer des mots ou des phrases ;
(02) Des actes prépositionnels qui correspondent à la référence et à la prédication ;
(03) Des actes illocutionnaires, qui consistent à poser une question, ordonner, promettre,
etc. ;
(04) Des actes perlocutionnaires, enfin, qui consistent à persuader, à convaincre, à effrayer,
etc.

Searle note que les notions d'actes propositionnels et d'actes illocutionnaires sont
étroitement liées à la forme linguistique : l'acte illocutionnaire, en effet, correspond
nécessairement à une phrase complète ; les actes propositionnels, quant à eux, correspondent
à l'énonciation d'un groupe nominal, s'il s'agit d'actes de référence, à renonciation d'un
groupe verbal ou prédicat grammatical, s'il s'agit d'actes de prédication.

Comment, dans un énoncé, isole-t-on la proposition, fruit des actes propositionnels ?


Plusieurs énoncés, qui ont des forces illocutionnaires différentes, peuvent exprimer la
même proposition, d'où l'importance, face à un énoncé, de distinguer la proposition
exprimée par cet énoncé de l'acte illocutionnaire qu'il accomplit.
Considérons les exemples suivants, empruntés à Searle :
(01) Jean fume beaucoup.
(02) Jean fume-t-il beaucoup ?
(03) Fume beaucoup, Jean !
(04) Plût au ciel que Jean fumât beaucoup !

C'est la même proposition qui est exprimée en (01), (02), (03) et (04), alors que chacun de
ces énoncés accomplit un acte illocutionnaire différent, soit, respectivement, une
affirmation, une question, un ordre, une exclamation.
Exprimer une proposition, c'est accomplir un acte propositionnel et, ipso facto, un
acte illocutionnaire.

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Searle propose, à partir de cette distinction entre proposition exprimée et acte
illocutionnaire accompli, de distinguer deux éléments de la structure syntaxique de la phrase
: le marqueur de contenu propositionnel et le marqueur de force illocutionnaire, le premier
indiquant la proposition exprimée, alors que le second indique l'acte illocutionnaire
accompli. On remarquera que cette distinction n'est réellement sensible syntaxiquement que
dans les performatifs explicites :
(05) J'ordonne que tu fermes la fenêtre.
(06) Je te promets que je fermerai la fenêtre.

En (05) et (06), la principale est le marqueur de force illocutionnaire, la subordonnée


le marqueur propositionnel. Certes, tous les énoncés ne sont pas des performatifs explicites,
mais le principe d'exprimabilité prévoit qu'ils sont réductibles à des performatifs explicites.

Searle propose la notation F (p) où F correspond au marqueur de force illocutionnaire


et p à la proposition. Searle note que la distinction entre marqueur de force
illocutionnaire et marqueur de contenu propositionnel permet de rendre compte de
certains phénomènes de négation en autorisant la distinction entre négation illocutionnaire
et négation propositionnelle, celles-ci pouvant se représenter respectivement de la façon
suivante :

⌐F (p)
F (⌐p)

En effet, suivant que la négation est illocutionnaire ou non, l'acte illocutionnaire n'est
pas le même. On le constate en considérant des exemples comme les suivants :
(07) Je ne te promets pas que je viendrai.
(08) Je te promets que je ne viendrai pas.

2. Règles normatives, règles constitutives, conventions


Searle propose alors une nouvelle distinction, qui n'est pas proprement linguistique,
celle-là. Il s'agit de la distinction entre règles normatives et règles constitutives. Les règles
normatives ont pour objet des comportements ou des actions qui existent indépendamment
d'elles ; les règles constitutives, en revanche, créent des activités qui n'ont pas d'existence
indépendante. Ainsi, les règles de politesse, qui gèrent les relations entre individus, sont des
règles normatives : elles gèrent un objet, les relations individuelles, qui a une existence
indépendante. Les règles constitutives, quant à elles, sont typiquement les règles qui
gouvernent les jeux, le football par exemple : le football, sans les règles constitutives qui le
créent, n'aurait pas d'existence. Cette caractéristique des règles constitutives a une
conséquence : alors que les règles normatives ont en général une forme impérative, les règles
constitutives prennent volontiers la forme d'une définition. Ainsi la règle de l'échec et mat
est la définition de ce qu'est la situation d'échec et mat dans le jeu d'échecs.

Dans cette mesure, si, comme le dit Searle, « parler une langue, c'est accomplir des
actes conformément à des règles » (Searle 1972), la réalisation d'un acte illocutionnaire
correspond à l'énoncé d'une phrase qui, suivant des conventions, satisfait les règles
constitutives attachées à l'acte illocutionnaire en question. Ainsi les conventions dépendent
des langues particulières, alors que les règles constitutives de tel ou tel acte de langage sont
universelles à travers les langues. Ce sont les conventions qui définissent la signification des
phrases et c'est la satisfaction des règles constitutives qui permet l'accomplissement de tel
ou tel acte illocutionnaire. Ce problème de la relation entre acte illocutionnaire et
convention, qui se ramène en dernier ressort à celui du rapport entre ce que l'on veut dire
et la signification des mots que l'on emploie, amène Searle au problème général de la
signification, et plus particulièrement à celui de la signification non naturelle telle que l'a

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définie Grice (Grice 1957).

3. La signification non naturelle revue par Searle


Searle part de la différence qu'il y a entre émettre des sons et accomplir un acte
illocutionnaire : pour qu'en émettant des sons on accomplisse un acte illocutionnaire, il faut,
à tout le moins, que les sons aient une signification et qu'ils soient employés pour signifier
quelque chose. En d'autres termes, le locuteur doit avoir l'intention de signifier quelque
chose. Le philosophe américain Grice (1957) a proposé la notion de signification non
naturelle, qu'il définit informellement de la façon suivante : « dire qu'un locuteur L a
voulu signifier quelque chose par X, c'est dire que L a eu l'intention, en énonçant X, de
produire un effet sur l'auditeur A grâce à la reconnaissance par A de cette intention. » Le
point central de cette définition, c'est que le locuteur provoque l'effet intentionné chez son
interlocuteur du fait que cet interlocuteur reconnaît son intention.

Cependant, malgré l'intérêt de la notion gricéenne de signification non naturelle, elle


n'est pas tout à fait adéquate selon Searle : en effet, c'est principalement à des effets
perlocutionnaires qu'a pensé Grice. Or, selon Searle, dire quelque chose et vouloir signifier
ou communiquer ce que l'on dit, c'est accomplir un acte illocutionnaire et viser, ipso facto,
un effet illocutionnaire, typiquement la compréhension de ce qu'a dit le locuteur.
Cependant, analyser la signification en termes de compréhension serait circulaire : c'est ici
que les règles constitutives jouent un rôle comme on peut le voir en comparant l'analyse de
la signification non naturelle donnée par Grice et sa modification par Searle.

Analyse de la signification non naturelle selon Grice


Dire que le locuteur L signifie de façon non naturelle quelque chose au moyen de X,
c'est dire que :
(a) L, par l'emploi E de X, a l'intention i-1 de produire chez l'auditeur A un certain
effet perlocutionnaire EP.
(b) L a l'intention, par E, de produire EP par la reconnaissance de i-1.

Analyse de la signification non naturelle par Searle


Dire que L énonce la phrase T avec l'intention de signifier T (c'est-à-dire qu'il signifie
littéralement ce qu'il dit), c'est dire que : L énonce T et que :

(a) L, par l'énoncé E de T, a l'intention i-1 de faire connaître (reconnaître, prendre


conscience) à A que la situation spécifiée par les règles de T (ou certaines d'entre elles)
est réalisée. (Appelons cet effet, l'effet illocutionnaire EI.)
(b) L a l'intention, par E, de produire EI par la reconnaissance de i-1.
(c) L'intention de L est que i-1 soit reconnue en vertu (ou au moyen) de la
connaissance qu'a A des règles (certaines d'entre elles) gouvernant (les éléments) T.

Cette reformulation searlienne de la notion de signification non naturelle amène Searle


aux règles constitutives des actes illocutionnaires et on ne s'étonnera pas que, à la suite de
Reinach et d'Austin, son exemple soit la promesse.

4. La promesse : règles constitutives et règles sémantiques


Arrivé à ce point, Searle introduit la possibilité de l'échec d'un acte illocut ionnaire. Si
les règles constitutives, qui conditionnent l'existence même d'un acte illocutionnaire donné,
ne sont pas respectées, ou ne sont pas toutes respectées, il y aura échec de l'acte
illocutionnaire en question et cet échec sera différent suivant que c'est une règle ou une autre
qui a été violée. Ceci lui permet de distinguer les règles constitutives des règles sémantiques.
Les premières sont attachées à l'acte illocutionnaire lui-même et le constituent alors que les
secondes sont dérivées des règles constitutives et régissent seulement l'emploi du marqueur de

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force illocutionnaire.

Searle donne, pour la promesse, les règles constitutives suivantes :

Règles constitutives de la promesse


1. Les conditions normales de départ et d'arrivée sont remplies.
2. L exprime la proposition que p, en employant T.
3. Dans l'expression de p, L prédique à propos de L un acte futur C.
4. A préférerait l'accomplissement de C par L à son non-accomplissement, et
L pense que c'est le cas.
5. Il n'est pas évident, ni pour L, ni pour A, que L serait conduit de toute façon à
effectuer C.
6. L a l'intention d'effectuer C.
7. L'intention de L est que l'énoncé de T le mette dans l'obligation d'effectuer C.
8. L a l'intention i-1 d'amener A à la connaissance K que l'énoncé de T doit
revenir à mettre L dans l'obligation d'effectuer C. L a l'intention de produire K
par la reconnaissance de i-1, et son intention est que i-1 soit reconnue en vertu
(ou au moyen) de la connaissance qu'a A de la signification de T.
9. Les règles sémantiques de la langue parlée par L et A sont telles que T est
employée correctement et sincèrement si, et seulement si, les conditions 1 à 8
sont réalisées.

La règle 1 correspond aux conditions que nécessite toute communication : la langue est
commune, ni l'auditeur ni l'interlocuteur ne souffrent d'une infirmité qui leur interdirait de
communiquer, ils parlent sérieusement (il ne s'agit pas d'une situation de fiction). La règle
2 isole la proposition de l'acte illocutionnaire lui-même. La règle 3 caractérise plus
précisément la promesse. Les règles 4 et 5 sont les conditions préliminaires : la règle 4 permet
de distinguer la promesse de la menace et la règle 5 correspond à une loi de moindre effort
qui rappelle la maxime de qualité gricéenne « soyez pertinent ». La règle 6 permet de
distinguer les promesses sincères de celles qui ne le sont pas : Searle l'appelle condition de sincérité.
La règle 7 est la condition essentielle et constitue une nouvelle caractérisation de la
promesse. La règle 8 n'est que la reprise de la reformulation searlienne de la notion de
signification non naturelle. La règle 9, enfin, porte sur la conventionalité et indique
l'importance pour l'accomplissement d'une promesse des règles sémantiques qui gouvernent
l'emploi du marqueur de force illocutionnaire attaché à la promesse.

Searle revient cependant sur la condition de sincérité : en effet, si cette condition n'est
pas respectée, cela implique que la promesse n'est pas sincère, mais pas qu'il n'y a pas
promesse. En d'autres termes, le locuteur d'une promesse, qu'il soit ou qu'il ne soit pas
sincère, exprime, par son énoncé, l'intention de faire l'action et dans cette mesure, la
promesse, sincère ou non, implique toujours l'engagement du locuteur. Searle propose donc
la reformulation suivante de la condition 6 :

6 a. L'intention de L est que l'énoncé de T le rendra responsable de son intention d'effectuer C.

Searle en arrive alors aux règles sémantiques qui sont dérivées des règles constitutives de
la promesse et gouvernent l'emploi des marqueurs de force illocutionnaire attachés à la
promesse (ou Pr) :
Règle 1. Pr s'emploie uniquement dans le contexte d'une phrase (ou d'un segment de
discours plus vaste) T, dont l'énoncé permet de prédiquer un acte futur C à propos d'un locuteur
L (règle de contenu propositionnel).
Règle 2. Pr s'emploie uniquement si l'auditeur A préfère l'accomplissement de C par L à son
non-accomplissement, et si L pense que c'est le cas (règle préliminaire).

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Règle 3. Pr s'emploie uniquement s'il n'est évident ni pour L, ni pour A, que L serait conduit
de toute façon à effectuer C (règle préliminaire).
Règle 4. Pr s'emploie uniquement si L a l'intention d'effectuer C (règle de sincérité).
Règle 5. Employer Pr revient à contracter l'obligation d'effectuer C (règle essentielle).

Searle remarque que l'ordre des règles sémantiques n'est pas fortuit et que les premières
doivent s'appliquer pour que les suivantes le puissent.

5. Conséquences des règles constitutives et des règles sémantiques des actes


illocutionnaires
Selon Searle, ce double ensemble de règles a un certain nombre de conséq uences.
(1) Lorsqu'un état psychologique, sentiment, croyance, intention, attitude, etc.,
correspond à un acte illocutionnaire, l'accomplissement de cet acte implique, ipso
facto, l'expression de l'état en question.
(2) II ne peut y avoir non-sincérité que lorsqu'à l'acte illocutionnaire correspond un
état psychologique donné.
(3) Par l'accomplissement d'un acte illocutionnaire, le locuteur sous -entend que les
conditions préliminaires sont remplies.
(4) On peut accomplir un acte illocutionnaire de façon implicite lorsque la situation
indique la nature de l'acte.
(5) La force illocutionnaire d'un énoncé peut toujours être rendue explicite.
(6) Certains actes illocutionnaires sont des cas particuliers d'autres actes : ainsi, la
question est un cas particulier de la demande.
(7) La condition essentielle détermine les autres conditions.
(8) Les différences entre actes illocutionnaires ne se font pas de façon uniforme : elles
peuvent reposer sur des facteurs aussi différents que le but de l'acte, le rapport entre locuteur
et auditeur, le degré de l'engagement impliqué par l'acte, la différence de contenu
propositionnel, le rapport entre le contenu propositionnel de l'acte et les intentions du
locuteur, les états psychologiques exprimés, le rapport entre l'expression utilisée et le
contexte linguistique où apparaît cette expression.
(9) Certains verbes illocutionnaires impliquent un effet perlocutionnaire, mais ce
n'est pas le cas de tous les verbes illocutionnaires.

6. La taxinomie searlienne des actes illocutionnaires


Dans un article paru quelques années après Les Actes de langage, « A classification of
illocutionary acts » (Searle 1977,1979 et, pour la version française, 1982), Searle aborde les
actes illocutionnaires sous l'angle de la classification. Il commence par rappeler les cinq
catégories de base dégagées par Austin : les verdictifs, les exercitifs, les promissifs, les
comportatifs, les expositifs. C'est cette classification austinienne qu'il se donne pour tâche de
réexaminer et de modifier, si nécessaire, sous certains aspects dans son article.

Searle part d'une distinction entre verbes illocutionnaires et actes illocutionnaires : cette
distinction repose sur la distinction entre l'aspect illocutionnaire du langage qui transcende
les différences entre langues particulières et les verbes illocutionnaires qui appartiennent à
des langues particulières.

6.1. Les critères d'une taxinomie des actes illocutionnaires


Searle donne une liste des critères qu'il retient pour l'établissement d'une taxinomie des
actes illocutionnaires :

(1) Le but de l'acte : le but de l'acte illocutionnaire ou but illocutionnaire


correspond aux conditions essentielles de l'analyse searlienne des actes de
langage. Il constitue une partie de sa force illocutionnaire.

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(2) La direction de la relation d'ajustement entre les mots et le monde :
elle concerne le contenu propositionnel de l'acte et est une partie ou une
conséquence de son but illocutionnaire. Dans une assertion, les mots doivent
« s'ajuster » avec le monde ; dans une promesse, en revanche, le monde, par
le biais des actes du locuteur, doit « s'ajuster » aux mots.

(3) Les états psychologiques exprimés : lorsqu'un locuteur accomplit un acte


illocutionnaire, il indique ipso facto une attitude par rapport au contenu
propositionnel de l'acte. L'état psychologique, on le notera, correspond à la
condition de sincérité de l'analyse des actes de langage.

(4) La force avec laquelle le but illocutionnaire est présenté : elle dépend
souvent du degré d'explicitation plus ou moins grand de l'acte, ou, si l'acte
est explicite, du verbe performatif employé.

On comparera, par ordre de force croissante, les exemples (09), (10) et (11) :
(09) Nous pourrions aller au cinéma.
(10) Je suggère que nous allions au cinéma.
(11) Je veux que nous allions au cinéma.

(5) Le statut respectif du locuteur et de l'interlocuteur et son influence sur


la force illocutionnaire de l'énoncé : ceci correspond à une des conditions
préparatoires de l'analyse des actes de langage.

(6) Les relations de l'énoncé aux intérêts du locuteur et de l'interlocuteur :


ceci correspond à une autre condition préparatoire.

(7) Les relations au reste du discours : ceci concerne principalement les


expositifs de la classification austinienne, c'est-à-dire les verbes du type
répondre, conclure, objecter, etc. On peut leur ajouter des connecteurs
comme cependant, par ailleurs, etc.

(8) Les différences dans le contenu propositionnel qui sont déterminées par
des mécanismes liés à la force illocutionnaire : on pensera ici à la différence
entre le rapport, qui concerne des états de choses passés ou présents, mais
pas futurs, et la prédiction, qui concerne des états de choses futurs.

(9) Les différences entre les actes qui ne peuvent être accomplis que par des
actes de langage et ceux qui peuvent aussi être accomplis autrement : on
peut décider, poser un diagnostic, etc., sans dire qu'on le fait, tandis qu'on ne
peut pas prêter serment sans dire qu'on le fait.

(10) Les différences entre des actes qui requièrent des institutions
extralinguistiques pour leur accomplissement et ceux qui n'en requièrent
pas : on pensera ici à l'excommunication, à la déclaration de guerre, etc.

(11) Les différences entre les actes dont le verbe correspondant a un usage
performatif et ceux dont le verbe n'a pas un tel usage : on pensera ici aux
verbes comme se vanter ou menacer.

(12) Le style de l'accomplissement de l'acte : on peut penser à la différence


entre annoncer et confier.

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6.2. L'alternative searlienne à la classification austinienne
Searle fait un certain nombre de critiques à la classification austinienne des actes
illocutionnaires ; (a) la première est que ce n'est pas une classification d'actes
illocutionnaires mais une classification de verbes dont certains ne sont même pas
illocutionnaires. Par ailleurs, (b) la taxinomie austinienne ne repose sur aucun principe clair
ni même sur un ensemble de principes et ceci a pour conséquence le chevauchement entre
catégories, certains verbes appartenant à plusieurs catégories différentes. (c) Certaines
catégories, enfin, contiennent des verbes très différents dont une partie ne satisfait pas les
définitions données par Austin.

Searle propose donc sa propre classification, basée sur quatre seulement des critères
indiqués précédemment et permettant une description de la structure syntaxique profonde
des énoncés correspondants.

À noter que Searle part du principe que tous les actes illocutionnaires ont la structure
syntaxique profonde : Je verbe illocutionnaire + S.

Searle donne la liste suivante :

(01) Les représentatifs : le locuteur s'engage sur la vérité de la proposition


exprimée (c'est le but illocutionnaire) ; les mots s'ajustent au monde ; l'état
psychologique est la croyance ; le degré d'engagement dépend du verbe
utilisé ; le test d'un représentatif, c'est la réponse à la question Est-ce qu'on
peut littéralement dire de l'énoncé qu'il est vrai ou faux ?
Leur structure syntaxique profonde est : Je verbe illocutionnaire que + S.

(02) Les directifs : le but illocutionnaire des directifs, c’est que le


locuteur cherche à faire faire quelque chose par l'interlocuteur ; la direction
de l'ajustement va du monde aux mots ; l'attitude correspondant à la
condition de la sincérité est le désir ; le contenu propositionnel est que
l'interlocuteur doit faire quelque chose.
La structure syntaxique profonde est : Je te verbe illocutionnaire que tu VP (au
futur).

(03)Les promissifs : le but illocutionnaire des promissifs est d'obliger le


locuteur à accomplir certain(s) acte(s); la direction de l'ajustement va du
monde aux mots; la condition de sincérité concerne l'intention; le contenu
propositionnel est que le locuteur fera quelque chose.
La structure syntaxique profonde est : Je (te) verbe illocutionnaire que je VP (au
futur) .

(04)Les expressifs : le but illocutionnaire des expressifs est d'exprimer l'état


psychologique, spécifié par la condition de sincérité, par rapport à l'état de
choses spécifié dans le contenu propositionnel ; dans les expressifs, il n'y a pas
de direction d'ajustement et la vérité de la proposition exprimée est
présupposée.
La structure profonde est : Je te verbe illocutionnaire de je/tu VP.

(05)Les déclaratifs : ils ont pour caractéristique de provoquer la vérité de


leur contenu propositionnel ; ce sont ceux qui ont représenté au départ de la
théorie des actes de langage la classe des performatifs ; ils impliquent une
institution extralinguistique ainsi que des statuts respectifs bien spécifiques
pour le locuteur et l'interlocuteur ; la direction d'ajustement est double,
elle va aussi bien dans le sens mots-monde que dans le sens monde-mots.
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La structure syntaxique profonde est : Je verbe illocutionnaire NP 1 + NP2

En bref, les verbes illocutionnaires ne sont pas toujours des marqueurs de but
illocutionnaire mais marquent d'autres caractéristiques de l'acte illocutionnaire. Selon Searle,
la conclusion la plus importante, au terme de cette classification, c'est qu'il n'y a pas, comme
le voudraient Wittgenstein et ses successeurs, un nombre infini de jeux de langage, mais un
manque de clarté quant aux critères utilisés pour délimiter les jeux de langage.

RÉSUMÉ DE LA THÉORIE DE SEARLE


Searle ne s'intéresse qu'aux actes illocutionnaires. Il est dubitatif quant à l'existence des actes
perlocutionnaires et ne s'intéresse guère, à juste titre, aux actes locutionnaires. Sa contribution
principale consiste à distinguer, dans une phrase, ce qui relève de l'acte illocutionnaire lui-même
et qu'il appelle le marqueur de force illocutionnaire et ce qui relève du contenu de l'acte et qu'il
appelle le marqueur de contenu propositionnel. Ainsi, dans la phrase « Je te promets que je viendrai
demain », « Je te promets » est le marqueur de force illocutionnaire et «je viendrai demain » est
le marqueur de contenu propositionnel. Dans cette mesure, le locuteur qui prononce la phrase « Je
te promets que je viendrai demain » a une première intention, celle de promettre de venir demain,
et il satisfait cette intention grâce à des règles linguistiques conventionnelles qui fixent la signifi-
cation de la phrase « Je te promets que je viendrai demain ». En d'autres ternes, le locuteur a
l'intention de promettre qu'il viendra demain et il satisfait cette intention par la production de la
phrase « Je te promets que je viendrai demain » parce qu'il a l'intention, en prononçant cette
phrase, de faire reconnaître à son interlocuteur son intention de promettre de venir demain par la
connaissance qu'a son interlocuteur des règles qui régissent le sens des expressions de la langue
qu'ils parlent l'un et l'autre. Ainsi, le locuteur a une double intention :

a) Promettre de venir demain ;


b) Faire reconnaître cette intention par la production de la phrase « Je te promets
de venir demain » en vertu des règles conventionnelles qui gouvernent
l'interprétation de cette phrase dans la langue commune.

L'autre contribution de Searle consiste en une description des conditions selon lesquelles un
acte illocutionnaire est ou n'est pas couronné de succès. Il distingue les règles préparatoires qui
portent sur la situation de communication (les interlocuteurs parlent la même langue, ils parlent «
sérieusement », etc.), la règle de contenu propositionnel (la promesse implique que le locuteur
s'attribue à lui-même l'accomplissement d'un acte futur), les règles préliminaires qui portent sur
des croyances d'arrière-plan (le locuteur d'un ordre souhaite que l'acte qu'il ordonne d'accomplir le
soit et il n'est pas évident qu'il le serait sans cet ordre), la règle de sincérité qui porte sur l'état
mental du locuteur (pour l'affirmation ou pour la promesse, il doit être sincère), la règle essentielle
qui spécifie le type d'obligation contractée par l'un ou l'autre des interlocuteurs (la promesse ou
l'assertion impliquent l'engagement du locuteur quant à ses intentions ou à ses croyances), les règles
d'intention et de convention qui décrivent les intentions du locuteur et la façon dont il les met en
application grâce à des conventions linguistiques, comme indiqué précédemment. Cette description
lui permet de donner une nouvelle classification des actes de langage et a servi de base à une
logique des actes illocutionnaires.

Bibliographie
Moeschler, J., Reboul, A., 1998, La pragmatique aujourd’hui, Paris, Seuil.
Moeschler, J., Reboul, A., 1994, Dictionnaire Encyclopédique de Pragmatique, Paris, Seuil.

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